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LUCRECE EXTRAITS

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LUCRÈCE EXTRAITS
Wikipedia : Lucrèce (en latin Titus Lucretius Carus) est
un poète philosophe latin du Ier siècle av. J.-C. (peut-être 98-55), auteur d'un seul livre
inachevé, le De rerum natura (De la nature des choses, qu’on traduit le plus souvent par De
la nature), un long poème passionné qui décrit le monde selon les principes d'Épicure.
Le poème se présente comme une tentative de « briser les forts verrous des portes de la
nature », c’est-à-dire de révéler au lecteur la nature du monde et des phénomènes naturels.
Selon Lucrèce, qui s'inscrit dans la tradition épicurienne, cette connaissance du monde doit
permettre à l'homme de se libérer du fardeau des superstitions, notamment religieuses,
constituant autant d'entraves qui empêchent chacun d'atteindre l'ataraxie, c’est-à-dire la
tranquillité de l'âme. « Il n'y a sans doute pas de plus beau poème scientifique que le De
Natura Rerum1. »
Préambule :..c'est un système qui comprend et le ciel et les dieux que je prétends t'exposer ; ce
sont les principes des choses que je vais te découvrir; je te dirai de quoi la nature les crée, les
entretient, les nourrit; à quoi, après leur dissolution, la nature les ramène; et je désignerai ces
éléments par les noms de matière, de corps générateurs, ou de semences des choses, les
appelant aussi corps premiers, parce qu'en eux tout a son origine…
Peut-être vas-tu croire qu'on t'initie à des doctrines impies et qu'on t'ouvre la voie du crime? Au
contraire, c'est la superstition qui a enfanté trop d'impiétés criminelles. Rappelle-toi la honte
d'Aulis sur l’autel de Diane…, souillé du sang d'Iphigénie par l'élite des chefs grecs, la fleur des
guerriers…. au temps même de l'hymen, elle tombe, triste victime, immolée par un père qui
veut obtenir des dieux pour sa flotte un heureux départ. Tant la superstition a pu conseiller
d'horreurs!...
Cette terreur, ces ténèbres de l'âme, il faut, pour les dissiper, non pas les rayons du soleil, les
traits lumineux du jour, mais la vue exacte de la nature et son explication raisonnée.
…nous sommes tous nés d'une semence venue du ciel; l'éther est notre père commun ; c'est de
lui que la terre, notre mère nourricière, reçoit les gouttes de la pluie fécondante et enfante ainsi
les brillantes moissons, les arbres vigoureux et la race des hommes, ainsi que toutes les espèces
sauvages…
1-RIEN NE PEUT NAÎTRE DU NÉANT
Le principe qui nous servira de point de départ, c'est que rien ne peut être engendré de rien par
l'effet d'une puissance divine.
Argument :
Si de rien pouvait se former quelque chose, de tout corps indifféremment pourraient naître
toutes les espèces ; À aucune il ne faudrait de semence. Ainsi de la mer pourraient sortir les
hommes, de la terre les espèces qui portent écaille ou qui volent ; du ciel s'élanceraient les
grands troupeaux, le petit bétail ; les bêtes sauvages, produits du hasard, occuperaient
indifféremment régions habitées ou déserts. On ne verrait point constamment les mêmes fruits
aux mêmes arbres ; l'ordre des productions changerait, tout pourrait tout produire. Comme il
n'y aurait point pour chaque être d'éléments générateurs, comment chacun pourrait-il avoir une
nature déterminée? Mais à la vérité, comme les êtres ont tous leur semence propre, ils naissent
et abordent aux rives de la lumière dès que se trouve prête la matière de chacun, avec ses
éléments premiers ; et c'est ainsi que tout ne peut s'engendrer de tout, à cause des propriétés
distinctes de chaque corps…Allons plus loin; pour l'accroissement des êtres il ne serait plus
besoin du temps nécessaire à l'assemblage de leurs éléments, s'ils pouvaient se faire de rien. On
deviendrait jeune homme en un moment, à peine sorti de la première enfance; de la terre
s'élanceraient tout à coup des arbres déjà grands. Or il est clair que rien de cela n'arrive, que
toutes choses au contraire se développent par degrés… Il faut donc avouer que rien ne peut
provenir de rien, puisqu'il faut à toute chose une semence pour être créée et pour se
développer ensuite aux souffles tendres de l'air.
2- Rien ne retourne au néant
Autre vérité : la nature réduit chaque corps en ses parties élémentaires, mais ne le fait point
périr, ne l'anéantit point. S'il y en avait de mortels en toutes leurs parties, les choses
disparaîtraient tout à coup à nos yeux et cesseraient d'exister; il ne serait, en effet, besoin
d'aucune force pour en séparer les parties, pour en délier les nœuds. Tandis qu'étant formées
d'éléments éternels, jusqu'au jour où une force les heurte du dehors ou les pénètre par les vides
qu'elles présentent, et en détruit l'assemblage, jamais la nature ne nous en laisse voir la fin….
D'ailleurs, tout ce que le temps dérobe à nos yeux, s'il le détruisait tout entier, s'il en consumait
toute la matière, comment Vénus pourrait-elle ramener sans cesse à la lumière de la vie les
générations des espèces, comment la terre industrieuse pourrait-elle les nourrir et les
développer? Où la mer aurait-elle ses sources?... Il ne se peut donc pas que quoi que ce soit
retourne au néant … Ainsi nul corps ne retourne au néant, mais tous retournent, après leur
dissolution, aux éléments de la matière.
Rien donc ne se perd tout à fait de ce qui semblait périr, puisque d'un être fini la nature reforme
un être qui commence, et que ce n'est que par la mort des uns qu'elle procure la vie aux autres.
Tu sais donc maintenant que les choses ne s'engendrent point du néant, et qu'une fois
produites, elles n'y retournent point.
3- Il n’y a dans la réalité que la matière et le vide (l’espace infini) dans lequel se déploie cette
matière. Il n’y a pas d’autre réalité. Si les structures corporelles sont vouées à l’usure et à la
mort (tous les corps composés s’usent), les atomes qui les composent restent éternels.
Toutefois, puisque la logique, puisque la nature elle- même nous mène à cette vérité, apprends
en quelques vers qu'il existe des corps, solides et éternels, semence et principe des choses, par
lesquels a été constitué l'univers….
Ainsi nul corps ne retourne au néant, mais tous retournent, après leur dissolution, aux éléments
de la matière…Les corps, ce sont d'une part les principes simples des choses, les atomes, et
d'autre part les composés formés (ex la planète terre, les corps humains, les poissons etc.) par
ces éléments premiers. Pour ces éléments premiers, il n'est aucune force qui puisse les détruire;
à toute atteinte leur solidité résiste….Au reste, si l'on n'admet pas dans la nature un dernier
terme de petitesse, les corps les plus petits seront composés d'une infinité de parties, puisque
chaque moitié de moitié aura toujours une moitié, et cela à l'infini. Quelle différence y aurait-il
alors entre l'univers même et le plus petit corps? On n'en pourrait point établir; car si infiniment
étendu qu'on suppose l'univers, les corps les plus petits seraient eux aussi composés d'une
infinité de parties .
Ne crois pas, cependant, qu'il n'y ait partout que matière : car il y a du vide dans la nature… S'il
n'y en avait point, les corps ne pourraient absolument se mouvoir…
Donc, en dehors du vide et des corps, il n'y a point place dans la série des choses pour un
troisième état (un monde de l’esprit) susceptible de tomber sous nos sens ou d'être atteint par
la pensée.
Dans tous les êtres qui ont un nom, ne vois que propriétés ou accidents soit du vide, soit des
corps…
Il importe donc de considérer, non seulement la nature des éléments, mais encore leurs
mélanges ; les positions respectives qu'ils prennent, leurs mouvements réciproques. Les mêmes,
en effet, qui forment le ciel, la mer, les terres, les fleuves, le soleil, forment aussi les moissons,
les arbres, les êtres vivants : mais les mélanges, l'ordre des combinaisons, les mouvements,
voilà ce qui diffère. Réfléchis; dans nos vers mêmes tu vois nombre de lettres communes à
nombre de mots, et cependant ces vers, ces mots, est-ce qu'ils ne sont pas différents par le sens
et par le son? Tel est le pouvoir des lettres quand seulement l'ordre en est changé...
L'univers total n'est donc limité nulle part ; autrement, il aurait une extrémité…. Il ne peut pas y
avoir de centre dans une étendue infinie, …notre univers n'a point d'extrémité, donc point de
limite ni de mesure…Si quelqu'un s'élançait jusqu'à ses bords extrêmes, et de là fit voler une
flèche ailée…penses-tu qu'il puisse rencontrer un obstacle dont serait brisée sa course? … sans
cesse s'ouvrira au vol de la flèche une nouvelle perspective .
4- La création des corps dans l’univers n’est pas le résultat d’un but poursuivi, mais d’accidents
successifs
Ce n'est certes pas en vertu d'un dessein arrêté, et par raison clairvoyante, que les premiers
principes des choses sont venus prendre chacun leur place. Ils n'ont pas combiné entre eux
leurs mouvements respectifs ; mais après avoir subi maints changements de maintes sortes à
travers le grand tout, heurtés, déplacés au cours des âges par des chocs incessants, à force
d'essayer toutes sortes de mouvements et d'assemblages divers, ils arrivent enfin à un ordre
dont notre monde est le résultat... ces combinaisons ont produit non seulement notre monde,
mais encore une infinité d'autres.
…j'oserais encore, sur le simple examen des phénomènes du ciel et sur bien d'autres faits,
affirmer que l'univers n'a pas été fait pour nous de création divine, tant l'ouvrage est
défectueux.
Il existe en ces matières un grave vice de pensée, une erreur qu'il faut absolument éviter. Le
pouvoir des yeux ne nous a pas été donné, comme nous pourrions croire, pour nous
permettre de voir au loin, de même ce n'est pas ... les mains ne sont pas de dociles servantes à
nos côtés, pour que nous en fassions usage dans les besoins de la vie…. Toute explication de
ce genre est à contresens et prend le contre-pied de la vérité. Rien en effet ne s'est formé
dans le corps pour notre usage ; mais ce qui s'est formé, on en use. Aucune faculté de voir
n'exista avant la constitution des yeux, aucune parole avant la création de la langue: c'est au
contraire la langue qui a précédé de beaucoup la parole, et les oreilles ont existé bien avant
l'audition des sons; enfin tous nos organes existaient, à mon sens, avant qu'on en fit usage, ce
n'est donc pas en vue de nos besoins qu'ils ont été créés. Mais il faut faire une distinction pour
tout ce qui fut de création spontanée et ne nous a donné qu'ensuite l'idée de l'utiliser …
5- La logique et l’observation nous pousse à conclure que nous ne sommes pas uniques dans
cet espace infini où la matière existe en abondance, et qu’ailleurs doivent nécessairement
exister d’autres terres, d’autres soleils et d’autres êtres vivants.
Si donc de toutes parts s'étend un libre espace sans limites, si des germes innombrables
multipliés à l'infini voltigent de mille façons et de toute éternité, est-il possible de croire que
notre globe et notre firmament aient été seuls créés et qu'au-delà il n'y ait qu'oisiveté pour la
multitude des atomes?
Songe bien surtout que ce monde est l'ouvrage de la nature, que d'eux-mêmes, spontanément,
par le seul hasard des rencontres, les atomes, après mille mouvements désordonnés et tant
de jonctions inutiles, ont enfin réussi à former les unions qui, aussitôt accomplies, devaient
engendrer ces merveilles, la terre, la mer, le ciel et les espèces vivantes.
Toutes les fois d'ailleurs qu'une abondante matière se tient prête, qu'un espace l'attend et que
rien ne fait obstacle, il est évidemment fatal que les choses prennent forme et s'accomplissent.
Il faut admettre que les autres régions de l'espace connaissent aussi leur globe, leurs races
d'hommes et leurs espèces sauvages….. Le même principe nous persuade que le ciel et la terre,
le soleil, la lune, la mer et tout ce qui vit, loin d'être uniques de leur sorte, existent au contraire
en nombre infini…
6- Un Dieu qui gouvernerait toute chose est impossible
lequel d'entre eux pourrait gouverner l'ensemble de l'immensité? Lequel aurait les mains assez
fermes pour tenir les rênes du grand tout? Lequel serait capable de faire tourner ensemble tous
les cieux, de verser les feux de l'éther sur toutes les terres fertilisées, de se trouver partout et
toujours prêt à rassembler les nuages ténébreux, ébranler par le tonnerre les espaces tranquilles
du ciel et à lancer la foudre? Cette foudre parfois détruit leurs temples, exerce sa vaine colère
dans les déserts et prépare furieusement un trait qui est bien capable de passer à côté des
coupables pour aller, justicier injuste, arracher la vie à des innocents .
7- l'âme nait et meurt en même temps que le corps, d'où il conclut que la mort n'est pas à
craindre, et que les hommes ont tort de se désespérer d'un état qui les rend ce qu'ils étaient
avant que de naitre.
Je dis maintenant que l'esprit et l'âme se tiennent étroitement unis et ne forment ensemble
qu'une même substance; que l'esprit et l'âme sont de nature corporelle : car s'ils portent nos
membres en avant, arrachent notre corps au sommeil, nous font changer de visage, dirigent et
gouvernent tout le corps humain, comme rien de tout cela ne peut se produire sans contact, ni
le contact s'effectuer sans corps, ne devons-nous pas reconnaitre la nature corporelle de l'esprit
et de l'âme?
Au reste l'esprit souffre avec le corps et en partage les sensations, tu le sais. La pointe d'un trait
pénètre- t-elle en nous sans détruire tout à fait la vie, mais en déchirant les os et les nerfs? Une
défaillance se produit, nous nous affaissons doucement à terre; là un trouble s'empare de
l'esprit; nous avons par instants une vague velléité de nous relever. Donc, que de substance
corporelle soit formé notre esprit, il le faut, puisque les atteintes corporelles d'un trait le font
souffrir…. quand le sommeil de la mort s'est emparé de l'homme et lui a apporté le repos,
quand l'esprit et l'âme se sont retirés de lui, aucune perte ne se constate dans tout son corps, ni
dans sa forme extérieure ni dans son poids : la mort laisse tout en place, sauf la sensibilité et la
chaleur vitale….? La substance de l'esprit et de l'âme ne saurait être soustraite au corps sans que
l'ensemble se dissolve. Leurs principes se trouvent dès l'origine si enchevêtrés entre eux qu'ils
leur font un destin commun.
L’âme nait avec le corps, avec lui elle grandit, elle partage sa vieillesse. Les enfants ont un
corps tendre et frêle, la démarche incertaine, une pensée qui participe de cette faiblesse. Puis,
avec les forces accrues par l'âge, l'intelligence s'étend, l'esprit acquiert de la puissance. Ensuite
les durs assauts du temps ébranlent les forces du corps, les facultés s'émoussent et les membres
s'affaissent ; alors l'esprit se met à boiter, la langue s'égare, la pensée chancelle, tout défaille,
tout manque à la fois. Il faut donc que l'âme, en sa substance même, se dissipe comme une
fumée dans les hautes régions de l'air, puisque nous la voyons naitre avec le corps, avec lui
grandir et, comme je l'ai montré, succomber avec lui à la fatigue des ans.
Enfin lorsqu'un homme se trouve en puissance d'un vin généreux, dont la chaleur se répand
partout dans ses veines, on voit ses membres s'alourdir, l'embarras de ses jambes qui vacillent ;
sa langue est engourdie, son intelligence est noyée, ses yeux flottants; voici des cris, des
hoquets, des injures, enfin toutes les tristes suites de l'ivresse. Pourquoi tout cela? sinon parce
que l'ardente force du vin est capable de troubler l'âme à l'intérieur même du corps?
Et nous voyons d'autre part l'esprit guérir comme un corps malade, se prêter aux soins de la
médecine ; n'est-ce pas encore un signe de sa condition mortelle?
Enfin c'est par leur union que les facultés du corps et de l'âme fonctionnent et vivent. L'âme
séparée du corps est incapable d'accomplir toute seule les mouvements de la vie et le corps
privé de l'âme ne peut subsister ni sentir. De même qu'arraché de sa racine et séparé du reste
du corps, l'œil isolé ne voit plus aucun objet, de même l'âme et l'esprit ne peuvent rien par
eux seuls.
Si du reste l'âme est immortelle et capable de sentiment, même séparé du corps, il faut, je
pense, la supposer pourvue de cinq sens …….. Mais l'âme séparé du corps ne peut avoir ni
yeux, ni nez, ni mains, ni langue, ni oreilles, ainsi donc les âmes par elles seules ne peuvent
avoir sensation ni existence.
Si l’âme est immortelle et qu'au moment de la naissance elle se glisse dans le corps, pourquoi
notre vie antérieure ne nous laisse-t-elle aucun souvenir? Pourquoi ne conservons-nous
aucune trace de nos anciennes actions? Et si l'âme a subi de telles altérations que tout souvenir
du passé soit perdu, un tel état n'est pas, je pense, bien éloigné de la mort.
C'est une erreur de penser que l'âme prétendue immortelle change de nature en changeant de
corps. Car ce qui change se dissout, donc périt ….quand le corps a péri, l'âme, il te faut l'avouer,
a péri avec lui, dans la même décomposition.
Ce n'est donc rien que la mort, elle ne nous touche aucunement, du moment que la substance
de l'âme se révèle mortelle. …absolument rien, à cette heure où nous ne serons plus, ne sera
capable de nous atteindre et d'émouvoir nos coeurs, quand bien même la terre se confondrait
avec la mer, la mer avec le ciel. … Aucun malheur ne peut atteindre celui qui n'est plus ; il ne
diffère en rien de ce qu'il serait s'il n'était jamais né….
Toujours en effet, la vieillesse dans le monde doit céder au jeune âge qui l'expulse; les choses
se renouvellent aux dépens les unes des autres, suivent un ordre fatal.
Depuis lors, combien d'autres rois, combien d'autres puissants du monde sont morts, qui
gouvernèrent de grandes nations l…Ajoute les inventeurs des sciences et des arts, ajoute les
compagnons des Muses;… nous aurions beau prolonger notre vie, nous ne découvririons pas de
nouveaux plaisirs ...
8- Notre monde a eu un commencement et aura une fin d'abord, parce que la terre, l'eau, le
feu et l'air, qu'on appelle communément du nom d'éléments, sont sujets à des altérations et
des vicissitudes continuelles ; secondement, parce que les corps mêmes qui nous paraissent
les plus solides s'épuisent à la longue, et tombent en ruine; troisièmement, parce qu'il y a un
grand nombre de causes, soit intérieures, soit extérieures, qui travaillent sans cesse à la
destruction du monde (= accroissement du désordre, prémisse de la notion d’entropie)
…commence par considérer la mer, et les terres et le ciel : cette triple substance, ces trois corps,
Memmius, cette trinité de si dissemblables mais solides tissus, un seul jour les livrera à la ruine
et, après tant d'années, soudain s'écroulera la masse et la machine du monde….Je ne me
dissimule pas de quelle surprise c'est frapper ton esprit que de t'annoncer la destruction fatale
du ciel et de la terre : car il ne faut pas que tu croies, intimidé par la superstition, que la terre et
le soleil, le ciel et la mer, les astres, la lune, soient promis par une origine divine à une durée
éternelle…. la nature n'a pas été faite pour nous et qu'elle n'est pas l'oeuvre des dieux : tant
l'ouvrage laisse à désirer…..
…pour le ciel et la terre pareillement il y a eu un premier instant et il y aura une ruine fatale.
Enfin, ne vois-tu pas que les pierres elles-mêmes subissent le triomphe du temps?
9- Même si les dieux existaient, la piété devrait être de se servir de son intelligence pour
comprendre l’univers sans peur, sans superstition.
La piété, ce n'est pas se montrer à tout instant la tête voilée devant une pierre, ce n'est pas
s'approcher de tous les autels, ce n'est pas se prosterner sur le sol la paume ouverte en face des
statues divines, ce n'est pas arroser les autels du sang des animaux, ni ajouter les prières aux
prières; mais c'est bien plutôt regarder toutes choses de ce monde avec sérénité.
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