CHAPITRE 1 GÉNÉRALITÉS SUR L’ATOME ET SA STRUCTURE Préambule/Objectifs La notion d’atome remonte à l’Antiquité. Qu’est-ce au juste qu’un atome ? La matière est-elle constituée d’un milieu homogène, continu, divisible à l’infini ? ou au contraire est-ce un milieu inhomogène ? Ce sera l’objectif de ce cours de préciser cette notion et à travers l’établissement de modèles quantitatifs de prévoir, calculer les propriétés de l’atome. 1. Introduction L’étude expérimentale des réactions chimiques fut la première méthode d’investigation des propriétés des éléments. Des expériences simples (telles que la mesure des poids des éléments qui se combinent les uns aux autres), mais dont la précision était soigneusement discutée, ont conduit quelques purs chimistes à cette notion physique fondamentale qu’est l’atome. Sans doute, nul mieux que Jean PERRIN (Prix Nobel) dans son livre "LES ATOMES" n’a décrit les premiers tâtonnements des chimistes du début du XIXe siècle qui avaient entrevu la structure corpusculaire de la matière à travers les lois des combinaisons. Bien que le mot ait été inventé par les Grecs, ce n’est que vers le milieu de ce siècle que le concept d’atome a réellement porté ses fruits. Depuis le début de ce siècle, le développement de la technologie a permis l’étude des particules élémentaires constitutives des atomes et des molécules. Ces entités ont pu être isolées et l’action de forces extérieures a permis de mettre en évidence leurs propriétés et leur structure. Des accélérateurs puissants, communiquant des énergies énormes à des particules incidentes, ont rendu possible la désintégration et l’étude du noyau. Plus récemment encore, l’approche théorique de l’Univers physique a connu des bonds prodigieux. Le raffinement des méthodes expérimentales a permis de tester des hypothèses ambitieuses. L’arrivée dans les centres de recherche d’ordinateurs de plus en plus puissants a fait reculer les limites de l’impossible de telle sorte, que dans bien des cas, les calculs théoriques sont aussi importants que l’approche expérimentale pour la compréhension des phénomènes. Dans certains cas, la manipulation expérimentale est devenue secondaire. En définitive, l’atome se réduit à un assemblage plus ou moins complexe d’un petit nombre de particules élémentaires. Ces particules étant des masses chargées, il devrait être possible de construire théoriquement n’importe quel atome en disposant convenablement ces particules élémentaires, compte tenu des forces qui agissent entre elles. Les propriétés chimiques de l’atome seraient ensuite expliquées par l’étude des interactions mutuelles de deux atomes différents. Ce problème théorique devient rapidement très complexe dès que le nombre d’électrons dépassent dix. Cependant, les modèles mathématiques, lorsqu’ils sont convenablement choisis, donnent des résultats très satisfaisants, leur généralisation aux éléments les plus lourds doit être faite avec discernement. 2. Historique de nos conceptions sur l’atome L’étude de la décharge dans les gaz raréfiés a montré que les atomes dont est constituée toute matière sont formés d’un constituant universel, les électrons chargés négativement, de masse négligeable, tous identiques entre eux quelle que soit la matière dont ils sont extraits (rayons cathodiques) et de constituants chargés positivement, emportant avec eux la quasi-totalité de la masse de l’atome dissocié (rayons canaux - GOLDSTEIN 1886). Ces ions positifs ont des propriétés qui dépendent du matériel dont ils sont extraits. On a obtenu les ions H+, H2+, He+, H, Cl, etc. mais jamais H++. Il était donc justifié de supposer que l’hydrogène était formé d’un élément positif uni à un seul électron. Pour l’hélium, il fallait l’admettre de même formé d’un élément positif doublement chargé uni à deux électrons. Il était cependant difficile d’aller plus loin car la perte de 2, 3, 4, ... n électrons par un atome lourd, entraîne la formation d’un champ électrostatique énorme autour de cet atome, de telle sorte que l’extraction du n + 1ème électron était très difficilement réalisable. La connaissance des atomes les plus lourds devait être abordée par une autre voie. C’est ce que fit J. J. THOMSON en développant la théorie de diffusion des rayons X par la matière. Admettant que cette diffusion était due à l’entrée en vibration des électrons sous l’action du champ électromagnétique associé aux rayons X, il montra que le nombre d’électrons contenus dans un élément devait être voisin de la moitié de sa masse atomique, c’est-à-dire, en gros, de son rang dans la classification périodique. Le problème se posait alors de trouver un modèle d’atome où l’on exprimerait la manière dont ces électrons étaient unis aux restes positifs. Deux propositions, deux modèles, furent proposées et, bien sûr, mis à l’étude. Modèle de THOMSON L’atome serait constitué d’une sphère d’électricité positive, homogène et indivisible au sein de laquelle s’enfoncent les électrons, jusqu’à ce que leur répulsion naturelle compense l’attraction un peu comme les pépins dans une orange. C’était un modèle statique (figure 1.1). Modèle de PERRIN L’atome serait un système solaire en miniature où les électrons faisant office de planètes circulent librement autour d’un noyau chargé positivement, leur inertie équilibrant l’action du champ électrique. C’est un modèle dynamique (figure 1.2). Figure 1.1. Modèle de THOMSON. Mais, d’après la théorie électromagnétique, tout système comportant un moment électrique variable émet un rayonnement électromagnétique. Ce rayonnement transporte de l’énergie qui provoque une diminution de celle de l’émetteur. L’électron devrait donc ralentir, donc se rapprocher du noyau, et depuis le temps que la matière existe, il ne pourrait être que sur le noyau lui-même, un peu à l’image des satellites artificiels qui finissent toujours par revenir sur Terre. Figure 1.2. Modèle de PERRIN. Le modèle de THOMSON n’était pas exempt non plus de critiques. Des expériences avaient montré que les particules (He++) traversent une épaisseur d’aluminium telle qu’elles subissent environ 100 000 chocs sans être pratiquement déviées. Or, pour THOMSON, les ions He++ ont des dimensions de l’ordre 1010 m, comme tous les atomes (voir plus loin les expériences de déviation électrique et magnétique). Le modèle de THOMSON ne laisse pas de place pour de tels passages. Au contraire le modèle planétaire de PERRIN laisse une très grande quantité de vide entre les électrons et les noyaux. D’autres modèles ont été également proposés. Pour le japonais NAGAOKA l’atome devait ressembler à une construction ressemblant à la planète Saturne entouré de son anneau. L’équivalent de la planète elle-même constituait le noyau positif et les électrons se trouvaient sur l’anneau (partie gauche de la figure 1.3). Pour sa part, le physicien allemand LENARD prétendait que l’atome était constitué essentiellement de vide et que l’atome était constitué de doublets neutres, donc comportant une charge électrique positive et une charge électrique négative (partie droite de la figure 1.3). Tous ces modèles pouvaient expliquer les phénomènes observés à cette époque. Figure 1.3. D'autres modèles atomiques. C’est RUTHERFORD qui trancha la question en étudiant la déviation des particules traversant un écran. Expérience de RUTHERFORD et GEIGER (1911) Les particules émises par le radium traversent une feuille métallique mince (Fig. 1.4). Chaque particule a est capable de produire une scintillation sur un écran fluorescent convenable. On peut donc compter les particules sur chaque unité de surface de l’écran. RUTHERFORD constate que : Figure 1.4. Dispositif expérimental de RUTHERFORD. la proportion de particules déviées est d’autant plus petite que l’angle est plus grand (Fig. 1.4); pour un angle de diffusion donné, cette proportion est d’autant plus petite que le métal est léger. Pour des atomes lourds, l’or par exemple, il y a des retours en arrière. "C’était la chose la plus incroyable rencontrée dans mon existence, écrivît Lord RUTHERFORD, à peu près aussi invraisemblable que si l’on tirait un coup de canon de 380 mm sur une feuille de papier de soie et qu’elle renvoie le projectile vers l’arrière. À la réflexion, je me rendis compte que ce renvoi vers l’arrière devait résulter d’une collision unique et le calcul me démontra que ce phénomène n’était explicable, même qualitativement, que si la quasi-totalité de la masse de l’atome était concentrée dans un noyau minuscule". Le principe du calcul de RUTHERFORD est basé sur les hypothèses suivantes : 1- la déflexion d’une particule a est causée par un seul atome, et 2- l’interaction atome-particule obéit à la loi électrostatique de COULOMB. Dans ces conditions, le calcul de l’angle de déviation est un problème mécanique analogue au calcul du mouvement d’une comète passant près d’une planète (Fig. 1.2 et 1.6). La trajectoire est parabolique et l’angle est donné par : 1.1 Dans cette équation m, 2 e et sont la masse, la charge et la vitesse de la particule , Ze est la charge du noyau de l’atome et p la plus courte distance entre le noyau et la direction incidente de la particule . On doit calculer la distribution angulaire des particules ayant passé à travers une feuille métallique mince puisque c’est la quantité que l’on peut mesurer. Quelle est donc la fraction F de toutes les particules incidentes dont la direction est comprise entre les angles et + d ? Figure 1.5. Résultats expérimentaux. Figure 1.6. Déviation d’une particule a dans un champ nucléaire. Si la feuille de métal d’épaisseur présente n atomes par unité de surface au faisceau de particules incidentes, on peut attribuer à chaque noyau une surface 1/ n (on inclut dans n tous les atomes, même ceux des couches profondes). Ce nombre n peut être calculé à partir de la densité, de l’épaisseur de la feuille et de la masse des atomes. Le calcul complet de F, la fraction de particules a ayant été déviées d’un angle , peut être calculée (on trouvera la démonstration dans divers volumes appropriés): 1.2 Cette équation est utilisée comme suit: 1- Pour les particules a de vitesse connue, la variation de F avec est en accord avec les observations, ce qui justifie les hypothèses faites; 2. À partir de cette relation, on peur déterminer la seule quantité inconnue : la charge nucléaire Z e. Voici, à titre d’exemples, quelques résultats : Tableau 1.1. Détermination du numéro atomique à l’aide de l’expérience de RUTHERFORD Atome N atomique Z expérimental Pt 78 77,4 ± 1 Ag 47 46,3 ± 0,7 Cu 29 29,3 ± 0,5 Au 79 79 ± 2 Ar 18 19 3- La connaissance de Z e donne p pour des valeurs particulières de (équation 1.1). Pour les grandes déviations on trouve des valeurs de p de l’ordre de 1014 m. La particule a s’approche donc à cette distance du noyau. Cela signifie que le noyau a une dimension inférieure à cette distance. Aujourd’hui on sait également que la dimension extérieure de l’atome est de l’ordre de 1010 m et que la dimension d’un électron est voisine de 1015 m. Il est donc impossible de représenter un atome à l’échelle (Fig. 1.2). Il faudrait une bille de 1 cm de diamètre pour le noyau, distante de 100 mètres d’une autre bille de 1 mm de diamètre représentant l’électron. Le noyau tient moins de place dans l’atome que le Soleil dans l’orbite de Pluton : rayon de la terre. . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 300 km, rayon de l’orbite de la lune . . . . . . . . . . 384 000 km, rayon du soleil . . . . . . . . . . . . . . . . . . 690 000 km, rayon de l’orbite de Pluton . . . . . . . . . 5 800 106 km. Le rayon de l’atome est tel que seuls les électrons se manifestent à nous. Le noyau impose le nombre et la répartition des électrons par sa charge et non par sa masse. Des noyaux de mêmes charges donneront des atomes aux propriétés chimiques identiques, mais ils pourront avoir des masses différentes: ce sont les isotopes. Enfin, on entrevoit déjà la possibilité d’expliquer la classification périodique de MENDÉLÉIEFF par un arrangement périodique des électrons autour des noyaux. 3. L’atome à l’état lié et à l’état libre Pour étudier les atomes il faut très souvent les isoler. D’une façon générale, si l’on exclut les gaz rares, l’atome n’est pas observé à l’état libre. Il constitue le plus souvent un édifice plus ou moins compliqué: le cristal. Une fois isolés à l’état pur, tous les éléments sont cristallisés. Même les éléments gazeux à la température ordinaire sont cristallisés à basse température. Dans le cristal, les atomes individuels ne sont pas libres mais liés par des forces (liaison métallique). Par traitement thermique approprié, on peut obtenir les éléments à l’état amorphe, c’est-à-dire non cristallisé. Là encore, les atomes ne sont pas libres. Les éléments métalloïdes ont tendance à former des molécules. L’azote, l’oxygène, le chlore sont des exemples bien connus. L’iode chauffé donne une vapeur de formule I2 au moins jusqu’à 1 500 °C. De même, le soufre donne S 8 ou S2 selon la température. Les seuls éléments naturels qui, à la température ordinaire, existent sous forme d’atomes sont les gaz rares. Les vapeurs métalliques sont généralement monoatomiques pour les alcalins et tendent à former des molécules à mesure que le caractère métallique tend à s’estomper. Il est possible de produire des atomes en concentration parfois importante par dissociation des composés moléculaires sous l’action de forces extérieures. Un courant d’hydrogène traversé par une décharge électrique peut, si les conditions expérimentales sont convenables, contenir jusqu’à 90 % d’atomes d’hydrogène. Ces atomes sont détectables dans la région de l’espace située immédiatement après la décharge et mesurant plusieurs dizaines de centimètres. On peut donc obtenir un faisceau d’atomes suffisamment long pour que l’on puisse l’étudier. Cette méthode dite des jets atomiques est utilisée depuis le début des années 1960 pour vérifier certains points de vue théoriques. Elle est encore plus facilement réalisable avec certains éléments (Na, Ag) qu’il suffit de chauffer pour les transformer en atomes. Les ions en solution peuvent être considérés comme des atomes (ions) isolés si la concentration est faible. Ces atomes sont en effet séparés par les molécules du solvant et l’on sait que certaines propriétés rappellent celles des gaz plus ou moins parfaits (pression osmotique). Malheureusement, l’influence du solvant est souvent difficile à apprécier. Vers le milieu des années 60, on a pu piéger des atomes dans des matrices solides maintenues à très basse température (ex.: atomes d’oxygène ou d’hydrogène isolés dans de l’azote moléculaire solide). On peut alors étudier ces atomes tout à loisir, mais là encore, l’influence des molécules voisines pose des problèmes d’interprétation compliquée. 4. Méthodes d’étude du nuage électronique Historiquement, ce fut l’étude des spectres d’émission et d’absorption qui permit d’atteindre la structure du nuage électronique. De nos jours, la source d’information apportée par les spectres n’est pas épuisée. Du domaine visible et ultraviolet, la spectroscopie s’est étendue dans l’ultraviolet lointain et les rayons X vers les courtes longueurs d’onde. Dans le domaine des longues longueurs d’onde, l’infrarouge et les ondes radio (hyperfréquences ou micro ondes) font partie de l’arsenal du spectroscopiste. La spectroscopie permet de mesurer directement les échanges d’énergie entre l’atome et le milieu extérieur. Ces échanges d’énergie se font sous la forme de radiations électromagnétiques, dans tout le domaine de longueur d’onde de ces radiations. Ces échanges permettent de repérer les divers états de l’atome. L’atome est entouré de charges en mouvement. Il est donc le siège de phénomènes électrostatiques et magnétiques. On a pu relier la constante diélectrique et la susceptibilité magnétique des éléments à des propriétés de l’atome lui-même. L’action de champs électriques et magnétiques aura certainement un effet sur le comportement des électrons, donc sur l’état de l’atome. Cet effet entraînera des modifications des spectres, modifications qui pourront être observées. De très précieux renseignements sont aussi obtenus à partir de l’ionisation contrôlée obtenue par bombardement d’électrons. Enfin, les propriétés chimiques des éléments donnent des indications sur la nature du nuage électronique puisque seuls les électrons interviennent dans les liaisons entre atomes. 5. Méthodes d’étude du noyau atomique La plus importante source d’informations sur le noyau atomique est la radioactivité naturelle et artificielle. Depuis la désastreuse affaire d’Hiroshima, la fission et, plus récemment, la fusion nucléaire ont ajouté d’autres méthodes d’études. La mise en service d’accélérateurs de particules, de plus en plus imposants, puissants et performants, a permis d’obtenir une quantité considérable de détails relativement à la nature de quelques dizaines de particules subatomiques constitutives des noyaux. Bien que la nature des forces mises en jeu dans les équilibres en présence ne soit pas complètement bien connue, la recherche dans le domaine du noyau, a fait ces dernières années, des progrès considérables. Il faut ici ajouter que par un heureux hasard, la recherche dans le domaine de la physique nucléaire rejoint les préoccupations relativement à la création, à la naissance de l’Univers, à ce fameux big-bang très mal connu et qui aurait eu lieu il y a quelque 9-12 milliards d’années. Il faut enfin ajouter que l’influence du noyau peut être observée en spectroscopie : de petits phénomènes observables sous résolution élevée sont attribués au moment magnétique du noyau. La méthoe de la résonance magnétique nucléaire (R.M.N.) est, non seulement une méthode d’étude du noyau, c’est aussi une méthode d’analyse largement appliquée en chimie analytique. CONCLUSION Le début du XXe siècle a vu apparaître les premiers modèles physiques se doubler de modèles quantitatifs pour expliquer le comportement et la structure des atomes. Modèle planétaire, l’atome est constitué d’un noyau autour duquel gravitent des électrons. C’est donc un milieu essentiellement constitué de vide, où l’atome en est l’élément ultime quant à la matière classique. Au de là, la matière fait place à des particules dont l’électron et le noyau sont des éléments.