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Eileen Southern

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Eileen Southern
Eileen Southern, née Eileen Stanza Jackson le 19 février 1920 à Minneapolis (Minnesota)
et morte le 13 octobre 2002 à Port Charlotte (Floride), est une musicologue, chercheuse,
autrice et enseignante américaine. Ses recherches portent sur l'histoire de la musique afroaméricaine et de la musique de la Renaissance.
Après une jeunesse marquée par la musique, Eileen Jackson réalise des études en musicologie
dans les universités de Chicago et de New York. Première étudiante noire à obtenir un
doctorat en musicologie, elle choisit de se spécialiser dans la musique afro-américaine. Elle
devient enseignante dans plusieurs universités, d'abord celles considérées comme
historiquement noires, puis à l'université de la ville de New York et enfin à Harvard, et y
milite pour qu'une meilleure place soit accordée à ce style, important dans l'histoire de la
musique américaine. Elle écrit plusieurs ouvrages, le plus célèbre étant The Music of Black
Americans, dont la plupart sont considérés encore aujourd'hui comme des références. Dans le
même temps, elle fonde avec son mari Joseph Southern une revue musicologique, The Black
Perspective in Music, consacrée à l'étude de la musique noire.
Elle meurt en 2002 après avoir reçu de nombreuses distinctions, parmi lesquelles la National
Humanities Medal. Selon plusieurs musicologues et historiens de la culture afro-américaine,
son œuvre The Music of Black Americans pose les bases de l'étude de la musique afroaméricaine. D'ailleurs, plusieurs universitaires lui rendent hommage dans un recueil d'essais
en 1992 et une exposition lui est consacrée en 2021 qui conclut un projet en sa mémoire fondé
en 2018.
Biographie
Jeunesse et études
Eileen Stanza Jackson naît le 19 février 1920 à Minneapolis dans le Minnesota1, de Walter
Wade Jackson et Lilla Gibson Jackson2. Walter Wade Jackson est un chimiste diplômé de
l'université Lincoln (en Pennsylvanie) en 1911 et de l'université de Brown, à Rhode Island, en
1912. Il enseigne dans plusieurs universités jusqu'en 19253, mais le racisme systémique en
place à cette époque ne lui permet pas d'exercer dans les universités les plus prestigieuses,
celles du Nord4.
Elle grandit dans une famille attachée à la culture musicale : son père est violoniste5, sa mère
pianiste, et tous deux chantent dans un chœur religieux1. Les parents achètent un piano aux
trois filles qui apprennent à en jouer et à chanter, un grand luxe pour une famille qu'elle décrit
comme « très pauvre »4. Eileen Jackson donne son premier concert à l'âge de sept ans à
Chicago en Illinois6. Son éducation, marquée par l'omniprésence de la musique, lui laisse
d'ailleurs penser, selon ses propres dires, que « tout le monde vivait de cette façona »3. Ses
parents divorcent, alors qu'elle est âgée de huit ans, et elle est chargée de s'occuper de ses
deux jeunes sœurs, Elizabeth et Estella. La fratrie transitant entre Minneapolis et Sioux Falls
au Dakota du Sud avec leur père avant de rejoindre leur mère à Chicago3. Dans la maison de
son père, à Sioux Falls, se succèdent des musiciens afro-américains voyageurs qu'il accueille,
car aucun hôtel n'est prêt à leur louer une chambre ; parmi eux se trouve Louis Armstrong,
dont la carrière commence à décoller3,4.
La Wendell's Phillip's High School de Chicago.
Eileen Jackson fréquente des écoles publiques de Minneapolis, de Sioux Falls et de Chicago7.
Elle étudie notamment à la Wendell Phillip's High School, où elle côtoie Nat King Cole et
donne des cours de piano aux jeunes enfants4. Ensuite, elle se lance dans un bachelor en
musique à l'université de Chicago, qu'elle obtient en 1940. En 1941, elle poursuit avec un
master dans la même université. Bien que son intérêt soit à l'origine dirigé vers le piano et la
musique classique, sa thèse The Use of Negro Folksong in Symphonic Form indique qu'elle
souhaite se tourner vers l'étude de la musique afro-américaine6. Elle réalise également des
compléments d'études à l'université de Boston et à la Juilliard School qui enrichissent ses
concerts5.
En 1941, Eileen Jackson et Joseph Southern se rencontrent à la Prairie View A&M
University4. Le 22 août 1942, Eileen se marie à Joseph, diplômé de l'université Lincoln et
professeur d'administration des affaires8. Leur première fille naît en 1946 ; elle se nomme
April Myra. En 1955, le couple adopte également un garçon, Edward Joseph, né en 19523,6.
Débuts dans l'enseignement
Entrée de la Prairie View A&M University, à Prairie View
au Texas.
Après avoir obtenu son master, elle commence une carrière dans l'enseignement, mais comme
de nombreux diplômés afro-américains, elle est limitée par les lois ségrégationnistes, alors en
vigueur aux États-Unis. Elle se tourne donc vers des universités historiquement noires et
rejoint, en 1941, la Prairie View A&M University à Prairie View (Texas) puis la Southern
University en Louisiane7. Elle enseigne, de même que son mari, dans plusieurs universités
noires pendant huit à neuf ans3 et fait face au racisme de la société qui « a façonné sa carrière
sans pour autant la définirb »4.
C'est durant cette période qu'elle décide d'entamer un doctorat sous la direction de Gustave
Reese, après avoir lu l'un de ses ouvrages sur la musique de la Renaissance9, motivée par le
désir de comprendre ses écrits4. Ainsi, elle revient à la musique classique pour son doctorat en
musicologie qu'elle entame plusieurs années plus tard, en 195110. Refusée à Harvard car AfroAméricaine, elle postule à l'université de New York ; elle est acceptée et étudie sous la
direction de Gustave Reese4,6. Elle obtient son doctorat en 1961 après une thèse centrée, sur
les conseils de Reese, sur l'étude du Buxheimer Orgelbuch9. Il lui faut trois ans pour transcrire
l'intégralité du manuscrit, avant même de commencer l'analyse9. Elle devient la première
étudiante noire à obtenir un doctorat en musicologie4. Elle en tire un livre intitulé The
Buxheim Organ Book et publié en 19638.
En même temps que ses activités d'enseignante, elle continue à se produire en concert. Elle
joue dans de nombreuses villes des États-Unis, principalement dans le Sud, ainsi que dans des
universités et des YMCA. En 1951, elle participe avec sa mère à des actions missionnaires à
Port-au-Prince, en Haïti, se produisant là aussi en concert11.
Malgré son statut de femme afro-américaine qui la place face à une double discrimination10,
elle devient professeure en 1968 au York College de l'université de la ville de New York dans
le Queens, où elle milite pour accorder une plus grande place à la musique afro-américaine12.
Elle est ensuite engagée par le Brooklyn College13. En avril 1968, alors qu'elle enseigne au
Brooklyn College, le pasteur et icône du mouvement américain des droits civiques Martin
Luther King est assassiné à Memphis au Tennessee. L'université cherche alors par tous les
moyens à répondre aux manifestations et aux troubles causés par de nombreux étudiants qui
souhaitent l'ouverture d'un département d'African-American studies6,10. L'administration fait
alors pression sur Southern pour qu'elle prenne en charge ces cours, elle finit par accepter
l'offre, se chargeant notamment des cours consacrés à la musique afro-américaine13.
1968-1971 : premier ouvrage, The Music of Black Americans
Le Brooklyn College en 2016.
L'idée d'un cours consacré à la culture afro-américaine n'est pas très bien accueillie par
certains de ses collègues musicologues, en particulier par un doctorant anglais, en provenance
d'Oxford, qui affirme, lors d'une réunion, qu'il n'y aura « rien de substantiel à étudier », et
poursuit en déclarant que la seule réussite musicale afro-américaine est le jazzc,6,14. Cette
affirmation la blesse profondément ; elle se « lève et quitte la réunion », furieuse « de toutes
ces remarques racistes », mais la remarque la pousse à lui donner tort12,14. Elle commence à
faire des recherches pour trouver des publications sur le sujet, et se rend compte que les
ouvrages sur le sujet sont très réduits en nombre : Music and Some Highly Musical People de
William Monroe Trotter, publié en 1878 ou Negro Musicians and Their Music de Maud
Cuney Hare et The Negro and His Music d'Alain Locke en 193613. Elle décide alors de faire
une étude complète des compositeurs afro-américains à travers l'histoire, qui constituera son
cours, en allant cependant bien plus loin13.
Elle réutilise une partie des recherches liées à sa thèse de doctorat, en les agrémentant de
sources, essentiellement primaires, issues des bibliothèques universitaires, notamment celle de
Philadelphie, mais aussi de la Schomburg Collection of Negro History and Literature. Elle
correspond également avec plusieurs musiciens afro-américains, avec qui elle réalise des
entretiens, parmi lesquels Thomas Jefferson Anderson13. Comme son mentor Gustave Reese
dans ses ouvrages, Southern réalise un travail centré sur des informations tirées de données
d'archive13.
L'ouvrage est divisé en quatre parties : « Song in a Strange Land, 1619-1775 », « Let My
People Go, 1776-1866 », « Blow Ye the Trumpet, 1867-1919 » et « Lift Every Voice, 1920– ».
Il retrace l'histoire de la musique afro-américaine, des origines aux genres les plus actuels.
L'étude débute avec les conséquences du commerce triangulaire, l'arrivée des esclaves et de
leur traditions culturelles depuis l'Afrique de l'Ouest jusqu'en Amérique, se poursuit par
l'étude du negro spiritual, du gospel, jusqu'à l'apparition des genres modernes comme le
rhythm and blues. Finalement, au contraire des paroles des détracteurs de la musique afroaméricaine, seulement un cinquième de l'ouvrage est consacré au jazz et au blues10.
Un collègue plus bienveillant que le doctorant anglais, impressionné par le travail réalisé,
l'incite à publier ce travail sous forme de livre, en plus de s'en servir comme cours14. La
recherche d'un éditeur est cependant difficile. Le premier à qui elle s'adresse refuse
catégoriquement la publication, jugeant l'ouvrage « trop érudit »13. Jan LaRue, l'un de ses
mentors à l'université de New York, lui conseille de s'adresser à W. W. Norton & Company
qui accepte finalement de publier son livre. Le représentant de la maison d'édition chargé de
son ouvrage, David Hamilton, lui demande cependant d'effectuer des changements dans le
livre. Southern indiquera plus tard qu'il l'a aidée à équilibrer le poids des différents genres de
musique dans son œuvre, en donnant une plus grande place au jazz et au blues, l'autrice s'étant
plutôt concentrée sur la musique classique. Finalement, l'ouvrage traite d'un large éventail de
genres, du gospel au jazz, en passant par le minstrel show13. Des illustrations d'époque,
programmes de théâtre, gravures et photographies agrémentent le livre, qui paraît en 1971
sous le titre de The Music of Black Americans: A History6,13,15. Southern se fixe un double
objectif : son livre doit pouvoir informer toute personne désireuse d'en savoir plus sur la
musique afro-américaine, mais aussi constituer une base de travail pour de futurs travaux de
recherche sur le sujet13.
L'œuvre est reconnue comme un ouvrage de référence13 et ses critiques sont globalement
positives : Publishers Weekly écrit que le livre « est si gracieusement écrit et ses informations
si passionnantes qu'il pourrait attirer un lectorat large et généralisted ». Selon The Journal of
Music Education, « l'écriture lucide et les explications succinctes contribuent en grande partie
à faire de The Music of Black Americans un livre très agréable à liree »13. The Music of Black
Americans est ainsi, selon David Horn, « la première étude académique à donner une attention
scientifique sérieuse à la totalité de la musique afro-américainef »14. Pour Guthrie P. Ramsey
Jr., la publication de l'ouvrage au début des années 1970, peu après une période qui a « vu la
radicalisation du mot black », a permis de « faire de la musique noire un objet d'étude
scientifique » et a « comblé une lacune flagrante dans la musicologie américaine »16.
Toutefois, l'ethnomusicologue Charles Keil critique le manque d'interprétation, le livre
décrivant selon lui « très bien le quand, le où, le qui, très faiblement le comment et pas du tout
le pourquoig ». Il critique aussi l'absence de mention de la bibliographie ayant permis la
rédaction de l'étude13.
Le livre est un succès commercial, et Southern est invitée dans de nombreuses universités
pour le présenter, notamment dans le Kansas et le Nebraska. Elle participe à plusieurs séances
de dédicace et reçoit des lettres de la part de lecteurs enthousiastes, parfois eux-mêmes
professeurs13.
1971-1973 : deuxième ouvrage et création de la revue The Black Perspective in
Music
Peu après, en 1971 également, elle publie un nouvel ouvrage : Source Readings in Black
American Music, complémentaire à son premier livre, qui regroupe des récits et témoignages
en lien avec la musique afro-américaine, remontant pour certains au XVIIe siècle17. L'œuvre
est décrite par David Horn comme « extrêmement utile »14, et sera rééditée en 198310.
En 1972, Eileen Southern est invitée à un symposium sur la musique afro-américaine, à
l'université du Ghana, lors duquel les participants conviennent de la nécessité de créer une
publication qui « conserverait [ces travaux] pour la postéritéh ». Elle n'abandonne pas cette
idée, et fonde la revue The Black Perspective in Music — qui devait être initialement intitulée
The Black Perspective on Music, publiée par une société, l'Afro-American Creative Arts, Inc.,
qu'elle préside aux côtés de son mari Joseph Southern. Le premier numéro paraît au printemps
197318. Tandis qu'Eileen s'occupe de rassembler les premiers travaux à publier,
principalement issus de la conférence ghanéenne, Joseph est chargé des aspects pratiques :
l'impression, la diffusion et le financement, tout cela alors que le journal est produit depuis le
sous-sol de leur maison de St. Albans18,19. Encore une fois, ils se fixent des objectifs précis :
la revue doit devenir « une source actuelle d'histoire de la musique africaine et afroaméricainei », permettre d'améliorer les conditions de diffusion des travaux de recherche sur
le sujet, et « servir de lieu d'échange pour les chercheurs ayant des choses importantes […] à
dire sur les musiciens noirs et leur musiquej ». Les différents numéros contiennent ainsi une
grande variété d'articles, qui vont des entretiens aux nécrologies, en passant par des articles
d'analyse, des critiques d'ouvrages ou de morceaux, des contenus d'archives et des lettres des
lecteurs. Southern reçoit d'ailleurs de nombreuses lettres de félicitations, l'une provenant
même d'un détenu noir intéressé par la musique qui souhaite s'abonner à la revue18. The Black
Perspective in Music devient ainsi la première revue musicologique sur la musique noire
— plusieurs années avant des revues comme Annual Review of Jazz Studies, fondée en 1982,
ou American Music, apparue en 198313.
Toutefois, le succès commercial n'est pas forcément au rendez-vous, avec seulement quelques
centaines d'abonnés — chercheurs et musiciens. Elle compte malgré tout parmi ces derniers
les universités Yale, Princeton et Harvard, ce qui la pousse à continuer la publication. Elle
utilise pour cela l'argent issu des droits de son premier ouvrage, et lance plusieurs campagnes
de financement participatif parmi les abonnés18. Cependant, en 1990, face aux difficultés
financières répétées, la revue publie son dernier numéro et cesse définitivement ses activités
après dix-huit ans de parution, non sans émotion parmi la communauté académique18,14,20.
Southern évoque d'ailleurs dès 1981 cette issue, suggérant que, bien que « cela ne soit
toujours pas payant en soi », il s'agit de « leur contribution à l'histoire des Noirsk ». The Black
Perspective in Music aura en effet contribué à développer le champ de recherche, alors en
pleine croissance, des African-American studies dans le domaine musical19. Ainsi, selon
Samuel Floyd, « [la revue] a été audacieuse dès le début, tant dans son audace à exister que
dans son contenul,18 ».
Deuxième moitié des années 1970-1987 : poste à Harvard et nouveaux
ouvrages
À partir du milieu des années 1970, le thème de la musique afro-américaine commence à
s'imposer dans les programmes universitaires. Eileen Southern reprend donc en parallèle ses
recherches sur la musique de la Renaissance et publie plusieurs courts essais, dont Early
African Musicians in Europe, en 1973. Son autre essai, A Prima Ballerina of the Fifteenth
Century, publié en 1985, se concentre sur l'histoire d'Ippolita Maria Sforza et sa carrière de
danseuse9.
Elle est embauchée à Harvard en 1974 en tant que maîtresse de conférences8, et devient en
1976 professeure titulaire ; elle continue à militer pour développer l'étude de la musique afroaméricaine. Elle y reçoit un double poste : elle est à la fois enseignante dans le département
d'études en musique, et dans le département d'African-American studies12. Elle devient ainsi la
première femme noire à y occuper un poste de professeur titulaire5,14. Il lui est proposé
d'enseigner la musique afro-américaine dans le département de musique, mais elle refuse et
lui préfère celui d'African-American studies21 ; elle enseigne par ailleurs la musique de la
Renaissance10. Quelques années après, à la fin des années 1970, elle est nommée directrice de
ce département d'études, poste qu'elle occupera jusqu'en 197922. Dans un essai publié dans
Blacks at Harvard en 1993, elle se remémore l'expérience comme « clairement désagréable »
en raison d'un climat hostile à son encontre. Elle affirme avoir vécu « confrontation sur
confrontation, […] certaines même violentes, avec les élèves, l'administration et le corps
professoral12 ». Cependant, elle parvient à y faire évoluer les programmes d'étude afin de
mettre en avant le rôle des Afro-Américains dans la musique américaine moderne6.
Elle continue par ailleurs son travail de recherche et, en plus des nombreux articles écrits pour
la revue The Black Perspective in Music, elle publie d'autres ouvrages, considérés eux aussi
comme « de référence » par David Horn. En 1982, elle rédige une autre « contribution
majeure » à l'étude de la musique afro-américaine, avec The Biographical Dictionary of AfroAmerican and African Musicians10, qui est publié chez Greenwood Press5. Puis, AfricanAmerican Traditions in Song, Sermon, Tale, and Dance, 1600s-1920: An Annotated
Bibliography of Literatures, Collections and Artworks est publié en 1990 en collaboration
avec Josephine Wright14.
Enfin, elle publie en 2000 chez Garland Publishing Images: Iconography of Music in African
American Culture, 1770s-1920s, toujours en duo avec Josephine Wright6,14,23. L'ouvrage
rassemble 260 images et œuvres (gravures, photographies, peintures, etc.) en lien avec la
musique afro-américaine, et plus généralement la culture afro-américaine et ses formes
d'expression23. Le livre est divisé en trois parties : la première étudie les « racines africaines
de la culture expressive afro-américaine » et les pratiques culturelles importées à la suite de
l'esclavage. La seconde s'intéresse à la décennie qui précède la guerre de Sécession, tandis que
la dernière partie, qui constitue plus de la moitié de l'ouvrage, recouvre les années qui suivent
la guerre et l'abolition de l'esclavage. L'étude iconographique couvre uniquement le
XIXe siècle23. Selon Larry F. Ward, qui effectue une critique de l'œuvre en 2002, celle-ci est
« accessible et bien rédigée, et est le produit d’une recherche approfondie et exhaustivem ». Il
estime que l'étude vise un public très divers, et pourrait intéresser toute personne s'intéressant
de près ou de loin à l'histoire des Afro-Américains23.
En 1983, une première réédition de The Music of Black Americans est publiée, qui comporte
des ajouts significatifs, issus notamment des travaux publiés dans la revue The Black
Perspective in Music. Une troisième édition est publiée en 199713.
Eileen Southern enseigne à l'université Harvard jusqu'à la fin de sa carrière. En 1987, elle
prend sa retraite dans sa maison de St. Albans, dans l'arrondissement du Queens1.
Mort, hommages et postérité
En 1992 est publié un recueil d'essais en l'honneur de Southern, New Perspectives in Music:
Essays in Honor of Eileen Southern. Selon Samuel Floyd, qui a participé à son écriture24,
Eileen Jackson a révolutionné l'étude de la musique noire, « une révolution [qui constitue] une
insurrection silencieuse et érudite — le renversement d’hypothèses et d’idées erronées sur la
musique noire et les musiciens noirs, ainsi que sur leur place et leur rôle dans l’évolution de la
culture américaine14,20 ».
Elle meurt à Port Charlotte, en Floride, le 13 octobre 2002, à l'âge de 82 ans1,25. Son mari,
Joseph Southern, sa sœur Stella, et ses enfants et petit-enfants lui survivent22.
Eileen Southern est fréquemment citée, encore aujourd'hui, et considérée comme l'une des
spécialistes de la musique afro-américaine. Selon Ashawnta Jackson, elle a ainsi publié « un
ensemble d'œuvres qui a révolutionné le domaine des études musicales20 ». Selon Carol J.
Oja, directrice du programme d'études d'humanités du Radcliffe Institute for Advanced Study,
son ouvrage principal, « The Music of Black Americans est publié à une période durant
laquelle le champ disciplinaire de Southern — la musicologie — souffrait d'un biais écrasant
en faveur de la musique blanche européenne et était largement masculinn », ce qui la place
face au « climat académique » de l'époque21. Southern reconnaît ainsi, en 1990, être la
représentante à Harvard d'une « double minorité », confrontée à la fois au racisme et au
sexisme, ce qui rend difficile sa reconnaissance en tant qu'universitaire10. Selon un article
d'Amsterdam News, The Music of Black Americans est « toujours l'un des livres les plus utiles
et les plus recherchés sur [la musique afro-américaine]o » et « son héritage perdure à travers
ces pagesp ».
Image externe
Portrait d'Eileen Southern. [archive]
En 2005, le peintre Stephen E. Coit réalise son portrait pour lui rendre hommage ; il est
commandé par la Harvard Foundation. Intitulé Eileen Southern (1920-2002), il s'agit d'une
huile sur toile de 68,6 cm de largeur par 106,7 cm de largeur26.
En 2018, la faculté de musicologie de l'université Harvard fonde le projet Eileen Southern
Initiative, supervisé par Carol J. Oja, pour célébrer les 50 ans de la parution du premier
ouvrage d'Eileen Southern, The Music of Black Americans, qui ont lieu en 202120. Un courtmétrage et une exposition numérique, qui s'appuient sur plusieurs entretiens avec certains des
collègues de Southern, sont mis en ligne15. Le projet est soutenu par le Radcliffe Institute, qui
organise un webinaire consacré à Eileen Southern21, et un court-métrage sur l'autrice, intitulé
Light the Way Home: Eileen Southern’s Story est également dévoilé27. Il est réalisé par deux
étudiants, Uzo L. Ngwu, 23 ans et Daniel Huang, 22 ans21. Une série de concerts est
également programmée, une partie étant interprétée par le chœur de l'université Harvard28.
Prix et distinctions
Au cours de sa carrière, Eileen Southern devient membre de la société internationale de
musicologie, de la College Music Society et de l'Association for the Study of African
American Life and History. De 1980 jusqu'à sa retraite, elle siège au comité de rédaction de la
Sonneck Society for American Music et en tant que membre du conseil d'administration de
1986 à 1988. À la fin de sa carrière, elle est nommée professeure émérite de musique et
d'African-American studies par l'université Harvard6. Elle est aussi nommée membre de la
sororité Alpha Kappa Alpha5. Elle est par ailleurs récompensée du titre de Doctor of Arts, à
titre honoraire5.
En 2000, Southern reçoit, de la part de la Society for American Music, le SAM Lifetime
Achivement, qui récompense une carrière consacrée au domaine académique de la musique28.
Southern reçoit aussi la National Humanities Medal, remise par le président des États-Unis
George W. Bush en 20018 pour avoir « contribué à transformer l'étude et la compréhension de
la musique américaine »22,29.
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