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AI F l'industrie

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« Expérience collaborateur » et « Expérience client » :
comment l’entreprise peut-elle utiliser l’Intelligence
Artificielle pour progresser ?
Soufyane Frimousse, Jean-Marie Peretti
Dans Question(s) de management 2019/1 (n° 23), pages 135 à 156
Éditions EMS Editions
© EMS Editions | Téléchargé le 02/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.67.129.230)
Article disponible en ligne à l’adresse
https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2019-1-page-135.htm
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ISSN 2262-7030
DOI 10.3917/qdm.191.0135
« Expérience collaborateur »
et « Expérience client » :
comment l’entreprise peutelle utiliser l’Intelligence
Artificielle pour progresser ?
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« Welcome to the Experience Economy ». Cet article de B. Joseph Pine II et James H. Gilmore paru
dans la Harvard Business Review (juillet-août 1998) a marqué le développement de la pensée centrée
autour de l’expérience, l’« Experience thinking ». Dans une première étape les chercheurs et les praticiens se sont principalement intéressés à l’« expérience client », l’ensemble des interactions perçues
par le client avant, pendant et après l’achat. Les limites de l’approche traditionnelle du marketing ont
conduit à l’émergence d’un marketing expérientiel avec la volonté de s’adapter à l’expérience du nouveau consommateur (W. Batat & I. Frochot, Marketing Expérientiel, comment concevoir et stimuler
l’expérience client ? Dunod, 2014). Dans la continuité du marketing expérientiel s’est développé le marketing collaboratif, ou marketing participatif, qui renvoie à la participation du client à la création de valeur
de l’entreprise. Les premiers à s’emparer de l’exploitation des données que les individus et les objets
connectés produisent sont les marketers pour mieux connaître les clients et les consommateurs. Les
usages marketing du Big Data sont développés par les entreprises soucieuses de valoriser les masses
de données accumulées. La mise en œuvre à vaste échelle d’algorithmes utiles au marketing peut produire des externalités négatives (ségrégation, biais de sélection, polarisation, hétérogénéisation). Elle
présente aussi des faiblesses intrinsèques de dépendances des données. Elle pose la question de la
manière dont les algorithmes doivent être gouvernés (Benavent, Big Data, algorithmes et marketing :
rendre des comptes, Statistique et Société, vol. 4, n° 3, 2016).
L’approche expérientielle s’est également développée dans le domaine des Ressources Humaines avec
un souci de symétrie des attentions. Dans l’ouvrage Les employés d’abord, les clients ensuite (2011),
Vinet NAYAAR, exprime la conviction qu’il faut mettre les collaborateurs au centre de l’entreprise pour
apporter une meilleure expérience vécue aux clients. Dans Question(s) de management (2016/4, n° 15),
nous avions posé dans le cadre de cette rubrique la question : Entre « Customer first » et « People
first », quelles postures managériales l’entreprise doit (ou peut)-elle adopter ? Les réponses font ressortir une conviction partagée : La symétrie des attentions doit permettre d’améliorer l’« Expérience
client » en améliorant l’« Expérience collaborateur ». L’analytique et le Big Data RH se sont développés
avec le souci de la fonction RH d’exploiter des données massives produites par les personnes et les
objets connectés. Cappelli,Tambe et Yakubovich (“Artificial Intelligence in HRM : Challenges and a path
forward”, SSRN Electronic Journal, 2018) ont identifié quatre défis liés à l’utilisation des techniques de
l’IA en RH :
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 135
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Soufyane FRIMOUSSE,
Jean-Marie PERETTI
REGARDS CROISÉS
• la complexité des phénomènes RH ;
• les contraintes imposées par de petits ensembles de données (l’IA fonctionne mal pour prédire des
résultats relativement rares) ;
• les questions éthiques et les contraintes légales, (Les décisions en matière de RH ont des conséquences très graves pour les salariés et l’équité – justice procédurale et justice distributive – est un
enjeu primordial. De plus, le cadre juridique limite la liberté des employeurs de décider avec des
analyses basées sur des algorithmes) ;
• la réaction des salariés à la gestion via des algorithmes basés sur des données (ils sont capables de
jouer ou de réagir négativement aux décisions basées sur des algorithmes. Leurs actions, à leur tour,
affectent les résultats organisationnels).
Ces quatre points limitent-elles les possibilités d’utilisation de l’IA pour améliorer l’expérience collaborateur par la fonction RH ?
Les perspectives de progrès qu’ouvre l’utilisation de l’Intelligence Artificielle en marketing comme en
GRH et les problèmes qu’elle pose nous ont conduits à poser à des praticiens et des chercheurs la
question suivante :
« Expérience collaborateur » et « Expérience client » : Comment l’entreprise peut-elle utiliser l’Intelligence Artificielle pour progresser ?
Elie BASBOUS, Faouzi BENSEBAA, Hervé BERAUD, Houcine BERBOU, Thomas CHARDIN, Pierre
CHAUDAT, Richard DELAYE, Marc DELUZET, Michelle DUPORT, Jean-Jacques EKOMIE, Corinne
FORASACCO, François GEUZE, Alexandre GUILLARD, Sana HENDA, Jacques IGALENS, Assya
KHIAT, Delphine LACAZE, Hubert LANDIER, Myriam LEPETIT-BRIERE, Ziryeb MAROUF, Jean-Yves
MATZ, Ruphin NDJAMBOU Guillaume PERTINANT, Mathieu PETIT, Marc PHALIPPOU, Pierre PIRELECHALARD, Patrick PLEIN, Elena de PREVILLE, Pierre-Alain RAPHAN, Stéphane ROUSSEL, Aline
SCOUARNEC, Thérèse SEIF, François SILVA, Mamadou L. SYLLA, Jean-Paul TCHANKAM, Lassana
TIOTE, Laura TOCMACOV VENCHIARUTTI, Oumar TRAORE, Delphine van HOOREBEKE, Valéry
YAKUBOVICH et Joumana YOUNIS.
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Faouzi BENSEBAA souhaite une relation apaisée dans laquelle l’humain profiterait de l’efficacité de la
machine et celle-ci tirerait profit de l’intelligence émotive de l’humain. Pour Hervé BERAUD, il faut donner de l’action à ce qui fait du sens pour le client et donner de l’empathie à la relation avec une pleine
présence humaine. Selon Houcine BERBOU, le potentiel de l’IA est sans limites quoiqu’il ne remplace
pas la compétence humaine. Thomas CHARDIN précise que les professionnels RH ne doivent pas
seulement s’accaparer de nouvelles techniques digitales, ils doivent changer de posture et passer au
marketing RH. Avec Pierre CHAUDAT, l’intelligence artificielle se présente aujourd’hui comme un enjeu
central de compétitivité, d’efficience et de qualité de service. Richard DELAYE souligne l’importance
de la gestion des données. Marc DELUZET rappelle que les technologies ne doivent pas être conçues
comme une réduction de l’intervention humaine mais comme une démultiplication de son potentiel.
Pour Michelle DUPORT, il ne faut pas oublier que derrière l’illusion du tout automatique il y a du « digital labor ». Jean-Jacques EKOMIE et Jean-Paul TCHANKAM affirment que L’IA offrira à l’entreprise de
l’amont à l’aval une amélioration de l’expérience client tout au long du processus. Corinne FORASACCO
présente les caractéristiques du coach augmenté. François GEUZE s’interroge à comment faire parler
les données. Selon Alexandre GUILLARD et Marc PHALIPPOU, l’IA va constituer une incitation pour
mettre en avant la responsabilité sociale et sociétale de l’Entreprise Pour Sana HENDA l’IA permet de
favoriser le développement du travail et de tenir compte des attentes des salariés en les fidélisant et
les garder. Jacques IGALENS indique qu’il il peut être dangereux de trop considérer le salarié comme
un client. D’après Assya KHIAT, l’IA dicte de nouveaux rapports de force. Delphine LACAZE préconise
de développer l’empowerment des machines…grâce aux « fusion skills » des humains. Pour Hubert
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41 experts de 10 pays, enseignants-chercheurs, dirigeants d’entreprise, DRH, experts et consultants
ont accepté de répondre à la question posée et de croiser leurs regards. Leurs réflexions sur l’Intelligence Artificielle et son utilisation pour améliorer l’expérience collaborateur et l’expérience client dans
une politique de symétrie des attentions, ouvrent des perspectives intéressantes.
LANDIER, il ne s’agit pas de rejeter l’IA, mais de l’utiliser à bon escient. Myriam LEPETIT-BRIERE,
pense que l’IA est la clé pour libérer l’Intelligence Émotionnelle au sein de l’entreprise.
Selon Ziryeb MAROUF, la démarche « pertinente » consisterait à compléter l’humain, à l’augmenter par
de nouvelles capacités et non à le remplacer par la machine. Jean-Yves MATZ s’interroge sur les réels
apports des solutions digitales françaises de bien-être au travail. Ruphin NDJAMBOU souligne que l’IA
consacre le transfert d’expertises de l’homme à un système intelligent. Pour Guillaume PERTINANT,
l’intelligence humaine ne suffit plus, elle a besoin d’aide. D’après Mathieu PETIT, l’IA devrait permettre
aux entreprises de progresser dans l’élaboration de leurs systèmes de rémunérations vers encore plus
d’équité interne et externe. Pierre PIRE-LECHALARD et Delphine VAN HOOREBEKE rappellent que le
seul véritable défi de l’homme face à l’IA est de devenir encore plus humain. Patrick PLEIN souligne
que l’intelligence artificielle permet une plus grande personnalisation de l’offre au client/collaborateur.
Selon Elena de PREVILLE, il est préférable de considérer des rapports entre l’intelligence artificielle
et l’intelligence humaine non pas en termes de concurrence mais en termes de synergie. Pierre-Alain
RAPHAN insiste sur la gestion des ressources algorithmiques. Stéphane ROUSSEL pense que l’IA nous
amène vers plus d’autonomie, d’intelligence collective et d’opportunités d’évolution dans l’expérience
collaborateur. Pour Aline SCOUARNEC, l’IA est une occasion pour les équipes RH de confirmer leur
positionnement d’entrepreneurs innovants au service d’une qualité de services augmentée. Thérèse
SEIF présente l’utilisation d’Edtech britannique dans les systèmes éducatifs libanais. François SILVA
souligne les enjeux éthiques liés à l’usage de l’IA et de la data. Mamadou L. SYLLA donne des indications afin d’éviter le risque de déshumanisation des relations de travail. Lassana TIOTE analyse les défis
RH/ IA dans des contextes informels tels que les Afriques. Laura TOCMACOV VENCHIARUTTI indique
que l’Intelligence Artificielle est une opportunité de prospection au service du « bien commun ». Oumar
TRAORE fait le lien entre l’IA et l’organisation apprenante. Valéry YAKUBOVICH incite à l’utilisation des
données pour favoriser l’agilité. Joumana YOUNIS donne des exemples des apports de l’IA dans les
domaines de la finance, la banque et l’industrie au Liban.
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Ces textes dans leur diversité reflètent la richesse des débats que suscite l’irruption de l’Intelligence
Artificielle dans les pratiques managériales avec des perspectives attrayantes mais aussi des limites et
des risques qu’il est nécessaire d’identifier et de réduire.
REGARDS CROISÉS
Intelligence artificielle
Faouzi BENSEBAA, professeur, Université de Paris 8
Transformation profonde de la chaîne de valeur des entreprises, identification de milliers de types
psychologiques permettant d’élaborer des messages précis en adéquation avec les préférences des
clients, envoi de réponses automatiques aux clients via les réseaux sociaux et les mails, gestion des
stocks en temps réel permettant la réception de produits sans passer par des commandes formelles,
reconnaissance faciale pour repérer les clients frustrés ou mécontents dans les files d’attentes dans
les magasins, rédaction automatique d’articles dans les entreprises de presse, outils d’aide à la décision voire outils de décision par les algorithmes, travail avec des collaborateurs (préalablement
détectés) ayant des profils en correspondante précise avec ce qui est attendu, contrôle très étroit
de ces mêmes collaborateurs par des machines, etc. sont des exemples illustrant les avancées de
l’intelligence artificielle concernant les organisations. Exit ainsi l’outil statistique classique, l’analyse
des données et leur interprétation. Les machines nous permettent de surcroît d’être de plus d’être
dans la tête des clients en amont de leurs envies, de leurs besoins, de préférences comme elles
nous amènent à connaître profondément nos collaborateurs. Foin donc de la surprise ! Les machines
pouvant accomplir n’importe quelle tâche intellectuelle aussi bien (peut-être mieux) que les humains
auraient-elles gagné à la grande joie des transhumanistes et au grand dam des néo-luddites ? Le
consensus est cependant loin d’être acquis sur la place des machines dans les organisations et dans
la société. Quid dans cette veine du libre arbitre ? De l’anonymat ? De l’indéterminisme ? Le système
l’aurait-il emporté au détriment de l’acteur ? La dictature des processus serait-elle irréversible ? Peutêtre que la configuration la plus souhaitable serait une relation apaisée dans laquelle l’humain profiterait de l’efficacité de la machine et celle-ci tirerait profit de l’intelligence émotive un peu chaotique
de l’humain.
L’UX de l’IA
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La transformation numérique, à la fois, génère de nouveaux comportements des clients – tant particuliers qu’entreprises –, et, à la fois, favorise l’émergence de nouveaux outils et modes de travail pour
les collaborateurs. Dans ce contexte de profonde mutation, la notion même d’Intelligence Artificielle
procède d’un choix philosophique qui incombe à chacun : est-ce que je crois que l’avenir de l’humanité est le transhumanisme ? Les clients et les collaborateurs sont alors parties d’un système plus
vaste qui les sert efficacement mais les dépasse jusqu’à les absorber. Ou, alors, ai-je foi en l’humain
et l’alliance des intelligences ? Dans ce cas, clients, collaborateurs et intelligence artificielle coopèrent
au service de rêves, d’intentions et de moments de vie pleinement humains. Il s’agira alors pour collaborateurs, tout au long de l’expérience client, désormais omni-canal et sans couture, de : 1. Donner
de l’action à ce qui fait du sens pour le client par de gestes techniques parfaits. En effet, le client viendra, pour les choses importantes, sécuriser les informations fournies par l’IA. A cet effet, les conseils
de haute qualité, de valeur ajoutée substantielle, ne pourront être produits que par des assemblages
ad hoc de collaborateurs, qui eux-mêmes disposeront de savoirs-métiers et d’expertises encapsulés
dans des outils à base d’IA pour être activables aux moments et lieux idoines. Les compétences les
plus sollicitées : Pensée critique, Collaboration, Créativité. 2. Donner de l’empathie à la relation avec
une pleine présence humaine. En effet, le client viendra à des moments de vie chargés émotionnellement, quand il y aura des enjeux personnels importants. Or aucun robot, aucune IA, ne pourra se
prévaloir d’être le partenaire de vie de ses clients… Les compétences les plus sollicitées : Communication, alignement Corps-esprit. Concernant l’expérience collaborateurs, par le jeu de la Symétrie des
Attentions, l’entreprise doit prendre la même décision philosophique – certains diraient éthique – et
peut utiliser l’IA dans le même esprit pour progresser.
Dès lors que la gouvernance s’est prononcée pour l’humain, Heidegger nous rappelle que l’esprit
technique apporte des solutions : Les RH auront ainsi à cœur d’inclure l’IA dans le vivier de talents
pour faire progresser les capacités techniques de l’entreprise et accroître l’éventail des solutions
qu’elle puisse produire. L’esprit poétique apporte le sens : Or, c’est le sens qui mobilise et relie. La
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Hervé BERAUD, directeur-associé de CollectivZ
question devient alors comment développer l’esprit poétique de l’entreprise pour ré-enchanter le
métier et redonner de la fierté aux collaborateurs pour que l’IA continue d’être un outil au service
d’aspirations, d’intentions et de décisions intégralement humaines ?
Le potentiel de l’IA est sans limites
Houcine BERBOU, professeur ENCG Settat
L’intelligence artificielle présente, certes, une révolution quant à la manière de faire les choses au sein
des entreprises : Une combinaison parfaite entre l’action humaine et les capacités des algorithmes
ne peut être qu’enrichissante. En parlant de combinaison, l’accent est mis sur l’incapacité de l’intelligence artificielle à remplacer celle humaine, néanmoins, le potentiel qu’offre l’IA pour les entreprises
est indéniable. L’IA donne aux entreprises les clés pour mieux comprendre et gérer les attentes de
leurs clients. Nombreuses sont les entreprises qui aujourd’hui font appel à l’IA dans les services
assistance à la clientèle pour répondre aux préoccupations ou même anticiper les attentes de leurs
clients, d’autres pour l’optimisation de leurs chaînes logistiques et ce ne sont que des exemples
parmi d’autres : rapidité, réactivité et efficacité deviennent ainsi les mots d’ordre. L’amélioration de
« l’expérience client » passe avant par l’amélioration de « l’expérience collaborateur » qui – dispensé
des tâches pouvant être automatisés – arrive à se concentrer mieux sur les tâches à forte valeur
ajoutée. Pour conclure, le potentiel de l’IA est sans limites quoiqu’il ne remplace pas la compétence
humaine. Le plus important est de combiner les deux pour progresser.
Expérience collaborateur : des DRH croyants mais non pratiquants !
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74 % des professionnels RH affirment connaître « bien » ou « très bien » le concept d’expérience
collaborateur et 93 % le jugent « stratégique » ou « important ». Ils ne sont pourtant que 25 % à avoir
initié une démarche d’expérience collaborateur dans leur organisation. Pourquoi ? D’abord, parce que
l’expérience collaborateur est un méta-sujet. Il embrasse large en concernant toute l’organisation et
toutes les parties prenantes (management, partenaires sociaux, collaborateurs, candidats, etc.). La
mise en œuvre d’une telle démarche d’expérience collaborateur suppose donc une approche systémique et holistique qu’il n’est pas simple de mettre en place. Ensuite parce que l’expérience collaborateur comprend intrinsèquement une forte dimension marketing : il faut écouter le corps social,
évaluer et mesurer les perceptions, les sentiments, segmenter son « marché cible » en fonction des
attentes et des ressentis, définir une offre RH, etc. Les professionnels RH n’ont aujourd’hui qu’une
appréhension très partielle et partiale du marketing appliqué à leurs prérogatives. Les DRH privilégient en effet légalité à l’équité. Ils sont donc parfois averses à la segmentation pourtant nécessaire
au développement une bonne expérience collaborateur. « Vous avez beau avoir toutes les aptitudes,
si vous n’avez pas l’attitude, vous ne réussirez pas » disait Gandhi. Pour résonner avec le monde
contemporain, les professionnels RH ne doivent pas seulement s’accaparer de nouvelles techniques
digitales, ils doivent changer de posture et passer au marketing RH. Le marketing comme le management des ressources humaines sont des processus profondément humains ; ils cherchent tous deux
à explorer, à épouser, par empathie, la psychologie et la sociologie de leur époque. N’est-ce pas là la
finalité de la fonction RH ?
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 139
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Thomas CHARDIN, dirigeant Fondateur de Parlons RH
REGARDS CROISÉS
L’intelligence artificielle, un levier de progrès à condition
de répondre aux problématiques éthiques et juridiques
Pierre CHAUDAT, Maître de Conférences HDR, IAE Clermont Auvergne – School of
Management
La question de l’intelligence artificielle (IA) comme outil de progrès dans l’entreprise se présente aujourd’hui comme un enjeu central de compétitivité, d’efficience et de qualité de service. Pour en être
persuadé, il suffit de consulter le rapport paru en février 2019 concernant l’intelligence artificielle :
« État de l’art et perspectives pour la France ». Les acteurs privés et publics ont multiplié par dix leurs
investissements au cours des cinq dernières années, afin de maîtriser cette technologie d’avenir et
prometteuse de gains. Pour la fonction RH, il est aujourd’hui question de la qualifier de « RH augmentée » permettant entre autres aux collaborateurs de se délester d’un certain nombre d’activités
routinières et automatisables. L’utilisation d’un chatbot affecté à répondre à des questions répétitives
et générales, permettant pendant ce temps au DRH de prendre le temps de recevoir un collaborateur
en difficulté, est évocatrice d’un certain progrès humanisant. Quant aux clients, ils pourraient entre
autres bénéficier d’un matching affinitaire plus fiable. A la question : comment l’entreprise peut utiliser l’IA pour progresser au sens noble du terme, la réponse s’avère – au moins en partie – liée à l’utilisation de cet outil. L’humain doit rester le garant de l’usage éthique des outils inhérents à l’IA, et leur
assurer des gardes fous juridiques. Tout d’abord ce n’est pas parce qu’une mission est automatisable
qu’il faut systématiquement l’automatiser. C’est à l’entreprise d’utiliser l’IA pour certaines tâches
pertinentes en accord avec sa politique et sa culture. Par ailleurs, le fait qu’aucun regard humain ne
soit porté sur les décisions prises par l’IA en ce qui concerne un entretien de recrutement n’est pas
concevable. Enfin, les quantités de données accumulées doivent protéger les libertés individuelles
des clients et des collaborateurs. Pour conclure, la réussite dans l’application et la diffusion des outils
de l’IA est tributaire d’une réflexion initiée par des groupes de travail et de la mise en place d’une
politique de formation des collaborateurs.
Management et Intelligence artificielle (IA) :
l’enjeu de l’éducation des robots
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Les références à l’intelligence artificielle sont de plus en plus fréquentes dans notre environnement
professionnel. Entre les chatbots qui remplaceront petit à petit le chargé RH dans les décisions basiques comme les réponses apportées aux salariés par les « self-service RH », la Robotic Process
Automation (RPA) qui vient renforcer les systèmes robotiques existants et qui amènent à remplacer
plus de 80 % de la chaine de fabrication d’un véhicule dans le secteur de l’automobile, il convient
d’admettre que ces nouvelles formes de travail peuvent impacter positivement les équipes et par
conséquent le management. En effet, sur le plan RH, l’archivage des documents, la gestion des
arrêts maladie, l’élaboration des contrats de travail, les gestions des pics d’activité sont des tâches
désormais rendues possibles grâce à l’intelligence artificielle. Mais l’IA peut aller beaucoup plus loin,
dans les processus de recrutement par exemple, en développant le recrutement prédictif en croisant
les données émanant de LinkedIn, Viadeo ou tout autre réseau social, ou en étant capable, en interne,
d’identifier les collaborateurs susceptibles de rechercher un poste dans une autre société et donc de
démissionner suite aux « traces » laissées sur lesdits réseaux. Bien entendu, dans ce cadre précis, la
question de l’éthique s’impose tout comme celle des libertés individuelles. Par ricochet, l’IA impacte
également le management de la relation avec le consommateur ce qui doit nous amener à réfléchir
à l’arrivée des jumeaux numériques qui vont littéralement changer le paradigme de la créativité telle
que nous la voyions. Initialement, on créait le produit, pour ensuite le tester et lui apporter les modifications nécessaires. D’après une étude de pwc, « aujourd’hui, grâce à l’IA et au jumeau numérique, la
visualisation progressive de la construction sur son modèle numérique permet de comparer en temps
réel le développement avec la cible finale et aide à la décision en matière d’ergonomie et de design ».
Cependant, si ces robots représentent une formidable opportunité pour le management en termes
140 / Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019
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Richard DELAYE, IMG Geneva
d’anticipation et de prise de décision, deux points demeurent essentiels si l’on veut que la cohabitation homme-machine fonctionne et devienne rentable, et cela doit passer par une meilleure collecte
ainsi qu’une qualification rigoureuse des données collectée ainsi qu’à une éducation de ces derniers.
Démultiplier l’intelligence humaine plutôt que prendre sa place
Marc DELUZET, délégué général OSI
L’intelligence artificielle est d’abord une technologie comme une autre : elle assure aujourd’hui des
tâches cognitives de base, routinières et répétitives, comme par le passé un bras articulé est venu
suppléer le geste ouvrier, lui apportant force et endurance. Et si l’intelligence artificielle peut être
source de progrès en matière d’« expérience collaborateur » ou « expérience client », tout dépend
surtout de la façon dont elle est mise en œuvre et des objectifs qui sont poursuivis avec elle. Les expériences qui se développent dans les différents domaines montrent qu’il s’agit davantage de mettre
l’intelligence artificielle au service des personnes et de leur l’intelligence, afin de mieux satisfaire le
client, le renseigner et lui offrir de nouveaux services, ou pour faciliter le travail des collaborateurs
et augmenter leur capacité d’initiative, d’innovation et de coopération. Il est donc essentiel que la
mise en place des applications d’intelligence artificielle s’appuie sur l’expérience et le point de vue
de leurs utilisateurs et bénéficiaires, qui, autant sinon plus que les experts, peuvent enrichir les services qu’elles peuvent rendre. Finalement, les technologies ne doivent pas être conçues comme une
réduction de l’intervention humaine mais comme une démultiplication de son potentiel.
L’IA au service des organisations : rendre visible
l’invisible et optimiser les décisions humaines ?
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L’intelligence artificielle (IA) regroupe les technologies informatiques qui « permettent d’imiter des
comportements intelligents, que ce soit en termes de perception, en raisonnement ou en génération
d’informations ». Elle est désormais présente dans tous les secteurs santé, transports, e-commerce,
industries… et connue par certaines applications largement médiatisées comme l’imagerie médicale,
le GPS, le profilage des internautes…En médecine comme ailleurs, elle a pour objectif de rendre
visible l’invisible pour anticiper, prévenir, lire les signes d’un dysfonctionnement à venir et adapter au
plus vite la réponse ou la prise en charge, et dans les entreprises de modéliser les comportements
afin d’orienter les décisions stratégiques des organisations. Son caractère prédictif, rendu possible
par une meilleure visualisation de l’imperceptible, par la puissance de calcul de ses algorithmes lui
confère des pouvoirs quasi maléfiques ou magiques selon les points de vue. L’IA est tantôt présentée
comme initiatrice de la disparition du travail humain au profit de robots, d’un monde hyper rationnel
devenu binaire (1 ou 0, oui ou non, vrai ou faux, etc.) tantôt parée de mille vertus, libérant l’Homme
des tâches ingrates lui permettant de se consacrer à des tâches plus nobles. Dans cette dernière
perception, l’IA parée de vertus, est devenue la clé de la réduction des coûts et l’accroissement de la
performance des entreprises notamment par l’aide à la décision stratégique mais aussi dans tous les
actes de gestion. La réalité est simplement différente de ces représentations ou croyances. Certes
l’IA accélère le traitement des activités de gestion et peut en apparence se substituer à l’Homme
comme dans le tri des CV. Pour autant, il ne faut pas oublier que derrière l’illusion du tout automatique
il y a du « digital labor » fourni gratuitement par les internautes eux-mêmes ou par les travailleurs
précarisés des « fermes à clics » (Casilli, 2019). L’hyper rationnel supposé de l’IA comporte aussi sa
part d’erreur et d’aléatoire, d’autant que les modèles d’analyse et les données traitées proviennent
des humains qui y transposent leur idéologie, leurs stéréotypes et leurs représentations. Le « tout
rationnel » n’est pas encore la norme, même si on s’en approche, les algorithmes comportent des
biais nombreux, ne seraient-ce ceux de nos représentations et de nos visions du monde (Bernheim
et Vincent, 2019). L’humain a encore sa place pour intégrer la complexité, l’intuition, les dimensions
émotionnelle et relationnelle et prendre des décisions intelligentes, adaptées à la culture, au contexte,
à l’ADN de l’organisation.
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 141
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Michelle DUPORT, Ingénieur de recherche, Université Paul Valéry, Montpellier 3
REGARDS CROISÉS
Pourquoi l’intelligence artificielle devient-elle une
priorité dans le développement de l’expérience
collaborateur pour améliorer l’expérience client ?
Jean-Jacques EKOMIE, Professeur des Universités, Université Omar Bongo, Libreville
(Gabon)
Jean-Paul TCHANKAM, Full Professor, KEDGE BS Bordeaux
Selon Pierre Volle « L’IA est une forme d’intelligence proche de celle de l’homme dont sont capables
les machines lorsqu’elles exercent les fonctions cognitives telles que la compréhension, l’apprentissage ou la résolution de problèmes ». L’une des tendances les plus importantes aujourd’hui semble
probablement de considérer l’IA au cœur des stratégies des organisations. Si ces considérations
sont vues comme un mythe par certains, il n’en demeure pas moins que ces techniques d’IA ne
cessent de se manifester dans les robots conversationnels (chatbots) et la plupart des spécialistes
s’accordent à reconnaître que l’usage de ces techniques rendent plus efficaces les collaborateurs en
contact. La plus grande opportunité d’usage consiste sans aucun doute à aider les collaborateurs à
mieux faire leur travail. L’intérêt pour l’entreprise est l’amélioration de la qualité des services rendus
aux clients, l’optimisation des actions les plus structurées et routinières, le traitement des questions
les plus simples, le déploiement des compétences sur des projets ou des processus à forte valeur
ajoutée. Les robots conversationnels sont reconnus comme des assistants virtuels intelligents et
peuvent servir d’interactions avec les clients. On s’accorde de nos jours à reconnaître que si l’intelligence artificielle est encore très souvent utilisée en amont du parcours, dans un futur très proche,
elle développera des robots permettant de mieux accompagner les clients pendant la phase d’usage,
après achat. A n’en pas douter, l’écosystème constitué aujourd’hui des start-ups et des grandes
entreprises en feront une priorité. L’IA offrira à l’entreprise de l’amont à l’aval une amélioration de
l’expérience client tout au long du processus.
Le « coach augmenté » une ressource pour renforcer
et étendre l’expérience collaborateur ?
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Le « care » représente une tendance forte des politiques ressources humaines, traduite par des
actions variées traduisant l’attention portée aux collaborateurs. Ces initiatives ont pour objectifs d’impacter positivement l’engagement du corps social. Parmi les leviers utilisés dans ce cadre, l’accompagnement personnalisé du développement des personnes et le recours au coaching professionnel ont
illustré leur performance. Plusieurs aspects restreignent cependant à ce jour les bénéfices potentiels
du coaching. Et l’IA semble, dans l’état actuel des produits développés et expériences réalisées,
pouvoir lever quelques-unes des objections souvent exprimées telles celles du temps et du coût ou
encore celle du nombre limité de bénéficiaires. Dans l’inventaire des outils digitaux entrés d’ores et
déjà dans le champ du coaching et qui embarquent des formes plus ou moins complexes d’AI les
Chatbot tels par exemple « Pocket Confidant » ou avec plus de réserve « Woebot », les outils de
matching tels « You-Trust » (Monkey Tie) ou « The place to coach » ouvrent des voies à explorer.
Dans le 1er cas, s’il semble aventureux d’en faire usage sans prévoir aussi des interactions avec un
« coach humain », ils permettent d’assurer potentiellement une permanence de contact 24/24 et
donne l’initiative au coaché. Dans le second cas les Plates Formes de matching permettent un gain
de temps dans la rencontre coach-coaché et là aussi libèrent l’initiative. En revanche la prudence doit
être de rigueur pour tous le usages trop extensifs et sans contrôle de données pouvant être recueillies sur les personnes et traitées via l’AI afin de formuler une prédictivité inquiétante de personnalités
ou de comportements. En outre de nombreuses études illustrent que les relations entretenues par
l’intermédiaire d’un support, un écran par exemple, génèrent de la frustration. Elles hypothèquent la
création du lien, composante fondamentale de la relation coach coaché, générateur de confiance et
de motivation. Or ces deux derniers éléments demeurent clés pour une évolution comportementale
de la personne accompagnée. A ce jour les experts affirment que les perspectives d’une IA dite forte
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Corinne FORASACCO, Coach – Fondatrice d’Alma Alter Consulting
sont encore très incertaines et porteuses de beaucoup d’inconnues. Nous nous situons donc dans le
contexte d’une IA dite faible. Et ici le coach augmenté, à la fois performant et éthique, est celui qui
saura conserver cette réalité de relations et d’interactions humaines, empreintes à la fois de cognitif
et d’émotionnel, tout en faisant usage d’outils qui optimisent son action par les apports de l’AI. Entre
transhumanisme et négation d’intéressants progrès dans les champs à la fois biologique technologique et psychologique, l’usage éclairé des apports de l’AI dans le coaching se dessine comme une
troisième voie.
Ux, connais-toi, toi-même
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Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux… Cette phrase attribuée à Homère (ou
Socrates) écrite sur le temple de Delphes devrait être parfois remise au gout du jour. Cette invitation
à se reconnaître mortel et non de caractère divin, à refreiner notre orgueil et à ne pas se prendre pour
Dieu prend aujourd’hui tout son sens. Quand l’on parle d’expérience utilisateur ou collaborateur et
d’IA l’on pense assez naturellement aux « Bots » et à l’analyse de données. Le nombre de « bots »
ou « agents conversationnels » utilisant véritablement des techniques d’intelligence artificielle est
assez limité, il s’agit en plus de traiter un grand nombre de questions de la part de collaborateurs, candidats ou clients. L’entrainement de ces robots par les utilisateurs eux même entraine généralement
un coté déceptif par la pauvreté des interactions. Ce problème tend à être corrigé, des algorithmes
de machine learning permettant à ces robots de s’améliorer. Il convient donc ici de savoir donner
du temps au temps. Que l’on parle d’expérience collaborateur ou d’expérience client l’on est bien
dans une logique ou l’on cherche à décrypter, connaître et anticiper les attentes des collaborateurs
ou des clients pour leur apporter une expérience utilisateur (dites maintenant Ux cela fait start-up)
censée être optimale. L’on se retrouve alors dans une logique de type User Analytics ou sur la base
d’un ensemble de données, l’on cherche à décrire le phénomène, le comprendre, l’anticiper et enfin
évaluer l’impact sur le niveau de satisfaction de l’utilisateur. L’IA ou plutôt les techniques de statistiques inférentielles sont pour cela particulièrement utiles pour autant que l’on dispose des données
nécessaires (généralement obtenues par des enquêtes, le suivi du comportement du consommateur,
etc.). Toutefois, nous ne disposons pas de l’ensemble des données nécessaires et l’enjeu des années
à venir sera bien d’en recueillir un maximum pour améliorer la réponse de nos entreprises. Au-delà
du recueil, le choix et la nature des données dont on se servira pour « alimenter » le nouveau moloch
impactera le fonctionnement et les objectifs réellement poursuivis par l’entreprise en faisant « parler
les données ». C’est alors en se connaissant soit même que l’on évitera les dérives, le fichage et les
bruits de « bots ».
Expérience Client, expérience collaborateur : et l’IA dans tout ça ?
Alexandre GUILLARD, agence des transformations, direction dynamique interne Covéa
Marc PHALIPPOU, pôle expérience client, direction marketing Covéa
Répondre à la question sans brouiller les cartes implique de définir clairement les terrains de jeu de
l’expérience client et collaborateur, ainsi que les rôles que peut remplir l’Intelligence Artificielle (IA),
ses limites et les besoins d’arbitrage dans l’entreprise. Clients et collaborateurs sont en relation avec
l’entreprise dans deux cadres différents : les premiers ont avec elle une relation régie par un contrat
commercial ; les seconds une obéissant à un principe de subordination. Ces deux cadres juridiques
distincts communiquent néanmoins entre eux et présentent des résonances : les clients forment
des communautés, les collaborateurs revendiquent de l’autonomie. Sur tous ces terrains l’IA a un
rôle à jouer avec l’intelligence… « naturelle », qu’elle soit émotionnelle, relationnelle, individuelle ou
collective.
Des entreprises recourent à l’IA pour connecter les clients et les conseillers avec le plus de chances
de « matcher » entre eux. D’autres personnalisent leur offre en temps réel pour leur client. Certaines
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 143
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François GEUZE, Directeur Scientifique HRFiablab Europe, Groupe Fiabilis
REGARDS CROISÉS
émettent un diagnostic ou anticipent la conclusion d’un dossier pour alerter le collaborateur et aider
sa décision. Dans tous ces cas l’IA les aide à progresser techniquement et opérationnellement dans
trois directions : la qualité de la relation, de la transaction et de la décision. Mais l’IA n’est pas dotée
en elle-même de sens moral ou politique, même si elle fera de plus en plus illusion au point qu’il sera
difficile de distinguer le vrai du faux : 1984 n’est pas si loin avec des robots-agents conversationnels
instruits à écrire de faux avis, des armées de « chat-bot » dressés pour sabrer l’e-réputation d’un
concurrent… Les entreprises ont avec l’IA un outil de relation et de pouvoir à l’éthique indéfinie et
l’apprentissage opaque. Pour grandir en intelligence artificielle autant qu’en confiance, l’entreprise
a trois défis à relever : mettre l’IA au cœur de l’apprentissage, au cœur du collectif et au cœur de
la relation avec pour chacun une valeur éthique. Un collaborateur comme un client vit une expérience réussie quand son vécu se rapproche le plus de ses attentes voire les dépasse. Avec l’IA, les
entreprises ont un nouvel atout pour piloter et améliorer l’expérience client ou collaborateur par une
meilleure qualité de perception, de traitement et de mesure d’atteinte des préférences… à condition
d’honorer le besoin de sens et de transparence. Paradoxalement l’IA va constituer une incitation pour
mettre en avant la responsabilité sociale et sociétale de l’Entreprise récemment mise en valeur dans
la Loi Pacte. Dans ce contexte, le secteur des assurances mutualistes à condition de se réinventer,
dispose d’une carte à jouer pour combiner les progrès de l’IA avec le développement des écologies
des personnes et des collectifs.
Expérience collaborateur et Intelligence artificielle
vont-elles dans le même sens ?
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Avec la rapidité des changements technologiques et les mutations sociologiques, les Ressources
humaines sont donc devenues, pour les entreprises, la variable fondamentale pour faire face aux
incertitudes de l’environnement. Ainsi les procédures RH se transforment, l’entreprise doit ce cas
miser sur ses ressources internes pour les renforcer et se fonder un avantage concurrentiel fort et durable. Ainsi avec l’intelligence artificielle (IA) les pratiques RH et le travail collaboratif pourrait évoluer
et répondre aux besoins de ces évolutions. Dans ce sens, la question que nous pourrions formuler
concerne l’impact de l’intelligence artificielle sur le capital humain et l’expérience collaborateur. Dans
ce cadre-là, l’IA va aider l’entreprise à mettre en avant l’expérience collaborateur qui est une notion
essentielle du marketing RH et de la réputation de l’entreprise. L’IA permet de favoriser le développement du travail et de tenir compte des attentes des salariés en les fidélisant et les garder. Mais en
fait l’expérience collaborateur a pour objectif de faire progresser la performance de l’entreprise ou
bien l’intégration des salariés et des collaborateurs et dans ce cas l’IA va tenir compte uniquement
de leurs compétences. Pour certains l’IA pourrait avoir un effet négatif sur l’employabilité des salariés
alors que dans la pratique, elle permet aux RH de se recentrer sur les tâches les plus pertinentes,
de les alléger et de se concentrer sur le capital humain. A titre d’exemple l’IA aide les entreprises
à cerner les profils talentueux, d’analyser les compétences pour arriver à trouver et identifier les
salariés les plus compétents et aussi développer l’engagement des salariés et valoriser l’expérience
collaborateur tout en mettant en place des formations spécifiques. L’entreprise doit scruter donc les
moyens à mettre en place pour attirer, fidéliser et motiver les salariés dont elle a besoin. Pour cela,
l’entreprise doit travailler sur son attractivité, sa marque employeur. Pour la développer, elle doit chercher des moyens novateurs qui répondent aux besoins et attentes de ses salariés et futures recrues.
Ces moyens doivent lui permettre de se différencier de ses concurrentes et de les surpasser afin
d’attirer les hauts potentiels et conserver ceux qu’elle détient déjà et c’est de cette manière qu’elle
arrivera à développer sa performance. En mettant en place des processus d’IA, de faciliter la mobilité
des salariés, de les considérer comme des « clients internes » représentants de l’entreprise qui sont
l’interface entre l’entreprise et son environnement, qui vont accentuer. D’où l’importance d’engager
ses employés en tenant compte de leurs attentes, de leurs besoins de la même manière que leurs
clients en valorisant ainsi l’apport de l’IA.
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Sana HENDA, Enseignant-chercheur, ESC Amiens
Attention le collaborateur n’est pas toujours un client…
Jacques IGALENS, Professeur émérite de l’Université de Toulouse Capitole, Président de
l’Institut International de l’Audit Social
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« Expérience collaborateur » et « Expérience client » :
quand l’IA dicte de nouveaux rapports de force
Assya KHIAT, Professeur, Université d’Oran 2
La question : « comment l’entreprise peut-elle utiliser l’IA pour progresser ? » en suscite bien d’autres.
L’entreprise est-elle entrée dans l’ère du client comme pour repositionner le client ROI ? En quoi
l’usage des algorithmes peut déterminer des tendances dans la prise de décision ? Comment peut-on
parler de relation sociale quand cette dernière se fait d’homme à robot voire de robot à robot ? Quant
à l’expérience collaborateur, force est de constater combien les plateformes (Amazone, e-bay, vente
privée, etc.) s’érigent comme sanction quand le client n’est pas satisfait (livraison en retard, avarie,
etc.). Si les tenants de l’AI prônent l’humain dans la triptyque Client / Technologie / Humain dans le
passage de la relation client à l’expérience client, c’est pour donner du sens à l’expérience des collaborateurs qui du reste capitalisent une banque de données en vue de se focaliser sur la valeur ajoutée
de l’entreprise. Le plaidoyer des tenants de l’AI repose sur la notion de « relation digital apaisée ».
Encore que ! ! ! ! Les collaborateurs et les clients sont-ils formés / outillés de la même manière au
tout digital ? Sont-ils dans le même confort quant à l’utilisation des technologies ? Au profit de qui
l’asymétrie des attentes profite-t-elle ? Ce questionnement montre bien à ce stade que l’IA dicte bien
de nouveaux rapports de force. Relevons la place que peut revêtir le marketing RH dans la gestion
des ressources humaines dans l’entreprise quant aux conséquences d’un In / Out où collaborateurs
et clients seraient pleinement satisfaits.
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 145
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La notion d’« expérience collaborateur » transpose à la GRH « « l’expérience client ». Elle participe
ainsi de ce mouvement plus large qui consiste à considérer le collaborateur comme un client interne
de l’entreprise et la DRH comme une direction commerciale. On sait que plusieurs outils de marketing ont ainsi été transposés à la gestion des RH, la « marque employeur » qui fait écho à la marque
commerciale, le marketing interne ou RH qui répond au marketing traditionnel, etc. Il peut être instructif de se demander si un salarié doit être traité comme un client. A l’évidence cette transposition
offre de l’intérêt car elle modernise la GRH mais elle présente également des limites. Le salarié
engage beaucoup plus de lui-même dans sa relation à l’entreprise que le client. Il y passe une grande
partie de sa vie, il en tire le revenu qui le fait vivre. Donc pour lui, l’entreprise fournit un horizon de vie
dans la durée et pas seulement un « moment » de vie. L’expérience client désigne l’ensemble des
émotions et sentiments ressentis par un client avant, pendant et après l’achat d’un produit. Autant
dire qu’il s’agit d’une impression qui va être essentiellement ressentie sur le point de vente ou sur
le site internet de l’entreprise. C’est souvent une expérience solitaire, le client est seul ou bien il est
choyé par un « vendeur » qui lui consacre quelques instants. On sent que ces trois caractéristiques, le
caractère partiel et éphémère de l’expérience et la solitude du client sont à l’opposé de la situation du
collaborateur qui est dans la durée, qui s’insère dans un dense réseau de relations interpersonnelles
et qui s’engage entièrement. Les deux situations sont donc très différentes et il peut être dangereux
car à trop considérer le salarié comme un client on court le risque qu’il considère l’entreprise qui
l’emploie comme une simple épicerie.
REGARDS CROISÉS
Développer l’empowerment des machines…
grâce aux « fusion skills » des humains
Delphine LACAZE, Professeure, Aix-Marseille Université
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Ne pas être prisonnier du mythe
Hubert LANDIER, Vice-Président IAS
L’intelligence artificielle existe-t-elle ? Il convient pour le moins de ne pas surévaluer les possibilités
offertes par l’informatique. Celle-ci permet de réaliser des automatismes qui font gagner du temps
au client, qui n’a plus, par exemple à attendre à un guichet de banque pour retirer de l’argent. La
machine excelle pour réaliser ce qui est machinal. Le problème, c’est que la machine ne sait pas sourire. Elle contribue ainsi à dégrader les relations entre le client et l’entreprise à laquelle il s’adresse.
Or, « l’expérience client » passe aussi par la qualité de l’accueil. A défaut du sourire de la caissière
de mon supermarché, si je dois scanner moi-même mes achats, je m’adresserai donc à Amazon.
Je bénéficierai ainsi du sourire du livreur. Même chose en ce qui concerne les collaborateurs. Et les
audits sociaux me permettraient de citer nombre d’entreprises où l’intelligence artificielle a été le
prétexte d’une centralisation des décisions et d’une dépossession, pour les collaborateurs, de toute
capacité d’initiative. Autrement dit, un retour au taylorisme. Ceci sans compter les conséquences
négatives pour les clients. Ce qu’il est devenu courant d’appeler « l’intelligence artificielle » fait l’objet
d’une campagne de promotion démesurée venant des entreprises qui la vendent, ou qui vendent ce
qui s’en réclame. Il ne s’agit pas de la rejeter, mais de l’utiliser à bon escient.
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Les entreprises de service se transforment par l’intégration de l’IA tant pour la satisfaction des clients
et des collaborateurs que pour répondre aux frustrations et aux méfiances. Pour véritablement accroître la qualité de l’expérience client, l’entreprise est contrainte de développer l’intelligence collaborative entre les humains et les machines. D’une part, pour les collaborateurs au contact des
clients (en B to C), la notion de « fusion skills » émerge comme étant prioritaire. Ces compétences
représentent la capacité d’une personne à travailler avec une interface humain-machine : déléguer
des tâches à la machine et combiner les compétences spécifiquement humaines comme reconnaître
les émotions fines, gérer les exceptions, prendre en compte l’éthique, donner sa place à l’intuition
avec celles des machines comme gérer un important volume de données ou prendre des décisions
automatiques. D’autre part, pour les inventeurs des systèmes d’IA, les compétences collaboratives
sont essentielles pour comprendre les besoins de leurs clients (en B to B) ; ces derniers sont ceux
qui connaissent le mieux le client final. Aujourd’hui, les bases de données d’INTEX sur les actifs
immatériels montrent que la R&D dans le domaine de l’IA est la plus prolixe en matière d’innovation
avec plus de 1600 brevets déposés par an et en croissance constante. Ces mêmes bases de données
montrent qu’IBM est l’entreprise la plus active dans l’IA avec par exemple son programme Watson.
Cette entreprise incite ses inventeurs à travailler en réseau avec ses clients pour bâtir des solutions
d’IA qui vont optimiser à la fois l’expérience du client final et l’expérience des collaborateurs. C’est
ainsi qu’IBM a développé récemment une solution logicielle qui détecte les biais des algorithmes
(pouvant conduire à des décisions discriminantes) et qui en informe les utilisateurs pour améliorer la
confiance vis-à-vis de l’IA.
L’Intelligence Artificielle, la clé pour libérer l’Intelligence
Émotionnelle au sein de l’entreprise
Myriam LEPETIT-BRIERE, Directrice des Ressources Humaines, département des Yvelines
Qui s’intéresse à l’Expérience Collaborateur, s’intéresse aux émotions ressenties par le collaborateur
dans son quotidien. Les émotions déclenchées par ses interactions avec l’organisation, ses process,
son cadre de travail, son management, ses collègues, ses valeurs,…peuvent être positives et ainsi favoriser une expérience épanouissante et un engagement au service de son entreprise. Elles peuvent
aussi parfois être négatives. Mon rôle de DRH est de reprendre en main l’Expérience Collaborateur,
de devenir un régulateur mais aussi un créateur d’émotions. L’Intelligence Artificielle est une véritable
alliée dans cette quête. L’IA peut m’aider à limiter certains irritants. Les chabots apporteront une
réponse immédiate 24h/24 au collaborateur sur sa situation administrative, ses possibilités de formation, ou encore à sa demande d’attestation. Oubliée l’insatisfaction liée aux RH qui ne répondent pas
ou alors à côté ! L’IA peut aussi me transformer en DRH augmentée. Grâce aux algorithmes de matching, je peux identifier parmi 500 candidatures, les 3 candidats correspondant le mieux aux compétences recherchées mais aussi à la culture de mon organisation. Le robot conversationnel donnera à
chaque candidat une visibilité immédiate sur l’état de sa candidature. Une évolution de carrière pourra
être proposée à chaque collaborateur sur la base de son parcours, de ses souhaits, de ses compétences et des formations suivies. L’IA est l’assistant rêvé qui soulagera le manager des nombreuses
tâches quotidiennes chronophages et sans valeur ajoutée : Traitement des centaines d’emails reçus
nécessitant une réponse simple, consolidation de reporting fiables issus d’une multitude de sources
de données facilitant la prise de décision et l’arbitrage. Le manager ainsi libéré se concentrera sur le
développement de son intelligence émotionnelle au service de la création de sens, de confiance et de
liens d’intimité professionnelle indispensables à une expérience collaborateur positive et mémorable.
IA et travail, l’équation abstraite
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Même si nous ne nous en rendons pas toujours compte, elle nous entoure au quotidien : dicter un
sms, converser avec un service après-vente, calculer un itinéraire en fonction de la circulation. Tous
ces services se fondent sur l’intelligence artificielle. Au-delà des opportunités qu’elle représente dans
notre vie quotidienne, l’intelligence artificielle gagne du terrain dans les organisations : nous assistons
aux premiers supermarchés sans caisse, ni caissière ; dans les centres d’appels, de plus en plus de
chatbots traitent un certain nombre de tâches en toute autonomie, des robots humanoïdes vous
accueillent dans certains hôtels. La question de la cohabitation de l’IA et de l’emploi se fait de plus
en plus prégnante : « coopération ou compétition ? ». En effet, l’impact de l’intelligence artificielle
sur l’emploi est une des sources principales d’inquiétudes, même s’il y a fort à parier que de nombreux emplois vont voir le jour grâce à l’IA. Une étude de Cap Gemini en 2018 indiquait que 85 %
des emplois qui existeront en 2030 n’existent pas encore, ce qui démontre que tous les besoins en
expertise liés à ces technologies ne sont pas encore satisfaits. En revanche, les personnes remplacées par les machines ne sont pas nécessairement celles qui seront embauchées car les compétences recherchées seront extrêmement spécialisées. Les machines ne sont pas dotées d’empathie
et n’éprouvent pas de sentiments. Elles ne font que nous renvoyer à notre propre projection. Elles
sont régies par des algorithmes écrits par l’homme. Pour autant, le mouvement transhumaniste prétend que l’accélération de l’innovation atteindrait le point de singularité en 2050, une nouvelle ère où
les machines, plus intelligentes que les humains, prendraient le contrôle sur nos vies. La démarche
« pertinente » consisterait à compléter l’humain, à l’augmenter par de nouvelles capacités et non à le
remplacer par la machine.
Il est donc à espérer que cette intelligence artificielle soit réellement au service des femmes et des
hommes pour augmenter leurs compétences, leur confort au travail. Nous avons là une hypothèse
bien plus séduisante que celle d’une réduction drastique d’emplois dans nos entreprises.
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 147
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Ziryeb MAROUF, Directeur de la transformation digitale et du réseau social Orange Directeur
de l’observatoire des réseaux sociaux d’entreprise
REGARDS CROISÉS
« Qualité de Vie au Travail : rejoindre ou
pas les "happy plateformes" ? »
Jean-Yves MATZ, Consultant Responsable Relation Entreprises IDF & International, APEC
Le bonheur au travail numérique est devenu une industrie florissante : en France, pas moins de cinquante start-up environ proclament s’occuper de QVT, du bien-être des salariés ou du bonheur au
travail. Comment faire pour cerner la valeur ajoutée de leur solution ? Comment s’assurer que leur
prestation est à la hauteur des standards en vigueur (RH, déontologiques, juridiques, numériques…)
et des attentes des entreprises ? La plupart mesure l’humeur des salariés en leur prenant le pouls
régulièrement par des sondages d’opinion. Mais le bonheur au travail se résume-t-il à l’humeur des
salariés ? Se sentir bien, est-ce être bien ? Le sondage est-il l’outil adéquat pour évaluer le bien-être,
constituant de la santé mentale, si non, comment le mesurer ? Autant de questions qui intéressent
les entreprises soucieuses d’optimiser la gestion de leurs ressources humaines et les obligations
en matière de santé au travail. Les réponses apportées ne sauraient être hasardeuses. Au-delà de
l’Audit Social, que nous préconisons et promouvons, un éclairage intéressant est développé dans le
dernier livre Promouvoir le bien-être au travail de Pierre-Eric Sutter et de Carole Blancot pour analyser
le phénomène et répondre aux interrogations ci-dessus. Ils ont établi à l’aide d’un collectif d’experts
une cartographie des solutions digitales françaises de bien-être au travail. Leur objectif : informer les
utilisateurs des risques et opportunités des différentes solutions.
L’Intelligence Artificielle : une nouvelle frontière pour les entreprises ?
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A la faveur de la révolution numérique (Sapet, 2018), l’Intelligence Artificielle (IA) se déploie remarquablement dans tous les pans de la société au cours des dernières années. C’est le cas notamment
dans les entreprises du monde industriel, même si le rythme d’appropriation de l’IA dans les organisations varie d’un pays à l’autre. En effet, l’IA semble induire des avantages pour les entreprises sur
au moins trois niveaux : industriel, commercial et ressources humaines. La plupart des entreprises
industrielles, quel que soit leur taille, intègrent l’IA dans leur process de production par la mise en
place des machines automatisées et des logiciels de planification. La production se trouve optimisée
grâce au machine learning qui permet aux robots de procéder à des calculs de toutes sortes en temps
réel pour adapter la cadence, augmenter le taux d’occupation des machines, épauler un opérateur sur
une ligne de production, gérer les stocks de manière optimale. A ce titre, l’IA accélère la production,
augmente la productivité, diminue les frais et les délais. Dans la Gestion de la Relation client (CRM),
les entreprises de services ou de vente de produits bénéficient d’une meilleure performance commerciale et financière (Lefébure, Venturu, 2004). A cet égard, les nouvelles versions des CRM tels
que Salesforces sont susceptibles de permettre aux commerciaux, aux responsables marketing et
digitaux ou encore aux managers d’atteindre et de dépasser les objectifs en proposant des meilleures
expériences à leurs clients. Les premières expériences de l’IA dans les entreprises montrent qu’elle
induit de profonds changements dans la manière de recruter, de diriger et d’évaluer les employés de
l’entreprise. En cela, l’IA participe à la redéfinition d’une nouvelle politique RH qui privilégie les profils
polyvalents, flexibles, ouverts aux changements au détriment des profils pointus et figés (Cohen,
2014). Cela permet, entre autres, à l’entreprise de devenir plus flexible, moins hiérarchique, plus
horizontale en offrant notamment aux salariés plus d’autonomie et d’indépendance dans le travail
(Peretti, 2016). Par ailleurs, cette mutation s’accompagne des nouveaux métiers comme la fonction
de supervision et de contrôle. L’IA consacre le transfert d’expertises de l’homme à un système intelligent. Mais doit-elle être envisagée dans une relation de substitution de la machine à l’homme ou
dans le cadre d’une collaboration machine-homme ? Tel est probablement l’un des défis auxquels les
managers seront confrontés dans les prochaines années.
148 / Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019
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Ruphin NDJAMBOU, Maître-Assistant des Universités, CIREGED, UOB-INSG, Libreville, Gabon
L’intelligence humaine ne suffit plus, elle a besoin d’aide
Guillaume PERTINANT, HAVASU
Les conditions de la réalisation de la performance managériale ont évolué. L’ouvrier, bénéficiant d’une
carrière linéaire et naguère hébergé dans les bâtiments attenants à l’usine est désormais confronté à
l’incertitude professionnelle, aux transports, à la garde de ses parents et à ses aspirations de qualité
de vie au travail. À l’image du monde actuel, le management s’est complexifié, car la caractéristique
d’une économie mondialisée et orientée vers la croissance est le changement. Changements réglementaires, technologiques, sociologiques, démographiques et organisationnels. Ces changements
fréquents et souvent profonds sont autant de variables à intégrer dans l’équation du management
attentionné. Mais cette équation est devenue si complexe qu’elle est désormais difficilement appréhendable par le manager, même expérimenté. Par ailleurs, les attentes des collaborateurs ellesmêmes évoluent, orientées vers le bien-être et la qualité de vie. Lorsque les variables explicatives
d’un phénomène se multiplient et que le modèle utilisé pour les appréhender évolue fréquemment,
l’intelligence humaine ne suffit plus, elle a besoin d’aide. Une approche statistique flexible, ou intelligence artificielle, qui sait valoriser signaux faibles et forts au sein de modèles reconfigurables, offre
alors une perspective prometteuse. Celle d’aider à mieux comprendre les ressentis et attentes des
collaborateurs pour faire évoluer adroitement les pratiques managériales.
IA et gestion des rémunérations : de belles promesses à concrétiser
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De nombreuses espérances et inquiétudes, justifiées ou non, illustrent le peu de connaissance que
nous avons des progrès réels de l’IA. Les promesses des systèmes probabilistes cognitifs – qui
intègrent l’apprentissage automatique ou profond (machine learning ou deep learning) et permettent
une puissance de calcul jamais atteinte à partir d’un volume de données toujours plus grand – laissent
imaginer l’ampleur des innovations pouvant faire progresser l’entreprise et améliorer l’expérience
collaborateur et l’expérience client. Cette puissance de calcul est particulièrement intéressante pour
la gestion des rémunérations. L’IA devrait permettre aux entreprises de progresser dans l’élaboration de leurs systèmes de rémunérations vers encore plus d’équité interne et externe, de répondre
au plus près à leurs besoins tout en tenant compte des spécificités de chaque salarié. Elle pourrait
également rendre possible une appréciation de la performance de ces systèmes et de leur retour sur
investissement favorisant ainsi l’optimisation de la masse salariale. C’est d’ailleurs le positionnement
de Beqom, start-up hyperspécialisée, qui parie sur l’IA pour faire progresser la gestion des rémunérations. Cependant ces capacités de progression me paraissent encore bien dépendantes des avancées de la recherche académique. Par exemple, selon Ian Larkin « nous ne savons pratiquement rien
[…] sur la meilleure manière de mettre en place un système de rémunération exploitant l’ensemble
des facteurs de motivation d’un individu ». Pour prendre le pas sur les humains, les robots vont devoir
attendre que la recherche progresse ! Au moins en ce qui concerne la gestion des rémunérations…
L’expérience artificielle humanisée
Pierre PIRE-LECHALARD, Enseignant – chercheur, ESC Clermont Ferrand
Delphine VAN HOOREBEKE, Maître de Conférences, HDR, Université de Toulon
Gare Part Dieu à Lyon, il est 18h05. Une femme converse avec un robot humanoïde blanc. Cette
scène peut paraître tirée d’une nouvelle de science-fiction ou d’une image du futur, mais il n’en est
rien. Cette scène a eu lieu le 14 mars 2019. Qu’il soit physique ou sous la forme d’un bot internet,
« l’intelligence » de cette nouvelle espèce grandit de façon exponentielle du fait qu’elle est devenue
apprenante (machine learning). Elle accumule le savoir au grès des contacts, des demandes, envies,
réactions et des comportements des humains. Cette scène démontre que la machine est aujourd’hui
capable de remplacer efficacement l’agent d’accueil –prochainement, c’est sans doute le vendeur
sédentaire qui se verra concurrencé-. Le rôle actuel de l’intelligence artificielle (IA) est de faciliter l’expérience d’achat ou de consommation. Elle participe également à la mise en scène polysensorielle
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 149
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Mathieu PETIT, Consultant en Rémunération
REGARDS CROISÉS
de l’expérience. Grace à ses capteurs, elle recueille des données en masse tant de localisation, de
comportement, de sensation, jusqu’aux expressions d’émotions du visiteur ou du chaland. Ces données sont traitées dans l’instant pour répondre à l’interlocuteur, mais aussi conservées pour servir aux
analystes afin d’obtenir une connaissance clients extrêmement fines qu’aucune étude traditionnelle
n’est en mesure d’offrir à coûts équivalent. Dans ce scenario, le salarié doit apprendre à travailler avec
l’IA et non contre elle. Le défi de l’homme face à l’IA : devenir encore plus humain.
De l’expér-IA-nce client et collaborateur…
Patrick PLEIN, Directeur digital working et Academy VINCI
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L’intelligence artificielle et l’intelligence
humaine : concurrence ou synergie ?
Elena de PREVILLE, consultante-formatrice, Chercheur associée à la Chaire ESSEC du
changement
Les domaines de l’utilisation de l’Intelligence artificielle (IA) sont nombreux : finances, industrie, médecine, transport… et des exemples de gains apportés se multiplient. Pourtant, cette intelligence
suscite une attitude ambivalente : l’admiration et la crainte de la part des personnes qui ont eu un
contact direct avec elle ou en ont entendu parler de loin… Dans le monde de l’entreprise, les questions se posent : l’intelligence artificielle, est-elle une menace sur les emplois ou au contraire, un
moyen de finir avec ce qui est difficile à faire par l’homme ? Comme, par exemple, dans un entrepôt
d’Amazon dans la banlieue de Londres où les petits robots déplacent les étagères avec des produits
stockés, en évitant au personnel de parcourir inutilement des kilomètres…Nous ne sommes pas
seule à penser qu’il est préférable de considérer des rapports entre l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine non pas en termes de concurrence mais en termes de synergie. Suite à Tad Friend
(2019), citons l’ancien champion d’échecs Garry Kasparov, selon qui « utiliser les ordinateurs [IA, EdP]
pour « les aspects les plus ingrats » du raisonnement nous libérera et nous permettra de consacrer
nos facultés intellectuelles à « la créativité, la curiosité, la beauté et la joie ».
150 / Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019
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Que l’on soit client ou collaborateur, la notion « d’expérience » est devenue cruciale pour toute entreprise. Pour ses clients, elle doit en effet générer dans les multiples interactions avec eux un ensemble
d’émotions et de ressentis avant, pendant et après l’acte d’achat engendrant confiance et fidélisation. Pour ses collaborateurs, il s’agit de leur offrir des moments tout au long de leur parcours afin de
les attirer, les motiver et les fidéliser. Car un client satisfait ou un collaborateur engagé sont source
de valeur ajoutée pour l’entreprise. Si cette affirmation n’est pas nouvelle en soi, les modalités de
mise en œuvre le sont, par l’apport des nouvelles technologies et en particulier de l’intelligence
artificielle s’avérant être une véritable source d’enrichissement de l’expérience client / collaborateur.
L’intelligence artificielle permet d’automatiser les activités simples et répétitives mais néanmoins
essentielles au bon fonctionnement de la relation avec les clients / collaborateurs. Ceci améliore le
support par une prise en charge des demandes, via des assistants virtuels par exemple, ou encore par
une présence permanente sur certains sujets (24/7). L’intelligence artificielle permet également une
meilleure connaissance des clients / collaborateurs. La capacité à collecter et à traiter la donnée est
source d’une meilleure compréhension de leurs souhaits, d’amélioration de l’expérience en continu,
voire d’anticipation des questions et problématiques grâce à la modélisation prédictive. L’intelligence
artificielle permet enfin une plus grande personnalisation de l’offre au client / collaborateur. La puissance et la rapidité de calcul et les techniques algorithmiques ouvrent la voie à une individualisation
plus pertinente et plus adaptée aux besoins exprimés (ou non). Mais cela permet surtout aux interlocuteurs humains de se consacrer aux accompagnements plus complexes et ainsi de monter dans la
chaîne de valeur. En résumé, l’intelligence artificielle est un des grands chantiers de la transformation
des entreprises. Elle va jouer un rôle très important dans l’amélioration et l’enrichissement de la relation Client / collaborateur. Dans cette optique, les directions des ressources humaines, marketing et
des systèmes d’information ont un challenge décisif à relever. Il l’est d’autant plus qu’ils doivent le
faire ensemble.
De la gestion des ressources humaines à la
gestion des ressources algorithmiques
Pierre-Alain RAPHAN, Député de l’Essonne, DBA Sciences de Gestion, Laboratoire CORHIS,
Université Paul VALERY Montpellier III
Rendre à l’humain ce qui appartient à l’humain et rendre à la machine ce qui appartient à la machine,
tel est l’apport que pourra avoir l’IA dans notre quotidien. Le rôle de l’IA sera d’optimiser les processus, d’aider à la décision par sa puissance prédictive et de permettre à l’humain un gain de temps
considérable qu’il pourra mettre au service de l’écoute, de l’empathie, de la réflexion profonde. Aux
entreprises de saisir l’enjeu et l’importance de la finesse des analyses comportementales issues des
données massivement récoltées. Quelques études sont parlantes :
• En 2020, Gartner prévoit en moyenne 6 objets connectés par personne (montres, enceintes, vêtement…) ce qui facilitera cette récolte.
• Le Dr Kosinski de Standford a démontré qu’en analysant 10 likes sur les réseaux sociaux, l’algorithme vous connaît mieux que vos collègues, avec 230, mieux que votre conjoint.
Dans l’écosystème de l’entreprise, l’IA permettra de personnaliser tous les parcours. Pour le salarié,
les tâches ingrates et répétitives ou déplacements inutiles seront bannis. Côté clients, ils capteront,
par des systèmes de « push » le bon service/produit au bon moment en cohérence avec leur valeur.
Pour l’entreprise, les connexions seront plus simples rendant le recrutement intuitif, la recherche de
tendances facilitée ainsi que des améliorations socio-économique et environnementale permanentes.
En conclusion, en faisant des choix algorithmiquement éthiques, l’IA pourra rendre à chacun un quotidien stimulant.
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Stéphane ROUSSEL, Président-directeur général de Gameloft, membre du Directoire de
Vivendi
Jusqu’à la fin du XXe siècle, les progrès technologiques apparaissaient et se développaient en entreprise bien avant qu’ils trouvent une application pratique à la portée de chacun dans sa vie courante.
C’était le cas en particulier dans le domaine informatique où les systèmes de réseaux n’étaient accessibles qu’entre experts d’une même entreprise. Une véritable révolution technologique et surtout
culturelle est apparue au début de ce nouveau siècle : les GAFA, qui ont apportés aux particuliers les
moyens de piloter leur vie directement. Renversement de l’Histoire : les entreprises répliquent, plus
ou moins rapidement, les codes des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, Linkedin…), aussi bien pour favoriser l’intelligence collective à l’intérieur de l’entreprise que pour pouvoir
recruter et fidéliser ses collaborateurs. Ces derniers exigent de retrouver la fluidité du système de
relations expérimentée dans leur vie privée en milieu professionnel. L’intelligence artificielle amène
ce supplément de qualité, par la sophistication des systèmes de recommandation pour les clients.
Ainsi, en tant que client, nous sommes guidés dans nos choix de films, de chansons, voire d’amis.
Comme collaborateurs nous pouvons nous trouver bloqués dans un système de relation et de développement professionnel par des technologies et des règles internes complètement dépassées. Les
progrès rapides apportés par l’intelligence artificielle dans l’expérience client ne pourront qu’accélérer
le changement vers plus d’autonomie, d’intelligence collective et d’opportunités d’évolution dans
l’expérience collaborateur.
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 151
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L’intelligence artificielle amène un supplément de qualité
REGARDS CROISÉS
IA et RH : une opportunité de développement d’une
qualité de services RH « augmentée »
Aline SCOUARNEC, Professeur Agrégé des Universités, IAE CAEN et ESSEC Business School
D’une manière générale, la question du digital n’est pas qu’une question de modernisation des pratiques et des outils RH mais c’est une posture nouvelle et un changement total de paradigme auxquels les organisations répondent d’ailleurs de façon parfois très différenciée. Depuis peu, les apports
de l’Intelligence artificielle, même si les premiers travaux sur le sujet datent des années 50, viennent
apporter des solutions nouvelles en RH. Dans une logique d’équilibre entre les attentes des clients et
celles des collaborateurs (Esprit de service France), la question de l’expérience vécue devient un des
objectifs. Pour la fonction RH, l’IA contribue à améliorer cette expérience collaborateur, en symétrie
de ce que les équipes marketing peuvent imaginer pour les clients. En effet, en RH, l’IA favorise la
diffusion d’informations via les « chatbot », facilite la dématérialisation dans le domaine de l’administration du personnel et ainsi optimise la gestion des process, ou encore permet un traitement et une
analyse « augmentée » des data RH. Il faut donc voir dans l’IA une opportunité pour la fonction RH et
plus globalement pour l’ensemble des métiers RH. L’IA permet de développer des compétences nouvelles, d’apporter des solutions augmentées visant une meilleure efficacité des solutions RH rendues
aux collaborateurs, parce que plus rapides, plus personnalisées et plus évolutives. Ainsi, l’IA peut
éclairer des décisions stratégiques RH, visant une qualité de services RH « augmentée », elle peut
également favoriser, au niveau opératif, plus de collaboration et de co-construction entre des acteurs
qui ne se parlaient pas suffisamment par le passé (Equipes RH-UX-designer-Equipes informatique).
L’IA contribue également, au niveau tactique, à gagner en efficacité opérationnelle. C’est ainsi une
occasion pour les équipes RH de confirmer leur positionnement d’entrepreneurs innovants au service
d’une qualité de services augmentée : un beau challenge à ne pas rater !
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Thérèse SEIF, Université Libanaise
Elie BASBOUS, Université Saint Joseph, Beyrouth, Liban
L’IA est lancée, depuis peu, dans les écoles libanaises par le ministère libanais de l’Éducation. Ce
lancement est opéré en coopération avec un partenaire britannique « AI-Education CENTURY-Tech ».
S’agissant d’un projet pilote stratégique, les experts de CENTURY-Tech et de la British Educational
Suppliers Association ont visité des écoles locales publiques et sensibilisé les équipes pédagogiques
aux bienfaits de ces nouvelles méthodes. La mission a alors exploré le potentiel d’utilisation d’Edtech
britannique dans les systèmes éducatifs libanais. Elle a également mis en place une plate-forme
d’apprentissage axée sur l’IA. Ce nouveau partenariat s’appuie sur le succès acquis par la plate-forme
au Royaume-Uni et dans des écoles internationales d’autres pays. Le partenaire britannique témoigne
de la polyvalence de la plate-forme pour fournir une éducation personnalisée et bénéfique aux élèves
dans de divers contextes. L’objectif de la mission est de dispenser une éducation adaptée à chaque
enfant, quel que soient ses origines ou son niveau. D’ailleurs, le ministère considère l’intégration de
l’I.A. dans les écoles comme une opportunité en vue de mieux préparer les élèves à l’enseignement
supérieur. Aussi, il est à noter qu’au cours des dernières années, le Liban a utilisé activement les
nouvelles technologies pour garantir une croissance économique et sociale structurelle répondant à
ses obligations vis-à-vis d’un marché globalisé. Ce projet pilote s’inscrit donc dans la logique de l’évolution permanente d’un apprentissage et d’un enseignement tourné vers un avenir de « compétences
augmentées ».
152 / Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019
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L’Intelligence Artificielle, entre évolution et
révolution dans les écoles libanaises
Les conséquences du développement des big
data ou IA dans certaines fonctions RH
François SILVA, Professeur, KEDGE Business School
Depuis quelques années, on voit une prolifération d’applications RH qui proposent des services RH
à partir d’algorithmes et de traitement de données maintenant disponibles qui peuvent ainsi être
croisées. La fonction RH a été initialement une administration du personnel de l’entreprise, c’est-àdire une gestion de dossiers sur chacun de ses salariés. Avec les Systèmes d’Information RH, ces
dossiers sont devenues données et avec le développement des technologies numériques (et leurs
outils), ces données peuvent être croisées avec beaucoup d’autres données d’autres sources, de la
géolocalisation aux requêtes sur le Web constituent autant d’informations sur la personne… Ces croisements peuvent apporter des informations qui, analysées, vont permettre d’apporter des indications
nouvelles et éclairantes sur les salariés, leurs motivations, leurs attentes, leurs besoins qui peuvent
devenir extrêmement intrusives. Si les entreprises commencent à utiliser des outils s’appuyant sur
des algorithmes d’intelligence artificielle pour améliorer certains processus, l’usage de ces technologies reste encore limité mais permet d’entrer dans l’intimité de chacun. Leur utilisation va nécessiter
de s’appuyer sur des principes déontologiques. Ainsi, les pratiques nouvelles doivent avoir un cadre
éthique mis en œuvre, « pratiquées » par chacune des personnes. Ce qui nécessite que les utilisateurs de ces outils comprennent bien les conséquences éthiques de leurs requêtes : sont-elles ou
non éthiques ? Tout est là la question…
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Mamadou L. SYLLA, Expert en RH, Auditeur Social Agréé
L’intelligence artificielle est devenue un outil incontournable dans les entreprises pour réduire les
activités répétitives et atteindre la performance économique et financière. Elle peut être très utile
pour l’expérience collaborateur dans la mesure où elle peut permettre de confiner ainsi les collaborateurs à des activités et tâches à haute valeur ajoutée, en les débarrassant des activités répétitives
qui pourraient être confiées à la machine. C’est ainsi une source non négligeable d’enrichissement
du parcours professionnel, donc de l’expérience collaborateur. En tant qu’outil mis à la disposition du
salarié pour atténuer ses activités, elle peut être vécue par celui comme un soutien que lui apporte
l’organisation et susciter de sa part un engagement en contrepartie de ce soutien (Blau, 1964). Plusieurs auteurs (Wils et al., 1998 ; Cropanzano et al., 2001 ; Lavelle, 2007) ont démontré que cet
engagement affectif est source de performance « extra-rôle ». Ainsi l’intelligence Artificielle pourrait
avoir un impact positif dans l’expérience collaborateur. Cependant, son utilisation ne devrait pas se
substituer entièrement à l’intelligence humaine au risque de déshumaniser les relations de travail.
En effet, il faudrait toujours maintenir ce dialogue et cette reflation de proximité entre le supérieur et
le collaborateur pour promouvoir un climat social interne propice à la mobilisation et à la motivation
des salariés. L’intelligence artificielle ne saurait se substituer à ce contact et à cette relation au risque
d’enlever tout sens au travail. Des valeurs fondamentales, comme la parole, l’écoute, la solidarité
ne sauraient être sacrifiées sur l’autel de l’Intelligence Artificielle. Alors, « Intelligence Artificielle : A
consommer avec Intelligence ! », un slogan à avoir à l’esprit !
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 153
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Intelligence Artificielle et expérience collaborateur : à utiliser
avec intelligence pour éviter une déshumanisation du travail
REGARDS CROISÉS
Intelligence Artificielle et performance RH :
Plus d’Humain ou plus de Machine ?
Lassana TIOTE, Enseignant-chercheur au CESAG, Dakar, Sénégal
Avec le développement accru des ERP, de l’Intelligence Artificielle, se pose la question de savoir
si la machine s’en va remplacer l’homme dans le métier de GRH. Interrogation légitime même s’il
faut reconnaître les avantages incontestables en termes de rendement et de réduction des coûts de
supervision. D’ailleurs, dans l’histoire de l’humanité, la robotisation de gestes répétitifs consommateurs de temps et d’énergie a toujours été à la base des grands progrès dans le milieu professionnel.
Cette systématisation devient impérieuse dans un monde où les préoccupations de développement
durable et de RSE sont le socle des bonnes pratiques de gestion des organisations. L’Intelligence Artificielle qui devrait donc être une alliance Homme/ machine, aidera par exemple dans l’analyse de big
data complexes qui optimisera l’activité du DRH, surtout pour un continent comme l’Afrique avec une
économie fortement informelle. Cela dit, il sied juste de faire en sorte de ne pas éluder le fait que le
focus de la GRH est l’humain avec des dimensions plutôt psychosociologiques qui vont au-delà d’une
simple technique artificielle. Le sentir et le ressentir (la chaleur humaine) ne sauraient être remplacés
par aucune autre chose que l’humain lui seul.
L’Intelligence Artificielle, pont ou gouffre entre
l’entreprise et le collaborateur ?
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Pour le grand public, l’Intelligence Artificielle (IA) est le plus souvent synonyme de « robots qui remplacent l’Humain, voire le travail ». Elle est même, trop souvent, uniquement le fantasme de scénarii
apocalyptiques. Or, pour l’entreprise, l’IA est tout autre chose. Elle contribue à l’efficience opérationnelle et peut même servir de passerelle vers la rentabilité. Entre l’entreprise et le collaborateur, l’Intelligence Artificielle est encore toute autre. On y trouve là une façon d’allouer au mieux les ressources.
Nous arrivons à une période clé, où les modèles de fonctionnement sont en passe d’être totalement
disruptés, un moment où il faut choisir un pont entre l’entreprise et le collaborateur ou l’accentuation
du gouffre entre l’entreprise et ses salariés. L’IA, peut-être justement un nouveau partenaire de poids
dans cette relation, car si le lien entre bien-être, confiance et performance n’est plus à démontrer
en entreprise, l’Intelligence Artificielle impactera chaque aspect de cette relation entreprise-collaborateur. En automatisant une multitude de tâches, en prenant des décisions (semi-automatiques), en
quantifiant chaque aspect (du temps à la satisfaction, grâce à la reconnaissance d’émotions faciales),
elle devient un facteur-clé de l’optimisation. Mais s’arrêter à cet aspect est une erreur ou, tout du
moins, une sous-utilisation du potentiel de l’IA. En effet, il apparaît clairement que les modèles actuels
ne sont pas à même de répondre aux défis et enjeux posés par le bouleversement amené par l’IA.
En effet, l’IA doit être mise en œuvre au-delà des premières applications d’optimisation évidentes.
Elle doit devenir un partenaire à part entière soutenant le collaborateur, en diminuant les activités à
faible mobilisation cognitive et pénibles et en agissant pour augmenter son bien-être général. En le
dotant d’un « collègue numérique » on lui permet de se concentrer sur les activités à forte mobilisation cognitive, empreintes de sens et de valeur ajoutée pour l’entreprise et lui-même. Dans cette
perspective, les Ressources Humaines doivent intégrer ce nouveau partenaire comme une opportunité de prospection au service du « bien commun » et de la pérennité durable (au sens systémique)
de l’entreprise. A ce titre, les RH doivent devenir les bâtisseurs dudit pont, mais elles ne peuvent le
devenir qu’en ayant une compréhension globale et stratégique de ce qu’est l’Intelligence Artificielle,
de ce qu’elle amène comme nouveaux paradigmes, comme façon de travailler ainsi que de tous les
enjeux liés à l’éthique soulevés. Il convient de de préparer les dirigeants et les RH à être « AI Ready »,
état de maturité d’une entreprise qui n’a pas encore d’Intelligence Artificielle en son sein mais qui a
mis en place la structure adéquate pour l’intégrer et à travailler à « l’AI Readiness » de ses collaborateurs afin d’ouvrir des champs de perspectives où l’optimisation laisse une vraie place à l’innovation
pour redéfinir de nouveaux modèles.
154 / Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019
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Laura TOCMACOV VENCHIARUTTI, Directrice Fondation impactIA
Expérience collaborateur – Expérience client à l’ère de
l’Intelligence Artificielle(IA) : c’est le progrès pour tous !
Oumar TRAORE, Optimum-international, Expertise et solutions RH
La révolution IA gagne de plus en plus d’importance dans la stratégie des entreprises. L’intelligence artificielle, c’est un bon qualitatif au-delà de la digitalisation. Elle n’est donc pas sans impact sur la logique
managériale des entreprises qui repose sur la traditionnelle équation d’employés heureux=clients
heureux = business heureux. La révolution IA exige que les entreprises se donnent une impulsion
nouvelle face à cette avancée très rapide de la technologie sur les concepts de l’expérience collaborateur et de l’expérience client. Dans un futur proche, l’entreprise devrait grâce à l’IA, être en
mesure d’améliorer l’expérience client grâce aux données recueillies qui permettront de personnaliser la relation client selon les centres d’intérêt, d’évoluer vers une approche prédictive pour non seulement identifier les problèmes mais les prévenir. Les tâches répétitives pourraient être déléguées à
l’IA, pour une meilleure concentration sur les problématiques les plus pertinentes. L’IA à travers les
technologies de la robotisation, le chatbot…devraient également contribuer à une collaboration harmonieuse et fructueuse. L’entreprise pourrait utiliser l’IA pour réinventer l’expérience collaborateur
en s’appuyant sur un système automatisé qui permettrait de cerner le centre d’intérêt de chaque
collaborateur. L’expérience collaborateur face à l’IA évoluera certainement vers une adaptation des
compétences que doit garantir l’entreprise, en offrant un cadre d’apprentissage continu qui la ferait
progresser vers le profil d’une Learning company, caractéristique des organisations apprenantes.
HR Management as AI’s Litmus Test
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HR management is a litmus test for the ability of AI to deliver on its promise to business. Unlike
clients, employees observe the introduction of new management technologies closely and experience the high stakes of their implementation. There is some empirical evidence showing that employees are algorithm-averse even when they can benefit from its implementation. To assuage their
concerns, managers must explain AI-augmented personnel decisions and demonstrate that these
decisions are fair, legal, and ethical. That said, explainability, fairness, legality, and ethical concerns
are exactly the weakest points of the current AI technologies that are based on pattern recognition.
The good news is that active research in these areas is currently underway. While waiting for the
results of this research, businesses can do three things on their own in the meantime. First, they can
put their data in order. Companies continually struggle to find data when needed. HR professionals
sometimes do not even understand that to create a credible hiring algorithm they need the historical
data on rejected candidates. Some HR data exist only on paper, others in Excel spreadsheets, and
still others exist in idiosyncratic formats of various HR Information Systems. Locating the right data,
matching them across various sources and formats, and loading them into an analyzable form can
take up to 90 % of any AI-management project’s total time. Second, companies can experiment and
prototype a new AI system before its official launch. Well-designed experiments help verify whether
an algorithm is biased and how it fares vis-à-vis human decision-makers. Finally, companies can solicit
input from its employees from the very beginning. Research shows that giving employees the ability
to contribute to an algorithm’s design and implementation goes a long way towards overcoming their
algorithm aversion.
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Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019 / 155
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Valéry YAKUBOVICH, Professeur ESSEC Business School
REGARDS CROISÉS
L’intelligence artificielle au cœur de l’entreprise libanaise
Joumana YOUNIS, Doyenne de la Faculté des Sciences, Université Jinan
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156 / Question(s) de Management ? / N°23 / Mai 2019
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If, Then, Else : « nanos » seconde machine, au service de l’humain. Abstraction faite de l’aspect
technologique, les enjeux de l’usage de l’intelligence artificielle se révèlent à travers les changements
multiples auxquels les entreprises devraient de plus en plus faire face. Le Liban n’est pas à l’abri de la
logique du changement du fait de la globalisation tant économique que technique. Dans ce domaine,
notre témoignage portera sur trois champs d’application : la finance, la banque et l’industrie au Liban.
Investir en bourse grâce à l’intelligence artificielle devient une pratique courante intégrée dans les
activités de gestionnaires de fortune ainsi que les conseillers en investissements et placements.
En effet, ces professionnels libanais de la finance utilisent des plateformes d’intelligence artificielle
pour tester et simuler des stratégies d’investissement dans les bourses aussi bien moyen-orientales
qu’internationales ; ce qui leur permet une meilleure fiabilité et un meilleur rendement dans leur offre
à leurs clients, qu’ils soient particuliers ou institutionnels. Quant aux banques libanaises, elles utilisent
également l’intelligence artificielle dans le calcul de risques de crédits. De ce fait, les agences n’ont
plus à faire des calculs savants comme il fut jadis. Grâce aux algorithmes intégrés dans les systèmes
d’aide à la décision (SAD), les crédits sont accordés ou refusés en fonction de critères préétablis.
Concernant le domaine industriel, l’intelligence artificielle permet de répondre à des niveaux de qualité exigée par les différents systèmes internationaux de normalisation ; Ainsi, le contrôle qualité est
automatisé par le biais des systèmes de vision par ordinateur. Grâce à l’intelligence artificielle, les
agents de l’économie libanaise peuvent graduellement honorer leurs engagements en matière de
mise à niveau tant sur le plan euro-méditerranéen que mondial. Il est vrai qu’à priori l’intelligence
artificielle se substitue à l’humain, mais à posteriori les compétences se transforment. De ce fait,
l’ensemble des programmes actuels d’enseignement prépare les nouvelles générations à interagir
avec l’intelligence artificielle en vue d’assumer le statut d’Homme Augmenté.
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