Vincent VAN GOGH (1853-1890) Autoportrait à l’oreille bandée, 1889. Cartel : - Auteur + date : Vincent VAN GOGH (1853-1890) Titre : Autoportrait à l’oreille bandée Date : Janvier 1889 Localisation : Londres, Courtauld Gallery Technique : Huile sur toile Dimensions : 60,5 x 50 cm Commentaire analytique : Célèbre tableau du peintre Néerlandais Vincent Van Gogh, l’Autoportrait à l’oreille bandée est conservé à la Courtauld Gallery situé à Londres. Cette huile sur toile, un des plus célèbres autoportraits de l’histoire de l’art a été peint en janvier 1889, au lendemain d’une crise avec son chère ami Paul Gauguin. Vincent Van Gogh se tourna très tard vers la peinture, en 1880 à l’âge de 28 ans. Il accorda une très grande importance à l’apprentissage et ne cessa d’enrichir sa culture picturale. Il arrive à Paris en 1886 et s’exerce dans les études de couleurs. Il en vient ainsi à fusionner graphisme à l’aide de « coups de pinceau » et couleurs. Une révolution picturale qu’il ne pouvait mener à terme à Paris, en 1888 il déménage à Arles, un tournant dans sa vie artistique avec notamment la réalisation de cette œuvre née dans un contexte particulier. Une œuvre à la fois caractéristique de sa vie et de son style postimpressionnisme. Cette toile de Van Gogh est une œuvre avec un contexte fort. En effet, arrivé en 1888 à Arles, Vincent Van Gogh emménage dans l’Atelier Jaune, où il invite son ami Paul Gauguin à le rejoindre quelques mois plus tard. Lieu où ils rêvaient de fonder une colonie d’artistes avant-gardistes ensemble. Mais après seulement deux mois de cohabitation, une altercation violente oppose les deux artistes. Gauguin affirme qu’il faut laisser la fantaisie guider le pinceau tandis que Van Gogh ne jure que par la nature. Resté seul, le Hollandais retrouve ses esprits mais s’en veut. Pour se punir, il saisit un rasoir pour se trancher l’oreille gauche qu’il donna à une dénommée Rachel. Cet évènement a été rapporté dans le Forum Républicain, journal de l’arrondissement d’Arles le 30 décembre 1889 : Il « s’est présenté à la maison de tolérance, a demandé la nommée Rachel, et lui a remis… son oreille en lui disant « Gardez cet objet précieusement en souvenir de moi » ». Admis d’urgence à l’hôpital, dans les jours suivant sa sortie, Van Gogh peigna deux autoportraits dont cette œuvre. Cette crise marque la perte de la figure paternelle qu’incarnait Paul Gauguin et le début de bons nombres de crises psychotiques qui le mènera plus tard au suicide. De plus, le choix de l’oreille ne serait pas un choix anodin. L’audition était devenue gênante pour lui, pour un homme qui désire jouir de la vision pure, l’oreille était un obstacle. A quoi bon entendre auditivement si l’on a acquis le pouvoir magique d’entendre ? Dans cet autoportrait Vincent Van Gogh a donc voulu faire ressentir se contexte fort, en représentant un bandage proéminent. Il cherche à montrer sa blessure, à lui donner une réalité tangible et l’inscrire dans une temporalité. Une contextualisation rare parmi la quarantaine d’autoportrait dont il est l’auteur. C’est une œuvre d’introspection réalisé devant son miroir (d’où l’image inversé). Il ne sourit pas, il se peint de trois quarts. Son visage est fermé, son regard mélancolique, comme l’expression d’un retour au calme après le drame, comme s’il contemplait sa position. Van Gogh fait entrer le spectateur dans la Maison Jaune, portant un pardessus vert et un chapeau fourré bleu. Nous sommes pourtant en intérieur, dans son atelier, comme en témoigne la porte fenêtre, la présence du chevalet et de l’estampe au mur. Fait-il froid dans son atelier ou est-ce le signe d’un manque de permanence ? L’estampe japonaise à droite se rapporte à un domaine de grand intérêt artistique pour lui, le Japon. C’est une copie d’une véritable estampe de Sato Torakiyo, Geishas dans un paysage. La fascination de Van Gogh pour le Japon fut telle qu’il rassembla une importante collection de plus de 600 estampes, qui lui donna toute la matière artistique dont il a besoin pour proposer une vision unique et subtile de l’archipel nippon. Un thème retrouvé sur le chevalet. Un examen attentif de la peinture blanche a montré que Van Gogh avait peut-être prévu d’y représenter une figure japonaise. On retrouve dans cette peinture le style des « coups de pinceau » de Van Gogh. Ils sont verticaux et ce n’est que dans le chapeau et les traits du visage qu’ils semblent parfois se courber. L’utilisation de ce style propre à Van Gogh lui permet d’apporter une texture, une vibration à la toile plane. C’est une peinture très contrôlée, avec l’utilisation de couleurs vives et lumineuses qui l’inscrive pleinement dans une recherche de contraste et d’harmonie cher aux postimpressionnistes mais qui apporte en même temps une notion de désordre. Avec l’utilisation de ces couleurs pensait-il à la palette de Gauguin qui venait de le quitter ? Van Gogh utilise des couleurs originales, comme le ton de sa peau coupé avec des couleurs jaunes et vertes mais aussi comme souvent des couleurs dîtes « instables » qui ont changé de couleur avec le temps. Par exemple le jaune de Cadmium du fond est devenu brun et gris à certains endroits avec le temps en raison d’une altération chimique. Van Gogh, a été décrit par le critique d'art britannique du XXe siècle Roger Fry comme un "postimpressionniste » par son utilisation de contours forts (appris en Hollande notamment) et de coups de pinceau réguliers (un système de touche qu’il invente à la Haye en 1882), ce qui le distingue de la génération précédente des impressionnistes. L’Autoportrait à l’oreille bandée est une peinture très particulière pour Van Gogh. Il parvient à donner à cette représentation une dimension forte grâce à l’utilisation de traits vibrants dont l’œil poursuit sa trace au-delà du point où il s’arrête. Et il s’appuie sur des couleurs vives et lumineuses pour donner plus d’émotion. Van Gogh fut très incompris de son vivant et ses œuvres très peu reconnus. Albert Aurier fut l’un des seuls à reconnaitre son talent de son vivant et dit sur lui « Ce qui particularise l’œuvre entière de Van Gogh, c’est l’excès en sa force, l’excès en la nervosité, la violence en l’expression ». Considéré comme un poète maudit de son vivant, il est aujourd’hui l’un des artistes les plus apprécié du XIXème siècle et son œuvre l’Autoportrait à l’oreille bandée, une de ses peintures les plus connus.