VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 Chapitre 2 : Utilitarisme et critique sociale : l’organisation constituée par le marché… et ses limites On va parler du premier paradigme : le paradigme utilitariste. Il a deux volets ce paradigme : Ø Un volet organisation : l'organisation n'existe que par rapport au marché Ø Un volet marché : le marché lui-même est une donnée naturalisée C’est d’abord le paradigme qui va donner naissance aux conceptions modernes et actuelles de marché et d’organisation. Ce qui va être au cœur de ce paradigme c’est la notion de rationalité formelle. Ce paradigme a donc formé les conceptions de marché et d'organisation qu'à partir d'une rationalité formelle. Il a donc fallu du temps pour comprendre que l’on pouvait développer ces conceptions autour d’autre rationalité. A. Le rôle de la vision du travail dans la naissance de l'économie politique Il a y deux auteurs qui tiennent la corde par rapport à ce sujet : Adam Smith et Frédéric Winslow Taylor. Il y a chez Adam Smith une théorie de marché mais aussi une analyse de ses organisations. Le concept clé chez Smith c’est le concept de la division du travail. Il a une lecture des phénomènes économiques à travers le marché, mais aussi à l’intérieur des boites et ça c’est le concept de division du travail. Et on a aussi comme auteur Fréderic Taylor, qui a inventé comme concept clé l’OST (organisation scientifique du travail). § Adam Smith (1723-1790) : marché et la division du travail En ce qui concerne Adam Smith : − C’est un philosophe qui a une certaine lecture de la société moderne qu’il voit naitre sous ses yeux, c’est un moraliste. Il a une lecture lucide mais à la fois très fataliste de ce qu’il se passe au 19e. − 1759 : Publication du livre "La théorie des sentiments moraux" : le concept central dans ce livre est "la sympathie", la bienveillance envers les autres, malgré le désir de richesse de plus en plus fort. Il théorise alors le lien social (solidarité) en l'articulant avec le marché. Il voit que l’appétit pour le gain est entrain de tout changer, mais il dit qu’il vaut mieux s’y adapter plutôt que de tenir pied à un événement qui nous dépasse. − Il écrit ensuite un autre écrit : « Essai sur la nature et les causes de la richesse des nations » en 1776. Dans ce livre, Smith dit que : poursuivre son intérêt individuel va accroitre l'intérêt collectif par le principe de la main invisible. Dans la Richesse des nations, il semble qu’avec sa nouvelle théorie économique que Smith ait mis le doigt dans un engrenage sans fin, qui l’oblige à réécrire entièrement sa théorie des relations sociales. Il y pose les bases d’une économie de marché, et en tire le concept de division du travail. Il y a un changement complet dans l’écriture même, comme s’il a voulu oublier ses premiers écrits. Il a pour seul objectif de faire que cette économie de marché soit la plus efficace possible. Smith va penser l’organisation dans une stricte dépendance à l’égard du marché. Ici on considère donc que l’économie de marché est un mouvement inévitable, et il est là pour en poser les bases et pour faire en sorte que ce soit le plus efficace possible. 16 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 Comme on l’a dit Smith a un sens des relations sociales et pense que la sympathie doit être au milieu de nos relations sociales. è Comment expliquer alors qu’en 1776 Adam Smith change de perspectives ? Smith et beaucoup de penseurs de sa génération, qui se reconnaissent dans les idéaux des Lumières, proposent de sortir de l’obscurantisme du Moyen-Age pour avancer vers un monde gouverné par la raison, et d’assumer la vie telle qu’elle est, en cessant de se projeter dans un au-delà au nom duquel il faut endurer et vivre sans plaisirs. Il faut que le bien-être soit au rendez-vous de la vie terrestre. Pour cela, il faut faire pivoter complétement notre moralité : jusqu’à présent, la richesse était, sur le plan éthique, vue de manière péjorative (soit un vice, soit un péché, soit un outil, mais jamais une fin en soi). Smith propose que la richesse devienne une fin en soi ; et si moralement, la richesse devenait désirable ? et si elle devenait un bien moral ? Pour Smith, c’est la condition d’une vie de plaisirs, du bien-être terrestre. De là, on peut tirer une économie dont la fonction serait de produire de la richesse. La sympathy va donc progressivement sortir de son analyse. Comment ? Ø D'abord avec le concept de marché, qui sert de substitut au contrat social Ø Mais ensuite avec celui de division du travail On a un auteur qui va suivre Smith, Mandeville avec son livre « La fable des abeilles », il faudrait une société capable de produire de la richesse en masse, et pour ça il faut que chacun s’occupe de faire de la richesse pour soi-même et donc que chacun s'occupe de son intérêt propre. La contribution de tout ses intérêts propres produira un bien moral : la richesse. Ce qui se joue au 18ème siècle, c'est un retournement moral : l'égoïsme devient encouragé. On est donc dans un siècle qui révolutionne les repères et essentiellement les repères moraux. On a une économie qui va se centrer sur le marché et sur l’idée de produire un maximum de richesse. Ici l’économie de marché est censée générer de la richesse et on tire de ce marché le concept de la division du travail. La division du travail n’est pas seulement la condition nécessaire au bon fonctionnement de cette nouvelle économie – en particulier à la création de richesse –, elle est aussi la condition sociale nécessaire à la généralisation de l’équation utilitariste (« suivre son intérêt particulier contribue à l’intérêt général ») à tous les domaines de l’activité humaine. Dans le travail, il ne doit pas être question de "sympathy", mais de division des tâches, de spécialisation professionnelle, d'efficacité de chaque acte individuel. èOn va voir comment Smith et Taylor ensuite appréhende ce concept de la division du travail. Le lien qu'établit Adam Smith entre marché et division du travail est un lien d'identification réciproque : la division du travail étant entièrement justifiée par le marché, elle ne devrait pas faire l'objet d'une analyse en dehors de son rapport au marché. Smith va caractériser la division du travail par 3 types de raisonnement : • Un raisonnement de bon sens, élémentaire, Smith s’intéresse au cas de la fabrique d’épingles. On s’aperçoit que c’est un cas très idéalisé du monde du travail à son époque. Il se dit que la première fonction du travail c’est d’accroitre la productivité du travail et 17 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 l’efficacité globale de la firme. La spécialisation accroit la productivité et l'efficacité globale de la firme. En permettant aux travailleurs de se spécialiser, on obtient une meilleure production et à moindre coût que lorsqu'on exige de chaque travaille d'effectuer tout le processus de fabrication. On va donc : − Découper l’activité en opérations élémentaires − On a besoin d’une habileté nécessaire à la réalisation des tâches et du calcul du temps nécessaire à produire ces taches. • Un raisonnement éthico-économique : − − − − − − − − − − La richesse est un bien désirable, nécessaire au bonheur La création de richesse dépend du travail effectué. Celui-ci accède au rang de "valeur" car il permet la création de richesse qui est l'idéal moral de cette société, mais le travail a une valeur mesurable. Le travail devient une valeur économique que tout le monde peut acheter et vendre. Pour les économistes classiques, le travail apparaît comme le fondement de la valeur. Le travail est la base de la formation de la valeur. L'indicateur de cette valeur est le temps de travail, au sens du temps passé à la production. La valeur d’un bien dépendra donc du temps de travail qu’il a fallu passé pour le créer. La rareté d'un bien et le prix qui en découle, dépend du temps qu'il a fallu pour le produire Si la richesse est un bien morale désirable, le travail est donc la condition pour la créer, pour la générer. La division du travail permet de diminuer le temps nécessaire, de faire baisser les prix et d'accroître la vente de produits sur des marchés "de plus en plus étendus". Donc elle augmente la richesse. Dès lors, le désir d'enrichissement (censé valoir pour tous) passe donc par le consentement à la division du travail. Chacun a son intérêt à se plier à la division du travail car elle permet d'augmenter la richesse de tous mais en gardant les inégalités. La richesse des riches augmente mais celle des pauvres aussi donc la différence entre les 2 restent la même. è Les inégalités sont bien conservées. Nouveau deal social de Smith : il vise à satisfaire le désir d'enrichissement de tous en maintenant les inégalités dans la société. ce « deal social » renvoie à l’échange suivant : « la dépense ostentatoire (dépense visant à montrer son statut social) du riche non seulement ne prive pas le pauvre, mais encore permet un échange entre marchandises nécessaires possédées par le riche, puis données en échange des biens de luxe que le pauvre produit » (Adam Smith, RDN). • Un raisonnement anthropologique : Le travail est ce par quoi l’être humain se définit comme un être de valeur. − Dans l’antiquité, on désignait le travail comme une expérience extrêmement ennuyante, salissante, pénible. Dans le moyen-âge chrétien c’est pareil, le travail est symbole de souffrance. Dans les deux cas, le travail c’est une expérience pénible, qu’il fallait se coltiner. Malgré le fait que c’est une expérience concrète, ce travail là n’existe plus pour Smith. − La centralité du travail va de pair avec son "abstraction", sa "déréalisation". − Le travail devient du temps : un certain temps passé à la production, donc on aborde le travail comme un facteur de production, un facteur temps. Le travail 18 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 − − est une grandeur concrète, quantifiable, qu’on peut mesurer, mais qu’on peut avant tout diviser. Smith est le premier à assimiler entière le "travail" au "temps de travail". Il lui retire donc toute dimension expérientielle. Donc ici on a l’idée que le travail n’est plus une expérience mais une durée qu’on pourrait allègrement diviser et ce en fonction des besoins du marché. Pour Smith, les travailleurs n'existent plus. Le travail n'est que du temps, ce n'est plus des personnes. La division du travail n'est qu'une équation mathématique. Retour sur la "valeur-travail" La théorie de la valeur est une théorie consistant à déconnecter la valeur de l’humain, à la quantifier. On comprend pourquoi Smith ne s’est pas intéressé aux conditions de travail réelles des hommes et femmes de son temps. Le raisonnement économique qui se met en place se tient à l’écart des réalités. Avec Smith et la révolution industrielle, les sociétés font de la richesse une fin en soi, et du travail le centre de la vie sociale. Le grand paradoxe de cette lecture, est que simultanément, ce travail qui est au centre de la valeur n’a plus de réalité propre, n’est plus connecté à une expérience, il est désubstantialisé. C’est une idée radicale, à laquelle réagira Marx : il faut réécrire une théorie de la valeur, et faire compter l’expérience que vivent les gens. Notons que depuis ses origines, l’économie politique repose sur une théorie confuse de la valeur : la valeur est à la fois marchande et morale. En effet, le mot valeur peut avoir 2 définitions : Définition économique : on entendrait d'abord par valeur la valeur économique, marchande. Le travail deviendrait le fondement de toute valeur au sens d'une valeur de marché. Définition éthique : en même temps, pour Adam Smith, parce qu'il est au centre de la création de richesse et parce que la richesse devient un bien désirable, le travail est aussi une valeur morale. Ça contribue à une certaine grandeur, une certaine estime de soi. Sauf que ce travail est vidé de tout contenu expérientiel. Résumé : Le pari d'Adam Smith n'était pas de réduire les inégalités, mais que les riches et pauvres aient un intérêt à interagir ensemble : les riches vont s'enrichir et les pauvres vont relever la tête. Le problème de cette vision utilitariste : Smith est assez décevant sur l'organisation du travail. Au départ, Adam Smith n'avait pas cette vision. A l'époque, certes, la richesse était nécessaire pour avoir une vie de prospérité et celle-ci est désormais désirable. Il faut pouvoir accompagner le développement de la richesse avec un sentiment à l'égard d'autrui que Smith appelle la sympathie : je suis affectée par l'expérience d'autrui. Il est alors très critique vis-à-vis des riches qui ne font rien (société de cour). Après, Smith a défendu un autre discours : la richesse est inévitable et nous devons nous organiser autour de la division du travail (produire des biens au plus bas prix pour les écouler sur le marché). La sympathie a totalement disparu, il l'a remplacé par l'intérêt de chacun. Il a abandonné son intuition initiale sur la sympathie pour une théorie économique. 19 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 B. De la division du travail à l'organisation "scientifique" du travail 1. Frederic W. Taylor Smith (1856-1915) : objectiver la division du travail ? Lors de la révolution industrielle et développement du positivisme scientifique au XIXe siècle, pour acquérir une légitimité, les sciences sociales – dont l’économie – doivent être reconnues comme « scientifiques ». Or Adam Smith avait laissé en friche la question de l’organisation elle-même. Au XIXe, on découvre la question sociale et la misère du monde ouvrier. On voit des fabriques, des usines, voire des « corporations de métier ». Mais l’organisation est encore une « boîte noire ». Il faudra attendre le début du 20e siècle, l’émergence de la question sociale, la création de richesse de manière exponentielle, mais également d’inégalités, prise de conscience par la classe ouvrière, naissance du syndicalisme, … pour réaliser que la création de richesse est devenue une constante. Conformément à ses précurseurs utilitaristes, Taylor vise à accroitre la quantité de bienêtre : il s’inscrit dans le projet d’une plus grande prospérité pour tous. Dans ce contexte, il suit un raisonnement économique classique : - accroissement de la productivité du facteur-travail, - amélioration de l’efficacité de la firme, - baisse des prix relatifs des produits… … qui s’écoulent sur des marchés de plus en plus étendus Taylor va écrire "la direction scientifique des entreprises" et "le management des ateliers". Il se rend compte que les travailleurs ne sont pas des réalités abstraites. Sachant que le travailleur existe, proclame, comment faire en sorte qu'il se soumette à la division du travail ? C'est ce sur quoi Taylor va se pencher. Il entend surtout approfondir le "deal social" initié par Adam Smith et la vision des inégalités qui le sous-tend : tout le monde a intérêt à faire en sorte que la division du travail, qui installe les classes dans des groupes inégalitaires, fonctionne. En effet, tout le monde doit œuvrer à la création de richesses à partir de postions sociales différentes, inégalitaires, et sans contester cette inégalité. Mais le raisonnement de Taylor est encore plus fort : « Ce sont les changements de la productivité qui intéressent directement le pauvre, qui lui donnent un plus haut niveau de vie et transforment les objets de luxe d’une première génération en objets de première nécessité pour la suivante. Ils mettent en lumière ce que signifie ‘‘une augmentation de la richesse dans le monde’’. Et le point le plus important de toute cette question est que toute association d’hommes – qu’il s’agisse d’un groupe d’ouvriers ou de capitalistes – qui, délibérément, restreint la production d’une industrie vole, par le fait même, le peuple » (Taylor, 1909). 2. De la division du travail à l'O.S.T. : 3 principes Dans cette perspective, sa vision de l’organisation est « novatrice » : Taylor comprend qu’il ne suffit pas de postuler la division du travail pour la faire advenir. Pour être effective, celle-ci doit reposer sur trois principes. 20 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 1er principe : la lutte contre la flânerie et les savoirs de métier : Raisonnement de Taylor : ces ouvriers de métier s'opposent à cette division du travail. èCe sont des paresseux, ils ne veulent protéger que leur intérêt plutôt que l'intérêt général. Ils représentent des freins à l'augmentation de la qualité et de l'efficacité du travail. − Il faut donc casser les logiques de métiers, c’est à dire les logiques dans lesquels les ouvriers s’auto-organisent pour imposer leurs conditions de salaire aux patrons. Il faut diviser le travail de manière beaucoup plus poussé car sinon on n'arrivera pas à défaire ces corporations de métiers. On doit les casser en expropriant ces métiers par des ingénieurs pour créer des machines et confier ces métiers à des ouvriers sans qualification. 2ème principe : le contrôle des temps productifs et la parcellisation des tâches : − Il faut pouvoir contrôler de façon beaucoup plus rigoureuse le temps de travail, le temps productif. C’est l’entrée du chronomètre dans l’atelier. Chacun doit accomplir une ou quelques taches sans broncher avec un contrôle de temps très précis, on a un rapport hiérarchique extrêmement poignant. Conception des ouvriers comme des gens qui ne doivent pas évoluer en terme de pouvoir et de compétences. Il faut standardiser les taches. 3ème principe : la division du travail entre "concepteurs et exécutants" : Il faut diviser le travail entre concepteur et exécuteur. Il y a ceux qui conçoivent et ceux qui exécutent. Les ouvriers doivent être soumis à des positions d’exécutions, ceux qui prennent la place de concepteurs ce sont les ingénieurs. Donc Taylor ce n'est pas seulement la division du travail mais aussi la division de la conception et de l’exécution. Le monde du travail va se réorganiser. Cela suppose une nouvelle organisation sociale, notamment un nouveau lieu appelé le Bureau des méthodes. Il est situé, architecturalement, au-dessus de la production d’une manière telle à ce que les concepteurs voient ceux qui exécutent leur conception du travail. Les ouvriers vont seulement devoir exécuter les ordres que les ingénieurs ont confectionné. Il faut concevoir le travail de sorte que les ouvriers ne puissent pas penser. Les ingénieurs sont opposés aux exécuteurs. è Chez Taylor il n’y a pas de rationalité substantielle, on a uniquement de la rationalité formelle. Il pousse donc l’intuition de Smith à l’extrême. Résumé : Pour Taylor, Il faut que dans l'organisation du travail tout le monde soit d'accord pour faire de l'organisation scientifique du travail la recette miracle/le mécanisme d'organisation du travail à grande échelle. Taylor a bien conscience que la main d'œuvre est réticente à ce qu'il propose. Le deal social consiste à demander à la classe ouvrière de se soumettre aux règles scientifiques de l'organisation du travail pcq elle verra alors ses salaires augmenter. C'est ça le deal : soumettez vous c'est dans votre intérêt car votre salaire va augmenter. Pour le paradigme utilitariste repose sur l'idée que la classe ouvrière a intérêt à se soumettre car ça va permettre à la firme d'augmenter ses revenus et donc elle verra son niveau de salaire s'améliorer. Ca pose énormément de problèmes : c'est un discours qui a servi de justifications fondamentales aux 1ère organisations du travail. Il a tout de même porté certains fruits : la 21 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 croissance économique dans l'Europe occidentale a induit une élévation progressive des salaires de la classe ouvrière. 3. Fordisme Dans l’entre-deux guerres, mais surtout après la Seconde guerre mondiale, le « fordisme » va à la fois généraliser et atténuer cette situation par la mise en relation entre production et consommation de masse, mais surtout par la stabilisation de la main d’œuvre après guerre et le soutien aux systèmes de sécurité sociale ; Henri Ford arrive après, lui il se base aussi sur l’intuition de Smith, il prône le travail à la chaine. Les organisations de production fonctionnent sur ce deal. Mais il faut d'abord éventuellement ne pas hésiter à d'abord rehausser un peu les niveaux de salaire (car le niveau de salaire s'élève naturellement très peu), il ne faut pas hésiter non plus à soutenir des systèmes d'assurance sociale c.à.d. des systèmes de redistribution. C'est la naissance de la sécurité sociale soutenue par Henri Ford. Ford va dans cette direction là car les 1er consommateurs des produits à bas prix qu'on produit ce sont les ouvriers, donc il faut faire en sorte qu'ils puissent les acheter. C'est un taylorisme humanisé chez Ford. èDans l'organisation du travail, on reste tout de même sur un système de pouvoir pyramidal. Central dans ce deal : le pouvoir appartient au monde des dirigeants, mais la classe ouvrière ne peut pas avoir accès à aucune forme de pouvoir. C. D'Adam Smith à Léon Walras et Friedrich Von Hayek : la naissance de l'économie politique et l'invention du concept de marché On va maintenant se concentrer sur les marchés et voir ce que constitue le marché à la base de l’économie politique du 18e siècle. Il est important, lorsqu’on parle du marché aujourd’hui, de savoir que la problématique qui donne naissance au marché en tant que catégorie intellectuelle ne provient pas de l’économie mais de la philosophie politique. Une question va se poser maintenant : « Quel principe permet d’assurer la conciliation entre intérêt individuel et bien être collectif ? » Deux réponses seront apportées : 1) La réponse de la philosophie politique : Le contrat social centralisé et normé par l’Etat est le principe conciliateur entre intérêt individuel et bien-être collectif. Le mécanisme qui permet d’assurer la conciliation entre intérêt individuel et bien être collectif sera donné par l’Etat. Donc c’est un contrat centralisé ici. 2) La réponse de l’économie politique : C’est un contrat social décentralisé normé par le marché qui est le principe conciliateur. Autrement dit, c’est l’échange marchand via la concurrence (processus dynamique) qui est le principe conciliateur entre intérêt individuel et bien-être collectif. Ce qui permet la conciliation ce n’est pas l’Etat, c’est un contrat décentralisé et donné par le marché. Ces deux réponses ont été critiquées par l’économie moderne : Ø Hayek dit d’abord que la réponse des philosophes politiques n’est pas possible, car chez lui n’est valable que ce qui est naturel, donc la solution des philosophes politiques est vouée à l’échec car l’Etat est une construction. Ø La réponse des économistes est critiquée aussi car de nombreux travaux montrent que le marché qu’on a, n’est possible que grâce à une construction. è Donc on a deux réponses différentes et ces deux réponses sont critiquées. 22 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 a) La méthode classique Elle se base sur 2 grandes doctrines de base : le droit naturel et l’utilitarisme. § L'utilitarisme On a Bentham qui nous dit « Un homme peut être dit partisan de l’utilité lorsque l’approbation ou la désapprobation qu’il manifeste à l’égard d’une action ou d’une mesure, est déterminée par, et proportionnelle à la tendance qu’elle a, d’après lui, à augmenter ou diminuer le bonheur de la communauté » Il est important de voir qu’il parle ici de la communauté. è L'utilité est un ensemble de pratiques qui améliore le bonheur de la communauté, la maximisation du bien être. L'utilité d'un bien est sa capacité à satisfaire un besoin. § Le droit naturel Hebert Spencer nous dit que « Comme dans tous les autres domaines de la création, on trouve dans la société, ce merveilleux principe d’autorégulation qui maintient tous les éléments en équilibre…les lois de la société sont telles que les maux naturels se rectifient d’eux-mêmes…Les grands problèmes que nous rencontrons dans la société viennent de la perturbation des lois de la nature par les hommes ». Donc pour lui, l’interventionnisme apporte des problèmes, car la nature a un propre mécanisme qui permet de s’autoréguler et de régler elle-même ses problèmes. Donc on va voir apparaitre le marché autorégulateur, où l’Etat ne doit pas intervenir. Le droit naturel c'est : − Tout ce qui attrait à une justice naturelle − La nature lorsque nous l'observons se révèle porteuse d'une cohérence et d'une justice − La nature nous livre un ensemble de justice qui ne doit pas être perturbé par l'organisation politique è Mécanisme d'autorégulation qui maintient tous les éléments en équilibre − Les lois de la société sont telles que les maux naturels se rectifient d'eux-mêmes. − Les problèmes que nous rencontrons viennent d'une perturbation des lois de la nature par les hommes Ici on dit que la nature a tout prévu, que tout va se régler soi-même, il faut laisser la nature faire. Donc après ses deux grandes doctrines, on a quelque chose qui s’opère. On va avoir une transformation de la question immédiate de départ en une question médiate (qui se fait indirectement, qui passe par un intermédiaire). Maintenant on va trouver la solution en mettant le marché entre la question et la réponse. Le marché devient l'instrument qui va travailler la question. Cela se fait en plusieurs étapes : 1) La problématique de conciliation entre intérêt individuel et bien-être social devient un problématique exclusivement économique alors que le bien-être social est plus large 23 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 dans la doctrine utilitariste. La problématique devient une question de conciliation purement économique. 2) L’économie devient le marché concurrentiel. 3) L’étude de la viabilité du marché concurrentiel devient l’étude de la stabilité de l’équilibre du marché. 4) L’étude de l’équilibre devient celle de la détermination des prix d’équilibre compatibles avec le bien être économique. Donc la méthode classique va transformer la question en question médiate et la réduire pour la faire devenir un problème économique. En résumé : problème sociétal è problème de marché è problème d'équilibre è problème de stabilité des prix. Une fois qu’on connait la méthode des classiques et d’ou provient le questionnement sur le marché, on peut à travers certains auteurs classiques, voir la conception du marché. 1. Adam Smith (1723-1790) : le marché comme régulateur de la division du travail Adam Smith : le marché comme régulateur de la division du travail Il va nous dire que le marché c’est le régulateur de la division du travail et la division du travail est révélateur de l’étendue du marché : Plus la division du travail est poussée et plus on est meilleur dans notre tache, donc la productivité augmente et le marché vit mieux. La croissance chez Smith est une croissance quantitative, elle est liée à la taille du marché. Le travail devient maintenant du temps, ce n’est plus une expérience, c’est le temps mis pour obtenir qq chose, donc on traite le travail comme une chose artificielle. Donc pour augmenter maintenant la productivité il faudrait compresser le temps, donc compresser les travailleurs… § La thèse de Smith : Harmonie entre intérêt individuel et intérêt collectif. « La recherche par les différents agents économiques de leurs intérêts individuels mène à la conséquence non volontairement souhaitée d’une amélioration du bien-être de tous ». èD'après lui, être égoïste c'est altruiste. Théorie de la main invisible : pousse les intérêts particuliers à converger vers l'intérêt général. Exemple : Le domaine de la santé : Le but de chaque personne dans cet auditoire est de rester en bonne santé, si chacun de nous fait en sorte de l’être alors tout le monde est en bonne santé. Personne ne te contaminera, Tout le monde en profite, la théorie d’Adam est donc vrai ici. On a cependant certains moments où ça ne fonctionne pas : par exemple le code de la route, si chacun suit son propre code de la route, cela va mener à la catastrophe. La théorie d'Adam Smith ne fonctionne pas dans ce cas. La poursuite des biens êtres personnels ne produit pas toujours le bien être collectif. 24 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 èDonc il faut parfois des règles collectives qui nous permettent d’avoir les mêmes règles que les autres. Donc on voit que pour concilier l’intérêt individuel et l’intérêt collectif on a besoin de règles. § Adam Smith pose intuitivement les principes fondateurs l'économie politique • Le marché concurrentiel est fondateur de la discipline sans avoir besoin d’une autre autorité agissante (Etat). Le marché n’a pas besoin d’autorité. • Le marché est plus efficient que d’autres modalités d’organisation de l’activité économique : il est une garantie d’efficience, d’efficacité et de liberté • L’agent économique rationnel est celui motivé par l’intérêt personnel qui garantit le fonctionnement optimal de l’économie (pure rationalité formelle). Pure rationalité formelle. Smith s’occupe de comment permettre aux individus de pouvoir accumuler de la richesse, et cela en maximisant ses préférences individuelles. è Ni attache, ni valeur, ni sentiment, juste le bien être individuel. Le travail de Smith a une double dimension : ❖ Dimension cognitive : La démonstration que l’économie décentralisée (le marché concurrentiel) s’autorégule et est plus efficace qu’une économie régulée par l’Etat. ❖ Dimension politique : une fois que cette démonstration est faite, on applique ces conclusions dans la vie réelle. On ne prend pas en compte les problèmes que cette démonstration pose dans la société. Cette démonstration ne prévoit pas de solutions de rattrape s'il y a des conséquences du marché sur la société. La rationalité formelle ne les prend pas en compte. èLes conceptions de Adam Smith aboutissent à un marché économique mais ne prennent pas en compte les conséquences du marché sur la société. § Le marché comme main invisible, incarnation de "la main de Dieu" ou de la "main du diable" ? Passage 1 de Smith : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous devons attendre notre dîner, mais du soin qu’ils prennent de leur propre intérêt ». Le boulanger ne fait pas du bon pain pour toi, pour te faire plaisir, il le fait pour maximiser son intérêt. Passage 2 : Il précise encore plus son idée que le marché vient de la main de Dieu « L’individu ne se fixe en général pas pour but de promouvoir l’intérêt public, pas plus qu’il ne sait dans quelle mesure il le favorise (…) En orientant son activité de telle manière que le produit qu’il en tire soit de la pus grande valeur possible, il n’a en vue que son gain personnel, et il se trouve en cela, comme en bien d’autres occasions, conduit par une main invisible à poursuivre un but qui n’avait pas part à ses intentions. Et qu’il en soit ainsi n’est pas toujours au désavantage de la société. En poursuivant son propre intérêt, l’individu travaille à celui de la société plus efficacement souvent qu’il ne l’avait en fait cherché » 25 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 è Adam Smith exprime ici une nuance : la main invisible ne fonctionne pas toujours. Résume sur Smith : Le marché c’est le régulateur de la division du travail, celle-ci est ellemême révélatrice de l’étendue du marché. Il dit que ce qui assure la conciliation c‘est un comportement individualiste qui consiste à maximiser ses intérêts individuels car en faisant cela on va automatiquement augmenter le bien être collectif. 2. David Ricardo (1772-1823) : le marché comme modèle hypothético-déductif de l’intuition smithienne Ricardo est intéressant car il pose les bases de la méthode hypothético-déductif. Il va systématiser les intuitions smithiennes. La problématique de Ricardo est la suivante : « Comment distribuer les profits entre salaires (travailleurs), bénéfices (investisseurs) et rente (propriétaires fonciers) et quel est l’impact de cette distribution sur l’accumulation du capital via l’investissement ? » § La méthode de Ricardo : Construire des modèles basés sur une série d’hypothèses simplificatrices, permettant d’opérer la déduction rigoureuse de certains résultats dont on affirme ensuite qu’ils peuvent s’appliquer à la réalité. Pour lui, on doit construire des modèles implacables sur le plan logique. On est en pure rationalité formelle ! § La méthode de Ricardo renforce la formalisation (rationalité formelle) de l'intuition d'Adam Smith 1) Passage du raisonnement intuitif smithien à la méthode hypothético-déductive 2) Passage d’un raisonnement prosaïque à la mathématisation du marché : la rationalité économique se réduit à une mathématisation, une comptabilité numérique et une optimisation sous contraintes. 3) Imposer la solution économique revient à construire un modèle imparable sur le plan logique 4) Construire des modèles comme un avocat construirait un raisonnement théorique en soutien à son plaidoyer § Le vice Ricardien : sa dimension sociopolitique et corporatiste Schumpeter introduit le vice Ricardien. Celui-ci a deux dimensions : v Dimension corporatiste : Ricardo construit son modèle pour défendre les spéculateurs, les financiers, classe à laquelle il appartenait. Il défend les financiers anglais et construit des modèles pour les soutenir contre les rentiers et les salariés. ❖ Dimension sociopolitique : − Une fois que Ricardo a réussi à faire sa démonstration, il soutient que ce qu’il a trouvé grâce à un raisonnement hypothético déductif doit s’appliquer dans la réalité. èVice Ricardien : Ricardo pose des hypothèses et tente ensuite de les appliquer à la réalité alors que les hypothèses qu’il a posées n’existent nulle part dans la société. − Les déductions rigoureuses dépendent des hypothèses que tu poses au départ. 26 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 − Les conclusions théoriques ne sont pas obligatoirement vraies en pratique. b) Le point de vue néoclassique : la révolution marginaliste L'utilité d'un bien est sa capacité à satisfaire un besoin. La valeur travail est mise de côté pour raisonner d'un point de vue marginaliste : l'utilité d'un bien dépend de la satisfaction qu'on en tire. Elle est donc positive et décroissante : plus je consomme et moins j'en ai. C'est la révolution marginale. 1. Léon Walras (1834-1910) : le marché comme système d'équilibre général des marchés Il se pose 3 questions : « Un marché parfait peut-il exister ? Peut-on construire une économie parfaite via un marché parfait ? Comment est-ce qu’un système économique devrait fonctionner pour maximiser l’utilité totale ? » Pour lui, le marché devient un système d'équilibre de tous les marchés. Il y a de nombreux marchés dans le monde, le marché général est donc un système d'équilibre entre tous ces marchés. Walras va se servir du travail d’autres économiques pour répondre à ses questions : • « La loi des débouchés » (Walras s'inspire de Jean-Baptiste Say) : l’offre crée sa propre demande. Autrement dit, pour que des biens et des services puissent être offerts sur le marché, des facteurs de production doivent être utilisés. Leur rémunération génère de la demande, laquelle à son tour permet d’écouler la production qui, ainsi, génère des débouchés. Cette loi devient la loi de Walras et permet de construire mathématiquement un marché parfait (marché idéal). L’offre crée sa propre demande. • « Un optimum social » est atteint lorsqu’on maximise l’utilité collective (Pareto : 18481923) : on parle d’optimum au sens de Pareto lorsqu’on ne peut plus améliorer l’utilité d’un individu sans détériorer celle d'un autre. Il faut une répartition des biens, et que personne ne se plaint. Les ressources sont réparties dans la société de sorte que si on la modifie, quelqu'un se plaint. Cet optimum n'est ni juste ni égalitaire. • « Le tâtonnement walrasien » : le commissaire priseur permet l’équilibre général de tous les marchés et la détermination du prix d’équilibre. Un super acteur, omniscient (qui sait tout ou paraît tout savoir), qui regroupe toutes les demandes de marché et les offres et nous sert sur un plateau le prix d’équilibre du marché. Prix d’équilibre qui n’existe nul part mais on suppose qu’il existe. § Limites de ce marché walrasien Le marché walrasien n’est possible que sous contrainte d’hypothèses très fortes : 5 hypothèses de concurrence parfaite. § Atomicité : au sein du marché, nous sommes tous des preneurs de prix, nous ne déterminons pas les prix du marché. Nous sommes dans un contrat égalitaire : aucun acteur n'a la capacité d'influencer le marché. § Information libre et parfaite pour tout le monde § Homogénéité des produits : il existe un seul type de biens § Mobilité parfaite des facteurs de production : tout le monde peut entrer et sortir du marché § Prix unique Pas un marché réel mais une fiction théorique destinée à construire un marché idéal donc utopique è le marché walrasien est donc un marché fictif 27 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 Les conclusions de la fiction théorique se sont imposées à l’analyse des marchés réels. Un siècle de recherche en économie mathématique a démontré que l’équilibre walrasien n’a aucune chance d’exister et aucune chance d’être stable. Le marché Walrasien est un marché théorique et non réel, car pour l’avoir il faudrait considérer que le commissaire priseur existe, que la loi des débouchées est ok, que le pareto optimal ok, et en plus toutes les 5 hypothèses qu’on vient de voir. è Donc c'est un marché théorique qui existe sous toutes ses contraintes là, et donc ce n'est pas un marché réel car aucunes de ses hypothèses n’est vérifiée dans le réel. D’autres économistes ont étudié le marché théorique de Walras et vérifié si ce marché pourrait exister, et ils ont pu montrer que ce marché n’a aucune chance d’exister car impossible à réaliser. Pour que ça marche il faudrait se créer un monde particulier avec toutes ses hypothèses vérifiées. C'est un modèle théorique de base et qu’on étudie encore. Walras sera critiqué par un autre économiste prix Nobel très connu : Hayek. 2. Friedrich Von Hayek (1889-1922) : le marché comme ensemble d’interactions individuelles Il est très libéral. Contrairement à Walras, Hayek a une formation de juriste. Ce dernier nous dit plusieurs choses : Il nous dit que le marché walrasien est une organisation planifiée, et que ce marché ne peut pas exister sans une planification mathématique, et politique mise en place par le commissaire priseur. Donc pour lui c’est juste quelque chose de scientifique mais pas réel. Il dit que ce marché walrasien obéit à la même logique qu’un plan soviétique. Car pour Hayek le marché réel c’est l’ensemble des interactions réelles individuelles. Une fois qu’on veut programmer le marché on est dans la construction et non dans le réel. Donc pour Hayek il y a autant de marché qu’il y a d’interactions individuelles. Donc ce n’est pas une affaire d’équilibre ! 1) Hayek rejette les modèles mathématiques construits par les ingénieurs sociaux et se fie iniquement à la libre raison et à la libre décision des individus concrets en action 2) Hayek condamne le fait que les économistes pour mériter le statut de scientifiques copient les sciences physiques et inventent une mécanique sociale qui n’existe pas et dénaturent ainsi l’économie comme science des interactions individuelles 3) Alors que la science physique a acquise ses lettres de noblesse comme science en mettant la matière (son objet d’étude) au centre de ses préoccupations, la science économique pense devenir une science en s’éloignant des marchés réels et des individus réels. Hayek nous dit que quand Walras met en place son marché de concurrence pure et parfaite, il tue la liberté individuelle. Car il y a un commissaire priseur qui rend les agents comme des preneurs de prix. Or si on avait la liberté il dit qu’on serait faiseurs de prix. Si on était libre on ferait nous même nos contrats. Le marché en tant que système de marché en équilibre ne peut fonctionner que si une organisation serait mise en place, et régulerait strictement tous les aspects des interactions individuelles des acteurs économiques. Cela revient donc à les priver de leur liberté individuelle. è Pour lui le marché réel c’est voir les gens interagir, faire leurs prix, etc. Or dans le marché de Walras on perd toute notre liberté. 28 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 Hayek montre finalement que le marché walrasien comme système de marché en équilibre procède de la même utopie scientiste qui est celle de vouloir créer un marché parfait. Il montre que ça ne peut fonctionner que s’il y a une planification équivalente à celle qui existe dans une économie communiste. Or, d’après lui, il est primordial de constater que les marchés sont au contraire imparfaits. Le marché est nécessairement décentralisé, et c’est pour ça que la concurrence est utile. Elle permet de départager les agents économiques dans leurs interactions individuelles. Hayek fait une critique radicale d’une conception formelle du marché. Il dénonce derrière le marché tout un montage, une organisation qui lui semble excessive. Il veut absolument valoriser les interactions individuelles. On peut donc avancer qu’il défend une conception plus substantielle, il s’intéresse aux relations humaines. èDonc on voit qu’au cœur de l’économie on a plusieurs regards sur le marché. Le marché walrasien (marché parfait) est une organisation qui affecte négativement la liberté des individus : • Pourquoi le marché parfait est-il une organisation d’après Hayek ? Car il ne sait exister sans ses 5 hypothèses fondamentales. S'il n'y avait pas de planification mathématique alors le marché walrasien n'existerait, ne fonctionnerait pas. • Comment affecte-t-il négativement la liberté individuelle d’après Hayek ? Parce qu'il planifie les interactions individuelles via les modèles mathématiques qui le mettent en forme. • Pourquoi la concurrence est-elle utile au marché d’après Hayek ? Parce que les marchés réels sont imparfaits. En synthèse : une interrogation sur le sens de l’organisation et de sa rationalité en économie politique au 18ème siècle ✴ Le marché parfait est une organisation parfaite dont l'efficacité et l'efficience économiques assurent la conciliation entre intérêt individuel et bien-être collectif ✴ Un seul environnement est mis en évidence : l’environnement marchand (le marché) ✴ Une organisation est toujours une organisation marchande (entreprise) dont l’objectif est la maximisation de son utilité ✴ La rationalité formelle (maximiser son utilité) est la seule mise en exergue dans le marché parfait comme organisation parfaite ✴ Le marché parfait comme organisation parfaite est considéré comme un estimateur sans biais de la société 29 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 Chapitre 3 : Systèmes et structures : l'organisation s'émancipe du marché, le marché se constitue comme organisation. A. De Fernand Braudel à Immanuel Wallerstein : les structures socioéconomiques de l’économie, le capitalisme comme système-monde. On va voir ajd un autre paradigme qui va nous permettre de lire le marché différemment. Avec le paradigme utilitariste, on a vu différentes lectures du marché. Ce paradigme qu'on a vu, il considère uniquement la rationalité formelle : il n'y a que l'environnement marchand qui régule le marché. Il ne considère pas du tout la rationalité substantielle. On va passer au paradigme "systèmes et structure". On verra que la rationalité substantielle va être mieux prise en compte que dans le paradigme utilitariste. Mais les acteurs restent pousser par les systèmes et structures qui sont des réalités sociales qui décident parfois à la place des acteurs. Ici on va voir comment les acteurs décident et les effets des systèmes et structures. On va voir 2 auteurs : Fernand BRAUDEL (historien français fondateur de l'école des anales existant tjrs ajd) et Immanuel WALLERSTEIN (historien et sociologue américain tjrs en vie). On va voir comment il explique le marché avec leurs backgrounds d'historien et sociologue. Capitalisme comme système-monde : fondamental dans cette partie car le paradigme utilitariste nous a présenté le marché comme étant un concept, une construction intellectuelle. Ici, nous allons voir le marché comme réalité historique, sociologique, spatiale, temporelle, politique. Là on essaye d'analyser le marché comme on le voit devant nous. èOn passe d'un marché comme catégorie intellectuelle à un marché comme réalité historique, sociologique, … 1. Fernand Braudel : Thèses, instruments, méthode et grammaire de l'approche du capitalisme et des marchés en longue durée Fernand Braudel (1902-1985) : on va d'abord voir quelles sont ses thèses, ses instruments et les résultats auxquels il aboutit avec ses thèses, instruments et sa formation d'historien. Braudel a une particularité car il est le père de la longue durée : l'analyse des phénomènes dans la longue durée. Pour Braudel, on ne peut analyser le marché que si on analyse dans la longue durée. • Thèses 1ère thèse : le marché n'a jamais été autorégulateur. Le marché a tjrs été une réalité familière, politique et sociale. Le marché autorégulateur est une pure création de l'esprit selon les historiens. La conception du marché par les économistes n'a aucune trace dans l'histoire selon les historiens. Le marché est une activité sociale et économique, ce n'est pas un espace théorisé. 2ème thèse : Les marchés ont une histoire et sont faits par l'histoire : Si on étudie l'évolution de l'homme sur terre, on se rend compte que même les sociétés primitives sont des sociétés où l'échange existe. On peut donc étudier l'histoire des marchés, comment ils sont nés, comment ils se sont transformés dus aux différentes conjonctures. On ne peut pas comprendre et étudier le marché comme une instantanéité car il contient toute une histoire. 30 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 L'histoire est l'arrière-fond massif et structurel qui explique tous les phénomènes sociaux. Ce ne sont pas les marchés qui font l'histoire. C'est l'histoire qui donne du sens au marché. 3ème thèse : importante !! Le capitalisme et sa dynamique construisent un contre marché. − Dans cette thèse, il nous montre que le marché est différent du capitalisme, ce sont 2 choses différentes pour lui. − Le capitalisme se construit sur le marché. Une fois que le marché a tissé ses relations entre les acteurs et les territoires, le capitalisme vient se construire dessus. Le capitalisme utilise donc le travail déjà fait par le marché pour se développer. − Le capitalisme est un ensemble d'organisations marchandes qui ont pour but d'accumuler du capital en faisant du profit. Ces organisations manipulent le marché de l'extérieur pour accumuler du capital. − On parle d'homme/visiteur du soir car quand tout est fait sur le marché, le capitalisme vient tirer les ficelles et manipuler. Le capitalisme est une organisation qui de l'extérieur va contrôler le marché. Le temps long c'est quand qql analyse le marché et qui commence très loin dans l'histoire. Pour aider ces thèses, Braudel a aussi des instruments analytiques : 1) Histoire-problème : ça consiste d'après lui à interroger les rapports entre acteurs et territoires sous l'angle des interactions dans le long terme. Pour Braudel, il faut expliquer les phénomènes contemporains en les situant dans le temps et dans l'espace pour mieux comprendre comment ils se sont développés. 2) Temps : Braudel utilise : Un temps multiséculaire : le temps il a plusieurs origines dans l'histoire, c'est un temps long, tout dépend de la période historique où on commence. Les marchés ne se construisent donc pas toujours de la même façon, il y aura des temps différents et des structures différentes Temps endogène : au sens biologique du terme, temps nécessaire à une chose pour atteindre sa maturité Temps exogène (construction intellectuelle du temps). Le temps de Braudel est un temps multiple. 3) La géographie : le marché comme historique, pratique social est toujours localisé Géographie à la fois naturelle : qqch qui existe d'elle-même par la nature, ex : un fleuve qui passe, une zone montagneuse Géographique aussi construite (ex : un village/ ville construite). Braudel utilise les 2. è Braudel manipule le marché avec le temps et l'espace 4) Braudel va écrire dans les années 50 un article qui traite ce qu'on appelle "la longue durée" en sciences sociales. Braudel nous dit que les sciences sociales se caractérisent par un saucissonnage des termes d'étude et des méthodes. Pour faire simple il dit qu'on a 3 temporalités fondamentales : 31 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 − − − Le temps court : c'est le temps évènementiel (temps des sociologues et des anthropologues). Ex: analyser la période des subprimes Le temps moyen : aussi appelé le temps conjoncturel (temps des économistes) Le temps long : temps de l'histoire (temps de l'histoire). Aussi appelé le temps des structures. Il contient le temps court et le temps long. è Pour Braudel, pour comprendre le marché tel qu'il fonctionne ajd, on doit l'analyser dans le temps long. C'est en se situant dans le temps long qu'on a dans une analyse à la fois le temps court et le temps moyen. Si on analyse avec le temps court et le temps moyen, selon Braudel on est des génies de surface, on n'analyse pas en profondeur. èCes 3 temporalités sont pour Braudel au centre de sa méthode. La méthode : comment est ce que Braudel s'y prend pour arriver à son étude de marché. 1. Elle est systémique : pour lui le but n'est pas seulement de raconter le marché mais d'enrichir les phénomènes. Il ne faut pas analyser qu'ajd mais dans le temps. Le marché réel a une histoire, on est obligé de l'enrichir de toute sa durée pour comprendre sa dimension actuelle 2. Cette méthode permet de faire une historisation du marché, une périodisation et une spatialisation du marché, du capitalisme et de leurs rapports dynamiques. L'analyse de Braudel nous permet de comprendre la dimension spatiale, historique, … du marché. Ø Historisation : c'est quand on place le marché dans l'histoire qu'on peut saisir sa structure car on va l'étudier dans sa longue structure. Ø Spatialisation : donner une réalité spatiale au marché et au capitalisme Ø Périodisation du marché : il va de mutation en mutation. Il faut catégoriser le marché de période en période pour mieux comprendre les différentes phases d'un marché et mieux comprendre sa structure 3. Interdisciplinarité : dans sa méthode, il dit que l'économie, anthropologues, politiques doivent travailler ensemble pour comprendre le marché car il y a toutes ces disciplines dans le marché. Si on est tout seul, on va rater d'autres dimensions qui sont pourtant constitutives du marché. 4. La description comme un art : chez un historien, la description est très importante. Il faut raconter le marché, le faire vivre, le faire voir. Il décrit ce qu'on voit. Lorsqu'on raconte le marché, on est obligé de parler des hommes de la vie réelle du marché et donc on introduit la notion de rationalité substantielle. Braudel avec ces thèses et instruments, à quoi arrive-t-il comme résultats ? Braudel aboutit à quelque chose qu'on appelle "une nouvelle grammaire" dans l'étude du marché. On parle d'une nouvelle grammaire du capitalisme et des marchés. Ø La 1ère chose auxquelles il aboutit : une structure temporelle du marché. Il identifie une tripartition verticale du marché : 3 étages structurent le monde de l'échange suivant des temporalités différentes mais interdépendantes. Au sein de ces 3 étages interdépendants, on retrouve à chaque fois des échanges, des territoires, des acteurs et une temporalité précise. 32 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 1) Les échanges, les territoires et les acteurs du bas. Citation de Braudel : " Tous en bas le fourmillement de minuscules acteurs à la fois hors et dans le marché. C’est le règne de l’autoconsommation paysanne avec ses entrées ponctuelles dans le marché local et là où se trouvent les multiples acteurs de ces échanges minuscules, de l’artisan itinérant tel que le rempailleur, le ramoneur ou le colporteur qui regagnent leurs villages pour les moissons…. c’est l’ère de la civilisation matérielle et spirituelle du marché et le domaine du temps long » è On parle du marché en zone rurale, le marché paysan. Les acteurs du bas existent à chaque période : On est là dans le temps long. Ils appelle ça les acteurs du bas. Le temps long c'est le temps où se construisent les mœurs dans une société. Autrement dit, le temps long est celui où des interactions entre des acteurs et territoires fixent la nature matérielle du marché, des lieux et des acteurs de ce marché. Attention les étages de Braudel ne sont pas des étages existants séparés les uns des autres ! Les strates sont simultanées. 2) Les échanges, les territoires et les acteurs intermédiaires : ils ont un lien avec l'étage du bas! Citation de Braudel : « A l’étage intermédiaire domine le boutiquier soumis à la dure loi de la concurrence, il incarne l’économie de marché, probe et honnête, celle dont le monde ne peut se passer, cette économie de marché est une simple couche plus ou moins épaisse et résistante, parfois très mince entre l’océan de la vie quotidienne qui la sous-tend et les processus du capitalisme qui, une fois sur deux, la manœuvre d’en haut……c’est le règne du temps moyen ou conjoncturel » − − − La strate intermédiaire : mince couche par rapport à la vie quotidienne (acteur du bas). Le marché ne domine pas encore la société. On se situe au temps moyen. On est dans un marché complètement encastré, ce qui domine c'est la vie quotidienne, il n'est pas permanent. On est dans le temps moyen ou conjoncturel. Ce territoire se construit dans les interactions entre les villes et les campagnes. C'est parce que la distance augmentent que des intermédiaires deviennent nécessaires Exemple : Afrique dans les zones rurales, on a le jour du marché! Les autres jours le marché n'existe pas. Le reste des jours on a la vie quotidienne. 3) Les échanges, les territoires et les acteurs du haut Citation de Braudel : « Au sommet, un étage brillant, sophistiqué où les capitalistes prennent leur aise et asservissent le monde…. Au-dessus de la masse énorme de la vie matérielle de tous les jours, l’économie de marché a tendu ses filets et maintenu en vie ses divers réseaux. Et ce fut d’habitude au-dessus de l’économie de marché proprement dite qu’a prospéré le capitalisme….. C’est le règne du temps court » − − − Ce qui apparait ici, c'est le capitalisme. Pour Braudel, le capitalisme se construit sur le marché pour le contrer et faire du profit. Le capitalisme se construit pour utiliser à son profit tous les réseaux mis en place par le marché. C'est le temps court, on ne s'occupe plus du temps longs, ni des conjonctures. 33 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 Le travail de Braudel est très important car il montre que les acteurs du bas (paysans), les acteurs intermédiaires jouent un rôle historique fondamental dans la construction du marché actuel. Le marché actuel n'aurait pas pu exister sans l'action des paysans et acteurs intermédiaires au long terme. Ces acteurs là n'ont donc pas disparu et jouent donc un rôle important dans la construction du marché tel qu'on le connait ajd. On voit la tripartition verticale que l’analyse historique de Braudel permet de faire. Il montre que le capitalisme et le marché ne sont pas la même chose, et que le capitalisme a besoin de toute une série de strates, y compris celle du bas, pour se développer. Avoir le niveau supérieur ne veut pas dire que les autres strates ont disparues. Le problème qui se pose est que la strate supérieure impose une régulation des autres strates, alors qu’elle s’est précisément construite grâce à elles. Braudel est très malin car il fait une tripartition verticale du marché et quand il la tourne horizontalement on obtient une tripartition horizontale. On arrive à une tripartition spatiale du marché : C'est l'économie-monde qui se décline à l'échelle des Etats, des régions et du monde et reproduit horizontalement la tripartition verticale du marché. Dès le 16ème siècle, se développe une économie monde (entité en économie occidentale où les articulations politiques et culturelles sont dominées par les articulations économique). 1. Le marché comme économie monde : Selon Braudel l'économie monde nous permet de comprendre la dimension spatiale. − − − Entité où les articulations politiques et culturelles sont dominées par les articulations économiques. Ces articulations sont si solides que l'économie-monde est toujours autonome sur le plan économique. Elle se caractérise par un espace géographique solidement fixé autour d'un centre, souvent une ville. Aucun marché dans l'économie n'a fonctionné sans pivot, sans centre (ville). 2. La dynamique de l'économie monde se fait par centrage et décentrage successifs : − − L'économie-monde trouve sa dynamique dans le processus de centrage et décentrage : on se rend compte que l'économie monde a eu plusieurs pivots. Le 1er centre du marché globale c'est Venise et le 2ème centre après le décentrage c'est Anvers, puis après décentrage c'est Londres puis après décentrage c'est New York, puis la Chine. Après chaque décentrage, on a un nouveau type de capitalisme. On parle bien de centre de capitalisme économique. C'est à chaque fois un nouveau type de capitalisme qui déplace le centre. On dit actuellement que le capitalisme se décentre de l'Occident vers l'Asie Exemple : avec la Chine, on parle de plus en plus d’un capitalisme d’Etat qui se met en place avec un Etat de force, alors qu’avec Londres on parlait d’un capitalisme beaucoup plus financier. On voit donc les différentes facettes que peut prendre le capitalisme en fonction de son espace pivot. 34 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 3. L'économie-monde présente une série de cercles concentriques lorsqu'un centre est fixé − − − − − Une fois qu'un centre est fixé, l'économie-monde se déploie par une série de cercles concentriques Le centre, c'est là où les prix sont les plus élevés, où la concurrence est la plus grande mais aussi où la pollution est la plus grande. Au plus tu vas vers la périphérie, au plus les prix diminuent, la concurrence diminue, le développement diminue tout comme la pollution etc. Certaines sous-traitances quittent le centre pour aller vers la périphérie, là où il y a plus de travail, où les salaires sont les plus bas è de cette manière ils feront un plus grand profit L'économie monde s'ouvre beaucoup à l'extérieur pour aller puiser ce dont elle a besoin pour le centre Braudel nous a d'ailleurs dit : « Le centre, partout et toujours, c’est la vie chère, l’encombrement, la pollution. L’éloignement à la périphérie est synonyme de vie moins chère, de rythme plus lent. L’histoire coule au ralenti, les histoires se succèdent pareilles à elles-mêmes de générations en générations… » Ø La 2ème chose auquel Braudel aboutit avec la grammaire des marchés : la nature composite du marché. L'analyse Braudélienne montre qu'il y a 2 formes d'économie de marché : § Le public Market : « Sur la base des échanges et des crédits faciles, on peut visualiser l’endroit où se font les transactions….les échanges sont surveillés, contrôlés, incarnés…Ce sont des échanges quotidiens, de courte distance, la main dans la main, les yeux dans les yeux. Des échanges sans surprises, transparents dont chacun connait à l’avance les tenants et les aboutissants et dont les profits sont toujours limités » − − − − − Echange de courtes distances qui se font yeux dans les yeux, les mains dans les mains On contrôle ce qui se passe Niveau faible d'asymétrie d'information car il n'y a pas d'intermédiaires Les profits sont toujours limités On parle de la 1ère et 2ème strate èExemple de marché public : une brocante. Il n'y a pas un intermédiaire qui va se mettre entre le vendeur du vélo et l'acheteur. On est dans une interaction directe de courte distance, main dans la main, yeux dans les yeux. § Le private market : « Parfois un intermédiaire se glisse entre acteurs du public market avec des manœuvres de stockage et de fraudes diverses….. Plus le marché devient grand et l’échange de longue distance, plus le marchand se débarrasse des règles du marché traditionnel. Il achète directement au producteur, voire à l’avance et achemine ces marchandises vers les grandes villes et les ports, d’exportation 35 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 − − − − − Le marché augmente de volume La distance ente l'acheteur et le vendeur augmente, des intermédiaires s'intercalent. On ne contrôle plus ce qui se passe L'asymétrie augmente et le profit augmente aussi C'est l'homme du soir, ça représente le caractère obscure du marché, que les acteurs ne maitrisent pas le marché. Une entité externe essaie de maitriser dans l'ombre le marché. Celui qui veut accumuler a besoin de cette distance Le capitalisme « Et plus les chaines s’allongent, plus elles échappent aux règles et au contrôle habituels, plus le processus capitaliste émerge clairement…..c’est l’homme et le visiteur du soir… » èPlus la distance augmente, plus ça échappe aux règles habituelles, plus le capitalisme prend de la place. èLe capitalisme tue la concurrence car son objectif n'est pas la concurrence mais l'accumulation donc il tue le moteur du marché qui est la concurrence. Il pousse donc à former des monopoles et oligopoles. 2 remarques importantes Une chose importante par rapport à ce qu'on vient de voir : cette nouvelle grammaire nous donne beaucoup d'éléments. ð Braudel nous montre à travers sa tripartition verticale et horizontale qu'on a plusieurs environnements qui coexistent. Dans ces environnements, on a plusieurs organisations différentes qui coexistent. Les organisations des différents étages sont différentes. On ne peut pas considérer une seule politique organisationnelle pour tout le monde car les étages ont des temporalités différentes, acteurs différents, environnements différents, … ð Il faut aussi des politiques qui tiennent compte de ces multiplicités. On a un problème d'inadaptation complet. On ne va pas appliquer la même politique de développement pour le centre et les périphéries. En faite, on a un seul modèle de marché qu'on impose à tout le monde => pas la bonne solution. 2.Immanuel Wallerstein (né en 1930) : le marché et le capitalisme à la lumière du systèmemonde. Il a été le disciple de Braudel. Il est toujours en vie. Les instruments et les thèses vus chez Braudel sont aussi les mêmes chez Wallerstein mais il a une originalité qui est de lui. § Thèse de Wallerstein La 1ère chose qu'il apporte c'est le système monde. Il analyse le monde comme un système. Le système monde rend mieux compte des sociétés que l'état nation. Le concept de système monde bien plus que celui d'état-Nation permet de saisir les lignes de force qui façonnent l'évolution des sociétés. La mondialisation économique (marché global à la fois réel et virtuel) ne peut se comprendre sans brosser les grandes étapes de la construction du système monde depuis le 16ème siècle. 36 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 § Qu'est ce qu'il appelle système monde ? − − C'est une organisation d'organisations. Il se présente sous forme d'une matrice constituée de plusieurs institutions (Etats, système interétatique, entreprises, ménages, groupes identitaires,…) qui permettent au système de fonctionner, mais qui, ce faisant, alimentent aussi les conflits qui le traversent en permanence Les conflits ne disparaissent pas au sein de cette matrice institutionnelle. Nous ne sommes pas dans un système homogène. Donc on est obligé de travailler ensemble, cela donne des conflits mais cela crée également des règles. C'est ce qu'il appelle le système monde. Pour lui le système monde est dominé par l'économie monde occidentale. − − − § Rôles des structures du savoir dans la construction du système-monde au 18ème siècle : Wallerstein va aboutir à des choses qui vont nous expliquer le rôle des structures du savoir, ce qu'est la division du travail (pour lui l'économie monde c'est une division du travail à l'échelle mondiale). Il nous dit quel a été le rôle des structures du savoir au 18ème siècle. Il nous dit qu'avant la 2ème moitié du 18ème, on a au niveau du savoir une rationalité théocratique c.à.d. que nous sommes dans un monde où le monde prend encore son savoir des mythes, des traditions. C'est une seule et même sphère du savoir. Wallenstein nous dit que quand on sort de là et qu'on arrive à la révolution industrielle, le capitalisme va se déployer. Puisque le capitalisme doit se déployer, il lui faut un savoir qui lui permette de se déployer et qui ne lui interdit plus de faire des choses. On passe d'un savoir théocratique (qui obéit aux Dieux aux mythes,…) à un savoir séculier (qui appartient au domaine laïc et non à l'église). Ca va mettre en avant une rationalité formelle. On veut permettre à l'économie de se déployer sans les interdictions qu'on avait avant (sans interdiction éthique et morale). § Le système-monde moderne comme économie-monde capitaliste : Wallerstein relie économie-monde, division du travail, capitalisme, marché et rapports centres-périphéries à travers plusieurs résultats fondamentaux. Rappel : Un système monde est selon Wallerstein : "tout réseau d'échange impliquant une division du travail se déployant sur un espace plurinational". Il en distingue 2 types : § § Empire monde : la division du travail se déploie au sein d'un espace étatique unique Economie monde : la division du travail se déploie dans un espace interétatique 1. L'économie-monde est une division du travail à grande échelle − − − Pour lui, l'économie monde est une division du travail à très grande échelle. C'est via l'économie-monde que l'Afrique et l'Amérique Latine se sont intégrées au capitalisme comme périphéries, comme fournisseurs de matières premières. Il ne faut pas voir dans cette division du travail uniquement un échange de biens et services mais aussi un échange de capitaux entre la périphérie et le centre. Echange de travail et de capital entre le centre (Europe) et les périphéries (Afrique) 37 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 − − A travers cette division du travail, on a aussi une division du pouvoir entre le centre et la périphérie. Les ressources des périphéries vont alimenter le centre à travers ce marché mondial. La division du travail ne se met pas en place d'elle même c'est le centre du marché qui l'organise au profit du centre. Ce n'est pas spontané pour Wallerstein (>< Adam Smith). Ca introduit l'absence de neutralité politique dans l'organisation du marché : ce sont ceux qui ont le plus de pouvoir qui organisent le marché (le centre). 2. L'économie-monde et le système capitaliste vont de pair : Il nous apporte aussi quelque chose de très important : pour Braudel, il considère que les capitalistes sont des tricheurs, des gens qui font des choses pas claires (d'où le terme visiteur du soir). Wallenstein dit autre chose : il y a une interdépendance entre économie monde (marché) et le système capitaliste. En effet, le trait spécifique de l'économie-monde est son caractère capitaliste. Le terme capitalisme pour Wallerstein désigne un système structurellement orienté vers l'accumulation illimitée de capital. − Le capitalisme peut se définir par l'existence de personnes ou d'entreprises qui produisent des biens pour les vendre sur le marché afin de faire du profit. − Par conséquent, c'est l'efficacité de la division du travail qui fait tenir l'hétérogénéité de l'économie-monde ensemble. − Et cette efficacité de la division du travail dépend de la richesse que le capitalisme permet d'accumuler. èL'idée ici c'est qu'une économie-monde ne peut perdurer que si le capitalisme l'utilise comme support matériel sur lequel il va se développer. Et inversement, le capitalisme ne peut exister sans une économie-monde. Résumé : Economie-monde : division du travail Capitalisme : accumulation de richesse. è Pour pouvoir accumuler de la richesse, le capitalisme a besoin d'une division du travail et donc d'une économie monde. èL'efficacité de la division du travail dépend de la richesse que le capitalisme permet d'accumuler. ð Les 2 sont bien interdépendants. − Wallerstein montre, dans une perspective historique, que si le capitalisme n'utilise pas une économie-monde, un marché, comme support matériel, cette économie-monde deviendra un empire monde. Empire monde : entité où les articulations économiques sont dominées par les articulations politiques et culturelles. L'empire construit ses forces sur lui même et s'ouvre très peu à l'extérieur. Ex : la Chine. Tant que l'empire monde ne s'ouvre pas, il n'est pas capitaliste. Ce qui fait sa force, c'est l'étendue de son territoire, il est si vaste qu'il peut se suffire à lui même. L'empire-monde a pour objectif sa consolidation interne. Wallerstein continue à donner d'autres éléments concernant le marché. 38 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 3. Le capitalisme a besoin de 2 types de marchés voués à être de plus en plus grands et interdépendants Ø Un marché au sens de structures locales concrètes au sein de laquelle des individus ou des entreprises achètent et vendent des biens. − Espace concret − L'échelle de ces structures peut se modifier dans cette localité (un village, une ville, un État, voir le monde) Ø Un marché au sens d'institutions virtuelles sans frontières où se produisent les mêmes échanges et donc la capacité de développement dépend de la capacité de réification du capitalisme c.à.d. de sa capacité à transformer les choses et le cosmos en marchandises, puis les rapports humains en rapports marchands. − C'est sans limite notamment au sens des nouvelles technologie mais aussi parce qu'on peut vendre des choses qui n'existent pas èIl ne faut pas que regarder la dimension concrète du marché mais aussi la dimension virtuelle. 4. Les marchés concurrentiels sont une pure vue d'esprit Le capitalisme ne peut fonctionner sans marchés mais ses profits sont d’autant plus élevés que les marchés sont peu concurrentiels. En effet, impossible d'augmenter ses profits dans un marché concurrentiel. De là, le fait que le capitalisme cherche sans cesse à contrôler les marchés par la création de monopoles et d’oligopoles qui dénaturent la concurrence.è On veut dénaturer le marché pour augmenter nos profits. On a affaire à une organisation externe qui dénature le marché pour le contrôler. Les rapports centre-périphérie ne sont pas qu’une pure image géographique. Ils mettent en évidence la division du travail à grande échelle du capitalisme, les rapports de pouvoir, de production et de salaires asymétriques qui en découlent, et le contrôle de l’économie-monde périphérique par le capitalisme du centre. En Synthèse : Quelles tensions entre rationalité formelle et rationalité substantielle dans le paradigme systèmes et structures ? Le paradigme système et structures prend en compte la rationalité substantielle càd quand on étudie les acteurs du bas et du milieu, qu’on étudie la vie quotidienne (public market). Il prend aussi en compte la rationalité formelle qui existe mais qui est une fine couche par rapport à l’entièreté (private market). Il prend en compte aussi leurs liens. Il le fait en s’intéressant à la fois aux rapports entre individus (la main dans la main, les yeux dans les yeux dans le public market, la vie quotidienne), mais aussi aux rapports entre individus et entités systémiques et structurelles (économie-monde, système-monde...) Tension entre rationalité formelle et substantielle. Lorsque les acteurs imposent leurs idées à ceux du bas, il y a une tension entre l’approche formalisé et l’approche substantielle. W et B mettent en avant la rationalité substantielle, ils veulent montrer les relations sociales au sein du marché, ils veulent rendre humain ce marché. Mais les structures du marché agissent aussi sur les acteurs. 39 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 Résume Wallerstein : (économiste + Marxiste que Braudel) il va franchir une étape supplémentaire : ce qui est question c'est pas l'accumulation de la richesse en soi, mais l'accumulation comme fondement du pouvoir. Pour lui le capitalisme c'est aussi un système de pouvoir, pas uniquement un système d'accumulation de richesses. Ceux qui ont beaucoup de richesses, ça leur permet d'avoir un certain pouvoir sur la société. Ce qui caractérise le 2ème paradigme, on fait rentrer dans l'analyse la question du "pouvoir". ð On va maintenant s'intéresser à ce qui passe DANS les organisations. B. Après Talcott Parsons : Henry Mintzberg ou Michel Foucault ? Regards croisés sur l'organisation comme "système" et comme "structure" On va parler du père du fonctionnalisme Américain : Talcott Parsons mais aussi 2 autres auteurs : Henry Mintzberg et Michel Foucault. Il faut comprendre le basculement qui est en train de s'opérer : de quoi est-il question ? èDans le paradigme utilitariste, il n'y a que des individus calculateurs qui s'avancent en fonction de l'offre et de la demande et qui dans le monde du travail sont contraints de se soumettre au principe de la division du travail. Toute idée de relation a disparue et est considéré comme improductive ou inutile (plus de sympathie comme au début de Smith). Cette invalidation des relations sociales posent non seulement des problèmes philosophiques (société qui instrumentaliste une grande partie des êtres humaines => travailleurs). Beaucoup d'analyses concordent que cette vision là est contreproductive et ne fonctionne pas bien. Il faut selon eux la remettre en cause. Il y a l'idée qu'il faut prendre en charge les relations sociales : pas que pour avoir une société + harmonieuse ou respectueuse mais pour des raisons économiques (pour des raisons d'efficacité productive). Beaucoup d'analystes considèrent que le taylorisme est un système qui peut dysfonctionner et aboutir à de grandes contradictions. On doit donc s'intéresser aux relations sociales. Mais comment ? Ce 2ème paradigme va considérer qu'il faut s'intéresser aux relations sociales en considérant qu'elles forment des systèmes ou des structures et que l'analyse de celles-ci permettent de mieux comprendre les systèmes économiques et d'être plus efficace. Derrière cette idée de système ou de structure, il y a la notion de pouvoir qui va revenir : ces systèmes de relation sociales sont des mécanismes de pouvoir. Il est intéressant de savoir quoi faire du pouvoir au sein des phénomènes économiques pour être + efficace et savoir ce qu'on fait de ce pouvoir. Il y a simultanément une vision qui est très forte dans ce paradigme : certes on s'intéresse aux relations sociales mais on considère que celles-ci dépassent le seul registre de l'individu. Dans ce 2ème paradigme, l'individu est considéré comme une notion sans intérêt, qu'on doit dépasser. Ce qui est important c'est le système/structure au delà des choix individuels. Le système/structure c'est sur quoi l'individu n'a pas d'emprise, ce sont des mécanismes de pouvoir qui échappe en grande partie aux individus. 1. Le paradoxe organisationnel et la question des structures Citation de Renaud Sainsaulieu : La volonté d’organiser avec toujours plus d’efficacité productrice les entreprises a très vite mis en évidence toute la complexité du facteur humain. Suffit-il de classer les individus par aptitudes techniques, besoins économiques et habiletés gestionnaires pour obtenir (…) une 40 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 sorte de mécanisme impersonnel et donc parfaitement réglementé de l’organisation ? Plus on cherchait à organiser le travail et toute l’entreprise, plus on débouchait sur une série de manifestations individuelles et collectives qui ne pouvaient rentrer dans l’organisation scientifique prévue : mauvais moral, conflits, communications insuffisantes, groupes, classes ou clivages inattendus, insubordination, routine et manque d’initiative, arrivistes ou critiques… Faut-il ignorer de telles préoccupations et continuer à penser imperturbablement l’organisation sur une base de rationalité économique et technique ? Ou bien, faut-il considérer ces problèmes humains comme l’objet d’une nouvelle quête de rationalité, explicitement centrée sur ce qui avait été laissé de côté, à savoir la personne et les relations humaines entre individus ? è On a là une opposition entre rationalité formelle (pivot du paradigme utilitariste) et rationalité substantielle (où on s'intéresse aux relations humaines dans le monde du travail). C'est le paradoxe de toute organisation : la recherche d'efficacité collective suppose de faire le détour par les dimensions non utilitaires de l'action humaine… pour permettre à cette efficacité de se concrétiser. 2ème paradigme : se centrer sur les interactions humaines, les personnes et les relations à travers des mécanismes collectifs. D'où vient cette idée qui consiste à décrire les relations sociales en terme de système ou de structure ? ð On est principalement dans l'après-guerre. A l'époque, on est déjà dans ce qu'on appelle le production de masse : les lieux de production sont des usines avec beaucoup d'employés/ouvriers. On a un phénomène de massification. Il y a qqch de global, qui dépasse les individus. Cette idée va être formalisée par un certain Talcott Parsons (qui est le père du fonctionnalisme). 2. T. Parsons (1902-1979) et le structuro-fonctionnalisme de l'après guerre Il va théoriser ces notions en en donnant des définitions. Qu’est-ce qu’un système ? Un ensemble d’entités interdépendantes… dont l’interdépendance est considérée comme plus importante que l’entité elle-même. è Ca veut dire qu'on aura beau remplacer un individu dans son organisation, modifier sa personnalité, son niveau de salaire, ce qui compte ce n'est pas l'individu mais les relations entre les différents individus ou encore les relations entre les différents services d'une organisation. Ce qui importe c'est le système des relations sociales : l'ensemble des inter dépendances. Une organisation doit d'abord travailler ses interdépendances, bien plus que l'organisation du travail. Qu’est-ce qu’une structure ? L’intelligibilité cachée des formes diverses de l’activité humaine… qui obéit à des règles mais échappe, au moins partiellement, à la maitrise des individus. è Autant le système met en avant l'idée d'interdépendance, autant la notion de structure met en scène l'idée qu'il y a une intelligence collective qui met en scène le fait qu'il y a des règles stables. Ex : monde du travail, la structure des relations entre le service commercial et le service de la production => les commerciaux ignorent le + souvent ce que font les ouvriers 41 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 sur les chaines de production. C'est la structure de ces relations sociales. Ex à l'université : le prof fait le cours et l'assistant le met en pratique. On insiste à la fois sur l'interdépendance (ce qui est important c'est la relation entre prof et assistants, entre service commercial et production etc) mais aussi aux règles qui définissent cette relation. ð Ces deux notions vont être utilisées tour à tour pour insister sur les processus d’agencements collectifs allant au-delà du calcul individuel et, plus largement, de l’idée centrale qui sous-tend la rationalité formelle : celle d’ajustement des comportements humains à des procédures de calcul auxquelles chaque individu serait sommé de se conformer. ð En effet, cette dernière vision sous-estime gravement les « systèmes d’action » ou les « structures de l’action collective » – comme dit T. Parsons –, c’est-à-dire l’ensemble des déterminants (sociaux, politiques, culturels, affectifs, etc.) qui influencent l’action humaine. En d’autres, la rationalité formelle ne tient pas compte de des différents facteurs par lesquels les acteurs agissent comme ils agissent…ni des conditions de sa propre production. Après les 30 glorieuses, on va s'intéresser aux relations sociales de cette façon là. C'est ça qui nous permet de voir dans ses relations sociales des lieux de pouvoirs. On change de paradigme, de vision du monde, de manière d'appréhender les organisations. Pour tout les théoriciens, les organisations sont des processus d'agencement collectif, qui vont bien au delà de la rationalité formelle. Sur cette base, il y a 2 voies (2 mouvements analytiques) qui vont se développer : elles vont proposer 2 façons de concevoir les relations sociales dans le monde du travail. § Structuro-fonctionnalisme : théorisée principalement par Henri Mintzberg. Elle consiste à dire oui on s'intéresse aux interdépendances, aux structures des organisations sociales dans les organisations sociales pour tjrs mieux s'adapter à son environnement. La visée de cette voie est une visée adaptative : si on fait cet effort de s'intéresser à la structure des organisations sociales, c'est pour toujours mieux s'adapter à son environnement. Si il y a du pouvoir qui échappe aux individus, on va s'intéresser à ce pouvoir pour mieux s'adapter (et donc être + efficace en d'autres mots) § Critique structuraliste : développée par M. Foucault. Il a une vision structuraliste pour faire apparaitre des rapports de pouvoir, de domination, de discipline dans toutes les organisations. Il faut donner les moyens aux individus de s'arracher d'un pouvoir qui les domine. La visée ici est émancipatrice. L'efficacité n'est pas ce qui me préoccupe ici car pour Foucault l'efficacité va être croissante naturellement. Il veut s'intéresser à cette structure sociale pour que les individus puissent prendre conscience du pouvoir qui pèsent sur eux et éventuellement pouvoir s'en émanciper. Foucault va très bien montrer que cette visée émancipatrice c'est plus un problème de grand discours, c'est un problème qui concerne les organisations du travail. Car pour lui c'est là qu'on observe des nouvelles formes de pouvoir et l'enjeu c'est de s'en émanciper. è Aider les individus et les groupes de s'émanciper des pouvoirs. A partir d'un même noyau analytique, on a 2 voies très différentes. 42 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 a) Structuro-fonctionnalisme Henry Mintzberg écrit dès le début des années 80 un livre très célèbre "Les structures des organisations". Il a tout de suite compris que les organisations ce sont des structures sociales. § L'environnement a une triple caractéristique : Conception exogène de l'environnement : L'organisation vit dans un environnement et ce dernier est pris tel qu'il est, on ne va pas essayer de l'échanger, on va le prendre tel qu'il s'impose à l'organisation. Pluriel : Il y a DES environnements possibles. Le structuro fonctionnaliste accepte qu'il y ait des organisations privés mais aussi publiques. A l'époque, le fait de reconnaitre qu'il y a plusieurs types d'environnements possibles est révolutionnaire Déterministe : L'organisation vit dans un environnement tel qu'il s'impose à elle. Elle n'a pas d'incidence sur celui-ci, elle ne sait pas le changer. Mintzberg dit qu'on doit prendre les choses telles qu'elles sont mais on va faire en sorte qu'une organisation quelle quelle soit s'adapte toujours mieux à son environnement. § Le rôle central de la coordination, point du rupture avec le Taylorisme : Pour Mintzberg, le taylorisme est contre-productif. Il ne pense qu'à diviser et à fragmenter mais jamais regrouper, à mettre ensemble. Si on s'intéresse aux structures des relations sociales (qui échappent aux individus), c'est parce qu'on prend conscience qu'une organisation ne repose pas sur un principe de divisions mais surtout sur un principe de mise en commun. C'est ici qu'on a la rupture avec le taylorisme. Il faut qu'on puisse définir des règles collectives, faire évoluer les structures pour s'adapter. Hors le fait de se coordonner, définir des règles communes, c'est une source de pouvoir. Pour le dire autrement, ceux qui définissent/fixent les règles/les mécanismes de coordination, détiennent un certain pouvoir dans l'organisation. Si les structures d'une organisation sont les lieux de pouvoir c'est parce qu'elles permettent à certains acteurs de fixer des règles de coordination. Exemple : entre prof et étudiants, on a des règles (horaire, façon de donner cours, d'assumer son rôle d'étudiant etc), qui a fixé/défini les règles ? Ceux qui ont défini ses règles ont un certain pouvoir. Le pouvoir ce n'est pas juste le patron (recteur). ð La coordination donne donc du pouvoir. § 2 types de pouvoir : Ce n'est pas le pouvoir avec un grand P que les marxistes avaient imaginés dans les seules mains des capitalistes, ce grand pouvoir schématisé il n'existe pas pour Mintzberg. Pouvoir d'autorité : Ceux qui ont un pouvoir lié à leur place dans la division du travail. On a un pouvoir d'autorité lié à la place de chacun dans la division du travail. De ce point de vue là, le patron a + de pouvoir que ces ouvriers. On parle de pouvoir vertical. Pouvoir d'influence : En même temps, il y a des formes de pouvoir qu'on peut appeler pouvoir d'influence qui est lié au fait que certains acteurs sont capables fixer des règles de coordination. Dans une bureaucratie, il y a des employés qui contrôlent des 43 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 procédures. La bureaucratie va conférer un pouvoir d'influence très important à ceux qui contrôlent les procédures même si ils se trouvent très bas dans leur position de la division du travail. On parle de pouvoir horizontal. § Pluralités des sources de coordination : On s'intéresse aux relations et à la façon dont elles influencent l'organisation. − − − § Relations interpersonnelles : entre ouvriers, cadres ouvriers. Ces relations sont des lieux de coordinations, donc des lieux de pouvoir Supervision hiérarchique : première théorisation de ce qu'on appellera plus tard le management. Ce qui compte, c'est la capacité à coordonner des équipes Standardisation : des procédures et des résultats, des qualifications et des modèles culturels La notion de "configuration organisationnelle" : Les organisations, quel que que soit leur environnement, peuvent désormais être appréhendées comme des des configurations, c’est-à-dire comme des agencements spécifiques entre coordination et pouvoir. Le problème n’est plus de définir une configuration idéale, à partir d’une lecture formelle de l’action humaine et/ou d’un mode idéalisé d’ajustement économique, mais de réfléchir à des organisations ajustées, « adaptées » à leur environnement. Les leviers de cette adaptation relèvent de la rationalité substantielle. § Typologie des organisations : • Bureaucratique-taylorienne ; système extrêmement verticale (division du travail très forte), ceux qui ont du pouvoir sont ceux qui contrôlent les procédures. • Entrepreneuriale : la division du travail est faible mais celui qui a le pouvoir d'autorité et d'influence est le fondateur (l'entrepreneur qui a créé sa boite) • Professionnelle : la division du travail, la hiérarchie sociale est assez forte, ceux qui ont un vrai pouvoir d'influence sont les experts. Un exemple typique est l'hôpital : les médecins ont un pouvoir d'influence très important dû à leur savoir. • Missionnaire ; division du travail est très faible mais où le pouvoir d'influence est lié pas seulement au contrôle des règles mais à l'adhésion des valeurs. Ceux qui définissent les valeurs auxquelles on va adhérer ont du pouvoir d'influence. Ex : organisation non marchande tel que les ASBL-ONG, partie politique, église • Adhocratique ; vient de ad hoc qui signifie entreprise qui s'ajuste à la demande immédiate, qui s'ajuste à travers une logique de projet. On a souvent une division du travail faible (projet tout le monde travaille ensemble généralement, les règles sont partagées par tous donc tout le monde s'influence mais une fois qu'on a fini le projet, on revient à l'organisation traditionnelle). On pourrait imaginer que l'entreprise libérée c'est une manière d'étendre la logique du projet au fonctionnement ordinaire. Quelles limites ? Quelles critiques ? 44 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 - - Est-ce que le but de l’organisation est seulement de s’adapter à son environnement ? Il n’y a pas de capacités prospectives, on ne peut pas aussi être proactif par rapport à l’environnement Il nous parle de pouvoir : il n’y a pas aussi des rapports, des luttes de pouvoirs, … Ces structures : mais n’y-a-t-il pas aussi des acteurs, des individus sociaux, … è Il y a une mécanique intéressante mais est-ce que les organisations sont juste une mécanique avec des règles de coordinations, des pouvoirs, …N’y a-t-il pas aussi des acteurs humains qui créent, luttent, … ? b) Le structuralisme critique de Michel Foucault C'est bien dans les organisations qu'on va voir des rapports de pouvoir. Ca c'est une nouveauté. Le pouvoir n'est plus une notion abstraite c'est une notion qu'on voit apparaitre dans des rapports sociaux concrets et le lieu où on peut le voir c'est dans l'organisation capitaliste mais pas que là selon Foucault, il y en a aussi ailleurs : ex : prison, hôpitaux psychiatriques. C'est un des premiers à dire que oui il y a des rapports de pouvoir dans les organisations capitalistes mais il y a d'autres organisations non capitalistes qui sont aussi fondées sur des rapports de pouvoir. La question pour lui ne va pas être comment l'organisation peut s'adapter toujours mieux à son environnement. La rationalité formelle est à l'œuvre, on ne l'arrêtera pas. On veut voir les rapports de pouvoir qu'elle génère et de critiquer, défaire et prendre une certaine distance par rapport à ces pouvoirs. Mintzberg : le pouvoir dérive soit de la vision du travail soit des règles de coordination. le pouvoir ne l'intéresse pas en tant que tel, ce qui l'intéresse : adapter l'organisation à son environnement. Foucault s'intéresse au pouvoir en tant que tel. Selon lui les sociétés doivent d'abord être vues comme des lieux de pouvoir. La tache des sciences sociales c'est d'en prendre conscience et de s'en éloigner/émanciper. Selon Foucault, le pouvoir est un rapport de forces. Tout rapport de forces est nécessairement un rapport de pouvoir. La façon que Foucault a de nommer ces rapports de pouvoirs, l'organisation est d'abord un lieu où se donne à voir des rapports de dominations. Foucault ne veut donc pas traiter l'efficacité de l'organisation, mais la façon dont fonctionnent les rapports de domination dans une organisation. Théorie de la domination à 3 caractéristiques § La source du pouvoir : de la capacité à "être vu" à la capacité "à voir" : Point de vue ancien régime : Dans les anciens régimes, c’est le prestige, le Roi Soleil. Depuis l’Antiquité, le pouvoir doit se voir, il doit s’incarner dans un corps, dans une fonction, dans des attributs de luxe, ... è Le pouvoir est donc la capacité à être vu, à être salué. Le pouvoir appartenait donc à l'époque à celui ou celle qui est visible. A l'inverse, les vulnérables sont ceux qu'on ne voit pas : la masse paysanne mais aussi les mendiants, vagabonds mais ceux aussi qui sont victimes du système politique de l'époque : 45 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 ceux qu'on enfermait, qu'on ne voulait plus voir dans la société. Point de vue nouveau régime, modernité : Avec les révolutions, avec les modernités politiques, tout change : le pouvoir n’est pas d’être vu, car ce qui va changer est que des anonymes (ex : des surveillants de prison qui peuvent surveiller en étant pas vu) vont progressivement avoir du pouvoir, construire du pouvoir, être des acteurs de pouvoir. Le pouvoir appartient à ceux qui sont visibles èLa source du pouvoir n’est non plus d’être vu mais voir, et voir constamment. Donc maintenant, le pouvoir appartient à ceux qui sont invisible et le non pouvoir c'est pour ceux qui sont visibles. Etre dominé= être constamment soumis à la vue d'autrui. Le pouvoir de la modernité repose donc sur une inversion complète du visible et de l'invisible. Il y a chez Foucault une économie de la visibilité. § La domination comme surveillance et comme discipline : Cette surveillance généralisée produit, non pas de la soumission bête, de l’abrutissement, mais de la docilité. Elle produit une mécanisation des gestes, une forme d’absence de pensée, dans l’apparence de la normalité. Exemple : Cela signifie que l’obligation de rendre les prisonniers constamment visible a pour effet de les discipliner : leurs faits et gestes obéit à une routine sur laquelle l’organisation carcérale exerce son contrôle. Se discipliner, c’est donc intérioriser une contrainte jusqu’à dans son corps. Dans nos sociétés démocratiques, il ne faut donc plus chercher le pouvoir du côté de ce qui est prestigieux, mais du côté de la discipline. Il continue de travailler de l’intérieur nos sociétés démocratiques.Il s’agit d’une critique terrible, non seulement à l’égard des Etats, mais également à l’égard de l’organisation taylorienne du travail. Le taylorisme pour Foucault n’est rien d’autre qu’une entreprise de docilité. La répétition des gestes voulus par les concepteurs revient à rendre les travailleurs dociles. On veut qu’ils obéissent à une norme sans réfléchir. § De la surveillance aux dispositifs de pouvoir : "une microphysique du pouvoir" : Le pouvoir n’est pas simplement une question de relations. Souvent, il s’appuie sur des dispositifs relationnels et matériels. Ex : dans la prison, le pouvoir ne se trouve pas simplement dans la relation entre le regardant et le prisonnier, il est aussi dans l’architecture de la prison. En tant que telle, l’architecture matérialise un certain rapport de pouvoir. Ex : la façon dont sont utilisées les machines, les logiques de production, ... dans une organisation, participe de logiques de pouvoir. Ex : Un bâtiment comme l’université désigne une structure de pouvoir qui est plus forte que chacun d’entre nous (lorsque nous partirons, l’université sera toujours là). Quand on rentre en relation sociale, on rentre dans une relation déjà structurée par des rapports de pouvoir (quand on parle avec le professeur, la relation est déterminée par des rapports de pouvoir). èLe pouvoir passe surtout par des dispositifs relationnels et matériels. En ce sens, le pouvoir se loge dans les moindres détails. Il se cache dans une microphysique, dans des 46 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 petits détails qui font la vie matérielle. Principes de surveillance et organisations économiques 3 caractéristiques : L'emploi du temps : − − Dans le taylorisme, le contrôle du temps était censé être une question nécessaire pour améliorer l'efficacité de l'organisation Foucault indique que dans le contrôle du temps, il y a d'abord et avant tout une surveille de faits qui vise à discipliner les comportements. Le corps comme geste et comme docilité exhaustive : − − Le taylorisme a d'abord été conçu comme une sorte de mode opératoire consistant à standardiser les gestes. Foucault montre que ce qui est en jeu dans cette façon qu'a l'organisation du travail de s'imprimer dans des faits et gestes répétés est au fond une manière très subtile d'organiser la discipline. L'utilisation exhaustive Pourquoi alors parler de logique émancipatrice ? èFoucault veut nous faire comprendre que cette situation n’est pas irréversible. Il faut prendre conscience que le pouvoir nous dépasse pour faire changer les choses. Il est conscient de ce grand paradoxe, qui lui a été reproché. C’est dans une certaine distance visà-vis des structures, en maintenant une certaine réflexivité, que se joue une dimension émancipatrice. C’est faire en sorte que tout ne soit pas exposé à la surveillance généralisée. Ce qui importe, c’est que chacun ait un style, retrouve la capacité à peser sur sa propre trajectoire. Ce style, on peut l’appeler « souci de soi ». Gouvernementalité et soucis de soi : la question des résistances − − − Problème conceptuel chez Foucault : il voit le pouvoir partout Pouvoir = la relation à l'autre è Toute relation à l'autre est porteuse d'une certaine forme de pouvoir, au risque de ne pas pouvoir évoquer les formes de résistance, la recherche d'alternatives, càd la question de l'émancipation. Il a alors énoncé une autre notion plus complexe : la gouvernementalité. Il faut savoir distinguer les relations de pouvoirs et les formes de résistances. EXAM Exemple : dans la vie étudiante, entre les profs et les étudiants, il y a à la fois des rapports de pouvoir, des formes de discipline et des formes de résistance. « L’organisation n’est plus appréhendée comme une configuration capable de s’adapter à un environnement donné, mais comme un mode de gouvernement – c’est-à-dire d’administration et mise en scène du pouvoir – et de résistance – de résistance à ce pouvoir multiforme, par des sujets qui s’y trouvent constamment confrontés. Ce double jeu de gouvernement et de résistance est ce que Foucault désigne par « gouvernementalité ». Il y a des formes de « gouvernementalité », mais sans typologie préalable. » 47 VERNIER MARGAUX BAC 3 INGE -­‐ ACOM 2018/2019 "Au plan de l’expérience vécue, le sujet n’existe pas en dehors du pouvoir : celui-ci se construit dans et à travers ce pouvoir auquel il résiste. Le souci de soi n’est pas un retour égoïste à soi mais le souci de se construire, de donner un sens à son activité, sans se « perdre » dans le système. C’est aussi, sinon d’abord, un acte de résistance au pouvoir – un pouvoir qui, chez Foucault, est avant tout conçu comme un obstacle au sens." L’idée fondatrice est que toute organisation a comme ambition de soumettre le sujet, d’exercer sur lui un pouvoir. La tâche émancipatrice par excellence est justement que ce sujet puisse reprendre la main sur sa propre histoire, se soucier de lui-même pour éviter que le système ne le fasse à sa place. Pour éviter que nous soyons tous, toujours, assujettis à un système qui aurait le dernier mot de notre histoire. Le souci de soi est l’idée qu’il y a possibilité pour chacun, individu ou groupe, de reprendre la main sur son histoire, de se soucier de soi-même, et de ne pas simplement être pris au piège d’un système qui nous emmène là ou nous ne voulons pas aller. C’est le souci de soi ici et maintenant, y compris dans les organisations qui sont celles du système capitaliste. èVisée émancipatrice que Foucault cherche à réactualiser pour nos sociétés contemporaines. La fonction de la rationalité substantielle change complètement par rapport à l'usage qu'en faisait Mintzberg : Derrière tout ça, il y a chez Foucault une visée critique : la dimension substantielle des organisations ne répond plus à une visée fonctionnaliste, mais à une visée critique. C’est nous aider à prendre conscience des rapports de pouvoir pour mieux les analyser. 48