Les vrais héros ne meurent jamais C'est dans un pub, au fin fond d'une gargote que seuls les marins bretons et leurs cousins irlandais sont à même d'apprécier que j'ai rencontré Jean-André, bosco de son état, Le visage de cet homme était un parchemin sur lequel on lisait le temps qui passe, les privations, les souffrances du corps et de l'esprit, mais aussi ce rayonnement qui n'appartient qu'à ceux qui ont vu l'océan enfler et exploser sous l'assaut d'un navire. Son regard, qui ne lâcha jamais le mien au cours de nos nombreux entretiens, avait cette lueur qui fait vivre à celui qui s'y noie, les plus belles chasses à la baleine, les soirées maritimes à Macao et les plus belles filles du monde que l'on trouvait dans l'ancien temps. Jean-André était d'un naturel bougon qui ne se déridait que devant un verre de rhum ou de whisky. Il devenait alors prolixe et m'emmena avec lui dans les plus folles aventures de ma jeunesse. Le premier novembre de cette année là, il entreprit de rendre hommage au plus grand marin qui eu jamais écumé les sept mers. Le récit de ses aventures ne se fit que très lentement, Jean-André prenant toujours grand soin de me laisser sur ma faim afin d'avoir la certitude de me voir revenir le visiter la semaine suivante, une bonne bouteille à la main. C'est pour rendre les honneurs à cet homme que j'entreprends ici la rédaction des tristes mésaventures de Jacquelin, matelot de pont, telles qu'elles me furent contées par Jean-André, l'homme qui fit toute mon éducation maritime. C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. A peine fut-il à bord que le Commandant, s'avisant du bel exemplaire de mousse apparu sur son pont, l'envoya promener en tête de hunier afin de compter les bâtiments royaux au mouillage. En plus d'autres tares, le malheureux Jacquelin souffrait de vertige qui l'empêcha de monter plus haut que la première batayole. Ce que voyant, le Commandant, de fort méchante humeur, prit sur lui d'enseigner à son matelot l'art d'atteindre les hauteurs à coups de triques sur la partie honteuse de son anatomie. Il fit tant et si bien, que le malheureux Jacquelin, sans qu'il sache comment, atteint pour finir les ridelles de misaine, échappant ainsi à l'ire galonnée. Morale : C'est quand on a le feu au cul que l'on grimpe le mieux aux rideaux. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Ce n'est qu'une fois dans son nie de pie, que Jacquelin, matelot de pont, s'avisant de la forte température de la partie honteuse de son anatomie, entreprit de lutter contre le froid de ce petit matin d'hiver, ou le crachin ruisselait en fines traînées le long de la mature, en posant son fessier sur un seau afin d'en faire chauffer l'eau. Ainsi, confortablement installé, il entreprit vaillamment le décompte des navires ancrés. C'est ainsi que le Commandant, qui n'avait nullement besoin d'être réchauffé, appris que la marine royale se composait d'un nombre certains de navires dont la valeur lui resterait à jamais inconnue pour cause de déficience mathématique. De rage, le Capitaine, sans doute fort aigri, fit abattre le mât, permettant de ce fait à Jacquelin d'apprendre à voler. Le malheureux ne sachant pas nager, finit par couler corps et biens. Morale: Quand on envoie un canard boiteux en tête de mât, on ne doit pas s'étonner de finir le bec dans l'eau. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Réveillé par une vigoureuse claque, administrée avec vaillance par le médecin du bord, solide gaillard au vocabulaire aussi chargé que l'haleine, Jacquelin, matelot de pont, apprit qu'il avait été repêché par un gabier courageux. L'homme de l'art, la mine grave expliqua alors que Jacquelin, responsable de la chute du mât de cacatoès, devrait passer les quinze prochaines années de sa vie à répandre des morceaux de sa personne de part le monde au service du Roi. Jacquelin, matelot de pont, qui en plus d'autre tare détestait sa belle mère plus encore que la Marine, remercia chaleureusement le charlatan, dégorgeant de l'eau à chaque syllabe. C'est ainsi que le pauvre malheureux, opéré par les soins d'un médecin de campagne, vit l'un de ses poumons remplacé avantageusement par un sac à voile. Morale: Celui qui se persuade d’avoir atteint les hauteurs, est toujours plein de vent. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Jacquelin, matelot de pont, qui n'était somme toute pas plus bête qu'un autre, entrepris de faire connaissance avec le canot et l'équipage. La seule gêne qu'il eut pu ressentir s'il avait été plus fin, était l'ordre du Commandant de l'envoyer quérir par temps de brume afin qu'il remplace la corne abîmée lors de la chute du mât de misaine. Ainsi, gueulant toute les deux minutes, Jacquelin, matelot de pont, avertissait les autres navires de Sa Majesté de la présence de la Vaillante dans ces eaux troublées par la guerre contre l'Anglais. Le malheureux, alors qu'il cornait à qui mieux mieux sur le gaillard d'avant, usant de bon coeur de son nouveau poumon, apprit qu'il avait reçu un courrier de sa mie. Ne sachant lire, il pria le second de bien vouloir énoncer à haute et intelligible voix le contenu de la missive. " Mon chéri, j'apprends que tu en as pris pour quinze ans, je te quitte pour un avocat. " De stupeur, le pauvre homme en perdit l'usage de la voix. Un navire qui croisait dans le secteur, n'entendant plus de signaux changea de cap, et fit route, à l'insu de tous, sur la Vaillante. C'est ainsi que Jacquelin, matelot de pont, perdit son globe oculaire droit et devint presbyte avant l'âge, en jetant un oeil sur le bout dehors du navire anglais qui venait de le percuter. Morale: C'est justement quand le bout est dehors que l'on risque d'avoir des cornes. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Entre gens de bonne compagnie, il est de mise de ne pas effectuer un abordage par erreur. Les deux Commandants, à grands renforts de révérences et de mouvements de chapeaux convinrent que la présente situation devait voir la faute incomber à Jacquelin, matelot de pont, et ne devait point parvenir aux oreilles de leurs amirautés respectives. Après avoir quitté le vil Anglais sur de profondes et toutes aussi hypocrites salutations, le Commandant Surcouf, fidèle serviteur de sa Royale Majesté et grand humaniste, fit part à l'artilleur de son désir de voir le malheureux gisant à ses pieds, rétabli au plus vite afin de pouvoir le pendre dans de bonnes conditions. L'artilleur, homme de bonne composition s'il en fut jamais, présenta après deux jours de labeur à Jacquelin, matelot de pont, un oeil en fonte, poli dans un boulet de 12 livres. Le médecin, fort de sa science, se chargea de sa mise en place, puis le Commandant, en tenue d'apparat, de la pendaison. Morale: À trop désirer du plomb dans la tête, on finit par regarder les autres de haut. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Le gabier de grand cale, féru de matelotage, entreprit la confection du noeud de pendu qui allait permettre à Jacquelin, matelot de pont, de dominer la situation pour un temps encore ouvert au pari. La corde fut envoyée et tournée sur la vergue de perroquet, puis Jacquelin, blanc comme un linge, amené devant le Commandant pour écouter la sentence. Le Capitaine, qui comme chacun sait était un grand humaniste, fit démonstration de sa verve devant l'équipage assemblé: " Qu'il crève. Ah ! Et je parie deux louis sur deux minutes. " Jacquelin, matelot de pont, qui en plus d'autres tares était lâche et craignait la mort plus encore que le vide, se mit à gigoter afin d'éviter son juste supplice. Il fit tant et tant d'efforts, qu'échappant à ses tortionnaires, il glissa sur un broc et chuta par l'écoutille jusqu'au magasin inférieur, où étaient stockés des vestons à livrer à l'armée du Roi, et se rompit le cou. Morale: Si tu t'approches, vergue haute, ne sois pas surpris de te prendre une veste. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Jacquelin, matelot de pont, qui était un gars solide ne mourut point, d'une part parce que cela serait incompatible avec la rédaction de ses tristes mésaventures et d'autre part parce que le chat qui dormait lové sur les ballots, amortit la chute du malheureux. C'est ainsi que Jacquelin, matelot de pont évita la pendaison mais finit tout de même la corde au cou. Le gabier de grand cale, fort bel au homme au demeurant, bien marri de voir un si beau noeud rester inutile proposa son aide au lieutenant pour le rafistolage du pauvre homme. Deux jours plus tard, alors que la Vaillante croisait dans la rade de Lanildut, Jacquelin se réveilla avec l'échine d'une grande souplesse. Le lieutenant et le gabier, de bonne composition tous deux, avaient remplacé les os du malheureux par le bout désormais inutile et confortés par son silence, abusé de lui. Morale: Mousse, si tu as un bout sur la nuque, resserre tes pantalons. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Le malheureux homme, qui se serait tous les jours demandé comment il avait pu offenser Dieu s'il avait été plus pieux, fut promu Rat de cale pour remplacer le matou tué lors de leur précédente rencontre. Jacquelin, matelot de pont, devint alors un vulgaire rampant, se glissant entre les barils et les balles, roulant sur la réserve de boulet, le corps luisant de sueur et de graisse. Si de par son odeur et son aspect, il parvint désormais à repousser sans peine les assauts du lieutenant et du gabier qui avaient le goût de la fête, il ne pu cependant distraire de ses assiduités une dame rate en maraude. Le bon cœur de Jacquelin, matelot de pont, désormais vierge de toute femme, se serra à l'idée de mordre le malheureux animal, et le pauvre solitaire qui, somme toute était bonhomme, et souffrait d'une entorse à la veuve droite adopta la petite rate. Nul doute qu'il eut préféré une petite chatte, mais jamais il n'eut le coeur assez dur pour le lui avouer. Morale: Le musicien d'Hamelin attirait les rats, Jacquelin avec son flûtiau attrapait les chattes. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Désormais accompagné, Jacquelin, matelot de pont, entreprit de regagner la surface. Quittant les ballots, boulets et autres caisses, il avait décidé de présenter ses respects au Commandant, ce grand humaniste, lequel semblait avoir oublié jusqu'à l'existence de son malheureux matelot. C'est ainsi que deux mois après avoir officiellement quitté le monde des vivants pour le trou à rats, Jacquelin, matelot de pont, remonta sur le pont, et parce qu'il offensa le diable durant sa petite enfance, il l'atteint durant un abordage dans la mer des Antilles. Ouvrant l'écoutille alors que le canon tonnait, il prit sur lui de marcher jusqu'au Capitaine pour le saluer ainsi que le grand escogriffe en tunique rouge qui cherchait à lui crever la panse. Jacquelin, qui n'était pas moins stupide qu'un autre, abattit le rougeaud d'un grand coup de cabillaud. Le Commandant, le regard embué par la fatigue et le sang, croyant voir un nouvel ennemi, trancha fort proprement l'oreille de son sauveur lequel s'effondra criant comme goret qu'on égorge. Sensible comme toutes les femelles au port de l'uniforme chamarré d'or, la dame rate quitta le gueulard pour le beau Capitaine. Gentleman accompli, probable traître ayant appris de la perfide Albion l'art de parler aux dames, il lui susurrait des mots doux à l'oreille malgré la fureur du combat, laissant là le malheureux Jacquelin, le coeur brisé et l'oreille en capilotade. Morale: À trop passer de temps seul, l'on devient vite à moitié sourd. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Le coeur au bord des lèvres, le malheureux Jacquelin maudissait la féminine inconstance, l'humanisme et parce qu'il était en veine, son ex-belle mère qu'il n'avait jamais pu supporter. Dans ses tourments, ne prêtant aucune attention aux exploits bravaches du Commandant et de ses lieutenants, à la lutte pied à pied du gabier de grand-cale contre l'ennemi puis sa mort empalé sur une hallebarde, Jacquelin, matelot de pont cherchait à recoller son oreille avec un peu de poix qui restait dans un seau. Le son clair des mousquets, le sifflement des balles, le tonnerre de la canonnade, le doux chuintement du tissus qui se déchirent sous la poussée d'une lame hardie, le ton de calebasse creuse qu'un grand coup de braquemart fit résonner sur le crâne d'un officier canonnier, bref l'innommable raffut dans lequel les marins aimaient à s'étripailler au nom du Roi en ce temps là, tout ce " Rame, Dame " donc, paraissait bien vain à Jacquelin, matelot de pont, qui en plus d'autres tares souffrait de philosophie. Le combat cessa enfin sur l’ahanement victorieux d'un mousse affamé pourfendant sa victime en un joyeux soubresaut, et l'on entendit plus que le murmure coléreux de Jacquelin, matelot de pont, qui s'échinait sur son oreille, le seau de pois entre les jambes. Morale: Et le philosophe de penser, on ne dit pas " un seau de poils entre les jambes " mais " un peu de soie autour des cuisses ". **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Le Commandant, s'avisant de la présence de Jacquelin, matelot de pont, sur la dunette, décida de faire un geste d'humanisme devant l'équipage assemblé. Au su de tous il promu Jacquelin, matelot de pont, au rang de Gabier de grand-cale. Ainsi, nouvellement galonné, un placard tout neuf sur le poitrail, Jacquelin s'apprêtait à remercier le valeureux Commandant quand celui-ci observant avec attention le mélange de sang et de poix dégoulinant de l'oreille du pauvre homme, appela le charpentier afin qu'il lui taille une oreille neuve dans les restes du mât de misaine. Ainsi s'empressa le brave, qui il me faut bien vous l'avouer, du fait de sa jambe manquante, était aigri et peu avenant. L'oreille de remplacement fut vite faite, un astucieux logement permettait en outre à Jacquelin, Gabier de grand-cale, de ranger sa monnaie. Morale: Retire donc la poix de ta main si tu ne veux te faire tailler les oreilles en pointe. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Jacquelin, Gabier de grand-cale, se vit ordonner de nettoyer la coque de toutes les anatifes et autres bigorneaux que les terriens qui n'y connaissent rien appellent communément : "saloperies de merde ". Grâce à l'aide attentive des matelots, Jacquelin, ex-matelot de pont, ceignit une corde autour de ses chevilles et plongeant résolument depuis le beaupré entreprit de racler la coque afin de faire gagner à la Vaillante les quelques noeuds nécessaires à la bonne marche des affaires du Roi. Retenant son souffle avec énergie, le sac à voile plein d'air, le nouvellement promu et toujours pauvre malheureux Jacquelin, découvrit que ces quelques noeuds allaient se révéler un véritable casse-tête. En effet, il lui fut impossible de descendre suffisamment pour atteindre les premières " saloperies de merde ", (terme technique maritime). Remontant alors, sacrant à qui mieux mieux, Jacquelin s'empara d'un boulet de douze livres et replongea devant l'équipage effaré. Bien entendu, dans ces eaux ou la mer est turquoise et les jolies femmes invitent au repos, le danger en maraude reste omniprésent. C'est ainsi que Jacquelin, Gabier de cale, fut rétrogradé le jour même à sa précédente fonction pour avoir égaré un morceau de viande au service exclusif de sa gracieuse Majesté entre les mâchoires d'un requin qui baguenaudait dans le secteur. L'artilleur, qui avait grand coeur bien qu'il ait perdu sa femme dans d'atroces circonstances, offrit un pilon au pauvre homme afin qu'il puisse y faire une jambe de bois. Jacquelin, matelot de pont, répondit que quitte à lui tailler quelque chose, il eût préféré que le charpentier lui fasse une pipe. Morale: Pour quelques têtes de noeud, ne va pas casser ta pipe. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Une telle succession d'avanies aurait eut raison du meilleur des hommes, mais, Dieu merci, Jacquelin, matelot de pont, prenait garde d'être le meilleur. Le Second Capitaine, qui contrairement au maître à bord était totalement dépourvu de la plus petite parcelle d'humanité, ordonna au pauvre malheureux de se prêter à une expérience scientifique visant à tester les limites de la volonté humaine. Jacquelin, qui comme tous les hommes d'équipage, ne connaissait de la gastronomie que le boeuf salé, les biscuits de mer charançonnés et le gobelet de rhum hebdomadaire, se vit ordonner de s'asseoir devant une table couverte de mets qui, s'ils lui semblaient tout à fait exotiques, fleuraient fort bon et avaient un air d'y revenir bien tentant. Le Second, ce fils du démon, lui annonça alors que le but était de résister le plus longtemps possible à la faim et à la gourmandise. Si l'expérience ne s'avérait pas concluante, Lui, le Second Capitaine, homme à l'âme aussi racornie qu'un vieux morceau de cuir, saurait prendre les mesures disciplinaires qui s'imposeraient. Jacquelin, matelot de pont, dont l'esprit ne brillait pas par l'intelligence, n'ayant rien compris, s'empressa de vider le contenu des gamelles gracieusement disposées devant lui. Apprenant cela, le Commandant, ce grand humaniste eut ces quelques mots: " La résistance a grillée. " Morale: Ne Mangez Rien Ou Je Vous Battrais Violemment, Gros Bêta. (moyen mnémotechnique pour se rappeler le code des couleurs des résistances électriques, N : noir, M : marron, etc.) **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Jacquelin, qui comme tous les hommes, restait l'esclave consentant de ses pulsions charnelles, décida de profiter d'une escale à Porto Rico pour rendre une visite de courtoisie aux demoiselles de petites vertus. Avec quelques camarades, il partit donc en soirée maritime avec la ferme intention de se décharger de toute la tension accumulée après ces mois en mer. Afin que les malheureux terriens de l'assistance comprennent ce dont il s'agit, qu'il me soit permis de dire que ces soirées ne sont pas sans rappeler la copulation du Nautile (Nautiles Circoncis). Au fond d'une ruelle peuplée de jeunes dames dont la vertu n'étaient depuis bien longtemps qu'illusion perdue, Jacquelin, matelot de pont, et ses camarades, se virent proposer par un vieux chinois tout fripé un premier choix, tout récemment importé des hautes terres, certifié vierge de toutes maladies. La décence m'interdit de poursuivre plus avant ce récit, mais Jacquelin, matelot de pont, du fait de ces nombreuses difformités, eu bien du mal à trouver chaussure à son pied. Et le train, dont le premier exemplaire ne circulerait pas avant longtemps, rentra dans un tunnel. Parce que les parents de Jacquelin avaient dû offenser une fée avant sa naissance, Jacquelin, matelot de pont, ramena à bord en plus d'une cuite non négligeable, une bonne cystite. Morale: Et le philosophe alcoolique de penser, on ne dit pas: "J'ai été atteint d'une honteuse maladie " mais " Cystite là qui m'a frappé, Msieur l'agent ". **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Il fut un temps ou les bancs publics auraient pu abriter les amours jolies des jeunes innocents, mais Jacquelin, matelot de pont, comme sa mie, avait depuis bien longtemps perdu son innocence en même temps que sa santé. Tombé amoureux comme le plus jeune des mousses à son premier embarquement d'une vendeuse de charmes, il est décidément des jours où Cupidon se fiche de la direction de ses flèches. La fille, tout à fait charmante, n'avait pour tout esprit qu'un portemonnaie, déterminant avec précision l'angle d'ouverture de ses cuisses. Après plus de six mois de mer, les bourses de Jacquelin, quelles que ce soient leurs natures d'ailleurs, étaient suffisamment pleines pour combler les attentes de la jolie dame, et Jacquelin, matelot de pont, coulait d'heureuses heures entre les bras de sa mercantile amie. Mais la demoiselle était volage, et loin des espérances du pauvre homme, usait et abusait de ses charmes dans les bars à marins sur le port, auprès des autres matelots et officiers. Jacquelin, qui en plus d'autre tares, avait le coeur tendre bien qu'il ne l'eut jamais montré à son ex-belle-mère, fit part des affres de sa triste condition au deuxième lieutenant, solide gaillard souffrant de narcolepsie chronique. " Jacquelin, lui dit-il, ta fille est comme la baleine du capitaine Achab, que Dieu le damne. Tu vas brûler le feu de tes vingt ans pour ses cuisses, et tu vas finir Gros Jean comme devant, les bourses plus vides que ta tête. Elle risque de te pomper jusqu'à l'os ta baleine, alors agis ! " " Blennorragie ! Où ça ? Qui ça ? " claironna le médecin en sortant la tête de l'écoutille. Morale: Dieu ne donna pas assez de sang à l'homme pour soigner à la fois sa nature érectile et son cerveau. Entre sa bite et son couteau, il faut parfois choisir. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Non contente de tromper ce malheureux Jacquelin, matelot de pont, la garce acheva de lui briser le coeur en s'affichant aux yeux de tous avec le Commandant Surcouf, ce grand humaniste, et sa petite ratte. Le pauvre homme constatant une fois de plus les infidélités répétées de la féminine et traître engeance, prit la décision de devenir Officier afin de pouvoir lui aussi parader, tel un paon chamarré d'or et d'argent faisant la roue, devant les jolies dames. Une telle décision aurait pu s'avérer lourde de conséquences pour la suite de notre histoire si Jacquelin, qui en plus d'autres tares, était bête à manger du foin, avait pu devenir Officier, mais face aux connaissances astronomiques nécessaires, Jacquelin, matelot de pont, vira sa cuti, et rejoignit les rangs de ces hommes qui aiment les hommes qui aiment les femmes: il devint joueur de Rugby dans l'équipe portuaire. Morale: Toi qui joues avec une calebasse, prends garde à bien la plaquer, si tu ne veux te retrouver sur la ligne à la regarder s'emmêler. **** C'est en l'an de grâce 1856 que Jacquelin, matelot de pont, embarqua pour la première fois sur le pont d'un canot à plat pont, la Vaillante. Six mois plus tard, alors que Jacquelin, matelot de pont, avait tout juste commencé à comprendre les règles de ce vil jeu d'origine anglaise, la Vaillante fut appelée par le Roi, son Maître, au plus près de lui afin de pouvoir soutenir l'effort de guerre dans ses dominions, des Kerguelen. Au milieu des pingouins, uniques habitants de ce triste caillou battu par les vents, le Commandant Surcouf, qui souffrait d'une perte d'humanité passagère, désigna son meilleur matelot afin d'établir un fortin, au nom du Roi, au sommet de la butte. Jacquelin, partit donc sur le rocher avec un peu de nourriture, une hache, un marteau et des clous, charge à lui de hisser le pavillon en soie le plus rapidement possible au mât de sa nouvelle résidence. La Vaillante partit retrouver des cieux plus cléments, laissant là Jacquelin, matelot de pont, charpentier des glaçons, jouer avec les pingouins et ses outils, pour la plus grande gloire de sa très Gracieuse Majesté, le Roy. Jacquelin, matelot de pont, resta trois mois sur son caillou luttant contre le froid grâce aux oiseaux. Il construisit le fortin au sommet duquel vint rapidement flotter le grand pavois du Roy, et attendit le retour de la Vaillante. Par esprit de corps autant que pour calmer la faim dévorante qui l'assaillait, Jacquelin, matelot de pont, qui n'avait jamais eu les deux mains dans la même poche, se coupa un bras et, manchot, s'intégra tant et si bien qu'il devint Empereur des Kerguelen. Morale: Et c'est ainsi que Travaillant hardiment et Amoureusement pour la France, Jacquelin, matelot de pont, laissa des enfants non reconnus au milieu des féminines pingouins éplorées. **** Jean-André ne pu jamais me raconter la suite des aventures de Jacquelin. Alors que je l'attendais pour partager avec lui le souvenir ému de ce grand homme et boire à sa santé, la tenancière m'apprit que Jean-André, Bosco de comptoir, ne viendrait plus. L'homme s'était éteint comme il l'avait toujours souhaite: il s'était noyé. Dans sa baignoire malheureusement. Les nombreuses recherches que j'effectuais par la suite afin de retrouver trace de Jacquelin s'avérèrent toutes infructueuses. La seule preuve indirecte que je pus trouver de son existence, fut un passage dans un traité d'ornithologie relatant l'apparition des manchots aux Kerguelen. J'appris néanmoins que la Vaillante fut affrétée au commerce peu de temps après le départ de Jacquelin des Kerguelen. Ce vaillant canot, qui avait traversé les pires avanies dans la guerre contre l'Anglais, ne résista pas longtemps aux impératifs commerciaux et à la diminution dramatique du nombre de ses membres d'équipages. Il coula corps et biens au large d’Ouessant, recouvrant les oiseaux de passage d'une épaisse couche d'huile de baleine. Il me plait à penser que Jacquelin, matelot de pont et homme de ressource, réussit à échapper à la grande faucheuse et retrouva l'amour et la paix entre les bras d'une femme aux charmes exotiques. Si ce récit a eu l'heur de vous plaire, passez donc à Saint Pabu, et videz un verre de rhum ou de whisky en regardant la mer à la mémoire de ces deux hommes. Dieu ou le Diable vous le rendra. _______________________________________