Qu’est-ce qui différencie, sociologiquement, les « paysans nationaux » des « agriculteurs » et, plus encore « des entrepreneurs de l’Europe » ? L’Europe, est la première puissance mondiale, exportatrice, importatrice agricole et alimentaire. Celle-ci, régule les liens sociaux des professions liées à la terre, au monde agricole à travers ses institutions, telle que la PAC, « politique agricole commune », un partenariat entre le secteur agricole et la société, ainsi qu’entre l’Europe et ses agriculteurs. Il existe, plusieurs catégories de travailleurs de la terre. Tous n’ont pas la même perception de l’Europe. Pour cette analyse, il s’agira de répondre à la question suivante : Qu’est-ce qui différencie, sociologiquement, les « paysans nationaux » des « agriculteurs » et, plus encore des « entrepreneurs de l’Europe » ? Nous établirons une définition de ces différentes catégories, avant de les analyser. Paysans Nationaux Le terme « paysan » est apparu en 1155, pour définir un « habitant du pays, un autochtone », depuis le XIIIème siècle, ce terme désigne « la personne qui cultive la terre » et a une connotation largement péjorative, au même titre qu’un « imbécile, un plouc, un péquenaud ». Son usage dévalorisant, s’est d’autant plus répandu à la fin de la seconde guerre mondiale, alors que le contexte économique et politique était défavorable à l’agriculture. Le terme « paysan nationaux » fait référence à une agriculture traditionnelle, pratiquée à faible échelle. Ces individus, ont une forte attache avec la terre et l’agriculture. Leur exploitation et leur famille sont liées puisqu’il s’agit, en général, d’une activité, et d’un capital, financier et culturel familial. Les revenus de l’exploitation vont aux ménages, et il en va de même des ménages vers l’exploitation. En d’autres termes, les « paysans nationaux » travaillent pour subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille. Les objectifs des syndicats paysans sont d’augmenter les prix de leurs produits. Ils ne sont, cependant, pas impliqués dans les politiques agricoles, puisque écrasés par les « gros » agriculteurs. Par ailleurs, leur identité sociale est fortement influencée par leur rôle dans la production alimentaire locale. Néanmoins, ces individus font face à des défis socio-économique importants, puisqu’ils sont concurrencés par les grandes exploitations agricole et par les politiques agricoles, qui depuis les années 1970, tendent à les isoler, pour les amener à se moderniser ou à disparaitre. Ce groupe dénonce les violences de l’agriculture d’entreprise, et les politiques, en remettant en cause cette modernité, qui n’assure plus la transmission d’un patrimoine, et prône la domination, et l’exploitation de la nature par l’Homme. Agriculteur L’agriculteur quant à lui, L’agriculteur, représente un éventail, large, de personnes, impliquées dans l’activité agricole. On ne parle plus ici de ferme, mais d’exploitation. Ainsi, l’agriculteur n’a plus comme objectif de se nourrir, mais d’exploiter la terre. Leurs exploitations varient en tailles, ce qui influence les pratiques agricoles, dont une variété est pratiquée afin de cultiver ou d’élever. Cela peut inclure des techniques conventionnelles, comme l’utilisation des technologies : engrais, et pesticides ou à son opposé, des approches durables ou biologiques. Les productions agricoles sont essentielles afin de garantir les besoins de la population. Le choix des cultures dépends des facteurs environnementaux évidemment, mais aussi de la demande du marché, puisqu’il s’agit d’un enjeu important. Les agriculteurs font face à différentes pressions, climatiques, liées à l’accès aux ressources, ou à d’éventuel maladies de bétails ou de culture, les politiques agricoles, réglementations, et concurrence. Ce groupe voit en l’Europe une utilité de protection contre les marchés extra-européen. Cependant, ils sont impuissants et subissent ses discussions, auxquelles leur seule solution apparaît être de s’adapter, par opportunisme et mimétisme des entrepreneurs de l’Europe jusqu’à l’endettement, parfois, avec pour aspiration, de s’élever dans la hiérarchie sociale. Ces derniers font parties des OPA, afin de défendre leurs intérêts, cependant, y prennent peu part, en ce qui concerne les décisions politiques. Le manque de syndicalisme pèse sur les plus petits producteurs de ce groupe, ainsi que les ouvriers agricoles, ne se sentant pas assez représenté et reprochant aux syndicats d’accorder plus d’importance aux exploitations les plus modernes. La réalité des agriculteurs varie considérablement d’une région à une autre, et en fonction du contexte socio-économique, politique et culturel. Entrepreneurs de l’Europe Les entrepreneurs de l’Europe, sont issus d’une grande diversité d’acteurs, allant de grandes exploitations agricoles aux firmes agroalimentaires, leurs maîtres mots sont la compétitivité et la rentabilité économique. En effet, leurs productions sont subordonnées aux commerces, et aux consommateurs européens, voir internationaux. L’objectif principal est de produire ce qui se vends, et de produire en grande quantité. Leur Identité sociale est marquée par cette volonté de compétitivité. Ils sont enclins à s’adapter aux exigences européennes de labels de qualités ou de normes environnementales. En outre, l’utilisations des technologies, et d’innovations récentes sont mises en place, afin de permettre, et d’optimiser les cultures intensives. L’utilisation de matériel agricole avancée, de certaines méthodes de cultures ou même de races animales, fait apparaître les entrepreneurs de l’Europe comme un modèle d’exemplarité, pour les agriculteurs. Ces entreprises ne font pas exception au modèle fordiste, à la division du travail. En effet, la production est divisée en un réseau d’échange et de complémentarité. Les ateliers sont spécialisés en un seul ou quelques produits, et les exploitations délocalisées vers des zones jugées plus favorables… Actifs au sein de l’Union européenne, les entrepreneurs de l’Europe profitent de l’espace Schengen, donc de la libre circulations des marchandises, des personnes, et des capitaux. Ce qui, pour ces individus, représente un progrès important en termes de productivité et de modernité. Enfin, ces derniers peuvent développer des partenariats commerciaux transnationaux, participer aux réseaux européens d’agriculteurs et bénéficier des programmes de financement de l’Union Européenne. Ils sont effectivement, largement actif dans le système institutionnel européen, donc dans les changements et prises de décisions. Les syndicats, et organisations sont pour eux un lieu de rencontre avec d’autres responsables agricoles. Ces fréquentations favorisent l’accumulation d’un capital culturel, se substituant à celui du capital scolaire. Ils ne sont que peu préoccupés par les autres espaces culturels et de rencontre, à caractère urbain tel que les concerts, expositions, le cinéma ou la la littérature. Conclusion Entre ces trois groupes, réside une différence d’échelle d’exploitation, celle-ci, aura un impact direct sur l’identité social des individus. En effet, les paysans nationaux, avec leur ferme sont enracinés dans la culture locale et la transmission de tradition, ils ont une culture propre à chacun en fonction des territoires occupés et sont motivés par leur subsistance et celle de leur famille, principalement par la sécurité alimentaire. Les fermes sont des entreprises pour la plupart exclusivement familiales ou généralement les couples travaillent ensemble et sont contre l’Europe. A contrario les entrepreneurs de l’Europe sont motivés par le profit, la rentabilité économique, et la compétitivité. Ils misent sur l’Europe et les politiques pour se développer et son partit prenante des décisions européennes. Ces derniers ont fait essors après les années 1970, et ont essayé de condamner les paysans nationaux à un choix critique : disparaître ou se moderniser. Entre ces deux groupes, se trouve celui des agriculteurs, jugés plutôt opportunistes, et espèrent s’en sortir, en s’adaptant. Ils sont cependant restreints dans leur évolution par un manque d’accès aux responsabilités dans les institutions syndicales, et font face à des difficultés socio-économiques importantes. La principale opposition s’opère donc entre les paysans nationaux et les entrepreneurs de l’Europe. Puisque nous avons d’une part, une agriculture traditionnelle, et locale, donc les pratiques s’adaptent à leur environnement, en travaillant avec les saisons, les aléas climatiques, la vie et la morts des espèces animales. Tout en véhiculant une culture à chaque territoire, et dont la durabilité temporelle était remise en cause il y a plus de 40ans. Face à quoi, nous trouvons une agriculture productiviste, et récente de domination de l’Homme sur la nature, dont valeurs singulières et culturelles ont disparues. Cette agriculture, parvient de moins en moins à repousser les limites de l’écologie et les limites sociale qu’elle a engendré. Alors que l’Europe a atteint une auto-suffisance alimentaire depuis plus de vingt ans, et les ressources que la terre peut procurer chaque année sont dépassées plus rapidement. La véritable modernité, ne résiderait-elle pas en l’agriculture paysanne ? Il s’agirait de modifier à la fois les modes de productions, et la consommation, de facto, la possibilité de ce changement demeure incertaine dans une société rongée par le progrès et la domination de la nature. Bibliographie Ali Aït Abdelmalek « Les agriculteurs et les représentations sociales des aides européennes. Approche anthropo-sociologique de l’économie et du pouvoir » Gestion et Finances Publiques 2017 /4 (N°4), Pages 100 à 108 Bernard Roux « Développement agricole et différenciation des agriculteurs dans le sud de l’Union Européenne : Les paysans, l’état et le marché : société paysanne et développement. » Edition de la Sorbonne, 1997 Lucien Bourgeois « Les politiques agricoles plus que jamais d’actualité » Revue Projet, 2001/1 (N°265), Pages 15 à 22 Estelle Deléage « Les paysans dans la modernité » Revue Française de Socio-économique, 2012/1 (N°9), Pages 117 à 131