Daniel Rodriguez - 2019 Développement Végétal 1. La photosynthèse Une chose marquante de la vie sur terre est la grande quantité de biomasse végétale par rapport à la masse animale. Le table de Rousseau Le Rêve (l’image au début des slides) montre bien cette réalité. Introduction Les plantes à la base de la vie Pourquoi la vie existe-elle sur terre ? Cette question peut être répondue de différente manière : La formation de planète il y a 4.5 milliards d’années La Terre se situe à une distance adéquate du soleil L’inclinaison de la Terre ainsi que sa rotation permettent d’avoir une saisonnalité La structure de son noyau magnétique permet d’avoir un champ magnétique La présence de l’eau La présence de gaz à effet de serre qui permette des températures adéquates à la vie Vers 3.5 milliards d’années, la vie se développe dans les océans, puis il y a 2.5 milliards d’années, apparaissent les cyanobactéries qui déclenchent la « Great Oxydation », provoquant une extinction de masse suite à l’augmentation d’oxygène relâché par les cyanobactéries. Puis apparait un effet de serre inverse qui gèle la Terre, pour finir par se réchauffer lorsque les organismes utilisent tout l’O2 pour former du CO2, gaz à effet de serre, qui permet de maintenir la température actuel. On peut notamment s’intéresser à la vie végétale sur terre qui est d’une grande importance. En effet, on peut rapidement constater qu’il y a une asymétrie entre la biomasse végétale et animale. Mais pourquoi cette asymétrie ? Car la photosynthèse est un processus qui a évoluer il y a plusieurs centaines de millions d’années et qui a permis (et permet) une expansion rapide du tissu végétal, organisme capable de récupérer l’énergie solaire. Le déchet de la photosynthèse est l’oxygène qui a réagi avec le méthane et qui a refroidit la Terre par effet de serre. Sans vie végétal sur la Terre, il n’y a pas d’animaux n’ont plus car dépendent de ceux-ci pour leur survie. L’oxygène produit par les cyanobactéries eu un impact majeur sur la vie terrestre. Les plantes et les cyanobactéries sont importantes pour fournir de l’oxygène, qui est issu de la photosynthèse oxygénique, processus ayant formé la biosphère actuelle. Cette photosynthèse oxygénique fut « inventée » par les cyanobactéries sous une forme primitive, puis perfectionnée par les plantes, en particulier les plantes à fleurs, chez qui la photosynthèse est plus complexe. Sous son équation simplifiée, la photosynthèse transforme l’eau et le dioxyde de carbone en oxygène et hydrates de carbone selon l’équation : Plantes et biomasse primaire : la fixation du carbone 1 Daniel Rodriguez - 2019 Il est important de noter que la biomasse primaire est presque uniquement issue de la photosynthèse oxygénique. De plus, la fixation de carbone se fait majoritairement par les plantes (et très peu dans les océans). Tous les autres processus ne contribuent que très légèrement à la production primaire de biomasse. Et ce n’est même pas le flux de carbone océanique (algues, cyanobactéries) qui joue un grand rôle dans cette fixation car il y a un turnover très rapide et constant/dynamique (la production est immédiatement utilisée par d’autres organismes, très peu est stockée, les algues sont immédiatement mangées et recrées). Ainsi, c’est sur terre que le carbone est fixé sous forme de bois sur le long terme. Une animation vue en cours montre les fluctuations du taux de photosynthèse dans le continent Américain et permet de voir qu’une grande partie de la biomasse végétale se trouve à l’équateur. En effet, le signal de la photosynthèse a pu être analysé grâce à une longueur d’onde précise (infra rouge) et montre bien à quel point la production photosynthétique est élevée an Amazonie. Mais d’où viennent ces fluctuations et pourquoi cette biomasse est aussi grande à l’équateur ? Plusieurs raisons expliquent cela : les saisons, les températures, la pluviosité, la durée nuit/jour, ... On dénote aussi un autre phénomène intéressant sur cette animation : un taux de photosynthèse très important dans l’est des Big Sky Mountains aux USA, vers les grands lacs (à la Corn Belt). Ce phénomène est dû aux gigantesques champs de céréales qui nourrissent la planète fournissent un booste massif au taux de la photosynthèse au printemps/été. La biomasse primaire, soit la fixation du carbone, se fait uniquement grâce à la photosynthèse oxygénique. Au niveau global, il y a un turnover gigantesque entre les différents réservoirs : atmosphère, animaux mangeant les plantes ou mangeant les animaux qui ont mangé les plantes, ... Au bilan, on retombe toujours sur la biomasse primaire issue de la photosynthèse. Mais comme le taux de photosynthèse n’est pas constant durant l’année, il n’y a pas toujours un bilan strict positif. Aujourd’hui, nous sommes en train de perturber ce turnover global en consommant excessivement les énergies fossiles, ce qui augmente le CO2 atmosphérique et se traduit par un réchauffement climatique. Cette augmentation globale de température depuis 1850 de 1-2° a un impact dans beaucoup de domaines mais aussi pour les plantes quoi que dans une moindre mesure. En effet, l’augmentation de CO2 dans l’atmosphère va probablement changer les comportements physiologiques des plantes au cours du temps (échange de gaz différent, protection a cette augmentation de chaleur, …) mais ne les perturbera que peu. La photosynthèse est un processus chimique et, comme tout processus chimique, dépend de la température. Le réchauffement et l’augmentation de CO2 pourrait avoir un impact sur la performance végétale. Sachant que le taux de CO2 dans l’atmosphère augmente, que les plantes ont besoin de CO2, et que (peut-être) la photosynthèse est plus efficace à plus haute température, les plantes risquent d’être avantagées par le réchauffement climatique. Pour le savoir, on peut s’intéresser à l’histoire de la terre qui est au final une histoire de plantes. Le taux d’O2 a continuellement augmenté depuis la « Great Oxydation » avec l’augmentation de biomasse des plantes et aussi l’évolution des plantes poussant sur la Terre. La conquête de la Terre a 2 Daniel Rodriguez - 2019 montré une chute brutale du CO2 et une augmentation brutale de l’O2, jusqu’à l’apparition des plantes à fleur il y a 300 millions d’années, très dominantes, ayant plus que conquis la planète. La période d’augmentation des plantes sur la Terre est en corrélation avec l’augmentation de l’O2 atmosphérique et la diminution du CO2 par fixation en des structures lignifiées non réutilisées. La période la plus massive de fixation du carbone est ainsi nommée le Carbonifère. La perte du CO2 a annulée l’effet de serre et déclenché une glaciation massive de la Terre. L’absence de Turnover à favoriser la formation de pétrole avec l’accumulation de végétaux mort (et non pas des dinosaures !). La consommation de l’O2 et le rejet de CO2 par les animaux ont favorisés la réaugmentation de la quantité de CO2 atmosphérique et la diminution de l’oxygène. Aujourd’hui, d’un point de vue géologique, le taux de CO2 est très bas mais augmente rapidement, ce qui est problématique … mais pour qui ? La planète s’en fout de ces changements et les plantes et autres micro-organismes seront probablement modifier mais il y aura toujours de la vie... La question, est de savoir si ça sera avec ou sans nous... Notons de plus qu’aujourd’hui nous sommes à un peu près 20% d’O2 dans l’atmosphère. Le cas des feuilles Le relâchement du CO2 n’est donc pas un problème pour les plantes mais cette augmentation va tellement vite que les plantes vont probablement beaucoup changer au cours du temps. Prenons l’exemple des feuilles : presque toutes les plantes ont des feuilles aujourd’hui mais ça n’a pas toujours été le cas. Les fossiles montrent que les anciennes plantes n’avaient pas de feuilles mais uniquement des tiges. Les feuilles sont, en effet, une adaptation de la plante à la diminution du taux de CO2 atmosphérique. Elles permettent d’augmenter la surface de la plante pour maximiser la photosynthèse en plus de pouvoir absorber un maximum de CO2 qui est devenu peu à peu un élément limitant (donc absorption du CO2 plus efficace). Chaque écosystème qui a assez d’eau est dominé par les plantes. On le voit très clairement dans les forêts boréales. De plus, notons que La photosynthèse est à la base de vie animale et que la réaction globale est 6 CO2 + 12 H2O C6H12O6 + 6 O2 + 6 H2O relâche de l’eau. Nous allons regarder en détails ce qui se passe chez la plante, le processus étant en réalité complexe et pas toujours aussi efficace que supposé par cette équation qui traduit une stœchiométrie de la photosynthèse optimale. 3 Daniel Rodriguez - 2019 Le chef-lieu de la photosynthèse La photosynthèse se déroule dans les feuilles en grand partie. Différentes couches de tissues sont visibles sur le schéma d’une feuille typique ci-contre mais pas toutes les cellules font la photosynthèse ! On peut y voir des faisceaux de transport très développer (notamment chez les angiospermes). Les feuilles sont l’endroit principal de la PTS. Elles sont parcourues par le système vasculaire interne de xylème (transport de l’eau [sève brute]) et de phloème (transport de sucre [sève élaboré]). Les cellules des stomates, mais surtout les cellules du système racinaire, ne font jamais de photosynthèse, c’est pourquoi il faut que le phloème transporte la sève dans les racines et les régions de la plante en croissance. Attention, chaque feuille n’est pas un producteur net ! En effet, celles en croissance utilisent plus de carbones qu’elles n’en produisent. On peut parler de plusieurs types de structures dans une feuille : Epiderme couvert de cuticule (couche de cire de protection qui empêche la perte d’eau) Parenchyme palissadique : lieu ou la photosynthèse se fait le mieux Parenchyme lacunaire : permet d’absorber le CO2 (échange de gaz en générale), surface d’interaction. Xylème : transport des sels minéraux et de l’eau Phloème : transports de sucres et eau, distribution des ressources de la photosynthèse aux différentes cellules de la plante pour sa croissance et notamment aux endroits où il n’y a pas de photosynthèse (par exemple la racine). En d’autres termes, les deux parenchymes forment le mésophile et font à peu près toute la photosynthèse de la feuille. Deux couches d’épidermes, recouverts de cuticule cireuse hydrophobe (adaptation pour limiter les pertes d’eau), délimitent la feuille. Il y a des lacunes dans le parenchyme lacuneux, permettant les échanges de gaz via les stomates (pores et cellules de gardes), ne s’ouvrant normalement que vers le bas de la feuille (côté abaxial). Les chloroplastes L’endroit spécifique de la photosynthèse est le chloroplaste issu de l’endosymbiose. Malgré ce que l’on pourrait penser, il y a toutes sortes de formes et de grandeur de chloroplastes ! On retrouve des formes spiralées, des grands chloroplastes, plusieurs chloroplastes dans 1 cellule ou alors 1 seul chloroplaste par cellule, …). Ces chloroplastes sont mobiles dans la cellule et réagissent à la lumière afin de se mettre dans une position optimale pour faire la photosynthèse. La photosynthèse se déroule dans un système membranaire que l’on trouve à l’intérieur des chloroplastes. En effet, le chloroplaste possède deux membranes : l’externe, proche des eucaryotes et l’interne, proche des procaryotes (une des évidences de l’endosymbiose). Ce sont les photosystèmes qui permettent le processus de la photosynthèse. 4 Daniel Rodriguez - 2019 Les chloroplastes sont remplis de stroma (cytosol du chloroplaste) et de thylakoïdes empilés en granum (arrangement non dû au hasard) et reliés par les lamelles inter-granaires. Les thylakoïdes sont des systèmes membranaires complètement fermé (lumen isolé du stroma par la membrane des thylakoïdes), formant un espace continu (!) séparé du stroma. Les empilements de thylakoïdes sont connectés à d’autres thylakoïdes et forme donc un réseau. Tout est connecté, c’est comme un petit origami où toutes les membranes ne sont enfaite qu’une seule membrane. Ce système permet donc de divisé la cellule en deux : le stroma (extérieur des thylakoïdes) et le lumen (intérieur des thylakoïdes). Les chloroplastes contiennent autre chose que des systèmes membranaires : son propre ADN, codant pour certains composants (0.5% de toutes les protéines du chloroplaste) du chloroplaste, la grande part de ce génome primitif ayant été transféré à la cellule pour renforcer la symbiose (un chloroplaste ne peut plus vivre sans sa cellule hôte, il dépend à 99.5% des protéines codées par le noyau de la cellule hôte et livrées aux chloroplastes). Les protéines codées par le noyau pour le chloroplaste se distinguent des autres par une séquence signale codant pour l’import dans le chloroplaste. La réaction lumineuse (la première phase de la photosynthèse) ne produit pas de sucre ! Elle produit seulement de l’ATP et du NADPH qui sera utilisé par la réaction de carbone ou réaction obscure (2ème phase de la photosynthèse) pour faire du sucre. Notons de plus qu’il y a toutes sortes de plastes ! Les chloroplastes bien sûr, mais aussi d’autres selon le développement de celui-ci. Dans les racines, pas besoin de chloroplastes, on retrouve des amyloplastes (stockage d’amidon) et amoeboidplaste. On retrouve aussi les chromoplastes qui donnent la couleur. En effet, les chloroplastes sont des cas particuliers de plastes. Les plastes sont des organelles avec un développement flexible selon les conditions environnementales et physiologiques. Tous les types de plastes se forment à partir des proplastides non différenciés, qui sont présent dans les cellules méristématiques. Le type de plaste formé dépend du tissu et des conditions environnementales et physiologiques. Les différents types de plastes sont caractérisés par différents types de systèmes membranaires internes et activités métaboliques. Presque tous les types de plastes sont interchangeables, les transformations étant contrôlées par le noyau en fonction des conditions du milieu. On a donc : - Les proplastes, dans le méristème : version « embryonnaire » de tous les plastes, des plastes non différenciés présents dans les cellules méristématiques (cellules souches de la plante dans les méristèmes, zones de croissance tissulaires), qu’on retrouve chez les jeunes plantes. Ils ont une activité métabolique très basse, manque de chlorophylle, et ont peu de synthèse de protéines. 5 Daniel Rodriguez - 2019 - - - Les chromoplastes, dans les fleurs, fruits, feuilles d’automne : plasmes qui accumulent des pigments et donnent une certaine couleur. Les leucoplastes, dans les tissus non-photosynthétiques comme les racines : non pigmentés, peuvent se spécialiser pour stocker des réserves d’amidon, de lipides ou de protéines (deviennent alors des amyloplastes, oléoplastes, protéinoplastes), mais sont plutôt le plus souvent impliqués dans des réactions de biosynthèse essentielles (acides gras, acides aminés, hème). Les amyloplastes, localisations variées : chloroplastes modifiés, souvent en fin de vie, absorbant des sucres pour les entreposer sous forme d’amidon, molécule polymérisée n’influençant pas l’état osmotique de la cellule d’où le choix de cette molécule pour le stockage. Ce sont donc des organelles de stockage accumulant l’amidon. Les étioplastes, dans les feuilles : Ils sont généralement rencontrés dans les plantes ayant poussé à l'obscurité. Si une plante est transférée dans le noir pendant plusieurs jours, ses chloroplastes fonctionnels s'étioleront et perdront leurs pigments actifs pour devenir des étioplastes. Ce processus est réversible et ces étioplastes redeviendront des chloroplastes s'ils sont à nouveau exposés à la lumière. Les étapes principales de la photosynthèse Les chloroplastes sont l’endroit de la photosynthèse oxygénée. Plus précisément, la photosynthèse a lieu sur la membrane des thylakoïdes (réactions lumineuses utilisant eau et oxygène et formant du NADPH et de l’ATP comme expliqué avant) et dans leur lumen et le stroma (réactions carboniques utilisant du CO2, du NADPH et de l’ATP pour produire des CH2O). Ainsi, dans un granum, il y a des milliers de systèmes de photosynthèse avec différentes étapes à différents lieux. Si on l’observe de manière plus systématique, on peut séparer la photosynthèse en deux étapes : la photosynthèse propre, soit la récolte de l’énergie lumineuse pour former des équivalents de réaction NADPH (réaction lumineuses), et la photosynthèse sombre qui transforme l’énergie en sucre et fixant le CO2. Ces deux étapes peuvent être séparées en temps et en lieu, ce qui explique qu’il existe aussi des photosynthèses non-oxygéniques, certaines récoltes d’énergie lumineuse étant couplé à des réactions n’impliquant pas l’oxygène (mais moins efficace). Dans les réactions lumineuses, qui consistent à la récolte de l’énergie physique pour produire des NADPH, et qui a lieu sur et au sein de la membrane du thylakoïde, on a d’abord l’excitation lumineuse des molécules de chlorophylle, le transfert de cette excitation entre les pigments du complexe antennaire jusqu’à la transmission au centre réactionnel qui est ainsi excité. 6 Daniel Rodriguez - 2019 Dans les réactions sombres, qui consistent à transformer l’énergie physique en énergie chimique, le centre réactionnel excité cède un électron à une chaine de transport d’électron qui établit un gradient électrochimique à travers la membrane du thylakoïde afin d’activer une pompe ATPsynthesis pour faire de l’ATP, et transfère l’électron à un NADP+ afin de faire du NADPH. Dans le stroma, ces composants, ainsi que du CO2, rejoindront le cycle de Calvin pour produire du sucrose, qui sera exporté hors du chloroplaste. Réactions lumineuses : la récolte de la lumière La lumière est récolté d’une manière spécifique : grâce au soleil. Cette lumière a un certain spectre, la plupart dans le spectre visible et constitue une infime partie du spectre de photons venant du soleil et atteignant l’atmosphère 12minutes après son émission (solar output). Une partie de cette lumière est récupéré par la photosynthèse notamment dans les longueurs d’onde du bleu et du rouge. On peut voir un pic à une longueur d’onde du spectre visible et c’est celui-ci qui tape la terre. On peut voir que l’atmosphère absorbe certaines longueurs d’onde et reflète d’autres longueurs d’ondes dans l’espace : c’est pour cela qu’il y a des trous dans la courbe ci-dessous (rappelons-nous des cours de physique et des différences de spin d’un électron qui va changer la longueur d’onde d’absorption). On voit que les plantes absorbent beaucoup dans le bleu et dans le rouge mais pas dans le vert : c’est pour cela qu’une plante est verte. Seul une partie du spectre est absorber car dépend de la chlorophylle qui n’absorbe qu’un certain « range ». En effet, le spectre d’absorption de la chlorophylle est nettement plus petit et est asymétrique, absorbant plus dans les 400nm (bleu) et 700nm (rouge) et peu dans les 500nm (vert). Un photon avec une longueur d’onde petite a plus d’énergie qu’un photon avec une longueur d’onde grande. Il est nécessaire d’avoir une certaines énergies dans l’électron pour qu’il puisse sauter d’un niveau a un autre durant le processus. En effet, les électrons ne sont pas lier à un atome en particulier : on parle d’électron libre. Il existe trois états possibles : 7 Daniel Rodriguez - 2019 L’état de haute énergie avec une absorption dans le BLEU, non stable qui, puisque non stable, l’électron va retomber dans un état faiblement excité. L’état faiblement excité qui peut être atteint de deux manières : 1. Soit par absorption de l’énergie de longueur d’onde dans le ROUGE 2. Soit par désexcitation d’un électron hautement chargé. L’état de base (pas d’excitation) La chlorophylle Récolter l’énergie des photons par la chlorophylle consiste à faire sauter des électrons. Quand la lumière arrive, des chlorophylles absorbent les photons lumineux et leur énergie. Les molécules de chlorophylles sont excitées par les photons, mais elles peuvent ne l’être seulement à certaines longueurs d’onde. Les photons capturés excitent les électrons de la chlorophylle, et cette excitation va changer l’état de la chlorophylle. Les électrons excitables vont absorber l’énergie et atteindre un état d’énergie plus élevé qu’avant (les états vu avant). Un électron dans cette molécule de chlorophylle excité est alors monté à un nouvel état énergétique excité (l’électron peut être excité et sauter à l’état énergétique supérieur si l’énergie du photon est suffisante). L’état de haut niveau d’énergie est très instable (millisecondes de stabilité), donc l’électron relâche immédiatement une partie de l’énergie absorbé sous forme de chaleur (heat loss) pour passer du haut état d’excitation (bleu) à l’état d’excitation bas (rouge) moins énergétique. À partir de l’état excité le moins énergétique, il existe 4 alternatives de transformation de l’énergie absorbée quand l’électron retourne dans son état de base. Durant la redescente, l’électron doit relâcher l’énergie absorbée venant du photon, et il y a plusieurs façons de le faire : - - - 1 : Réémission de photon par fluorescence (le photon sera dans le spectre rouge, d’où le fait que dans les images satellitaires, la photosynthèse est visible par radiation fluorescente rouge !), mais cette réémission n’est pas utile pour la photosynthèse, c’est de l’énergie perdue à taux constant, permettant de suivre l’efficacité de la photosynthèse. 2 : Réémission sous forme de chaleur, pas de photons, pas utile à la photosynthèse mais permet aux feuilles de se réchauffer. 3 : Transfère de l’énergie à une autre molécule avoisinante qui sera donc excitée, ce qui se fait souvent sans que ça soit récupéré sous forme d’énergie pour la photosynthèse (principale voie de désexcitation). 4 : Utilisation de l’énergie dans une réaction photochimique, pour la photosynthèse (transfère d’électrons excités à des accepteurs, dont NADH et NADPH) 8 Daniel Rodriguez - 2019 Il est aussi important de réalisé que l’énergie dans un photon n’est pas suffisant pour la réaction de scission d’eau dans le site réactionnel (même lors de l’absorption dans le BLEU). Il est nécessaire d’accumulé l’énergie de plusieurs photons, ce qui explique le succès du 3ème processus (plusieurs électrons sont excités et « travaillent ensemble »). De la même manière qu’il existe plusieurs plastes, il existe aussi plusieurs chlorophylles qui varie en fonction des espèces et en rendement car cela dépend des rayons qui atteignent le milieu, donc des adaptations écologiques en quelque sorte. Cependant, l’anneau de porphyrine que l’on trouve dans les chlorophylles a toujours un centre magnésium ou l’absorption des photons à lieu. Il existe d’autre type de chlorophylle mais les plantes terrestres possèdent que les chlorophylles « a » et « b ». La différence principale entre les chlorophylles provient notamment des différents groupes attachés aux régions A et B du schéma ci-dessous. Notons que la queue hydrophobe ancre la chlorophylle dans la partie hydrophobe des thylakoïdes. Mais qu’est-ce ces groupements changent exactement ? Ils changent la longueur d’ondes à laquelle la chlorophylle va absorber en changeant l’électronégativité de la molécule, ce qui change l’état énergétique que les électrons peuvent atteindre dans le centre magnésium. On peut voir ce que font les différents groupes attachés sur le spectre d’absorption de chaque chlorophylle. Déjà au 18eme siècle la photosynthèse était étudiée. Pour la comprendre, on utilisait des expériences ingénieuses et on peut citer notamment celle d’Engelmann qui permit de trouver les longueurs d’ondes d’absorption de la chlorophylle sans aucun dispositif de mesure physique. Engelmann utilisa notamment la bactérie Bacterium termo qui à un fort chimiotropisme (le chimiotropisme est un déplacement d'un organe ou d'une cellule, orienté par un gradient de concentration chimique. En clair la cellule, ici Bacterium termo, va être attiré [chimiotropisme positif] ou repoussé [chimiotropisme négatif], par une molécule, [attirée par l’oxygène dans notre cas]) pour l’oxygène. Ainsi, il sépara toutes les longueurs d’ondes de la lumière avec un prisme et les envoya sur une cellule de Spirogyra (une algue) afin qu’elle fasse la photosynthèse. Il s’aperçu que les cellules bactériennes se concentraient beaucoup plus au niveau des longueurs d’ondes du bleu et du rouge (normal puisque c’est là ou la photosynthèse est la plus importante et donc ou la synthèse d’oxygène se fait le plus). 9 Daniel Rodriguez - 2019 On peut donc faire un spectre d’action, montrant le rendement de la photosynthèse (production d’O2) en fonction de la qualité de l’illumination (en longueur d’onde), comparable au spectre d’absorption (absorption de la lumière en fonction de la longueur d’onde). Pourquoi le spectre d’action n’est pas tout-à-fait égal au spectre d’absorption des chlorophylles ? La photosynthèse semble un peu plus efficace que la chlorophylle... La raison est les pigments surnuméraires, divers selon les espèces, qui capturent l’énergie de lumières d’onde complémentaires, énergie qu’ils transmettent par résonance aux molécules de chlorophylle (possibilité numéro 3, vue précédemment, de retour à l’état de base). Les caroténoïdes comme le bêta-carotène récoltent la lumière dans le spectre bleu. Les pigments biliaires comme la phycoerythrobiline et la phycocyanine, qui présentent un cercle de porphyrine ouvert, récoltent la lumière surtout dans le spectre vert (voir chapitre Les pigments accessoires). Les pigments accessoires Pour rendre le système plus performant, les différentes plantes utilisent en plus des chlorophylles « a » et « b » une variation de pigments accessoires (caroténoïdes, phycobiliprotéines) différents selon les espèces, en particulier le bêta-carotène presque partout, qui permettent de compléter les longueurs d’onde absorbables. Le spectre d’action de la photosynthèse dépend aussi de ces pigments accessoires et des spectres d’absorption. La chlorophylle « a » (bleu-violet 430 et rouge 670), la chlorophylle « b » (bleu 470 et orange-rouge 650), le bêta-carotène (violet-bleu 410 à 490) et la phycoerythrobiline (vert 530) se complètent donc pour une exploitation efficace de la lumière. 10 Daniel Rodriguez - 2019 Le complexe antennaire Les pigments sont situés dans les membranes des thylakoïdes, dans le complexe antennaire (l’antenne des photosystèmes qui récolte l’énergie). Chaque antenne contient des centaines de pigments qui absorbent tous des photons. Pour récolter cette énergie finalement sous forme chimique, tous les pigments de l’antenne se transfèrent par résonance l’énergie des électrons jusqu’à ce que la transmission se face à une chlorophylle spécialisée du centre réactionnel, qui va utiliser cette énergie pour la réaction redox. Il s’agit donc pour le complexe de récolter l’énergie, la concentrer, et l’utiliser pour entrainer la scission d’eau pour capturer l’énergie sous forme chimique. L’antenne récolte l’énergie physique, le centre réactionnel l’utilise pour une réaction oxydo-réductrice. Le complexe LHC (Light Harvesting Complex), sous-unité de l’antenne, est un groupement de tous les pigments utilisés par l’organisme avec des protéines, groupés autour des centres réactionnels. Il existe différentes protéines dans les antennes, quelques-unes lient les propres complexes LHC au centre réactionnel. Les arrangements des sous-unités sont dirigés vers le centre réactionnel. Le nombre de LHC s’associant ensembles dans un complexe antennaire est variable, il s’agit d’une architecture modulaire. Les LHC les plus externe dans l’antenne sont plutôt riche en chlorophylle « b » et les LHC les plus interne dans l’antenne sont plutôt riches en chlorophylle « a ». Ainsi, l’énergie absorbée de la lumière est transférée entre les pigments de l’antenne avec l’aide des protéines des LHC (light harvesting complex), et ce jusqu’au centre réactionnel. Le transfert s’effectue par résonance, donc l’énergie absorbée par tous les pigments de l’antenne est éventuellement transférée et concentrée vers le centre réactionnel. Ce processus est directionnel. Les pigments ont des niveaux d’états d’excitation minimale différents, donc en général, une molécule de chlorophylle « a » ayant absorbé un photon ne peut plus excité une chlorophylle « b » par résonance car il faut une énergie plus importante pour l’exciter (660nm pour la « b », alors qu’une « a » est excitée à 680nm, 11 Daniel Rodriguez - 2019 donc plus grande énergie nécessaire pour chlorophylle « b »). Mais l’inverser n’est pas vrai, car si une chlorophylle « b » absorbe de l’énergie, son énergie est assez importante pour exciter par résonnance à une chlorophylle « a ». On a donc bien une directionnalité. Notons bien que pour être une antenne, il est nécessaire de posséder plusieurs sous unités LHC. Notons qu’il y a plusieurs LHC par centre réactionnel et plusieurs protéines liés de manière non covalente. On compte en effet à peu près 200 à 300 LHC dans un centre réactionnel pour collecter efficacement l’énergie lumineuse. De plus, retenons bien qu’il y a toujours 2 chlorophylles de type « a » dans le centre réactionnel. Mais pourquoi ? Ca s’explique par le spectre d’absorption des différentes chlorophylles. En effet, l’énergie n’est pas perdue par une fluorescence mais est transférer par résonance entre paire de molécule. Ce transfert n’est pas possible entre toutes les paires de molécules car les spectres d’absorptions sont différents. Ainsi, l’énergie de la chlorophylle « b » peut être transféré dans une chlorophylle « a » MAIS l’énergie de la chlorophylle « a » ne peut pas être transférer par résonnance a la chlorophylle « b » car le photon n’a pas assez d’énergie. Au final la chlorophylle « a » peut accepter l’énergie de tous les autres pigments. C’est un processus directionnel ! La chlorophylle « b » peut exciter une chlorophylle « a » mais une fois « a » excité on ne peut plus retourner en arrière ! Ainsi, ce processus permet de concentrer l’énergie accumulé des électrons dans le centre réactionnel (ou les 2 chlorophylles « a » peuvent accumuler l’énergie). Mais qu’est ce qui rend spécial ces deux chlorophylles « a » par rapport aux autres ? En fait, elles possèdent des pics d’absorption un peu décalé ce qui permet d’accepter le transfert d’énergie par résonance de TOUTES les autres chlorophylles. On a donc bien une directionnalité. 12 Daniel Rodriguez - 2019 Le centre réactionnel Les pigments des LHC sont donc arrangés d’une façon particulière pour que l’énergie soit transférée dans le centre réactionnel : les pigments avec l’état d’excitation le plus énergétique sont situés le plus loin du centre réactionnel, par contre, les pigments avec l’état d’excitation le moins énergétique sont situés le plus proche du centre réactionnel. Ce dernier est composé de deux chlorophylles « a » particulières (comme expliqué plusieurs fois plus haut), associées à des protéines qui changent leur électronégativité et leur capacité d’absorption faisant d’elles les moins énergétiques, et donc les plus excitables par n’importe qu’elles autre pigment, y compris les autres chlorophylles « a » des antennes. Le pigment avec l’état excité le moins énergétique de tous est donc la chlorophylle « a » spécialisée du centre réactionnel. À chaque transfert d’énergie d’un pigment à un pigment d’état excité moins énergétique, la différence entre les deux états excités est perdue sous forme de chaleur. Ceci rend le processus irréversible, car il manque cette énergie perdue pour que le transfert se déroule en arrière. L’énergie entreposée dans l’état excité de la chlorophylle « a » spécialisée du centre réactionnel est disponible pour les réactions photochimiques. Les réactions photochimiques, oxydo-réductrices, prennent place dans les centres réactionnels et conduisent à la scission de l’eau (réaction sans stœchiométrie, c’est un flux d’énergie qui arrive). Le transfert d’énergie dans les antennes collectrices est très rapide, car les états excités des électrons ne sont pas stables : l’état le plus excité de la chlorophylle, atteint par absorption d’un photon dans le bleu, est seulement stable pour 10-12 s (soit une picoseconde) ; l’état le moins excité, atteint par absorption d’un photon rouge ou à partir de l’état le plus excité par perte de chaleur, est seulement stable pour 10-9s, soit une nanoseconde. Toute réaction photochimique doit donc être extrêmement rapide pour capturer l’énergie des photons et un flux constant d’énergie entrant et sortant (output et input) est nécessaire au bon fonctionnement de la photosynthèse et de la plante en général. Le centre réactionnel contient : - - Un dimère de chlorophylle « a » (toujours « a » chez les végétaux) Un certain nombre de protéines assurant des fonctions diverses comme le transfert d’électrons et la liaison avec des transporteurs d’électrons. Notons que leur liaison n’est pas covalente. D’autres protéines remplissant des fonctions annexes comme les interactions avec des composants de la membrane ou des fonctions de régulation La chlorophylle du centre réactionnel est tellement excitée par l’énergie arrivant au centre réactionnel par l’antenne (ou directement par un photon d’énergie lumineuse), que l’électron excité peut quitter la chlorophylle « a » et est attrapé par un accepteur d’électron primaire, puis l’électron passe de l’accepteur primaire à un accepteur secondaire et ainsi de suite avant d’atteindre ultimement du NADP+ et former du NADPH. 13 Daniel Rodriguez - 2019 Le trou d’électrons crée dans le centre réactionnel, l’électron manquant dans la chlorophylle « a » spécialisée, est comblé par un électron provenant d’un donneur d’électron secondaire, issu de la scission de l’eau, le donneur ultime d’électron. Il s’agit donc de réaction d’oxydoréduction. Le donneur ultime d’électron est H2O (il faut 2 H2O pour former un O2 et libérer 4 é), l’accepteur ultime d’électron est le NADP+. Ces réactions photochimiques se passe dans le lumen (donc l’intérieur des thylakoïdes) et les membranes des thylakoïdes, pas dans le stroma. La scission de l’eau est effectuée dans le lumen par un complexe à manganèse, une extension du centre réactionnel (notons que la jaunisse des plantes ne provient pas forcément que d’un manque d’engrais phosphate/nitrate, mais souvent d’un manque de micronutriments comme le Mn, essentiel pour les plantes). Sur le schéma ci-contre on peut voir le complexe P680 qui correspond à nos fameuses chlorophylles « a » spécialisées. Ce nom est tout simplement dû au faite que le pic d’absorption est à 680 nm. De plus, on peut y voir que la scission de l’eau est un processus graduel qui se passe très rapidement dans le complexe de manganèse. Les photosystèmes Dans les années 1950, Emerson faisait des expériences qui montraient que la photosynthèse dans la lumière infrarouge seule n’est pas très efficace, comme le montre la déconnexion entre le spectre d’action ou rendement quantique et le spectre d’absorption (à des longueurs d’ondes de même absorption dans le rouge, genre 660 et 690 environ, la perte du rendement d’action est beaucoup plus grande qu’attendue. En d’autres termes, la différence entre les deux courbes est plus petite et donc l’énergie accumulé est plus petite). Ce phénomène est appelé le « red drop ». En même temps, il remarquait un synergisme entre la lumière rouge et infrarouge : donner du rouge et de l’infrarouge en même temps donne plus d’énergie que la somme des deux individuellement (iR + r < (iR + r)). Ceci fut expliqué par la découverte que la plupart des plantes contiennent deux types de photosystèmes : les photosystèmes I et photosystèmes II, nommé en fonction du temps de découverte, mais le photosystème II se trouve avant le photosystème I (nomenclature bizarre à cause de fait historique : le photosystème I a été découvert avant). Les deux ont été cristallisés, permettant d’en connaitre la structure protéique, en hélices transmembranaires principalement. Tous les deux se trouvent dans les membranes des thylakoïdes des chloroplastes de toutes les plantes modernes et travaillent ensemble, le photosystème II fournissant des électrons au photosystème I. Le 14 Daniel Rodriguez - 2019 photosystème II, qui contient beaucoup de protéines LHC, utilise le LHC II, le photosystème I le LHC I. La chlorophylle « a » du centre réactionnel du photosystème II a une absorption optimale à 680nm et à comme donneur d’électron ultime H2O (on notera sur les structures cristallographiques qu’en effet, seul le photosystème II possède les protéines extra membranaires nécessaires à la scission de l’eau), alors que celle du photosystème I a une absorption optimale à 700nm et à comme donneur ultime la plastocyanine. Les accepteurs d’électron ultime sont la plastoquinone pour le photosystème II et la ferrédoxine pour le photosystème I. Le photosystème I est moins énergétique que le II (680nm vs 700nm, donc longueur d’onde plus petite pour le photosystème II et donc plus énergétique), ce qui justifie le transfert d’énergie du photosystème II au photosystème I, dont le potentiel est plus faible que le deux. Notons que l’accepteur d’électrons du photosystème II (plastoquinone) et le donneur d’électrons du photosystème I (plastocyanine) sont liés par une chaîne de transport d’électrons. Le transfert d’électrons se fait du photosystème II au photosystème I, dont l’accepteur ultime finira par transmettre les électrons aux NADP+. Le transfert d’électrons de H2O à NADP+ est donc atteint en coopération entre les deux photosystèmes. Il y a un « schéma Z » dans la photosynthèse pour le trajet d’un électron du centre réactionnel du photosystème II au NADP+. L’excitation du photosystème II par la lumière permet la scission de l’eau et l’excitation du complexe antennaire, puis les électrons passe de la chlorophylle « a » du centre réactionnel P680 excitée à la plastoquinone, puis par des intermédiaires (cytochrome b6f), avec de petites pertes énergétiques, à la plastocyanine, qui donne ces électrons pour compléter le centre réactionnel P700, excité par la lumière également et dont les électrons sont donnés à la ferrédoxine puis au NADP+. Même si l’accepteur d’électron ultime de la photosynthèse est le NADP+, l’accepteur ultime du photosystème I est la ferrédoxine. De la ferrédoxine-NADP+ réductase, une enzyme très peu liée au photosystème I, assure le transfert au NADP+. 15 Daniel Rodriguez - 2019 La chaîne de transport d’électrons Les photosystèmes I et photosystèmes II sont séparé dans le chloroplaste. Les photosystèmes II sont surtout localisés dans les grana (empilements de thylacoïdes), alors que les photosystème I sont surtout dans les lamelles intergranaires. Ils sont toutefois liés par la chaine de transport d’électrons. Vu leur complexité, Il doit y a avoir un avantage compétitif à posséder des photosystèmes. En fait, ils permettent une exploitation beaucoup plus efficace de la lumière due au fait que le transport d’électron crée aussi un gradient électrochimique, donc une partie de l’énergie est utilisée pour produire de l’ATP. On a en effet une différence énergétique entre le photosystème II absorbant à 680nm et le photosystème I absorbant à 700nm, cette différence d’énergie étant récoltée durant le transfert d’électrons. Il y a donc création de différences de charges et de pH entre l’intérieur (lumen, pH4) et l’extérieur (stroma, pH8), et comme ces deux milieux sont séparés par la membrane du thylakoïde, il y a création d’un gradient par l’activité des photosystèmes. Notons que le complexe d’émission de l’oxygène du photosystème II, permettant la scission de l’eau, est aussi appelé « complexe Z », et fait saillie dans le lumen. Il libère pour 2 H2O, un O2 et 4 protons (on double les réactions sinon on a du monoxyde d’oxygène trop réactif). Les atomes du manganèse dans le complexe Z sont essentiels à la scission de l’eau. Les protons issus de la scission de l’eau sont libérés dans le lumen et participent au gradient, rendant le lumen acide. Les électrons de la scission de l’eau sont transférés à la chlorophylle du centre réactionnel par l’intermédiaire d’une tyrosine de la protéine D1, puis l’électron est successivement transféré vers la plastoquinone en passant par la phéophytine, une chlorophylle modifiée, et une première plastoquinone (la plastoquinone est un benzène modifié avec une longue chaine qui peut accepter les électrons). Finalement, après avoir reçu les électrons de la PQ via des intermédiaires (dont PC), le photosystème I transporte les électrons dans le stroma vers la ferrédoxine, de l’autre côté de la membrane par rapport à la scission de l’eau. Au final donc, les protons et les électrons issus de la molécule d’eau sont séparés par la membrane des thylakoïdes (les protons sont dans le lumen, les électrons dans le stroma) se qui établit un gradient 16 Daniel Rodriguez - 2019 électrochimique, qui peut être exploité pour la formation d’ATP. Le gradient des protons constitue une force protomotrice qui peut être exploitée par une ATP synthase (et non pas synthétases, qui signifie « consommation d’ATP par l’enzyme ») dans la membrane des thylakoïdes pour produire de l’ATP. On trouve donc aussi beaucoup d’ATP synthase dans les systèmes membranaires thylakoïdien. Finalement, les produits utilisables des réactions de lumières de la photosynthèse sont donc des équivalents réducteurs sous forme de NADPH et d’ATP. Une expérience a établi le concept de chimio-osmose, indispensable à la synthèse d’ATP par les photosystèmes. Jagendorf prenait des thylakoïdes isolés physiquement et les mettait dans un tampon acide de pH 4, capable de traverser la membrane des thylakoïdes et équilibrant ainsi le lumen et le tampon à un pH 4. Après un transfert rapide des thylakoïdes dans un tampon alcalin de pH 8 contenant de l’ADP et du phosphate, incapable de traverser la membrane, il a pu reconstituer un gradient artificiel. Il remarqua par cette expérience que, même dans l’obscurité, de l’ATP était généré, prouvant que le système utilisait un tel gradient. L’ATP synthase L’ATP synthase des thylakoïdes est aussi connue comme ATPase ou CF0-CF1. C’est un complexe d’environ 400kDa, très conservé (se trouve dans presque tous les organismes, c’est d’ailleurs avec lui qu’on a reconstitué l’arbre universel non raciné), formé de deux multimères : Une partie hydrophobe, le complexe CF0 Une partie hydrophile, le complexe CF1. 17 Daniel Rodriguez - 2019 L’ATP synthase se trouve dans les lamelles intergranulaires et est aux coté des grana. Une ATP synthase reliée se retrouve aussi dans les mitochondries mais n’est pas identique, bien qu’elle soit une structure analogue. Pour produire un ATP aux chloroplastes, il faut que 4 protons passent par l’ATP synthase. Une caractéristique étrange de l’ATP synthase est le fait que l’enzyme pivote circulairement quand elle est active, force mécanique utilisée pour former l’ATP. Le complexe b6f – carrefour des trajets d’électrons Le passage des électrons du photosystème II au photosystème I est assuré par le complexe b6f ou cytochrome b6f. Le complexe b6f présente beaucoup d’analogie avec le complexe bc1 des mitochondries, et est constitué de 4 éléments : - Une protéine Fe-S, aussi connue sous le nom de protéines « Rieske », qui reçoit les électrons provenant de la plastoquinone. Un cytochrome f qui reçoit les électrons de la protéine Fe-S et les transmet à la plastocyanine Deux formes du cytochrome b6 qui participent au transport cyclique d’électrons en recevant des é provenant de la ferrédoxine réduite du photosystème I ou du cycle Q. Notons que les différents cytochromes sont constitués de noyaux d’hèmes comme groupe prosthétiques. Plastohydroquinone – fournisseur d’électrons au cycle Q Dans le photosystème II, la plastoquinone est l’accepteur ultime d’électrons. En effet, la réduction de la plastoquinone entraîne la formation de la plastohydroquinone, une molécule lipophile qui peut quitter le photosystème II pour diffuser dans la partie hydrophobe de la membrane des thylakoïdes vers le complexe b6f. Ces réactions appartiennent au cycle Q, qui est fournisseur d’électrons (issus de la chlorophylle « a » excitée) mais aussi une pompe à protons, les 2 protons utilisés pour compléter la réduction de la plastoquinone n’étant pas les protons de la scission de l’eau mais proviennent du stroma (de l’autre côté donc). 18 Daniel Rodriguez - 2019 La plastohydroquinone ainsi formée va se déplacer dans la membrane. Finalement, cette plastohydroquinone QH2 va arriver à un complexe b6f où la première étape est d’être oxydée, la QH2 donnant un des deux électrons à la protéine Fe-S, alors que l’autre est donné à un des deux cytochromes b6. La plastohydroquinone perd en même temps ses 2 protons qui sont émis dans le lumen (ils ont ainsi traversé la membrane vu qu’ils sont à la base issue du stroma), redevenant une plastoquinone qui retourne au photosystème II. L’électron, passé au cytochrome « b », est transféré à une plastoquinone du côté stroma du complexe (mais toujours dans le complexe, pas dans le stroma) formant une plastosémiquinone. L’électron, passé à la protéine Fe-S (l’autre électron donc), est utilisé pour réduire la plastocyanine qui le transporte vers le photosystème I. Un deuxième électron passé au cytochrome « b » est transféré au plastosemiquinone, enlevant encore des protons du stroma. Cette auto récupération permet de transporter 6 protons à travers la membrane, augmentant le gradient électrochimique et permettant de produire 1.5 ATP et pas 1 ATP. Transport cyclique d’électrons et découplage des photosystèmes Dans certaines conditions, le photosystème I peut être découplé du photosystème II, par exemple dans la lumière infrarouge où le photosystème II est inactif (dès les 700nm, le photosystème II, fonctionnant à 680nm, ne peut plus fonctionner). Il peut y avoir un transfert d’électron de la ferrédoxine vers la plastoquinone via une enzyme. Ainsi, le photosystème I est capable de produire de l’ATP par lui-même : 19 Daniel Rodriguez - 2019 Au lieu de réduire le NADP+, la ferrédoxine réduite est utilisée pour réduire la plastoquinone. Cette réaction est catalysée par une enzyme postulée, la ferrédoxine-plastoquinone oxydoréductase (toujours pas découverte donc) Le résultat net de ce cycle est le transport des protons du coté stroma de la membrane des thylakoïdes vers le coté lumen. L’enzyme récupère les électrons normalement utilisé pour former du NADPH donc pour faire un cycle d’électrons permettant la synthèse d’ATP car chaque fois qu’on forme la plastohydroquinone, on fait passer des protons à travers la membrane. En effet, on pense que le photosystème I est le système initial évolutivement. La photosynthèse anoxygénique des bactéries fonctionne ainsi seulement selon le principe du transport cyclique des électrons. Donc la photosynthèse anoxygénique ne produit qu’une force proton-motrice. Le donneur d’électrons ultime n’est pas l’eau, mais d’autres substances inorganiques comme le H2S ou le thiosulfate. Ce système primitif ne se retrouve maintenant presque plus dans la nature, sauf chez des extrêmophiles proche des fumeurs noirs, car le système aurait été « amélioré » par le photosystème II permettant la photosynthèse oxygénique. Notons que le système actuel PSII-PSI est schématiquement très similaire à celui de la respiration dans les mitochondries. On peut voir sur l’image ci-contre la photosynthèse anoxygénique tout en haut, la photosynthèse oxygénique au milieu et la respiration dans les mitochondries en bas. La synchronisation des photosystèmes Comme la photosynthèse inclut deux photosystèmes à optimum et spectre d’absorptions différents, un problème particulier se pose : si l’absorption d’énergie par les deux systèmes n’est pas identique, l’un des deux, celui qui reçoit le moins d’énergie, est limitant et la photosynthèse devient sousoptimale. Et dans la réalité, l’absorption d’énergie des deux photosystèmes n’est jamais la même car les changements d’intensité et du spectre de la lumière sont quotidiens et mettent toujours un des deux photosystèmes à l’avantage (passage d’un nuage devant le soleil, la pluie, la neige, l’angle des rayons du soleil, …). Pourtant, on observe que le rendement quantique de la photosynthèse est presque 20 Daniel Rodriguez - 2019 indépendant de la longueur d’onde de la lumière. Cette observation suggère qu’il existe un mécanisme pour partager l’énergie total des photons absorbés également entre les deux types de photosystèmes. En effet, pour corriger cela, il existe un mécanisme pour partager l’énergie totale des photons absorbés également entre les deux types de photosystèmes. Un autre problème est la surcharge d’énergie, si les antennes prennent trop de lumières, des processus néfastes peuvent amener à l’apparition de radicaux libres destructeurs (en général, il y a trop de lumière quotidiennement pour une plante qui ne serait jamais à l’ombre). On mesure l’intensité lumineuse en microeinsteins, soit des micromoles de photons par secondes. En été, le soleil donne 2000 microeinstein. En laboratoire, on estime qu’Arabidopsis a un optimum d’intensité à 100 microeinsteins. Les photons excédentaires constituent un excès de lumière. La protection contre l’excès de lumière se fait à plusieurs niveaux. La première défense est de dissiper l’énergie comme chaleur via des mécanismes de suppression, ce qui est très efficace mais génère des produits toxiques (superoxydes O2-, radicaux d’oxygènes, peroxyde d’oxygène H2O2, ...) très réactifs, détruisant protéines et lipides des membranes (ce qui les rend moins fluides, moins flexibles). La deuxième ligne de défense est donc la détoxification des produits néfastes. Si les systèmes de traitements des déchets ne sont pas assez efficace, il y a endommagement de la protéine D1, qui attire l’excès d’énergie sur elle et est ainsi détruite. Elle est ensuite soit réparées, soit synthétisée de novo. On peut aussi réduire la taille de l’antenne s’il y a beaucoup de lumière, et inversement pour en capter plus, car il y a beaucoup de mécanismes de régulation du nombre de LHC pour adapter la taille de l’antenne en fonction de la lumière. Le mécanisme qui permet de partager l’énergie totale des photons absorbée également entre les deux photosystèmes est la synchronisation. La synchronisation se fait par une mobilité des « Light Harvesting Complex », les antennes étant flexibles dans leur taille en fonction du nombre de LHC qui les composent. La composition en LHC des antennes va donc varier en fonction de l’intensité et de la qualité de la lumière. Les complexes LHC II peuvent migrer dans la membrane des thylakoïdes et s’associer aux photosystèmes II et aux photosystèmes I en fonction de leur état de phosphorylation (le nom LHCII est donc à nouveau plutôt historique, car on les a identifiés d’abord dans les photosystèmes II, mais il y a des conditions ou ils sont aussi dans les photosystèmes I). C’est une enzyme kinase présente dans la membrane des thylakoïdes qui phosphoryle le LHCII (initialement associé au photosystème II) et qui est activée par l’accumulation des plastohydroquinones dans la membrane, une conséquence d’un excès d’excitation du photosystème II par rapport au photosytème I. La phosphorylation du LHCII a pour conséquence sa dissociation du photosystème II surexcité et un certain nombre migre vers le photosystème I, ce shift des LCH rendant les antennes du photosystème I plus grande, permettant une plus grande récolte d’énergie, et un équilibrage dynamique des activités des photosystèmes et un flux d’électrons optimisés. 21 Daniel Rodriguez - 2019 En cas d’une accumulation de plastoquinone (pas réduite) dans la membrane, ce qui indique que le photosystème II n’est pas assez actif ou que le photosystème I est trop actif, c’est une phosphatase membranaire qui fait l’inverse de la kinase, enlève les phosphates des LHCII associés au photosystème I qui retournent alors vers le photosystème II pour rééquilibrer le système. Donc les complexes LHCII fournissent de l’énergie au photosystème II ou au photosystème I en fonction des conditions de lumières. Les sous unités des antennes sont capables d’interagir avec plusieurs protéines. Ainsi, ils peuvent interagir avec le photosystème I et le photosystème II. Réactions sombres : utilisation de l’énergie Les produits principaux de la phase des réactions lumineuses sont l’ATP, du NADPH et de l’O2 (déchet pour la plante) et consomment de la lumière, de l’eau, du NADP et de l’ADP+Pi. Les réactions sombres du cycle de Calvin consomment l’ATP, le NADPH et fixe le CO2 (donc consomment du CO2) pour produire du sucre et restituent les NADP et ADP + Pi utilisés au préalable. En effet, la fixation du CO2 se fait par ce cycle de Calvin qui va introduire cette molécule CO2 dans une molécule de sucre. Les NADPH et ATP produits par la partie lumineuse, et par conséquent l’énergie capturée par les photosystèmes, sont utilisés par beaucoup de processus du métabolisme, mais surtout pour l’assimilation du carbone par le cycle de Calvin, utilisant ces composés et du CO2 pour produire de la biomasse (sucres). Ces deux parties peuvent être séparées dans l’espace et le temps, on n’est pas obligés de fixer les carbones en même temps que l’on capte des photons. Pendant la journée, quand les conditions sont bonnes, l’énergie stockée est utilisée pour la fixation de CO2. 22 Daniel Rodriguez - 2019 Le cycle de Calvin Le cycle de Calvin fixe du CO2 atmosphérique sous forme organique. Il contient en outre beaucoup d’intermédiaire et d’enzymes dont nous n’entrerons pas trop dans les détails. Le premier substrat est la Ribulose-1,5-bisphosphate, une molécule en C5, qui s’associe à un CO2, une molécule en C1, lors de la carboxylation. Cette carboxylation est la réaction initiale et la plus importante et permet de former DEUX 3-phosphoglycérates (3-PG), des molécules en C3. Cette réaction est spontanée, catalysée par la Rubisco, nécessitant une molécule d’eau mais pas d’ATP ni de NADPH provenant du cycle de lumière. Pour les réactions suivantes, il faut en revanche de l’ATP et NADPH issus des réactions lumineuses pour la réduction des deux 3-phosphoglycérates en deux glyceraldéhyde-3-phosphate (G3P), composés en C3 dont une molécule peut être utilisée pour la synthèse de sucre et d’amidon (il faut donc 3 tour de Calvin pour sortir un G3P, 6 tours pour un glucose). Puis de l’ATP, encore une fois issue des réactions lumineuses, est utilisée pour régénérer, à partir des molécules de G3P restantes, une Ribulose-1,5-bisphosphate. Afin que la stœchiométrie soit respectée, on constate donc bien qu’il faut : 3 CO2 et 3 Ribulose-1,5BisP (3xC1 + 3xC5 = C18) donnant 6 3-PG (6xC3 = C18) donnant 6 G3P (6xC3 = C18), dont on retire 1 G3P pour la synthèse de sucre et d’amidon (C3), et on conserve 5 G3P (5xC3 = C15) pour régénérer nos 3 Ribulose-1,5-BisP initiales (3xC5 = C15). Il faut donc bien trois tours de cycle pour sortir un G3P (C3) et six tours de cycles pour créer un glucose (C6). La Rubisco – Ribulose-biphosphate Carboxylase/Oxydase L’enzyme clé contrôlant le cycle de Calvin est la Rubisco, enzyme limitante faisant la carboxylation du cycle de Calvin, qui se retrouve dans les chloroplastes (stroma notamment) bien qu’une partie de ses composants soient codés dans le noyau (plusieurs protéines associées dans un complexe forment la Rubisco, dont une partie est codée dans le chloroplaste et une autre dans le noyau). Ce sont surtout 23 Daniel Rodriguez - 2019 les sous-unités venant du noyau qui contrôle le complexe Rubisco (mélange de différents polypeptides venant du noyau et des chloroplastes). La Rubisco représente à peu près 40% des protéines totales d’une feuille, et est probablement la protéine la plus abondante sur Terre. La carboxylation de ribulose-1,5-bisphosphate est une réaction exergonique (l’équilibre est sur le côté des produits). L’affinité de la Rubisco pour le CO2 est haute (suffisamment pour assurer la carboxylation car les concentrations de CO2 sont faible dans l’atmosphère, encore plus dans une cellule). Mais pourquoi il y a une concentration si basse de CO2 dans la cellule végétale ? C’est entre autre pour crée un gradient de concentration constant en faveur de l’entrée du CO2 dans la cellule. La Rubisco assure le passage de Ribulose-1,5-bisphosphate en 3-PG via une molécule intermédiaire à 6C très instable, qui reste en interaction avec l’enzyme (carboxylation). Cette molécule sera encore hydrolysée par la Rubisco au moyen d’H2O pour donner les deux molécules de 3-PG (hydrolyse). La carboxylation est l’étape limitante de tous les processus de la partie sombre de la photosynthèse. Ce qui limite vraiment la photosynthèse est le fait que cette carboxylation entre en compétition avec l’oxygénation. En effet, la Rubisco est une enzyme extrêmement conservée, ce qui traduit normalement une bonne efficacité. Toutefois, elle a un inconvénient majeur de design : ses deux activités, la carboxylase et l’oxygénase. Ainsi, la Rubisco peut aussi fixer de l’oxygène plutôt que du CO2, créant du phosphoglycolate. Le cycle de la photorespiration peut toutefois récupérer une partie du phosphoglycolate perdu pour le cycle de Calvin. 24 Daniel Rodriguez - 2019 Il n’y a pas de moyen de supprimer la partie oxygénase. L’activité d’oxygénase est retrouvée chez toutes les Rubiscos connues, mêmes ceux des bactéries autotrophes anaérobiques. CO2 et O2 sont donc en compétition pour le même site actif, mais les Rubiscos des angiospermes assimilent le CO2 80 fois plus vite que l’O2. Néanmoins, la concentration d’O2 est beaucoup plus élevée que celle de CO2 dans une solution à l’équilibre avec l’air (ratio 600 : 1). En réalité, la carboxylation est aujourd’hui seulement 3x plus fréquente que l’oxygénation. Cet inconvénient est explicable évolutivement. La Rubisco est une vieille enzyme conservée ayant évoluée dans des conditions anaérobies où le CO2 était beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui (7000ppm de CO2 et quasi absence d’O2, 200’000ppm d’O2 et moins de 100ppm de CO2 aujourd’hui). À l’époque, l’affinité pour le CO2, 80 fois plus élevée que pour l’O2, était suffisant vu l’excès de CO2, donc c’est un problème (la fixation de l’O2) qui ne fut pas contre sélectionné. Cependant, aujourd’hui, le taux d’oxygène dû à l’activité des plantes a considérablement augmenté (durant la grande oxydation, le CO2 fut consommé et de l’oxygène fut massivement produit). Aujourd’hui, les feuilles sont beaucoup plus grandes pour capter un maximum du rare CO2, mais il y a toujours une affinité notable à l’oxygène beaucoup plus présent. Une adaptation à cela aujourd’hui est le cycle de la photo-respiration, utilisant une partie du phosphoglycolate. Mais pourquoi une Ribusco ne fixant pas l’oxygène n’est pas sélectionnée plus qu’une autre aujourd’hui ? Probablement que, puisque la Rubisco est extrêmement bien conservé, le moindre changement de celle-ci serait fatale. Ainsi, la « création » de la Rubisco fut une révolution pour les plantes mais les chances qu’une nouvelle révolution apparaisse, permettant d’éviter l’oxygénation, sont très faibles. Les plantes en C4 Tout ce qu’on a vu ici était de la photosynthèse dite en C3. Mais il y a des alternatives, dont la photosynthèse en C4, où le CO2 est initialement assimilé dans des acides dicarboxylique (C4) et non en aldéhyde phosphoglycériques (C3), car il existe une deuxième enzyme capable de faire l’absorption de CO2 et la carboxylation initiale dans les feuilles, la phosphoénolpyruvate carboxylase (PEPC). La carboxylation de phosphoénolpyruvate (C3) par la PEPC produit de l’oxaloacétate (C4), qui est encore transformé en malate (C4) par la malate déshydrogénase. Le malate est ensuite transporté du mésophylle vers certains types de cellules. Chez certaines plantes C4, l’oxaloacétate est plutôt transformé en aspartate. Un inconvénient majeur du cycle C4 est que cette assimilation de CO2 par PEPC demande cette fois un investissement énergétique fournit par de l’ATP, car elle utilise de l’acide carbonique plutôt que du CO2 comme substrat, donc il faut de l’énergie pour transformer le CO2 en HCO3-. Même si cette demande énergétique pourrait nous faire penser que c’est « moins bien que la Rubisco », en réalité il s’agit bien d’une adaptation environnementale. D’abord, il y a une différence 25 Daniel Rodriguez - 2019 de substrat primaire : pour la Rubisco, il s’agit de CO2 gazeux, pour la PEPC, de CO2 dissout dans l’eau pour donner du HCO3-, ce qui inhibe la compétition avec l’O2. De plus, les feuilles des plantes en C4 ont la particularité morphologique de présenter au sein de leur mésophylle une gaine perivasculaire autour des vaisseaux. Entre le mésophylle et la gaine se passent un enchaînement de réactions qui constituent le cycle C4 : 1. Dans les cellules du mésophylle, la PEPC assimile le CO2 qui se retrouve finalement dans une molécule de malate. 2. Le malate est transporté dans les cellules de la gaine périvasculaire. 3. Dans les cellules de la gaine périvasculaire, le malate est décarboxylé par l’enzyme malique. 4. Le CO2 formé par la décarboxylation du malate entre dans le cycle de Calvin qui a lieu dans les cellules de la gaine périvasculaire, pendant que le pyruvate est transporté dans le mésophylle, où il est encore transformé en phosphoénolpyruvate, qui peut de nouveau faire un autre cycle. Il y a une différenciation spatiale entre la récolte de photon et l’utilisation de CO2. L’absorption du CO2 se fait donc dans les cellules du mésophylle via la PEPC, qui le transforme en malate, qui est transporté vers les cellules de la gaine périvasculaire, cellules accumulées autour du système vasculaire, où le CO2 est libéré et le cycle de Calvin à lieu. Le cycle C4 permet donc de séparer le cycle de Calvin et la photorespiration. Grâce à la gaine périvasculaire, la plante augmente de façon locale et artificielle la concentration de CO2 dans des cellules spécialisées, créant un environnement beaucoup plus anaérobique (concentration « artificielle » de CO2 par la plante) supprimant l’activité d’oxygénation de la Rubisco. Ceci a un véritable avantage énergétique sous certaines conditions. Pour mieux voir les bénéfices du cycle C4, observons sa stœchiométrie : Pour une C3 à Rubisco, le rapport carboxylation : oxygénation = 3 : 1. Il y a fixation de 6 CO2 donnant 18 ATP et 12 NADPH Consommation de 2 O2 donnant 1 ATP et 1 NADPH mais perte d’un CO2 ! Pour une C4 à PEPC et Rubisco, le rapport carboxylation : oxygénation (inexistante) = 1 : 0. Il y a fixation de 6 CO2 PEPC donnant 12 ATP + 12 NADPH Fixation de 6 CO2 Rubisco donnant 18 ATP et 12 NADPH. En sommes, C3 : 19 ATP + 13 NADPH pour 15 CO2 : 57 ATP + 39 NADPH. En sommes, C4 : 30 ATP + 24 NADPH pour 15 CO2 : 75 ATP + 60 NADPH. 26 Daniel Rodriguez - 2019 Ainsi, les plantes en C3 utilisent la photorespiration pour compenser une partie de la perte d’efficacité due à l’oxygénation. Les plantes en C4 n’en ont pas besoin, mais utilisent bcp plus d’ATP et de NADPH pour fixer le même taux de CO2. Il semblerait donc que le système C4 ne soit pas tant avantageux. Mais en réalité, le rapport de fixation d’oxygène par rapport à CO2, qu’on avait fixé à 1:3, change en fonction de la température. Plus il fait chaud, plus le taux de carboxylation diminue et l’oxygénation devient plus fréquente, à tel point qu’à certaines températures, l’oxygénation peut devenir prépondérante (4 ou 5 oxygénations pour 3 carboxylations). La méthode C4 est donc intéressante dans les régions chaudes et humides, typiquement les tropiques, où la température rend la Rubisco peu efficace. Ainsi, en calculant à nouveau la stoechiométrie a une température plus élevée on a : Pour une C3 à Rubisco, le rapport carboxylation : oxygénation = 3 : 2. Il y a fixation de 6 CO2 donnant 18 ATP et 12 NADPH Consommation de 2 O2 donnant 2 ATP et 2 NADPH mais perte de 2 CO2. Pour une C4 à PEPC et Rubisco, le rapport carboxylation : oxygénation (inexistante) = 1 : 0. Il y a fixation de 6 CO2 PEPC donnant 12 ATP + 12 NADPH Fixation de 6 CO2 Rubisco donnant 18 ATP et 12 NADPH. En sommes, C3 : 20 ATP + 14 NADPH pour 12 CO2 : 60 ATP + 42 NADPH. En sommes, C4 : 30 ATP + 24 NADPH pour 12 CO2 : 60 ATP + 48 NADPH. En fait, les cultures de C4 sont globalement plus efficaces que les cultures C3, comme le montre le maïs (C4) par rapport à du blé (C3) par exemple, même si cet avantage n’est que présent en culture à nos latitudes nordiques. Les plantes en C4 sont un exemple d’évolution convergente. Des considérations biotechnologiques pensent donc qu’il serait possible d’introduire des gènes de C4 dans des plantes en C3 par génie génétique. On pourrait de plus se demander si cette adaptation est spéciale à certaines espèces rares. En réalité non, la photosynthèse type C4 est assez répandue et on retrouve, dans la phylogénie des plantes des C4, un peu partout. C’est une adaptation facile à mettre en place au niveau évolutif probablement car toutes les plantes possèdent les enzymes nécessaires pour le faire. En effet, les modifications pour passer d’une photosynthèse type C3 à C4 ne sont pas très grandes. Un autre avantage des C4 est l’utilisation de moins d’eau, car la plante perd de l’eau lors de l’ouverture des stomates pour acquérir les gaz, or la haute activité de la PEPC permet aux plantes C4 de garder leurs stomates plus fermés, donc les plantes C4 perdent moins d’eau que les plantes C3 pour un taux d’assimilation égale : C3 : 250-300g d’eau pour 1g de CO2 assimilé C4 : 100-150g d’eau pour 1g de CO2 assimilé CAM : 150g d’eau pour 1g de CO2 assimilé (que nous n’avons pas abordé dans ce cours) Il y a encore un autre système, les plantes en CAM, qui fixent du CO2 sur du malate la journée et ne font la transformation que la nuit. On les trouve dans les déserts, où la conservation d’eau est primordiale et où il faut donc garder les stomates fermées la journée (par exemple les cactus). 27 Daniel Rodriguez - 2019 2. Transport Le développement d’une plante est beaucoup plus flexible que le développement d’un animal. Cependant, la productivité de la photosynthèse et la croissance de la plante doit être intégrée dans toute la plante ! Chaque cellule doit recevoir assez de nutriments pour rester vivantes. Une intégration importante est faite au niveau du système vasculaire. Ce système vasculaire permet la séparation du lieu de la photosynthèse de l’endroit où les nutriments sont limitants pour la photosynthèse. Grâce au système vasculaire, la photosynthèse ne se fait que dans les feuilles alors que l’exploitation du sol et l’absorption des nutriments se fait dans les racines. Ainsi, on notera qu’il y a une communication entre xylème et phloème ! Sans l’évolution de ce système, les plantes n’auraient pas été capables de conquérir la surface terrestre (il n’y aurait eu que des mousses). Ces plantes sont nécessaires à la survie des animaux car sont à la base de la chaîne alimentaire (c’est donc grâce à l’invention de ce système que les animaux existent !). Ces derniers temps, il y a une tendance d’anthropomorphisé les plantes et cela a beaucoup de succès (livre sur la communication entre plante, parallèle douteux entre le système sanguin et lymphatique de l’homme avec le système du phloème et du xylème de la plante, …). Cependant, ce n’est pas très scientifique et ce sont souvent des non spécialiste (chimiste, géologue et autres) qui font ce genre de parallèle. Il est important de noter que les plantes sont différentes de l’homme !! Parfois, il est vrai qu’il existe des héritages génétiques entre plante et animal cependant, pour reprendre l’exemple du système lymphatique et sanguin, les deux organismes sont différents ! Chez l’homme, il existe des pompes tel que le cœur et les des micro-pompes pour la lymphe mais, chez la plante, aucune pompe n’existe et tout mouvement est fait par processus physique. Une autre différence majeur est le faite que le système humain est un système complétement fermé (si je me coupe la gorge, je meurs) mais pas chez la plante (lui couper une branche ne l’a tuera pas, même si ces vaisseaux de xylème et phloème sont ouvert). Pour finir, il n’existe pas de système de rejet des déchets chez la plante car rien n’est vraiment déchet (même l’oxygène peut être utilisé pour l’oxygenation même si, comme vu, ce n’est pas top). Xylème et Phloème Beaucoup de nutriments sont requis pour bâtir une plante et proviennent du sol (magnésium, phosphate, nitrate, ...). Ils sont transmis par le xylème, qui se charge de transporter l’eau, les éléments minéraux et certains métabolites (amides, uréides, ...) de la racine aux organes aériens. Le flux dans le xylème est unidirectionnel, de la racine vers les ultimes ramifications du xylème dans les feuilles. Le phloème transporte lui de l’eau contenant les sucres produits par les cellules photosynthétiques, ainsi que certains métabolites (acides aminés, phytohormones, ...), transportés des tissus qui en produisent un surplus aux tissus qui ont besoin des produits de la photosynthèse (normalement les jeunes feuilles et la racine). Le flux dans le phloème peut être bidirectionnel dans le même faisceau conducteur. Les deux systèmes sont interdépendants et nécessaires (on ne peut pas avoir de phloème sans xylème, même si on les différencie ils sont dépendants). 28 Daniel Rodriguez - 2019 Le transport dans le xylème Le potentiel hydrique L’eau limite la productivité végétale. En effet, la productivité de la plante dépend énormément de l’eau à disposition, avec un maximum de productivité (où l’eau n’est donc plus limitante) lorsque la courbe du graphique atteint un plateau. Le transport de l’eau sur de longues distances est entraîné par le potentiel hydrique. L’eau suit des gradients de concentration mais aussi des gradients de pressions. C’est la somme des gradients de concentration et des gradients de pression qui décide la direction du mouvement. Les différentes forces qui déterminent quelle route l’eau suit dans la plante sont unies dans un concept intégratif que l’on nomme le potentiel hydrique. Le potentiel hydrique est une mesure de l’énergie libre de l’eau par unité de volume (J/m3). Cette unité est équivalente à la pression et donc peut être exprimée en Pascal (Pa). Le potentiel hydrique Ψw dans les plantes est déterminé par la somme de 3 facteurs principaux : - - Le potentiel osmotique Ψs, qui représente l’effet des molécules dissoutes dans l’eau sur le potentiel hydrique (les molécules dissoutes réduisent l’énergie libre de l’eau). La pression hydrostatique Ψp, qui est la pression de l’eau à un endroit donné en référence à l’eau à température et pression ambiante (par exemple la turgescence d’une cellule crée une pression hydrostatique dans la cellule). Le potentiel de gravité Ψg, qui est responsable du mouvement de l’eau vers le sol et dépend de la hauteur de l’eau par rapport à une référence, de sa densité et de son accélération causée par la gravité au niveau cellulaire, Ψg est négligeable, mais au niveau de l’organisme, il est important : la différence entre deux volumes d’eau avec un écart vertical de 10m est de 0.1MPa, soit 1 atmosphère. C’est le facteur limitant dans la croissance des arbres. Plus en détail, le potentiel hydrique d’une solution d’eau pure dans les conditions ambiante de température et pression est par définition de 0. Le potentiel hydrostatique = différence entre pression 29 Daniel Rodriguez - 2019 de l’eau et pression ambiante = 0. Le potentiel osmotique, en l’absence de molécules dissoutes est de 0 également. Le potentiel de gravité est aussi de 0. Ainsi, le potentiel hydrique = Ψw = Ψs + Ψp + Ψg = 0. En y ajoutant du 0.1M de sucrose, on a un potentiel osmotique négatif, comme l’est au final le potentiel hydrique : Potentiel hydrostatique = 0. Potentiel osmotique, en présence de 0.1M saccharose à température ambiante = -0.244 MPa. Potentiel de gravité = 0. Donc le potentiel hydrique = -0.244 MPa. L’eau suit un gradient de potentiel hydrique pour rétablir l’équilibre. On transfert une cellule dans une solution de sucrose moins concentrée que l’intérieur de la cellule. La cellule, flaccide sans turgescence, a une concentration de molécules dissoutes de 0.3M, alors que la solution à une concentration de molécules de saccharose dissoute de 0.1M. On a donc les potentiels suivants (les potentiels de gravités sont toujours nuls ici) : - Pour la cellule, Potentiel hydrostatique = 0MPa, Potentiel osmotique = - 0.732 MPa, Potentiel hydrique = - 0.732 MPa. Pour la solution, Potentiel hydrostatique = 0MPa, Potentiel osmotique = - 0.244 MPa, Potentiel hydrique = - 0.244 MPa. L’écart du potentiel hydrique entre la cellule et la solution au début : 0.488MPa l’eau suit le gradient de potentiel hydrique, du plus positif au moins positif de l’eau passe de la solution à la cellule. Une fois l’équilibre atteint (en supposant que les changements des volumes de la cellule et de la solution soient négligeables et que le plasmalemme ne soit pas perméable au saccharose) : - Le gradient de potentiel hydrique entre la solution et la cellule = 0 (les deux sont à - 0.244) Le potentiel osmotique de la solution reste – 0.244 MPa Le potentiel osmotique de la cellule reste – 0.732 MPa Pour atteindre l’équilibre, c’est la pression hydrostatique de la cellule qui augmente de 0 à 0.488 MPa, ce qui implique la turgescence de la cellule. Soit on transfert la cellule en turgescence dans une solution de saccharose de potentiel osmotique égale à celui de l’intérieur de la cellule, une solution de 0.3M de sucrose. On a donc les potentiels suivants : - Pour la cellule en turgescence, Potentiel hydrostatique = 0.488 MPa, Potentiel osmotique = 0.732 MPa, Potentiel hydrique = - 0.244 MPa. Pour la solution, Potentiel hydrostatique = 0MPa, Potentiel osmotique = - 0.732 MPa, Potentiel hydrique = - 0.732 MPa. L’écart du potentiel hydrique entre la cellule et la solution au début : - 0.488MPa l’eau suit le gradient de potentiel hydrique, du plus positif au moins positif de l’eau passe de la cellule à la solution. 30 Daniel Rodriguez - 2019 Une fois l’équilibre atteint (en supposant que les changements des volumes de la cellule et de la solution soient négligeables et que le plasmalemme ne soit pas perméable au saccharose) : - Le gradient de potentiel hydrique entre la solution et la cellule = 0 (les deux sont à - 0.732) Le potentiel osmotique de la solution reste – 0.732 MPa Le potentiel osmotique de la cellule reste – 0.732 MPa Pour atteindre l’équilibre, c’est la pression hydrostatique de la cellule qui diminue de 0.488 à 0 MPa, ce qui implique la perte de la turgescence de la cellule. Dans les conditions naturelles, c’est donc l’écart entre les potentiels hydrique du sol et de l’atmosphère qui entraîne le transport dans le xylème, les potentiels hydriques étant plus positifs en bas de la plante et plus négatif en haut de la plante, et le déplacement d’eau se faisant du plus positif au plus négatif. Pour le transport, la plante n’a rien à faire sauf construire de longs tubes suffisamment résistant pour supporter la pression négative. On peut voir sur le tableau que le potentiel hydrique est déjà un peu 31 Daniel Rodriguez - 2019 négatif car les racines n’absorbent pas de l’eau pure mais de l’eau avec des nutriments ce qui diminue le potentiel. Cette différence de potentiel entre le haut et le bas de la plante ne semble pas être énorme. Cependant, il est important de rappeler que l’on parle de méga pascal ! Les vaisseaux de la plante doivent donc être très résistants pour résister à une telle pression. Ce qui est important de comprendre c’est que, malgré le fait que l’atmosphère possède une bonne quantité d’eau, elle se retrouve très diluée et le gradient d’osmotique entre l’atmosphère et la plante est énorme. La plante perd ainsi beaucoup d’eau par rapport à tous ce qu’elle prend (comme le montre les chiffres plus haut). C’est donc bien un processus uniquement physique : la plante peut réguler le flux d’eau entrant grâce aux stomates mais elle ne peut contrôler le faite qu’elle perde de l’eau. Pour finir, nous savons que la gravité est négligeable au niveau de la cellule mais pas au niveau de l’organisme. Au bout d’un moment, la gravité, possédant un potentiel positif, va tout simplement annuler le potentiel hydrique négatif bien que celui-ci augmente avec la hauteur de la plante. Arrivé en haut, les deux contributions sont nul et l’eau ne peut plus monter : la taille de l’arbre est donc limité par la gravité. Le transport dans le phloème Des organes sources aux organes puits Contrairement au transport d’eau et des éléments minéraux dissous dans le xylème, qui est unidirectionnel de la racine aux feuilles, le transport des produits de la photosynthèse et d’autres métabolites dans le phloème est plus complexe car il peut changer d’orientation en fonction des conditions physiologiques. En général, le transport dans le phloème va des organes qui ont un surplus des produits de photosynthèse (organes sources) aux organes qui en manque (organes puits). Les organes sources sont normalement les feuilles matures. Les organes puits sont les jeunes feuilles, les bourgeons, les racines, les organes d’entreposage. Le transport dans le phloème peut donc être bidirectionnel, selon les conditions physiologiques et environnementales. Selon le développement, des organes puits peuvent devenir des organes sources, et vice versa. Il y a une préférence des organes sources pour certains organes puits selon des facteurs morphologiques. En général, les organes sources fournissent préférentiellement les organes puits les 32 Daniel Rodriguez - 2019 plus proches et avec lesquels elles ont le plus de connexions vasculaires : dans le cas des feuilles sources, ce sont les feuilles du même côté de la tige. Ainsi une expérience prenait une feuille source qui était traitée avec du CO2 radioactif intégré assez rapidement dans les sucres produits par la photosynthèse dans cette feuille. On retrouve ensuite ces sucres dans les jeunes feuilles, qui sont des organes puits, mais préférentiellement dans celles qui sont du même côté de la tige que la feuille source. Ceci montre qu’il y a des connexions préférentielles. Dans une deuxième expérience, si les autres feuilles sources sont coupées et qu’on ne laisse que la feuille source marquée radio-activement et les feuilles puits, on retrouve les sucres radioactifs dans toutes les jeunes feuilles puits. Ceci montre que la distribution des métabolites des sources peut s’adaptée rapidement et automatiquement aux conditions changées. C’est une sorte de système autorégulé. Une 3e expérience consiste à appliquer le marqueur radioactif à des feuilles de plus en plus jeunes. 24h plus tard, la distribution du marqueur est visualisée par autoradiographie, pour voir que ce sont les feuilles les plus proches et les mieux connectées qui reçoivent le plus le marqueur, et que les feuilles plus âgées diffusent plus que les feuilles très jeunes. Une 4e consiste à illustrer la transition d’une feuille du statut de organe puit à organe source pendant son développement en appliquant le CO2 radioactif à la feuille pendant 2h à différentes étapes de son développement. La distribution du sucre marqué est visualisée par autoradiographie 24h plus tard. On constate que les feuilles jeunes n’ont presque pas de sucre radioactif car ne produisent pas encore de sucre par photosynthèse (feuilles puits), mais qu’elles en contiennent de plus en plus à mesure qu’elles vieillissent / qu’elles commencent à faire de la photosynthèse (feuilles sources). Les cellules criblées et les cellules compagnes Le phloème et le xylème ne sont pas composés des mêmes cellules ! Le bois, par exemple, n’est composé que de xylème, possédant des cellules très robustes constitué essentiellement de lignine dont beaucoup d’organisme en raffole (une des raisons pour lesquels le bois est résistant). Il est important de noter que ces cellules ne sont pas vivantes ! Ce n’est même pas une apoptose, les vaisseaux sont tous simplement vide. Les vaisseaux de phloème sont composés de cellules criblées, qui sont vivantes mais profondément modifiées (sans noyau, sans tonoplaste, sans microfilaments, sans microtubules, sans Golgi ni ribosomes ...), mais possèdent encore quelques mitochondries et plastes, peu nombreux et modifiés également (on peut les considérer comme des cellules zombies). 33 Daniel Rodriguez - 2019 Les parois des tubes criblés sont garnies des plages cellulosiques perforées, les cribles, qui permettent les connexions cytoplasmiques entre deux cribles superposés. Les cellules criblées sont les seules cellules conductrices de phloème. Notons que la disposition des cellules cribles chez les angiospermes est plus complexe que chez les gymnospermes. C’est probablement une des raisons qui explique la grande supériorité numérique tant en nombre d’individu qu’en nombre d’espèce. Les cellules criblées sont toutefois assistées par des cellules compagnons, connectées à elles par des plasmodesmes via lesquels elles fournissent des protéines notamment. Les cellules compagnes se développent en même temps que les cellules criblées : une paire cellule criblée - cellule compagnon vient d’une division de la même cellule parentale. Les cellules compagnes sont des cellules vivantes qui contiennent tous les organelles. Ses tâches sont : Le transfert des produits photosynthétiques aux cellules criblées Fournir de l’énergie Exécuter des fonctions cellulaires perdues par les cellules criblées. Le transport n’est pas cyclique. Le (dé)chargement des cellules criblées peut se faire par l’apoplaste ou par le symplaste. Le sucre doit entrer depuis les feuilles. Le sucrose peut entrer dans les cellules compagnes/criblées via le symplaste ou l’apoplaste. La voie utilisée dépend de l’espèce ; la combinaison des deux voies dans la même plante est aussi possible. Le sucre est produit dans les cellules du mésophylle (parenchyme palissadique) et circule dans cellesci. Le transfert des sucres du parenchyme palissadique au parenchyme lacunaire et en leur sein se fait 34 Daniel Rodriguez - 2019 généralement de façon symplastique, via des plasmodesmes, à cause de différences de concentration, de cellule en cellule. Lorsque le sucrose arrive à proximité du phloème toutefois, il y a deux possibilités. Dans la voie apoplastique, le sucre est exporté activement dans un apoplaste avant d’être importé dans la cellule compagne qui les transfère à la cellule criblée. Dans la voie symplastique, tout se fait via des plasmodesmes, le sucre passant par des plasmodesmes du parenchyme vasculaire aux cellules compagnes, puis par des plasmodesmes des cellules compagnes aux cellules criblées. Le mécanisme de translocation dans le phloème : le mouvement en masse Cela fait seulement 2 ans que l’on est sûr que le mécanisme de translocation de la sève élaborée dans le phloème est un mouvement de masse. Pour des molécules de glucose dans une solution d’eau, la diffusion sur une courte distance est rapide, mais sur des distances un peu plus grandes, la vélocité de diffusion ne marche pas (32 ans par mètre). Or la vélocité des molécules de sucre dans le phloème est beaucoup plus grande, de 0.3 à 1.5 mètre par heure. C’est beaucoup trop rapide pour que ça se fasse par simple diffusion. On a utilisé des molécules fluorescentes et des microscopes confocales permettant de voir l’intérieur des organes de manière non invasive, et on a pu voir la disparition de la molécule fluorescente de l’endroit où on l’a chargée et elle se retrouve plus loin dans la feuille. Et ça passe en vrac, comme du pétrole dans un pipeline, pas en un mouvement continue de diffusion. Toutes les molécules bougent ensembles en même temps. L’hypothèse du mouvement de masse de la sève fut donc élaborée, probablement mis en mouvement par un gradient de pression. On parle de mouvement de masse car la sève élaborée est déplacée en masse, ce qui signifie que l’eau et les substances dissoutes circulent toutes à la même vitesse. On suppose que c’est un gradient de pression qui provoque ce mouvement car un gradient de pression est établi entre organes sources et organes puits à cause d’un gradient de potentiel osmotique. Le gradient de potentiel osmotique a pour conséquence un gradient de pression parce que les parois des cellules limitent l’expansion du volume cellulaire. Ainsi, pour contrebalancer le potentiel osmotique plus bas, la pression de turgescence augmente. La cause du gradient de potentiel osmotique entre organes sources et organes puits est l’import de sucre dans les cellules criblées des organes sources et l’export du sucre des cellules criblées des organes puits. 35 Daniel Rodriguez - 2019 Le mécanisme de translocation du phloème permet le transport contre le gradient de potentiel hydrique. Organe source : - Du sucre produit par les cellules du parenchyme est importé par les cellules compagnes, qui le transfert aux cellules criblées. À cause de l’import du sucre, le potentiel osmotique des cellules criblées diminue, et par conséquence le potentiel hydrique aussi. Éventuellement, le potentiel hydrique dans les cellules criblées est plus bas que dans le xylème voisin. Par conséquence, de l’eau passe du xylème aux phloèmes et la pression de turgescence dans les cellules criblées monte. Organe puits : - Le sucre arrivant de l’organe source est transféré des cellules criblées aux cellules du parenchyme, en passant par les cellules compagnes. À cause de l’export du sucre, le potentiel osmotique des cellules criblées augmente, et par conséquence le potentiel hydrique aussi. Éventuellement le potentiel hydrique dans les cellules criblées est plus haut que dans le xylème voisin. Par conséquent, de l’eau passe du phloème aux xylèmes et la pression de turgescence dans les cellules criblées diminue. On a donc bien un gradient de pression (de turgescence) établit entre les organes sources (plus positif) et les organes puits (plus négatifs), et par conséquent le phloème se déplace de l’organe source à l’organe puit. Xylème et phloème sont à coté l’un de l’autre. Il n’y a pas beaucoup de couche entre eux, voire pas du tout. Il est donc impossible d’obtenir des cellules isolées du phloème ou de xylème, car ces cellules 36 Daniel Rodriguez - 2019 sont reliées par le cycle de l’eau donc sont toujours proximales. Ainsi, on comprend pour l’on dit que le phloème et le xylème sont interdépendant. Le différentiel de pression entre organe source et organe puit est assez important pour que le transfert puisse se faire en continue sans intermédiaire. Mais dans le transport de phloème, la plante doit investir de l’énergie. De nombreuses controverses existaient sur ce gradient de pression car de nombreux biophysiciens considéraient impossible qu’un tel système fonctionne. Cependant, des études publier récemment montre que ce gradient serait suffisamment fort pour transporter le phloème même dans les grandes plantes. Ces travaux ont été compliqués à mettre en place car la nanotechnologie nécessaire devait pouvoir prendre des mesures précises et en tout temps de la pression en chaque endroit de la plante. 37 Daniel Rodriguez - 2019 3. Hormones et génétiques Identification des phytohormones Les hormones, qui vient du mot grec pour « exciter », peuvent être définies comme une molécule produite quelque part et subissant un déplacement pour pouvoir agir en un lieu autre que son lieu de synthèse. Pour les phytohormones, c’est légèrement différent car les phytohormones peuvent avoir un effet local. En effet, si beaucoup de phytohormones sont transportées et accumulées à certains endroits, elles agissent sur le lieu d’action, pouvant ainsi avoir un effet sur l’organe qui l’a synthétisé (hormone autocrine). Donc les phytohormones ne sont pas des hormones dans la définition animale du terme. Il y a diverses phytohormones classiques dont les familles : auxines, gibbérellines, cytokinines, acide abscissique, éthylène, et les plus récentes : brassinostéroïdes, jasmonates, acide salicique, strigolactones. Deux d’entre elles sont essentielles : L’auxine (seul dans sa famille) Les cytokinines (plusieurs cytokinines existent) Sans ces deux phytohormones une plante ne peut pas exister (on n’a jamais trouvé un mutant ne faisant pas d’auxine ou pas de cytokinine qui soit viable pour l’instant, alors que pour les autres on à des mutant non-healthy mais vivants). Il y a une multiplicité des effets chez les hormones végétales. Chaque famille d’hormone influence toute une série d’évènements du développement et chaque événement peut être sous l’influence de plusieurs familles d’hormones, typiquement à cause de synergismes. La synergie est un type de phénomène par lequel plusieurs facteurs agissant en commun ensemble créent un effet global ; un effet synergique distinct de tout ce qui aurait pu se produire s'ils avaient opéré isolément, que ce soit chacun de son côté ou tous réunis mais œuvrant indépendamment. Il y a donc l'idée d'une coopération pour crée de nouveau effet impossible sans elle. Ainsi, on retiendra que : Chaque famille d’hormones influence toute une série d’événements du développement Chaque événement peut être sous l’influence de plusieurs familles d’hormones 38 Daniel Rodriguez - 2019 Notons de plus qu’il existe aussi des différences dans les distances parcourus par les phytohormones : certaines sont mobiles sur des courtes distances et d’autre sur des longues distances. Des protéines telles que la DTX50, l’ABCG25 ou encore la NPF3 sont capable de transporter les hormones en les introduisant dans la sève élaborée pour qu’elles voyagent le long de la plante. On a, difficilement, isolé chimiquement chaque hormone. La dernière fut, en 1979, les brassinolides, qui ressemble à des stéroïdes mais ne fonctionnent pas de cette manière (manger de la moutarde ne nous donnera pas de muscles). Si on donne des brassinolides à une tige de haricot, on va la faire grandement croître à tel point qu’elle se désintègre presque par surcroissance. Les brassinolides ont donc un rôle dans la croissance, dans l’allongement des plantes. L’isolation chimique était dure car ces phytohormones sont vraiment peu importantes en quantité. On a typiquement récupéré du pollen en forçant les abeilles à passer par de petits trous (trous très petit laissant tous juste les abeilles entrer dans la ruche les forçant ainsi a « racler » le pollen) enlevant leur pollen pour rentrer à la ruche, et sur 40kg de pollen récolté, on n’a récupéré que 4mg de brassinolide (il a fallu broyer, centrifuger, solvater, ... pour isoler une fraction active minime). On voit ici les limites des techniques de biochimie dans l’analyse du développement : - - La physiologie des plantes, c’est à dire les voies métaboliques et leurs relations et interactions, était éclairée par l’étude des molécules métaboliques et l’isolation biochimique des enzymes qui catalysent les réactions de transformation. Par contre, le contrôle du développement est difficile à caractériser par la biochimie a priori : o Même si les processus du développement changent à la fin la structure des cellules et donc leur métabolisme, les cibles primaires dans ces changements ne sont pas connues. o La part des protéines régulatrices parmi les protéines totales d’une cellule est faible, normalement inférieur à 1%, donc les facteurs régulateurs individuels sont difficiles à isoler directement. o Contrairement aux enzymes du métabolisme, qui ont une activité plus ou moins définie qui peut être testée in vitro, souvent on ne sait pas quelle activité attendre des facteurs qui contrôlent le développement et il n’existe pas de système facile pour vérifier leur activité, car ils ne fonctionnent que dans l’ensemble d’un organisme. 39 Daniel Rodriguez - 2019 Mutagenèse et organismes modèles Arabidopsis thaliana La technique de choix chez les biologistes du développement est la mutagenèse : casser une pièce pour voir ce qui ne marche plus dans l’organisme. Il y a un intérêt à faire de telles recherches pour la nourriture, la compréhension et le plaisir. On utilise pour cela des organismes modèles, dont les principaux de la biologie végétale sont le maïs (plante C4), le tabac, le riz, et bien sûr Arabidopsis thaliana. Le cycle de vie d’Arabidopsis thaliana est le suivant : une plante adulte produit un embryon, qui après l’embryogenèse devient une graine. Une fois la graine planté, elle va germiné et devient une plantule produisant une rosette basale en phase végétative. Ensuite, en phase reproductive, une tige et des fleurs seront formées avec des graines dans les fleurs (après fécondation des fleurs) et le cycle recommence. Les principaux atouts d’Arabidopsis sont : - Un cycle de vie court (4-6 semaines) Une petite taille Une anatomie simple Un petit génome (environ 120 Mb, environ 35'000 gènes) Vrai diploïde Mutagenèse facile Création de plantes transgéniques facile Reproduction principalement par autofécondation Beaucoup de phénotypes d’intérêts peuvent être observés chez la jeune plante On connait de plus relativement bien aujourd’hui son génome (la majeure partie demeure toutefois non-classifiée, puis vient le génome responsable du métabolisme, puis de la transcription, de la croissance/division cellulaire et synthèse d’ADN, puis les mécanismes de défenses / réparation / vieillissement / mort de la cellule, puis la communication cellulaire et la transduction des signaux, puis la destination des protéines, puis le transport intracellulaire, la biogenèse cellulaire, les transports facilités, l’énergie, la synthèse de protéines, et finalement l’homéostasie des ions) 40 Daniel Rodriguez - 2019 Il existe de plus un polymorphisme, une variation naturelle génétique (standing natural variation) chez Arabidopsis, due aux mutations spontanées. Il est possible de rendre un gène plus fonctionnel ou de le faire travailler différemment. On parle alors de pangénome. C’est une source de variation. Le pangénome décrit la gamme complète de gènes dans une espèce. Il s'agit d'un sur-ensemble de tous les gènes de toutes les souches d'une espèce. L'importance du pangénome se pose dans un contexte évolutif (C’est une telle variation naturelle qui a permis à Mendel de découvrir les lois de la génétique classique. Les sept mutations des cultivars de haricots de Mendel sont des mutations spontanées, ayant eu lieu par hasard, et dont Mendel a fait l’analyse quantitative. Il y avait ainsi les graines rondes ou ridées, jaunes ou vertes, les fleurs violettes ou blanches, les gousses vertes ou jaunes, gonflées ou ridées, les fleurs terminales ou axiales, les tiges longues ou courtes. Elles lui ont notamment permis de mettre en évidence les mutations récessives et dominantes. Certaines mutations désactivent le gène (perte de fonction), d’autres le rendent hyperactif ou lui donne une nouvelle fonction (gain de fonction). Certaines fois le phénotype mutant est récessif et n’est observé que chez les individus homozygotes [1/4, surtout perte de fonction], d’autres fois le phénotype mutant est dominant et est observé que chez les individus homozygotes [1/4] et hétérozygotes [2/4, surtout gain de fonction]) Cependant il existe une gamme restreinte de mutants dans la nature car il y a une contre-sélection, la sélection pour la survie, ainsi beaucoup de mutants ne sont pas viables dans la nature. Mais on l’a dit, la technique de choix des biologistes du développement est la mutagenèse. La solution pour comprendre la génétique du développement consiste en effet à l’exploitation génétique par la mutagenèse et l’analyse détaillée des mutants : on prend la voiture, on casse une pièce, et on regarde ce qui ne marche plus ; si on casse assez de voitures en cassant des pièces individuelles différentes, on arrive à comprendre comment fonctionne un moteur. Ici, on désactive un gène d’un type sauvage par mutagenèse afin d’obtenir un mutant, qui par exemple ne fait pas de racine. On en conclu donc que notre mutagenèse a désactivée un élément nécessaire à faire des racines. La mutagenèse chez les plantes se fait à deux niveaux : sur le pollen et sur les graines. Un pollen muté va créer un hétérozygote de mutation en pollinisant une plante, qui va produire des graines m1 qui produisent des plantes m1, dont l’autopollinisation produit des graines m2 et des plantes m2 mutantes. Ou alors une graine mutée produit directement une plante m1 dont l’autopollinisation produit des graines et plantules m2 mutantes. La mutagenèse chez Arabidopsis 41 Daniel Rodriguez - 2019 On pratique une mutagenèse sur graines, ce qui touche la douzaine de cellules souches d’Arabidopsis dans le méristème apicale colinéaire. Par hasard, un gène dans une cellule du méristème est mutagénisé, c’est à dire qu’une des deux copies du gène est désactivée. La mutation est présente dans un état hétérozygote. La germination permet le développement de la graine en plantule, qui forme une plante m1. Si la cellule méristématique mutée et ses cellules filles forment une inflorescence plus tard, les cellules de cette inflorescence porteront la mutation de façon hétérozygote. Quand les fleurs de cette inflorescence forment les oosphères et le pollen, la moitié de chacune de ces cellules germinales portent la mutation. Pendant l’autofécondation, les cellules germinales sont recombinées au hasard. Dans un quart des cas se rencontrent une oosphère et un pollen qui portent les deux la mutation. La plantule alors formée lors de cette fécondation est homozygote pour la mutation. La mutagenèse chez Arabidospis peut rencontrer des problèmes : si la mutation ne donne que des feuilles, on perd la mutation ; si la mutation ne permet pas à la plante de bien survivre, on garde les sœurs hétérozygotes pour refaire des mutants. On peut maintenant créer des mutant de manière systématique et à haut débit. Mais on veut aujourd’hui savoir qu’est-ce qui exactement a été muté. On a un mutant qui existe mais on ne sait pas exactement ce qui la créé, quel gène a été modifié. L’identification d’une mutation par cartographie génétique a comme principe de suivre la recombinaison. C’est un moyen de déterminer la distance entre deux gènes individuels. Il faut avoir différentes variations entre ces deux gènes pour qu’on ait les moyens de les compter. La recombinaison devient de moins en moins probable lorsque les gènes sont proches (on a seulement besoin de déterminer les différents allèles mutant sur un gène). 42 Daniel Rodriguez - 2019 Le cas classique était difficile à faire et prend du temps à réaliser. On a deux souches d’Arabidopsis légèrement différentes l’une de l’autre par polymorphisme d’ADN, disons 11 paires de bases différentes. On insère un marqueur qui permet de faire la cartographie. On prend une de nos deux souches naturelles, celle dans laquelle on fait la mutagenèse et où on isole une mutation spécifique récessive homozygote mm, et on la croise avec une autre souche double dominant WT MM. Toutes les descendants F1 sont hétérozygotes Mm. Par autofécondation, on récolte une deuxième génération F2 où la recombinaison du matériel génomique, dont la mutation, a lieu. On a une ségrégation en F2 d’1/4 des mutants double récessifs mm. On isole de l’ADN de tous les F2 (des centaines voire milliers de descendants en laboratoire), et on regarde les marqueurs permettant de distinguer l’ADN des parents à certains endroit pour toutes les plantes à ces endroits. On peut ensuite par exemple voir que la mutation m est toujours marquée L-er dans la région de polymorphisme d’ADN 2, jamais marquée Col, alors que pour les régions polymorphiques d’ADN 1 et 3 les marqueurs L-er et col sont présent. Le polymorphisme d’ADN 2 est donc plus proche de la mutation que le 1 ou le 3. En cherchant les marqueurs proches de notre mutation, on identifie ainsi la localisation de la mutation. Notons que différents mutagènes ont différents effets. Les brassinostéroïdes Quelques remarques sur la nomenclature Au niveau de la nomenclature, on donne le plus souvent des noms liés au phénotype apparent chez le mutant (le gène WEREWOLF, une fois muté, augmente le nombre de poils racinaires). Chez les plantes : - - WEREWOLF, WER : le gène sauvage fonctionnel s’écrit en Majuscule et italique. werewolf, wer-1 : le gène mutant s’écrit en italique minuscule, souvent complété d’un numéro référant à l’allèle muté car on a souvent plusieurs mutations différentes qui rendent le gène non-fonctionnel. WEREWOLF, WER : la protéine sauvage fonctionnelle pareil, Majuscules mais sans italique. werewolf, wer-1 : la protéine mutante, minuscule sans italique WER:WER ou WER::WER : transgène, partie codante de WER sous contrôle du promoteur de WER MP:WER ou MP::WER : transgène, partie codante de WER sous contrôle du promoteur de MP 43 Daniel Rodriguez - 2019 - WER::WER-GFP : transgène, partie codante de WER fusionnée avec GFP, sous contrôle du promoteur de WER. Les phytohormones brassinostéroïdes Voyons un exemple : la caractérisation moléculaire de la perception de brassinostéroïdes par les mutants, qui a une action même avec une picomole. Les brassinostéroïdes empêchent la croissance des racines. Dans l’étude, ils ont identifié des mutants résistant aux brassinolides, qui ne sont pas capables de percevoir la brassinolide même à des concentrations élevées, et ils cherchent à trouver le gène de résistance au brassinostéroïde. Il y avait en fait toute une gamme de mutants. La partie aérienne du mutant résistant aux brassinostéroïdes ou incapables de les synthétiser seules donnait une plante naine due à l’absence de brassinostéroïdes, mais la plante était capable de fertilisation. Les phytohormones furent identifiées malgré leur infime quantité via des expériences massives (40kg de pollen pour 4mg d’hormone). Mais on ne savait pas si cette hormone brassinostéroïde agissait par elle-même ou si elle était impliquée dans une machinerie, d’autant que la biosynthèse des brassinostéroïdes est complexe et fait intervenir de multiples intermédiaires présents en faible quantité dans la plante. Il était impossible de trouver cette potentielle voie de signalisation malgré de nombreuses expériences. Mais ce fut fait grâce à la puissance des séries alléliques, qui ont permis de révéler une délétion perte de fonction chez toute une série de mutants aux phénotypes plus ou moins similaires. Les stéroïdes végétaux comme les brassinolides fonctionnent différemment des stéroïdes animaux. On a pu mettre en évidence le BRI1/BAK1 complexe, où BRI1 est un récepteur transmembranaire pour les 44 Daniel Rodriguez - 2019 brassinolides qui déclenche via BAK1 une signalisation à l’intérieur de la cellule, qui fait entrer le brassinolide dans la cellule et qui activera l’expression de certains gènes dans le noyau via des kinases. Il s’agit d’un processus dynamique. Il est facile de caser quelque chose mais il est difficile de réparer/construire ces mêmes choses (pensons à un vélo : si j’enlève une roue, ça sert à rien d’enlever les freins, le vélo marchera dans tous les cas pas). Mais en génétique, parfois, on peut réparer quelque chose en cassant quelque chose d’autre, soit en faisant une mutagenèse secondaire, la mutagenèse des mutants, un étonnant phénomène permettant parfois (rarement) leur guérison. On peut alors avoir une deuxième mutation qui guéri assez bien le phénotype. Grâces aux différents mutants, on connait désormais la voie de signalisation complète des brassinostéroïdes. Sans brassinostéroïdes les facteurs de transcription sont détruits par le protéasome. Avec, une cascade de phosphorylation fait qu’une phosphatase inhibe la kinase qui normalement phosphoryle les facteurs de transcription les rendant susceptibles à la dégradation, permettant aux facteurs de transcription de rentrer dans le noyau et de changer l’expression des gènes. 45 Daniel Rodriguez - 2019 4. Techniques Une fois qu’un gène a été isolé, comment comprendre son fonctionnement dans un contexte multicellulaire ? Le clonage La première chose à faire est d’obtenir un clone. Clone est un terme mal vu pour des raisons historiques et plutôt mal défini. Au début, un clone était simplement une population de cellule ou deux organismes génétiquement identiques. Il s’agit d’une situation naturelle, qu’on retrouve chez les bactéries souvent, des levures fréquemment, et même des eucaryotes pluricellulaires (pensons à la parthénogénèse des pucerons), en fait chaque fois qu’il y a une reproduction asexuée. La nature est pleine de clones, mais ils présentent le problème d’accumuler les mutations négatives et ceci favorise donc la reproduction sexuée. Les clones sont en revanche nécessairement artificiels pour les organismes à reproduction sexuels. Clonage par scission d’embryon (physique) Les premières expériences furent faites sur de jeunes embryons d’une grenouille, lorsqu’on a observé qu’on peut créer des individus génétiquement identiques en séparant les cellules d’embryon très tôt dans le stade embryonnaire. Alors qu’un jeune embryon de grenouille donne normalement une grenouille, la scission d’un embryon très tôt (au couteau plus ou moins), au stade de 16 ou 32 cellules, permet de créer deux grenouilles clonales, génétiquement identiques, qui se développent à partir d’un seul zygote de départ. Il s’agit donc ici d’une technique de clonage physique par scission d’embryon : si cet embryon est assez jeune, une fois coupé en deux, il donnera 2 embryons identiques. Ceci est un phénomène très courant. Dans l’agriculture, on a le même problème que dans la domestication. On a établi des caractéristiques favorables à nos besoins mais difficiles à maintenir par reproduction sexuelle, c’est pourquoi on essaye de faire un maximum de clones dans l’agriculture. On avait le cas du taureau Starbuck, qui avait de grandes qualités, et si on le laisse se reproduire de façon sexuelle il y aura perte des qualités. On forme puis prélève un embryon à partir de Starbuck et d’une de ces sœurs avec des qualités analogues, puis on coupe l’embryon en plein de bouts et on les implante dans des mères porteuses, et on a ainsi une 20aine de clone de sa progéniture, permettant d’établir des phénotypes. Clonage par bouturage (physique) Pour les plantes, c’est encore plus simple, car pour la plupart des plantes de la planète, il suffit de couper une branche ou une tige et on peut en faire pousser des racines pour faire une nouvelle plante, phénomène accélérable avec des cocktails d’auxines et autres. Pour les cultures des fruits, à la constitution génétique très spéciale immédiatement perdue par croisement, on fait ce genre de croisement par bouturage pour maintenir la qualité des variétés. Les peupliers qu’on connait aujourd’hui sont des peupliers spéciaux : une mutation isolée en Lombardie (Italie) il y a 300 ans faisant que toutes les branches sont plus verticales (et amplifiée artificiellement) a été sélectionnée par les agriculteurs et s’est répandu au point de devenir aujourd’hui une espèce majeure mondiale, la plupart étant des clones. Des clones naturels persistent car certaines espèces 46 Daniel Rodriguez - 2019 dont les peupliers sauvages peuvent former des clones en faisant pousser de nouvelles tiges à partir des racines se prolongeant sous terre. Tout ça c’est du clonage « physique ». Clonage par transplantation nucléaire (plutôt physique) On a aussi un autre clonage « plutôt physique », fait depuis les années 90 par transplantation nucléaire, soit via le transfert de matériel génétique d’une cellule à une autre. On prend un zygote fertilisé à laquelle on enlève de manière physique avec une seringue à aiguille très fine le noyau, qu’on remplace avec le noyau d’une cellule somatique. Ce court-circuit enlève la partie sexuelle. En principe ça marche, pas besoin de techniques ADN. Mais dans la réalité, le taux de succès n'est pas très haut, car le noyau transféré dans l’ovule vient d’une cellule somatique différenciée. La question biologique fut durant longtemps : « Est-il possible de reprogrammer le noyau d’une cellule somatique différenciée et de le remettre dans un état où il est capable de démarrer et induire une embryogenèse complète ? ». Dolly le mouton fut la première réussite, puis c’est devenu un biseness (Barbara Streisand a récemment cloné son chat pour 50'000 dollars). Récemment en Chine, deux macaques, Zohong Zhong et Hua Hua, furent ainsi clonés avec succès avec cette technique, malgré le bas taux de succès (il fallut 270 essais pour produire ces deux singes et 2000 zygotes). Clonage de gène (biochimique) Il y a aussi le clonage biochimique, un terme courant de jargon biologique utilisé lorsqu’on a isolé un gène. Si on dit qu’on a cloné un promoteur, on veut dire qu’on a identifié, isolé un gène d’intérêt et qu’on l’a modifié par un plasmide afin de le maintenir dans une colonie d’E.coli, permettant d’amplifier une pièce d’ADN particulière pour travailler avec. Ainsi, pour ANTENNAPEDIA, un allèle mutant d’un facteur de transcription, on peut vouloir cloner ce gène mutant responsable du phénotype. On va pour cela isoler l’ADN où se trouve la mutation (mutant BRI1), et le propager dans un plasmide afin de pouvoir notamment s’en servir comme preuve que la mutation se trouve dans ce gène. En fait, le clonage ADN est même devenu le prérequis pour toute analyse au niveau moléculaire lorsque l’on fait un pooling de beaucoup de molécules identiques. Il faut toujours parvenir à les cloner individuellement. On doit donc isoler un gène qui correspond à un certain mutant. Sa mise en plasmide permet de le maintenir facilement chez E. coli et de l’amplifier de manière à ce qu’on puisse travailler avec in vitro. Le plasmide est une unité extra-chromosomial chez les bactéries. On peut couper un plasmide (avec des enzymes de restrictions coupant l’ADN), y ajouter de l’ADN in vitro (qui a été coupé par les mêmes enzymes, donc aux mêmes sites de restrictions), puis combiner in vivo et in vitro en réinsérant les plasmides dans E. coli. 47 Daniel Rodriguez - 2019 1. De petites molécules circulaires d’ADN, appelées plasmides, sont extraites de cellules bactériennes. Ces plasmides servent de vecteurs, des molécules qui porteront les gènes d’intérêt. 2. L’ADN qui contient le gène d’intérêt est extrait. 3. Une enzyme de restriction (endonucléase de restriction) reconnaît un site de restriction spécifique : une courte séquence de 4 à 8 paires de bases. 4. Elle clive l’ADN, en laissant des extrémités cohésives/adhésives (ou à bouts francs). L’enzyme de restriction ouvre les plasmides circulaires permettant de dégager le gène d’intérêt de sa molécule d’ADN. 5. Les extrémités cohésives des fragments de restriction se lient par appariement de bases complémentaires, en formant des liaisons hydrogènes. Quelques gènes d’intérêt sont intégrés aux plasmides vecteurs pour donner des plasmides recombinants. Les autres plasmides (~99%), qui n’ont pas intégré les gènes d’intérêt, se recircularisent. 6. L’ADN ligase crée des liaisons permanentes entre les nucléotides (des gènes d’intérêt et des plasmides) en formant des ponts phosphodiesters. 7. Les plasmides sont mélangés avec des bactéries. Certaines d’entre elles intègrent les plasmides pendant un processus appelé transformation. 8. Les plasmides exprimant un gène lacZ restauré donnent des bactéries bleues. Quand les plasmides sont recombinants, le gène d’intérêt s’insère dans le gène lacZ, qui n’est plus exprimé, et les bactéries restent incolores. 9. Des antibiotiques sont ajoutés. Les plasmides expriment les gènes de résistance à ces antibiotiques : seules les bactéries qui ont reçu des plasmides survivent. 10. Les bactéries avec les plasmides recombinants sont reconnues à leur couleur. Sont isolées les bactéries incolores qui ont intégré les plasmides recombinants. 11. Les colonies de bactéries incolores sont mises en culture individuellement. Avantage du clonage des plantes La principale différence, et le principal avantage, du clonage des plantes par rapport au clonage animal (difficile, peu de réussite [1-9%]) est lié aux cellules somatiques : contrairement aux cellules animales, presque chaque cellule somatique de plante est totipotente. Elles conservent donc tout leur programme génétique, même si l’ensemble de l’information qui y est contenu ne s’exprime pas à un moment donné. Les cellules somatiques végétales différenciées ont donc la capacité de se 48 Daniel Rodriguez - 2019 dédifférencier voir se transdifférencier (veut dire : une cellule spécialisé se transforme en une autre cellule spécialisé sans passer par une cellule souche) ce qui est beaucoup plus rare et difficile chez les animaux, et selon les conditions, elles peuvent alors former un embryon somatique ou un certain tissu. En effet, chez les cellules animales différenciées, la dédifférenciation n’est (normalement) pas possible, seules les cellules de la lignée germinale ou les cellules souches ont la capacité de former un embryon ou n’importe quels tissus. Pour cloner une plante, il nous faut donc commencer par isoler des cellules végétales individuelles. Toutes les cellules végétales sont connectées par la paroi et la lamelle médiane, mais certains microorganismes comme des champignons produisent des enzymes pouvant digérer ces parois. Avec une feuille ou un autre tissu végétal, on peut après cette digestion libérer des protoplastes, des cellules végétales individuelles ronde car sans paroi. On peut ensuite les faire pousser sur un milieu nutritif de base complété par certaines hormones (concentration égales de cytokine et auxine) pour permettre la dédifférenciation et la croissance cellulaire, soit l’établissement d’une culture de cales. On aura donc la reformation de la paroi et les cellules vont recommencer à pousser. À partir de chaque cellule individuelle se forme une masse de cellules non-différenciées, un cale, poussant en culture comme le font des bactéries et des levures. À partir de ces cales non-différenciés, on peut induire en variant le taux d’hormone dans le milieu la formation d’une plantule avec un système racinaire et une petite tige (auxine>cytokines pour faire pousser la racine, puis, une fois que la racine est prête, on met auxine<cytokine pour faire pousser la tige), qu’il suffit de transférer dans le sol pour récupérer une plante clonale entière. On arrive alors à faire une petite plantule ! Notons qu’il y aura toujours un peu de cale. Certaines plantes, comme le tabac, poussent mieux que d’autres. Le plasmide Ti et la transformation par T-DNA Le génie génétique selon les bactéries Lorsque l’on veut créer des organismes transgéniques, on prend de l’ADN, on l’injecte avec une certaine probabilité dans le génome et on produit ainsi des animaux transgéniques. Mais pour les plantes, on a un problème avec le fait d’injecter de l’ADN. La paroi cellulaire et la turgescence font que l’intérieur de la cellule est sous pression, et qu’il n’est donc pas possible de livrer l’ADN. Il faut donc une petite « extension » qui se fait par une bactérie. Beaucoup de bactéries des genres Rhizobia et Agrobacterium, associées aux systèmes racinaires, font du génie génétique : elles changent le génome de leurs hôtes pour « l’esclavage » des cellules modifiées à leurs fins, ou pour établir une symbiose facultative parfois (fixation d’azote notamment) ou carrément du parasitisme d’autre fois. L’exemple classique et le plus important est Agrobacterium tumefaciens (c’est le plus connu mais d’autres existent). Cette espèce de bactérie peut infecter différentes espèces de plantes et cause le cancer des plantes, la maladie des galles du collet. Les souches virulentes d’Agrobacterium contiennent un ADN extrachromosomique utiliser pour parasiter les plantes, le plasmide Ti (Tumor inducing), 49 Daniel Rodriguez - 2019 d’environ 200’000pb, qui porte toutes les modifications nécessaires pour la transformation des plantes. Si la bactérie possède ce plasmide, elle peut attaquer la plante. Une petite partie de ce plasmide, l’ADN-T, est transféré de la bactérie à la cellule végétale et va s’intégrer de manière non-ciblée dans le génome nucléaire de la cellule végétale, créant une cellule transformée. Les gènes codés sur la pièce d’ADN-T sont exprimé dans la cellule végétale et la reprogramme (fréquence élevée mais pas systématique ! ça arrive que ça marche pas), changent sont métabolisme pour que la cellule commence à se diviser, ce qui induit des cales et fournit des hormones à la plantes. Une forte prolifération des cellules induite par l’ADN-T provoque la galle du collet, où les cellules produisent des métabolites à partir des sucres produits par la plante qui ne peuvent être utilisés que par les bactéries. Le terme « cancer » est mal choisi car une plante ne meurt jamais d’un cancer, c’est impossible, elle s’en fout d’en avoir un ou pas. Elle correspond surtout a une forte prolifération de cellule (comme chez nous) mais ne détruit aucun organe vitale (tout simplement car la plante n’a pas d’organes vitaux comme un cerveau, un cœur ou autre). Les fonctions des différents gènes du plasmide Ti On a réussi à déterminer ce qui est important dans le plasmide, en le coupant en différentes pièces avec des enzymes de restriction. On a re-isolé ces pièces d’ADN dans Agrobacterium et observé lesquelles étaient capables de transformer la cellele végétale afin de comprendre quelle partie est importante pour ce processus. On a donc identifié comme composant du plasmide Ti : - Origin of Replication : à partir de laquelle la réplication / recombinaison / intégration débute 50 Daniel Rodriguez - 2019 - - T-DNA transfer functions : des gènes codant pour les protéines requises pour le transfert de l’ADN-T T-DNA : seule partie à être transférée à la plante, qui contient des gènes codés par l’ADN-T propre et qui sont transférés dans la cellule végétale, dont o Tumor production : gènes codant pour les protéines requises pour la formation de galles o Nopaline synthesis : gènes codant pour des protéines requises pour la production de métabolites (nopaline ou octopine) dans la cellule végétale transformée Nopaline utilization : gènes codant pour les protéines qui sont requises pour l’utilisation des métabolites livrés par les cellules végétales transformées à la bactérie (nopaline ou octopine) Seule la partie ADN-T se transmet mais le plasmide a besoin de tous ces gènes pour infecter la plante. Notons que la bactérie n’infecte pas aussi facilement la plante : une blessure doit être faite pour que la bactérie l’attaque. En effet, la bactérie arrive à détecter une molécule de signalisation lorsque le cytoplasme de la cellule est ouvert : c’est l’acetosyringone. La bactérie est même capable de suivre le gradient d’acetosyringone pour trouver la cellule infectable. C’est un avantage fort pour cette bactérie Agrobacterium par rapport aux autres bactéries car a sa propre source de carbone. On ne peut pas parler ici de symbiose comme on le fait avec les bactéries fixatrice d’azote car ici on n’a pas d’échange de nutriment ! Transformation par ADN-T 1. Des barrières physiques empêchent une cellule végétale d’être infectée. La bactérie doit donc détecter si une opportunité d’infecter une plante se présente. Une telle opportunité se présente en cas de blessure de la plante, quand les cellules végétales sont détruites. 2. Un chimiotropisme attire les bactéries vers la blessure : c’est un ruissellement d’acétosyringone à partir d’une cellule végétale blessée qui signale à Agrobacterium qu’il y a une chance d’infection. L’acétosyringone active les gènes de virulence de la bactérie 3. Certaines protéines (Vir proteins) codées par le plasmide Ti synthétisent une copie monocaténaire (simple brin d’ADN) de la région d’ADN-T du plasmide. 4. Certaines protéines codées par le plasmide Ti vont entourer ce nouveau brin d’ADN-T et transférer cette copie dans la cellule végétale. 5. Elles le transportent ensuite dans le noyau et l’intègrent dans le génome nucléaire de la plante avec l’aide de protéines codées par le génome même de la plante (la plante pense en fait que ce bout d’ADN l’appartient et est cassé). 51 Daniel Rodriguez - 2019 6. Les gènes de l’ADN-T sont exprimés dans la plante, les bactéries utilisant la machinerie de transcription de la plante pour catalyser la formation des métabolites : opines, cytokinines et auxine. 7. La synthèse des hormones cytokinines et auxine promeut la prolifération de la cellule afin de former une galle de collet dans les cellules infectées. 8. La synthèse d’octopines ou de nopalines produits des métabolites transférés à la bactérie pour la nourrir. La question est de savoir comment exploiter ce système à fin d’introduire de l’ADN autre que les gènes d’Agrobacterium. La réponse est que le T-DNA est un ADN modulaire, pouvant se modifier. Tout d’abord, toutes les protéines requises pour le transfert et l’intégration de l’ADN-T dans le génome nucléaire végétal ne sont pas codés dans le T-DNA exporté mais dans la région T-DNA transfer functions qui reste dans le plasmide Ti. De plus, pour faire le transfert et l’intégration, tous les gènes à l’intérieur du T-DNA ne sont pas nécessaires, seules les petites séquences d’environ 30 nucléotides aux frontières gauche et droite du T-DNA sont indispensables. Comme l’intérieur du T-DNA, à l’exception des frontières, n’est pas nécessaire, il peut être remplacé par d’autres gènes (nos gènes d’intérêt), qui seront transférés dans la cellule végétale au lieu des gènes pour la formation des galles ou des métabolites d’Agrobacterium. On modifie donc l’espace entre les frontières de l’ADN-T en le remplaçant par d’autres séquences. Un ou plusieurs gènes d’intérêts peuvent être placés entre les frontières de l’ADN-T. On ajoute généralement un marqueur sélectif, un gène de sélection permettant de suivre l’intégration de l’ADN et d’identifier les plantes transgéniques ayant fait la transformation, comme par exemple un gène de résistance à un antibiotique. Ainsi, toutes les cellules mourront sauf celles ayant fait la transformation et intégré le marqueur sélectif. 52 Daniel Rodriguez - 2019 On ne peut pas utiliser la formation de cales pour le voir car on veut éviter la formation de cancer. De plus, on a retiré le gène de prolifération cellulaire. Ainsi, pour reproduire une plante à partir d’une cellule unique, il nous faut : - Introduire le plasmide Ti modifié dans Agrobacterium Transférer via Agrobacterium l’ADN-T modifié dans une cellule végétale Attendre la régénération d’une plante transgénique par micropropagation. Le système courant est un système de type « binaire » qui utilise deux plasmides, car Ti est un grand plasmide, difficile à manipuler. On préfère donc séparer toutes ses fonctions dans 2 plasmides. On a ainsi une séparation entre les gènes qui permettent le transfert de l’ADN-t et l’ADN-T. On a donc un plasmide Ti « désarmé » de son ADN-T, qui est remplacé par un marqueur de sélection antibiotique, et un plasmide Binary vector, construit et amplifié in vitro dans E. coli avant sa transformation dans Agrobacterium, qui contient le T-DNA et un marqueur de sélection antibiotique. Ainsi, un plasmide dans Agrobacterium (beaucoup trop gros pour être manipuler) possèdera tous les gènes nécessaires pour le transfert de l’ADN-T et une partie ADN-T avec notre gène d’intérêt (plus petit) qui va sera introduite dans Agrobacterium. Transformation stable des plantes par Agrobacterium On isole des protoplastes d’une plante, on les transforme avec Agrobacterium, on met les cellules transformées sur le média contenant l’antibiotique qui va permettre de faire mourir toutes les cellules qui n’ont pas été transformées. Après la mise-en-culture, on peut obtenir des plantules et, en les plantant, des plantes, ne venant que d’une seule cellule végétale transformée, poussent. Toutes les cellules de cette nouvelle plante transgénique sont transformées. Méthode alternative pour produire des plantes transgéniques : canon à particule On peut isoler des protoplastes, et les bombarder avec un canon à particules (d’or ou de tungstène) contenant intrinsèquement de l’ADN. Il y aura alors une intégration de l’ADN dans le génome végétal par hasard. Suit la régénération des plantules sur un milieu de culture et l’acclimatation donnant des plantes complètes. Méthodes alternatives pour produire des plantes transgéniques : floral dip Chez Arabidopsis et quelques autres espèces, la transformation est encore plus facile : leurs fleurs sont trempées dans une solution d’Agrobacterium qui contiennent le plasmide avec l’ADN-T modifié (faire une solution contenant l’ADN-T, y suspendre les Agrobactériums ; certains vont intégrer ces ADN-T). Avec une certaine fréquence, des cellules qui seront parents d’une oosphère ou de pollen sont transformées. Les graines alors formées à cause de la fécondation d’une telle cellule sont transgéniques. Les plantules transgéniques sont résistances contre l’antibiotique sélectif pour le gène 53 Daniel Rodriguez - 2019 de résistance de l’ADN-T et peuvent être identifiées sur un milieu contenant l’antibiotique : seule une plantule sur 200 est transgénique et parviendra à pousser. Notons, pour finir, qu’il existe aussi d’autres marqueurs sélectifs non-antibiotiques. Des outils pour l’investigation de l’activité et du comportement des gènes et des protéines La capacité de faire des plantes transgéniques nous permet de mettre un gène d'intérêt dans un ADNT pour obtenir des plantes transgéniques. Surtout, les transgènes nous permettent d’étudier en détail les gènes et leur protéine. Un gène est généralement composé d’un promoteur, de régions régulatrices qui déterminent le taux d'ADN transcrit/traduit, d’une région 5’-UTR (région non transcrite, peut-être régulatrice), d’une suite d’exons et d’introns, puis d’une région 3’-UTR (UnTranslated Region). Rappelons qu’un ARNm est composé uniquement de la séquence des exons mis bout-à-bout. Notons au passage que la régulation de l'expression des plantes est plus simple que chez les mammifères. Ainsi lorsque l’on étudie un gène, on va créer différent transgènes d’intérêts. Lorsque l’on créé un transgène d'intérêt, on échange des parties, créant quelque chose d’artificiel. On peut alors se demander par exemple ce qui se passe si je colle la partie ARN A (que les exons, pas d’introns) sur une partie du promoteur du gène B (pas le « bon » promoteur). Est-ce que le gène A va tout de même être traduit ? Et correctement ? On peut également essayer de voir où se trouve la protéine d'intérêt dans l’organisme. Pour cela, il nous suffit d’ajouter des TAG, sorte de petites parties codantes supplémentaires ajoutées après les exons du gène d’intérêt et dont l’expression peut être détectée visuellement. Il peut s’agir d’enzymes qui vont réagir avec le substrat du milieu, de GFP, ... On peut chercher à étudier s’il y a une différence dans la transcription en fonction de l’endroit où le gène est exprimé, ce qui n’est pas toujours équivalent à où se trouve la protéine. Il faut pour cela pouvoir suivre la protéine et quantifier le marqueur. Tous ces différents transgènes sont intégrables dans l’ADN-T d’un plasmide Ti. 54 Daniel Rodriguez - 2019 Exemple 1 : Preuve qu’une mutation est causative par complémentation transgénique du mutant Soit une mutation type perte de fonction (disons sur le chromosome 3), hétérozygote, qui donne un phénotype de type sauvage. Par autofécondation, ¼ des descendants seront homozygotes pour la mutation et révèleront le phénotype mutant. On peut prouver que la mutation est causative de ce phénotype en pratiquant la transformation du mutant par un ADN-T contenant un ARN WT du gène dans un autre chromosome du mutant (disons le chromosome 5). Ceci devrait rétablir le phénotype sauvage par complémentation de la mutation. Si tout redevient normal, alors on a prouvé que la mutation détectée est responsable du phénotype mutant. Notons que si la mutation est récessive, une seule copie de l’allèle est suffisante pour faire revenir le phénotype WT. On a notamment fait la complémentation transgénique du mutant werewolf, gène responsable pour un excès de poil racinaire. On a isolé la partie d’ADN type sauvage et on a formé un transgène WER:WER (promoteur WER contrôlant WER), qu’on a mis dans un ADN-T et qu’on a intégré dans un mutant werewolf. La présence du transgène a rétabli le phénotype sauvage (peu de poiles), ce qui a montré que wer est responsable de cet excès de poiles. 55 Daniel Rodriguez - 2019 Exemple 2 : Diversification entre promoteurs, mais pas entre protéines de WEREWOLF et GLABRA-1 Soit les mutations werewolf, produisant un excès de piles racinaires, et gl1, produisant une perte de trichome. Notons que les poils racinaires sont de vraies extensions des cellules épidermales alors que les trichomes sont des extensions séparées de l’épiderme (extension d’une cellule épidermale mais après séparation). On a vu précédemment que le transgène WER:WER (promoteur WER contrôlant WER) permet de rétablir le phénotype WT pour le mutant wer. De même, le transgène GL1:GL1 (promoteur GL1 contrôlant GL1) permet de rétablir le phénotype WT pour le mutant gl1. Il s’avère que les protéines produites par les 2 gènes WER et GL1 sont très semblable. On a donc voulu tester s’il était possible de complémenter le gène wer au moyen du gène GL1 et vice versa. Pour tester cela, on établit les transgènes suivants : WER:GL1 (promoteur WER contrôlant GL1) pour le mutant wer et GL1:WER (promoteur GL1 contrôlant WER) pour le mutant gl1. En effet, on prend le gène WER et on le met dans le contexte régulateur de GL1 et vice-versa. Et dans les deux cas, il y a rétablissement du type sauvage, ce qui prouve que les protéines WEREWOLF et GL1 sont interchangeables, bien que chaque gène ait sa propre spécialisation. Il y a donc une diversification de fonction. L’activité de ces deux gènes n’est donc pas différent selon la protéine mais selon l’expression de celui-ci et donc des facteurs de transcription et partie régulatrice (la spécificité de l’expression). Dépendant de où se trouve le gène, son expression ne sera pas pareil (si ça se trouve dans les racines alors poils racinaires, si c’est sur la tige alors trichomes). Exemple 3 : Détection d’une protéine, de son comportement par des méthodes biochimiques Dans cette expérience, on veut savoir comment se comporte une protéine. Le type sauvage est Col-0, le mutant pif4 est pifq. À température élevée (28°C), il y a un allongement de la plantule par rapport à la température basse (20°C) chez le type sauvage Col-0, mais il n’y a aucun allongement chez le mutant pifq. Du coup le gène pifq a quelque chose à faire là-dedans. Pour étudier la protéine, on lui ajoute un petit tag de 10 acides aminés, MYC, qui rend la protéine étudiée sensible à un test d’anticorps contre ces acides aminés ou à un Western Blot. Pour que la protéine d’intérêt contienne un tel marqueur, il suffit de créer un transgène et de rajouter après la partie codante cette petite séquence de 10 acides aminés. On a donc le transgène Promoteur-UTR5’Exons du gène d’intérêt-TagMYC-UTR3’. 56 Daniel Rodriguez - 2019 Après l’auto-radiographie au Western Blot, on remarque que les protéines taguées n’apparaissent à haute température (28°C) dans le mutant PIF4-Myc qu’après au moins 4h. On sait donc que notre protéine répond à l’augmentation de la T°, puisque qu’elle est induite par une T° élevée. Notons que pour savoir si notre tag à une influence « néfaste » sur notre plante, on peut introduire un tag dans la protéine du mutant et regarder si le phénotype WT revient. Si ce n’est pas le cas alors on peut utiliser le tag pour comprendre notre protéine. Exemple 4 : Analyse d’expression de gènes par un gène rapporteur Quand on étudie un gène, on cherche généralement à savoir si le gène est activé, si l’ARNm est produit, si la protéine est produite, et si toutes ces étapes se passent à un même endroit. Souvent c’est le cas, mais pas toujours. L’hybridation in situ est un moyen pour localiser l’expression de gènes. L’utilisation des gènes rapporteurs est une alternative intéressante. Dans cette méthode la région codante d’un gène d’intérêt est remplacée par la région codante du gène rapporteur dans un ADN-T qui peut être transformé dans la plante. On conserve toutefois le promoteur du gène d’intérêt. On a donc le transgène Promoteur-UTR5’-Rapporteur-UTR3’. Il existe différents gènes rapporteurs. Les deux plus courants sont : - - Beta-glucuronidase (GUS) : vient d’E. coli. Si cette enzyme est exprimée à un endroit, lors de l’incubation de l’échantillon avec le substrat de cette enzyme, une coloration bleue apparait là où l’enzyme est active/exprimée, ce qui permet de détecter l’endroit d’expression du gène d’intérêt. Green Fluorescent Protein (GFP) : vient d’Aequorea victoria. Si cette protéine est exprimée à un endroit, elle permet l’observation non invasive de la fluorescence sous la lumière ultraviolette, et permet donc de suivre l’activité du gène de la GFP et donc du gène d’intérêt dans l’organisme vivant. Le choix du gène rapporteur dépend de l’activité des gènes et de l’expérience : GUS pour interaction faible, GFP si interaction raisonnable. Les avantages des gènes rapporteurs sont une détection facile et parfois des détections non-invasives (l’organisme reste vivant et peut être observé encore plus tard). Les désavantages sont qu’ils sont souvent transgéniques (le rapporteur est exprimé dans un autre contexte génomique que le gène 57 Daniel Rodriguez - 2019 propre) et que la possible influence sur l’expression d’éléments hors du promoteur (par exemples les introns) manque toujours dans ces techniques, donc il peut y avoir des artéfacts. Exemple 5 : Détection d’une protéine in planta, son comportement, sa localisation, sa stabilité Dans l’exemple précédant, on remplaçait le code du gène d’intérêt par celui du rapporteur, et le transgène était donc de forme Promoteur-UTR5’-RapporteurGFP-UTR3’. Ici, on conserve le gène d’intérêt et on y ajoute le gène rapporteur afin qu’ils soient co-exprimés. On a donc le transgène Promoteur-UTR5’-Exons du gène d’intérêt-RapporteurGFP-UTR3’, aussi écrit pour le gène BRX BRX::BRX-GFP. On peut aussi utiliser une variante de la GFP, YFP, un rapporteur fluorescent jaune, avec pour le gène BZR1, le transgène BZR1::BZR1-YFP. La différence entre les transgènes BRX:GFP et BRX:BRX-GFP est que le premier transgène montre la localisation de l’expression du gène alors que le deuxième montre la localisation de la protéine, qui n’est pas forcément la même si la protéine est transportée. Pour BRX, quand il y a de l’activité, comme la protéine est artificiellement fusionnée à une GFP, on peut suivre la localisation et quantifier le taux de la protéine produite par le gène à l’intérieur de la cellule. Ainsi, on peut remarquer que la protéine d’intérêt se trouve à l’extrémité des cellules, ce qui suggère que la protéine est importante pour la polymérisation. Notons que BRX est exprimé seulement dans un seul type de cellules, vers l’intérieur, donc si on prend une coupe plus vers l’extérieur, on ne verra pas la fluorescence Pour BZR1, idem, on voit que la protéine est présente dans presque toutes les cellules de la racine à 0min, et qu’après 60 min il y a un changement de localisation, les protéines se trouvant dans le noyau. Ceci suggère que la signalisation de brassinolide implique l’import nucléaire du FT BZR1. On notera ici la différence : - On prend le transgène et le transforme dans mon mutant afin d’utiliser le transgène pour déterminer s’il est capable de rétablir le phénotype WT. On prend un mutant et on ajoute la GFP pour voir si le phénotype WT est rétabli. 58 Daniel Rodriguez - 2019 Utilisation des rapporteurs fluorescents GFP – Un gène rapporteur versatile GFP vient d’une méduse, Aequorea victoria. C’est une protéine faisant une fluorescence verte naturelle grâce à certains aa. GFP est une protéine formant une certaine structure 3D, où certains aa se retrouvent ensemble et font une fluorescence (intrinsèque à la protéine). Pour détecter cette fluorescence, il faut l’exciter. Pour avoir une belle image, on le fait dans l’obscurité. On a GFP et des dérivés d’autres couleurs (BFP bleue, CFP cyan, YFP jaune, mRFP1 rouge) qui n’existent pas de manière naturelle, mais qu’on obtient par simple changement ciblé des aa. La GFP a un pic absorbance à 490 nm. On l’excite donc à 490nm. Les e- sont envoyés à un autre niveau énergétique, et lorsqu’ils redescendent, ils libèrent de la fluorescence à une longeure d’onde un peu plus grande (moins énergétique), 500nm pour une GFP. Les dérivés BFP et CFP permettent même une excitation et détection par fluorescence autour des 410nm. La microscopie confocale La microscopie confocale utilise la fluorescence. Elle implique une excitation du spécimen observé par laser. La Laser Excitation Source est accompagnée d’un filtre pour détecter la fluorescence, permettant de multiplier les lasers et donc les fluorescences observées. Le laser envoi ses rayons sur l’échantillon via un miroir dichromatique qui reflète les ondes en dessous d’une certaine longueur d’onde. Ces ondes vont exciter l’objet sur le support. Au niveau de l’objet sur support, le laser excite les e- (par exemple d’une plantule transgénique), ce qui excite la GFP. Grâce à des miroirs, on peut envoyer ce laser (réglé à la bonne absorbance) vers l’échantillon, l’exciter, lui donner une fluorescence qui est collectée par l’objectif, passe par le miroir et arrive au photodétecteur qui reconstitue numériquement l’image. Si on limite la lumière pouvant être détectée en sélectionnant les photons, on va recevoir seulement les rayons lumineux qui viennent d’une certaine section, d’une couche très fine de notre échantillon, car seulement les rayons de lumières venant de la même plaine d’illumination seront détectés. En effet, il est possible d’observer une couche fine de l’organisme étudier : l’épiderme seulement puis on peut descendre pour voir plus clairement une couche inférieure de celui-ci. Ainsi, par l’excitation au laser, le bas, le milieu et le dessus, tout l’échantillon est excité, toutes les parties de cet échantillon vont émettre cette fluorescence, mais on peut contrôler d’où vient le rayon détecté et restreindre la détection à une certaine partie de notre échantillon. Ceci marche si notre échantillon n’est pas top épais (mm) et possède une certaine transparence. Utilisation combinatoire des rapporteurs fluorescents Quand on veut étudier les neurones du cerveau, il y a vite beaucoup de complexité. Plusieurs gènes sont impliqués dans la signalisation du cerveau. On utilise souvent dès lors des combinaisons des transgènes dans le même organisme pour répondre à des questions tel que « Est-ce que les neurones expriment tous les gènes ou y-a-t’il une certaine spécialisation ? » On a pu déterminer qu’il y avait une 59 Daniel Rodriguez - 2019 spécialisation en co-exprimant certains rapporteurs et en obtenant alors des combinaisons des couleurs. 60 Daniel Rodriguez - 2019 5. Particularités du développement des plantes Chez la plupart des animaux, les embryons ont une organisation d’adulte miniature. Chez les plantes, les cellules germinales ne forment des organes adultes que sous certaines conditions après la formation de l’embryon, qui a des organes intermédiaires (la plantule doit s’installer [11 jours], puis la plante doit faire de la photosynthèse pour produire sa propre biomasse). Notons ci-contre le cycle d’Arabidopsis. De plus, même si Arabidopsis fait essentiellement de l’autofécondation, cela ne veut pas dire que la fécondation sexuelle est exclue. Grâce au calcul du taux de croisement, il a été possible d’estimer le taux de fécondation sexuelle a à peu près 1%. L’approche paléo-génétique Le développement végétale est très plastique, bien plus que celui des animaux. Les mammifères (et autres espèces) se sont développés dans le ventre de leur mère puis naissent complètement fini. La phase entre bébé-adulte n’est qu’une phase de croissance ou le développement embryonnaire est fini. Pour une plante, le processus est différent : si l’on regarde la plantule, on observe une plante miniature dont la formation des organes est post-embryonnaire. Par exemple, si la plante sent qu’il y a beaucoup plus de lumière rouge lointain par rapport à la lumière rouge, alors elle sait qu’elle se trouve à l’ombre (d’une autre plante par exemple). Elle changera donc son programme d’allongement pour être exposée à la lumière. Le développement végétal est donc sous forte influence de l’environnement. Il est surtout postembryonnaire et modulaire, fait d’unités répétées. Chez les plantes, les structures reproductives sont formées à partir d’un méristème somatique, il n’existe pas de lignées germinales. L’avantage est que les divisions multiples des lignées germinales augmentent l’accumulation de mutations néfastes, ce que les plantes évitent donc. Mais les plantes restent sur place donc pour s’adapter à des changements du milieu, elles doivent pouvoir accumuler des mutations via les divisions somatiques tout de même. L’approche paléo-génétique donne une idée de la fréquence des mutations spontanées. On peut notamment voir qu’entre deux souches nord-américaines, la variation génétique est de 2 à 259 SNP 61 Daniel Rodriguez - 2019 en total, donc un génome identique à plus de 99.9997%. En fait, toutes les variétés nord-américaines viennent d’un ancêtre commun lors de la colonisation vers 1500. Dans cette approche ne sont visibles que les mutations viables, neutres ou positives, les mutations vraiment négatives étant contre sélectionnées. Cela permet tout de même de faire des comparaisons avec une souche expérimentale poussant en serre en bonne conditions, sans contre sélection aussi. On peut alors comparer le taux de mutation dans l’environnement optimal sans contre-sélection, plus élevé que celui dans la nature, la différence étant simplement ce qui a été contre-sélectionné dans l’environnement naturel. Cela donne une bonne idée de la fréquence de mutation survivantes et la fréquence de mutation spontanées. On peut faire des études similaires chez les animaux, même si c’est plus dur. Le fait étonnant est que la fréquence de mutation ne varie pas dramatiquement. Le taux de mutation chez les plantes n’est pas franchement plus haut que celui de l’homme, alors qu’on pensait que les plantes avaient besoin de plus de mutations pour s’adapter plus à leur milieu. Cette idée que les plantes accumulent plus de mutation est donc fausse. De plus, on a découvert récemment que, même si les plantes n'ont pas de lignée germinale, on a des cellules au milieu du méristème qui conserve intacte les cellules germinales. Toutefois, on observe que certaines lignées cellulaires d’une même plante se divisent moins que d’autres. Même s’il n’y a pas de lignées germinales, les plantes garde des cellules dans un état moins différencié et se divisant moins. Les méristèmes latéraux donnent naissances à des fleurs, et les divisions menant à des lignées latérales sont moins importantes que celles menant à un méristème caulinaire apicale. Le nombre plus faible de divisions de cellules somatiques donnant naissances aux fleurs améliore leur stabilité, par un principe proche mais non-identique aux cellules germinales. Un projet du prof et son équipe consiste à étudier le chêne de Napoléon, la légende disant qu’il fut planté en l’honneur de Napoléon lorsqu’il traversa/ravagea la suisse pour atteindre l’Italie. Ils ont étudié les anneaux de l’arbre via un petit échantillon, montrant que le chêne était déjà vivant depuis plusieurs années avant l’arrivée de Napoléon... Plus loin dans l’étude, ils ont observé qu’entre les fleurs les plus basales et les plus apicales, il n’y avait que 17 mutations mineures définitives fixées qui se transmettront. 62 Daniel Rodriguez - 2019 Le cycle de vie végétale : phase sporophytique suivie de phase gamétophytique Vue générale du cycle La « vraie » plante est un sporophyte (2n). Le développement du sporophyte constitue la phase diploïde du cycle de vie. Par méiose, elle génère des mégaspores féminines n et des microspores masculines n. À partir de ces spores se développent les gamétophytes femelles et mâles, qui sont la phase haploïde du cycle de vie. Le gamétophyte femelle (n) est le sac embryonnaire, le gamétophyte mâle (n) est le grain de pollen. Leur rôle est la formation des gamètes, qui n’est donc chez les plantes pas directe (pas produites par le sporophyte) mais fait par une « plante réduite » (les gamétophytes) à l’intérieur des fleurs. Les deux gamétophytes produiront respectivement les gamètes n que sont l’oosphère (œuf) et le noyau spermatique. Leur combinaison par fertilisation donnera un zygote 2n, qui formera une graine qui se développera en sporophyte 2n. En effet, un des deux noyaux génératifs fusionne avec l’oosphère pour donner naissance au zygote. L’autre fusionne avec le noyau de la cellule centrale pour donner naissance à l’endosperme triploïde. Les gamétophytes (n) et les gamètes (n) On peut voir les gamétophytes comme de plantes miniatures haploïdes. Les gamétophytes mâles (grains de pollen) se développent dans les sacs polliniques des anthères, alors que les gamétophytes femelles (sac embryonnaire) se développent dans les ovaires du carpelle. Contrairement aux animaux chez qui les gamètes n’ont pas grand-chose à faire (sauf nager pour les spermatozoïdes), les spores de plantes ont du travail. Pour le développement d’un grain de pollen dans les sacs polliniques des anthères du sporophyte, les cellules mères des microspores subissent des divisions méiotiques qui produisent 4 microspores haploïdes. Les microspores se développent (migration nucléaire notamment) avant de subir une division mitotique. La division mitotique produit une cellule végétative qui entoure une cellule (ou des fois seulement un noyau) générative. Il s’agit du gamétophyte mâle, le grain de pollen immature. Une déshydratation le rendra mature. Selon les espèces, avant ou pendant la fécondation, la cellule générative subit une autre division mitotique, qui produit deux cellules génératives. Les deux cellules (ou noyaux) génératives (ou spermatiques) sont les gamètes mâles. Pour le développement du sac embryonnaire dans l’ovaire du sporophyte, les cellules mères de mégaspores subissent des divisions méiotiques qui produisent 4 mégaspores haploïdes. Chez la plupart des angiospermes (>70%), 3 des 4 mégaspores meurent. La mégaspore qui reste subit trois divisions mitotiques qui produisent le gamétophyte haploïdes femelle, le sac embryonnaire, qui 63 Daniel Rodriguez - 2019 contient 8 noyaux et 7 cellules, une cellule, la cellule centrale, contenant deux noyaux qui peuvent ou non fusionner selon les espèces. Les cellules composant le sac embryonnaire sont les 3 antipodes, qui peuvent des fois dégénérer ou proliférer selon l’espèce, la cellule centrale, 2 synergides, et une oosphère. L’oosphère est le gamète femelle. La formation d’un gamète femelle implique donc toutes sortes de divisions (méiose, plusieurs mitoses). Si une mutation dans le génome empêche la formation du sac embryonnaire, il n’y a pas de gamètes. La double fertilisation Pour les plantes comme Arabidopsis, il y a « deux fois plus de sexe » car il y a une double fertilisation. Le grain de pollen activé génère par son noyau végétatif (n) un tube pollinique qui porte à son sommet les deux noyaux spermatiques génératifs (n) jusqu’au sac embryonnaire de l’ovule. L’un des deux noyaux génératif (n) fusionne avec l’oosphère (n) pour donner naissance au zygote (2n). L’autre des deux noyaux génératif (n) fusionne avec le noyau de la cellule centrale (2n) pour donner naissance à l’endosperme triploïde (3n). Après la fécondation – l’embryogenèse chez Arabidopsis Après la fécondation, le développement commence à l’intérieur de l’ovule. Le zygote s’allonge et le noyau migre vers l’extrémité apicale de la cellule, pendant que la vacuole s’agrandit dans la partie basale, initiant ainsi le développement de la plantule. L’albumen se développe en parallèle à partir de l’endosperme triploïde. Chez certaines plantes, l’albumen est cellularisé, chez d’autres, comme Arabidopsis, c’est un syncytium : les noyaux font des divisions mitotiques sans cytokinèse. Chez Arabidopsis, l’embryogenèse se déroule à l’intérieur du sac embryonnaire. Chez beaucoup de plantes, l’embryogenèse suit un programme de simples divisions cellulaires typiques, qui produit une plante miniature, la plantule. La plantule représente les axes de base et le tissu du sporophyte mature : L’axe apical-basal L’axe radial Ensuite, toute une série de division définies se passent, visibles par analyse informatique de l’embryogenèse, jusqu’à obtenir un embryon mature qui après germination donne la plante. 64 Daniel Rodriguez - 2019 L’analyse informatique permet de reconnaître les cellules individuelles, ce qui permet de faire des coupes virtuelles. On prend différentes coupes optiques pour obtenir toutes les couches de l’embryon afin que la simulation recouvre tout l’embryon, on les numérise, puis on les recombine pour reproduire à l’ordinateur l’embryon dans son contexte 3D. Si on suit ce développement, on constate qu’il y a beaucoup de cellules différentes qui sont déjà prédestinées à leur fonction même si les différents tissus n’apparaissent pas au même moment. On sait que les cellules bleues formeront les racines, les brunes le système vasculaire, ... On peut donc déjà suivre les différents tissus. Il y a à un moment un changement de l’orientation de la division cellulaire qui donne une couche externe et interne. Cette image donne une idée de la taille. On y voit un cheveu à côté d’un embryon de plante au stade développé et une toute petite cellule au stade « heard stage » en bas à droite (petite image en noir et blanc). Les axes embryonnaires de base : apical - basal Le développement de l’axe apical-base commence avec le zygote, un embryon bicellulaire formé d’une cellule basale, qui forme le suspenseur, un « cordon ombilical » entre l’albumen et l’embryon (en contact avec le sac embryonnaire d’albumen fournissant les nutriments), et d’une cellule apicale ou terminale, qui forme presque tous les tissus de l’embryon propre (n’est plus en contact avec le sac embryonnaire). Au stade octant, le suspenseur, à travers lequel passent tous les nutriments, est formé de la cellule basale du suspenseur, et de plusieurs cellules empilées dont la cellule la plus apicale est l’hypophyse, qui est la seule cellule du suspenseur à contribuer à l’embryon propre. C’est elle qui formera la coiffe et le centre quiescent de la radicule (racine primaire ou embryonnaire). À ce même stade, la cellule terminale s’est divisée en cellules 2 cellules centrales et 2 cellules apicales. Plus tard, au stade de cœur, le suspenseur disparait à l’exception de l’hypophyse. Les cellules centrales et apicales se sont divisées en de nombreuses cellules, formant un cœur. Au centre de la partie supérieure de ce cœur se forme le méristème caulinaire apicale. Finalement, au stade de jeune plantule (juste après la germination), on a de bas en haut : la coiffe (Columella root cap), le centre quiescent du méristème apical racinaire (Quiescent center), le méristème apical racinaire (Root Apical Meristem RAM), la radicule ou racine primaire (Embryonic root), l’hypocotyle ou épicotyle chez les monocotylédones, les cotylédons (feuilles embryonnaires, permettant le stockage des nutriments pour la plantule qui va vivre au début qu’avec ce stockage préparé durant l’embryogenèse ; deux chez les dicotylédones, un chez les monocotylédones), et le méristème apical caulinaire (Shoot Apical Meristem SAM). 65 Daniel Rodriguez - 2019 Les axes embryonnaires de base : radial L’axe embryonnaire radial détermine les couches des tissus trouvés dans la racine et les tiges. Il s’établit dès le stade globulaire précoce (stade octant) à partir de l’apparition de l’hypophyse et des cellules centrales et apicales. Celles-ci établissent au stade de cœur le protoderme, l’épiderme embryonnaire qui fait le tour de la base du cœur. Au stade de torpille (début de formation des cotylédons, pas encore de méristème apical caulinaire), les tissus continus de se mettre en place en largeur. Finalement, au stade de plantule, on a : - La couche externe = l’épiderme. Il est poilu dans la région entre l’hypocotyle et la racine, mais pas dans ces régions. La couche médiane = le tissu basal (ground meristem), qui forme l’écorce (cortex) et l’endoderme, toujours sous l’ectoderme. La couche interne = le tissu vasculaire (stele et cambium), différencié ou non, qui permet le transport des substances. 66 Daniel Rodriguez - 2019 Il y a donc une multitude de tissus chez les plantes qui se mettent en place durant la croissance. Chez les animaux, l’organisme complet est formé à la fin de l’embryogenèse. Tout est déjà là, il n’y a plus que de la croissance. Ce n’est pas le cas chez les plantes, où s’il y a un cadre général qui va guider le développement post-embryonnaire, il reste des cellules souches qui vont rajouter des nouveaux organes non-présents dans la plantule par une formation en continu. La cellularisation et les divisions cellulaires caractéristiques sont-elles nécessaires pour la différenciation des tissus ? Dans le mutant fass (« tonneau »), les divisions caractéristiques de l’embryogenèse sont abolies : les plans de divisions ne sont plus orientés et un excès de prolifération à comme résultat plusieurs couches de tissus radiaux. Néanmoins, les plantules fass se développent en parfaites plantes miniatures et sont même fertiles. Dans le mutant knolle, les divisions cellulaires embryonnaires sont aussi perturbées comme dans fass (« tonneau ») mais de plus la cytokinèse n’est pas accomplie. Il n’y a donc pas de cellularisation. Les plantules knolle sont des boules de cellules peu différenciées. Rappelons que chez les animaux, le nouveau plasmolemme nécessaire à la scission cellulaire lors de la cytokinèse est formé par des invaginations des plasmolemmes de la cellule mère, alors que chez les plantes, le nouveau plasmolemme est formé de novo et s’élargi du milieu du plan de division vers l’extérieur. Il semblerait donc que les axes de divisions ne soient pas indispensables pour former des tissus fonctionnels, mais qu’il faille à tout prix que les cytokinèses puissent se faire. 67 Daniel Rodriguez - 2019 6. Cellules souches et le « pattern » des stomates L’eau et les stomates La cuticule est une barrière très efficace contre la transpiration : moins de 5% de l’eau perdue par la plante passe directement à l’atmosphère par l’épiderme ! Le peu d’eau qui est perdue passe par les stomates. La surface intérieure foliaire est beaucoup plus grande que la surface extérieure, de 7 à 30 fois plus. Puisque l’espace aérien foliaire est petit par rapport à la surface intérieure d’une feuille, alors l’espace aérien foliaire est normalement saturé en vapeur d’eau. La force qui entraine la transpiration est la diffusion de vapeur d’eau, qui est très rapide car il s’agit d’une diffusion dans une phase gazeuse (l’air) et suit un gradient de concentration. Le taux de transpiration dépend de l’ouverture des stomates et de la saturation de l’air extérieur. L’ouverture des stomates est réglée en fonction des conditions intérieur et extérieur de la plante : plus les stomates sont ouverts, plus la plante perd de l’eau par la transpiration. Le taux de transpiration dépend aussi de l’air autour de la feuille ; s’il est sec ou s’il y a du vent, la transpiration est augmentée. La morphologie des cellules stomatiques Les stomates se trouvent sur le côté abaxial (en dessous) des feuilles et sont formés de deux cellules stomatiques. Elles forment un trou dont la taille est réglée par la turgescence des cellules. Des fois, ces cellules sont accompagnées d’une cellule subsidiaire de chaque côté : l’ensemble des cellules stomatiques et cellules subsidiaires est appelé « complexe stomatique ». On peut voir sur ces photos de microscopies optiques que les stomates ne sont pas arrangés n’importe comment : ils sont arrangés en longueur. De plus, notons que l’ouverture des stomates n’est qu’un mécanisme structurel. C’est la turgescence des cellules stomatiques qui règle l’ouverture des stomates. En effet, les stomates s’ouvrent quand la turgescence des cellules stomatiques augmente, parce que chez ces dernières : 1. L’épaisseur de la paroi est asymétrique 2. Les fibrilles de cellulose sont alignées dans le sens de la largeur 68 Daniel Rodriguez - 2019 3. Mais la paroi interne est plus épaisse et donc moins flexible Ainsi, quand la turgescence augmente, les cellules s’agrandissent et la pression hydrostatique sur les parois augmente. De plus, parce que les fibrilles de cellulose sont alignées dans le sens de la largeur des cellules stomatiques, les cellules s’allongent quand leur volume augmente. Pour finir, c’est parce que la paroi interne (orientée vers l’ouverture) est plus épaisse et donc plus résistante aux forces de tension, que cette paroi s’allonge moins que celle de l’autre côté. Les cellules acquièrent alors la forme d’un haricot et l’ouverture s’agrandit. L'ouverture et la fermeture de l'ostiole se fait en fonction des conditions climatiques (chaleur, humidité, luminosité) En général, les stomates s’ouvrent : lorsque la concentration en CO2diminue (c'est-à-dire lorsque la photosynthèse augmente donc lorsqu'il y a plus de lumière) En réponse à une irradiation à la lumière bleue (donc lorsque l'ensoleillement est fort et la photosynthèse à son maximum). Et ils se ferment : En réponse à des concentrations internes en CO2fortes Quand les températures sont importantes En présence de vent fort et d’humidité faible A des signaux hormonaux. La densité des stomates La densité des stomates peut s’adapter aux conditions environnementales. En effet, on observe que selon les conditions extérieures, la densité des stomates varie. Avec plus de stomate, la feuille perd plus d’eau mais a un échange plus efficace tandis qu’avec peu de stomate, la feuille perd peu d’eau mais les échanges sont plus difficile. Un des facteurs qui influence notamment cette densité est la température. Mais comment estce possible ? En fait, cette information doit être introduite dans le développement du stomate pour une distribution de stomate optimal. Ainsi, on a une plasticité du phénotype de la plante. Sur ces images on peut voir que le nombre du stomate passe de 20 à 32 sous l’influence de la température en passant de 20°C à 8°C. Mise en place des stomates Les stomates sont formés à partir des cellules épidermales. Au niveau de la plante, toutes les cellules sont identiques. Comment est-ce possible que des stomates se forment alors ? Au cours de la vie de la plante, on a des cellules souches secondaires qui se développent. 69 Daniel Rodriguez - 2019 On a différentes cellules : on voit les cellules épidermales, les stomates mais aussi des petites cellules qui sont des cellules qui sont en phase de devenir des cellules stomatiques. Pour comprendre ça, on a cherché des mutants : 1. Un groupe de mutant, les « patterning genes », voit sa densité de stomates changée. Normalement, aucun stomate ne se forme à côté d’un autre : une cellule les sépare toujours. Cependant, des mutants ont été trouvé où il n'y a pas cette cellule au milieu de deux stomates. 2. « Differentiation genes » sont des gènes qui sont responsables de la formation du stomate luimême. La formation des stomates requiert des divisions cellulaires à partir de leur cellule précurseur, le méristémoïde. De telles divisions surviennent durant la phase d’étalement de la feuille, sur une période de plus de deux semaines. Chez Arabidopsis, la petite cellule en général “triangulaire“, résultant d’une division asymétrique d’une cellule de l’épiderme foliaire est nommée méristémoïde primaire, du fait qu’elle continue à se diviser alors que les cellules alentour ont cessé leur division. Ce méristémoïde subira de une à trois mitoses pour former les cellules de garde des stomates. Chacune de ces divisions produit une cellule épidermique et une cellule à destinée méristémoïde. Cette observation soulève donc la question fondamentale du ou des mécanismes assurant le maintien de l’identité méristémoïde. L’observation à montrer que les méristémoïdes se formaient à la suite d’une division cellulaire asymétrique de leur cellule mère, tant sur le plan de la géométrie qu’à celui du devenir des cellules filles. De même, leur maintien durant une à trois mitoses est lié à la division asymétrique du méristémoïde lui-même. Nous nous intéresserons à 3 facteurs de transcriptions qui font partie du groupe « Differentiation genes » mais sont tout de même différent : SPEECHLESS : Les mutants ne voient pas l’initiation de la division cellulaire asymétrique nécessaire de l’épiderme. Il y a donc absence de stomate. MUTE : Les mutants voient l’initiation de la division asymétrique mais ces divisions sont excessives et les stomates ne se forment pas. FAMA : Plusieurs divisions de GMC sans que les stomates ne se forment. On finit par avoir plusieurs cellules liées entre elles sans stomates. 70 Daniel Rodriguez - 2019 Ce sont tous des facteurs de transcription dont l'un ne peut pas complémenter la partie codante d'un autre (pas comme WEREWOLF et GLABRA1 vu plus tôt dans le cours). La formation des stomates implique des divisions comparables aux divisions des cellules souches. Sur cette image, la formation des stomates est suivie en directe. On peut voir la protéine SPEECHLESS en vert qui ne se trouve pas dans toutes les cellules. De plus, notons qu’on ne le voit que dans une seule zone, le noyau, car c’est un facteur de transcription. Ici, SPEECHLESS a pu être tagué mais ce n’est pas toujours le cas ! FAMA typiquement ne peut pas être tagué sans déranger son activité. On peut voir mute en bleu. L’expression de SPEECHLESS change au fil du temps : certaine cellule l’exprime puis la réprime pour l’exprimer à nouveau. Ainsi, la cellule se divise en deux et la plus grosse garde les caractéristiques de cellule souche. C’est d’abord SPEECHLESS qui est exprimé puis MUTE car, en effet, SPEECHLESS est un inducteur de l’expression de mute. Au bout d’un moment SPEECHLESS n’est plus utile car MUTE est suffisamment exprimer. Un troisième facteur existe, FAMA, un gène seulement exprimé pour donner naissance aux dernières cellules stomatiques par division symétrique. En effet, au début, avec SPEECHLESS et MUTE, on a que des divisions ASYMETRIQUES (une petite cellule et une grande se forme) mais tout à la fin, juste avant de faire le stomate, il faut une division symétrique qui se fait grâce FAMA. Comme expliquer avant, trois mutants ont ainsi pu être isolés : SPEECHLESS, MUTE et FAMA. SPEECHLESS est exprimé très tôt dans la reprogrammation de la cellule, MUTE est exprimé plus tard quand les divisons asymétriques sont trop importante et FAMA est exprimée à la fin pour former le stomate. Ce sont tous des facteurs de transcription de type bHLH. 71 Daniel Rodriguez - 2019 Il est possible de suivre ces facteurs de transcriptions et exploiter ces marqueurs pour isoler les cellules qui se trouvent dans un stade particulier. C’est une technique assez facile (mais attention au contrôle et artefact). Pour ce faire, on peut prendre une feuille en développement avec ces facteurs (cellule en train de se différencier) et on forme des protoplastes (cellule végétal sans paroi). Ces protoplastes seront ainsi mit en contact avec un champignon qui digère la paroi afin de se retrouver avec des cellules ne possédant que la membrane cytoplasmique. Il suffit ensuite d’utiliser un appareil qui fait passer les cellules une après l’autre dans un canal très fin et qui sépare les sépare selon leur fluorescence à l’aide d’un laser. Pour faire simple, si elle est fluorescente elle tombe dans le sceau 1 et sinon dans le sceau 2. On sépare ainsi toutes les cellules qui ont une fluorescence verte des autres (les cellules qui expriment SPEECHLESS). On enrichie ainsi notre échantillon avec des cellules qui expriment SPEECHLESS. Cette technique prend assez de temps et il faut faire un contrôle en regardant ce qui se passe lors de la protoplastation (quel impact cela a sur la cellule) mais elle permet de séparer les cellules qui nous intéresse des autres. On voit sur l’image un aperçu d’un FACS (« Fluorescence activated cell sorting »). Cette machine interdisciplinaire permettait au constructeur d’avoir une idée de la qualité du ciment ; les biologistes ont adapté l’idée. Une fois les cellules séparés on peut faire une extraction d’ARN et on fait une approche standard pour savoir qu’elles gènes sont exprimés dans la cellule : on fait une amplification par PCR pour avoir plus de matérielle et examine le transcriptome. On a une signature de la cellule qui nous permet de faire une comparaison entre les cellules exprimant SPEECHLESS et celle ne l’exprimant pas. Cela peut être réalisé par puce d’ADN (ne se fait plus aujourd’hui) ou par séquençage de haut débit (ce qui se fait le plus). Il faut ensuite normaliser c’est-à-dire savoir qui est exprimé à quel taux et par rapport à quoi. Les gènes étant très exprimer à un certains stages ressortent très clairement et permettent de définir quels gènes sont exprimés fortement ou faible selon le stade de la cellule. A droite on a une image qui montre qui est plus ou moins exprimées. On voit que beaucoup de gènes sont exprimés de manière différentielle, chaque bande étant un gène. On voit des blocs de gènes très induits. On peut constater que, sur cette cellule, des milliers de gènes sont exprimés de manière différentielle par rapport au contrôle. Donc des milliers de gènes sont changé par rapport à une cellule épiderme ! Donc on peut suivre la séquence de nos gènes initiaux dans le mutant et la comparer avec un non mutant. On peut grâce a cela trouver aussi d’autre gène qui sont peut être encore plus exprimées que SPEECHLESS et donc devrait être important pour la différenciation en cellule épidermale. Cette technique est simple d’utilisation et pas très complexe. Elle nous permet de voir qu’il y a une reprogrammation massive des cellules épidermales avec SPEECHLESS comme chef d’orchestre des 72 Daniel Rodriguez - 2019 cascades moléculaires. En effet, ce sont à peu près 9'000 gènes qui sont contrôler par SPEECHLESS soit 1/3 des gènes (reprogrammation massive). De plus, il contrôle aussi de manière INDIRECTE certains gènes : il peut intervenir sur les promoteurs des gènes (manière directe) mais puisque c’est un facteur de transcription, il peut activer un autre acteur qui agit sur un autre gène ou alors agir sur l’ARNm (manière indirecte). On peut se demander combien de cible SPEECHLESS régule de manière direct et indirecte ? Pour le savoir, il faut regarder sur quel promoteur s’attache SPEECHLESS. La technique ici consiste à faire un lien covalent entre SPEECHLESS et l’ADN pour coller la protéine SPEECHLESS aux endroits où elle interagit. On peut voir les gènes contrôler directement lorsque le lien covalent se fait sur le promoteur. Une fois le lien fait, on isole l’ADN et on le casse par traitement ultrasonique. On sait que certaines des pièces d’ADN sont en lien avec SPEECHLESS que l’on sépare à l’aide d’anticorps (les anticorps se lieront à SPEECHLESS et indiqueront les fragments d’intérêt, c’est la « chromatin immunoprecipitation » ou ChIP). On peut faire un séquençage à haut débit et on regarde les endroits du génome avec lesquelles la protéine SPEECHLESS se lie de manière directe. De cette manière on sait que ce sont 9'000 gènes qui sont gérer de manière direct. Sur l’image ci-dessous, on peut voir la quantité de SPEECHLESS retrouver sur chaque promoteur. Il est possible d’observer un pique avec le promoteur de MUTE ce qui indique que SPEECHLESS agit sur le gène MUTE comme on l’avait prédit plus taux. Ainsi, on sait que MUTE est une cible direct de SPEECHLESS, étape importante des divisions et de la différenciation en stomate. On peut aller encore plus loin pour comprendre le mécanisme en enlevant par exemple le bout du promoteur de mute qui permet de se lier a SPEECHLESS. Toutes ces techniques ont permis aux scientifiques de comprendre le mécanisme de ces gènes. Nous avons donc une reprogrammation massive de la cellule. Mais pourquoi et comment les différenciations asymétriques s’arrêtent-elles ? C’est là que FAMA est important. Notons tous d’abord que, avant l’arrivée de FAMA, il n’y a PAS de stomate mais uniquement des cellules souches de stomates. L’arrêt de formation des cellules mères des stomates est fait par des signaux externes provenant de cellules voisines. Les mutants fluctuent par la densité des stomates ce qui nous permet de dire qu’il y a un lien entre les gènes créateurs de stomates et les gènes de densité des stomates. En effet, on a des processus d’interaction à la membrane qui influence SPEECHLES et MUTE. On a des facteurs telles que YDA (yoda), MKK4/5 et MPK3/6 qui suppriment l’expression de MUTE qui, si la concentration de ces inhibiteurs est assez importante, arrête la division asymétrique. On trouve les mêmes régulateurs pour 73 Daniel Rodriguez - 2019 l’activation de FAMA. On a donc inhibé MUTE et activé FAMA qui induit la création du vrai stomate. Il y a quelques composantes qui sont mobiles : EPF1 et EPF2. Ce sont des gènes qui codent pour des protéines qui sont processer ; ces gènes qui codent pour des protéines qui sont excréter puis processer par des peptidases (c’est-à-dire couper) et seules un bout de la protéine va bouger par diffusion. Les récepteurs pour ces peptides sont ER et TMM et vont permettre l’activation de FAMA. Ces gènes, surtout EPF2, sont sous contrôle de SPEECHLESS. La flèche en rond veut dire que SPEECHLESS peut s’auto-activé donc est sous contrôle de sa propre expression. Mais aussi sous celle d’EPF2 ! En effet, EPF2 est un inhibiteur de SPEECHLESS (on trouve ces processus de retro-action connectés assez souvent en biologie). Tout dépend au final de la stabilité des protéines et de la concentration de celle-ci. On peut voir ici ce qui se passe dans le type sauvage et dans les mutants SPEECHLESS (qui est essentiel pour la reprogrammation des cellules épidermes) et scrm-D. Il est possible de créer une condition artificiel (EPF2-OX avec OX pour sur expression) par la création d’un transgène qui se caractérise par une combinaison d’un promoteur toujours activé dans la cellule. Ainsi, on fait un découplage de l’expression de EPF2 de la présence de SPEECHLESS (EPF2 est toujours actif avec ou sans SPEECHLES). Dans les transgènes EPF2-OX on voit que la formation des stomates est bloquées ce qui prouve que SPEECHLESS et EPF2 sont liés. On peut aussi créer un transgène MUTE-OX où les stomates seront surexprimés pour comprendre comment le système marche. Il reste à voir comment la différenciation en stomate se fini ; c’est là que FAMA agit. Une fois que FAMA est induit, on a cette dernière division symétrique qui forme le stomate. FAMA fait ça avec un autre facteur très générique qui se nomme RB pour retinoblastoma. RB se trouve dans tous les eucaryotes et même chez l’homme. Quand cette protéine RB est muté chez l’homme, celui-ci développe le retinoblastoma qui provoque (dès l’enfance) un cancer des yeux (on peut opérer mais après on a aveugle). Ce facteur agit comme supprimeur des divisions cellulaires (et un cancer ce caractérise justement par des divisions cellulaires trop nombreuse). RB bloque ainsi une cellule différenciée de manière permettant ; en effet, une fois que les cellules sont devenues des stomates, il faut qu’elles restent 74 Daniel Rodriguez - 2019 stomates. RB est nécessaire pour garder les cellules dans cet état. Elle ferme la « boite » pour que le processus de reprogrammation se stoppe. Elle est impliquée dans beaucoup de processus et parfois dans des defaults dont le processus n’est pas encore bien compris. Ainsi, retenons que RB empêche la formation des tumeurs chez l’homme et à comme rôles générales : Empêcher la division cellulaire Arrêter une cellule dans son destin de manière permanente FAMA interagit avec RB et s’associe avec beaucoup de gène nécessaire avec la formation des stomates, y compris (le plus important) SPEECHLESS ! C’est un processus épigénétique qui se produit lorsque RB et FAMA se lie (ne pas oublier que tous les processus épigénétiques ne sont rien d’autres qu’une couche supplémentaire de régulation de la génétique). RB-FAMA stabilise l’état différencié de manière permanente. Puis PRC2 est recruté (composante du complexe) qui met des marques épigéniques autour du site de recrutement. Ces marqueurs peuvent être des méthylations, qui peuvent être sur les histones qui contrôlent l’ouverture de l’ADN. Avec ces modifications des histones, l’ouverture de l’ADN est changée ce qui donne plus ou moins accès aux facteurs de transcription à l’ADN. Les facteurs de transcriptions n’ont ainsi plus accès au promoteur et donc les gènes ne sont plus exprimés. Cette régulation marche assez bien ; l’accumulation de marqueurs épigéniques inhibe bien l’expression des gènes. Sur l’image du bas on peut voir un individu transgénique (n’est pas un mutant). Les scientifiques ont aussi voulu suivre l’expression de FAMA en le couplant avec un marqueur fluorescent style GFP. Mais ça ne marche pas (ce qui est assez rare, ce produit pour 1 facteur de transcription sur 10) car en introduisant FAMA-GFP dans un mutant, rien ne s’est passé, le phénotype était toujours mutant. Ça n’a pas complémenter le mutant ce qui signifie que la GFP à changer l’expression de notre FAMA ; on ne peut donc pas faire confiance à la protéine en fusion. L’approche protéomique a permis la compréhension du système et la raison pour laquelle FAMA-GFP ne fonctionne pas. En fait, en ajoutant la protéine fluorescente à FAMA, FAMA n’interagit plus avec RB (dérange l’interaction). En fait, en ajoutant dans notre plante mutant pour FAMA le marquer de SPEECHLESS-GFP, on voit que SPEECHLESS est exprimer dans les stomates déjà différencier (ce qui est pas le cas dans les WT !). Ceci induit un nouveau cycle de différenciation à l’intérieur même des stomates déjà différenciés. On a 75 Daniel Rodriguez - 2019 donc la formation de cellules souches de stomates dans les stomates eux même et donc de stomate dans les stomates. 76 Daniel Rodriguez - 2019 7. Modeling Avec notre pensée uni-dimensionnel, il n’est pas toujours facile de voir les interactions entre les molécules dans l’espace et dans le temps : plusieurs processus se font en même temps, interagissent, se combinent, .... Par exemple, pour diminuer l’effet de SPEECHLESS, on doit stopper MUTE qui peut l’être par différent signaux de signalisations de EPF mais aussi plein d’input latéraux comme le CO2, le stress osmotique, les pathogènes qui peuvent empêcher l’expression de SPEECHLESS qui va finalement déterminer la densité des stomates. De même, s’il y a beaucoup de lumière et que le milieu est favorable pour faire la photosynthèse alors la plante aura besoin de plus de CO2 et, par conséquent, plus de stomates. Les interactions permettant la modulation de la densité des stomates sont les suivantes : la haute intensité de lumière va supprimer le processus YDA et la cascade qui s’en suit ne pourra pas se faire. Ainsi, plus de stomates se formeront. C’est comme ça que la densité de stomate est gérer par l’environnement. Plein de facteurs peuvent donc moduler le processus, ce qui n’aide pas à la compréhension… Ainsi, la modélisation des processus devient un outil très utile en biologie. Nous verrons une petite introduction du modeling. On a parlé de la formation des stomates qui montre bien la plasticité du développement et la formation d’une structure dans l’organisme. Entre autre, nous avons vus l’importance des facteurs endogènes et externes qui contrôlent la densité de stomate : arrêter la divisions plus tôt veut dire avoir moins de stomates tandis que l’arrêter plus tard signifier plus de stomates. BRA1 a un domaine externe qui interagit avec des peptides qui jouent avec les voies de signalisations. Cependant, on a vu que SPEECHLESS agissait sur lui-même, mais aussi sur d’autres structures : une fois isoler, comprendre la relation entre les composantes peut devenir compliqué. La cellule souche de stomate produit elle-même un signal qui lui demande de ne plus être un stomate : ces processus sont très complexes au niveau spatial et temporel. C’est pour cela que la modélisation devient de plus en plus importante. On parle de modélisation du développement et des processus moléculaires. On met, grâce à cette technique, nos observations à un niveau plus complexe. La morphogénèse et la régénération ne sont au final qu’une affaire de patterning. Prenons la première modélisation qui a été réalisée : une génération de chercheur était très fascinée par le système de 77 Daniel Rodriguez - 2019 régénération des hydres et donc décida de l’étudier. En effet, une hydre coupée en deux est capables de former deux nouvelles hydres. Les cellules, une fois isolées, vont se re-agrégées pour reformer une hydre de manière correct. Mais comment est-ce possible ? Pour le comprendre, parlons d’Alan Turing qui a permis durant la 2ème guerre mondiale de déchiffrer l’énigma, une machine de messagerie allemande. Alan Turing a fait beaucoup de travaux en mathématiques mais n’a publié qu’un seul papier en biologie où il propose un mécanisme de formation (pattern) par des réactions de diffusion à partir de condition aléatoire. Ce sont les « Turing pattern ». Cette contribution fut l’élément base pour la modélisation. Ces calcules ont été utilisés dans un contexte biologique pour comprendre les processus du développement. Dans les années 70, Meinhardt et Gierer font des animations (qui peuvent paraitre ridicule aujourd’hui mais qui était à la pointe à l’époque) à partir des « turing pattern ». Tenons ici en compte le fait qu’à cette époque on ne savait rien sur l’ADN et autres molécules essentielles. Modèle de l’activateur et de l’inhibiteur Sur leurs calculs, les deux scientifiques on prit un activateur, qui est au moins responsable de sa propre expression, mais aussi responsable de l’activation de son propre inhibiteur qui le régule : 3 cycles possibles donc : l’activation de l’activateur, l’activation de l’inhibiteur et l’inhibition de l’activateur. Ce lien nous rappelle SPEECHLESS et EPF2 ! EPF2 est un régulateur négatif de SPESCHLESS tandis que SPEECHLESS active EPF2 et lui-même. Ce système de réaction – diffusion a besoin de deux conditions : La production des composants du système est interdépendante Les composants peuvent se déplacer par diffusion Ci-dessous, on peut voir les 2 équations différentielles qui permettent de décrire l’interaction entre l’activateur et l’inhibiteur. C’est un système de réaction-diffusion du type activateur-inhibiteur qui semble expliquer de nombreux types importants de formation de motifs et de morphogenèse observés au cours du développement. (La preuve nécessite l'identification des supposés morphogènes, la mesure de leurs concentrations et de leur cinétique spatio-temporelles et la démonstration par knock- 78 Daniel Rodriguez - 2019 out ou d'autres manipulations génétiques qu'elles sont des composants essentiels de la formation du motif observé.) Ici, a est une substance autocatalytique à courte portée, c’est-à-dire un activateur h est son antagoniste à long terme, c’est-à-dire un inhibiteur. ∂a/∂t décrit le changement de concentration d'activateur a par unité de temps. Le premier terme à droite décrit le taux de production qui dépend de manière non linéaire de la concentration d'activateur (a2) et est ralenti par l'inhibiteur (1 / h). Le nombre de molécules qui se désintègrent par unité de temps est proportionnel au taux de désintégration µa et au nombre de molécules a présentes (le nombre de personnes décédées dans une ville dépend du nombre d'habitants). L'échange de molécules est supposé se produire par diffusion (Da∂2a / ∂x2), mais d'autres modes de propagation sont également possibles. La deuxième équation décrit en termes analogues l'évolution de la concentration en inhibiteur. ρa est une petite vitesse de production de l'activateur indépendante de l'activateur et est nécessaire pour lancer l'auto-analyse de l'activateur à une très faible concentration d'activateur, par exemple en cas de régénération (comme indiqué ci-dessous). Une faible production de base d'inhibiteur, ρh, conduit à un état stable non structuré; le système peut rester en veille jusqu'à ce qu'un déclenchement externe se produise par une élévation de la concentration d'activateur au-dessus d'un seuil. Alfred Gierer et Hans Meinhardt ont formalisé cette observation et proposé un modèle plausible sur le plan moléculaire pour la formation de motifs, constitué de deux équations aux dérivées partielles de type réaction-diffusion. Le modèle décrit la concentration d'une substance auto-catalytique à courte portée, l'activateur, qui régit la production de son antagoniste à longue portée, l'inhibiteur. Il s’agit certes d’un modèle minimal, mais il constitue un pont théorique entre les observations d’une part et la déduction des mécanismes génétiques moléculaires sous-jacents d’autre part. La possibilité de générer des motifs par la réaction de deux substances diffusant à des vitesses différentes a été découverte par Turing (1952). Gierer et Meingardt ont montré que même si cette condition est remplie, seule une classe très spéciale de réactions est capable de former des motifs si et seulement si une autocatalyse locale et une inhibition de longue durée sont impliquées. Dans le 79 Daniel Rodriguez - 2019 terme de mécanisme de Gierer-Meinhardt, l'inhibition résulte d'une élimination de l'activateur par la substance à diffusion rapide. La périodicité du modèle Mais comment créer un « pattern » avec ce système ? En fait, ce modèle est périodique. Les modèles périodiques sont très courants dans le développement. L'initiation des feuilles derrière une pousse en croissance, la formation de poils de feuille, de plumes chez les oiseaux ou de poils chez les mammifères en sont des exemples. Selon le modèle, des structures périodiques apparaissent si la plage de la substance inhibitrice est inférieure à la taille du champ dans lequel la réaction a lieu. Si elle est initiée par des fluctuations aléatoires, le motif aura une certaine irrégularité (comme dans les poils de la feuille). Une distance maximale et minimale est toutefois maintenue. Des motifs très réguliers se forment si le tapotage se produit pendant la croissance. L'initiation des feuilles derrière les pousses en croissance est un exemple. Ainsi, si tout reste en place durant le processus, on voit apparaitre un état stable local à la fin, sans composante spéciale ; c’est l’équilibre dynamique. Si on introduit une asymétrie spatial, à ce momentlà on verra l’apparition de différences locales. Si l’inhibiteur diffuse plus rapidement que l’activateur alors on a une différence locale : on aura une inhibition à un endroit qui est assez grande pour qu’aucune expression de l’activateur ne se fasse. Un tout petit changement peut alors enclencher des fluctuations qui se reproduisent dans le temps. Une petite fluctuation locale se transforme en grande fluctuation local qui va déranger les régions voisines avec une stabilité locale. Ces régions voisines vont alors entrer à leur tour dans un état stable mais dynamique. On peut dès lors imaginer d’autres modèles alternatifs. Dans ce système, un activateur disparait à cause de l’inhibiteur qui diminue alors son taux ce qui fait revenir la molécule …. Des expériences classiques ont révélé que, dans de nombreux systèmes, les tissus peuvent être éliminés et que le développement se poursuit normalement. Par conséquent, toute théorie de la formation de modèles biologiques devrait pouvoir décrire la régulation de modèles après une interférence expérimentale. Dans la simulation (à droite), le maximum est supprimé. Ainsi, la région dans laquelle l'inhibiteur est produit est également supprimée. Après la décroissance de l'inhibiteur résiduel, l'autocatalyse se déclenche à partir d'une production d'activateur de base et le gradient est restauré. Ce qui freine l’étude de cette approche est le manque de donné expérimental mais c’est très utile car on peut faire une sorte de guide de nos expériences avec des paramètres que l’on connait qui nous prédisent les autres paramètres. 80 Daniel Rodriguez - 2019 La capacité de régulation est généralement perdue aux derniers stades de développement. Etant donné que dans le mécanisme proposé, la formation du motif dépend de la diffusion, le mécanisme ne peut fonctionner que si le tissu à modeler est petit. Le modelage de champs plus grands demanderait trop de temps. Ainsi, au cours du développement, la compétence pour former des modèles est perdue; la détermination des cellules ne dépend plus de la signalisation et est fixée. Il est donc très important que, durant le développement, les cellules ne soient compétentes que dans un certain laps de temps pour générer des régions organisatrices primaires. Exemple des cyanobactéries La fixation d’azote biologique n’est possible qu’en conditions anaérobies, la raison principale étant que la nitrogénase, l’enzyme clé dans la fixation, est fortement inhibée par l’oxygène moléculaire. Pour permettre la fixation d’azote, les bactéries ont développés différentes stratégies : Pour les bactéries anaérobies, il n’y a pas de problème, leur environnement ne contient pas d’oxygène moléculaire Les bactéries anaérobiques facultatifs ne fixent l’azote que dans les conditions d’anaérobie (des fois crées par la bactérie même par respiration élevée) Les bactéries aérobies fixent l’azote grâce à des compartiments anaérobiques. Un exemple dans lequel la réaction moléculaire sous-jacente est très proche du mécanisme proposé est l'initiation de cellules fixatrices d'azote dans l'algue bleu-vert Anabaena (cyanobactérie diazotrophe). Cette algue consiste en une chaîne linéaire de cellules. Environ une neuvième cellule se différencie en une cellule dite hétérocyste, une cellule spécialisée. Ces cellules ont une paroi épaisse et n’expriment pas le photosystème II de la photosynthèse : dons dans les hétérocystes il n’y a pas production d’oxygène moléculaire. En accord avec la théorie, cette formation de motifs est basée sur un facteur de transcription HetR qui a un retour positif direct sur la transcription de son propre gène. Seuls les dimères de HetR peuvent se lier à l'ADN, c'est-à-dire que l'auto-amélioration est non linéaire, comme prévu théoriquement. Ce HetR active également la production d'un peptide court, PatS, qui peut se lier au facteur de transcription HetR. La liaison du peptide au facteur de transcription supprime sa capacité à se lier à l'ADN. Le peptide agit donc comme inhibiteur. Le peptide peut être diffusé entre les cellules par le biais de canaux spéciaux, appelés desmosomes. 81 Daniel Rodriguez - 2019 En effet, on a réalisé que ces hétérocystes sont pas placer de manière aléatoire mais sont placer toujours tous les 7 ou 8 cellules. On voit une certaine régularité. Des mutants ont été trouvé avec soit sans hétérocystes, soit avec des hétérocystes placés aléatoirement. On peut voir sur l’image ci-dessous que seul les hétérocystes eux-mêmes sont ceux qui expriment de manière efficace HetR. En fait, HetR n’est pas du tout mobile mais PatS oui. L’hétérocyste va faire diffuser PatS dans les cellules voisines jusqu’à ce que la diffusion ne soit plus assez grande pour complètement supprimer HetR. On a donc la formation d’un nouvelle hétérocyste à une distance régulière. 82 Daniel Rodriguez - 2019 8. Photomorphogénèse La lumière est essentielle pour la plante. Durant sa croissance et son développement, la plantule doit devenir autotrophe et c’est la lumière qui le lui permet. En effet, la plantule se cache dans la graine jusqu’à ce que les conditions soient meilleures. Les premiers jours, elle dépend des nutriments de la mère. Les premières phases de croissance est une phase d’expansion cellulaire. On peut voir deux programmes extrêmes de développement de la plantule: 1. La stokomorphogénèse (gauche): i) Suppression de la photosynthèse en principe par : (1) la suppression de la transcription des gènes qui codent pour des composants structurels de l’appareil photosynthétique, comme les protéines LHC (2) La suppression des précurseurs de chlorophylle ii) Suppression de la croissance de la racine et de la tige (par suppression de l’activité des méristèmes apicaux iii) Les cotylédons demeurent fermés sur le méristème apical caulinaire iv) Elongation de l’hypocotyle (appelé étiolement) pour la recherche de la lumière 2. La photomorphogénèse (droite): i. Activation de la photosynthèse ii. Reprise de la croissance de la racine et de la tige par augmentation de la prolifération des cellules dans les méristèmes apicaux iii. Ouverture et déploiement des cotylédons iv. Suppression de l’élongation de l’hypocotyle (appelé deétiolement) Il est possible de stimuler les graines avec de la lumière. En effet, la lumière induit la germination des grains d’Arabidopsis. On peut voir que la lumière n’a pas qu’un rôle dans la photosynthèse car il y a une perception de la lumière même quand la photosynthèse n’est pas activée (c’est-à-dire dans les graines). On voit ainsi une réponse, une stimulation, a une certaine longueur d’onde (vers 650nm) qui a un effet positif sur la germination. Une autre longueur d’onde (vers 750) aura un effet inverse et va inhiber la germination de la graine. 83 Daniel Rodriguez - 2019 Les photorecepteurs Le spectre d’action de la photosynthèse s’arrête à 700nm et donc une longueur d’onde frappe la plante, celle-ci n’est pas absorber par l’appareil photosynthétique. On a donc déterminé qu’il devait y avoir autre chose que l’appareil photosynthétique qui était capable de capter la lumière. Ce sont ces photorécepteurs qui permettraient le contrôle de la transition à la photomorphogénèse. Ils ont été difficile à trouver car il y a énormément de redondance de ces systèmes photorécepteurs (pour que la plante soit sûr de fonctionner). On a aussi des redondances dans la longueur d’onde excitatrice : la bleu et la rouge excite ce système par exemple. Les mutants sont ainsi difficiles à isoler La clé pour trouver ces mutants furent la création des LED (lumière à une seule longueur d’onde et non tout un spectre) qui permirent de faire des cribles génétiques. Ce sont les japonais qui ont trouvés les premiers des mutants. Ils ont décidé d’utiliser des LED à lumière uniquement bleu et uniquement rouge. Voici les mutants skotomorphogéniques : En fait, il existe en réalité plusieurs photorécepteurs chez les plantes ! Dont la nomenclature est un peu complexe et différente selon la longueur d’onde dans laquelle le photorécepteur absorbe (notons que minuscule = pas muté). En effet, la lumière est le déterminant clé de l’ontogenèse (développement de l'individu, depuis la fécondation de l'œuf jusqu'à l'état adulte) végétale. 84 Daniel Rodriguez - 2019 On a plusieurs récepteurs dans le rouge, parfois redondant et parfois pas. D’autres se trouve dans le bleu (les premiers pour le rythme circadien, d’autres pour les ultraviolet). Seule la lumière rouge incite la germination et PAS LA LUMIERE BLEU. Quelque chose d’important à noter est que la phototropine (notée phot1 et phot2) est un photorécepteur végétal intervenant dans les phénomènes de croissance et développement, d'ouverture stomatique, de mouvement chloroplastique et de mobilisation du stock calcique. On distingue les phototropines PHOT1 des phototropines PHOT2 qui vont percevoir respectivement des intensités lumineuses différentes : faibles pour PHOT 1 et élevées pour PHOT 2. Ainsi, les photorécepteurs ont une influence importante dans une multitude de processus de régulations. Même l’ouverture des stomates est gérée par les photorécepteurs. Le phytochrome Durant ce cours, nous ne verrons que les photorécepteurs phytochrome mais il en existe d’autres. Ces phytochromes travaillent dans le rouge. Ils contiennent la phytochromobiline, un pigment leur permettant d’absorber à la longueur d’onde du rouge et du rouge lointain. Ce sont des photorécepteurs qui sont toujours en association avec des chromophores. En effet, les chromophores jouent le rôle d’indicateur de la lumière, ils sentent la lumière. Pour s’associer au chromophore, le phytochrome possède un domaine avec une cystéine qui permet l’association des deux unités. Les chromophores possèdent un groupe isomérique (partie en rouge à la fin de la molécule) qui absorbe la lumière rouge et induit un changement de conformation du chromophore et de la protéine associé. Ainsi, les photorécepteurs changent de conformation quand un photon est absorber mais uniquement les photons dans le rouge. Deux formes de photorécepteurs existent : La forme Pr absorbe les photons dans le rouge La forme Pfr absorbe dans le rouge lointain Ce qui est important à retenir c’est que ces structures sont REVERSIBLE : si la forme Pr absorbe dans le rouge alors on a un flip du groupe isomérique qui la fait devenir une Pfr et inversement avec Pfr qui peut devenir Pr lorsqu’elle absorbe dans le rouge lointain. On dit que le processus est photo-réversible. Notons que la partie phytochrome apoprotéine est formée dans le noyau de la cellule végétal tandis que la partie chromophore est formée dans les chloroplastes (comme le montre le schéma). 85 Daniel Rodriguez - 2019 En résumé nous avons donc deux états du phytochrome. Le phytochrome est présent dans les graines et les plantes étiolées sous une forme appelée « Pr ». L’absorption de la lumière rouge convertit le Pr en forme Pfr La forme Pfr peut être convertit en forme Pr par l’absorption de la lumière rouge lointain, un processus appelé « photo-réversibilité ». Notons quelque chose d’important : le phytochrome est synthétisé sous la forme Pr ! Il est possible de produire in vitro ces photorécepteurs et caractériser leurs comportements selon la longueur d’onde. On peut voir sur ce graphe qu’il y a une certaine superposition entre les deux longueurs d’ondes des photorécepteurs. Ainsi, Pr peut aussi recevoir de la lumière provenant du rouge lointain et Pfr de la lumière provenant du rouge. Les formes Pr et Pfr du phytochrome existent dans un équilibre déterminé par l’intensité relative de la lumière rouge et rouge lointain. Pr, mais aussi moins efficacement Pfr, absorbent de la lumière rouge ce qui le transforme dans l’autre etat. Donc, dans des conditions de saturation de lumière rouge, le phytochrome existe à 85% sous forme Pfr et 15% sous forme Pr Pr aussi absorbe très faiblement de la lumière rouge lointain, ce qui la transforme en Pfr. Donc, dans des conditions de saturation de lumière rouge lointain, le phytochrome existe à 97% sous forme Pr et 3% sous forme Pfr. Ces deux conditions de saturations sont appelées l’équilibre photostationnaire 86 Daniel Rodriguez - 2019 On a ainsi jamais la situation où il n’y a que Pfr ou que Pr : Une fois que l’on a excité une plante avec de la lumière rouge ou de la lumière rouge lointain, on aura un pool de Pfr et Pr qui dépendra de cette excitation mais jamais nous aurons 100% d’une forme. Localisation des phytochromes La conformation du phytochrome influence sa localisation intracellulaire. En effet, la forme active est la forme Pfr qui peut entrer dans le noyau lorsque l’on induit une isomérisation. Pfr, même s’il n’est pas un facteur de transcription, peut séquestrer des facteurs de transcription et réguler la transcription. Pfr interagit avec PIF3 qui, par ajout d’ubiquitine, va être envoyé à la dégradation. Le travail de PIF est de supprimer tout gène impliqué dans la photomorphogénèse par inhibition. Lorsque PIF est détruit, on a donc un processus de photomorphogénèse puisque les gènes de l’ADN sont denouveau actif. Le taux de Pfr qui agit dans la plante dépend de la lumière et de sa qualité. Les autres photorécepteurs agissent plus ou moins de la même manière. Ainsi, lorsqu’il y a de la lumière (par exemple en journée), la lumière rouge va être absorbée par la forme Pr qui devient alors Pfr. Ce Pfr va permettre le processus de photomorphogénèse. Une autre molécule est importante : COP1. Il est activé par la lumière d’une manière indirecte et est conserver dans tous les eucaryotes. Plusieurs chercheurs ont trouvé, en mutant COP1, des phénotypes de plante photomorphogène même à l’obscurité. Ainsi, lorsque COP1 est activé, la plante a un phénotype « petit hypocotyle ». En effet, le facteur de transcription à domaine à glissière à leucine bZIP Elongated Hypocotyl in Light (ou HY5 pour les intimes) est synthétisé à la lumière et dégradé à l’obscurité. La dégradation de HYP5 à l’obscurité implique une protéine COP1, un régulateur négatif de la photomorphogenèse. COP1 interagit à l’obscurité avec HY5 et l’oriente vers la dégradation via un processus médié par le protéasome. COP1 fonctionne vraisemblablement comme une ubiquitine ligase E3 qui permet 87 Daniel Rodriguez - 2019 l’attachement d’ubiquitine aux protéines à dégrader. COP1 régule directement l’abondance de plusieurs facteurs de transcription qui participent à la photomorphogenèse. A la lumière, HY5 active la transcription des gènes impliqués dans la mise en place de réponse à la lumière. Par cartographie génétique, il a été possible d’isolé les gènes COP1 et HYP5. Le substrat de COP1 s’associe avec le facteur de photomorphogénèse HY5 (mais aussi d’autres comme HYH). Ainsi, HY5 est envoyé à la dégradation. On a des effets synergistiques (coordination de plusieurs organes assurant une fonction déterminée) entre les facteurs positifs et négatifs qui donnent de la flexibilité au processus. Plusieurs autres mutants de type COP ont mené à la découverte du « COP9 signalosome ». C’est une protéine multimèrique (10 protéines différentes). COP9 est complétement gardé chez les eucaryotes, car a un rôle très basique. En effet, elle a un rôle très important dans le développement après le stage de plantule pour la régulation de la photomorphogénèse. Lorsque muté, la plante est tellement photomorphogénique que la plante meurt sous le stress. Elle se trouve aussi chez les hommes et est lié à certaines tumeurs. Tout le système COP9, au niveau fonctionnel, est gardé entre les plantes et les eucaryotes. Notons que sur le schéma de droite, le complexe CSN correspond à la COP9 signalosome. Certains ligases d’ubiquitine sont eux-mêmes contrôlés par un système qui leurs ressemble. COP9 est un régulateur générique des ligases ubiquitine et c’est pour ça que ce complexe est super important. Il permet de faire une important modification qui est nécessaire pour activé une ligase ubiquitine : la modification post traductionnel NED qui consiste à retirer NEDD8 de COP1 (on parle de déneddylation). NEDD8 est une protéine qui est codée par le gène NEDD8 chez l’homme. Cette protéine semblable à l'ubiquitine (ULP) se conjugue de manière covalente à un nombre limité de protéines cellulaires d'une manière analogue à l'ubiquitination. Cette modification correspond à peu près à ce que l’ubiquitine fait elle-même cependant que, au lieu de mettre, elle enlève un petit tag à l’ubiquitine pour qu’elle puisse remplir sa fonction. Ainsi, si COP1 est neddylé alors peut alors jouer son rôle d’ubiquitine. Une fois que COP9 signalosome aura enlevé NEDD8, alors COP1 sera désactivé. On peut voir ci-dessous un peu mieux le rôle de COP9 sur COP1. 88 Daniel Rodriguez - 2019 Ainsi, on connait l’activité moléculaire de ce complexe : enlevé la petite modification NEDD8 ce qui rend COP1 inactive. On peut voir sur le schéma COP1 en jaune et COP9 en violet. Au niveau moléculaire ce sont des antagonistes. Notons que les choses ne sont pas toujours évidentes à comprendre : plein de rétroaction joue un rôle dans ce cycle. En effet, on a un paradoxe au niveau moléculaire ! Ainsi, si on a une perte de COP1 dans une plante, celle-ci devient phénotype « petit hypocotyle ». De même, si on perd COP9, on a le même phénotype « petit hypocotyle » de la plante. Cependant, dans le cas de la mutation de COP9, en enlevant le complexe COP9 signalosome, la régulation de COP1 ne peut plus se faire et la partie qui rend active COP1, soit NEDD8, ne peut plus être enlevé de COP1. Ainsi, logiquement, si COP9 est muté, COP1 devrait fonctionner de manière très importante et dégradé efficacement HY5 pour provoquer un phénotype « long hypocotyle ». Pourquoi observons nous donc le même phénotype ? La raison de ce paradoxe c’est par ce que la ligase ubiquitine COP1 n’est pas activé pour tout le temps. En effet, elle fait un reset au bout d’un moment même sans déneddylation. Ainsi, une fois que la ligase ubiquitine COP1 a fait son job, son activité est régulée et un reset de la protéine se fait. Pour être active, les COP1 ont besoin d’être neddylé puis dénédylé puis neddylé et ainsi de suite. Lorsque COP9 signalosome est muté, COP1 n’est active uniquement pour 1 seul cycle et donc on voit une accumulation de la molécule COP1 non active. Le même phénotype que COP1 mutant apparait donc. C’est comme ça que COP9 travaille dans cette machinerie. Il y a aussi un impact des photorécepteurs dans ce système. Les crytochromes désactivent PIF3 mais aussi COP1 qui se fait par un export de COP1 du noyau. En effet, dans les conditions de lumières, COP1 est exclu du noyau par la crytochrome CRY1 et l’inactive. 89 Daniel Rodriguez - 2019 Le cycle circadien Les cryptochromes sont des flavoprotéines impliquées dans les rythmes circadiens des plantes et des animaux et dans la détection du champ magnétique chez un certain nombre d'espèces. La dénomination « cryptochrome » a été proposée sur la base d'un jeu de mots combinant la nature cryptique du photorécepteur et les organismes cryptogames sur lesquels de nombreuses études de la lumière bleue ont été faites. Ce photorécepteur se trouve comme COP9 signalosome chez tous les eucaryotes. Chez des bactéries on trouve des photoligase qui sont des prédécesseurs de ces photorécepteurs. Elles sont ainsi très intéressantes au niveau évolutif. Leur activité est concernée et perçoit la lumière bleue. Elles jouent plusieurs rôles selon l’organisme et, chez l’homme, elles jouent aussi le rôle de récepteur de lumière. Notons que ces photorécepteurs sont interchangeables ! En effet, en introduisant le gène de la souris de ces photorécepteurs dans des mutants Arabidopsis, il est possible de retrouver le phénotype WT. Il y a overlap dans leurs activités (plusieurs de ces photorécepteurs ont une même fonction). Pour finir, notons qu’ils ont un rôle dans le cycle circadien ! 90 Daniel Rodriguez - 2019 Ils ont plusieurs rôles : transition vers la floraison, cycle circadien (qui existe chez tous les organismes, comme la souris mais aussi chez nous), le phototropisme, la germination, … Ainsi, les photorécepteurs ont une influence importante sur une multitude de processus. Les photorécepteurs ont des impacts sur le cycle circadien des individus ci-dessous. Notons que l’horloge biologique des plantes n’est pas homologue à celle des animaux même si c’est aussi les photorécepteurs qui le régulent. Notons aussi que l’horloge biologique a été découverte chez les plantes. Avec des vidéos times laps, il est possible de voir que la plante bouge selon un certain rythme. De plus, elle ne bouge pas de manière aléatoire : c’est contrôler (nous avons vu une video en classe où la plante de haricot fait un mouvement des feuilles de haut vers le bas selon un rythme de 24h). Pendant beaucoup d’années, on pensait que le rythme des feuilles suivait l’influence d’un facteur externe, comme la température ou l’intensité de la lumière. Mais on remarque que les plantes d’haricots placés dans une chambre noire à température constante continuaient à faire les mouvements pendant plusieurs jours …. et inversement. Cette observation suggère l’existence d’une montre endogène. L’horloge biologique des plantes a été découverte à cause des mouvements des feuilles : on parle de nyctinasties, ou mouvement de mise en sommeil. Les plantes font ça de manière plus ou moins importante. Les haricots laissent complétement tomber les feuilles la nuit et les relèvent la journée. Mais comment la plante incite ce type de mouvement ? Grace à la turgescence ! La turgescence change selon l’activité photosynthétique. Elle est perdue au niveau de la base de la feuille et donc la feuille retombe. Les premiers chercheurs ont enregistré ce mouvement avec un petit cylindre qui avait un crayon connecté à la plante pendant 24H. On voit un certain rythme qui n’est pas vraiment dépendant de la lumière (A RETENIR). Certains processus comme la photosynthèse sont dépendant de la lumière. D’autres processus ne sont qu’à moitié dépendant de la lumière et sont plutôt lier à l’horloge endogène biologique. En effet, même sans lumière, le mouvement des feuilles continuent pendant certains jours. 91 Daniel Rodriguez - 2019 Si on met les plantes dans un lieu où les journées durent 15h, on peut changer le rythme de la plante. On peut aussi le changer pour 32h. La plante bouge selon ces rythmicités. Maintenant, si on met une plante dans un milieu sans lumière DU TOUT alors la plante va quand même continuer à faire ses mouvements comme si il y avait un rythme entre jours et nuit. Ceci nous indique que même si l’entrainement dépend de la lumière, la rythmicité n’est que partiellement dépendante de la lumière car le rythme continue même sans lumière. Donc nous avons ce rythme qui est aussi important pour nous. Chez une plante, toutes sortes de processus est contrôlé par cette horloge ce qui permet une coordination systémique entre plusieurs processus. Ainsi, la plante sait que dans 1h le soleil va se lever et peut donc l’anticiper et préparer les composants de l’appareil photosynthétique à l’avance. Tout les gènes de l’appareil photosynthétique est contrôlé par ce rythme circadien ou horloge biologique. On a aussi un impact sur l’ouverture des stomates qui doit être en phase avec la photosynthèse mais aussi sur la floraison qui est lié non seulement au rythme circadien mais aussi à l’environnement et à plein d’autres facteurs. L’horloge biologique contrôle une multitude de processus physiologiques. Une partie des composantes importantes qui régulent le rythme circadien a été trouvé ! Grâce à la luciférase des lucioles, qui est une enzyme qui a comme substrat la luciférine, il a possible de les mettre en évidences. L’avantage de la luciférase sur la GFP et autres gènes rapporteur c’est qu’avec elle, pas besoin de stimulation : la transformation chimique fait par l’enzyme fait une molécule qui fait ellemême de la lumière (tandis qu’avec la GFP, qui est beaucoup trop stable, il est nécessaire de soumettre la molécule à la lumière pour qu’elle s’illumine ce qui oblige d’interférer avec celle-ci). Ainsi, on peut utiliser la luciférase pour suivre le rythme circadien si on met la met derrière le promoteur d’un gène qui suit le cycle circadien. Sur l’image ci-dessous, on peut voir en violet le promoteur le plus actif. Toutes les 24h il y a un pic d’expression du gène. 92 Daniel Rodriguez - 2019 Les scientifiques ont pris le promoteur du gène CAB qui code pour une enzyme jouant un rôle dans la biosynthèse des chlorophylles et qui suit le cycle circadien. On peut alors, avec une caméra spéciale, suivre le rapporteur. Ensuite, on cherche dans des plantes mutées celle qui voit son cycle perturbé : les scientifiques ont trouvés le mutant toc. On fait alors une cartographie pour trouver les gènes lié à ce rythme. Ainsi, on a identifié deux facteurs de transcriptions importants : CCA1 et LHY. Le comportement de ces rapporteurs dans un double mutant CCA1 et LHY est montré ci-dessous. On voit deux graphiques : un de nuit et un de jour. Ligne blanche correspond aux mesures de la luminescence faite sur le double mutant et la ligne correspond à une plante WT. On peut voir que la plante WT, lorsqu’elle se trouve sous la lumière constante, suit son rythme circadien pendant 4 ou 5 jours puis arrête de synthétisé CCA1 et LHY car se rend compte qu’il n’y a que de la lumière (elle arrête d’être stupide). La plante mutante ne suit pas dès le départ un rythme circadien et perd très vite la petite rythmicité qu’elle suivait. Lorsque les plantes sont de l’ombre constante, on à la même réaction (voir pire pour la mutante. Notons qu’un simple mutant n’aurait pas suffi pour voir un phénotype assez fort : les deux facteurs de transcriptions doivent être mutés car sont plus ou moins complémentaire. Ce sont des facteurs de transcriptions de type mu qui travaillent ensemble et empêche l’expression de toc1. Cependant, LHY et CCA1 ont besoin de toc1 pour leur propre expression. Ainsi, cette situation nous fait penser à SPEECHLESS avec la présence d’une rétroaction. On peut ainsi voir ici le cycle de rétroaction central de l’horloge chez Arabidopsis. Le phytochrome donne un booste dans l’expression de LHY et CCA1 grâce a PIF3 qui contrôle leur expression. Quand la lumière arrive, le phytochrome va dans le noyau et capture PIF3. Ainsi on a une grosse augmentation de LHY et CCA1. 93 Daniel Rodriguez - 2019 L’horloge biologique est très importante même chez nous ! Lorsque l’on part en voyage à l’autre bout de la terre, notre rythme circadien est bouleversé et il faut un certains nombres de jours pour s’adapter. C’est le même principe que chez les plantes. Notons qu’il existe des sous horloges qui sont contrôlé par l’horloge principale. Par exemple, le métabolisme est aussi entrainer pour l’heure de manger. Si on part dans un lieu où le temps de manger n’est pas changé par rapport au notre alors on se sent mieux. 94 Daniel Rodriguez - 2019 9. Le tropisme de l’Auxine Plein de chose sont gérer par l’horloge biologique comme par exemple le « gating ». Le « gating » correspond au temps où la plante répond plus ou moins fort dans la synthèse moléculaire (par exemple grosse activation le matin et faible le soir). Il y a par exemple une de ces régulations pour l’auxine. La sensibilité de l’auxine change pendant la journée car la régulation de l’auxine est faite avec le cycle circadien. C’est important parce que l’auxine est liée à la croissance de la plante qui doit être lié à l’horloge biologique. L’auxine est une phytohormone clé. En général, l’auxine a deux effets sur le développement cellulaire : En faible concentration, l’auxine promeut l’allongement des cellules En concentration plus élevée, l’auxine promeut la prolifération cellulaire. De plus, l’auxine a aussi une influence sur la différenciation cellulaire, selon le contexte du tissu. Dans les racines, autour des cellules souches, on a une forte concentration d’auxine et donc prolifération cellulaire. On peut manipuler le taux d’auxine pour jouer avec ces facteurs. Cela dépend du contexte mais l’auxine peut être un vrai morphogène. Pour aborder ces activités cellulaires que l’auxine permet de manière expérimentale, certaines plantes sont mieux que d’autres. Le coléoptile du maïs est parfait. Le coléoptile est un organe transitoire lors de la germination formant une gaine protectrice pointue autour des pousses émergentes chez les monocotylédones telles que les graminées. Les premières expérimentations sur le phototropisme ont été faites avec le coléoptile. Il est très sensible au phototropisme (flèche bleu = lumière bleu sur le schéma). On voit que la plante oriente sa croissance vers la lumière bleue très rapidement (photo prise avec 30 min d’intervalle). Si on enlève la coléoptile, la plante ne peut plus s’orienter. C’est notamment un gradient de lumière, qui entre d’un coter et qui sort de l’autre, qui permet l’orientation ! Charles Darwin et son fils Francis publiaient en 1881 le livre « The power of movement in plants », dans lequel ils décrivaient une expérience qui prédirait l’existence d’une substance qui stimule la croissance, plus tard nommée « auxine ». Ils décrivent un mouvement très lent de la plante. De plus, ils remarquèrent que si l’on coupe le coléoptile, la plante ne peut plus diriger sa croissance. De même si on met quelque chose d’opaque devant le coléoptile. 95 Daniel Rodriguez - 2019 Bien plus tard, des modifications des expériences des Darwins sont faites par Boyen-Jensen. Il découvrit que cette substance peut traverser un bloc de gélatine, mais pas une barrière solide. Il découvre ainsi que les plantes poussent vers la lumière parce que les cellules végétales située du côté non éclairé s'allongent davantage que celles situées sur le côté éclairé. Encore plus tard, Paal découvrit que la courbure de la coléoptile peut être stimulée en absence d’un gradient de lumière par un placement asymétrique de la pointe coupée sur la coléoptile. Il s’est donc dit que, lorsqu’il y a de la lumière, une substance qui peut diffuser dans le bloc de gélatine était repartie de manière asymétrique. Puis, Frits Went démontrait que la substance peut diffuser dans des blocs de gélatine et donc doit être une substance chimique. Il démontrait aussi qu’il existe une corrélation linéaire linéaire entre la concentration de la substance qui est récolté et la réponse. En 1926, l’hypothèse Cholodny-Went est établie. Les éléments de base de la théorie sont que l’auxine est la seule hormone qui contrôle la croissance (dans le gravitropisme) et le phototropisme; le taux de croissance dépend de la concentration en auxine; et la gravité et la lumière unidirectionnelle affectent le mouvement de l'auxine. La théorie initiale prédit que puisque le facteur de croissance se 96 Daniel Rodriguez - 2019 déplacerait du côté éclairé au côté ombragé, la croissance ralentirait du côté éclairé et s'accélérerait du côté ombragé, de sorte que la tige commencerait à se plier vers la source de lumière. Comme on peut le voir, la découverte de l’auxine a pris beaucoup de temps. Dans les années 1930, on réussit enfin l’isolation d’auxine par des méthodes chimiques ; il s’agit d’une famille de petites molécules organiques. Différentes auxines existent : l’auxine naturelle est l’acide indole-3-acétique (IAA) mais ils existent aussi l’IBA ou 4-CI-IAA qui sont des variations de AII et ne sont pas vraiment active mais plutôt là pour le stockage de l’auxine naturelle. Les scientifiques ont même trouvé des auxines artificielles qui ont les mêmes capacités que les auxines naturelles, mais qui sont plus puissantes (une concentration plus faible évoque une réponse de la même ampleur), par exemple 2,4D et dicamba qui sont des herbicides. Ce sont des herbicides car elle dope les plantes à haute concentration ce qui les tuent. Il existe un lien entre les auxines et la guerre du Vietnam (« Agent orange »). La mixture 1:1 de 2,4-D et 2, 4, 5-T a été utilisé pour défoliés les arbres du Vietnam. Une haute dose promeut la croissance excessive des feuilles et leurs éventuelles abscission. Peut réagir pour donner naissance aux dioxines, substances fortement toxiques. Un peu après 77 millions de litres ont été sprayés entre 1967 et 1971. Si une femme ingère de l’auxine pendant la grossesse, l’embryon peut subir des mutations. Des centaines de bébé sont nés avec des mal formations. L’arrêt de l’utilisation de l’agent orange c’est fait grâce a Art Galston qui a réalisé le lien entre l’auxine et les mal formations. Barbarella est un film aussi important pour l’arrêt de l’agent orange. Monsanto a été l’un des acteurs, avec 4 ou 5 autres boites, de la création de l’agent orange. L’auxine joue un rôle dans le phototropisme mais ne perçoit pas la lumière. Sa redistribution est déclenchée par les photorécepteurs et pour être exact les phototropines. On peut voir sur les photos que le double mutant pour les deux phototropines provoque un phénotype aveugle à la lumière bleue de la plante. On a une estérification (lien covalent) entre Cys-SH et FMN qui est réversible et non pas 97 Daniel Rodriguez - 2019 une isomérisation comme dans les photorécepteurs. Cela induit un changement de conformation de la molécule qui a une conséquence une distribution différentielle d’auxine (différence de la croissance cellulaire in fine). L’auxine change l’expression de beaucoup de gène et de manière forte mais de manière extrêmement différente. Certains facteurs de transcriptions (les ARFs) ont deux domaines de liaisons différents. Attention l’Aux/IAA n’est pas l’auxine mais une protéine. Ces protéines sont un inhibiteur de transcription. Sur le schéma, on peut voir l’interaction de l’auxine avec une ligase TIR1 qui permet une interaction de TIR1 avec des inhibiteurs de transcriptions. Il y a de véritable trou dans la surface de TIR1 : S’il n’y a pas d’auxine, les trous de TIR1 ne sont pas comblé et donc TIR1 ne peut pas fonctionner sur les facteurs de transcriptions. S’il y a de l’auxine qui comble les trous, alors TIR1 peut fonctionner. L’auxine change la charge de la surface de TIR1 mais aussi la conformation. TIR1 peut alors fonctionner par ubiquitination sur les facteurs de transcriptions. Ce système est assez sensible. Il est très important de maintenir toutes les composantes du système bien séparées ! Cette connaissance du système permet de jouer avec l’activité de l’hormone (auxine). L’ »auxine response element » a été découvert comme ça ! 98 Daniel Rodriguez - 2019 La redistribution latérale d’auxine Des plantes transgéniques avec un gène rapporteur DR5::GUS montrent l’activité différentielle d’auxine dans la zone de croissance en réponse à une illumination différentielle. Un contrôle montre que la redistribution est bloquée si les plantules sont traitées avec un inhibiteur du transport polaire d’auxine. Des inhibiteurs de facteur de transcriptions contrôlent la possibilité d’avoir de l’auxine ou non. Ici, l’utilisation du rapporteur GUS permet de visualiser la concentration d’auxine. Il y a plus d’auxine là où il n’y a pas d’illumination, ce qui est exactement ce que l’on attend. Dans le contrôle, on utilise un inhibiteur du transport polaire d’auxine, qui ne permet plus sa distribution asymétrique. Les plantes ne sont pas seulement capable de capter l’intensité et la source de la lumière mais perçoivent aussi la gravité. On peut voir su l’image se gène rapporteur avec un marqueur qui est un substrat artificiel donnant la couleur bleu et qui permet de voir l’activité de l’auxine et qui est seulement exprimé si le taux d’auxine est suffisamment élevé. Se marqueur permet d’éviter de tuer la plante contrairement à la GFP. Avec ce rapporteur on peut visualiser l’accumulation différentielle de l’auxine en plus de son activité ! On voit ici une source latéral de lumière bleu qui donne une accumulation d’auxine dans une zone de la plante (le coté non illuminé comme c’était prévu par les expressions classique). Si on fait la même chose avec une substance chimique qui inhibe la réorientation, on n’a pas d’asymétrie et pas de réorientation de la plante. Ce comportement on le trouve en principe dans tous les tropismes : on a une croissance différentielle. Le principe de redistribution d’auxine s’applique aussi au gravitropisme. Un changement dans la direction de la gravité induit aussi une réorientation de la direction de la croissance. Cette réorientation est aussi stimulée par la redistribution d’auxine. La pointe d’un coléoptile coupée et réorientée à 90° et posée sur deux blocs de gélatine superposés peut servir de bioassay en étant reposé sur les coléoptiles sectionnés. Le bloc qui se trouvait en bas donne une plus grande courbure que le bloque du haut, le tout en absence de lumière. La courbure induite par le bloc en contact avec la moitié basse de la pointe est plus grande que celle induite par le bloc en contact avec la partie haute. On en conclu que l’auxine c’était redistribuée vers le coté bas pour atteindre une croissance 99 Daniel Rodriguez - 2019 différentielle des deux côtés et répondre au changement de gravité lorsque la pointe du coléoptile fut inversée. Notons que tous est inversé dans la racine, le coté qui reçoit le plus d’auxine est le côté qui a une croissance supprimée. Il y a donc une variation de l’application de l’auxine par la plante suivant les domaines, les tissus, les parties... Le transport polaire d’auxine La réorientation de la plante est contrôler et est rendu possible par le transport polaire de l’auxine. Le transport est directionnel et est surtout important dans les zones de croissance de la plante. Dans les zones matures, c’est tout simplement distribuer par le phloème (passif, pas d’énergie, non polaire). Une fois arriver dans un organe puit, la distribution de l’auxine est redistribué de manière très précise car s’est-elle qui détermine si la plante va continuer à grandir ou pas. Ainsi, le transport polaire d’auxine est : - - Directionnel Principalement localisé dans les cellules parenchymatiques du cylindre vasculaire, mais aussi dans d’autres tissus comme l’épiderme de la pointe de la racine ou le méristème apical caulinaire. Requiert de l’énergie Surtout important dans l’embryogenèse et le développement des plantules, mais aussi dans les tropismes de la plante adulte. Notons qu’il existe aussi un transport d’auxine qui n’est pas polaire : - Il a lieu dans le phloème Il est passif et ne requiert pas d’énergie Le transport polaire d’auxine donne une polarité aux tissus. Une expérience classique consiste à placer un segment d’une tige dans un environnement humide pour le garder vivant. De nouvelles racines se forment toujours à l’extrémité qui était à l’origine basale de la tige, même si elle est placée dans le sens inverse. L’explication est que l’auxine dans le segment de la tige et est transportée vers l’extrémité qui était à l’origine basale, ou elle induit la formation des racines. Il y a une polarité intrinsèque qui met l’auxine vers une extrémité et pas l’autre, et parce que c’est coupé qu’on a une accumulation de l’auxine ou elle va induire la formation d’une racine. Le transport se fait contre le gradient de concentration, ce qui requiert de l’énergie. 100 Daniel Rodriguez - 2019 En effet, si on coupe une tige et qu’on la met « up-side down », les racines vont pousser comme si elles étaient en bas, on a donc une polarité car une accumulation d’auxine induit le poussage de la plante. Les racines sont induites par l’auxine !! Le mutant sans racine vu au début du cours ne pouvait pas répondre à l’auxine par exemple. Si on a une accumulation d’auxine forte, c’est qu’il y a formation d’une racine. La raison que ça se phase que a une extrémité c’est dû au faite que c’est fixé : l’embryon a une polarité (bas et haut) qui est garder toute la vie de la plante. Si maintenant on coupe la plante, on peut voir que le transport de l’auxine est défini. On parle de polarité intrinsèque. L’auxine, mobile, est transportée des lieux de sa biosynthèse vers d’autres tissus. Ce transport a lieu dans les tissus vasculaires. Dans la tige, ça prend place surtout dans les cellules du parenchyme du xylème. Dans la racine, il s’agit plutôt des cellules du phloème. L’auxine joue un rôle important dans la différentiation des tissus vasculaires. Le transport d’auxine est uni-directionnel. Si on place un hypocotyl entre un bloc donneur contenant de l’auxine radio-marquée (dessus) et receveur (dessous) et qu’on le place dans le sens naturel apical-basal, on a un transport d’auxine du bloc donneur au bloc receveur. Si on le place dans le sens inverse basal-apical, il n’y a pas de transport d’auxine du donneur au receveur. La base moléculaire du transport polaire d’auxine se construit sur un modèle chimio-osmotique. L’auxine est transportée de manière apoplastique mais doit aussi se trouver à l’intérieur de la cellule. C’est un acide faible, qui peut être protonné ou déprotoné. Si on regarde dans l’apoplaste, le pH est plutôt bas du à l’acidification de l’apoplaste par les pompes a protons. Ceci se fait dans la racine pour solubiliser le sol et mieux obtenir les nutriments, mais dans la cellule le pH est alcalique, gardé autour de 7. Il y a donc un différentiel entre les pH dû aux pompes à protons. Néanmoins, il existe aussi un symport actif car la concentration d’auxine dans le cytoplasme est souvent plus élevée que dans l’apoplaste, car les protéines pour le transport de l’auxine se trouvent préférentiellement à côté de la cellule, ce qui rend le transport d’auxine polaire. Dans l’apoplaste, l’auxine est protonée et devient donc lipophile. L’auxine protonnée peut facilement traverser les plasmalemmes par diffusions et entrer dans le cytoplasme. Une fois arrivée dans le cytoplasme, le milieu plus alcalique cause la dissociation de l’auxine et du proton. L’auxine alors chargée n’est plus lipophile et est donc attrapée dans la cellule. L’auxine peut seulement quitter la cellule par un transport actif. Ce model prédisait donc la présence de transporteur de l’auxine pour qu’il y est asymétrie. Dans le mutant pin-formed 1 pin1i, le taux de transport polaire d’auxine est réduit. La plante n’a pas de branches ni de fleurs, elle ne peut faire d’inflorescences secondaires. Elle ressemble exactement à ce qui se passe quand on spray une plante avec une substance qui inhibe le transport d’auxine. Ceci à suggérer que le gène en question code pour une sorte de protéine qui est placée de manière polarisée. La protéine PIN1 est localisée à l’extrémité basale des cellules du parenchyme. Elle a une structure 101 Daniel Rodriguez - 2019 trans-membranaire faite de plusieurs (10) parties transmembranaires avec un loop hydrophobe qui s’occupe du transport d’auxine. Il s’agit du transporteur énigmatique que l’on cherchait. Les protéines de type PIN sont une famille chez Arabidopsis. Un mutant qui manque de plusieurs gènes PIN est létal, parce que le transport polaire d’auxine est important pour l’embryogenèse. On peut voir qu’il y a beaucoup de redondance avec les différents exemples de l’étape de l’embryogénèse (on a besoin d’un quadruple mutant pour voir des tissus ne pas bien se former). Les deux phytohormones essentielles pour le développement végétal sont les cytokinines et les auxines. On peut voir que la protéine de transport à plusieurs domaines et son rôle est de prendre une molécule d’auxine et la jetée en dehors du cytoplasme. On peut les détecter avec des anticorps spécifiques (le truc en vert n’est pas GFP, on peut mettre la couleur qu’on veut grâce aux anticorps). On peut voir que la protéine PIN1 se trouve pas partout mais seulement à certaines extrémités : toujours à l’extrémité bas des cellules et c’est ça qui donne cette polarité de transport. Comme on l’a vu avant, la perception d’auxine dans le noyau se fait par des récepteurs AuxineREsponse, qui impliquent la destruction des inhibiteurs de transcriptions. AUX/IAA et ARF sont des FT. AUX/IAA sont des inhibiteurs de transcriptions alors que ARFs sont des activateurs de transcriptions. Mais l’auxine peut aussi venir de façon hormonale. Quand l’auxine hormonale augmente dans la cellule, elle promeut la destruction des inhibiteurs de transcription en activant un complexe de plusieurs protéines avec un récepteur TIR1 à l’auxine (donne la spécificité, ne peut interagir avec les AUX/IAA inhibiteurs qu’en présence d’auxine hormonale) qui vont mener les petits inhibiteurs de l’auxine à la dégradation dans le protéasome, suite à une ubiquitination par le complexe ligase. Ainsi, cela libère les activateur qui peuvent faire leur travail, c’est à dire se connecter à l’aux-RE et déclenché la transcription des gènes mené par l’auxine hormonale. 102 Daniel Rodriguez - 2019 Le gravitropisme Le gravitropisme est variable selon l’organe : le gravitropisme des tiges est négatif alors que le gravitropisme de la racine primaire est positif. Les autres organes peuvent avoir un gravitropisme situé entre ces deux extrêmes (pour la tige principale et la racine primaire, on parle d’orthogravitropisme, pour les rameaux, racines secondaires et tertiaires et rhizomes, on parle de plagiogravitropisme si elles sont inclinées et de diagravitropisme si elles sont horizontales). Ainsi, le réarrangement de l’auxine est variable et les conséquences sont différentes selon LE CONTEXTE INDIVIDUELLE. Darwin remarque que le gravitropisme de la racine a besoin de la coiffe de la racine (le « slime » de la racine qui lui permet de pénétrer dans la plante). Sans coiffe on a plus de gravitopisme. C’est un peu comme pour la coléoptile : il y a redistribution de l’auxine qui est gérer par la plante. Si on change le vecteur de la plante on a croissance différentielle, ce qui a fait dire à Darwin que la coiffe était le cerveau de la coiffe (attention à la littérature d’aujourd’hui : IL Y A PAS DE CENTRAL DANS LA PLANTE mais uniquement des comportements déterminés à optimiser sa croissance, son développement, …) Le gravitropisme de la racine est en effet contrôlé par la coiffe. La coiffe produit un signal qui influence la zone de croissance. L’enlèvement de toute la coiffe abolit le gravitopisme. L’enlèvement de la moitié de la coiffe induit une courbure de la racine en absence d’un changement du vecteur de la gravité du côté ou la moitié de la coiffe persiste. 103 Daniel Rodriguez - 2019 Il était démontré que le signal émis par la coiffe qui influence la zone de croissance est l’auxine. Mais dans le contexte de la racine, au côté qui reçoit l’auxine, la croissance et l’allongement sont supprimés !! La plupart de l’auxine dans la racine arrive de la tige par le transport dans le système vasculaire. L’auxine arrive dans la zone de croissance, ou elle contrôle l’allongement et la prolifération des cellules ; l’auxine dans la zone de croissance ne quitte plus cet endroit, plutôt, elle y est métabolisée. Dans la pointe de la racine, la coiffe, le flux d’auxine est dirigé vers les côtés ou sa direction est inversée. Un changement du vecteur de la gravité induit un gradient de distribution latérale d’auxine entre les côtés de la zone de croissance. La croissance est inhibée au coté qui reçoit le plus d’auxine. Ce qu’il faut retenir c’est qu’on a un flux plus important du coter de la gravité. Une autre protéine PIN est importante ici, la PIN3. Ce sont les cellules de la coiffe qui perçoivent la gravité. PIN3 se trouve tout autour de ces cellules. Si on prend une racine et que l’on change le vecteur de la gravité, on voit que le PIN3 est redistribué (nouvelle polarité). Ce que l’on regarde là est un équilibre dynamique et ce n’est pas toujours évident de voir ce qu’il se passe. Les protéines PIN sont recyclés sans arrêt, et après un certain temps sont enlevé du plasmalemme puis dégradé ou pas selon le stimulus. On a une dynamique qui permet de changer rapidement la polarité. Uniquement certaines protéines PIN sont redistribuées dans certaines cellules lorsque l’on change le vecteur gravité. La réorientation du flux d’auxine corrèle avec la relocalisation des protéines de type PIN-FORMED. Il y a une relocalisation de PIN3 après changement du vecteur de gravité. Dans les statocytes de la coiffe, PIN3 est distribuée également dans le plasmalemme. 10min après un changement du vecteur de la gravité, PIN3 est redistribuées vers le plasmalemme qui maintenant est du côté bas. La relocalisation rapide des protéines de type PIN est possible parce qu’elles sont constamment sécrétées et absorbées dans du plasmalemme (en haut à droite : image de gauche = localisation polaire de PIN1, à droite = localisation après inhibition de la sécrétion). 104 Daniel Rodriguez - 2019 Empêcher le transport d’auxine supprime le gravitropisme. On peut voir l’activité de l’auxine ici avec un rapporteur GFP sous contrôle du promoteur DR5. Si on regarde dans une pointe de racine après avoir changé le vecteur gravité, on voit une accumulation de l’activité de l’auxine du côté gauche (image de gauche). En traitant avec du NPA qui supprime la redistribution de l’auxine on voit qu’on n’a pas la redistibution (image de droite). 105 Daniel Rodriguez - 2019 10. Une transition principale, la floraison La plasticité du développement de la plante, qui répond a des facteurs environnementaux, est très important et notamment la floraison qui est la décision de se reproduire. Elle est induite par la reprogrammation du méristème apical caulinaire. Le développement commence d’abord par une rosette, puis la tige et les fleurs arrivent alors. Une des caractéristiques des plantes est leur variabilité : certaines font la floraison en ce moment de l’année, d’autre la font plus tard et d’autres encore ne la feront que dans 3 ans. Le moment de la floraison peut être déterminé par plusieurs facteurs. Même si les conditions sont idéales, beaucoup de plantes ne font pas de floraisons : énormément de plantes ont des systèmes anti-floraison précoce. Ainsi, la transition la plus importante dans la vie d’une plante adulte est l’entrée du méristème apical caulinaire dans la phase reproductive de la vie, la floraison (chez la plupart des arbres, il n’y a pas de floraisons avant les 4-5 premières années). Le début de la floraison est sous l’influence de beaucoup de facteurs, et très variable selon l’espèce : - Certaines plantes déterminent le moment de la floraison seulement en fonction des facteurs endogènes, liés à leur développement Certaines plantes déterminent le moment de la floraison seulement en fonction des facteurs environnementaux Certaines plantes déterminent le moment de la floraison en fonctions de facteurs endogènes et environnementaux On remarque par exemple que les graines de sequoia ont besoin que la forêt brûle pour déclencher la germination des séquoias (la présence de lignine brûlée et de caritine induisent la germination). Si autour de moi tout a brûlé, il y a beaucoup de substances organiques disponibles donc je peux pousser haut et fort. Il faut en revanche pour cela avoir une carapace très forte de la graine pour survivre au feu. Chez la plupart des arbustes et arbres, le moment de la floraison est déterminé par des facteurs endogènes. Chez la plupart des herbacées, les facteurs environnementaux, principalement la température et la longueur du jour, en concerts avec des facteurs endogènes, principalement l’activité de certaines hormones (surtout gibbérelline) et le taux d’expression de certains gènes, déterminent le moment de la floraison. Les facteurs environnementaux rendent le méristème compétent à la floraison, les facteurs endogènes déterminent que le méristème produit des fleurs pour de vrai. 106 Daniel Rodriguez - 2019 Les facteurs environnementaux les plus importants : La longueur du jour La température Les facteurs environnementaux rendent le méristème compétent à la floraison Les facteurs endogènes les plus importants : L’activité de certaines hormones (surtout gibbérelline) Le taux d’expression de certains gènes Les facteurs endogènes déterminent quand le méristème produit des fleurs pour de vrai Par conséquent l’importance ces facteurs environnement varie en fonction de l’altitude et de la latitude (la variation dans la longueur des jours varie en fonction de la distance à l’équateur ou elle est la plus faible). Les plantes se sont adaptées à cela. L’environnement immédiat est très important pour déterminer le moment de la floraison. On peut observer beaucoup des adaptations à des microenvironnements chez la même espèce; par exemple, la floraison dépend beaucoup plus de la longueur du jour chez l’Arabidopsis en Scandinavie (changement de lumière plus élargi) que chez leurs cousins des îles canarie. Ainsi les Arabidopsis des canaries peuvent se présenter en 3 génération durant une seule année (comme il fait toujours assez chaud, il n’y a même pas de latence des graines mais génération quasi immédiate), alors qu’en Scandinavie, ou l’hiver équivaut à une sécheresse car l’eau est gelée et ceci est le facteur inhibant la croissance, comme l’été est très court, il ne peut y a avoir qu’une seule germination par année au maximum. Au niveau génétique, on peut déchiffrer la machinerie contrôlant ces comportements. Les variations génétiques naturelles des différentes souches d’Arabidopsis de provenance diverses élevées dans les mêmes conditions stables sont notables (une souche scandinave aura peu de chance de pousser en labo classique, une souche suédoise [centre bas] fait beaucoup de feuille car elle ne fera pas de fleur [éventuellement, après très très très longtemps, elle produira des fleur par stress reproductif] mais sans le froid, elle ne produit pas de fleur. Cette plante ne passe pas en floraison tant qu’elle ne passe pas une periode de froid très importante ! C’est cette exposition qui va permettre la floraison. En labo on les met dans une salle froide en dessous de 4°C puis on attend). Ainsi de nombreux mutants présentent une floraison décalée qui vient de la variation génétique naturelle. On travaille par exemple généralement avec la variante columbia, dont le mécanisme freinant la floraison et la germination est désactivé ce qui lui permet de les faire sans arrêt (rapide germination et floraison). Si on regarde arabidopsis on a différent comportement et forme de plante. Colombia est la première Arabidopsis sur l’image et a été choisi car c’est une souche qui poussait vite. On peut aussi voir que le développement est très rapide (comme les pissenlits qui poussent en 24h une fleur). 107 Daniel Rodriguez - 2019 En Scandinavie, la saison de croissance étant tellement courte, il y a un mécanisme spécial : la germination et croissance ont lieus en automne, puis la plante passe l’hiver en état végétatif sous la neige, où l’exposition au froid est indispensable pour permettre la sortie du stade végétatif et le lancement de la floraison quand les jours redeviennent plus chauds et long. Il faut littéralement mettre la plante dans le froid en laboratoire pour avoir des graines de ces souches Scandinaves si on les élèves en Suisse. Il y a un contrôle génétique pour cela, déchiffré en comparaisons des variations génétiques naturelles et des mutants. Certains de ces mutants ont une influence dramatique sur l’apparence de la plante. Typiquement, un double mutant soc1 et ful aura une apparence de petit arbuste avec une tige gigantesque lignifiée, avec une croissance secondaire notable, ce qui est très éloigné du type sauvage. On a trouvé toutes sortes de mutant et variations naturelles qui ont une influence sur le moment de floraison. Plusieurs facteurs ont un rôle : la longueur des jours, le traitement du froid, … ont des implications sur la phase végétatif. Ces mutantes sont aussi intéressantes à étudier au niveau évolutif. On peut voir le comportement de même espèce (mutant) ici qui ne se ressemble pas du tout. On a souvent différencié deux plantes alors qu’elles sont de la même espèce. 108 Daniel Rodriguez - 2019 Le florigène Autres exemples, les mutants CO et FT furent identifiés quand on recherchait le florigène, dont le concept fut observé dès le 19e siècle, qui a la capacité d’induire la floraison par une greffe. En prenant une plante dans sa croissance végétative (floraison pas encore induite) et une autre plante de même espèce ayant déjà fait la transition vers la floraison, puis en enlevant toutes les feuilles de la végétative et en lui greffant une feuille de la plante en floraison (si on coupe deux tige et on les met ensembles en les attachant, elles vont se connecter), on peut induire la floraison. En effet, cette greffe DE FEUILLE a induit la floraison ! Met ça ne marche pas avec une feuille venant d’une plante végétative. Il y a donc quelque chose dans la feuille de la plante qui a déjà fait la transition qui permet d’induire la floraison dans d’autre plante (donc un élément de la feuille va influencer le méristème de la plante receveuse de la greffe !). Et c’est un signal continu car on peut ré-induire une autre floraison chez une autre plante à partir de la même feuille en faisant une deuxième greffe. 109 Daniel Rodriguez - 2019 Ce sont des travaux chez Arabidopsis qui ont identifié le florigène, le facteur de transcription FT. Les FT sont induit par CO (constans) exprimé dans le phloème dans les feuilles et se déplaces dans le phloème jusqu’au méristème apical (colinéaire) ou il forme des dimères de transcription en s’associant avec les FD (Flowring locus D) produits dans le méristème et devenant ainsi actif. FT est produit dans les feuilles dans les cellules auxiliaires du phloème et se déplace vers le méristème via le phloème (le méristème est un organe puits alors que la feuille est un organe source, il y a donc un transport automatique du phloème vers le méristème). Le dimère de transcription FT-FD actif agit alors avec l’aide du cofacteur LEAFY pour former ETALA1, qui induira la floraison. Ainsi : CO est exprimée dans le phloème des feuilles L’induction de la transcription de FT par CO a donc lieu dans les feuilles La protéine FT peut se déplacer vers le méristème apical caulinaire via le phloème pour induire des facteurs qui reprogramment le méristème pour former une inflorescence plutôt que des feuilles. Le florigène FT ne peut pas être toujours présent puisque la floraison a une temporalité. La production par les cellules compagnes de FT est contrôlée par le facteur de transcriptions CONSTANS. Mais qu’estce qui contrôle CONSTANS ? La longueur du jour ! Notons que ce n’est pas un méristème caulinaire qui devient un méristème florale, c’est une modification du méristème caulinaire qui lui fait produire des tiges latérales plutôt que des feuilles, et dans ces tiges latérales, les méristèmes floraux, où leafy est surexprimé (si on surexprime leafy artificiellement, on a une floraison immédiate, c’est ce qui est souvent fait avec les orangers car normalement les oranger ne produisent pas de fleurs avant 5-6ans, donc on met souvent un transgène dans les orangers qui surexprime leafy et permet d’avoir des fleurs dès 2ans, et LEAFY est spécifique aux plantes et conservé donc transférables entre les espèces de plantes), produisent les fleurs. Le contrôle de CO se fait au niveau de l’ARNm de CO, dont l’expression augmente durant la nuit en raison de l’horloge circadienne de la plante. La protéine CONSTANS ne suit pas ce rythme circadien. Dans des journées courtes, si l’ARNm augmente la nuit et diminue la journée, la protéine CONSTANS reste à un taux stable et bas, et le FT mRNA aussi par conséquent. Il y a une régulation au niveau de la protéine, donnée aussi par la lumière via une ligase d’ubiquitine qui implique comme composant spécifique la protéine COP1, seulement active dans l’obscurité où elle est dans le noyau, et qui cible CO. Quand il fait noir, COP1 dégrade CO. Ceci n’est pas synchronisé avec l’horloge circadienne, mais dépend de l’intensité lumineuse. 110 Daniel Rodriguez - 2019 Ainsi, seulement quand les jours qui deviennent assez long que la protéine de CONTSTANS s’accumule. COP1 interagit avec CONSTANS et induit sa destruction dans l’obscurité. La protéine CONSTANS permet l’expression de FT. Si les jours sont trop courts, alors il n’y a pas d’accumulation de CONSTANS et donc l’expression de FT n’est pas induite. Il n’y a ainsi pas de floraison. Si les jours sont assez long, alors il y accumulation de CONSTANS et donc l’induction de l’expression de FT. Il y a alors floraison ! L’expression du florigen depend de la longueur de la journée !! On a donc 2 inputs : l’horloge circadienne qui gère le mRNA, et la lumière qui contrôle la stabilité de la protéine CONSTANS. Quand les jours sont courts, la production de mRNA et de protéine CO augmente durant la nuit, mais COP1 est trop souvent présent dans le noyau et détruit trop de protéine CO, dont le niveau reste donc en réalité stable et bas. Quand les jours sont longs, COP1 n’est plus assez présent pour dégrader complètement la protéine CO car il y a un moment où le facteur rythme circadien et la luminosité coïncide. Donc l’augmentation de mRNA CO durant la nuit permet l’augmentation réelle cette fois de la protéine CO qui permet l’augmentation du FT mRNA, qui déclenche la floraison. Ps : les abeilles ne sont pas en diminution dans le milieu agricole, mais seulement en milieu sauvage ! Il y a peut-être une concurrence pour les pollinisateurs entre les plantes, qui fait que les plantes décalent leurs périodes de floraisons. Il existe des plantes à jours longs et d’autres à jours courts, car certaines plantes commencent leur phase reproductive seulement si les jours sont assez longs (Arabidopsis), d’autres seulement s’ils sont assez courts (Riz). En effet chez le riz, la situation est inversée : la floraison se fait quand les jours deviennent plus courts ! Ceci est dû à des mutations, avec les Hd1 et Hd3a, des homologues de CO et de FT respectivement, où la relation entre les deux est différentes que celle entre CO et FT. Le mécanisme reste cependant très similaire. Si une plante de riz ne fait pas la floraison, c’est que les journées sont trop longues. Si on regarde un mutant (sélection pour la culture) on trouve exactement le même gène. Si on suit cette expression des deux gènes (voir image) c’est exactement les même que ceux d’Arabidopsis. La seule chose différente c’est que la régulation entre CONSTANS et FT est inversée. Chez le riz, CONSTANS supprime l’expression de FT et c’est pour ça qu’il n’y a pas de floraison durant les journées longues. C’est souvent comme ça que joue l’évolution : un nœud de la cascade moléculaire est changé ce qui change complétement la conséquence finale. CO par lui-même est neutre, il n’est pas capable de changer la production de FT, il s’associe au promoteur de FT et recrute des autres facteurs de transcriptions qui vont modifier l’expression de FT. Chez le riz, Hd1, homologue de CONSTANS, n’est pas un activateur mais un répresseur de Hd3a, 111 Daniel Rodriguez - 2019 l’homologue de FT. Cela signifie qu’on a assez de Hd3a (FT) si on n’a pas la protéine HD1 (CO). Normalement il y a une haute activation de Hd3a qui est supprimé par HD1. Dans les journées courtes, la déstabilisation de HD1 fait que la suppression ne marche plus et que par conséquent il y a plus de Hd3a et donc la floraison a lieu. Comme l’homologue de CO inhibe l’homologue de FT, il n’y a pas de floraison si la longueur des jours est trop longue ! L’influence de l’hiver et de la saisonnalité Pour les plantes se trouvant à l’équateur ou les longueurs des journées sont constantes, il y a des autres adaptations. Mais chez beaucoup des plantes qui vivent dans les climats rythmiques, l’hiver est nécessaire pour la floraison : sans une exposition prolongée de la graine au froid, la plante ne germe pas, même si les conditions environnementales sont optimales. La plante possède une mémoire ! L’exposition au froid nécessaire pour la floraison est appelé « la vernalisation ». La vernalisation empêche la floraison précoce des annuelles d’hiver; ces plantes passent l’hiver en état végétatif et forment leurs fleurs le printemps (les graines se développent directement en phase de croissance, puis attendent de passer l’hiver pour enclencher la floraison). Chaque année, il y a à nos latitudes deux jours qui ont à peu près la même durée (au printemps et en automne), et la plante doit donc réalisé à quel moment de la saisonnalité on se trouve. Il faut donc une deuxième couche épigénétique, qui est la vernalisation, pour les différencier. Ceci se fait le plus souvent par une exposition prolongée de la graine ou de la rosette au froid pour permettre la floraison. La plante peut sentir si elle a passé une certaine période de froid, elle a une sorte de mémoire. La longueur de jour n’est pas suffisante, le passage de froid à chaud est important pour la floraison (alors qu’un passage de chaud à froid inhibe la floraison). La mémoire de saisonnalité des plantes et la vernalisation sont liées à un contrôle épigénétique par le gène FLC (Flowering Locus C), qui est un facteur de transcription régulateur de tous les gènes nécessaires à la floraison. Une expression augmentée de FLC inhibe les gènes nécessaires à la floraison et favorise une croissance uniquement végétative. 112 Daniel Rodriguez - 2019 La désactivation de FLC, nécessaire pour permettra la floraison, ce fait de manière épigénétique par exposition au froid durant laquelle des facteurs environnementaux font une méthylation de régions régulatrices de FLC, ce qui en inhibe la production. Par conséquent, les gènes de floraisons sont activés, permettant une croissance reproductive. Notons que ce contrôle épigénétique est lui-même dépendant de certains gènes qui font que l’expression de FLC diminue durant la vie de la plante. La plante commence avec une haute expression de FLC car à chaque gamétogénèse, l’expression de FLC est « resetée » car il n’y a plus aucune méthylation lors de la gamétogénèse. FLC est donc ensuite progressivement inhibée à mesures que la plante vieilli, ce qui explique que les plantes ne fassent des fleurs qu’après un certain temps. Ainsi, retenons qu’il peut y avoir des modifications directes de l’ADN par méthylation, soit indirectes par les histones. Un gène est clé est FLC et tout plein de facteur extérieur sont intégré de manière quantitatif par FLC (la température, l’humidité, ..). FLC est la cible de ces mécanismes épigénétiques. On peut voir à gauche sur l’image la méthylation graduel de l’ADN ce qui inhibe FLC et ce qui va permettre l’activation de la floraison. Il y a toute une gamme de régulateur car la floraison est très importante pour la plante. Plus spécifiquement, la question de faire une floraison cet été ou l’été prochain est encore liée à d’autres régulateurs, comme FRI frigida, sans lequel il ne peut y avoir d’expression de FLC. 113 Daniel Rodriguez - 2019 11. La défense des plantes Nous récoltons moins que ce que nous pourrions réellement. En effet, entre 20% et 40% des récoltes mondiales sont perdues chaque année à cause des ravages que font les insectes et les maladies. Ainsi, même actuellement avec une forte protection des plantes, une bonne partie des plants sont perdus à cause des pathogènes et de facteurs abiotiques. Les plantes doivent constamment se protéger. Pour se faire, elle change constamment leur génome : leur plus grande variabilité est dans les gènes pour la protection. Par contre, les pathogènes aussi évoluent et donc c’est constamment une guerre pour se défendre ou attaquer. Prenons l’exemple de Striga hermonthica qui est une plante parasite d’Afrique qui va se greffer sur les racines d’une plante hôte et prendre tout le produit de la photosynthèse en finissant par tuer celle-ci. Elle empêche ainsi toute récolte. Ce parasitisme est possible grâce aux strigolactones. Les strigolactones sont des hormones végétales qu'on pense dérivées du métabolisme des caroténoïdes. Leur première découverte s'est faite au milieu des années 1960 avec la découverte d'une hormone induisant la germination. En effet, les strigolactones sont des hormones importantes pour : La germination de certaines plantes La médiation chimique dans les interactions entre plantes et leurs champignons mycorhiziens Le contrôle de la ramification des plantes Cependant, les strigolactones sont également être impliquées dans certaines formes de parasitisme, par attraction de ces parasites comme notre Striga hermonthica. Afin de se défendre, les plantes possèdent une immunité de base : un système immunitaire qui reconnait les pathogènes. 114 Daniel Rodriguez - 2019 Système immunitaire contre les ARN viraux Quand une plante est attaquée par une infection virale, la partie âgée est nécrosée (car la plante réagit aux infections par un suicide local) alors que la partie neuve ne présente pas les symptômes comme on peut le voir sur l’image. En fait, ces nouvelles feuilles ont été produites après l’infection. De plus, si on extrait les virus des parties basses et qu’on essaye d’infecter les parties neuves rien ne se passe. Ainsi, on peut en conclure que non seulement la plante a tué le virus mais elle est aussi devenue immune ! Mais comment est-ce possible ? La régulation au niveau de l’ARN fut une découverte inattendue faite dans le monde végétale, bien qu’elle existe aussi chez les animaux. C’est que les plantes ont un système immunitaire différent des animaux mais efficace pour faire face à la multitude de leurs agressions/infections. Un système de détection de bactéries à la surface des feuilles fait office d’immunité de base, existant aussi chez les animaux et l’homme. Lors d’une infection virale apparait un ARN viral simple brin. Une RNA-dependante RNA polymérase produit un double brin d’ARN viral à partir de la matrice d’ARN viral. L’enzyme DICER va ensuite casse le double brin d’ARN en petites pièces d’une vingtaine de nucléotides pour des raisons de mobilité, formant des « small interfering RNA » ou « siRNA ». Les morceaux d’ARN n’ont alors plus aucune fonction viral. Suite à la dégradation, le brin produit de siRNA se lie à un RNA-induced silencing complex RISC, qui va chercher de grands ARN viraux simples brins ayant des régions de complémentarité parfaite avec les brins-matrice siRNA. La plante a donc une machine (RISC + siRNA) capable de reconnaître le nouvel ARN viral intrus et d’initier sa dégradation par une RNA nucléase qui est un composant du RISC, ce qui empêche l’accumulation d’ARN viral lors d’infections secondaires. En d’autres termes, on a d’abord un processus d’amplification puis RISC reconnait les petits morceaux d’ARN. Il est capable de sépare les deux brins et de jeter le brin matrice (viral). Il est ensuite chargé avec le brin complémentaire et scanne la cellule pour trouver l’ARN viral comme il complémente son brin et ensuite les détruit Notons que les siRNA, en raison de leur petite taille, sont mobiles et peuvent quitter la cellule et se déplacer dans la plante par le système vasculaire (utilisent un complexe pour se déplacer ou les plasmodesmes), ainsi les nouvelles feuilles formées sont déjà aptes à combattre l’ARN viral avant même la fin de leur développant. 115 Daniel Rodriguez - 2019 Mécanisme endogène Notons que la dégradation cible d’ARN est un mécanisme endogène à la plante, aussi utilisé par la cellule pour l’expression de ses propres gènes et utilisée sur des ADN également. L’enzyme DICER peut en effet accepter différents types de matrices au début, issues de la réplication virale, du transcripte d’un transgène, ou d’un transcritpte self-complementary. À chaque fois, cela résulte en la formation de petits ARN utilisés comme matrice de reconnaissance par RISC. Il y a différents mécanismes endogènes, certain autorégulateur, d’autres xenorégulateurs. Dans la cellule, il y a une certaine redondance dans l’expression du gène DICER, plusieurs gènes étant présent pour plusieurs types de DICER. La jasmonate De la même manière que si nous tombons gravement malade nous ne pouvons plus bouger de notre lit, les plantes qui sont infectées sérieusement arrêtent toute activité comme la croissance ou la reproduction. Les jasmonates font partie du groupe des phytohormones. Leur rôle est de réguler la croissance et le développement de la plante. Le niveau de JA d'une plante varie en fonction du tissu et du type cellulaire, du stade de développement et des réponses à divers stimuli environnementaux. Des taux élevés de JA sont trouvés au niveau des fleurs et des tissus du péricarpe lors du développement des tissus reproducteurs, ainsi que dans les chloroplastes des plantes ensoleillées; les taux de JA augmentent aussi rapidement en réponse à des perturbations mécaniques, telles que l'enroulement des vrilles ou des blessures de la plante. Les jasmonates sont formée à partir des membranes lipidiques (issues de la voie de biosynthèse des acides gras) puis se déplacent dans le noyau afin de protéger la plante. Ce mécanisme se produit très vite pour que la plante puisse répondre en tout temps et rapidement à une attaque. En effet, elles sont toxiques et permettent ainsi de défendre la plante ! Notons que si une plante est mutante pour une des étapes que l’on voit si contre, elle ne produit pas de jasmonate et sera relativement exposé aux attaques des pathogènes et insectes. Ainsi, si une plante WT est attaquée par 4 chenilles, certaines feuilles seront partiellement détruites (les chenilles se nourrissent d’un minimum de feuille contenant des jasmonates mais ne mange pas toutes la plante) mais si c’est une plante mutante pour l’étape AOS ou AOC de la formation des jasmonates qui se fait attaquer, alors les chenilles mangent toutes les feuilles (et prennent beaucoup de poids). Notons quelque chose d’important pour la suite : lors de l’attaque de la plante WT, certaines feuilles sont restées INTACTE. Cela signifie que certaines feuilles ne sont même pas touchées par les chenilles. Mais pourquoi ? 116 Daniel Rodriguez - 2019 En fait, les feuilles les mieux protégées sont celles qui ont une connexion vasculaire directe avec les feuilles qui ont été attaquées ! En effet, on a une signalisation systémique de jasmonate qui suit les connections vasculaires. Ainsi, si une chenille attaque la feuille 8 sur le schéma (pas forcément une chenille, une grosse blessure déclenche aussi le mécanisme de réponse), alors la feuille 13 va recevoir un signal lui indiquant de former des jasmonates. Elle sera alors prête à subir l’attaque de la chenille et à se protéger. Mais comment la signalisation est faite ? Pour tester ça, on met une chenille dans une boîte fermée mais qui contient une des feuilles de la plante, on place également des électrodes sur les feuilles adjacentes et on constate qu’après environ 10 minutes il y a un potentiel électrique et le déclenchement de la production de jasmonate dans toutes les feuilles directement connectées. Ce système ne marche pas contre l’attaque des grands herbivores mais est très efficace contre les petits pathogènes. 117 Daniel Rodriguez - 2019 12. Domestication des gènes Les Gibbérellines La gibbérelline est une hormone également importante pour le développement, en particulier pour la taille de la plante. Elle fut découverte via une maladie du riz infecté par un champignon, Gibberella fujikuroi, qui produit des Gibbérellines et où il y a un allongement exhaustif des entrenœuds des tiges. Souvent dans la nature, les pathogènes utilisent les facteurs endogènes de la plante pour manipuler la plante. Si le champignon produit un excès de gibbérelline, la plante en produit aussi de façon endogène (de même, certains pathogènes peuvent produire de l’auxine est ainsi manipuler la plante). Il existe en fait beaucoup de différentes gibbérellines dans la plantes (>80 connues), qui ont en commun une structure de base de 19 à 20 atomes de carbones, mais seulement quelques-uns sont biologiquement actives. Une croissance exagérée de la plante est néfaste pour la plante car généralement les tiges sont minces et fragiles, avec peu de feuilles et de fleurs. La gibbérelline contrôle naturellement l’allongement des cellules et des entre-nœuds. Elle est influencée positivement par l’auxine. Une augmentation du taux de GA provoque l’élongation des entrenœuds. Une diminution du taux de gibbérelline diminue la taille de la plante car les cellules sont plus courtes (il n’y a pas moins de cellules). Sous l’action de la gibbérelline, les cellules de la tige peuvent s’allonger de plus de 20x (de 20 à 400 microns) rien qu’en allongeant la taille des cellules. Ainsi, un arbre plus petit n’est pas forcément plus jeune qu’un autre dans une forêt. C’est peut-être juste mauvaise condition comme un manque de lumière, donc ces plantes attendent pendant des décennies qu’une ouverture se fasse autour d’elle, typiquement après un orage qui écartèle des arbres, alors les petits arbres vont induire un allongement dramatique par la gibbérelline, avec un gain de dizaines de mètres en quelques années. Notons qu’à l’inverse une augmentation du catabolisme des gibbérellines induit un phénotype nain. On peut modifier ca artificiellement, soit en variant directement le taux de gibbérellines comme le fait le champignon, soit via des enzymes. Les bonzaïs japonais sont souvent de mutants sans gibbérellines. Impact sur nos cultures Ce type de réponse à un impact important sur nos cultures. Chaque civilisation est basée sur une culture (blé en Egypte, Méso-Amérique au maïs, ...). C’est la transition agriculturale au néolithique qui permet d’avoir assez a mangé pour bâtir une civilisation. On a trouvé dans les tombes égyptiennes des 118 Daniel Rodriguez - 2019 graines de blé et des documentations/peintures attestant de cultures. À leur époque, et jusqu’à récemment, le blé était beaucoup plus haut, à la hauteur de l’homme, car c’est ainsi que le blé été cultivé. Le blé moderne fut amené par la révolution verte de Norman Borlaug et son équipe, qui a développé dans les années 1960 une variété de blé de haute performance avec une résistance élevée contre les influences néfastes du temps. Pour ses variétés, il utilisa sa découverte d’une plante naine japonaise qui était moins performante mais beaucoup plus robuste que le blé normal, car la plante étant moins haute, la tige est plus épaisse et avec moins de tiges axillaires, et la plante met plus de biomasse dans les graines et forme des inflorescences plus denses. On a donc un meilleur rendement agricole car un rapport plus avantageux de la biomasse des graines par rapport à la biomasse des feuilles et tiges. En plus, le blé nain japonais est plus résistant au « longing » (normalement, si les cultures touchent le sol, elles sont mouillées, des champignons infectent les graines et on peut les jetées. Avec les anciennes cultures de 2 mètres, le vent permet facilement aux graines de toucher le sol et donc entraine des pertes). Il a donc pris la variété japonaise, un mutant pas très utilisé en tant que tel car il faut adapter les cultures aux conditions locales (floraisons, luminosité, humidité, maladies, locales....). Il a alors croisé la variété japonaise avec d’autres variétés, les meilleures variétés de blé à haute performances, dans un institut de recherche au Mexique, ce qui dura quelques années et beaucoup de génétique, mais il a finalement réussis à produire toute une variété de blé nain à haute performances adapté à différents endroit, qu’il a donc distribué sur la planète, et avec comme conséquence une augmentation très notable des rendements (augmentation du rendement des graines mais surtout diminution des pertes. Les pertes sont le problème majeur de l’agriculture, à hauteur de 30% de toutes les cultures aujourd’hui, via maladies, intempéries, ...). C’est cette introduction de variété de blé à haute performance qu’on appelle la révolution verte. Ce blé nourrit aussi les européens aujourd’hui, en combinaison avec la mécanisation, la culture a l’engrais, … qui a fait la révolution verte. Mais il y a donc une raison génétique sur l’existence de telles variétés, découvertes via Arabidopsis, où les mutants gibberilic acid insensitiv (gai) sont nains à cause d’une croissance en longueur diminuée car la perception de la gibbérelline ne marche plus. Chez ces formes mutantes gai, l’interaction entre la protéines GAI et l’intermédiaire est dérangées, et en conséquence la forme mutante de GAI n’est jamais dégradée efficacement, donc la croissance en longueur est toujours plus ou moins inhibée, ce qui donne la plante à stature naine. La même forme mutante des gènes homologues de GAI est trouvée chez les autres cultures de stature naine. Si les protéines percevant les gibbérellines sont affectées, on a une stature naine. C’est une certaine région dans la protéine GAI qui est nécessaire pour sa dégradation en présence de gibbérelline qui est mutée. Cette mutation, appelée DELLA, stabilise la protéine GAI dont la présence maintenue supprime l’élongation. 119 Daniel Rodriguez - 2019 La voie de signalisation de la gibbérelline est encore liée, comme pour l’auxine et l’acide jasmonique, au protéasome. Une concentration faible intracellulaire de gibbérelline n’a pas d’effet sur l’intermédiaire multimérique, donc DELLA reste lié et continu d’inhiber l’activateur de la réponse à la gibbérelline, PIF3/4. Une haute concentration de gibbérellines permet la liaison à l’intermédiaire multimérique, qui ubiquitine DELLA et l’envoi se faire dégrader au protéasome 26s. La destruction de l’inhibiteur lève l’inhibition sur PIF3/4, et cet activateur peut désormais lancer la réponse à la gibbérelline et donc l’élongation cellulaire. Dans les mutants DELLA, la protéine DELLA n’est jamais reconnu car stable. L’inhibition de PIF3/4 est donc constante et la plante reste naine. 120 Daniel Rodriguez - 2019 13. Les cultures : performantes, délicieuses et … artificielles Les plantes en général ne veulent pas être mangées. Des mutations arrivent de manières spontanées. Certaines peuvent changer le génome de manières dramatiques, certaines peuvent être avantageuses pour la plante. Ainsi, la plupart des métabolismes secondaires des plantes sont des mécanismes de défenses. Les plantes sauvages sont le plus souvent au moins partiellement toxiques. Les fruits font souvent exceptions, car ils sont spécifiquement produits par les plantes dans le but d’être consommés afin d’assister à la transmission des graines. Mais les plantes, en soi, se défendent, le plus souvent chimiquement, ce qui demande du travaille pour l’organisme consommateur afin de détoxifier les plantes. Dans notre histoire, nous avons sélectionné, hybridé et cloné les plantes dans le but de les cultiver et de les manger, à tel point que les plantes de cultures sont très souvent extrêmement éloignés des plantes sauvages, pour lesquelles il n’y a pas d’intérêt à ce que toutes les ressources soient misent dans la production des graines, alors que c’est ce que nos ancêtre ont sélectionnés de manières plus ou moins ciblées. Il y a assez de mutant spontané dans la nature pour qu’en les identifiant, les protégeant et les croisant artificiellement, on puisse obtenir des plantes aux performances très fortes dans un milieu agricole protégé. Mais la plupart des mutations conservées par l’homme ne sont pas avantageuses pour la plante sauvage et ne se retrouverais pas dans la nature. Il faut parfois cloner les plantes pour les cultiver afin de ne pas perdre les traits génétiques que l’on considère intéressants, comme c’est le cas pour le peuplier domestique. Ci-dessous nous pouvons voir différents exemples de plantes domestiquées. On peut citer la tomate dont la forme WT n’est pas plus grande qu’une framboise ou encore le grapefruit où différente mutation existe pour les rendre plus ou moins tendre, juteuse, … (comme par exemple la mutation RUBIT). Tous les fruits que l’on consomme aujourd’hui sont artificiels et on subit des milliers d’années de sélection fait par l’homme pour arriver à ces phénotypes. Le processus de domestication a commencé il y a au moins 15’000 ans. La plus ancienne domestication, découverte par génomique, est le chien. Mais il y a beaucoup d’exemples variés de domestications. Par exemples, tous les choux quasiment (Bruxelles, brocoli, chou blanc, chou romanesco, ...) appartiennent initialement à la même espèce sélectionnée artificiellement à partir de Brassica oleracea afin de produire une grande variété de chou. Chaque variété de culture est un mutant spécial. Si on sélectionne pour les boutons terminaux on obtient un chou vert, pour les boutons latéraux des choux de Bruxelles, pour les sépales des brocolis, pour les fleurs des choux-fleurs, ... Pour conserver ces variétés, il faut les reproduire de manière végétative. 121 Daniel Rodriguez - 2019 Il y a aussi bcp d’hybrides, souvent fertiles (font des fruits mais pas d’embryon). Bcp de fruits qu’on consomme issu de l’hybridation doivent être maintenu par génération continue. Autre exemple de mutation spontanée : la couleur rose des grapefruits, une mutation plutôt récente. Et on a encore le phénomène du clonage qui permet de rependre les mutants comme on avait vu avec les peupliers. Parfois c’est une seule mutation, parfois c’est plusieurs mutations, parfois on sait lesquels, parfois pas... Par exemple, chez Arabidopsis (et homologue chez le chou-fleur), les doubles mutations apetala et cauliflower font la génération de fleur de manière indifférenciée et continue, avec des fleurs au sein de fleurs, et ainsi donne l’aspect du chou-fleur. Pareillement, ce sont des mutations dans FT qui ont donné naissance à la betterave moderne avec une racine extrophiée. Mais le plus souvent, on a aucune idée de quel est vraiment LA mutation ou LES gènes exacts qui ont été sélectionnés (la plupart des plantes sont issues de millénaires de sélection artificielles.... et les génomes des plantes sont souvent très très complexes). Origine du maïs L’exemple qu’on a le mieux compris est le maïs, qui vient du Méso-Amérique (Mexico), à la base de la culture des Olmèques puis des Aztèques et Incas. C’est le téosinte qui est la plante d’origine du maïs moderne. C’est la même espèce, on peut faire un croisement et on a une descendance normale fertile. Mais leurs apparences sont très divergentes. Le téosinte est assez dure à faire pousser et atteints des hauteurs gigantesques (jusqu’à 4 mètres de hauteur) et nécessite des journées de moins de 10h en été pour faire la floraison (les journées les plus courtes sont en été aux latitudes mexicaines). Notons que Teosinte est un mot aztèque (nahuatl) pour désigner le « grain de dieu », formant un épi de 4-10 graines. Les graines sont rigides er carapacées. Pour manger l’embryon et l’albumen nutritif, il faut les ouvrir avec un outil. Mais les Aztèques faisaient déjà de la sélection artificielle à l’époque ! Ils avaient trouvé des mutants spontanés qu’ils ont favorisés, le « maïs primitif », dont on a trouvé de traces paléontologiques dans la vallée de Tehuacan datant de 3’500ans. Parmi les mutations, les épis avaient des inflorescences plus grandes, donc plus de graines, de tailles similaires mais moins carapacées (plus besoins d’outils). La domestication de Téosinte a donc commencé il y a plus de 3’000 ans, puis il y a 2’500 ans on a eu le mais primitif, amélioré par sélection humaine, puis vers 500 ans avec la découverte européenne des Amériques, le « maïs moderne » où l’épi a grandi de taille pour passer de quelques centimètres à 1520cm. 122 Daniel Rodriguez - 2019 On a découvert que c’est une combinaison de variantes particulières de 6 mutations homozygotes qui furent sélectionnées par l’homme pour passer du Téosinte au maïs moderne. On en connait 3 des 6 : une mutation pour réduire le nombre de branches latérales, une pour rendre la carapace des graines douces, et une mutation pour avoir plusieurs filières de graines. Rappelons bien que les cultures modernes sont adaptées à l’homme. Ces plantes ont besoin d’être gérées, elles ont besoin d’un espace sans compétition, sinon elles ne survivent pas. Si on met du blé sur un champ et on ne s’en occupe pas, il n’y a presque pas de blé qui pousse car ce n’est pas une plante assez compétitive. Et il faut aussi protéger les plantes des pathogènes (les champignons sont les menaces les plus ravageuses de l’agriculture, avec 30% de pertes globales). Notons encore que la sélection artificielle doit être continue : si on stoppe la sélection artificielle, alors les mutations vont se disperser dans la population et on va les perdre (vu qu’elles sont doubles homozygotes le plus souvent). Mais on perd ainsi beaucoup de la variété génétique présente dans la plante sauvage, dont les résistances contre les maladies sont très dépendantes. On peut voir ce genre de problème dans un cas hypothétique mais réaliste : Un certain nombre de pathogènes, en particulier lié aux insectes, sont dépendants aux climats (typiquement, il leur faut un climat méditerranéen, et ils ne peuvent survivre même en climat tempéré). Or le réchauffement change le climat. Grace à cela, on le sait aujourd’hui, des pathogènes ont pu ainsi traverser les Alpes. Alors que l’habitat normal d’un certain pathogènes était le moyen orient (là d’où viennent la plupart de nos cultures via le croissant fertile, les autres surtout d’Amérique centrale), le transfert des plantes cultivés dans un climat différent fut fait par migration de populations, ce qui amène à la nécessité d’avoir des mutations additionnelles pour les adaptations locales. Ceci entraines des pertes d’allèles qui ne sont plus nécessaires, notamment la résistance contre un pathogène qui lui n’a pas migré (car pas de pression de sélection). On a donc ainsi des variétés adaptées à de nouvelles conditions locales 123 Daniel Rodriguez - 2019 qui ne sont pas résistantes à des pathogènes qui n’ont pas migré. Mais les changements climatiques permettent le retour des pathogènes, qui affectent alors des plantes non résistantes. On pense que l’adaptation locale doit être fournie par 4-6 gènes aussi, donc en tout il y aurait une dizaine de gènes différent entre le Téosinte et la variété européenne. Rendre une espèce adaptée localement résistante à un pathogène ancestral On a essayé ensuite de recréer une culture locale résistante au pathogène ancestrale. Pour cela, on a voulu croiser l’ancêtre du maïs et la culture européenne, qui contient environ 10 gènes mutants homozygotes, afin d’ajouter à la culture européenne susceptible au pathogène Y la résistance présente dans l’ancêtre. Les probabilités d’avoir des descendants qui contiennent les 11 mutations en homozygotes (10 + la résistance) sont 0.25^11 soit 1 plante sur plus de 4 millions. C’est statistiquement peu probable et réellement impossible, car on n’a jamais 4 millions de graines obtenues après croisement... De plus, ces probabilités sont sous conditions optimales, car on part du principe que ce sont 11 gènes indépendants à ségrégation libre, ce qui est peu probable aussi. Mais si on a seulement 2 gènes qui sont proches, genre 10 centimorgan, on peut multiplier le nombre par 5, donc 1 plante pour 20 millions de plantes... Et de plus, on ne sait même pas ce que l’on cherche car on ne connait pas toutes les 11 mutations qu’on veut conserver... Rendre une espèce adaptée localement résistante à un pathogène ancestral De plus, les cultures sur lesquels on dépend le plus sont très spéciales : les 3-4 cultures nourrissant le monde sont le maïs (principalement utilisé pour nourrir les animaux), le blé et le riz. Et le blé est un « freak génétique », une plante hexaploïde qui contient 3 génomes diploïdes différents mais liés : A, B et D. Ces trois génomes sont très semblables, des variétés les uns des autres, avec des chromosomes 124 Daniel Rodriguez - 2019 homologues (pairs) présent en homoeologie (lien relationnel entre les paires analogues des 3 génomes). La raison de ce système vient du fait que le blé est une plante hybride. Il est issu d’abord de l’hybridation spontanées il y a 5.5 millions d’années entre Triticum urartu (AA) et Aegilops speltoides (BB). Des mutations spontanées ont rendu l’hybride viable (ce qui est très rare). Après cette hybridation, comme il y a trop de matériel génétique pour la reproduction, les génomes se réduisent par pertes (dégénérations) et hybridation des génomes, formant un nouveau génome, mosaïque d’AA et BB avec quelques mutations spontanées, et une nouvelle plante : Aegilops tauschii (DD). Bien plus tard (800'000 ans), ces mêmes plantes se sont de nouveau hybridées, mais cette fois il n’y a pas eu de recombinaison-réduction du génome, les deux génomes furent maintenus au complet, formant une plante tétraploïde, le blé dur Triticum turgidum (AABB). Une troisième hybridation, il y a 400’000 ans, entre le blé dure et Aegilops teauschii a eu lieu et de nouveau sans recombinaison-réduction (maintien des génomes). Elle a donné le blé tendre Triticum aestivum, qui est donc hexaploïde (AABBDD). L’absence de recombinaisons entre chromosomes homoéologues est due à une mutation spontanée dans le locus PH1 qui empêche l’accouplement des chromosomes homoéologues durant la méiose, ce qui empêche la dégénération et l’hybridation du génome. Rendre une culture résistante : scénarios La première méthode pour recréer une culture X adapté et résistante au pathogène Y (variante contenant les 10 gènes principaux pour l’adaptation plus le gène de résistance) est, comme on la dit précédemment, le croisement entre l’ancêtre sauvage résistant Y et la culture adaptée sensible X, mais la probabilité n’est pas réaliste. En revanche, si on connait le gène de résistance, un premier scénario « crédible » serait de faire un OGM. Pour rendre résistante une plante, dans le futur, se sera par OGM. Et c’est très contrôlé, et il n’y a pas de risque majeur. Savoir d’où vient la résistance ou comment on l’introduit dans la plante n’a aucune importance, au niveau pratique, c’est le produit qui est important. 125 Daniel Rodriguez - 2019 Dans ce scénario, une fois que l’on a identifié le gène de résistance à Y, on pourra l’introduire directement dans la culture X adaptée pour la rendre résistante de manière rapide, contrôlée et efficace. Un deuxième scénario pour rendre une plante résistante consiste à désactiver certains gènes de manière ciblée. En effet, beaucoup de plantes sont susceptibles à un pathogènes parce que le pathogène peut reconnaitre des éléments génétiquement produits la plante. Typiquement, un certain champignon pathogène, l’oïdium, reconnait une protéine du blé, le récepteur MLO dans les plasmodesmes, qui indique au champignon qu’il y a du blé à proximité. Cacher cette protéine permet de rendre le blé résistant. Ici, si on désactive les gènes MLO du blé, le champignon ne sait pas qu’il est en contact avec du blé et ne va pas l’attaquer. Maintenant, le problème du blé est que c’est un hexaploïde donc il est peu probable d’avoir une mutation naturelle sur les 6 chromosomes. Il faudrait d’en l’idéal avoir les 6 copies désactivées, soit 3 mutants homozygotes... La technique du futur, celle déjà pratiquée en Chine, est CRISPR/Cas9., un système immunitaire bactérien transformé en outil de biotechnologie. Il fait partie du système de défense de certaines bactéries contre les phages, qui s’en défende en modifiant localement et précisément le génome du virus. On peut donc utiliser ce système reprogrammé pour faire des mutations locales par génie génétique indifférenciables des mutations naturelles spontanées. Chez les plantes, c’est surtout pour désactiver les gènes (chez les plantes, contrairement aux animaux, remplacer un gène par un autre marche pas vraiment bien). Il suffit de créer un guide artificiel d’ARN hybridant 20bp de l’ADN cible à muter, cet ARN modifié et associé à Cas9 permettant de cibler précisément un endroit à modifié dans le génome. CAS9 va alors casser le double brin d’ADN cible au niveau localisé par l’ARN guide via des séquences PAM adjacentes, et la réparation de l’ADN double brin peut être utilisée pour inactiver le gène ou remplacer des codons spécifiquement. Grace à CRISPR, les 3 gènes MLO homoéologues responsables de l’identification du blé par le champignon furent ciblé simultanément et désactivé par insertion prématurée de codon STOP, et ça marche. Il faudra peut-être 20 ans pour que le champignon trouve une nouvelle faille d’infection ! La plante est donc (temporairement) devenue résistante. Allant plus loin mais avec le même principe, en Espagne, des scientifiques ont en labo créé un blé complètement sans gluten en supprimant individuellement tous les gènes de production du gluten. Il est important de réaliser que les maladies des plantes et cultures sont un problème très réel, contre lequel on essaye de lutter avec ces techniques. Par exemple, comme le seigle, B.g. secalis, est résistant au mildiou, des breeders ont voulu faire un croisement seigle-blé. Cette hybride artificiel, le Triticale B. g. triticale, fut créer et est élevé dans les régions où le Mildiou est très présent. Mais cela ne marche que durant un certain temps car un pathogène du seigle, relié à un pathogène du blé, s’est hybridé spontanément avec ce dernier et l’hybride peut infecter le Triticale. Cela n’a pris que 50 ans pour qu’un nouveau pathogène se développe contre la variété résistante. Il y a donc une course à l’armement constante entre pathogènes et variétés résistante. 126 Daniel Rodriguez - 2019 Notons bien que la méthode CRISPR/Cas9 va probablement révolutionner notre manière de faire de l’agriculture. Elle sert déjà pour rendre des plants de banane résistants à certains virus et servira encore pour sauver des millions de vie. 127