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laadhar2007

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La Revue de médecine interne 28 (2007) 531–536
http://france.elsevier.com/direct/REVMED/
Mise au point
Physiopathologie de l’arthrose. Du cartilage normal au cartilage arthrosique :
facteurs de prédisposition et mécanismes inflammatoires
Physiopathology of osteoarthritis. From normal cartilage to osteoarthritic
cartilage: susceptibility factors and inflammatory mechanisms
L. Laadhara,*, M. Zitounia, M. Kalle-Sellamia, M. Mahjouba, S. Sellamib, S. Maknia
a
Laboratoire d’immunologie, hôpital La Rabta, 1007 Tunis, Tunisie
b
Service de rhumatologie, hôpital La Rabta, 1007 Tunis, Tunisie
Reçu le 8 août 2006 ; accepté le 15 janvier 2007
Disponible sur internet le 07 février 2007
Résumé
Introduction. – L’arthrose est la maladie articulaire la plus commune dans le monde. Avec le vieillissement progressif de la population, elle
devient un problème majeur de santé publique. Il s’agit d’une affection dégénérative caractérisée par un ensemble de désordres aboutissant à un
défaut structural et fonctionnel d’une ou de plusieurs articulations.
Actualités et points forts. – Dans cette revue, nous nous intéressons aux principaux mécanismes inflammatoires touchant le cartilage articulaire au cours de l’arthrose primaire. Nous présentons aussi quelques facteurs de prédisposition dont l’implication dans la pathogenèse de cette
maladie a été formellement établie tel que l’âge, la surcharge pondérale ou les facteurs génétiques. En effet, l’arthrose est le résultat d’un déséquilibre entre les processus de dégradation et les tentatives de réparation élaborées par le chondrocyte qui est le seul type cellulaire présent au
niveau du cartilage. Les phénomènes de dégradation observés sont le résultat de l’action de plusieurs substances chimiques telles que des enzymes protéolytiques (les métalloprotéases) et des cytokines pro-inflammatoires essentiellement représentées par l’interleukine 1β. Face à ces processus de dégradation, le chondrocyte va entamer des tentatives de réparation en secrétant des facteurs de croissance (transforming growth factor
et insulin growth factor) ou des cytokines à action anti-inflammatoire (interleukines 4 et 10) mais n’arrive pas à contrecarrer la réponse catabolique aboutissant aux modifications observées au niveau du cartilage arthrosique.
Perspectives. – Une meilleure compréhension de la physiopathologie de l’arthrose permettra une meilleure prise en charge de cette maladie
fréquente et invalidante.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Introduction. – osteoarthritis is the most prevalent form of arthritis in the world. With the progressive ageing of the population, it becomes a
major problem of public health. Osteoarthritis is a degenerative affection characterized by many disorders leading to a structural and functional
defect of one or several joints.
Current knowledge and key points. – In this review, we focus on the main inflammatory mechanisms occurring in cartilage during primary
osteoarthritis. We also describe some well established risk factors involved in the pathogenesis of this disease such as age, overload and genetic
factors. Indeed, osteoarthritis is the result of an imbalance between the processes of degradation and the attempts of repair by the chondrocyte
which is the exclusive cell type in cartilage. Degradation is induced by several chemical substances such as proteolytic enzymes (metalloproteinases) and pro-inflammatory cytokines especially interleukin 1β. To face these events, the chondrocyte starts attempts of repair by secreting
growth factors (Transforming Growth Factor and Insulin Growth Factor) or anti-inflammatory cytokines (interleukins 4 and 10) unsuccessfully.
All these events will lead to the structural modifications observed in the osteoarthritic cartilage.
* Auteur
correspondant.
Adresse e-mail : lilia_laadhar@yahoo.com (L. Laadhar).
0248-8663/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.revmed.2007.01.012
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L. Laadhar et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 531–536
Prospects. – A better comprehension of the physiopathology of osteoarthritis will allow an improvement of therapeutic strategies of this
common and invalidating disease.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Arthrose ; Chondrocyte ; Cytokines ; Inflammation
Keywords: Osteoarthritis; Chondrocyte; Cytokines; Inflammation
1. Introduction
L’arthrose, dont la prévalence varie d’un pays à l’autre, est
la maladie articulaire la plus commune et avoisine les 80 %
chez les Américains âgés de plus de 65 ans [1]. Avec le vieillissement progressif de la population, elle devient un problème
majeur de santé publique. Il s’agit d’une affection dégénérative
caractérisée par un ensemble de désordres aboutissant à un
défaut structural et fonctionnel d’une ou de plusieurs articulations. C’est une altération lente du cartilage s’accompagnant de
modifications morphologiques représentées par le pincement
de l’interligne articulaire, les ostéophytes et la sclérose sous
chondrale.
Longtemps considérée comme une maladie du cartilage,
l’arthrose est actuellement définie par une atteinte de toute
l’articulation incluant en plus du cartilage, l’os sous chondral,
les ligaments, les muscles périarticulaires, la capsule et la synoviale [2,3].
L’arthrose est classiquement subdivisée en arthrose primaire
(ou idiopathique) et arthrose secondaire. Dans les deux cas, de
multiples facteurs peuvent contribuer à la pathogenèse et à la
progression de la maladie.
Dans un souci de synthèse et non d’exhaustivité, nous nous
intéresserons dans cette revue aux principaux processus inflammatoires touchant le cartilage articulaire au cours de l’arthrose
primaire. Nous commencerons par décrire le cartilage normal
et le cartilage arthrosique puis nous présenterons quelques facteurs de prédisposition dont l’implication dans la pathogenèse
de cette maladie a été formellement établie. Nous terminerons
par expliquer les divers mécanismes physiopathologiques
aboutissant à l’arthrose.
2. Caractéristiques générales du cartilage normal
Macroscopiquement, le cartilage articulaire normal est un
tissu blanc, brillant, discrètement translucide, d’épaisseur
variant de 2 à 7 mm. Sur le plan histologique, il s’agit d’un
tissu conjonctif avasculaire non innervé composé d’une matrice
extracellulaire et d’un seul type cellulaire : les chondrocytes.
La matrice extracellulaire est principalement formée d’eau
(70 à 80 %), le reste étant constitué par un réseau de fibres
collagènes rigides essentiellement de type II au sein duquel
sont emprisonnées des molécules très hydrophiles : les protéoglycanes. Les chondrocytes ne représentent que 3 % du poids
total du cartilage [4].
En raison de sa richesse en eau, le cartilage joue le rôle
d’une véritable « éponge » et donc d’un bon amortisseur des
chocs qui assure des capacités à la fois de résistance et d’élasticité.
À l’état physiologique, le cartilage est un tissu extrêmement
quiescent, dont les cellules se divisent très peu. Le renouvellement est quasi nul pour les fibres de collagène et prend plusieurs centaines de jours pour les protéoglycanes [4]. Les chondrocytes sont des cellules hautement différenciées qui sont
responsables de l’homéostasie de la matrice en assurant à eux
seuls la synthèse et la dégradation de tous les composants du
cartilage grâce à des capacités à la fois anaboliques et cataboliques.
3. Caractéristiques générales du cartilage arthrosique
Lorsqu’il devient arthrosique, le cartilage brunit et disparaît
dans certaines zones laissant entrevoir l’os sous chondral. Histologiquement, il devient fibrillaire voire fissuré avec diminution du nombre des cellules et perte de leur agencement [5].
Les chondrocytes présentent des phénotypes très variés passant
d’une cellule totalement dédifférenciée proche du fibroblaste à
une autre hyperdifférenciée aboutissant parfois à la mort cellulaire par apoptose. Cela a amené certains auteurs à parler de
« transdifférenciation » du chondrocyte au cours de l’arthrose
[6].
Parallèlement, la quantité en eau diminue et l’effet éponge
disparaît expliquant l’altération du rôle biomécanique du cartilage. Les chondrocytes commencent à produire en excès de la
fibronectine et des collagènes fibrillaires de type I et III normalement non exprimés dans un cartilage sain [7]. Le renouvellement des protéoglycanes augmente et s’accompagne de l’apparition de molécules de plus petite taille. Un dérèglement du
comportement du chondrocyte s’installe progressivement avec
pour conséquence la survenue d’un déséquilibre entre synthèse
et dégradation des composants de la matrice [8]. Les modifications, à la fois qualitatives et quantitatives de la matrice, qui
résultent de ce déséquilibre, vont petit à petit diminuer les
capacités de résistance du cartilage aux forces auxquelles il
est soumis. Cela va se traduire par un amincissement des couches du cartilage qui va finir par disparaître. Par ailleurs, il
existe une condensation de l’os sous chondral qui traduit des
remaniements du métabolisme osseux. Cette ostéocondensation
contribue à diminuer les capacités d’absorption des chocs auxquels l’articulation est soumise. La production d’excroissances
osseuses aux marges de l’articulation (ostéophytes) pourrait
correspondre à une tentative de réparation aberrante sous l’effet
de facteurs de croissance produits localement. Enfin, la membrane synoviale est sujette à des épisodes d’inflammation a
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minima qui se traduisent cliniquement par la présence d’un
épanchement intra-articulaire.
4. Facteurs de prédisposition
Les facteurs de prédisposition à l’arthrose sont connus
depuis longtemps mais leur degré d’implication dans la genèse
du processus arthrosique n’est connu que pour certains d’entre
eux.
4.1. Âge
L’âge semble être le facteur le plus incriminé puisque plus
de 80 % des patients sont âgés de plus que 65 ans [1]. Plusieurs
auteurs ont essayé de trouver un lien entre le vieillissement et
l’arthrose. Looser et al. [9] postulent que des facteurs liés à
l’âge comme le changement des fonctions tissulaires et cellulaires, la sarcopénie, la perte de la proprioception et l’augmentation de la laxité vont entraîner un vieillissement musculosquelettique qui sous l’action d’autres facteurs comme
l’obésité ou les traumatismes articulaires et sur un terrain génétique particulier vont aboutir à l’installation de l’arthrose.
Le cartilage du sujet âgé est caractérisé par une accumulation au niveau de la matrice extracellulaire de protéines ayant
subi une glycosylation spontanée non enzymatique appelée
AGE, pour « advanced glycation and products ». Cette modification post-traductionnelle est irréversible expliquant l’accumulation de ces molécules avec l’âge. Ces AGE modifient la
structure du cartilage vieillissant et peuvent interférer avec
l’action des différentes enzymes [10]. Il a récemment été montré que le chondrocyte exprimait des récepteurs pour les AGE
et que l’engagement de ces récepteurs entraînait l’activation de
la synthèse de certaines enzymes impliquées dans la dégradation du cartilage au cours de l’arthrose [11].
Il est intéressant de rappeler que même si le cartilage du
sujet âgé est différent de celui du sujet jeune, il reste néanmoins très différent du cartilage arthrosique. Le cartilage vieillissant, bien qu’il ait une forte proportion en AGE, une faible
teneur en eau, des protéoglycanes de plus petite taille et des
chaînes glucidiques plus courtes conserve son équilibre de
maintien de la matrice. Ce cartilage fragilisé n’est plus capable
de répondre correctement aux diverses agressions et ferait le lit
de l’arthrose [12]. D’ailleurs, certains auteurs pensent que
l’arthrose est un phénomène de sénescence accélérée du cartilage et avancent même le terme de « maladie d’Alzheimer du
chondrocyte » [13].
4.2. Facteurs mécaniques
Les différentes études aussi bien cliniques que de modèles
animaux ont démontré l’implication des facteurs mécaniques
(obésité, instabilité articulaire, hyperpression…) dans l’initiation et/ou la perpétuation des lésions de l’arthrose. Il a été par
exemple rapporté dans l’étude américaine de Framingham
qu’un surpoids de 5 kg augmentait le risque de survenue
d’arthrose de 40 % [14].
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Il est connu depuis longtemps que le stress mécanique
entraîne des modifications de la structure et de la qualité de
la matrice extracellulaire : changement de la pression hydrostatique, diminution de la quantité d’eau, diminution du pH, variation de l’osmolarité. Ces modifications de l’environnement
interagissent avec le chondrocyte qui va se comporter d’une
façon anormale. En effet, il a été montré que des pressions
cycliques ou d’étirement exercées sur des chondrocytes en
culture ou des explants de cartilage entraînaient une augmentation des phénomènes cataboliques et une diminution de la
réponse anabolique et que ces effets dépendaient de l’amplitude des forces appliquées sur les cellules [15,16].
Les scientifiques ont très longtemps cherché le récepteur par
lequel le chondrocyte perçoit ce stress mécanique. Depuis quelques années, certains auteurs ont postulé que les α5β1 intégrines seraient les mécanorécepteurs du chondrocyte et ont montré que l’activation de ces récepteurs en interrelation avec les
récepteurs de l’IL4 entraînait une dépolarisation de la membrane et une activation de plusieurs voies intracellulaires aboutissant à la transduction des gènes des agrécanes et des métalloprotéases ainsi qu’une activation de l’apoptose qui
s’observent au cours de l’arthrose [17].
4.3. Facteurs génétiques
Il est bien établi que des mutations touchant des gènes de
protéines impliquées dans l’homéostasie du cartilage sont associées à l’apparition d’arthrose secondaire [18]. Concernant
l’arthrose primaire, l’implication du terrain génétique a été
apportée par des études de jumeaux, qui ont montré que la
part de l’influence génétique variait entre 39 et 74 % selon la
localisation de l’arthrose [19–21]. Depuis, plusieurs régions de
gènes ont été incriminées (régions des gènes de l’IL1, du
récepteur de l’IL4…) [22]. Cependant, à l’heure actuelle
aucune mutation n’a été identifiée comme étant responsable
de l’apparition d’une arthrose primaire.
5. Mécanismes généraux de dégradation et de réparation
du cartilage au cours de l’arthrose
Plusieurs hypothèses ont été émises concernant le premier
mécanisme impliqué dans le déclenchement des divers processus conduisant à l’arthrose. La plupart des auteurs incriminaient une atteinte cartilagineuse suivie d’une condensation
réactionnelle de l’os sous chondral. Actuellement, on ne sait
pas si les phénomènes débutent au niveau du cartilage, de
l’os sous chondral ou de la membrane synoviale. D’ailleurs,
Radin [23] qui avait postulé il y a plus de 30 ans que les
lésions de l’os sous chondral étaient le primum movens de
l’arthrose [23], vient de signaler qu’en fait, le premier mécanisme impliqué dans la physiopathologie de l’arthrose reste
encore inconnu [24].
Il est largement admis que l’arthrose est le résultat d’un
déséquilibre entre les phénomènes de dégradation et les tentatives de réparation élaborées par les différents éléments cellulaires de l’articulation [8]. Suite à une première agression
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d’origine mécanique, chimique, hormonale ou autre, le chondrocyte va réagir en élaborant une première réponse anabolique. Il va augmenter la synthèse des facteurs de croissance,
augmenter le renouvellement des composants matriciels et va
lui-même proliférer entraînant la perpétuation de ce phénomène. Une réponse catabolique vient se surajouter, par
l’augmentation de la synthèse des protéases et des cytokines
pro-inflammatoires. La prolifération excessive des chondrocytes va aboutir à leur dédifférenciation. Ces chondrocytes anormaux vont produire une matrice anormale puis vont mourir par
apoptose, ce qui associée à la dégradation des produits de la
matrice va entraîner la destruction cartilagineuse [25].
5.1. Réponse anabolique
Lors de la première étape de l’arthrose, le chondrocyte va
entamer des tentatives de réparation en secrétant des facteurs
de croissance ou des cytokines à action anti-inflammatoire
[26]. Le TGFβ (transforming growth factor) et l’IGF1 (insulin
growth factor) agissent en synergie en augmentant la synthèse
des produits de la matrice et, notamment les protéoglycanes de
petite taille (trouvés dans le cartilage arthrosique). Ces facteurs
seraient responsables de l’apparition des ostéophytes [27–29].
La concentration de ces facteurs est augmentée dans le liquide
articulaire des malades atteints d’arthrose [30].
Par ailleurs, il existe un autre facteur de croissance, appelé
BMP (bone morphogenetic protein) qui appartient à la famille
du TGF. Cette protéine possède des effets synergiques avec le
TGFβ et semble impliquée dans le maintien de l’état différencié du chondrocyte [31].
5.2. Réponse catabolique
Les phénomènes de dégradation observés sont le résultat de
l’action de plusieurs substances chimiques synthétisées par les
chondrocytes mais aussi par les synoviocytes [32] et les cellules de l’os sous chondral [33]. Ces substances sont essentiellement représentées par des enzymes protéolytiques et des cytokines pro-inflammatoires.
5.2.1. Enzymes protéolytiques
Parmi ces enzymes, les métalloprotéases (MMP) jouent un
rôle clé dans la dégradation des constituants de la matrice.
Elles sont de plusieurs types : les stromélysines, les collagénases et les gélatinases qui dégradent les différents types de collagène ainsi que les protéines non collagéniques [34,35]. Plus
récemment ont été décrites d’autres enzymes appelées
ADAMTS (desintegrin metalloproteinase with thrombospondin motif) qui sont des agrécanases [36] qui semblent être
impliquées aux premiers stades de l’arthrose avant l’augmentation des MMP.
L’action de ces différentes enzymes est régulée par des inhibiteurs naturels appelés « tissue inhibitory of MMP » (TIMP).
Au cours de l’arthrose, il existe une augmentation de la synthèse des MMP [37] et, notamment de la MMP13 [38] suivie
par l’augmentation transitoire des TIMP mais ces derniers
n’arrivent pas à contrecarrer les effets des MMP et leur taux
chute rapidement.
5.2.2. Cytokines pro-inflammatoires
La principale cytokine incriminée au cours de l’arthrose est
l’IL1β (Fig. 1). Elle inhibe la synthèse des composants matriciels tels que le collagène de type II et les protéoglycanes. Par
ailleurs, elle induit la dégradation des composants matriciels en
augmentant l’expression des MMP et des agrécanases [39].
Elle crée ainsi un déséquilibre majeur entre le taux des enzymes et de leurs inhibiteurs naturels en défaveur de ces derniers
[37]. Une partie de cet effet inhibiteur est véhiculée par l’intermédiaire du monoxyde d’azote (NO) dont la production est
stimulée par l’IL1β et dont l’action majeure se traduit par
l’apoptose des chondrocytes [40]. Une autre action de l’IL1β
est d’induire la production de prostaglandines proinflammatoires (notamment la prostaglandine E2 [PGE2] via
l’expression de la phospholipase A2 et de la cyclo-oxygénase-2 [Cox-2] à partir des phospholipides membranaires)
[41]. En effet, il a été montré que le titre de la PGE2 est augmenté dans le cartilage arthrosique et qu’elle est responsable de
la diminution de la prolifération des chondrocytes, voire de
leur apoptose [42].
L’action de l’IL1β est régulée par des inhibiteurs naturels
tels que les récepteurs solubles ou encore le récepteur antagoniste (IL1Ra). Il a été montré que l’IL1Ra était produit en
quantité insuffisante au cours de l’arthrose, comparativement
à la production d’IL1β [32]. La production d’IL1Ra est inhibée
par le NO, ce qui augmente en retour l’activité de l’IL1β [43].
Les cytokines anti-inflammatoires telles que l’IL4 et l’IL10
peuvent contrecarrer l’action de l’IL1β [44] soit directement en
inhibant sa synthèse, soit indirectement en inhibant la synthèse
de la iNOS (NO synthétase inductible) qui est l’enzyme
majeure impliquée dans la production du NO.
Des facteurs de croissance peuvent aussi réguler les actions
de l’IL1, c’est le cas par exemple de l’IGF1 et du TGFβ qui
Fig. 1. IL1 au cœur de la balance entre facteurs anaboliques et cataboliques au
cours de l’arthrose.
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vont augmenter la synthèse des produits matriciels et inhiber
l’apoptose des chondrocytes [45,46].
Le TNFα est aussi une cytokine clé au cours de l’arthrose,
elle agit de façon synergique avec l’IL1β. Son expression ainsi
que celle de ses récepteurs semble être régulée par l’IL1β [39,
41].
D’autres cytokines ont été aussi incriminées telles que l’IL6,
IL17, IL18 et le LIF (leukenine inhibitory factor) qui peuvent
agir en synergie entre elles et avec l’IL1β et le TNFα en augmentant la synthèse des MMP et la libération du NO [47,48].
Les effets des cytokines, notamment l’IL1β et le TNFα sont
médiés par la liaison à des récepteurs membranaires qui
entraîne l’activation de différentes cascades intracellulaires de
phosphorylation essentiellement représentées par les voies
MAP (mitogen-activated protein) kinases et NFκB (nuclear
factor κB). Ces phosphorylations vont provoquer la liaison de
facteurs de transcription sur des promoteurs de gènes entraînant
la transcription de gènes cibles comme celui de certaines
MMP, de l’iNOS ou de la Cox-2 [47].
Il a été montré que la densité en récepteurs de l’IL1β est
plus importante dans les chondrocytes arthrosiques en comparaison avec les chondrocytes normaux d’où une sensibilité plus
importante à l’effet de l’IL1β [41,48].
5.2.3. Le monoxyde d’azote
C’est un gaz libéré par le chondrocyte lors de réactions
d’oxydation sous l’action d’enzymes appelées NO synthétases
(constitutive ou inductible). Au cours de l’arthrose la quantité
de NO libérée est augmentée en raison de la surexpression de
la iNOS [49].
À côté de son rôle comme relais pour l’IL1β [50], le NO
peut par lui-même inhiber la synthèse des protéoglycanes, du
collagène de type II et des protéoglycanes, stimuler l’action des
MMP, augmenter le relargage des agrécanes dans le liquide
articulaire entraînant l’inflammation de la synoviale et enfin
induire l’apoptose du chondrocyte [51]. Cependant, le rôle
majeur que jouerait le NO dans l’apoptose des chondrocytes
est de plus en plus controversé car il a été récemment montré
que le NO n’est pas toxique par lui-même mais requiert la présence d’autres facteurs plus stables, il aurait même un rôle protecteur dans certaines situations [52,53].
6. Conclusion
La physiopathologie de l’arthrose est complexe et commence seulement à être mieux connue. Le traitement de cette
maladie, bien qu’il demeure essentiellement symptomatique,
fait appel à des stratégies qui peuvent agir sur sa physiopathologie. C’est le cas par exemple de la réduction du poids qui
diminue les pressions exercées sur l’articulation et permet
d’éviter l’altération de la matrice extracellulaire, ou bien des
anti-inflammatoires non stéroïdiens et des anti-cox2 qui diminuent la synthèse des PGE2, ou encore des corticoïdes qui
semblent inhiber l’action de l’IL1β. Cependant, ces traitements
n’arrivent pas à arrêter l’évolution de la maladie ce qui a
conduit plusieurs auteurs à rechercher d’autres cibles et straté-
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gies thérapeutiques. Une meilleure compréhension de la physiopathologie de cette maladie a permis l’émergence de nouveaux traitements dont la plupart sont au stade expérimental
tel que les facteurs de croissance, les anticytokines, les antiMMP ou encore le transfert de gènes comme ceux de
l’IL1Ra, du récepteur soluble de l’IL1, de l’IL4, de l’IL10 ou
de l’IGF1.
Quel que soit la stratégie adoptée, le seul but est d’arriver à
guérir voire à éviter l’apparition de cette pathologie fréquente
et invalidante.
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