L'ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER Marianne Simond L’Esprit du temps | « Imaginaire & Inconscient » 2001/3 no 3 | pages 85 à 104 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-imaginaire-et-inconscient-2001-3-page-85.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L’Esprit du temps. © L’Esprit du temps. Tous droits réservés pour tous pays. 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Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps ISSN 1628-9676 ISBN 2913062679 L’analyste rêve-éveillé en visite chez Harry Potter Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Les ouvrages de Mme Rowling (6) qui tracent les aventures d’Harry Potter sont maintenant connus largement ; il y a un an, quelques articles commençaient à éveiller l’attention dans le grand public et à susciter une rencontre non encore advenue. La lecture des premiers livres de la série (Rappelons que, dans le premier ouvrage Harry Potter à l’école des sorciers, Harry découvre, pour son onzième anniversaire, qu’il est un sorcier ; du même coup, il est convoqué au Collège de Poudlard pour y effectuer sa scolarité. L’ouvrage raconte sa douzième année. Le deuxième, Harry Potter et la chambre des secrets, se déroule l’année suivante : Harry a douze ans et vit sa treizième année dans ce même collège. Ainsi se succèdent les ouvrages, sept, au total, sont prévus) permet d’entrer très rapidement dans un monde à la fois identique au nôtre et en même temps évoquant une altérité radicale. En effet, l’auteur fait apparaître, par les mots, par les descriptions qu’elle agence, une vie de famille qu’on n’a guère envie de partager, puis, toujours par son art du dire, des phénomènes étranges, des situations impossibles, des bizarreries cocasses. Le lecteur apprend alors, assez rapidement, que le monde des personnes est divisé en deux : les sorciers et les « moldus » (les non-sorciers). Bien entendu, sachant (en principe) sur quelle terre se posent ses pieds, il doit rapidement convenir qu’il est alors lui-même un « moldu ». Cette construction du lien à l’alter ego que représente le personnage principal de l’ouvrage, construction complexe puisqu’elle manie alternativement identité et altérité, et simultanément émotions et création, cette construction me paraît une des particularités remarquables de cette série d’ouvrages de J.K. Rowling. Le détour par l’imaginaire est largement utilisé par cet auteur. De quelle manière ? C’est ce que je voudrais détailler ici, en cherchant à mettre en Imaginaire & Inconscient, 2001/3, 85-104. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Marianne Simond 86 IMAGINAIRE & INCONSCIENT évidence que les images, que recèlent chaque ouvrage d’Harry Potter et leur enchaînement, donnent, comme dans une cure Rêve-Eveillé, l’étoffe, la base créative du vivre et illustrent le cheminement psychique du sujet. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Le (jeune ?) lecteur, quel que soit son âge exact, s’il s’intéresse à cette lecture, fête, lui aussi, ses onze ans avec Harry. Harry, par les images qui sont données de lui, se prête à l’identification avec maintien de la « bonne distance » : il est à la fois proche et différent ; sa condition d’être au monde appelle la possibilité d’être Harry Potter quand on le lit, et de cesser de l’être dès qu’on relève le nez. Harry Potter est orphelin, il ignore tout d’abord ou méconnaît ce qui est arrivé à ses parents... et à lui-même. On comprend d’ailleurs, au bout de plusieurs ouvrages, que telle sera sa quête au long cours, retrouver les traces de lui-même et de ses proches, dans un passé où nul ne peut retourner (dans notre monde réel en tout cas) et élaborer ce qu’il en est du traumatisme initial. On sait seulement, rapidement, dès qu’Harry l’apprend, que la cicatrice qu’il porte au front, en forme d’éclair, est trace d’une lutte à mort, dans laquelle Harry, âgé alors d’un an, mais également entouré par l’amour de sa mère, encadré par le couple de ses parents, valeureux et aimants, a pu se sauver lui-même de la mort qui a anéanti ses parents. Harry a vécu ses premières années dans un cadre peu chaleureux quoique familial (la sœur de sa mère et le mari de cette tante, leur fils insupportable)... bien assez pour n’avoir qu’une envie, celle de prendre ses distances avec cette famille-là. Symboliquement, ce personnage résume ainsi plusieurs des aspects qui touchent l’enfant lors de son passage progressif vers l’âge adulte, avec la tentation du clivage entre la bonne famille, rêvée, idéalisée et l’horrible famille de tous les jours, celle où chacun côtoie des « autres » dont il perçoit prioritairement la différence avec lui-même, ou, au contraire les ressemblances qui « brûlent », celle où les disputes, les gênes, les désagréments occupent une partie de l’espace relationnel, induisant le pré-adolescent à éprouver que son désir ne pourra trouver à se réaliser qu’en dehors de la famille. Pour Harry, pour le lecteur, les « vrais » parents, c’est-à-dire ici les parents idéaux, sont hors de cause, dans leur absence actuelle et définitive (encore que...), ils sont ainsi, dans leurs figures idéales, bien protégés contre toute attaque dévalorisante. Bien sûr, cette configuration fait aussi du rapport aux parents réels un rapport impossible, ouvrant un espace de liberté pour le lecteur, même si on y ajoute, du côté des émotions, les connotations liées à une séparation radicale et précoce. Le statut d’orphelin, venu dans cette famille à l’âge d’un an, fait aussi Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Harry Potter et ses images 87 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps d’Harry Potter un étranger sur lequel, petit à petit, les « traits » identitaires vont venir se poser et, tout à la fois, décrire sa vie, sa personnalité mais aussi le faire exister. Cette recherche, par le lecteur, de ce qui fait l’identité d’Harry se fait en parallèle et en intrication d’une recherche un peu similaire, par Harry luimême, de sa propre identité : une question, cruciale à chaque tournant de la vie et, en particulier à l’adolescence, qui prend donc une tonalité particulière du fait de cette organisation de l’intrigue. De même qu’on dit parfois que tout mythe est un mythe d’origine, que tout conte est une métaphore de l’adolescence, de même on peut voir, dans chacun des ouvrages qui mettent en scène une année de la vie d’Harry, un développement de ce travail psychique qui conduit, par la prise de conscience, par le vécu des expériences de chaque jour et de certaines expériences fondatrices, le sujet à s’éprouver lui-même et à faire connaissance avec lui-même, à faire retour sur ce qui le fonde, à construire sa propre histoire. Ainsi Harry apprend-il, d’abord en vivant certaines expériences curieuses (il communique avec un serpent ; ses cheveux, rebelles mais coupés à ras par son oncle furieux, repoussent pendant la nuit ; poursuivi, il s’envole sur un toit), puis, une fois dévoilée sa « qualité » de sorcier, qu’il dispose de certains pouvoirs. Pour autant il ne dispose pas de tous les pouvoirs. D’ailleurs, l’intrigue ellemême, qui met Harry face au danger que représentent des désirs hostiles à son égard, désirs de mort plus ou moins clairs selon les personnes qui les éprouvent, cette intrigue repose aussi sur le fait qu’aucun sorcier ne dispose de tous les pouvoirs. La nécessité d’une scolarité (au Collège très spécial de Poudlard), tout aussi conséquente que celle des collégiens-lycéens entre onze et dix-sept ans, prouve également que la toute-puissance n’est pas plus du monde des sorciers que de celui des « moldus ». Parallèlement à cela, la parole de Georges Brassens trouve ici une illustration : « Sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie ». Aucun don ne peut se satisfaire d’une absence de « travail ». En entrant dans le monde d’Harry à travers les ouvrages de J.K. Rowling, nous expérimentons une possibilité de nous sentir à la fois tout proche, presque semblable et puis éloigné, séparé. Ce mouvement qui peut se réaliser sous une forme de va-et-vient est lui-même à l’image du travail psychique de l’adolescent, dans le jeu de ses identifications et de ses désidentifications. Au fond, Harry est autre, tout en étant tellement même. La jubilation de la lecture tient probablement à la rencontre, toujours inopinée tant les trouvailles de l’auteur sont originales, de ce qui est tellement autre, tant dans le monde des sorciers que chez Harry lui-même. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER 88 IMAGINAIRE & INCONSCIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps La quête d’identité d’Harry me paraît un des thèmes majeurs de cette histoire, un des thèmes majeurs de l’adolescence et de chaque étape importante de notre devenir, puisque nous avons tout autant besoin de nous définir dans ce qui nous fait ressembler aux autres que dans ce qui nous en distingue; à chaque étape de changement, il nous faut aussi nous redéfinir dans ce qui nous fait semblable à ce que nous connaissons de nous et dans ce qui marque la différence par rapport à l’avant. C’est la combinaison de ces deux « trajets » qui orchestre notre évolution. Les images, les métaphores, moyens privilégiés de traduire cette alternance du même et de l’autre, de transposer de manière perceptible, et, sur le plan littéraire, de manière « parlante », ces va-et-vient qui nous reflètent, se distribuent dans « Harry Potter » selon plusieurs veines. Après avoir défini et montré Harry à la lumière de son cousin Dudley (il est de la même famille mais...si différent), le récit qui relate la préparation puis l’arrivée d’Harry au Collège donne au moins deux grandes occasions d’illustrer notre propos. Une baguette pour un sorcier La première est l’achat de la baguette magique d’Harry. Nous sommes alors au chapitre 5, Hagrid, le géant, « gardien des clés » (du Collège de Poudlard), un des personnages protecteurs, ou plutôt facilitateurs pour Harry, accompagne ce dernier dans les magasins spécialisés. Après l’achat de la robe de sorcier, du parchemin, des plumes d’oie, des manuels, d’un chaudron, d’un télescope pliable, d’une balance, des ingrédients pour potions, de la chouette, cadeau d’Hagrid, il ne reste plus, sur la liste des fournitures scolaires, que la baguette magique ; l’auteur ajoute «... le rêve d’Harry ». Bien entendu, quel que soit notre âge, une fibre en nous résonne à cette phrase. Souvent, pour expliquer à un enfant que, nous aussi, nous sommes confrontés à la réalité dans sa résistance et sa dureté, nous disons « je n’ai pas de baguette magique ». À côté du symbolisme phallique, et du renvoi à la castration symbolique que cette phrase peut évoquer, l’aire du rêve est accessible alors. « Je n’ai pas »... « oui, mais »... oui, mais on peut toujours rêver, prenons un livre. Avec le oui, il y a amorce au moins d’acceptation, et, en contrepartie, de renoncement et par le rêve, il y a ce détour qui va faire travailler le temps du trajet vers une acceptation plus profonde ; détour qui est également signe à la fois de l’hésitation peut-être encore en vigueur et du fait que le sujet sait déjà l’issue de cette hésitation. À ma connaissance, les enfants chez qui l’on peut repérer que cette hésitation penche au contraire du côté de : « et si on essayait encore », c’est-à-dire du côté de l’acte et non du côté du rêve, acceptent Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Harry, dis-nous tes images, dis-nous qui tu es 89 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps mal le détour par le rêve ; la capacité de rêver, au sens d’imaginer, en séance ou dans les jeux symboliques, est bien le signe qu’une étape primordiale a été parcourue, dépassée. En ce sens, les enfants qui acceptent de lire Harry Potter, ceux qui y trouvent du plaisir, contrairement à ce qui peut parfois être dit, en particulier quand on croit qu’un enfant qui s’identifie fortement à un héros magique vit lui-même dans la magie, ces enfants donc manifestent leur avancement, au moins, dans cette « hésitation », du côté du choix du rêve. Rêvons donc... De baguette magique, personne n’en a jamais vu au sens de la réalité (à moins que...!), et pourtant, nos représentations sont multiples. La télévision, le cinéma permettent des montages où les baguettes magiques sont actives et efficaces ; les enfants, au spectacle de telle ou telle série, en ont intériorisé certaines possibilités. De notre point de vue d’éducateurs ou de psychologues veillant au bon développement des enfants, en particulier quand ils regardent ce genre d’émissions télévisées, tout va bien s’ils gardent suffisamment les pieds sur terre pour savoir, se rappeler, que « c’est du cinéma ». Le prestidigitateur aussi utilise la baguette, qu’il appelle « magique » éventuellement mais nous savons aussi qu’il s’agit d’illusion. La baguette magique permet des transformations, en un instant... au lieu que la réalité, pour ses modifications, demande que le temps s’écoule, permettant les étapes, les intermédiaires ; lorsqu’il y a immédiateté de la transformation, on est, en principe dans quelque chose de brutal, violent, éventuellement catastrophique et destructeur (images d’explosions, de réactions chimiques dégageant une énergie considérable). Cette correspondance entre le nom de la baguette magique et sa fonction dans une histoire nous touche et nous ne pouvons manquer de la souligner. Mais dans cet épisode, ce que je voudrais mettre en évidence, c’est la manière dont l’auteur fait percevoir que Harry ne peut avoir une baguette magique : il va avoir sa baguette magique... ou plutôt c’est, comme le dit Mr Ollivander (« Ollivander – fabricants de baguette magiques depuis 382 avant J.-C. ») « la baguette qui choisit son maître. » Par ces mots, l’auteur met l’accent sur les qualités propres de ce morceau de bois qui va devenir la baguette magique de ce client. Il dit aussi que ce morceau de bois a une vie propre et, très vite, on va s’apercevoir qu’il a aussi une identité. Mr Ollivander, doué d’une grande mémoire ou bon professionnel de la baguette magique, commence en effet par reconnaître Harry (sa cicatrice, son nom sont connus de tous les sorciers); il le reconnaît parce qu’il s’attend à le voir, et aussi parce que : « vous avez les yeux de votre mère » lui dit-il. Mr Ollivander associe alors immédiatement avec la première baguette magique de la mère d’Harry : « je me souviens (...) c’était hier, 25,6 centimètres, souple et rapide, bois de saule. Excellente baguette pour les enchantements. » C’est, bien sûr, une image de sa mère que reçoit ainsi Harry, avec la description de la baguette, par sa taille, très précise, sa consistance, ses qualités Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER IMAGINAIRE & INCONSCIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps physiques, et son essence (cette spécialisation du mot existe-t-elle en anglais ? pour nous, la concordance entre cette référence à l’arbre et la référence à l’être est, elle aussi, génératrice de ce plaisir de lire et de penser que l’on éprouve, en visite chez Harry Potter). Il reçoit, peu après, des indications sur son père, à travers la description de la baguette qui avait convenu au père d’Harry : « une baguette d’acajou, 27,5 centimètres. Flexible. Un peu plus puissante et remarquablement efficace pour les métamorphoses. » Enfin, sans lui laisser le temps de beaucoup respirer, Mr Ollivander distingue la cicatrice au front d’Harry et lui dit : « J’en suis désolé, mais c’est moi qui ai vendu la baguette responsable de cette cicatrice, 33,75 centimètres. En bois d’if. Une baguette puissante, très puissante (...)». Avisant Hagrid, Mr Ollivander décrit la baguette qu’il avait vendue à ce dernier. Il prend ensuite les mesures d’Harry, lui évoque la composition possible des baguettes, en particulier celle des substances magiques qu’elles peuvent contenir. Les précisions données alors appartiennent toujours à cette veine de l’identité, celle qui permet à chacun de se situer en référence aux autres et de pouvoir se sentir parfaitement unique : « de même qu’on ne trouve pas deux licornes, deux dragons ou deux phénix exactement semblables, il n’existe pas deux baguettes de chez Ollivander qui soient identiques. » Enfin, Mr Ollivander fait essayer des baguettes à Harry. Chacune d’entre elles est une proposition identitaire. Les trois premières sont détaillées : « Elle est en bois de hêtre et contient du ventricule de dragon, 22,5 centimètres. Très flexible, agréable à tenir en main. » – «Bois d’érable et plume de phénix, 17,5 centimètres, très flexible. » – « bois d’ébène et crin de licorne, 21,25 centimètres, très souple. » À chaque fois, Mr Ollivander tend la baguette à Harry et lui dit : « Prenez-la et agitez-la un peu » – « Essayez... » – « Allez-y, essayez. » Harry « essaie » mais Mr Ollivander les lui arrache des mains presque aussitôt. Aucune ne convient. On comprend ou l’on peut imaginer que la taille de la baguette peut être référencée à la génération à laquelle appartient la personne. Le père et la mère d’Harry sont venus choisir leur première baguette, également avant de partir pour Poudlard. La baguette de celui qui a tenté de tuer Harry était une baguette d’adulte, celle qui doit convenir maintenant à Harry doit rester, en principe, une baguette de préadolescent. Images de conformation perceptive de cette baguette, de la longueur du morceau de bois, images qui s’allient à celles des noms génériques d’arbres ; chacun peut voir la couleur, la texture, la dureté du bois concerné, mais s’y ajoutent aussi la sonorité, la musicalité du mot utilisé : chaque nom d’arbre est aussi un nom propre donné, entre autres, à chaque baguette. C’est bien l’image du mot, cette fois, qui s’ajoute et répond à l’image Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps 90 91 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps que le mot a pu faire naître. Harry est caché derrière tous ces assemblages, où se conjuguent la taille de la pièce, son essence, la spécificité de l’ajout magique (plume de phénix, crin de licorne, ventricule de dragon). « Harry l’essaya, puis une autre encore. Il ne comprenait pas ce que voulait Mr Ollivander. Bientôt, il y eut un monceau de baguettes magiques posées sur la chaise en bois mince, mais aucune ne convenait. Un client difficile commenta Mr Ollivander d’un air satisfait. Mais nous finirons bien par trouver celle qui vous convient. » La quête d’identité est confuse : le sujet sait qu’il cherche quelque chose, mais souvent il ne sait pas comment cela doit se passer. Ici, Mr Ollivander est un peu comme un analyste (toutes proportions gardées, en particulier, du côté de la technique et du contexte ! En effet, si Mr Ollivander était un analyste, plusieurs aspects dans ses attitudes, ses actes, seraient paradoxaux ou contradictoires) qui bombarderait le patient de propositions identitaires. D’ailleurs Harry ne sait plus trop où il en est. Mais Mr Ollivander, lui, sait. Il est même satisfait d’être confronté à un exercice un peu difficile. Il n’est pas chagriné comme le serait un vendeur de chaussures dont le magasin entier aurait été déballé. Bien sûr, il y a déjà un monceau de baguettes sorties, mais il y en a encore et toujours, semble-t-il, en réserve. Et ce qui satisfait Mr Ollivander, ne serait-ce pas, justement, d’avoir à chercher encore et encore mieux ? Et pourtant, il y a effectivement un savoir, que Mr Ollivander possède, que ni Harry ni nous lecteurs ne devinons mais que nous enseigne le paragraphe suivant. Nouvelle tentative : « Voyons celle-ci. Une combinaison originale : bois de houx et plume de phénix, 27,5 centimètres. Facile à manier, très souple. » La suite du texte révèle le savoir caché derrière la brusquerie passée des mouvements de Mr Ollivander arrachant des mains d’Harry une baguette pour lui en tendre une autre : quelque chose ne s’était pas encore produit, quelque chose qui devait signer l’adéquation recherchée. « Harry prit la baguette et sentit aussitôt une étrange chaleur se répandre dans ses doigts. Il la leva au-dessus de sa tête, puis l’abaissa en la faisant siffler dans l’air. Une gerbe d’étincelles rouge et or jaillit alors de l’extrémité de la baguette, projetant sur les murs des lueurs mouvantes. » De même que l’interprétation adéquate entraîne une attitude, un sentiment d’adhésion, de reconnaissance, de congruence, de même la prise en main de la bonne baguette se manifeste par une émotion intérieure, une sensation physique et des images visibles pour tous (enfin, dans le monde des sorciers !), des images magiques elles aussi, évoquant un peu un feu d’artifice, que plusieurs adjectifs ou substantifs précisent dans une tonalité mesurée : en particulier « étincelles » dont la désinence est minorative, « lueurs » dont la brillance est faible et floue et « mouvantes » qui, se rapportant à « lueurs », amplifie cette notion de flou. À ce bombardement d’interprétations successivement proposées, non Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER 92 IMAGINAIRE & INCONSCIENT suivies de lueur, répond le « mystère » au sens médiéval de mise en scène, l’épiphanie, au sens profane, de la « bonne » baguette, de l’interprétation juste. Du moins pourrait-on dire qu’il s’agit ici, à notre sens, d’une métaphore éventuelle de la rencontre efficace. Cette métaphore se réfèrerait à un modèle de « magasin », de « réserve », qui renvoie aussi à l’agent principal de ce magasin, celui qui, non seulement sait ce qu’il a en stock mais de plus se rappelle ce qu’il a eu et, enfin, qui souligne l’individualité spécifique de chaque sujet. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Cette révélation ne se fait pas à travers des mots directs et autoritaires adressés à Harry (ces mots qui renverraient à la violence de l’interprétation (1), dans leur mouvement qui dicterait au sujet le sens de ce qu’il éprouve alors) mais bien plutôt à travers cette émotion et ces illustrations qui nous atteignent avec leurs caractéristiques sensibles. Ici, on pourrait même dire perceptibles. Les mots, c’est à nous lecteurs, qu’ils sont adressés. L’identité ainsi traduite par des images décrivant une des représentations possibles d’Harry (ici, comme pour un titre de tableau, on pourrait dire « Portrait du héros avec baguette ») n’est pas celle d’un sorcier agressif et cherchant à prendre le pouvoir sur ce qui l’entoure ou à le conserver coûte que coûte mais celle d’un pré-adolescent ni trop grand ni trop petit, juste comme il est, qui utilise ce qu’il a à sa disposition pour produire un effet, un effet qui peut être artistique mais qui ne confine pas pour autant à l’exploit interstellaire, un effet relativement discret et pourtant émouvant. Un dernier détail mérite d’être signalé avant de clore l’évocation de cette scène : Mr Ollivander est ravi, il prépare la baguette d’Harry, pour qu’il l’emporte, et il s’interroge à haute voix, attirant la curiosité d’Harry à qui il précise alors : « je me souviens de chaque baguette que j’ai vendue, Mr Potter (...). Or, le phénix sur lequel a été prélevée la plume qui se trouve dans votre baguette a également fourni une autre plume à une autre baguette. Il est très étrange que ce soit précisément cette baguette qui vous ait convenu, car sa sœur n’est autre que celle qui...qui vous a fait cette cicatrice au front. » Ainsi Mr Ollivander ajoute-t-il des informations identitaires concernant le traumatisme initial. Ces informations toutefois se présentent pour Harry plutôt sous forme d’énigme que de réponse : l’auteur de la cicatrice frontale d’Harry a-t-il une quelconque parenté avec lui ? La quête d’identité à venir ne concerne pas seulement le sujet et son rapport avec lui-même mais aussi le réseau dans lequel il s’inscrit, réseau familial et extra-familial. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps De quelle identité s’agit-il dans ce passage ? Il me semble qu’il est question des qualités de sorcier d’Harry ; certes, sa baguette se révèle à lui à travers cette production d’images que les autres baguettes ne permettaient pas. Mais on est plus enclin encore à penser qu’il s’agit d’une rencontre entre un sujet et sa baguette et qu’au fond, la baguette révèle ainsi à Harry qu’il est. 93 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Dans le processus décrit de la recherche de la baguette magique, on a pu voir que chaque baguette proposée se caractérisait par des aspects perceptifs spécifiques : Harry Potter y allait à la recherche de lui-même par l’essai de chaque image possible. Pour nous, lecteurs, comme pour le Harry du livre, se dessinaient ainsi une ou plusieurs des caractéristiques propres d’Harry, en refusant, tour à tour, celles qui pouvaient peut-être, a priori, lui être attribuées mais qui, finalement, ne lui correspondaient pas. S’il s’agissait d’une recherche de vêtement dans un commerce, le sujet serait perçu comme extrêmement pointilleux dans ses choix ; pour ce qui est d’Harry, le jeu en vaut la chandelle, la minutie dans cette épreuve est génératrice de précision et, en sortant de chez Mr Ollivander, Harry dispose d’éléments nouveaux sur ses parents, sur lui-même, sur sa cicatrice et ce dont elle est le signe. Il en a également sur le marchand de baguettes magiques lui-même. Les sentiments qu’il peut éprouver ne sont pas pour autant uniquement empreints de satisfaction. La quête d’identité est en cours, loin d’être terminée et un mélange d’inquiétude, d’excitation, de curiosité, de soulagement, mais aussi peut-être de fatigue, d’épuisement, de soulagement peut succéder à ce passage. De quelle maison es-tu? Un autre type de recherche complémentaire sur ce chemin de la quête d’identité est proposé par l’auteur dans un autre épisode ; l’existence même de plusieurs démarches dans ce chemin nous montre d’ailleurs le souci que peut avoir J.K Rowling concernant ce thème. Cet épisode est celui de la répartition des élèves selon les quatre maisons de Poudlard. Ces quatre maisons sont définies par leur nom, évocateur d’un animal ou d’une idée, correspondant de manière assez globale à une constitution physique, une attirance psychologique, des capacités naturelles ou encore un choix de vie. En arrivant à Poudlard, aucun des nouveaux élèves ne sait à quelle maison il va appartenir, il peut avoir des désirs, il peut espérer être dans la même maison que certaines personnes de sa famille ou que certaines personnes connues. Il peut, au contraire, vouloir intensément ne pas se trouver dans la même maison que telle personne détestée ou crainte. Le nouvel élève qu’est Harry ne sait pas non plus comment va se faire cette attribution. Selon un schéma presque inversé par rapport au choix de la baguette magique, cette fois-ci, c’est un seul objet qui va passer en revue tous les nouveaux élèves et s’engager face à chacun d’entre eux. Le terme d’objet, encore une fois est à la limite de l’inadéquat tant l’objet magique est décrit comme une « chose » vivante : il s’agit ici du « choixpeau magique ». Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER IMAGINAIRE & INCONSCIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps En fait, c’est le titre du chapitre, mais au fil du texte, à une exception près, seul le mot « chapeau » est utilisé. La cérémonie de la Répartition va commencer. Les nouveaux élèves se demandent, s’inquiètent : comment vont-ils être sélectionnés ? des tests ? devant tout le monde ? En fait voici comment tout ceci va débuter : sur un tabouret, devant les nouveaux élèves, est posé un chapeau de sorcier, « râpé, sale, rapiécé ». Dans le silence de l’attention de tous, le chapeau se met à chanter. Son chant explique la notion de choix. Si chaque baguette pouvait être présentée comme celle d’une seule personne, le chapeau magique, lui, sert à tous. Si le « choix » de la baguette magique pouvait se faire selon ce sentiment d’adéquation qui nous a tellement évoqué le sentiment éprouvé face à une interprétation efficace, cette fois, le choix est entièrement le pouvoir du chapeau ; notons aussi qu’il choisit pour tous mais ne choisit rien pour luimême. Il ne choisit que pour les autres. Dans sa chanson, le chapeau expose également les qualités et spécificités de chacune des quatre maisons et termine en faisant référence au sens : c’est sur la base de la pensée du chapeau que se fera le choix et non par hasard ou lubie. Comme le dit le nouvel ami d’Harry : « Alors, il suffit de porter le chapeau ». Chaque élève, à son tour, s’assied donc sur le tabouret et « après un instant de silence », le chapeau crie le nom de la maison à laquelle l’élève appartiendra. La scène de la répartition, avec l’objet médiateur qu’est le chapeau, tiers séparateur, est une modulation différente du travail de l’identité en construction : c’est un travail ici qui traite de l’appartenance. La qualité, les qualités, la variété, la richesse mais aussi ou sinon la solidité, la cohésion des appartenances à un ou plusieurs groupes de références (groupes familiaux, groupes de pairs, groupes de travail, entre autres) peuvent être pris comme repères (qualitativement et quantitativement parlant) de l’insertion d’une personne. Pour l’adolescent, à l’aube ou au cours de ce bouleversement, la construction des appartenances, leurs modifications au fil des changements sociaux, leur tempo représentent aussi des repères possibles quand on cherche à évaluer le bien-être, l’évolution du sujet durant cette période (ainsi qu’à d’autres périodes de la vie d’ailleurs). L’appartenance est ici désignée comme une inscription, au début des années de collège, dans un groupe identitaire. Les personnes qui relèvent de chaque « maison » disposent d’une ou plusieurs qualités communes entre elles. Le repérage de l’existence de ces qualités est l’œuvre du « choixpeau » magique. La magie ici relève tout autant de la rapidité avec laquelle ce magicien de tissu ou de feutre effectue ses pointages et ses déductions que de la capacité à le faire. En effet, ce genre d’analyse, dans notre monde, demande, lui aussi, beaucoup de temps et n’est parfois même pas possible, en particulier pour ce qui est de la dominance d’un trait ou d’une qualité ou d’une combinaison multiforme. Il Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps 94 95 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps s’agit bien là d’une nouvelle « trouvaille » de l’auteur, aussi bien du côté de l’idée des « maisons » que du côté du rite qui oriente chacun vers l’une d’elles. L’existence du « choixpeau » magique est couplée avec celle des maisons. C’est bien parce qu’est résolue la question de la répartition que peuvent exister les maisons, telles qu’elles sont ici définies. Inversement, c’est par l’efficacité du choix effectué que les maisons se vivent comme telles, avec des membres qui correspondent « effectivement » à ce qui en a été dit, lors du rite initial. Bien sûr, on peut y voir un artifice d’auteur, perpétuellement reconduit au cours de l’ouvrage. Il n’empêche... cette cohésion joue un rôle indéniable dans l’évolution d’Harry au cours de son adolescence. La répartition est publique, c’est d’ailleurs ce qui gêne le plus Harry. Le texte, en effet, après avoir dit : « Harry eut un haut-le-corps. Des tests ? Devant tout le monde ? Alors qu’il ne savait pas faire le moindre tour de magie ? », poursuit plus tard : « Essayer un chapeau valait beaucoup mieux que d’être obligé de jeter un sort mais il aurait préféré ne pas avoir à le faire devant tout le monde ». Et pourtant Harry doit surmonter sa nausée et lorsque son nom sera appelé, lui aussi, se rendre sur le tabouret, placer le chapeau sur la tête. Sur la tête ? oui, c’est un chapeau pointu de sorcier...mais on apprend, en fait, quand le premier enfant appelé met le chapeau, qu’il lui tombe sur les yeux. Lorsque c’est le tour de Harry, l’auteur nous dit : «(...) le chapeau lui tombe devant les yeux en le plongeant dans le noir absolu (...)». La scène se déroule bien devant les regards des autres, les spectateurs que sont les professeurs et les élèves des années précédentes, les spectateurs – acteurs que sont les nouveaux élèves, mais le choix se déroule entre l’individu concerné et le chapeau lui-même. Cette disposition attribue donc bien à chacun son rôle avec précision : seul est vraiment « impliqué » dans le choix celui qui est sur le tabouret, tous les autres sont témoins de la répartition. Ils pourront attester mais peuvent, d’ores et déjà, fixer, au sens photographique, au sens du développement photographique, l’appartenance de chacun. Ce sont leurs regards qui ont cette fonction. Ce qui se passe en dehors de leurs regards, les rêves exprimés avant la Cérémonie, les supputations appartiennent au monde imaginaire, les regards joints de toutes les personnes présentes font exister la scène dans la réalité (des sorciers). J.K. Rowling rappelle ainsi que l’identité se construit d’abord par le regard des autres, même si l’analyse plus fine montre un jeu de va-et-vient entre regards du regard et émotions intimes, entre idéal rêvé et perception de la réalité. Le nom donné à l’enfant, avant qu’il soit en mesure de le prononcer luimême, souligne ce détour par la présence, l’existence de l’autre : il est regardé et nommé, il est regardé en train d’être nommé. Le groupe social entend la nomination et l’entérine. Le « choixpeau » (ici) la prononce. C’est aussi en cela qu’il joue ce rôle de tiers séparateur signalé plus haut. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER IMAGINAIRE & INCONSCIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Dans le cas d’Harry, il nous a fallu, nous aussi, lecteurs, nous mettre dans le personnage d’Harry qui craint cette cérémonie, qui l’appréhende mais n’imagine pas d’y échapper, qui s’apprête à affronter ce qu’elle peut représenter pour lui de mise en « examen » (notre nouvelle terminologie judiciaire joint maintenant une connotation de jugement possible à celle qui était simplement exprimée auparavant de la sorte ; cette évolution de notre langue peut enrichir notre lecture). Il nous a été possible de nous vivre comme spectateurs, parfois amusés, de la manière dont les autres nouveaux élèves affrontaient l’événement et dont ils ressortaient, « nommés » pour la durée de leurs études ou de leur vie. Quand Harry s’installe à son tour sur le tabouret, il va nous être enfin possible, comme à lui, de savoir ce qui se vit. Le chapeau sur les yeux, dans le « noir absolu », Harry communique avec le chapeau. Ce chapeau profond, de tissu ou de feutre, constitue une nouvelle enveloppe ; bien sûr elle est interface avec l’extérieur mais, du côté intérieur, elle protège intensément. Cette protection assurée par le chapeau concerne également l’espace sonore : pour les autres nominations, un instant de silence précède le prononcé du choix fait. Les pensées ne traversent pas l’épaisseur du chapeau. Le chapeau protège l’intimité de la pensée. Un « dialogue » s’engage entre Harry et le chapeau, ce dernier semble examiner les propositions (désirs, idéaux ?) d’Harry, il semble évaluer des possibilités, imaginer des développements, il finit par faire son choix. Pendant tout ce temps, Harry est, au fond, seul avec lui-même. Tourné vers sa propre face cachée... tout en se préoccupant de ce qui sera sa face visible aux yeux de tous, son appartenance, sa maison d’appartenance. Ainsi après avoir entendu (cette voix n’est donc pas audible pour les assistants) le chapeau lui énumérer ses qualités et caractéristiques les plus fortes, puis exprimer son interrogation, Harry répond à cette interrogation, mais comme en lui-même, sans imaginer tout de suite peut-être (à moins qu’il ne l’espère) qu’il puisse s’agir d’un « dialogue » télépathique. « Pas à Serpentard, pas à Serpentard, pensa-t-il avec force. » Cette pensée d’Harry montre également que l’identification commence parfois (ou souvent,... ou toujours ?) par une contreidentification. En effet, Serpentard est la maison d’appartenance de plusieurs personnes qui déplaisent à Harry et dont il craint les attaques, même s’il ne les évalue pas clairement. La « petite voix » du chapeau (on ne peut s’empêcher de penser à la petite voix de la « conscience », de Pinocchio ; sur le plan graphique, cela pourrait correspondre aussi aux petites représentations manichéennes qu’utilise Hergé, avec le capitaine Haddock, avec Milou, figurant un petit diable et son trident, bien rouge, ou un autre soi-même, ailé cette fois) exprime alors les deux voies possibles pour Harry ; le choix, c’est bien lui qui le fait, finalement, en exprimant quelque chose de l’ordre du désir ou du non-désir ; ici, Harry est invité à exprimer ce qu’il en est de son désir de puissance, de son désir de Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps 96 MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER 97 grandeur. La petite voix insiste et tient compte, finalement, de la confiance d’Harry en des valeurs qu’on pourrait dire morales et qui se préciseront dans la suite du texte. Le chapeau crie alors le nom de la maison d’appartenance d’Harry ; toute la salle entend ce nom, Harry l’entend résonner. Il peut ôter le chapeau. La cérémonie se termine avec lui : il est le dernier sur la liste alphabétique. Elle constitue un nouveau miroir tendu à Harry (et au lecteur), dans lequel le sujet cherche à voir sa propre image en même temps qu’il tend, lui-même, les éléments nécessaires à l’effet final. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Sans pouvoir citer tout ce qui fait des livres d’Harry Potter des livres d’images de l’enfance, de la préadolescence, de l’adolescence, je me bornerai maintenant à faire allusion à deux éléments plus ou moins fondamentaux dans la scolarité d’Harry. Il s’agit d’abord, parmi les matières enseignées à Poudlard, du Cours de Métamorphose. Le sens de ce mot, changement de forme, appliqué à l’espèce humaine, caractérise tout particulièrement ce changement qui affecte l’adolescent, même si l’adolescence n’est pas une simple modification de la forme. Le cours, toutefois, tel qu’il est conduit, enseigne aux jeunes élèves l’effort particulièrement difficile de se transformer. La métamorphose, plus généralement, caractérise des changements profonds : si on ne les a pas vus se produire ou si on n’a pas su qu’ils s’étaient produits, on peut ignorer la continuité entre deux images d’un même sujet : passage du bourgeon à la fleur, de la larve à la nymphe, de la nymphe à l’imago. Cette recherche du « changement complet », de sa maîtrise, n’étonne pas chez les sorciers. On se rappelle la version de Walt Disney du combat de métamorphoses entre l’enchanteur Merlin et la méchante Mme Mim, combat qui faisait se succéder les idées les plus brillantes dans l’affrontement possible des espèces, dans lequel les règles existaient... pour se voir transgressées par cette protagoniste du « Mal ». On se rappelle aussi comment, dans le Chat Botté, le Chat invite l’ogre du château à lui montrer ses capacités de transformation et, en particulier, à se transformer devant lui en souris, pour pouvoir se jeter sur lui et le croquer. Ce Cours de Métamorphose redouble l’accent mis sur la démarche de transformation, d’auto-transformation à laquelle l’adolescent doit s’atteler. Le deuxième élément à signaler concerne un autre cours ; dont les professeurs, pour les trois premiers ouvrages, se succèdent chaque année. Il s’agit du Cours de Défense contre les Forces du Mal. Une bonne partie de l’intrigue repose souvent sur ce cours et son professeur. Je mentionnerai simplement que, dans le troisième ouvrage, Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, l’ensei- Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps J.K. Rowling, d’inspiration analytique ou psychologique...? 98 IMAGINAIRE & INCONSCIENT gnement dispensé précise avec acuité le travail à effectuer pour construire, constituer une véritable défense. D’ailleurs, on la voit en action, dans un des matches du fameux sport des sorciers, le Quidditch. Harry, en danger de mort à chaque ouvrage, réussit, grâce aux qualités de l’enseignement du professeur, à trouver une partie des ressources nécessaires dans cette lutte pour la vie. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Ce qui vient d’être cité, certes de manière très allusive, développe la notion de combat. Plusieurs modèles existent de cet échange avec l’autre ou avec l’environnement, qui nécessite une grande énergie, une certaine stratégie, une motivation non négligeable et qui se situe dans le registre de l’agressivité. Harry est attaqué, si son énergie se mobilise, c’est pour sa défense ; ainsi se trouve justifié son propre recours à l’agressivité interne comme force de vie. C’est sous cet angle qu’est spécifiée la catégorie du désir dans ce registre. On peut faire le parallèle entre Harry menacé avant même d’en avoir conscience et Œdipe « exposé », tout bébé, à la demande de ses parents. Cela nous ramène à la thèse de J. Bergeret dans La violence fondamentale (2). Le modèle général de violence que développe, à l’encontre d’Harry, celui et ceux qui veulent sa mort, s’apparente à la réponse à un sentiment de menace définitif et universel dont l’origine serait attribuée à Harry ou à ses parents. L’adolescence aussi se développe, à certains de ses virages, dans une dimension qui se rapproche de la violence fondamentale ; lutte contre les adultes et leur monde inacceptable, lutte contre des parents qui ne veulent décidément pas comprendre, lutte contre un environnement où le sujet se perçoit – ou se vit – sans cesse rejeté. Mais cette dimension peut nous appartenir aussi à tout âge, comme un vestige des premiers temps, d’avant la construction qui s’appuie aussi sur la rationalité. C’est, à mon avis, la raison pour laquelle on peut aussi prendre fait et cause pour Harry. En fait, une fois la lecture du premier ouvrage achevé, on sait, en entamant le second, et a fortiori le troisième, que ce combat va avoir lieu. Est-ce là la raison fondamentale du sentiment d’appréhension relevé par les lecteurs ? « J’avais peur », dit un enfant, reparlant de sa lecture et du début, du milieu de l’ouvrage. La présence de ce sentiment, qui se précise ou s’intensifie avec l’avancée dans la série, le travail psychique qui s’effectue autour de lui me paraissent un des bénéfices incontestables de cette lecture. Avec lui, le lecteur s’affronte à son propre malaise... grâce au détour par l’imaginaire. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Le combat pour la vie MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER 99 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Dans les livres d’Harry Potter, cette appréhension s’amplifie quand on se rapproche le plus des dangers qui guettent Harry ou quand ces dangers sont plus diffus, moins représentables, quand on ne parvient pas à imaginer l’issue favorable. Elle se dissipe quand on reprend confiance : le héros ne peut pas mourir. Même si on ne voit pas ce qui contient en germe le dénouement, il y a un moment où la tension se relâche un peu, on y croit plus facilement. Puis l’auteur dévoile son propre imaginaire et ses solutions lumineuses. De son côté, la personne ou l’enfant, qui a accepté d’entrer dans un processus de cure, en a éprouvé la difficulté mais, au fond, la craint toujours. Il ne remet pas en question la cure et son cadre. Mais il manifeste, de diverses manières, combien cela peut lui être difficile. S’il tient bon, c’est l’effet de l’« alliance thérapeutique » : elle soutient le désir de changement et maintient le processus en marche. Dans chaque livre d’Harry Potter, dans chaque étape importante, dans chaque vie, il y a des moments difficiles, plus ou moins à la limite de ce qui est supportable. Dans un livre d’Harry Potter, on sait qu’on va les affronter. Le parcours intérieur qu’on effectue alors, avant, pendant et après cet affrontement est un modèle (ou un reflet ?) du parcours similaire, dans les passages difficiles de la cure, dans les périodes de crise de la vie. Ce parcours est un travail psychique. En rêve-éveillé, ce patient adulte évoque la présence d’une zone qui vient d’être ravagée par un tremblement de terre ; il craint de s’y déplacer et cherche à l’éviter. Elle lui signale un espace de « turbulence », de chaos, qu’il craint d’éprouver sans pouvoir construire quoi que ce soit ni, peut-être, demeurer vivant. Il la contourne et s’en éloigne. Il lui faudra de longs mois avant de pouvoir retourner sur cette même zone (toujours en rêve-éveillé) et affronter ce qui le menace à ce point. Durant ces longs mois, des séances difficiles se sont succédé, des douleurs physiques ont pris le relais des difficultés psychiques. Puis des mises en place de mots, disant le psychique ont pris, à leur tour, le pas sur ces douleurs. L’acceptation de cette personne de continuer ce chemin, coûte que coûte (et, ici, cette expression n’a pas seulement un sens financier), est un des versants de cette alliance thérapeutique. Ainsi, dans les livres d’Harry Potter, l’engagement du lecteur constitue une métaphore de l’alliance de travail lors d’une cure et cette métaphore, dans ce qu’elle recèle d’éprouvés, éclaire ou peut éclairer notre positionnement et nos attitudes de travail. L’usage des métaphores Dans ma pratique en analyse rêve-éveillé, les métaphores relèvent aussi bien Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Le parcours de la cure IMAGINAIRE & INCONSCIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps du registre verbal que du registre visuel. Leur utilisation se fait aussi bien par unités de sens que dans un développement circulaire qui entraîne un large mouvement dans le processus. Au cours de quelques séances rapprochées avec cette jeune adulte, je relève diverses expressions métaphoriques, qu’on peut ranger dans la catégorie des « unités de sens » : l’image d’une « grosse masse, grosse pelote de laine qu’il faut dénouer », « on ne sait pas par quel bout la prendre » – dans ce déroulé des mots, on voit aussi se déployer l’image, se transformer l’objet du regard ; on entend, on voit d’abord quelque chose de gros, la notion de grosseur, une image de gros objet ; puis se précise celle d’une pelote de laine, et il s’agit alors d’en dénouer les brins emmêlés, de choisir un fil pour le début du travail. Cette analysante éprouve que ses émotions la bloquent pour avancer, elle m’amène à formuler l’hypothèse que ce ne serait pas les émotions qui bloqueraient mais le fait de les laisser bien contenues dans un coin, faisant « bloc». L’analysante associe, en image : « oui, je suis trop prise dans la tourmente », redonnant au cortège de ses émotions une forme vivante quoique effrayante ; elle est alors escortée, entourée par cette bourrasque et la métaphore utilisée traduit bien qu’elle ne peut encore objectiver ses émotions. L’hypothèse inverse ou complémentaire a été également abordée avec l’image d’un torrent que l’analysante craindrait de laisser s’écouler et déborder. Effectivement, elle peut verbaliser les efforts importants qu’elle fait pour se contrôler, ne rien laisser paraître... mais à un moment, ce contrôle n’est plus efficace et «ça envahit tout ». Dans ces enchaînements ou dans l’utilisation isolée de métaphores en séance, les mots et les contenus visuels se répondent et s’entrecroisent et c’est de leur conjugaison que s’enrichit le travail du sens. Une utilisation de la métaphore de manière beaucoup plus large, à l’instar de la recherche de baguette magique ou de la cérémonie de la Répartition précédemment relatée, peut être illustrée par ce jeu d’enfant, en séance : il s’agit, pour cette fillette de placer tous les animaux que contiennent les corbeilles (il y a la cohorte des animaux préhistoriques puis toute une série d’animaux de la ferme, des bois, de la jungle, de la savane). Elle les place en une sorte de flot, des rangées de quatre ou cinq animaux qui se suivent et dessinent une forme sinueuse. Elle dit : « mais aussi, il fallait qu’ils se mettent bien en ordre parce que, après, le chef, il les voyait plus. Les trois premiers, ils étaient comme ça (un peu espacés) et après, les autres, derrière, ils étaient bien serrés. »... « Ils étaient beaucoup »... « Surtout, il ne fallait pas mettre les animaux calmes avec les animaux pas calmes, parce que, sinon, c’était dangereux. Ils allaient se disputer et ça n’allait pas. »... « Et il fallait qu’il y ait des grands qui protégeaient les petits et puis il y en avait qui étaient dans le rang, qui n’arrêtaient pas d’avancer avant les autres, parce qu’ils voulaient être les premiers. »... « Il mange la queue de l’autre. Il a tellement faim que... »... « mais il s’avait arrêté Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps 100 101 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps parce que sinon... »... « Et puis, il y en avait, ils voulaient se mettre tellement collés à l’autre ; parce qu’ils avaient tellement peur que les autres qui étaient derrière leur mangent la queue. Alors voilà, ils étaient bien collés à l’autre... Puis, il leur attrapait la queue des fois. (...) Ils partent à la terre des nids. » Cette petite fille, confrontée à des deuils dans sa famille, très attachée à ses parents et, en particulier, à sa mère, manifeste avec insistance sa peur de l’inconnu. Dans ce jeu, qui s’apparente au rêve-éveillé d’un adulte, elle met en place la métaphore de la vie, du déplacement, du parcours, puis celles de différents aspects de la vie sociale, elle y exprime alors enfin ce qui semble au nœud de ses angoisses, l’angoisse de la mort, l’angoisse de castration, l’agressivité comme pulsion, comme énergie qui anime... mais il faut briser les lignes droites, détourner le regard désapprobateur du Sur-Moi, pour autoriser cette expression. Dans un tel exemple, les animaux utilisés, images individualisées, sont organisés par l’enfant qui orchestre et effectue leur positionnement, leurs actions, qui, également, traduit en mots ce qu’elle représente concrètement, sous nos yeux à toutes deux et, enfin, qui éprouve, qui vit ce qu’elle met en scène. Elle ne le vit pas au premier degré, mais avec suffisamment d’intermédiaires (les animaux, la séance-cadre), pour que ses éprouvés lui soient acceptables (elle se donne le droit de vivre le jeu, elle rit quand l’animal mord la queue de celui qui le précède) et pour qu’ils soient représentables par le biais des mots qu’elle utilise. Elle me communique en effet des éléments forts, concernant le sens, qui permettent d’avancer, ensemble, sur le chemin d’un retour sur ce qui fait problème, d’un retour vers l’origine (le pays des nids) de son mal-être. Avant de prendre congé Le détour par l’imaginaire auquel je me suis sentie conviée par J.K. Rowling m’a amenée jusqu’ici, où il prend fin, pour ce qui est du cadre qui est le nôtre. Ma visite d’analyste chez Harry Potter, guettant derrière ce héros, la personnalité, les ressorts et l’imagination de son auteur, m’a permis d’y trouver de nombreux points communs avec tout ce qui fait notre quotidien, en analyse rêve-éveillé tout particulièrement. Ce qui était ainsi également détour, dans le cheminement habituel des livres didactiques de notre métier, fait une large place au plaisir, de lire, de découvrir, d’imaginer, de relier, de retrouver. Malgré ses connotations parfois négatives, je ne parviens pas à dévaloriser cette notion du détour. Le Dictionnaire Historique de la Langue Française (5) nous précise que le mot a d’abord désigné un lieu écarté, une cachette « avant de se rapporter à Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER IMAGINAIRE & INCONSCIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps l’endroit où un chemin, une rivière change de direction (...) et à un chemin qui éloigne du chemin direct ». Notre choix de privilégier le détour, tant pour retrouver des croisements oubliés que pour sortir du présent actuel, répond aussi à l’écriteau d’un des rêves de Freud : « on est prié de fermer les yeux ». R. Dufour (3) cite, en effet, cette indication à laquelle souscrit le rêve-éveillé : les yeux fermés, nos images naissent et se développent. Si nous les disons en mots, l’espace de la représentation est alors en pleine effervescence, s’y pressent des figurants en costume, les mots habillés par la grammaire et les accords, des acteurs qui se prennent au jeu des émotions et de la mise en scène, les images et agencements d’images, mis en mots, un metteur en scène et ses assistants, dont la présence s’entend au creux des silences et dans les successions. L’analyste présent recueille ce dire et ces images et les tableaux qu’ils forment, leurs séquences. Un travail alors commence, le travail du psychique, celui que je voyais à l’œuvre chez le lecteur d’Harry Potter, le travail de ce couple analytique dont l’objectif est la transformation, la succession de transformations, une autre métamorphose. Ce « projet (...) analytique » réunit « trois termes indéfectiblement liés : le voir, le vivre et le verbe, simultanément présents dans l’expérience du “rêver-éveillé” (...)» (4). Marianne SIMOND Psychologue Psychanalyste rêve-éveillé 87 rue Nicolas Chorier 38000 Grenoble BIBLIOGRAPHIE (1) AULAGNIER P. (1975). La violence de l’interprétation. Paris : P.U.F., 363 p. (2) BERGERET J. (1984). La violence fondamentale. Paris : Dunod, 251 p. (3) DUFOUR R. (1978). Ecouter le rêve. Paris : Laffont, 352 p. (4) FABRE N. (1985). Le rêve-éveillé analytique. Toulouse : Privat, 223 p. (5) REY A. (Sous la direction de). (1992) Dictionnaire Historique de la Langue Française. Paris : Robert, 2 391 p. (6) ROWLING J.K. (1998). Harry Potter à l’école des sorciers. Paris : Gallimard jeunesse, 307 p. ROWLING J.K. (1999). Harry Potter et la chambre des secrets. Paris : Gallimard Jeunesse, 364 p. ROWLING J.K. (1999). Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Paris : Gallimard Jeunesse, 465 p. ROWLING J.K. (2000). Harry Potter et la coupe de feu. Paris : Gallimard Jeunesse, 656 p. Traductions de l’anglais par Jean-François Ménard. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps 102 MARIANNE SIMOND • L’ANALYSTE RÊVE-ÉVEILLÉ EN VISITE CHEZ HARRY POTTER 103 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Résumé: L’analyste rêve-éveillé, à la lecture des ouvrages de J.K. Rowling ne peut manquer de remarquer et d’apprécier le travail de la métaphore effectué par l’auteur. Le thème de la quête de l’identité, pour Harry Potter, préadolescent au début de la série, illustre, de manière approfondie et variée, des étapes vécues, dans le cours normal de la vie et, en particulier, au cours de l’adolescence. Deux exemples du travail de la métaphore sur ce thème sont détaillés : la recherche de la baguette magique et la cérémonie de Répartition qui oriente le héros en le nommant et lui donne un groupe d’appartenance. Deux autres exemples, dont les évocations pourraient être sources de développements importants, sont signalés. En rêve-éveillé, le travail de la métaphore s’exerce de manière isolée, au décours des échanges ou, dans une dimension plus globale et plus puissante, dans une construction dont l’ensemble se déploie, se ramifie et se gonfle de sens. Quelques exemples cliniques illustrent cette proposition. Cet appel à l’imaginaire, détour dans un premier mouvement, se révèle le creuset d’une conjugaison possible entre le Vivre, le Voir et le Verbe. Mots-clés: Adolescence – Détour – Images – Identité – Métaphore. Marianne Simond – The awakened dream analyst visiting Harry Potter Summary: When reading J.K. Rowling, the awakened dream analyst can’t miss noticing and evaluating the metaphoric work of the author. The theme of identity quest, for Harry Potter, a pre-teen at the beginingof the story, illustrates, in a varied and deep manner, the steps lived in the normal course of life, particulary, during the adolescence years. Two examples of the metaphoric work on this theme are told in details : the quest for the magic wand and the Repartition ceremony that orients the hero, naming him ang giving him a group. Two other examples, which evocations could be sources of further developments are given. In the awakened dream, the metaphoric work is practiced in an isolated manner, by means of a construction which ensemble is spreading Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Marianne Simond – L’analyste rêve-éveillé en visite chez Harry Potter 104 IMAGINAIRE & INCONSCIENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 97.107.212.221 - 19/11/2019 09:27 - © L?Esprit du temps out, branching out and inflates with meaning. A few clinical examples illustrate this proposal. This call to the imagery, detour in a first move, reveals itself the crucible of a possible confluence of the Living, the Seeing and the Wording. Key-words: Teenage years - Detour - Images - Identity Metaphor.