Géographie Terminale S, Thème 2 – Les dynamiques de la mondialisation (8 - 9 heures) (Vivien Chabanne, Lycée Jules Guesde Montpellier, 2014-2015, manuel Nathan dir. S. Cote et E. Janin) Programme : Question : Mondialisation, fonctionnement et territoires Mise en œuvre du programme : Un produit mondialisé (étude de cas) Acteurs, flux et débats Des territoires inégalement intégrés à la mondialisation. Les espaces maritimes : approche géostratégique Orientation pour le baccalauréat Les sujets de composition suivants sont envisageables : La mondialisation : acteurs, flux et débats. En vous appuyant sur le cas du produit mondialisé étudié en classe, présentez les acteurs et les flux de la mondialisation. Des territoires inégalement intégrés dans la mondialisation (espaces maritimes compris). Deux croquis peuvent être demandés : Pôles et flux de la mondialisation. Une inégale intégration des territoires dans la mondialisation. L’analyse d’un ou deux documents (cartes, textes, images...) peut être demandée à l’examen. Remarque préalable : Afin d’éviter un phénomène de surenchère dans l’accumulation des savoirs, il importe ici de préciser que le contenu scientifique exposé dans cette séquence ne constitue pas un minimum requis, exigible de la part des élèves le jour du baccalauréat. En effet, ce contenu scientifique présente uniquement des pistes de réflexion, exploitables en classe avec les élèves. 1 I-Etude de cas : Le téléphone portable, un produit mondialisé Objectifs : Objectifs cognitifs : Identifier des types d’acteurs (privés, publics, étatiques, locaux...) qui déploient des stratégies, des territoires distincts (des métropoles comme siège de grandes entreprises et lieux de décision, des centres de production, des lieux de diffusion...), et des flux liés aux circuits de production et de distribution du produit. L’étude souligne le rôle joué par les transports maritimes. Elle peut permettre d’introduire quelques éléments des débats liés à la mondialisation. Vocabulaire : réseaux, flux, acteurs, FTN, IDE, cyberespace, délocalisation Ne pas confondre : DIPP - DIT – NDIT Objectifs méthodologiques : Insister sur la localisation précise des phénomènes, indispensable en géographie Rappeler l’importance du changement d’échelle Introduire un schéma d’organisation spatiale mobilisable pour une composition sur le sujet Mise en œuvre (2 heures) : En amont, travail à la maison : les élèves répondent par écrit aux questions de l’étude de cas proposée dans le manuel (questions 1 à 4 p249 et 1 à 4 p251) En cours, correction et mise en perspective par le professeur Faire la synthèse de l’étude de cas en réalisant un schéma d’organisation spatiale Accroche : Les élèves observent leur téléphone portable et s’interrogent sur leur provenance : « made in ? » Puis, à l’aide de la carte des lieux de fabrication et de commercialisation de l’iPhone (doc1 p248), on fait émerger la problématique : Le téléphone portable peut-il être considéré comme un produit « made in monde » (Suzanne BERGER1) ? 1 S. Berger, Made in Monde, les nouvelles frontières de l’économie mondiale, Seuil, 2006 Suzanne Berger, née en 1939, est une historienne et politologue américaine. Professeur de sciences politiques au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (États-Unis), elle est spécialiste de la France et de la mondialisation. Elle y notamment consacré plusieurs ouvrages ainsi qu'aux délocalisations. Elle est en particulier célèbre pour Notre Première Mondialisation: Leçons d’un échec oublié, livre paru en 2003, et Made in monde, paru en 2006. (Source Wikipedia) 2 1-La mondialisation d’un produit et de son usage (1ère heure) La mondialisation de l’iPhone illustre la DIPP2 (Décomposition Internationale des Processus Productifs), dans la mesure où plusieurs pays participent aux différentes étapes de la production du produit. Les activités à très forte valeur ajoutée (pré-production et postproduction) sont localisées à Cupertino, dans la Silicon Valley. La fabrication des composants est réalisée dans les pays développés (ex : l’écran par Texas instrument, la batterie par Sony au Japon, le processeur et la carte mémoire par Samsung en Corée du Sud), tandis que l’assemblage est effectué en Chine (« l’atelier du monde »). La fabrication du téléphone portable est à l’origine de flux matériels (matières premières, composants, distribution du produit fini) qui empruntent les grandes routes maritimes mondiales (ex : détroit de Malacca, canal de Suez) et mettent en relation les trois grands pôles de la mondialisation (Amérique du nord, Asie de l’Est, Europe). Le téléphone portable est également à l’origine de flux immatériels (capitaux, informations). En tant que vecteur de flux d’informations, le téléphone portable s’intègre donc au cyberespace, c'est-à-dire un espace digital sans frontières déconnecté de l’espace physique, mais à la fois largement territorialisé, dépendant de la connexion aux réseaux de communication, comme les câbles sous-marins (doc3 p249). La diffusion du téléphone portable est mondialisée (doc2 p248), avec une démocratisation qui permet aux ¾ de la population mondiale de disposer d’un téléphone portable. Même si certains espaces restent en marge (Afrique subsaharienne, Asie centrale), en raison d’un pouvoir d’achat réduit et d’une faible connexion aux réseaux, la diffusion de l’usage du téléphone portable dans ces territoires est très rapide. Ne pas confondre : - La DIT (Division Internationale du Travail), c'est-à-dire la répartition des différentes spécialisations entre les pays du monde, s’est longtemps traduite par des échanges de matières premières et de produits de base venant des pays pauvres contre des produits manufacturés exportés par les pays industriels (héritage colonial). - La NDIT (Nouvelle Division Internationale du Travail) est plus complexe : les pays occidentaux, devenus gros producteurs agricoles, achètent des produits manufacturés de consommation courante aux pays en développement et vendent des produits à plus haute valeur ajoutée. - De plus en plus, on peut parler de DIPP (Décomposition Internationale des Processus Productifs), dans la mesure où plusieurs pays participent aux différentes étapes de la production d’un produit. - L’essor de la DIPP ne marque pas pour autant la disparition de la DIT, puisque des matières premières nécessaires à la fabrication des téléphones portables sont extraites dans les pays du Sud (ex : mines de coltan au Kivu en Rép. Dém. Du Congo). La DIPP ne marque pas non plus la disparition de la NDIT, puisque l’assemblage est réalisé en Chine, « l’atelier du monde », en raison du coût peu élevé de la main d’œuvre. 2 LASSUDRIE-DUCHENE B., 1982, “Décomposition internationale des processus productifs et autonomie nationale », in. BOURGUINAT H. (dir.), Internationalisation et autonomie de décision, les choix français, Paris, Economica 3 2-Un produit mondialisé par des acteurs internationaux (2ème heure) Le téléphone portable est mondialisé principalement grâce à des acteurs privés, les FTN (Samsung, Nokia, Apple, cf. doc7 p250), selon une stratégie globale3. La stratégie globale vise à unifier l’ensemble de la gamme de produits à l’échelle mondiale et à faire de chaque filiale une unité spécialisée dans la production de l’un des composants du produit. La spécialisation de la production dans différents territoires est alors déterminée en fonction des « avantages comparés » (Ricardo, 1817) du pays dans lequel elle est implantée et de considérations logistiques. Dans notre étude de cas, Apple va jusqu’à renoncer à détenir des filiales et à externaliser totalement sa production, se muant en firme réseau » dont le centre n’a plus qu’une fonction de donneur d’ordre vis-à-vis des sous-traitants auxquels il a recours. Les pays développés (Etats-Unis, Japon, Corée du Sud) sont choisis pour la production de composants de haute technologie, grâce au capital humain dont ils disposent (compétences et savoir faire spécifiques). On peut insister sur la localisation exceptionnelle du siège d’Apple dans la Silicon Valley (cf. carte ci-dessous). L’usine d’assemblage est par contre localisée par Foxconn (sous-traitant taïwanais) dans la province du Henan (Chine intérieure) en raison du coût peu élevé de la main d’œuvre (en particulier par rapport à la Chine littorale). Les FTN peuvent aussi changer la localisation de leurs activités pour se rapprocher de marchés de consommation en développement, et pour profiter de conditions fiscales plus avantageuses proposées par les Etats. C’est le choix réalisé par Foxconn (principal fournisseur d’Apple), qui installe de nouvelles unités de production au Brésil (doc8 p250). Pour attirer ces IDE, les territoires sont mis en concurrence à l’échelle mondiale ; alors les acteurs publics (à commencer par les Etats) jouent un rôle majeur pour doter leur territoire des aménités nécessaires à l’implantation de ces IDE. Toutefois, certaines stratégies d’acteurs posent problème et engendrent une critique des effets de la mondialisation. La concurrence entre les territoires engendre des délocalisations en cascade, à la recherche d’une main d’œuvre à plus faible coût. A l’origine, Nokia produisait ses téléphones en Finlande : après une délocalisation en Roumanie, la fabrication est transférée au Vietnam. Pour Apple, Foxconn a réalisé une délocalisation interne en Chine, de Shenzen (delta de la rivière des Perles) à Chengdu (Chine intérieure). Une critique des conditions de travail dans les « pays ateliers » est effectuée par des organisations issues de la société civile. Par exemple, l’entreprise Foxconn (le groupe – numéro un mondial des composants pour ordinateurs – assemble notamment des produits pour Apple, Sony et Nokia, et emploie 1,2 million de personnes en Chine) a reconnu en 2012 recourir au travail des mineurs4. Une reconnaissance permise grâce à l’action de l’ONG China Labor Watch, une organisation de défense des droits des travailleurs - basée aux Etats-Unis – et qui lutte contre le travail des mineurs. 3 Michael PORTER (L’avantage concurrentiel, Paris, Dunod, 1999) distingue la stratégie globale de la stratégie multinationale. Cette dernière consiste à introduire sur plusieurs marchés nationaux des biens adaptés à chaque marché. La production de chaque filiale n’est pas spécialisée, et chacune constitue un centre de profit qui entretient des relations verticales avec sa maison mère et n’a que peu ou pas de relations avec les autres filiales de celle-ci. 4 « Foxconn reconnaît avoir employé des mineurs en Chine », Le Monde.fr avec AFP | 17.10.2012 : http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/10/17/foxconn-reconnait-avoir-employe-des-mineurs-enchine_1776484_3216.html Selon cet article, un autre sous-traitant, HEG Electronics, a également été accusé d’employer des enfants pour le compte de Samsung. 4 Conclusion de l’étude de cas : Le téléphone portable est à la fois un produit mondialisé et mondialisant. Intégré aux réseaux de la mondialisation, il participe à l’essor de cette dernière. A l’issue de l’étude de cas : 1- Poser la définition de la mondialisation : Un ensemble de processus matériels et organisationnels qui renforcent l’interdépendance des lieux, des économies et des sociétés à l’échelle de la planète. Il s’agit bien de décrire un système dynamique, résultante lisible de processus émanant de l’interaction de champs économique, politique, technique et socio-culturel. 2- Annoncer ensuite la problématique générale du thème : Quelles sont les dynamiques de la mondialisation à l’échelle planétaire ? 3- Réaliser un schéma d’organisation spatiale : Pour disposer d’un schéma à intégrer dans une composition sur le sujet, les élèves analysent et reproduisent celui proposé par le manuel (p252). 5 Source5 : http://cdn3.vox-cdn.com/assets/4465505/silicon_valley_big.png 5 California's Silicon Valley, the arc of towns stretching between San Jose in the south and San Francisco in the north, is the unofficial capital of the global computing industry. Far from making geography obsolete, the internet has in some ways made it more important than ever. The best engineering talent generally wants to live where the top employers of software engineers are located. And any company that wants to hire loads of top computer programmers needs to be present in the Valley to recruit them. Meanwhile, one major source of venture capital financing for new startups is rich tech company founders who've already cashed out. And regardless of origin, top VCs like to locate where both startups and potential buyers of young companies are thick on the ground — Silicon Valley. Yet, while past technological revolutions have led to explosive urban growth, the impact of the technology boom on the Valley has been different. Strict zoning rules have prevented the vast suburban areas from urbanizing, and already-dense San Francisco is resistant to becoming even denser. The result has been skyrocketing housing prices that have created windfalls for people who bought property at the right time but that make it difficult for working-class people to share in the Bay Area's growing prosperity. 6 II-ACTEURS, FLUX ET DEBATS DANS LA MONDIALISATION (2 heures) Objectifs : Objectif général : A la suite de l’étude de cas, il s’agit ici d’aborder de façon plus générale les relations entre acteurs et flux pour comprendre les dynamiques de la mondialisation, et d’examiner les débats que suscite cette dernière. Objectifs cognitifs : - Identifier les principaux acteurs de la mondialisation et analyser leurs stratégies pour mettre en évidence les inégalités territoriales qu’elles engendrent Montrer que le développement de flux, visibles et invisibles, structurent et hiérarchisent l’espace mondialisé L’évocation des débats générés par l’essor de la mondialisation met en valeur quelques enjeux cruciaux Notions : Village global, ONG, fonds souverains, remises, diaspora, forums sociaux mondiaux, mouvement des Indignés Ne pas confondre : altermondialisme et antimondialisme Objectifs méthodologiques : - Prise de notes Réalisation d’un croquis de synthèse : « Pôles et flux de la mondialisation » Accroche : « Ce n’est pas la mondialisation qui dissout les nations, mais l’autodissolution des nations qui produit la mondialisation. » (Emmanuel TODD, L’illusion économique, 2007) Comment la mondialisation redéfinit-elle l’organisation du monde ? 7 1-Les acteurs et leur rôle dans les dynamiques de la mondialisation Documents 1 et 2 p257 Les principaux opérateurs de la mondialisation appartiennent au secteur privé. Les FTN réalisent ¼ du PIB mondial et 2/3 du commerce mondial. Ces FTN sont en forte croissance : IDE multipliés par 10 depuis 2000. Si les pays développés contrôlent environ 80% des FTN, celles des pays émergents montent en puissance : Lenovo (Chine), Tata (Inde), Petrobras (Brésil). En raison du rôle croissant des médias (Walt Disney, blockbusters américains), on assiste à l’émergence d’un Village global (expression du sociologue canadien Marshall Mac Luhan, 1971), marqué par l’uniformisation des cultures. Les acteurs publics (groupements supranationaux, Etats), et les organisations issues de la société civile (syndicats, associations de consommateurs, ONG…), jouent également un rôle crucial dans le processus de mondialisation. Les groupements supranationaux (OMC, UE, ALENA), impulsent la dérégulation et la libéralisation du marché mondial. Les Etats assurent la défense de leurs intérêts économiques et stratégiques, répondent aux besoins des populations, et des entreprises et cherchent à attirer des FTN (développement des infrastructures ou législation sociale au rabais). Certains Etats sont des acteurs essentiels de la finance mondiale à travers leurs fonds souverains (Chine, Emirats du golfe). Depuis la crise de 2008, on assiste à une certaine réhabilitation de la puissance publique. Selon Laurent Carroué, les différentes agences onusiennes (comme la Banque Mondiale) « semblent les mieux armées pour définir et promouvoir un nouveau droit sociétal et de nouvelles régulations à vocation réellement universelle. » L’analyse de stratégies des différents types d’acteurs permet de mettre en évidence la compétition mondiale inhérente à la mondialisation et les inégalités qu’elle génère entre les hommes et entre les territoires. La DIPP, très sélective, répond à des stratégies variées : accès à des matières premières, à une main d’œuvre à bas salaires ou à des marchés nationaux (évitement des droits de douane). L’insertion des territoires dans la mondialisation est donc inégale. Fonds souverains : excédents financiers détenus par des Etats. Ils sont généralement investis dans l’économie mondiale et produisent des intérêts. 8 2-Le développement d’un ensemble de flux, visibles et invisibles, qui structurent l’espace mondialisé La mondialisation est marquée par une explosion des flux, qui renforcent les interdépendances entre les territoires, qui tissent des réseaux à toutes les échelles, et qui hiérarchisent l’espace autour de pôles majeurs. Ces flux sont de trois natures : les mobilités (flux de personnes), les flux matériels (marchandises) et immatériels (flux d’informations et de capitaux). Etude de la carte des principales routes maritimes6 (world shipping routes) : Cette présentation de la structuration de l’espace mondial donne lieu à la réalisation d’un croquis : « Pôles et flux de la mondialisation » (voir légende p12) Si l’essentiel des échanges se fait entre espaces géographiquement proches, au niveau local comme au niveau continental, de nouvelles proximités fonctionnelles émergent, associant des lieux éloignés les uns des autres en distance géographique mais fonctionnant en interaction étroite. Trois exemples : la segmentation de l’appareil productif par les FTN (DIPP) ; les réseaux diasporiques (avec notamment le système des remises) ; la constitution d’un cyberespace grâce notamment à Internet, qui permet aux individus d’être « en capacité 6 Nicholas Rapp made this beautiful image of global shipping routes, highlighting the sinews of commerce in the modern age as global trade has boomed to unprecedented levels. Trade as a share of world output fell precipitously during the two world wars, and Cold War politics kept it relatively low for most of the second half of the twentieth century. But over the past generation it's boomed, thanks to a combination of changed policies and the invention of the container shipping. Something the map highlights is that the world economy features a couple of major shipping choke points — one around Malaysia and Singapore and the other around the Red Sea — where geopolitical instability could produce major disruptions to commerce. At the moment, a de facto American monopoly on ability to sustain far-flung naval operations prevents this from happening, and it wouldn't really be in anyone's interest to massively interrupt world trade, anyway. Then again, World War I wasn't really in anyone's interest either. Source: http://cdn0.vox-cdn.com/uploads/chorus_asset/file/664138/Screen_Shot_201408-20_at_11.25.13_AM.0.png 9 de se connecter en tout lieu à tout lieu » (c’est le concept d’hyperspatialité, développé par le géographe Michel Lussault7). Remises (ou transferts financiers) : transfert d’argent transfert d’argent par un émigré vers son pays d’origine. (cf. doc2 p259) 7 Quant aux mobilités des personnes, elles s’accroissent rapidement avec le tourisme qui compte selon l’OMT environ 1,1 milliards de touristes internationaux en 2013 (+ 5% par rapport à 2012). Mais l’affirmation d’une mobilité généralisée à l’échelle mondiale doit être nuancée. Les migrations internationales (214 millions en 2009, soit 3.1% de la pop° mondiale) s’organisent en majorité entre pays voisins (40% selon le PNUD en 2009) et sont largement devancées par les migrations internes (740 millions dans le monde en 2009). A l’échelle des Etats, si l’exemple des migrants mexicains circulant de part et d’autre de la frontière entre Mexique et Etats-Unis accrédite la notion de transnationalisme, la construction d’un mur le long de la frontière montre que l’émergence de circulations transnationales est un produit de la mondialisation évolutif et spatialement sélectif. Michel Foucher a ainsi montré que depuis 1990 environ 26 000 km de nouvelles frontières sont apparus. De nombreux murs s’érigent pour freiner les migrations transnationales : Ceuta, Grèce-Turquie, Bulgarie-Turquie, Inde-Bangladesh. A l’échelle urbaine, on peut relever les mêmes contrastes : carrefour des mobilités et lieu d’une grande diversité migratoire, la ville voit aussi se structurer des espaces suburbains sur des revendications identitaires. Los Angeles, est ainsi qualifiée de « ville-monde multiculturelle » (Sarah Mekdjian), espace de côtoiement pour les « Little » (Armenia, China, Korea, Persia, Ethiopia, Thai Town ou Filipinotown). Michel LUSSAULT, L’Avènement du Monde. Essai sur l’habitation urbaine de la Terre, Seuil, 2013 10 3-Une mondialisation en débat Les débats générés par l’essor de la mondialisation tournent autour de deux enjeux cruciaux : la question de la gouvernance et la contestation des effets de la mondialisation. La question de la gouvernance se pose avec la mise en cause de certains acteurs (FTN, acteurs financiers…) et l’aspiration à un renforcement du contrôle démocratique sur les réseaux d’échange et les marchés, ce qui pose la question de la place des Etats dans le processus de mondialisation. Le XXIe siècle est à la fois le siècle de la généralisation de l’Etat comme modèle d’organisation de l’espace (ce dont témoigne la multiplication des frontières) et celui de son affaiblissement par la mondialisation. Pourtant, les Etats peuvent être influents à travers l’établissement de normes sociales ou environnementales. La contestation des effets de la mondialisation est croissante. Même si la mondialisation engendre un accroissement important des richesses à l’échelle planétaire, elle contribue aussi au creusement des inégalités. A l’échelle mondiale, les inégalités entre Etats restent fortes : même si les BRICS émergent, la croissance des Suds s’accompagne d’une plus forte dépendance à l’égard des Nords, auxquels appartiennent la majorité des acteurs de la mondialisation. Tandis que certains profitent peu de la mondialisation (PMA). A l’échelle des Etats, les inégalités internes sont colossales (clivage Chine intérieure / Chine littorale). De plus, les coûts sociaux (délocalisations, conditions de travail, travail des enfants) et environnementaux (pour la fabrication et le transport) sont régulièrement dénoncés. L’altermondialisme (« un autre monde est possible »8) est un courant de protestation fondé sur l'idée que d'autres formes d'organisation du monde que les formes de la mondialisation libérale sont possibles. Ce mouvement, né après l'effondrement du bloc soviétique, se veut une force de proposition afin de dépasser l'image négative de l'antimondialisation (qui prône un retour au protectionnisme). Les critiques et les projets alternatifs des mouvements et organisations s'en réclamant portent sur les questions de gouvernance, de rapports Nord/Sud, de développement équitable et durable, par exemple. L'altermondialisme a connu une phase de médiatisation importante autour des années 2000, lors des manifestations contre les sommets du G8 (Gênes, 2001) et par la tenue de forums sociaux mondiaux (Porto Alegre, 2001) en alternative aux forums économiques mondiaux de Davos. Le choc de la crise financière mondiale de 2007 a donné un écho certain à ce courant protestataire, notamment à travers les mouvements « Occupy9 » (Document 3 p257) ou bien 8 Et plus récemment « d’autres mondes sont possibles ». Autre slogan couramment utilisé : « le monde n’est pas une marchandise » (cf. Le monde n'est pas une marchandise, les paysans contre la malbouffe, Entretiens de José Bové et François Dufour, par Gilles Luneau, Ed. La Découverte, 2000). 9 Extrait Wikipedia : Le mouvement Occupy ou Occupy movement, (en français : mouvement d'occupation), est un mouvement international de protestation sociale, principalement dirigé contre les inégalités économiques et sociales. Ce mouvement est assimilé au mouvement des Indignés. Le groupe activiste canadien Adbusters est à l'origine du mouvement Occupy Wall Street (OWS), leur principale source d'inspiration étant le printemps arabe. Le mouvement débute fin 2011 à Kuala Lumpur avec Occupy Dataran, suivi par Occupy Wall Street et Occupy San Francisco. Le 9 octobre 2011, le mouvement est présent dans plus de 95 villes à travers 82 pays et plus de 600 communautés aux Etats-Unis. 11 ceux des Indignés10 (cf. Stephane Hessel, Indignez-vous !, 201011). Toutefois, la nébuleuse altermondialiste est très diverse dans ses échelles d'action, du local au global, et divisée dans ses propositions. Croquis : Pôles et flux de la mondialisation 1-Une mondialisation multipolaire… - Trois pôles majeurs Grands pôles de puissance traditionnels (Triade) (figuré de surface rouge) Pays émergents les plus importants (BRICS) (figuré de surface bleu foncé) Puissances régionales en développement (figuré de surface bleu clair) : Mexique, Argentine, Nigéria, Turquie, Arabie Saoudite, Iran, Indonésie 2-… Mise en réseau par des flux de différentes natures - De marchandises De capitaux De population Cf. schéma p337 Magnard 10 Cf. Geoffrey Pleyers, « Brève histoire du mouvement altermondialiste », La Vie des idées, 29 mars 2013. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/Breve-histoire-du-mouvement.html 11 Indignez-vous ! est un essai de Stéphane Hessel publié en 2010. Cet opuscule, d'une trentaine de pages, défend l'idée selon laquelle l'indignation est le ferment de l'« esprit de résistance ». Indignez-vous ! , Montpellier, Indigène éditions, collection « Ceux qui marchent contre le vent », 2010, 32 p Extrait wikipedia : Le mouvement des Indignés (Indignados en espagnol) ou Mouvement 15-M est un mouvement assembléiste et non violent né sur la Puerta del Sol, en Espagne, le 15 mai 2011, rassemblant des centaines de milliers de manifestants dans une centaine de villes, se prolongeant par divers modes d’action (campements, marches) jusqu'à aujourd’hui. S’en est suivi une série de manifestations pacifiques, rassemblant jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de personnes, organisées sur les réseaux sociaux et des sites web dont ¡Democracia Real Ya! (Une vraie démocratie, maintenant), auxquels se sont joints de 200 à 500 organismes soutenants, parmi lesquels les collectifs ATTAC, Anonymous, NoLesVotes et Juventud Sin Futuro (« Jeunesse sans avenir ») 12 III-DES TERRITOIRES INEGALEMENT INTEGRES A LA MONDIALISATION (2h) Objectifs : Objectifs cognitifs : Mettre l’accent sur l’inégale intégration aux réseaux d’échanges qui induit une recomposition territoriale à l’échelle mondiale Montrer que la mondialisation hiérarchise les lieux à toutes les échelles Ne pas confondre : métropole-mégapole-mégalopole Notions : mondialisation multipolaire, interface, Mexamerica, Northern Range, Triade (Kenichi OHMAE, 1985), AMM (Olivier Dollfus, 1996), Ville Globale (Saskia Sassen, 1996), CBD, skyline, mégapole, mégalopole, hub, zone franche, Etat failli (Failed State), enclavement, insularité, relégation socio-spatiale. Objectifs méthodologiques : Prendre des notes Analyser un paysage Deviner la légende d’un croquis présenté avec une légende avec aveugle Réalisation du croquis : « Une inégale intégration des territoires dans la mondialisation » Intégrer un schéma d’organisation spatiale à un discours rédigé dans la perspective de la composition (schéma des « trois Chines ») Problématiques : Quelles typologies des territoires peut-on établir en fonction de leur inégale intégration à la mondialisation ? Quelles sont les caractéristiques des pôles et territoires majeurs de la mondialisation et des territoires restés en marge ? Accroche : « Qui ne sait pas lire et vit avec un dollar par jour ne ressentira jamais les bienfaits de la mondialisation. » (Jimmy Carter12, ancien président des Etats-Unis de 1977 à 1981) La mondialisation laisse-t-elle en marge certains territoires de la planète ? 12 Jimmy Carter reçut également le Prix Nobel de la paix en 2002, pour ses actions en faveur de la résolution des conflits internationaux. Il a notamment réuni à Camp David, en 1978, le président égyptien Anouar elSadate et le premier ministre israélien Ménahem Begin, pour préparer le traité de paix israélo-égyptien de 1979 (accords « Camp David I »). 13 1- La mondialisation, un processus multipolaire qui intègre de nouveaux territoires Etude de la carte p254 A l’échelle mondiale, la mondialisation est dominée par trois aires de puissance majeures sur la planète : l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale et l’Asie orientale (à distinguer des trois espaces de la Triade stricto-sensu définie par Kenichi OHMAE en 1985). Les pays au système capitaliste libéral ancien sont intégrés de longue date dans la mondialisation. Les BRICS, ainsi que les puissances pétrolières (Etats de la péninsule arabique, Nigéria, Angola, Venezuela) présentent une intégration récente mais complète à la mondialisation. Tandis que d’autres pays émergents s’intègrent progressivement dans la mondialisation (Amérique, latine, Turquie, Iran, Indonésie). La mondialisation présente donc désormais un caractère multipolaire13. Carte des contrastes territoriaux de la Chine (p357) Quels types d’espaces attirent ? Polarisent ? Concentrent ? - Villes (nommer et hiérarchiser les principales) Fleuves (voies de communication) Littoraux : façades maritimes représentant des interfaces avec la mondialisation A l’échelle régionale, les façades portuaires jouent un rôle privilégié : étalées en Asie orientale (Osaka, Shanghai, Hong Kong, Singapour), concentrées en Europe de l’Ouest (Northern Range), ou plus localisées (Los Angeles, Dubaï), elles constituent des interfaces majeures de la mondialisation (SCHEMA d’interface). Avec la libéralisation du commerce mondial, les zones transfrontalières jouent aussi un rôle important, comme la Mexamerica (frontière Etats-Unis – Mexique) où les échanges se sont accrus dans le cadre de l’ALENA. On peut citer également le cas des frontières internes de l’UE, autour du Benelux notamment. 13 Définition du géographe Laurent Carroué : la mondialisation est un « processus géohistorique multiséculaire d’extension du capitalisme à l’échelle planétaire ». La mondialisation se construit en trois phases successives : la première est portée par les Grandes Découvertes, la deuxième (au XIXe siècle correspond à l’exploitation des empires coloniaux par les puissances industrielles européennes). Depuis les années 1960, la troisième étape voit s’intensifier les échanges internationaux de marchandises, la financiarisation de l’économie et s’étendre le modèle libéral à l’ensemble de la planète. La mondialisation est devenue multipolaire. 14 Deux exemples de classement des villes globales14 : The world according to GaWC, 201015 The Global City Power Index, 201216 (Réseau d’étude sur la mondialisation et les villes mondiales, de l'université de Loughborough, Royaume-Uni) (Institute for Urban Strategies, Tokyo) Classement des villes globales fondé sur l’insertion de chaque ville dans le réseau des firmes de services supérieurs aux entreprises Classement réalisé à partir de 6 critères : économie, recherche et développement, accès à la culture, qualité de vie, environnement, accessibilité 1-Londres 2-New York 3-Hong Kong 4-Paris 5-Singapour 6-Tokyo 7-Shanghai 8-Chicago 9-Dubaï 10-Sydney 1-Londres 2-New York 3-Paris 4-Tokyo 5-Singapour 6-Seoul 7-Amsterdam 8-Berlin 9-Vienne 10-Francfort 14 Autre exemple : Classement 2010 Foreign Policy : http://www.atkearney.com/documents/10192/efd4176a-09dd-4ed4-b0309d94ecc17e8b 15 16 GaWC : Globalization and World Cities Research Network http://www.mori-m-foundation.or.jp/english/research/project/6/index.shtml 15 Paysage de Pudong17 : Quels sont les marqueurs de la ville globale ? CBD créé ex-nihilo au début des années 1990 dans le district de Shanghai : une course à la vitrine de la ville mondiale, conforme au stéréotype idéologique de la ville globale (voir aussi photo p91) 17 On trouve aujourd'hui dans ce quartier en pleine construction des édifices qui sont devenus les symboles de l'essor économique chinois, comme la Perle de l'Orient (1995, 468 mètres), la tour Jin Mao (1996, 420 mètres, 88 étages), le Shanghai World Financial Center (2008, 492 mètres et 101 étages) et le Shanghai Center (en projet pour 2014, 632 mètres, 127 étages). À l'horizon 2016, il est prévu que la ville accueille un complexe touristique de la Walt Disney Company, le Shanghai Disney Resort. Ce serait alors le second Resort Disney en Chine après l'ouverture du Hong Kong Disneyland Resort en 2005. Le principal aéroport de Shanghai, Shanghai-Pudong, se situe également dans ce district, sur le littoral à l'Est. (extrait Wikipedia) 16 Enfin, localement, certaines villes disposent d’un rôle stratégique : des métropoles de rang mondial concentrent les fonctions de commandement. Elles sont en mesure d’attirer les investissements, les activités, les hommes et les capitaux. La sociologue Saskia SASSEN parle alors de « Ville Globale18 » (Global City). Les prototypes sont New York, Londres et Tokyo, auxquels il faut rajouter d’autres comme Francfort, Paris, Hong Kong, Shanghai, Singapour, en raison de l’intensité de l’activité de leurs bourses. Ce sont souvent des mégapoles (plus de 10 millions d’habitants), mais le critère démographique est peu important (Francfort ou Hong Kong ne sont pas des mégapoles, et inversement Calcutta n’est pas une ville globale). La skyline (ou panorama urbain) de ces métropoles est aisément identifiable, car la présence des fonctions de commandement est souvent symbolisée par les gratte-ciel de leur CBD (Central Business District ou quartier d’affaires). Ces villes globales entretiennent des relations étroites, dans un réseau hiérarchisé de villes ou World City Network19 (concept forgé par le géographe britannique Peter J. TAYLOR, fondateur du GaWC20). Dans les années 1990, les géographes français ont développé le concept de l’Archipel Métropolitain Mondial (Olivier DOLLFUS, 1996), qui décrit un espace au sein duquel de grandes métropoles constituent des pôles directeurs de la mondialisation. Chacune de ces métropoles constitue alors une « île » qui entretient avec les autres grandes villes des relations privilégiées qui traduisent leur appartenance au même « archipel », comme une mégalopole21 à l’échelle mondiale. L’ensemble forme un réseau relié par des flux importants et associe dans un même mouvement de développement des activités de haut niveau, notamment de recherche, d’innovation et de direction. Activité : construction de la légende pour le croquis Présenter (photocopie) la carte p262 sans sa légende : les élèves doivent la reconstituer et la simplifier. A la fin de cette première heure, les élèves doivent repartir avec une légende construite et réaliser le croquis à la maison à partir de la carte p262 (photocopier un fond de carte à projection polaire). 18 Pour la géographe Cynthia GHORRA-GOBIN, les expressions « ville mondiale » et « ville globale » ne sont pas équivalentes. La première qualifierait le rôle historique de la ville, son influence culturelle à long terme, tandis que la seconde désignerait la capacité de la ville à s'insérer dans les flux et les réseaux d'échanges mondialisés. Ainsi, Venise ou Berlin seraient des villes mondiales et non des villes mondiales. Seules Londres, New York, Paris et Tokyo seraient à la fois des villes globales et des villes mondiales. (cf. Cynthia Ghorra-Gobin (dir.), Dictionnaire critique de la mondialisation, A. Colin, 2012) 19 P. J. TAYLOR, World City Networks : A Global Urban Analysis, Londres, New York, Routledge, 2003 20 Cf. le classement des villes globales établi en 2010 par le GaWC (Globalization and World Cities Research Network ou Réseau d’étude sur la mondialisation et les villes mondiales), de l'université de Loughborough (Royaume-Uni) se fonde sur l'insertion de la ville dans le réseau des firmes de services supérieurs aux entreprises. http://www.lboro.ac.uk/gawc/world2010t.html 21 Mégalopole : grande région urbaine de plusieurs dizaines de millions d’habitants, comprenant plusieurs métropoles et grands centres urbains, et s’étendant de manière relativement continue sur plusieurs centaines de kilomètres. On reconnaît trois mégalopoles : la Mégalopolis de Boston à Washington, la mégalopole japonaise et la dorsale européenne. 17 2-La mondialisation, un processus qui hiérarchise les territoires La hiérarchisation des territoires est étroitement dépendante de la connexion aux réseaux de transports qui relient les différents pôles de la mondialisation. Le commerce mondial s’organise autour de grandes routes qui relient les façades maritimes asiatiques, européennes et nord-américaines. Certains carrefours de transport sont des hubs (définition p260), à la fois portuaires et aéroportuaires (Singapour). La mondialisation accentue la concurrence entre les territoires. Les stratégies des entreprises s’organisent à l’échelle planétaire. Les Etats comme les métropoles s’efforcent d’attirer les IDE, en aménageant par exemple les infrastructures de transport ou en créant des zones franches (free zone) (Doha, Dubaï, Hong Kong). (analyse de paysage doc1 p261) La mondialisation est donc un processus qui génère des inégalités territoriales à toutes les échelles, en fonction de l’intégration - ou non - aux réseaux de la mondialisation. Les territoires sont ainsi hiérarchisés, à l’image des métropoles : certaines sont de rang mondial (Londres), alors que des métropoles de rang secondaire ont un rayonnement national (Birmingham) ou régional (Newcastle). 18 3-La mondialisation, un processus qui laisse en marge des territoires Des territoires restent en marge de la mondialisation, à l’échelle d’un quartier, d’une ville (inégalités socio-spatiales de Chicago entre son CBD et son ghetto noir), à l’échelle d’une région (Sahel), ou à l’échelle des Etats avec les PMA (carte p262). Les PMA correspondent à plusieurs critères : PIB < 900$/hab., un faible capital humain (nutrition, santé, éducation) et une forte vulnérabilité économique (instabilité des productions, petitesse de l’économie, faible part des produits manufacturés). Un PMA doit être < 75 millions d’hab (à l’exception du Bangladesh). En 2014, on compte 48 PMA22, dont plus des 2/3 en Afrique sub-saharienne. Les PMA représentent plus de 12% des habitants de la planète, mais seulement 0.5% des exportations mondiales. Cette marginalisation vis-à-vis de la mondialisation peut s’expliquer par la corruption, qui désorganise l’économie, ou par une insécurité engendrée par des Etats faillis23 (Failed State) se trouvant dans l’incapacité de faire respecter l’Etat de droit. On peut aussi évoquer l’insularité (Kiribati, Salomon, Vanuatu, Comores), ou l’enclavement faute d’accès à la mer (Laos, Bhoutan, Burkina Faso, République Centrafricaine). A l’échelle régionale, la Chine de l’intérieur est marquée par cet enclavement (réalisation d’un schéma d’organisation spatiale des trois Chines à partir de la carte p357), tandis qu’à l’échelle urbaine, on observe un phénomène de relégation socio-spatiale des populations les plus défavorisées vers des territoires périurbains enclavés, mal desservis par les transports (banlieue parisienne). Mais tourisme international et progrès des télécommunications entretiennent presque toujours un lien entre la mondialisation, ces sociétés et territoires. Ils n’en restent donc jamais vraiment à l’écart, sauf dans les stratégies des médias qui, régulièrement, veulent vendre des tribus de Papouasie-Nouvelle-Guinée comme « n’ayant jamais vu l’homme blanc ». En Afrique subsaharienne, par exemple, le téléphone portable inscrit ces territoires dans les réseaux de la mondialisation. Il est courant que des personnes qui ne s’étaient jamais servies d’un téléphone fixe auparavant soient aujourd’hui en possession d’un téléphone portable ; de même qu’il est courant de rencontrer des possesseurs de téléphone portable qui ne disposent pas chez eux de l’électricité nécessaire à la recharge de sa batterie24. Relégation socio-spatiale : dans les zones périurbaines des grandes villes, de nombreuses personnes sont chassées des villes-centre par la hausse des loyers. Sans moyens de transports, elles deviennent des « captifs du périurbain ». Elles se retrouvent alors en position d’insularité sociale et spatiale. 22Liste des 48 PMA établie par l’ONU : http://unohrlls.org/about-ldcs/ Les îles Samoa sont récemment sorties du classement. 23 Un Etat failli est aussi appelé Etat en déliquescence, Etat déstructuré, Etat défaillant 24 Dibakana Jean-Aimé, « Usages sociaux du téléphone portable et nouvelles sociabilités au Congo », Politique africaine 1/ 2002 (N° 85), p. 133-150 URL : www.cairn.info/revue-politique-africaine-2002-1-page-133.htm. DOI : 10.3917/polaf.085.0133 19 Carte des PMA Source : ONU http://unctad.org/fr/pages/PressRelease.aspx?OriginalVersionID=160 Carte des Etats faillis ; Carte réalisée par le think tank américain Fund for Peace et le magazine Foreign Policy, fondé par Samuel Huntington (Source : http://ffp.statesindex.org/rankings-2013-sortable) 20 Croquis : Une inégale intégration des territoires dans la mondialisation 1-Une intégration progressive, mais encore incomplète - Pays au système capitaliste libéral ancien : des territoires intégrés de longue date Les principaux pays émergents, des territoires à l’intégration récente (BRICS) Autres pays émergents qui s’intègrent progressivement Pays intégrés de manière incomplète à la mondialisation (dont PMA) 2-Principaux vecteurs d’intégration - Des façades littorales actives constituent des interfaces avec le reste du monde Des villes globales concentrent les fonctions de commandement Principales métropoles mondiales 21 IV-LES ESPACES MARITIMES : APPROCHE GEOSTRATEGIQUE (2h) Problématiques du programme : - De quelle façon la mondialisation influe-t-elle sur la géostratégie des espaces maritimes ? Pourquoi le contrôle de ces espaces est-il essentiel ? Dans quelle mesure la géostratégie des espaces maritimes est-elle révélatrice de la hiérarchie des puissances dans la mondialisation ? Objectifs cognitifs : - Prendre conscience que la mondialisation a accru l’importance géostratégiques des mers et océans Montrer que la géostratégie des espaces maritimes est aussi le reflet de la hiérarchie des puissances et de son évolution Identifier des tensions provoquées par l’appropriation des espaces maritimes Notions : littoralisation, antimonde, gisement offshore, ressources halieutiques, ZEE, marée noire, résilience environnementale Accroche : Vidéo sur la piraterie dans le détroit : bande annonce de Capitaine Phillips, film d'aventure américain réalisé par Paul Greengrass (2013), à partir d’une histoire vraie25 (détournement du Maersk Alabama en 2009, et prise d’otage par des pirates somaliens) : http://www.youtube.com/watch?v=JvvcNZ5hZLM Questionnement : - Où se déroule la scène ? A l’aide de la carte p263, formulez une hypothèse à propos de la provenance et la destination du navire Identifiez les différents acteurs Relever les informations suivantes : - - Le navire est pris d’assaut par des pirates somaliens, qui prennent en otage le navire et son équipage. Ils demandent une rançon en échange. La scène se déroule sur un cargo porte-conteneurs MAERSK-Alabama (compagnie danoise, Maersk est la première compagnie mondiale de transport maritime), dans l’océan Indien, près du détroit de Bab el-Mandeb. Le navire vient du littoral est-asiatique, il est passé par le détroit de Malacca et se dirige vers le canal de Suez avant de rejoindre un port de la Northern Range. L’armée américaine intervient pour résoudre la situation, en engageant des forces importantes. Faire émerger la problématique de la leçon : Pourquoi les espaces maritimes sont-ils des territoires stratégiques dans la recomposition de l’espace mondial ? 25 http://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_d%27otage_du_Maersk_Alabama 22 1-La mondialisation a accru l’importance géostratégique des mers et océans Carte p263 Le transport maritime est vital pour l’économie mondiale : échanges de produits manufacturés, approvisionnement en énergie, en denrées agricoles, ou en matières premières. La mondialisation renforce ainsi la littoralisation des activités (ZIP) et le rôle des façades maritimes (le littoral de l’Asie orientale, la Northern Range, et du golfe du Mexique à la mégalopole nord américaine). Les flux empruntent des routes et des points de passage obligés (caps, canaux, détroits) : Cap de Bonne Espérance, Détroit d’Ormuz, Canal de Suez ou de Panama. Ces nœuds de communication sont souvent sensibles (piraterie, terrorisme) : Détroit de Malacca, détroit de Bab el-Mandeb, Golfe de Guinée. On constate aujourd’hui « la diminution récente et très nette de la piraterie dans le golfe d’Aden et le détroit de Malacca, mais son augmentation en Indonésie et dans le golfe de Guinée. Dans le golfe de Guinée le contexte stratégique est particulier. On n’est pas dans le cadre d’Etats faillis. Au contraire, les Etats - certes fragiles existent et sont soucieux de leur souveraineté. Leurs priorités sont complexes, ce qui rend souvent difficile d’imposer des patrouilles internationales »26. Carte du détroit de Gibraltar, au cœur d’enjeux géostratégiques (doc1 p265) Difficiles à surveiller, les mers favorisent la mondialisation d’activités illicites. Par exemple, le détroit de Gibraltar est un nœud de communication qui concentre des flux illégaux : migrations internationales clandestines Sud-Nord ; flux de drogues (cannabis) en direction de l’Europe. L’antimonde27 (Roger BRUNET) est ainsi intégré aux réseaux de la mondialisation. Un plus grand contrôle de ces espaces maritimes est donc nécessaire. 26 Source : Diploweb, « La piraterie maritime : quelles tendances ? Basculement" d’un golfe à l’autre en Afrique, et persistance en Asie du Sud-Est », Par Edouard PFLIMLIN, Louis BORER, le 15 juin 2014 : http://www.diploweb.com/La-piraterie-maritime-quelles.html 27 Antimonde : « cette partie du Monde mal connue et qui tient à le rester, qui se présente à la fois comme le négatif du monde et comme son double indispensable » (Les mots de la géographie, Brunet, Ferras et Théry, 1993, p. 35). Voir aussi une analyse sur la pertinence – ou non - du concept : http://www.espacestemps.net/articles/antimonde/ 23 2-Le contrôle géostratégique des espaces maritimes : reflet de la hiérarchie des puissances La sécurisation des flux commerciaux repose alors sur le contrôle des espaces maritimes, particulièrement les points nodaux, ce qui amène de nombreux Etats non riverains (pays du Nord comme pays émergents) à renforcer leur présence militaire pour défendre leurs intérêts (ex : base navale française à Djibouti). Des équipements de haute technologie jouent un rôle croissant dans ce contrôle, notamment avec l’utilisation de satellites pour contrôler les zones de pêche ou lutter contre les dégazages sauvages des navires. Les pays développés jouent traditionnellement un rôle majeur dans ce contrôle, en particulier les Etats-Unis en raison de leur puissance navale (ex : intervention contre le détournement du Maersk Alabama en 2009). C’est aussi essentiellement par la mer qu’ils organisent leurs opérations militaires et leurs interventions humanitaires. Le rôle croissant de la Chine dans le contrôle géostratégique des espaces maritimes marque une évolution dans la hiérarchie des puissances. Pour cela, la Chine modernise sa flotte et engage un grand programme de construction navale militaire. Elle dispose d’un porte-avions depuis 2012 (Le Liaoning, acheté à l’Ukraine) et lance actuellement la construction de trois nouveaux porte-avions28. Cela démontre que la Chine se dote progressivement de tous les attributs d’une grande puissance mondiale. Les Etats les plus impliqués dans la mondialisation sont donc les plus à même de contrôler les espaces maritimes et de se les approprier, ce qui provoque des tensions. 28 http://www.lefigaro.fr/international/2014/01/20/01003-20140120ARTFIG00361-pekin-pousse-ses-porteavions-en-mer-de-chine.php 24 3-L’appropriation des espaces maritimes provoque des tensions En 2007, la Russie plante un drapeau en titane sous le pôle Nord (Reportage de la RTS 1’44’’) : http://www.rts.ch/video/info/journal-19h30/1489101-la-russie-part-a-la-conquete-du-polenord.html Le contrôle géostratégique des espaces maritimes par les Etats engendre des tensions entre les convoitises nationales et les intérêts de la communauté internationale. La délimitation de la ZEE (doc3 p265) de chaque Etat est règlementée par la Convention internationale sur le droit de la mer signée à Montego Bay (Jamaïque) en 1982. Cependant, de nombreux Etats revendiquent l’extension de leur ZEE afin pour mieux accéder aux ressources halieutiques et énergétiques. Ainsi, la Russie a planté en 2007, à plus de 4000 mètres de profondeur, un drapeau en titane sous le pôle nord, afin de revendiquer l’exploitation des ressources énergétiques de l’océan glacial arctique (environ 30% des réserves mondiales de gaz et 13% des réserves mondiales de pétrole), bien au-delà de sa ZEE actuelle. Les espaces maritimes voient également une exacerbation des tensions entre recherche de profit et durabilité. Dans l’océan arctique, la mise en exploitation de gisements off shore (en cas de collision entre une plate-forme pétrolière et un iceberg) ainsi que l’essor du trafic maritime accroissent le risque de marée noire ; un risque accru par la vulnérabilité de cet environnement à la résilience29 très faible : en cas de marée noire, les hydrocarbures resteraient longtemps prisonniers sous la banquise. De plus, avec la perspective du réchauffement climatique, les flux maritimes se développent à travers l’océan arctique. Le Passage du Nord-Est30 (au large de la Sibérie) est déjà emprunté par de nombreux navires, remorqués par des brise-glaces russes qui ouvrent la voie à travers la banquise : c’est en effet le plus court chemin entre le littoral de l’Asie orientale et la Northern Range. Dans les eaux canadiennes, le Passage du Nord-Ouest fut pour la première fois libre des glaces à l’été 2007 (un brise-glace n’est alors plus requis) ; et on estime que ce passage sera dégagé tous les étés à partir de 2040. Pour aller plus loin : 29 Le Dessous des cartes, « Des drapeaux sous la mer ? » (mai 2008) : http://ddc.arte.tv/noscartes/des-drapeaux-sous-la-mer Reportage sur les réserves de pétrole et de gaz dans l’Arctique (JT France 2, 6 sept 2011, 2’19’’) : http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu05228/reserves-de-petrole-et-degaz-dans-l-arctique.html Article de Diploweb, sur l’accroissement de la présence chinoise en arctique : « La Chine en Arctique ? », par Frédéric LASSERRE , Olga V. ALEXEEVA, le 3 octobre 2013 http://www.diploweb.com/La-Chine-en-Arctique.html Résilience : capacité d’un système à revenir à un nouvel équilibre après avoir subi un traumatisme. 30 Extrait de l’émission Thalassa (9 janvier 2009) sur le passage du nord-est (2’39’’) : http://www.wideo.fr/video/iLyROoafJsiv.html 25 CONCLUSION GENERALE : Rappel de la problématique : Quelles sont les dynamiques de la mondialisation à l’échelle planétaire ? La mondialisation pour les géographes, c’est donc à la fois : Un processus multipolaire, qui concerne un nombre croissant de territoires à l’échelle planétaire, dans les pays développés et de plus en plus dans les pays en développement. Ces territoires sont reliés entre eux par des pôles majeurs. Un processus systémique : diffusion d’un modèle économique (libéralisme), accompagné d’un mode de consommation à l’échelle planétaire (le Village Global), mais aussi de résistances à cette uniformisation géoéconomique et géoculturelle. Un processus qui génère des inégalités et une hiérarchisation des territoires à toutes les échelles. Pour aller plus loin : 38 cartes qui expliquent la globalization http://www.vox.com/2014/8/26/6063749/38-maps-that-explain-the-global-economy Cartothèque de Sciences-Po : http://cartographie.sciences-po.fr/fr/category/type-de-support/cartes 26 Evaluations : Evaluation diagnostique : A l’issue de la séance sur les « Acteurs, flux et débats dans la mondialisation », les élèves rédigent une composition à la maison sur le sujet suivant : « En vous appuyant sur le cas du produit mondialisé étudié en classe, présentez les acteurs et les flux de la mondialisation. » La correction permet alors de confronter les élèves à leurs principales lacunes méthodologiques. Evaluations sommatives : A l’issue du thème 2, une composition est réalisée en classe sur le sujet suivant : « Des territoires inégalement intégrés dans la mondialisation (espaces maritimes compris) » Plus tard dans l’année, à l’issue de la première question du thème 3 (« L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud »), une évaluation implique la révision de quatre croquis, dont : « Pôles et flux de la mondialisation » « Une inégale intégration des territoires dans la mondialisation » 27