¶ 14-015-A-10 Allogreffes osseuses et banques de tissus L. Vastel L’utilisation des allogreffes osseuses en chirurgie orthopédique s’organise désormais autour de standards de plus en plus précis, tant pour ce qui concerne les aspects sanitaires de l’activité des banques de tissu, que pour les techniques opératoires, qui bénéficient d’évaluations nombreuses avec un recul désormais significatif. Le but de cet article est donc d’éclairer les différentes facettes de cette activité au vu des résultats publiés et de l’état actuel des textes et contraintes sanitaires. Après un bref historique, les auteurs précisent les protocoles actuels de sécurisation des allogreffes au sein des banques de tissus, évoquent l’état actuel des connaissances biologiques sur l’ostéo-intégration des allogreffes, précisent les différents traitements stérilisateurs actuellement utilisés et leurs conséquences mécaniques et biologiques et concluent par une synthèse des indications chirurgicales en pratique orthopédique avec leurs résultats actuellement validés scientifiquement. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Allogreffes osseuses ; Banque de tissus ; Sécurisation ; Stérilisation des greffes ; Techniques de reconstruction osseuse Plan ¶ Introduction 1 ¶ Historique des allogreffes 1 ¶ Banques de tissus osseux 2 ¶ Origine des greffons 2 ¶ Bilan de sécurisation Antécédents Bilan biologique Autres recommandations 2 3 3 3 ¶ Traitements complémentaires appliqués aux allogreffes osseuses Conséquences mécaniques des traitements complémentaires Conséquences biologiques des traitements complémentaires 3 3 4 ¶ Immunologie des allogreffes osseuses 5 ¶ Compatibilité Rhésus et ABO 5 ¶ Principales indications et résultats Reprises de prothèse totale de hanche Reprises de prothèses totales de genou Reconstructions osseuses en chirurgie tumorale Utilisation d’allogreffes ostéochondrales massives en chirurgie traumatologique 5 5 6 6 ¶ Conclusion 8 8 ■ Introduction L’utilisation croissante depuis 30 ans des allogreffes osseuses a permis, avec le recul et l’expérience, de mieux connaître leur potentiel et leurs limites pour la reconstitution du capital osseux en chirurgie orthopédique. Les modalités techniques de leur utilisation et leurs résultats à moyen, voire à long terme, sont désormais connus et validés. En 2007, plus de 18 000 greffes osseuses ont été réalisées dans notre pays (source Agence Appareil locomoteur de la biomédecine). Leur utilisation est cependant soumise à des contraintes sanitaires fortes et les indications et techniques de greffe doivent intégrer un certain nombre de notions élémentaires pour garantir un taux de réussite optimal. ■ Historique des allogreffes L’utilisation de greffe articulaire est décrite dans son principe dès le haut Moyen-Âge, dans la légende du diacre justinien : un moine atteint de gangrène s’endort en prière au Ve siècle de notre ère devant des icônes de Saint-Côme et Saint-Damien. Il voit en rêve les deux saints couper la jambe malade, la remplacer par celle d’un homme noir décédé le jour même. À son réveil, il est guéri, une jambe noire et l’autre blanche. En 1668, Job Van Meeferen aurait greffé pour la première fois, un fragment de crâne de chien à un noble russe. L’opération réussit mais le patient est excommunié. En fait, il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour qu’Ollier, à Lyon en 1858, rapporte les premiers travaux relevant d’une approche scientifique sur les greffes osseuses, ciblée sur les xénogreffes, tandis que la première allogreffe osseuse chez l’homme est attribuée à Mac Ewen, à Glasgow en 1878. Néanmoins, les indications restent essentiellement traumatiques et le taux d’infections majeur, malgré l’avènement de l’antisepsie à la suite des travaux de Pasteur. Il faut attendre la deuxième moitié du XXe siècle et l’arrivée des antibiotiques pour rendre viables ces techniques. À partir de 1980, deux évolutions majeures de la chirurgie orthopédique accroissent considérablement l’utilisation des allogreffes osseuses : d’une part, les progrès de la chimiothérapie, qui permettent de développer une chirurgie de reconstruction après exérèse tumorale, notamment des ostéosarcomes ; et, d’autre part, le développement considérable de la chirurgie prothétique de la hanche et du genou, qui amène, du fait de l’usure et du descellement des pièces, un accroissement de la chirurgie de reprise. 1 14-015-A-10 ¶ Allogreffes osseuses et banques de tissus notamment pour le tissu osseux trabéculaire, des traitements stérilisateurs complémentaires, physiques et chimiques. “ Point fort Définitions élémentaires concernant les greffes osseuses • Autogreffe : on parle d’autogreffe lorsque donneur et receveur sont une seule et même personne. Cette situation est optimale biologiquement, puisqu’elle n’entraîne aucune réaction immune et qu’elle autorise la greffe de cellules vivantes si le délai entre prélèvement et implantation n’est pas trop important. C’est la greffe « de référence ». • Isogreffe : on parle d’isogreffe lorsque donneur et receveur sont deux sujets distincts, mais de patrimoine génétique identique (jumeaux monozygotes, lignées animales sélectionnées). • Allogreffe/homogreffe : on parle d’allogreffe, ou d’homogreffe, qui est synonyme, lorsque donneur et receveur sont deux individus de la même espèce. • Xénogreffe/hétérogreffe : On parle de xénogreffe ou d’hétérogreffe lorsque donneur et receveur sont d’espèces différentes. • Ostéogénèse : il s’agit, littéralement de « naissance d’os nouveau ». Production de trame osseuse protéique par les ostéoblastes (avec ou sans résorption d’os existant par les ostéoclastes), qui se minéralise progressivement pour acquérir ses propriétés mécaniques optimales. • Ostéo-induction : accélération, stimulation de l’ostéogénèse par l’allogreffe elle-même ou par des substances issues d’elle. En pratique, cette propriété n’est démontrable qu’en montrant la capacité d’induire la formation d’os en site extraosseux. • Ostéoconduction : propriété passive d’un matériau à recevoir la repousse osseuse, par invasion vasculaire et cellulaire à partir du tissu osseux receveur au contact du matériau. Exemple : os nettoyé de sa moelle et de ses cellules ostéogéniques. Il peut être recolonisé par des cellules du receveur, mais de façon uniquement passive. • Greffe orthotopique/hétérotopique : une greffe osseuse est dite orthotopique lorsqu’elle est implantée dans sa position anatomique habituelle, hétérotopique dans le cas contraire. • Traçabilité : ensemble des informations et des mesures prises pour suivre et retrouver rapidement l’ensemble des étapes allant de l’examen clinique du donneur à l’utilisation thérapeutique de la greffe, en passant par le prélèvement, la transformation, la conservation, le transport, la distribution et la dispensation à un patient. La traçabilité permet donc d’établir un lien entre le donneur et le ou les receveur(s). Elle est établie à partir d’une codification préservant l’anonymat des personnes. Le lien n’est donc réalisable qu’au sein du fichier de la banque. • Quarantaine : la quarantaine a une définition réglementaire ; il s’agit du délai nécessaire à l’obtention des résultats des examens réalisés dans le cadre du bilan de sécurisation de la greffe, permettant une décision définitive quant à son utilisation ultérieure. • Transplant/implant : on parle plus volontiers d’implant pour un composant ou tissu inerte (os lyophilysé après extraction de la moelle par exemple), et de transplant lorsque la greffe contient des cellules vivantes issues du donneur. Aujourd’hui, les contraintes renforcées de sécurité sanitaire amènent à l’application de protocoles de plus en plus lourds visà-vis du risque de transmission d’agents pathogènes avec, 2 ■ Banques de tissus osseux Une banque de tissus est une structure chargée de la collecte, de la sécurisation, de l’éventuelle transformation, puis de la distribution des greffes osseuses. La loi de bioéthique, votée en 1994 et revue de 2002 à 2004, et les nombreux textes réglementaires français qui l’ont complétée, ainsi que de plus récentes directives européennes (2004/ 23/CE et 2006/17/CE), imposent un contrôle strict de l’État sur cette activité, via deux agences complémentaires : • l’Agence de biomédecine, d’une part, qui gère l’organisation logistique des prélèvements multiorganes et qui assure une tutelle « médicale » consultative, notamment pour la mise au point des bonnes pratiques de banking, ou les recommandations en cas d’alerte sanitaire ; • l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), qui délivre les agréments, statue sur la validité et la qualité des protocoles utilisés dans chaque banque et opère les contrôles de terrain, étant dotée d’un corps d’inspection spécifique. Les agréments sont renouvelables tous les cinq ans. Trente-sept banques de tissus avaient un agrément pour l’activité de sécurisation des greffes osseuses en 2007. Les bonnes pratiques constituent un référentiel d’obligations qualitatives dans la prise en charge des tissus, dont le respect doit être garanti par un système d’assurance qualité développé au sein de la banque. Ces obligations contribuent au respect des grands principes qui régissent l’activité de greffe d’éléments du corps humain et qui figurent dans la loi : • anonymat donneur receveur ; • traçabilité des greffes ; • gratuité du don ; • sécurité sanitaire du don (chaîne du froid, transmission d’agents pathogènes, compétences des personnels de la banque). ■ Origine des greffons . . Les allogreffes osseuses ont actuellement deux sources : • les têtes fémorales prélevées à l’occasion d’arthroplasties totales de hanche, qui ont le statut juridique de résidus opératoires. Elles peuvent être prélevées, avec le consentement du donneur, dans tous les établissements de soins, puis transmises à une banque de tissus agréée ; • les segments osseux massifs, prélevés en règle dans le cadre de prélèvements multiorganes, dans des établissements autorisés, sous le contrôle de la coordination régionale de l’Agence de biomédecine. Les prélèvements de tissus sont réalisés après les prélèvements d’organes, à cœur arrêté. Les donneurs doivent ne pas avoir fait connaître de leur vivant une opposition à un tel don, notamment grâce au registre national des refus ; néanmoins, le témoignage de la famille est systématiquement recueilli en complément de la vérification du registre. La loi fixe un impératif de reconstruction corporelle de qualité après le prélèvement. ■ Bilan de sécurisation Il est classiquement composé de trois phases distinctes : • analyse des antécédents ; • bilan biologique ; • troisième volet consistant, soit en un nouveau bilan sérologique à distance, une biologie moléculaire pour le virus d’immunodéficience humaine (VIH) et le virus de l’hépatite C (HCV) réalisés d’emblée, ou un traitement stérilisateur secondaire de la greffe (recommandations de l’Association pour l’étude de greffes et substituts tissulaires en orthopédie [GESTO] toujours valides). Appareil locomoteur Allogreffes osseuses et banques de tissus ¶ 14-015-A-10 Tableau 1. Critères d’exclusion au don (source : conseil scientifique de l’Agence de biomédecine). Antécédents connus : Infection ou suspicion d’infection par le VIH ou le HTLV ou l’hépatite virale B ou C Présence de facteurs de risque authentifiés vis à vis de ces infections dans les 12 derniers mois - partenaires sexuels multiples homo- ou hétérosexuels, concernant le donneur ou son partenaire régulier - toxicomanie par voie intraveineuse concernant le donneur ou son partenaire régulier - accident d’exposition au sang ou à ses dérivés suspects d’être contaminés - séjour en milieu carcéral Traitement par hormones hypophysaires (notamment de croissance) extractives Greffe de dure mère d’origine humaine Antécédents chirurgicaux intéressant le système nerveux central Démence ou maladie neurologique pouvant évoquer une encéphalopathie subaiguë spongiforme Antécédents familiaux entrant dans le cadre des encéphalopathies spongiformes Hémopathie maligne Cancer Maladie de système Infection généralisée active Maladies virales avérées ou probables (notamment hépatites virales, VIH, HTLV, rage) Tuberculose active, lèpre Maladie parasitaire, mycose systémique Traitements connus Stéroïdes au long cours Il est fixé par les textes réglementaires jusque dans ses modalités techniques (Vastel et al.) [1, 2] . Il comprend les sérologies des hépatites B et C, du human T cell leukemia virus (HTLV), de la syphilis (utilisée ici comme un marqueur de comportement sexuel « à risque ») et du virus VIH (deux sérologies par deux techniques différentes et dosage de l’antigène P24). Une anomalie de ce bilan est un critère de rejet du greffon. Un examen bactériologique est par ailleurs systématiquement réalisé, dont la positivité impose également l’élimination de la greffe. Autres recommandations Le troisième volet correspond à des recommandations déjà anciennes (GESTO, 1994), mais toujours valables, soit : • un bilan de biologie moléculaire par réaction de polymérisation en chaîne (PCR) concernant le VIH et le virus de l’hépatite C, dont le principe est la détection directe du génome des virus par amplification. L’intérêt de cette technique, extrêmement sensible, est de détecter des patients en phase de séroconversion virale et dont la sérologie serait encore négative, tout en étant de plus un marqueur quantitatif d’infectiosité ; • un deuxième bilan sérologique, sensiblement identique au premier et réalisé 4 mois au moins après le premier prélèvement. Il s’agit d’une solution classique, qui présente cependant les inconvénients de sa réalisation pratique (reconvocation du donneur). Des cas de séroconversion tardive pour les virus des hépatites B et C sont cependant non exceptionnels, ce qui rend difficile un consensus sur le délai entre les deux bilans. Sont rapportés enfin des cas, plus rares, de non-séroconversion persistante pour l’hépatite C [3] ; • un traitement complémentaire appliqué à la greffe dans un but de stérilisation. Ce traitement peut être physique (irradiation gamma ou bêta, chaleur) ou chimique (délipidation par éthanol, solvants, dénaturants protéiques puissants). Irradiation, chimiothérapie Pathologie locale Antécédents d’irradiation ou de pathologie locale connue Infection bactérienne pouvant contaminer le tissu à prélever Examen lors du prélèvement Adénopathies multiples, hépatosplénomégalie Ictère Pathologie dans la zone à prélever Traces de piqûres pouvant évoquer une toxicomanie intraveineuse Antécédents de vaccination pour l’hépatite B VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; HTLV : human T cell leukemia virus. Antécédents L’analyse des antécédents vise à exclure des catégories de patients présentant un risque accru de transmission d’un agent pathogène au receveur. On dispose d’un catalogue d’antécédents qui sont, de ce fait, autant de critères d’exclusion au don. S’ajoutent à ces critères des antécédents susceptibles d’altérer la qualité mécanique du greffon ou des pathologies systémiques d’étiologie mal connue (Tableau 1). L’utilisation des greffes osseuses dans le cadre d’une chirurgie fonctionnelle impose en effet une très grande rigueur dans la sélection des greffes. La fiche de prélèvement doit être signée par le médecin préleveur. Il convient de préciser que la notion d’antécédent connu ne signifie pas de la part du préleveur un certificat de non-pathologie. La loi place le prélèvement, comme l’implantation de la greffe, sous la responsabilité du chirurgien qui réalise l’acte. Bilan biologique Le deuxième volet du bilan de sécurisation est la réalisation d’un bilan biologique. Appareil locomoteur ■ Traitements complémentaires appliqués aux allogreffes osseuses Les traitements complémentaires appliqués à l’os ont pour objectif d’accroître la sécurité microbiologique de la greffe et correspondent donc, le plus souvent, à des processus de stérilisation. Ils ont nécessairement des conséquences pour l’allogreffe, qui peuvent être de deux ordres, biologiques et mécaniques. Conséquences mécaniques des traitements complémentaires Os trabéculaire La congélation n’est pas à proprement parler un traitement complémentaire et ne modifie que peu les propriétés du tissu osseux. Elle altère cependant de façon minime les propriétés mécaniques de l’os trabéculaire [4], de l’ordre de 1 % d’altération de la contrainte à rupture lors de tests mécaniques classiques pour chaque cycle de congélation-décongélation. L’os natif est un matériau biphasique, composé d’une phase fluide (moelle osseuse) et d’une phase solide, expliquant son comportement viscoélastique, particulièrement pour le tissu spongieux. Le nettoyage de la greffe, physique et/ou chimique, ou la lyophilisation, entraîne une rigidification des greffons « délipidés » [5] avec un accroissement de leur module d’élasticité, sans toutefois que la fragilisation soit significative [6]. L’irradiation gamma ou bêta altère peu la résistance mécanique des greffes trabéculaires aux doses utilisées (de l’ordre de 25 kGy), la baisse de résistance mécanique à ces doses étant de l’ordre de 2,5 % [7]. Elle ne devient importante qu’à partir de 60 kGy [8]. Le chauffage, à partir d’un certain seuil de température et de durée d’exposition, altère la structure tertiaire des protéines 3 14-015-A-10 ¶ Allogreffes osseuses et banques de tissus fibrillaires et entraîne alors une altération des propriétés mécaniques de la greffe. L’altération observée est très variable selon les protocoles utilisés : elle peut atteindre 60 % de la résistance mécanique en compression [9] ou rester dans des limites voisines des altérations observées avec l’irradiation simple [10]. Des procédés chimiques plus complexes font intervenir des solvants apolaires (acétone, benzène), des solutions alcooliques ou des détergents, dans le but de dissoudre les corps gras de la moelle osseuse et d’ôter les éléments figurés qui s’y trouvent [10]. Lorsque l’objectif est d’inactiver les agents transmissibles non conventionnels (ATNC), et pas seulement d’éliminer les cellules potentiellement contaminantes, des dénaturants puissants de la structure protéique sont utilisés (soude ou urée plusieurs fois molaire), qui ont pour effet d’altérer le collagène fibrillaire et entraînent une altération structurelle de la greffe. Les baisses de résistance mécanique peuvent alors être significatives (35 % d’altération de la résistance mécanique pour un traitement utilisant de l’urée 6M) [7]. Os cortical L’irradiation aux doses habituelles de 25 kGy altère d’environ 20 % la résistance mécanique en flexion de baguettes corticales, 10 kGy supplémentaires altérant de 15 % de plus cette même résistance [11, 12]. La chaleur humide produit des effets sensiblement identiques pour un chauffage à 120 °C pendant 20 minutes. L’altération de la résistance mécanique en flexion est également, dans ce cas, de 20 % [13]. Les procédés chimiques séquentiels associant divers produits antiseptiques (éthanol, méthanol, eau oxygénée, acétone, urée ou soude à des concentrations variables, etc.) ont peu été appliqués à l’os cortical. Conséquences biologiques des traitements complémentaires Diminution de l’immunogénicité des greffes L’antigénicité des greffes est réduite par la congélation [14, 15]. Les différents procédés de nettoyage, physiques ou chimiques, en supprimant les principales cibles de la réaction immunitaire, c’est-à-dire les cellules de la moelle osseuse, contribuent à réduire la réaction immune du receveur [16]. Les traitements physiques réduisent également l’antigénicité de la greffe par altération des protéines cellulaires et extracellulaires globulaires. C’est le cas de l’irradiation [17, 18] ou de la chaleur [19]. Les traitements chimiques plus sophistiqués, souvent appliqués à l’os spongieux, n’ont pas fait l’objet d’évaluation de leurs effets sur l’antigénicité résiduelle des greffons traités. Certains cryopréservateurs, comme le diméthylsulfoxyde (DMSO), appliqués aux allogreffes fraîchement prélevées, en diminuent l’antigénicité [20]. Toxicité éventuelle de certains traitements L’irradiation gamma d’os frais congelé oxyde les lipides présents dans la moelle osseuse. Ces lipides peroxydés développent une cytotoxicité sur les ostéoblastes cultivés in vitro [21]. Cette même irradiation est, de ce fait, parfois tenue pour responsable d’échecs à moyen terme de reconstructions cotyloïdiennes [22, 23] . La chaleur peut probablement aboutir aux mêmes effets. Ses résultats cliniques sont volontiers contradictoires [11]. Enfin, la plupart des traitements séquentiels industriels sont susceptibles d’induire une toxicité par relargage, qui nécessite leur évaluation par un organisme indépendant avant leur utilisation en pratique clinique. Durée de conservation dans les congélateurs Il est habituel de considérer comme maximale une conservation de 5 ans avant implantation. Toutefois, cette notion a été validée par l’usage et ne repose pas sur la mise en évidence d’un effet délétère biologique d’une trop longue conservation. Le 4 problème limitant semble plus lié à la qualité de l’emballage, susceptible de vieillir et de se rigidifier, risquant alors de perdre son étanchéité à la suite de mobilisations itératives au sein du congélateur. Ostéo-intégration des allogreffes osseuses Elle ne peut être parfaitement connue que par l’examen de pièces d’exérèse et étudiée de façon systématique à partir d’études histologiques animales qui ont, bien sûr, leurs limites, ou d’analyses post-mortem chez l’homme, rares et difficiles à interpréter [24, 25]. Les résultats des différentes études montrent, d’une manière générale, que les allogreffes non supplémentées : • n’ont pas de pouvoir ostéo-inducteur ; elles ne sont en règle qu’ostéoconductrices ; • l’ossification est centripète, à partir de l’os hôte, ce qui conduit à distinguer en premier lieu la fusion entre greffe et os hôte, généralement acquise, et l’ostéo-intégration proprement dite du greffon, plus inconstante, et qui peut dépendre de la technique opératoire utilisée. Greffes trabéculaires L’incorporation des allogreffes trabéculaires se déroule en plusieurs étapes. La première est sous la dépendance de la qualité du lit receveur de la greffe. S’y développe une réaction inflammatoire avec production de bourgeons conjonctivovasculaires qui infiltrent l’hématome local [26] . Ces bourgeons pénètrent directement dans les mailles du tissu osseux trabéculaire greffé. Cette pénétration à partir du lit receveur est l’étape qui conditionne l’évolution ultérieure de la greffe. Elle nécessite une fixation de bonne qualité entre os greffé et os receveur et un lit d’implantation vivant et bien vascularisé. Sans revascularisation, la greffe se comporte comme un implant inerte isolé du receveur. Revascularisée, elle se comporte comme un transplant vivant (en l’absence de rejet par le receveur). Cette première phase peut être stimulée par la présence de cellules vivantes au sein de la greffe (celles ci sont nourries par « imbibition » sur une épaisseur d’environ 5 mm [26]. Elle est également dépendante du volume de tissu osseux greffé (lorsque ce volume est trop important, elle ne peut être que périphérique). Dans les bons cas, l’angiogenèse au sein du greffon permet sa revascularisation, avec, comme pour une autogreffe, des anastomoses capillaires en son sein en 3 à 4 jours et revascularisation complète en 6 semaines [27]. En l’absence de sensibilisation préalable, cette première phase est modérément influencée par la réaction immune (Goldberg trouve cependant des variations de 50 % à 100 % de revascularisation en présence ou absence d’inhibition de la réaction immune). Dans un deuxième temps, soit la réaction immune secondaire réduit la perfusion de la greffe par occlusions capillaires successives [20] et aboutit à son exclusion progressive, voire à sa résorption, soit s’établit une situation de « tolérance immune », qui permet son ostéo-intégration progressive, c’està-dire la formation de tissu osseux qui est ensuite résorbé et remplacé dans le processus normal de renouvellement osseux, constitutif du classique phénomène de creeping substitution. Ainsi, in vitro, il est possible d’observer à 6 semaines jusqu’à 75 % de la surface de l’allogreffe trabéculaire recouverte d’une apposition osseuse nouvelle, pour une greffe de petit volume et en l’absence de rejet immun [27]. En fait, en pratique clinique orthopédique, les volumes greffés sont importants et il faut comprendre que ces différentes options évolutives coexistent au sein d’une greffe spongieuse. Ainsi, des zones nécrotiques se comportent comme des implants et sont sollicitées mécaniquement « en fatigue » et d’autres zones sont vivantes et renouvelées normalement. L’ostéointégration d’une greffe de grande taille est donc en règle partielle. L’ostéo-intégration des allogreffes spongieuses en pratique clinique est donc plus lente et plus incomplète qu’in vitro. Une greffe cotyloïdienne s’incorpore progressivement en 12 à 18 mois, aboutissant à un os « mosaïque », constitué d’os mort et d’os revascularisé. Appareil locomoteur Allogreffes osseuses et banques de tissus ¶ 14-015-A-10 sensiblement la réaction immunitaire. Certains produits additifs, tels que le DMSO, semblent également réduire l’antigénicité des greffes massives corticospongieuses, tandis qu’ils permettent la survie transitoire de cellules ostéogéniques du donneur au sein de la greffe [20]. L’immunité humorale est également concernée, comme le prouve la mise en évidence d’anticorps anti-HLA du donneur [38], mais son effet pratique reste mal connu. L’incorporation d’une allogreffe osseuse dépend donc de multiples facteurs : • la taille de la greffe intervient et la recolonisation par des bourgeons vasculaires ne concerne que des greffes de petit volume, trabéculaires ; • la compatibilité antigénique semble préférable pour les greffes spongieuses, se rapprochant alors de l’autogreffe [15]. Pour des greffons massifs, une réaction de rejet immun aboutissant à l’exclusion complète de la greffe et à sa transformation en implant inerte peut correspondre à un excellent résultat clinique, dans une situation de tolérance immune. À l’inverse, une revascularisation trop rapide, favorisée par une excellente compatibilité HLA peut possiblement favoriser une résorption importante de la greffe massive. Ces considérations complexes expliquent sans doute les observations cliniques de Musculo et al., en 1987 [39] , ou d’Enneking et Mindell, en 1991 [40], qui ne retrouvent pas de corrélation entre la compatibilité HLA et l’incorporation de la greffe. Ostéo-intégration des allogreffes corticales L’absence de pénétration possible par des bourgeons vasculaires contribue à réduire et ralentir l’intégration des allogreffes osseuses corticales. La revascularisation doit suivre l’ostéolyse périphérique progressive de l’os par les ostéoclastes dans le cadre du renouvellement osseux normal. On ne voit apparaître de l’apposition osseuse au sein de la greffe qu’à partir de la 12e semaine, alors que se forme un cal périosté aux extrémités de la greffe. L’ostéo-intégration se poursuit pendant des années et a toujours un caractère incomplet. En fait, l’appréhension du phénomène est difficile, car sa durée est souvent supérieure à la durée de vie du montage orthopédique réalisé ou à celle du patient. Dans des conditions favorables (exemple du double fourreau de reconstruction fémorale proximale de M. Kerboull), l’ostéo-intégration peut toutefois être significative et atteindre 5 mm d’épaisseur corticale en 10 années [28], mais ne correspond souvent qu’à la zone sous-périostée [29] , faisant alors disparaître toute limite nette entre os greffé et os receveur. Ces données architecturales expliquent que les différences mesurées soient faibles, qu’il s’agisse d’autogreffe ou d’allogreffe pour ce qui concerne l’os cortical. Baguettes d’allogreffes corticales apposées La fixation d’une baguette corticale à la surface de l’os se traduit par une réaction périostée qui aboutit presque constamment à une fusion entre l’allogreffe et l’os receveur [30]. Cette technique est intéressante, car elle permet dans certains cas un renforcement osseux au niveau de zones déficientes ou altérées, en particulier dans le cadre de la chirurgie de reprise prothétique (corticale perforée par une tige prothétique descellée, par exemple) ou de résection tumorale (zone de jonction entre résection et os sain). Cette option n’est cependant susceptible d’être efficace que s’il persiste suffisamment de périoste sous la zone greffée ; ainsi, des reconstructions en « fagot » de pertes de substance segmentaires significatives aboutissent à l’échec [31]. Enfin, certains auteurs utilisent avec succès des baguettes fémorales d’allogreffe, utilisées comme des plaques « biologiques », pour traiter les fractures périprothétiques [32, 33]. ■ Compatibilité Rhésus et ABO Les immunisations sanguines du receveur Rhésus négatif recevant un greffon d’un donneur positif sont rares. Stassen et al. [41] n’en détectent aucune sur une série de 144 greffes Rhésus positif implantées chez des receveurs négatifs. De rares cas sont cependant rapportés dans la littérature d’immunisation Rhésus. La mise en évidence d’anticorps dans le système ABO [42] est également rapportée. Il est de ce fait classique de considérer que la compatibilité sanguine Rhésus, ABO et probablement Kell, est préférable dans le cas d’implantations chez la femme en période d’activité génitale. ■ Immunologie des allogreffes osseuses Les allogreffes osseuses sont antigéniques, donc susceptibles de déclencher une réaction de rejet immunitaire, médiée par les cellules immunocompétentes et dirigée contre les antigènes de classe I et II du complexe majeur d’histocompatibilité présent à la surface des cellules de la moelle osseuse [34, 35]. Cette réaction a été mise en évidence de façon indirecte par certains auteurs : Goldberg améliore ainsi la revascularisation de greffes spongieuses de 50 % en administrant un immunosuppresseur ; d’autres études montrent une accélération du rejet d’allogreffes de peau après allogreffe osseuse préalable du même donneur [14, 36]. La vascularisation d’allogreffes trabéculaires progresse de façon identique à celle d’une autogreffe au cours des deux premières semaines, puis décline progressivement au cours des semaines suivantes pour plafonner à 50 % de celles d’autogreffes à 6 semaines in vitro [27] , ceci étant lié à la survenue d’occlusions capillaires successives en rapport avec la réaction immune (elle est améliorée par un immunosuppresseur). Certains auteurs ne trouvent cependant pas de conséquences de cette sensibilisation immune sur la qualité de l’intégration in vitro finale de la greffe [37], permettant pendant de nombreuses années de ne pas tenir compte de ce paramètre en pratique clinique. Des études plus récentes semblent remettre cependant cette notion en question, en établissant une corrélation entre résultat à long terme et compatibilité human leukocyte antigen (HLA) [14]. Cette immunogénicité cellulaire peut être réduite par les traitements appliqués à la greffe. Ainsi, la congélation, la lyophilisation, réduisent l’antigénicité des greffes. L’ablation de la moelle osseuse et de ses cellules, d’une manière générale, supprime les principales cibles de la réaction immune et réduit Appareil locomoteur ■ Principales indications et résultats Reprises de prothèse totale de hanche La réaction aux débris d’usure du couple de frottement, puis le descellement des implants entraînent une altération du support osseux, qui peut être majeure. Sa reconstruction est une des conditions de succès de la reprise chirurgicale. Cotyle . L’utilisation d’allogreffes morcelées ou taillées à façon pour combler le défaut osseux, généralement protégées par un anneau métallique de renforcement (Fig. 1), donne des résultats variables dans la littérature, allant de 96 % de succès à 10 ans pour Kerboull et al. [43], à 58 % d’échecs à 10 ans pour Kwong et al. [22]. Cette variation semble plutôt refléter les différences liées au matériel de renforcement utilisé, qui doit être suffisamment rigide pour absorber une partie des contraintes et éviter un échec précoce, mais pas trop pour ne pas priver la greffe de contraintes mécaniques et compromettre son ostéo-intégration. Des résorptions tardives, attribuées par certains à l’irradiation préalable de la greffe, sont cependant rapportées [23]. Certains cas extrêmes peuvent nécessiter l’emploi d’allogreffes massives pour reconstruire le cotyle détruit, une extrémité inférieure de fémur, ou supérieure de tibia encastrée dans le cotyle résiduel étant alors utilisée, un cotyle étant scellé au sein de l’allogreffe, elle-même protégée par un renforcement métallique, ou un cotyle entier de cadavre étant implanté et ostéosynthésé en lieu et place du cotyle disparu [44]. 5 14-015-A-10 ¶ Allogreffes osseuses et banques de tissus 45° A B Figure 1. Principe de la reconstruction par plaque en croix de Kerboull au niveau du cotyle (A, B). Techniques de reconstruction fémorales . Elle sont les plus nombreuses. Les altérations de la zone proximale (lyse du Merckel), peuvent être reconstruites à l’aide de fragments de têtes fémorales, notamment de col, encastrés en force entre la prothèse et le fémur au moment de la mise en place de l’implant fémoral. Ces apports osseux ont tendance à se résorber, sans conséquences néfastes pour la survie de la prothèse [45]. Pour ce qui concerne les altérations plus étendues, trois techniques sont actuellement les plus utilisées : • le comblement du fémur proximal par de l’os spongieux tassé, selon la technique dite d’Exeter [46-48] (Fig. 2), spongieux au sein duquel est scellé l’implant fémoral, donne des survies à 10 ans supérieures à 90 % [49]. Certains auteurs recommandent de mélanger des fragments de spongieux et d’os cortical « mixés », technique qui semble améliorer la stabilité des implants et réduire les enfoncements initiaux parfois observés [50]. Cette technique autorise une remise en charge immédiate de la greffe tassée [51] ; • l’utilisation d’une allogreffe massive peut, quant à elle, être nécessaire et se faire selon deux techniques. Soit le fémur altéré est ouvert en deux valves et une prothèse longue tige, manchonnée par l’allogreffe, est scellée dans le fémur restant distal, les deux valves étant ensuite ramenées et cerclées sur la greffe (Fig. 3) [52-54], soit le fémur de banque est encastré dans le fémur du patient receveur par son orifice proximal, selon la technique du double fourreau décrite par M. Kerboull [55, 56], une prothèse standard étant alors scellée dans l’allogreffe ; • enfin, pour des pertes osseuses corticales plus localisées (corticale fémorale externe en particulier), des baguettes d’allogreffes corticales peuvent être apposées et fixées par des cerclages métalliques. La consolidation avec l’os du receveur est pratiquement constante [57-59] . Elles ne permettent toutefois pas une reconstruction plus importante, et les tentatives de « fagot » ou shish kebab reconstruction décrites par Oakeshott et al. [31] , destinées à reconstruire un fémur proximal disparu, se sont soldées par des échecs. Reprises de prothèses totales de genou Devenue une intervention courante depuis les années 1980, les prothèses totales de genou occasionnent désormais également des altérations parfois majeures du capital osseux fémoral et tibial. Dans la majorité des cas, le defect tibial et/ou fémoral peut être comblé par des fragments de têtes de banque, une prothèse à tige longue scellée permettant éventuellement 6 Figure 2. Principe de la technique d’Exeter. d’obtenir une tenue en zone saine [60]. Lorsque l’altération des condyles osseux est plus importante, des fragments de tête de banque peuvent être vissés de façon à restaurer la courbure condylienne [61, 62]. À un stade plus important, lorsque tibia et/ou fémur sont réduits à l’état de cornets, des épiphyses massives peuvent être utilisées, retaillées à façon puis encastrées dans le cornet osseux restant (Fig. 4). Une prothèse à tige longue permettant de ponter la zone d’allogreffe [63] ou une ostéosynthèse par plaque vissée est employée pour stabiliser la greffe [64]. Reconstructions osseuses en chirurgie tumorale La multiplicité des situations rencontrées rend difficile la description de techniques standardisées. Toutefois, un certain nombre de tendances semblent se dégager de l’expérience des différentes équipes spécialisées dans la chirurgie osseuse tumorale. Après les résultats très encourageants à court et moyen termes des reconstructions par allogreffes massives rapportés dans les années 1980, la survenue régulière de lyses et de fragmentations des allogreffes à partir de la 7e ou 8e année postopératoire a amené à un recul certain des indications et à la recherche de montages incluant avec l’allogreffe de l’autogreffe, libre ou, au mieux, pédiculée. Les enseignements actuellement admis sont de plusieurs ordres [65] : • les allogreffes massives ostéocartilagineuses remplaçant une épiphyse ou une articulation dans son ensemble sont inéluctablement vouées à un échec mécanique ; • toute reconstruction massive par allogreffe impose d’armer cette dernière avec une ostéosynthèse ou une prothèse ; • l’adjonction d’une autogreffe doit être systématiquement réalisée lorsqu’elle est techniquement possible. Les résultats sont significativement altérés par l’administration de la chimiothérapie [64], qui augmente considérablement le taux de complications, en particulier infectieuses, et semble influer sur le devenir de l’allogreffe elle-même en altérant son Appareil locomoteur Allogreffes osseuses et banques de tissus ¶ 14-015-A-10 Figure 3. Reconstruction par allogreffe massive dans un fémur ouvert en bivalve. A. Principe. B. Aspect préopératoire. C. Aspect postopératoire. A . Figure 4. Reconstruction épiphysaire par allogreffe massive encastrée et taillée à façon au cours d’une reprise de prothèse totale de genou (RPTG). environnement biologique. Au niveau du tibia supérieur ou du fémur distal, la plupart des équipes préfèrent désormais utiliser des prothèses massives de résection, plutôt que manchonnées Appareil locomoteur par des allogreffes, qui se fragmentent fréquemment et correspondent majoritairement à des résultats médiocres [66]. Pour le fémur supérieur, et même si ce type de complication est parfois constaté, les résultats sont cependant fonctionnellement meilleurs pour des prothèses manchonnées par une allogreffe que pour des prothèses de résection massives [67, 68]. À l’humérus, l’utilisation d’homogreffes humérales est grevée d’un taux de pseudarthrose et de résorption très élevé [11]. Pour cette raison, les arthrodèses d’épaule font appel le plus souvent à un segment d’homogreffe tibiale, aux corticales beaucoup plus épaisses et résistantes, avec adjonction d’autogreffe libre et d’un péroné vascularisé. Les résections de bassin posent des problèmes complexes de reconstruction. C’est le cas, en particulier, pour les résections de la région péricotyloïdienne. Quand la résection reste limitée (conservation du toit ou d’une colonne), il est possible de réaliser une reconstruction à l’aide d’autogreffe et d’un anneau de renforcement cotyloïdien métallique. Lorsque la résection intéresse toute la région péricotyloïdienne et déborde sur le cadre obturateur ou sur l’aile iliaque, Puget et Utheza [69] ont proposé une technique séduisante. La tête fémorale et la région trochantérienne du patient sont utilisées, après trochantérotomie, comme autogreffe. Le greffon est orienté tête en haut ou 7 14-015-A-10 ¶ Allogreffes osseuses et banques de tissus en bas et solidement ostéosynthésé au bassin. Une cavité est ensuite fraisée dans le massif trochantérien et un cotyle prothétique y est scellé. Grand et petit trochanter sont laissés à leur place anatomique et synthésés à une allogreffe permettant de reconstruire le fémur proximal (tête fémorale de banque ou épiphyse), manchonnée sur la tige prothétique fémorale. Utilisation d’allogreffes ostéochondrales massives en chirurgie traumatologique Le remplacement d’un plateau tibial enfoncé et détruit par une allogreffe de plateau tibial fraîche, en urgence ou à distance, permet de retrouver un genou vivable et deux tiers des genoux n’ont pas nécessité d’arthroplastie totale à 12 ans [70]. Cette technique nécessite cependant la disponibilité d’une allogreffe fraîche non congelée. Avec les allogreffes congelées, les résultats sont nettement moins favorables [71]. ■ Conclusion Les connaissances à propos des allogreffes osseuses ont progressé ces dernières années, notamment grâce à de meilleurs reculs cliniques. Outre les intérêts et avantages des différentes techniques chirurgicales, certains critères sont incontournables pour la réussite d’une greffe osseuse : • stabilité du montage orthopédique ; • qualité du lit receveur, notamment sa vascularisation ; • régime optimal de contraintes mécaniques traversant la greffe : ni trop, ni trop peu. . ■ Références [1] Vastel L, Anract P, Tomeno B, Courpied JP. Utilisation des greffes de banque en orthopédie. Aspects réglementaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie, 44-031, 1999. [2] Vastel L, Lemercier V, Kerboull L, Kerboull M. Fonctionnement d’une banque de tissus osseux en 1998. Rev Chir Orthop 1999;85:164-73. [3] Durand F, Danic B, Tardivel R, Semana G, Gouezec H, Martinot M, et al. Découverte d’une infection chronique par le VHC sans séroconversion chez un donneur de sang pendant 28 mois. Transf Clin Biol 2000;7:242-50. [4] Carter DR, Hayes WC. The compressive behavior of bone as a two phase porous structure. J Bone Joint Surg Am 1977;59:954-62. [5] Thorén K, Aspenberg P, Thorngren KG. Lipid extracted bone bank. Bone conductive and mechanical properties. Clin Orthop Relat Res 1995;311:232-46. [6] Lindhal O. Mechanical properties of dried defatted spongy bone. Acta Orthop Scand 1976;47:11-9. [7] Vastel L, Meunier A, Siney H, Sedel L, Courpied JP. Effect of different sterilization methods on the mechanical properties of human cancellous bone allografts. Biomaterials 2004;25:2105-10. [8] Anderson MJ, Keyak JH, Skinner HB. Compressive mechanical properties of human cancellous bone after gamma irradiation. J Bone Joint Surg Am 1992;74:747-52. [9] Knaepler H, Von Garrel T, Seipp HM, Ascherl R, Gotzen L. Autoklavierung von allogenen Knochentransplantaten als alternative zur konventionellen Knochenbank? Orthopadische Praxis 1992;28: 18-22. [10] Vastel L, Masse C, Mesnil P, Crozier E, Padilla F, Laugier P, et al. Comparative ultrasound evaluation of human trabecular bone graft properties after treatment with different sterilization procedures. J Biomed Mater Res B Appl Biomater 2009;90:430-7. [11] Loty B. Allogreffes osseuses : aspects fondamentaux et techniques de conservation en 1992. In: Cahiers d’enseignements de la SOFCOT. Paris: Expansion Scientifique Française; 1992. p. 211-37. [12] Roussouly P, Mine C, Petreto E, Gonon G, Fisher LP. Étude de la résistance en flexion et en compression d’os longs irradiés par rayonnement gamma. Rev Chir Orthop 1988;74(suppl2):199-202. [13] Kreicbergs A, Köhler P. Diaphyseal reconstruction by autoclaved bone. Reimplantation experiments in rabbits. Acta Orthop Scand 1987;58: 61-5. [14] Friedlander GE. Bone allografts: the biological consequences of immunological events. J Bone Joint Surg Am 1991;73:1119-22. 8 [15] Stevenson S. The immune response to ostochondral allografts in dogs. J Bone Joint Surg Am 1987;69:573-82. [16] Czitrom AA. Freeze dried cortical allografts. Orthopedics 1998;21: 242-64. [17] Kitchen AD, Mann JF, Harrison JF, Zuckermann AJ. Effects of gamma irradiation on the human immunodeficiency virus and the human coagulation protein. Vox Sang 1989;56:223-9. [18] Pellet S, Strong DM, Temesi A, Matthews JG. Effects of irradiation on frozen corticocancellous bone allograft incorporation and immunogenicity. In: Osteochondral allografts. Boston: Little Brown; 1983. [19] Burwell RG, Gowland G. Studies in transplantation of bone: III. The immune responses of lymph nodes draining components of fresh homogenous bone treated by different methods. J Bone Joint Surg Br 1962;44:131-40. [20] Wingenfeld C, Egli RJ, Hempfing A, Ganz R, Leunig M. Cryopreservation of osteochondral allografts: Dimethyl Sulfoxyde promotes angiogenesis and immune tolerance in mice. J Bone Joint Surg Am 2002;84:1420-9. [21] Moreau MF, Gallois Y, Basle MF, Chappard D. Gamma irradiation of human bone allografts alters medullary lipids and release toxics compounds for osteoblast-like cells. Biomaterials 2000;21:369-76. [22] Kwong L, Murali J, Harris WH. High failure rate of bulk femoral head allografts in total hip reconstruction at ten years. J Arthroplasty 1993; 8:341-6. [23] Massin P, Tanaka C, Huten D, Duparc J. Traitement des descellements acétabulaires aseptiques par reconstruction associant greffe osseuse et anneau de Müller. Analyse actuarielle sur 11 ans. Rev Chir Orthop 1998;84:51-60. [24] Hooten JP, Engh CA, Heekin RD, Vinh TN. Structural Bulk Allografts in acetabular reconstruction. Analysis of two grafts retrieved at post mortem. J Bone Joint Surg Br 1996;78:270-5. [25] Heekin RD, Engh CA, Vinh TN. Morselized allografts in acetabular reconstructions. A post-mortem retrieval analysis. Clin Orthop Relat Res 1995;319:184-90. [26] Basset AL. Clinical implication of cell function in bone grafting. Clin Orthop Relat Res 1972;87:49-59. [27] Golberg VM, Bos GD, Heiple KG, Zika JM, Powell A. Improved acceptance of frozen bone allografts in genetically mismatched dogs by immunosuppression. J Bone Joint Surg Am 1984;66:937-50. [28] Hamadouche M, Blanchat C, Meunier A, Kerboull L, Kerboull M. Histological findings in a proximal femoral structural allograft ten years following revision total hip arthroplasty: a case report. J Bone Joint Surg Am 2002;84:269-73. [29] Gouin F, Passuti N, Verriele V, Delecrin J, Bainvel JV. Histological features of large bone allografts. J Bone Joint Surg Br 1996;78:38-41. [30] Gross AE, Wong PK, Hutchison CR, King AE. Onlay cortical strut grafting in revision arthroplasty of the hip. J Arthroplasty 2003; 18(3suppl1):104-6. [31] Oakeshott RD, Morgan DA, Zukor DJ, Rudan JF, Brooks PJ, Gross AE. Revision total hip arthroplasty with osseous allograft reconstruction. Clin Orthop Relat Res 1987;225:37-61. [32] Barden B, Ding Y, Fitzek JG, Loer F. Strut allografts for failed treatment of periprosthetic femoral fractures: good outcome in 13 patients. Acta Orthop Scand 2003;74:146-53. [33] Peters CL, Bachus KN, Davitt JS. Fixation of periprosthetic femur fractures: a biomechanical analysis comparing cortical strut allograft plates and conventional metal plates. Orthopedics 2003;26:695-9. [34] Esses S, Halloran PF. Donor marrow derived cells as immunogens and targets for the immune response to bone and skin allografts. Transplantation 1983;35:169-73. [35] Czitrom AA, Axelford TA, Fernandes B. Antigen presenting cells and bone transplantation. Clin Orthop Relat Res 1985;197:27-31. [36] Langer F, Czitrom A, Pritzker KP, Gross AE. The immunogenicity of fresh and frozen allogenic bone. J Bone Joint Surg Am 1975;57:216-20. [37] Enneking WF, Burchardt H, Puhl JJ, Piotrowski G. Physical and biological aspects of repair in dog cortical bone transplants. J Bone Joint Surg Am 1975;57:237-52. [38] Horowitz MC, Fiedlaendler GE. Induction of specific T-Cell responsiveness to allogenic bone. J Bone Joint Surg Am 1991;73: 1157-68. [39] Musculo DL, Caletti E, Schajowickz F, Araujo ES, Makino A. TissueTyping in human massive allografts of frozen bone. J Bone Joint Surg Br 1986;68:583-95. [40] Enneking WF, Mindell ER. Observations on massive retrieved human allografts. J Bone Joint Surg Am 1991;73:1123-42. Appareil locomoteur Allogreffes osseuses et banques de tissus ¶ 14-015-A-10 [41] Stassen JG, Van Dijk BA, Van Horn JR, Kunst VA. No irregular erythrocytes observed after bone allografts in 144 patients. Acta Orthop Scand 1993;64:354-6. [42] Knaepler H, Ascherl R, Kretschmer V. Immunization against blood group antigens by allogeneic bone transplantation. Chirurg 1990;61: 830-2. [43] Kerboull M, Hamadouche M, Kerboull L. The Kerboull acetabular reinforcement device in major acetabular reconstructions. Clin Orthop Relat Res 2000;378:155-68. [44] Piriou P, Sagnet F, Norton MR, de Loubresse CG, Judet T. Acetabular component revision with frozen massive structural pelvic allograft: average 5-year follow-up. J Arthroplasty 2003;18:562-9. [45] Jofe MH, Gerbhart MC, Tomford WW, Mankin HJ. Reconstruction for defects of the proximal part of the femur using allograft arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1988;70:507-16. [46] Gie GA, Linder L, Ling RS, Simon JP, Sloof TJ, Timperly AJ. Impacted cancellous allografts and cement for revision total hip arthroplasty. J Bone Joint Surg Br 1993;75:14-21. [47] Elting JJ, Mikhail WE, Zicat BA, Hubbell JC, Lane LE, House B. Preliminary report of impaction grafting for exchange femoral arthroplasty. Clin Orthop Relat Res 1995;319:159. [48] Medling JB, Ritter MA, Keating EM, Faris PM. Impaction bone grafting before insertion of a femoral stem with cement in revision total hip arthroplasty. J Bone Joint Surg Br 1997;79:1835-41. [49] Halliday BR, English HW, Timperley AJ, Gie GA, Ling RS. Femoral impaction grafting with cement in revision total hip replacement. Evolution of the technique and results. J Bone Joint Surg Br 2003;85: 809-17. [50] Kligman M, Rotem A, Roffman M. Cancellous and cortical morselized allograft in revision total replacement: a biomechanical study of implant stability. J Biomech 2003;36:797-802. [51] Ornstein E, Franzen H, Johnsson R, Stefansdottir A, Sundberg M. Hip revision with impacted morselized allografts: unrestricted weightbearing and restricted weight-bearing have similar effects on migration. A radiostereometry analysis. Arch Orthop Trauma Surg 2003;123: 261-7. [52] Vastel L, Thevenin-Lemoine C, Kerboull M, Courpied JP. Structural allograft and cemented long-stem prosthesis for complex revision hip arthroplasty: use of a trochanteric claw plate improves final hip function. Int Orthop 2007;31:851-7. [53] Charrois O, Kerboull L, Vastel L, Kerboull M, Courpied JP. Reconstruction fémorale par une allogreffe massive implantée dans un fémur ouvert. Résultats à moyen terme de 18 reconstructions. Rev Chir Orthop 2000;86:801-8. [54] Loty B, Courpied JP, Tomeno B, Kerboull M, Postel M, Forest M, et al. Radiation sterilized bone allografts. Int Orthop 1990;14:237-42. [55] Charrois O, Kerboull L, Vastel L, Rahmi M, Courpied JP, Kerboull M. Reconstruction fémorale par allogreffe massive implantée dans un fémur ouvert en bivalve : résultats à court et moyen terme de 16 reconstructions. Rev Chir Orthop 1999;85(suppl3):118. [56] Kerboull M. Traitement des descellements fémoraux aseptiques des prothèses totales de hanche. In: Cahiers d’enseignement de la SOFCOT. Paris: Expansion Scientifique Française; 1996. p. 1-7. [57] Allan DG, Lavoie GJ, Mc Donald S, Oakeshott R, Gross AE. Proximal femoral allografts in revision hip arthroplasty. J Bone Joint Surg Br 1991;73:234-40. [58] Head WC, Berklacich FM, Malinin TI, Emerson RH. Proximal femoral allografts in revision total hip arthroplasty. Clin Orthop Relat Res 1987; 225:22-36. [59] Pak JH, Paprovsky WG, Jablonsky WS, Lawrence JM. Femoral strut allograft in cementless revision total hip arthroplasty. Clin Orthop Relat Res 1993;295:172-8. [60] Tsahakis PJ, Beaver WD, Brick GW. Technique and results of allograft reconstruction in revision total knee arthroplasty. Clin Orthop Relat Res 1994;303:86-94. [61] Ghavazi MT, Stockley I, Yee G, Davis A, Gross AE. Reconstruction of massive bone bone defects with allografts in revision total knee arthroplasty. J Bone Joint Surg Am 1997;79:17-25. [62] Mow CS, Wiedel JD. Structural allografting in revision knee arthroplasty. J Arthroplasty 1996;11:235-41. [63] Stockley I, McAuley JP, Gross AE. Allograft reconstruction in total knee arthroplasty. J Bone Joint Surg Br 1992;74:393-7. [64] Mnaymneh W, Emerson RH, Borja F, Head WC, Malinin TI. Massive allografts in salvage revisions of failed total knee arthroplasty. Clin Orthop Relat Res 1990;260:144-53. [65] Anract P, Vastel L, Tomeno B. Techniques et indications des greffes et transplantations osseuses et ostéocartilagineuses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales – OrthopédieTraumatologie, 44-030-A, 1999. [66] Zatsepin ST, Burdygin VN. Replacement of the distal femur and proximal tibia with frozen allografts. Clin Orthop Relat Res 1994;303: 95-102. [67] Anract P, Coste J, Vastel L, Jeanrot C, Mascard E, Tomeno B. Prothèse massive et prothèse manchonnée d’une allogreffe pour la reconstruction de l’extrémité supérieure du fémur. Étude comparative des résultats fonctionnels, de la survie et des complications de 41 cas. Rev Chir Orthop 2000;86:278-88. [68] Biau D, Davis A, Vastel L, Tomeno B, Anract P. Function, disability, and health-related quality of life after allograft-prosthesis composite reconstructions of the proximal femur. J Surg Oncol 2008;97:210-5. [69] Puget J, Utheza G. Reconstruction de l’os iliaque à l’aide du fémur homolatéral après résection pour tumeur pelvienne. Rev Chir Orthop 1986;72:877-84. [70] Shasha N, Krywulak S, Backstein D, PressmanA, GrossAE. Long term follow up of fresh tibial osteochondral allografts for failed tibial plateau fractures. J Bone Joint Surg Am 2003;85(suppl2):33-9. [71] Maruyama S, Hasegawa Y, Sakano S, Warashina H, Yamauchi K, Iwata H. Experimental evaluation of the usefulness of osteochondral allograft for articular cartilage defect. J Orthop Sci 2003;8:560-6. Pour en savoir plus Loi n°2004-800 du 06 août 2004 relative à la bioéthique. Directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à l’établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l’obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains. Directive 2006/17/CE de la commission du 8 février 2006 portant application de la directive 2004/23/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certaines exigences techniques relatives au don, à l’obtention et au contrôle de tissus et de cellules d’origine humaine. L. Vastel (laurent.vastel@cch.aphp.fr). Service de chirurgie orthopédique, Hôpital Avicenne, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 125, rue de Stalingrad, 93009 Bobigny cedex, France. Banque de tissus osseux, Hôpital Cochin, Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France. Toute référence à cet article doit porter la mention : Vastel L. Allogreffes osseuses et banques de tissus. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomoteur, 14-015-A-10, 2010. Disponibles sur www.em-consulte.com Arbres décisionnels Appareil locomoteur Iconographies supplémentaires Vidéos / Animations Documents légaux Information au patient Informations supplémentaires Autoévaluations Cas clinique 9