Uploaded by Sandra Elleuch

Analyse de la scène 5 , p1 Juste la fin du monde (1)

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Genre : Théâtre Parcours : Crise pers, cr.fam
Explication n°4 : Juste la fin du monde, première partie, scène 5 (monologue de Louis)
Situation du passage : Après l'arrivée de Louis et les présentations, scène 4 = scène des
dimanches, la mère évoque ses souvenirs du passé, ce qui provoque des tensions. Ici, Louis se
retrouve seul et évoque la décision qu’il a prise, à son réveil, 10 jours auparavant, de revenir voir
sa famille. Il analyse à travers ce monologue ses relations avec sa famille.
Problématique : comment Louis exprime-t-il la complexité de sa relation à sa famille ?
Mouvements :
1. De « c’était cette impression » à « qu’il faut renoncer » : l’impression d’abandon
2. De « et on renonce à moi » à « plus encore. » : le renoncement des siens .
3. De « Je compris » à « les autres que moi » : entte lucidité et responsabilité
4. De « Je me réveillai » à la fin de la scène : un lien entre son sentiment d’abandon et les
difficultés de communication avec sa famille.
ANALYSE DU TEXTE :
1- Premier mouvement : Louis tente d’expliquer l’impression d’abandon qu’il éprouve
Difficulté à définir l’impression laissée au réveil : un sentiment diffus Cf terme « impression » +
déterminant démonstratif “cette”, qui renvoie à une expérience universelle et souligne aussi le
caractère indéfinissable
Aveu d’impuissance : cf tournure négative : “ je ne trouve pas les mots” - expérience
indéfinissable.
Parenthèse entre crochets : présent de vérité générale qui tente de définir une expérience
universelle, commune – verbe “croire” marque l’incertitude + “pour disparaître aussitôt” =
impression insaisissable, fugitive (cf adv. De tps “aussitôt”, “un instant”) - décrit ici les
impressions fugaces éprouvées au réveil, lorsqu’on cherche à saisir un rêve ou une idée parenthèse tente de faire comprendre au spectateur cette expérience insaisissable
Structure de la phrase : entrecoupée de parenthèses et propositions qui séparent le mot
“impression” de la subordonnée conjonctive qui le complète (complément du nom) : “qu’on
m’abandonna toujours” - structure désarticulée de la phrase traduit les hésitations de la pensée.
Un sentiment d’abandon et de solitude :
Cf « on m’abandonna », « à moi-même, à ma solitude, au milieu des autres » : insistance sur
opposition Louis ≠ les autres (allitération en [m] insiste sur les déterminants et pronoms de 1ère
personne).
Adverbes « toujours », « peu à peu » : insistent sur la durée
Louis invoque sa propre responsabilité dans cet abandon :
Cf subordonnée circonstancielle de cause introduite par « parce que »
« on ne saurait m’atteindre » repris par «me toucher » = insistance sur la difficulté de
communiquer avec lui (tournure négative)
Verbe « falloir » = nécessité – insiste encore sur sa difficulté à communiquer avec les autres. Il se
donne pour responsable de cet abandon qu’il subit comme une fatalité.
2- Deuxième mouvement : Louis explique en quoi il est responsable de l’abandon dont il fait
l’objet
Abandon ancien :
cf répétition du verbe « renoncer » : reprend l’idée d’un abandon forcé, nécessaire cf aussi
emploi du pronom « tous » = abandon absolu, total.
« et on renonce à moi, ils renoncèrent à moi ». conjonction de coordination « Et » ici implique
une relation logique de conséquence, pour insister sur la fatalité de l’abandon. Passage du
présent (sorte de vérité générale), au passé simple = histoire de la famille (« ils » = la famille,
comme dans le prologue). Le passé simple rejette dans le passé la rupture entre Louis et sa
famille
Bonne volonté des autres :
Marquée par l’adverbe « tant » + verbe « chercher » = efforts des autres / cf aussi adverbe
« aussi » qui montre les diverses tentatives pour garder Louis
Efforts pour retenir Louis et parler : Louis reconnaît ici l’amour de sa famille, des siens, dans
cet effort pour conserver un lien avec lui, lien qui se traduit par les verbes « garder » et « dire »
+ emploi du verbe “renoncer”, qui suppose qu’ils ont essayé de l’aimer
Causes de l’abandon :
Opposition entre bonne volonté des autres et l’attitude de Louis. Louis se présente ici comme
directement responsable (cf emploi du pronom « je » en sujet du verbe ≠ du « me » complément
d’objet dans le mouvement précédent : « m’atteindre », « me toucher »). Emploi du verbe
« décourager » insiste aussi sur la responsabilité de Louis et les efforts des autres.
Abandon = façon d’aimer Louis – cf bonne volonté (“il veulent comprendre”) - parallèle entre
“me laisser en paix, semblant ne plus se soucier de moi” = “m’aimer plus encore” - lien mis en
lumière par le présentatif “c’est” - paradoxe : abandon vu comme une preuve d’amour. Idée
suggérée aussi par le participe présent “semblant”: abandon et indifférence de la famille n’est
qu’une apparence. Renforce l’idée que cet abandon =preuve d’amour
3-Troisième mouvement : ayant compris que l’abandon des autres est une preuve de leur
amour et qu’il en est lui-même responsable, Louis prend ici conscience de son aveuglement, et
il fait preuve de lucidité.
Lucidité : “je compris” : vbe au passé simple ici évoque l’aboutissement de sa démarche
d’introspection. Prise de conscience de son aveuglement : “sans que jamais jusqu’alors je ne la
voie” (locution “sans que” = négation).
Lucidité perceptible aussi dans le ton plus assuré, moins d’hésitation dans les paroles : “je
compris que”, “fut pour moi l’unique raison” (adjectif “unique” traduit la certitude, de même que
l’emploi de l’adverbe “toujours”)
Lucidité sur lui-même et ses propres mensonges : “l’unique raison de mes lâchetés” :
conscience de ses propres mensonges – se dit victime d’un manque d’amour pour justifier le
fait qu’il a rompu avec sa famille et n’a pas assumé son rôle de fils et de frère- sentiment
d’abandon = se sent victime d’un manque d’amour : “ce manque d’amour dont je me suis
plains” = mensonge qu’il se fait à lui-même et aux autres.
Conscience aussi qu’il a fait souffrir les autres : cf comparatif de supériorité “plus que”. Reprise
de l’expression “ce manque d’amour” avec gradation ici : souffrance infligée aux autres.
→Louis met donc en lumière ce mensonge dans lequel il s’est complu toute sa vie, selon lequel on
ne l’aimait pas.
4- Quatrième mouvement : Conclusion de Louis qui établit un lien entre son sentiment de n’être
pas aimé et les difficultés de communication avec sa famille.
Le mouvement commence par la reprise du verbe « se réveiller » au passé simple, qui fait écho
à « lorsque je me réveillai » du 1er mouvement. Eveil = prise de conscience qui devient de plus
en plus nette. Ainsi, l’ « impression » du début est devenue une « idée ». Petit à petit, dans cette
expérience du réveil, Louis parvient à formuler plus nettement ce qui caractérise ses relations
avec sa famille.
Cette idée est qualifiée par trois adjectifs constituant une double gradation : sémantique (par le
sens) et rythmique (augmentation du nombre de syllabes). Gradation sémantique : « étrange » =
indéfinissable, étrangère à soi ; devient « désespérée », puis « indestructible encore » :
d’étrangère, l’idée devient ainsi solidement ancrée, d’où la souffrance qu’elle provoque en Louis,
idée présente en lui comme une fatalité. Gradation rythmique amplifie la gradation
sémantique : 2 syllabes, puis 4, puis 6 (indestructible encore). Souligne la tentative de Louis
pour comprendre ses sentiments par les mots, et crée aussi un effet poétique. Insistance et
gradation renforcées par la répétition de la conjonction de coordination « et ».
Cette idée devenue si fortement ancrée en lui, il la définit dans la subordonnée complétive qui
achève la scène, et qui se détache nettement par le retour à la ligne, comme s’il s’agissait d’une
révélation.
Idée que Louis est déjà mort pour sa famille : parallélisme entre les deux éléments de la
comparaison, souligné par la répétition du verbe « aimer » et antithèse « vivant » / « mort ».
Louis exprime ici ce sentiment de ne pas exister réellement pour sa famille, existe comme un
« mort », on sait qu’il existe, mais sa vie n’a pas de réalité. Se perçoit lui-même déjà comme un
fantôme.
Idée que cette absence empêche toute communication : cf préposition privative « sans », qui
exprime une négation, négation renforcée par adverbe « jamais » et particule négative « rien » :
parole empêchée (« rien me dire ») – empêchement traduit également par verbes « pouvoir » et
« savoir » à la forme négative – toute communication entre Louis et sa famille apparaît donc
comme impossible.
CCL : dans ce monologue, Louis tente de comprendre et de formuler ce sentiment de ne
pas être aimé, sentiment qui semble expliquer son éloignement et sa souffrance intérieure.
Mais, à l’instar des pensées qui s’éclaircissent peu à peu au réveil, le monologue progresse
vers une prise de conscience des raisons de la fracture entre lui et les autres, comme si ne
pouvant être aimé, il devenait finalement responsable de la souffrance des autres.
=> Cette « absence d’amour » apparaît, in fine, comme l’une des causes principales des difficultés de
communication au sein de la famille, comme si le caractère solitaire de Louis avait érigé une barrière entre
lui et les autres.
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