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hyand banw

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LE RYTHME ET LA TRADUCTION
dire « anthropologie historique du langage » implique aussi une critique de
l'histoire de l'anthropologie, de son humanisme abstrait. C'est pourquoi il y a
« historique » et « langage ». Dans l'anthropologie, avec toute son histoire de
science naturelle, il n'y a ni l'historicité ni le langage, y compris dans les
anthropologies actuelles. Si bien que l'association des deux mots « anthropo
logie » et « langage » ne va pas de soi. Il suffit de prendre un catalogue ou des
catalogues d'éditeurs pour voir des tas d'expressions avec « anthropologie » :
anthropologie du corps, de la ville, anthropologie politique, sociale. Para
doxalement le langage y est toujours absent. Et réciproquement, « anthropo
logie » joue par rapport à « langage », en ce sens que ni les ethnologues ni les
linguistes, d'une certaine façon, ne prennent en compte la voix, l'oralité, la
poésie, tout ce que la poésie montre de fondamentalement ordinaire dans le
langage, puisque précisément la théorie traditionnelle consiste à marquer le
clivage entre langage ordinaire et langage poétique.
Jean Baumgarten : Certains ethnologues, pourtant, tel Michel Leiris, se
sont penchés sur le problème des rapports entre ethnologie et langage.
Henri Meschonnic : C'est vrai. J'admire beaucoup Michel Leiris. Mais au
début de son livre sur le langage secret des Dogons, il dit très honnêtement
que d'abord il ne sait pas le dogon et qu'il applique les méthodes linguisti
ques qu'on lui a enseignées à l'Institut d'ethnologie. Il part avec une linguis
tique pour ethnologue, essentiellement une nomenclature. Il procède à
l'aide d'un questionnaire d'environ quatre cents mots, à la fois pour appren
dre la langue avec des informateurs et en même temps pour l'étudier. Situa
tion assez dramatique. Cela est vrai chez lui mais aussi dans d'autres volu
mes édités par l'Institut d'ethnologie, qui sont passionnants mais qui mon
trent relativement leur datation, par exemple dans le livre de Soustelle sur
la famille Otomi-Pamé au Mexique.
Henri Raczymow : Mais en supposant qu'il ne s'intéresse qu'au rythme,
l'ethnologue ne peut-il pas se dispenser de connaître la langue ? Vous ne
dissociez pas le rythme du sens ?
Henri Meschonnic : Au contraire, j'intègre au maximum le sens dans le
rythme et le rythme dans le sens. Alors que dans la manière courante de
procéder, les deux sont totalement disjoints.
Henri Raczymow : Pourriez-vous définir ce que vous appelez tout au long
de votre travail l'historicité ?
Henri Meschonnic : J'ai essayé de le préciser autant que possible. C'est
pourquoi le début de la trajectoire du livre est assez lent. Il fallait prudem
ment poser ce que signifiait « théorie », « critique », « anthropologie », et ce
qu'impliquait l'historicité. Schématiquement, l'historicité est la contradic
tion et la résultante des lignées qui, à tout moment, sur le plan des pratiques
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du langage, déterminent un langage, une position, qui fait qu'on est la ré
tante du passé. Mais si on n'est que cela, on n'est, par définition, que répé
tition et donc, sur le plan de la littérature, on n'existe pas. L'historicité, à
moment-là, est purement passive. Elle consiste à écrire « comme ». Il
une historicité active qui consiste, tout en étant inévitablement la résultan
d'une multitude de forces, à produire de l'imprévisible. C'est une contrad
tion car, étant donné la convergence en un point de tout ce qui fait le pass
les passés, il ne devrait rien y avoir de nouveau. Or, il y a constamment
nouveau. Ce point se déplace tout le temps, comme une contradiction
tenue. Si on tient la contradiction, c'est-à-dire à la fois tout le passé et en
même temps contre le passé, pour être une émergence du nouveau, alors
est une historicité. Cette conception privilégie peut-être la littérature et l'
mais reste à moduler. C'est également vrai pour tout ce qui est de l'ordre
la pensée, et pratiquement pour tout, sauf, disons, pour la vie quotidienn
où le collectif l'emporte évidemment sur la création subjective. A c
moment-là reste le privé. Mais la subjectivité en tant qu'émergence du no
veau dans le langage, dans l'art, la pensée, n'est pas de l'ordre du privé : e
est à la fois subjective et collective, elle est idéalement la somme du passé
la plus grande prise transformatrice de ce passé. Cela n'a rien d'un dépass
ment hégélien. C'est au contraire la tension indéfinie des contradictions.
Jean Baumgarten : Une partie de votre travail porte sur la traductio
Vous dites que c'est le lieu de convergence de la théorie du langage et de s
pratique.
Henri Meschonnic : Traditionnellement, Ta traduction est une activité
dont on sait qu'elle est méprisée, qui a une importance énorme dans toute
l'histoire de l'Occident, sans doute dans toute l'histoire des civilisations,
mais particulièrement de la civilisation occidentale. D'une certaine façon,
elle repose entièrement sur la traduction, les traductions. A la limite, tra
duction signifie : échange culturel, littéraire. C'est donc une activité fonda
mentale et en même temps, assez étrangement, la traduction n'a qu'un sta
tut sociologique, en tout cas en France et même dans l'ensemble de l'Occi
dent. Quelqu'un comme Ezra Pound en témoigne au début du siècle pour
tout le domaine anglo-américain. Si bien que le problème de la traduction
n'est pas seulement celui du passage connu de littérature à littérature ni un
pur instrumentalisme. Il consiste à savoir pourquoi on traduit, qui traduit,
quand, pour qui, de voir que toutes ces questions déterminent le caractère
situé, chaque fois, de la traduction et tout son fonctionnement. A ce
moment-là, le plus révélateur, ce n'est pas la masse énorme des traductions,
mais certaines traductions, en nombre très restreint, qui font exemples, des
traductions qui ont réussi et qui permettent de dépasser le stade aussi bien
sociologique qu'esthétique dans lequel stagnent les questions et les critères
de la traduction. Ce que j'appelle traduction réussie, c'est par exemple la
Vulgate latine de Saint-Jérome, la King James Version de 1611, la Bible de
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