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Régime des obligations

Ce qui était apparu en 2ème année c’est que le lien de droit s’établissant entre 2
personnes et permettant à l’une d’elle d’exiger de l’autre l’exécution d’une obligation,
pouvait avoir essentiellement deux sources :
- La responsabilité civile
- La volonté
Le sujet de droit, la personne juridique, ne peut donc être reconnu débiteur que
dans deux circonstances :
- Par un fait dommageable dont il doit réparation
- Par un acte juridique comportant pour lui un engagement
L’acte juridique n’est générateur d’obligations que s’il témoigne d’une rencontre de
2 volontés distinctes. Parmi les actes juridiques, seuls les actes juridiques conventionnels
sont susceptibles d’engendrer des obligations. L’acte juridique unilatéral n’ayant pas
véritablement cette vertu, hormis en présence d’une exécution volontaire ou d’une
promesse d’exécution d’un devoir de csc (art 1100al2 CCiv).
Toutes les conventions ne sont pas toutes tournées vers la production d’obligations. Les
conventions peuvent engendrer d’autres e ets tels que l’extinction ou la transmission
d’un droit. Avant 2016, lorsqu’une convention était génératrice d’obligations, on parlait
plus précisément de « contrat ». « Parlait » car depuis la réforme issue de l’ordonnance du
10 fév. 2016, le contrat n’est plus seulement une convention génératrice d’obligations.
Puisque selon la dé nition que lui donne désormais l’art 1101 CCiv, « Le contrat est un
accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modi er,
transmettre ou éteindre des obligations ». À partir de là on est tenté d’a rmer que
l’obligation ne peut naitre que de 3 situations :
- Le fait juridique (un fait quelconque auquel la loi attache des csqces juridiques non
recherchées par son auteur)
- L’acte juridique (le contrat est l’acte juridique dominant)
- L’autorité de la loi
Parmi les faits juridiques, il faut aussi classer une catégorie hybride appelée les
« quasi contrats ». Pq quasi ? Car bien qu’ils soient issus de la volonté individuelle, ce ne
sont pas des contrats pcq’il n’y a pas eu rencontre de 2 volontés distinctes. Et s’ils
produisent des e ets, c’est comme pour les faits juridiques, pcq la loi le décide. C’est
sans doute la raison pour laquelle l’art 1100-2 CCiv les classe parmi les faits juridiques.
Cela dit, si ce sont des faits juridiques, les quasi contrats ne sont en rien rattachables à
un comportement fautif du débiteur. Il n’existe que 3 variétés de quasi contrats :
- La gestion d’a aire
- Le paiement de l’indu
- L’enrichissement injusti é
Après avoir mené l’étude des sources des obligations, il reste désormais à
envisager des questions tout aussi délicates qui sont celles qui relèvent de l’observation
de l’obligation elle-même. C’est-à-dire indépendamment de l’évènement qui lui a donné
naissance (= qui lui a donné naissance). On va regarder l’obligation une fois qu’elle est
née (peu important comment elle est née).
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Quel est le sens du mot obligation ? Si on regarde d’un peu plus près, on peut dire
que ce mot est susceptible de deux acceptions :
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Introduction
- Au sens large, « obligation » désigne le rapport juridique qui relie le débiteur au
créancier. D’ailleurs, l’obligation est le lien de droit (vinculum juris) permettant de
contraindre le débiteur. Dans le droit romain, ce lien de droit était très fort, il mettait en
jeu la personne même du débiteur (cf. PCE). Cette idée que la personne même
réponde des oblis qu’elle a créée a été très forte, y compris dans le CCiv de 1804
puisque la prison pour dettes (contrainte par corps) n’a été supprimée qu’en 1867
- Son aspect patrimonial, sous cet angle, l’obligation s’analyse essentiellement en une
valeur économique qui s’inscrit à la fois à l’actif du patrimoine du créancier (créance) et
au passif du patrimoine du débiteur (dette)
Il y a deux aspects dans l’obli : le lien personnel (qui engage la pers même) et la
valeur économique (valeur qui s’inscrit au patrimoine de chacune des parties). Pendant
lgtps, c’était l’aspect lien personnel qui était dominant. Du reste, un auteur du 19ème,
PLANIOL, allait jusqu’à nier l’existence des droits réels en prétendant que tous les droits
sont nécessairement des rapports entre les personnes. Selon ce dernier, un rapport
juridique ne peut pas exister entre une personne et une chose. Selon lui, le droit de
propriété ne s’exerce pas sur une chose mais il s’exerce à l’égard de tous. P pensait
qu’un tel droit créait en réalité une obligation passive universelle. Il ramène le droit réel à
un droit personnel, donc une obligation.
Pas si lgtps après lui, l’aspect valeur économique de l’obli a été mis en avant. Pq ?
Pcq’au fond ça devenait indispensable si l’on souhaitait transmettre une obligation. Pcq
si on admet la transmission d’une obligation, il faut alors impérativement admettre que
l’obligation est dissociable de son auteur.
Des auteurs sont allés dans cette direction et ont a rmé le caractère essentiellement
patrimonial de l’obligation. Ce fut d’abord le cas de SALEILLES qui était très in uencé par
le droit allemand et qui voit dans le rapport personnel, dans l’obligation, une valeur
transmissible et donc une chose. Cette théorie a inspiré d’autres auteurs et au début des
années 1960 on se référait à GINOSSAR qui soutenait que tout droit est de nature réelle,
même les droits de créance. Il disait « Une créance est un bien appartenant au créancier
et rattaché à son patrimoine propre par l’e et d’un droit de propriété ».
Ce qu’on peut dire et qui est certain c’est que si l’obligation constitue une valeur,
elle n’est toutefois qu’une valeur à caractère relatif. Car quoi que l’on fasse, avoir une
créance de 1.000€ n’équivaut pas à avoir 1.000€ à avoir dans sa poche car la valeur de
cette créance va dépendre de la solvabilité du débiteur. À l’inverse des droits réels qui
s’exercent directement sur la chose, dont la valeur intègre le patrimoine titulaire, les droits
personnels font peser une incertitude fondamentale sur la valeur qui est en jeu car la
valeur de la créance va dépendre de la personne du sujet passif, c’est-à-dire qu’elle va
dépendre du débiteur. C’est l’obligation prise dans ses deux fonctions de lien de droit et
de valeur économique dont nous allons analyser les e ets. En tant que moyen de
contrainte du débiteur, en tant qu’instrument d’assujettissement du débiteur, il faudra en
mesurer l’e cacité et la mesurer en fonction des circonstances particulières dans
lesquelles on se trouve.
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Partie 1 : Le contenu de
l’obligation
On constate que la force que l’on peut conférer à l’obli, son aptitude à fournir
satisfaction au créancier, sont très variables. Deux obligations distinctes ayant un objet
identique auront rarement la même valeur satisfactoire pour le créancier. Car les
circonstances de leur exécution pourront être a ectées, modi ées, perturbées par
l’intervention d’un certain nb de facteurs. Mais encore certains facteurs qui relèvent de
leur condition de l’exigibilité. Et puis aussi des facteurs qui sont liés, éventuellement à la
réunion d’une pluralité de titulaires de l’obligation, que l’on peut appeler « cotitularité des
obligations ».
Titre 1 : L’exigibilité de l’obligation
L’exigibilité est une qlté de l’obligation dé nissant son aptitude à être exécutée =
va déterminer le droit du créancier à obtenir paiement. Ce droit peut être actuel et
immédiat mais il peut aussi être reporté dans le temps. Et dans ce cas, on dira que
l’exigibilité est retardée. Dans une acception plus large de cette notion d’exigibilité, on
constate que le CCiv prévoit au pro t du créancier, un système de garantie d’exécution
de l’obli et qu’il met en place des possibilités d’exigibilité renforcée.
Chapitre 1 : L’exigibilité retardée
Il est tj possible de retarder volontairement l’exécution d’une obligation, il su t
pour cela d’assortir le rapport d’obligation d’une modalité. Il existe principalement 2 types
de modalités d’exécution de l’obligation :
- La condition
- Le terme
Tandis que le terme fait dépendre l’exigibilité ou la durée de l’obligation de la
réalisation d’un évènement futur et certain, la condition, elle, agit non pas sur l’exigibilité
de l’obligation mais sur son existence même car la condition subordonne la naissance ou
l’anéantissement d’une obligation à la survenance d’un évènement futur et incertain.
Section 1 : La condition
Il existe deux sortes de conditions :
- Condition suspensive
- Condition résolutoire
Avec la condition suspensive, un engagement est pris sous cette condition, mais
les obligations ne naissent pas tant que l’évènement futur et incertain ne s’est pas réalisé
(ex : je m’engage à t’acheter une Ferrari si je suis le seul à trouver les 6bons numéros au
prochain tirage de l’€ million). L’évènement considéré est « si je suis le seul à trouver les 6
numéros ». Il s’agit bien d’un évènement futur et incertain. Si au prochain tirage la
condition suspensive est réalisée, on dira que la condition se réalise. Et si je ne les aient
pas ? On dira que la condition défaille.
Avec la condition résolutoire, les obligations naissent dès l’engagement mais elles
sont susceptibles d’être anéanties si un évènement futur et incertain se réalise (ex : je
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vous donne immédiatement ma maison, à condition que vous vous engagiez à garder mon
chien jusqu’à sa mort).
§1 - Les caractères de la condition
Selon l’art 1304 CCiv « L’obli est conditionnelle quand elle dépend d’un évènement
futur et incertain ». Mais l’art 1304-2 vient préciser que « L’obli ne doit pas être contractée
sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ». Ces deux
dispositions permettent de mettre à jour les deux caractères principaux de la condition
que sont :
A. L’incertitude de l’évènement
Il ne peut y avoir condition que si les parties sont dans l’impossibilité au jour de la
formation du contrat de dire si l’évènement étant en considération, va, ou non, se réaliser.
Ce qui signi e qu’il n’y aurait pas de condition si l’évènement considéré était soit déjà
réalisé, soit impossible, soit de réalisation certaine.
1. L’évènement passé ou présent
La question se pose notamment lorsque l’évènement est déjà réalisé au moment
où les parties contractent mais celles-ci ne le savent pas. Dans une telle hypothèse, il est
vrai que l’événement pourrait être considéré comme objectivement certain mais
subjectivement incertain en ce sens que comme les parties ne savent pas qu’il était déjà
réalisé, il est incertain pour elles. L’ancien art 1181 CCiv, qui n’a pas été repris dans
l’ordonnance de 2016, laissait entendre que cette incertitude subjective était su sante
puisqu’on nous disait « un évènement futur ou incertain ou un événement actuellement
arrivé mais encore inconnu des parties ». Mais cet art précisait tout de même dans son
al3 que dans ce cas, l’obligation à son e et du jour où elle a été contractée. C’est-à-dire
que tout se passe comme si l’obligation était née pure et simple (pas bcp d’intérêt à
prétendre qu’on est en présence d’une condition suspensive). C’est d’ailleurs peut être la
raison pour laquelle l’ordonnance n’a pas repris cette disposition.
2. L’évènement impossible ou illicite
L’art 1304-1 CCiv pose clairement la règle : la condition doit être licite, à défaut,
l’obligation est nulle. En revanche, l’ordonnance de 2016 n’a pas repris la règle qui,
auparavant, posait la nullité de la condition impossible. Car quand la condition est
impossible, l’évènement n’est soumis à aucun aléa puisqu’il est certain qu’il ne se
réalisera pas. C’est donc le consentement même du débiteur qui est certain puisqu’il est
sûr qu’il n’y aura pas d’obligation ab initio (ex : je vous paierai si les poules ont des dents).
En réalité, quand on s’engage sous condition qu’un évènement impossible se réalise, on
ne s’engage à rien.
En revanche, si la condition impossible est négative, c’est-à-dire que l’évènement
impossible ne se produise pas, alors le contrat n’est pas nul mais seulement pur et
simple. Puisqu’il est d’ores et déjà acquis que la condition se réalisera (ex : je vous paierai
à la n du mois si les poules n’ont tj pas de dents).
3. L’évènement de réalisation certaine
Lorsque la réalisation de l’évènement est certaine, on ne doit plus parler de
condition mais de terme (ex : je vous paierai le 15 juin s’il fait jour).
Il n’est pas tj si facile de distinguer les notions de terme et de condition. Il arrive
que l’évènement soit objectivement incertain mais que sa réalisation soit tenue pour
certaine par les parties (ex : dans les contrats comportant une clause de réserve de
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propriété, le vendeur entend reporter le transfert de propriété du bien vendu jusqu’au
paiement intégral du prix. La question s’est posée de savoir si, si le transfert de propriété
était suspendu à un terme ou à une condition ? Le transfert de propriété se réalisera-t-il si
le vendeur est payé ? Ou bien quand le vendeur sera payé ? On peut dire que le paiement
n’est jamais un évènement certain mais pour autant, les Js refusent en général d’analyser
l’évènement en une condition pcq le paiement n’est pas considéré par les parties comme
un évènement incertain. Dans ce cas, la défaillance éventuelle du débiteur ne rend pas
l’acte caduc, elle témoigne seulement d’une inexécution contractuelle. Ainsi, la clause du
type « je vous paierai quand je pourrai ». Cette clause ne laisse planer aucune incertitude
sur l’e ectivité du paiement. L’incertitude n’a ecte que la date du paiement. Et en cela,
cette clause doit bien être distinguée de la clause « je vous paierai si je peux » cette
dernière est plutôt assimilable à une condition. Une condition nulle car entièrement
soumise à la volonté du débiteur, mais une condition quand même. La clause « quand je
pourrais », ne reporte pas forcément l’exécution au bon vouloir du débiteur. Les Js
procèdent souvent par analogie avec l’art 1901 CCiv dans ce type de clause. « s’il a été
seulement convenu que l’emprunteur paierai quand il le pourrait ou quand il en aurait les
moyens, le J xera un terme de paiement suivant les circonstances ». Face à une clause
du type « je vous paierai quand je pourrai », les Js s’accordent alors la possibilité
d’impartir au débiteur un délai raisonnable pour l’exécution de son obligation).
B. L’extériorité de l’évènement
Cette exigence d’extériorité se situe dans le prolongement de l’exigence
d’incertitude. Si la survenance de l’événement dépendait de la volonté de l’une des
parties, on ne pourrait pas vraiment le quali er d’incertain. La survenance de l’évènement
ne doit pas dépendre de l’une des parties au contrat. Mais celles-ci ne sont pas
étrangères au monde dans lequel s’exécute le contrat et se produit l’évènement
considéré. Elles peuvent donc être tentées d’en favoriser la réalisation. Finalement, la
validité de la condition dépendra de l’intensité du lien de dépendance qui s’établit entre
les parties et l’évènement objet de la condition.
1. La réalisation de la condition ne dépendant pas exclusivement des parties
Il arrive e ectivement assez souvent que les parties n’exercent aucune in uence
sur la réalisation de la condition. C’est le cas lorsque la réalisation de la condition dépend
du hasard. Dans le CCiv de 1804 on disait que la condition était « casuelle ». Dans ce
cas, l’exigence d’extériorité est parfaitement remplie. Elle l’est moins lorsque la réalisation
de la condition dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties et de la volonté d’un
tiers. Avant 2016 on parlait de condition « mixte » (ex : je vous donne 10% du prix de
vente de ma maison si vous trouvez un acquéreur à au moins tel prix). On voit bien que
dans cette situation, la réalisation de la condition va dépendre en partie de
l’empressement et de la diligence de l’intermédiaire. Mais quoi qu’il arrive, il n’est jamais
sûr de trouver un acheteur. La réalisation de la condition ne dépend pas uniquement de
lui, donc la condition est valable. Casuelle ou mixte, elle ne dépend pas exclusivement de
la volonté du débiteur et la condition est valable.
2. La réalisation de la condition dépendant exclusivement de l’une des parties
Lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté de l’une des
parties, l’évènement ne comporte aucun aléa et il est donc dépourvu de cette extériorité
qui est requise pour la validité des conditions. Dans de telles circonstances, on parlait
auparavant (avant 2016) de condition potestative. L’ordonnance de 2016 n’a pas repris
cette expression.
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Quand on regarde les choses de plus près, la condition potestative semble faire échouer
l’une des exigences de l’art 1108 CCiv car la partie qui subordonne son engagement à la
manifestation ultérieure de sa volonté, ne s’engage pas. Ce n’est pas s’être obligé que
d’avoir stipulé « je vous paierai si je veux ». Tant que la volonté d’être obligé n’a pas été
exprimée, le consentement à l’acte fait défaut. La condition potestative est d’emblée très
suspecte mais elle ne conduit pas tj à la sanction de la nullité de l’acte. L’ordonnance de
2016 a repris à cet égard les apports de la JP. En fait, la situation est di érente selon que
l’évènement est, ou non, sous la seule dépendance de la volonté du débiteur.
a) L’évènement sous l’entière dépendance de la volonté du débiteur
L’obligation sous condition potestative n’est nulle que s’il s’agit d’une condition
potestative de la part de celui qui s’oblige. Pour que la nullité soit encourue, il faut que la
réalisation de l’évènement dépende de la seule volonté du débiteur.
En revanche, la condition potestative de la part du créancier elle, est sans danger.
Elle se rapproche plutôt de la promesse de contrat dans laquelle le promettant s’engage
alors que le béné ciaire conserve le choix de lever l’option ou non. En fait, la condition
potestative de la part du créancier risque nalement de provoquer la requali cation du
contrat. C’est pq la CCass a admis dans sa 3ème ch civile du 21 nov. 1984 que la
convention quali ée vente passée sous la condition suspensive que l’acquéreur con rme
dans un certain délai son intention dé nitive d’acquérir, ne pouvait être analysée qu’en
une PUV.
Avant l’ordonnance de 2016, seule la condition suspensive était concernée par la
prohibition des conditions potestatives. L’obligation n’était pas annulable si elle était
stipulée sous une condition résolutoire dont la survenance dépendait exclusivement du
débiteur. Cette règle n’a pas été conservée puisque l’art 1304-2 CCiv ne fait aucune
distinction. Il pose que « Est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la
réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ». Il semble bien que la nullité soit la
règle aussi bien en présence d’une condition suspensive que d’une condition résolutoire.
L’idée est que la volonté ne peut jamais être érigée en condition. Cela dit, on peut
quand même regretter que la condition résolutoire potestative n’ait pas été exclue du
champ de la nullité. En e et, il existe de nbeuses circonstances où la volonté des parties
conserve un rôle après la formation du contrat à l’e et de le faire disparaitre (ex : un
contrat de vente conclu dans une grande surface, lorsque l’exploitant laisse la possibilité à
ses clients de rapporter le bien acheté et de s’en faire rembourser). Le CCiv lui-même en
o re des illustrations : art 1659 qui dé nit la vente avec faculté de rachat (le vendeur se
réserve une faculté de rachat dans un délai de 5ans), clauses de dédit (grâce à laquelle
une partie pourra, par sa volonté, revenir sur ce qui a été conclu)…
b) L’évènement n’étant pas sous l’entière dépendance de la volonté du débiteur mais
l’une des parties en empêche l’accomplissement
L’ordonnance de 2016 ne prévoit la nullité du contrat que lorsque l’évènement
objet de la condition dépend de la seule volonté du débiteur. La JP était déjà orientée
dans ce sens (3ème ch civile du 22 nov. 1995, époux qui avaient acheté une villa sous la
condition suspensive de la revente de leur actuel appartement. La CA avait prononcé la
nullité de la vente de la villa au motif que la condition de la revente de l’appart par les
acquéreurs de la villa était une condition potestative. La CCass a cassé l’arrêt de la CA.
Motivation « La condition qui suspend la vente d’un bien à celle par l’acquéreur d’un autre
bien n’exigeant pas du débiteur qu’une simple manifestation de volonté mais supposant
l’accomplissement d’un fait extérieur, à savoir la découverte d’un acquéreur pour le bien
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dont il est propriétaire n’est pas une condition purement potestative »). Lorsque
l’évènement ne dépend pas exclusivement de la volonté du débiteur, il s’agit néanmoins
d’apprécier le rôle qu’ont pu jouer les parties, soit pour empêcher, soit pour faire arriver
l’évènement. Lorsque le contrat est conclu sous condition suspensive, au fond, il
n’importe peu que l’une des parties fasse arriver l’évènement car alors, tout se passe
comme si le contrat était pur et simple. En revanche, il ne serait pas convenable que l’une
des parties puisse, impunément, empêcher l’exécution du contrat en empêchant la
survenance de l’évènement.
De manière symétrique, en présence d’une condition résolutoire, on ne pourra pas
reprocher à une partie de protéger le contrat en empêchant la survenance de l’évènement
susceptible d’opérer résolution. En revanche, on ne peut pas admettre que le contrat soit
ruiné par la faute d’une partie qui aurait provoqué l’évènement aboutissant à la résolution.
De tels comportements témoignent d’une mauvaise foi condamnable. C’est pq, le légi a
prévu qu’une telle mauvaise foi ne pouvait pas prospérer. Ainsi, est-il prévu à l’art 1304-3
que « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a
empêché l’accomplissement ».
De même, la condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a
été provoqué par la partie qui y avait intérêt (ex : vente sous condition suspensive de la
revente de leur logement actuel. La revente de l’actuel logement ne dépend pas
exclusivement de la volonté du vendeur. En revanche, l’échec de la revente peut
parfaitement ne dépendre que de lui, s’il ne fait aucune diligence ou qu’il refuse de
contracter avec les personnes qui se présentent). Il est dans le pouvoir du vendeur de
faire échouer la vente en faisant échouer la condition. Il ne su t pas que l’une des parties
ait le pouvoir de faire échouer la condition, encore faut-il véri er qu’elle a e ectivement
fait l’usage de ce pouvoir pour faire échouer l’évènement. Dans ce cas, la sanction prévue
par le légi est une sanction e cace puisqu’on va contrecarrer l’e et poursuivi en réputant
la condition accomplie. C’est une situation qu’on rencontre bcp dans le cadre d’une
vente assortie d’un crédit-immobilier. Lorsqu’une personne souhaite acheter une maison
et qu’elle souscrit un crédit, le CConso établit une interdépendance entre le contrat de
vente de la maison et le contrat de crédit. De telle manière que si la vente ne se fait pas,
pas de contrat de crédit et inversement, pour protéger l’acheteur. L313-41 CConso
prévoit que l’acte de vente est conclu sous condition suspensive de l’obtention des
crédits.
§2 - Le mécanisme de la condition
Avant que l’évènement considéré ne survienne ou ne défaille, la condition est dite
« pendante ». Bien que le contrat soit conclu, il ne produit aucun e et. Ce qui engendre
une situation assez particulière.
A. La situation pendente conditione
Puisque la condition suspend la naissance de l’obligation, le droit du créancier
n’est pas encore né à ce stade. On en déduit que l’obligation n’est pas seulement
inexigible comme le serait une obligation à terme, l’obligation est tout simplement
inexistante. Ainsi, le débiteur qui paierait sa dette par erreur, paierai l’indu et il disposerait
d’une action en répétition. On en déduit également que le vendeur sous condition
suspensive demeure proprio de la chose vendue ce qui a pour csqce que les risques
restent à sa charge (1304-6 CCiv).
Si l’obligation n’est pas encore née, il n’en reste pas moins que le contrat a établi un lien
juridique entre les parties et il est assez di cile d’en apprécier la teneur. Cette éventualité
de droit permet de tenir compte de son aspect droit en formation/en germe. À ce titre, ce
droit n’est pas rien, il doit pouvoir être protégé. Ainsi, le créancier conditionnel peut
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prendre des mesures conservatoires (art 1304-5 CCiv), ou alors il peut obtenir des
garanties. Il peut même transmettre son droit éventuel (par voie de cession ou pour cause
de mort).
B. L’incidence de la stipulation d’un délai
La condition défaille lorsque l’événement pris en compte par les parties ne se
réalise pas. La principale di culté réside précisément dans la constatation de cette
défaillance, par ex, une créance est suspendue à la survenance de la réussite au bac du
créancier, si les parties n’ont pas précisé de délai, la réussite au bout de la 15ème
tentative devrait faire naitre la créance. Pourtant on peut imaginer que le débiteur
n’entendait se lier qu’en cas de réussite à la première/deuxième tentative. Si on
conditionne à l’obtention d’un record du monde, prix Nobel, on comprendra que la
condition ne soit pas enfermée dans un délai.
Pour que les choses soient claires, il est plus prudent de stipuler un délai. Si on ne le fait
pas, le pouvoir d’appréciation du J risque d’être sollicité. Le CCiv de 1804, celui d’avant
2016, contenait des dispositions propres au délai d’accomplissement de la condition. Et
ces dispositions n’ont pas été reprises par l’ordonnance de 2016, peut-être car elles
s’imposaient sans qu’il soit nécessaire de les rappeler. Pour autant, on peut estimer
qu’elles étaient assez utiles, on peut regretter qu’elles aient disparu. Ainsi, l’ancien art
1176 CCiv disposait que « S’il n’y a point de temps xe, la condition peut tj être
accomplie et elle n’est censée défaillir que lorsqu’il est devenu certain que l’événement
n’arrivera pas ». Si on suit ce texte, en cas de contestation, ça signi e que la réussite au
bac à la 15ème tentative faisait naitre la créance, bien que les parties ne l’avait pas
souhaité (elles auraient dû le préciser). Il est vrai que parfois les Js étaient tentés de
présumer l’existence d’une échéance. Ainsi, la CCass a eu l’occasion de rejeter le pourvoi
contre un arrêt qui avait retenu que « Les parties n’avaient pu envisager que la condition
suspensive puisse s’accomplir plus de 6ans après la signature du contrat de vente d’un
immeuble alors qu’il n’avait été stipulé aucun coe cient du prix de vente ou indexation de
revalorisation », 3ème ch civile du 3 fév. 1982. Si on appliquait le texte du CCiv : la
condition pouvait tj s’accomplir mais les Js ont présumé l’existence d’un terme.
En tout état de cause, il est plus prudent, lors de la rédaction du contrat, de prévoir
un délai pour l’accomplissement de la condition. Si on prévoit un délai, ça veut dire que si
l’obligation est contractée sous la condition qu’un évènement arrivera dans un temps xe,
la condition est alors assortie d’un terme extinctif. Ça veut dire que la condition est
censée défaillir lorsque le terme est échu sans que l’évènement ne soit arrivé. Il est
cependant possible, pour la partie dans l’intérêt exclusif de qui la condition est stipulée
de renoncer au béné ce de cette condition (1304-4 CCiv).
Ainsi, lorsqu’un contrat de vente immobilière est conclu par un particulier qui recoure à
l’emprunt, on sait que le contrat est alors conclu sous condition suspensive de l’obtention
du nancement par l’acquéreur. Or, cette condition est conclue exclusivement dans
l’intérêt de l’acquéreur-emprunteur (L313-41 CConso). Veut dire que l’acquéreuremprunteur peut, seul, y renoncer tant que la condition n’est pas accomplie ou n’a pas
défaillie. Veut dire qu’il peut parfaitement, tout en conservant le béné ce du contrat,
indiquer qu’il paiera de ses propres deniers. Avant la loi de rati cation de l’ordonnance de
2016 (loi du 20 avril 2018), on s’interrogeait sur la possibilité de renoncer au béné ce de
la condition après le terme du délai de validité de la condition. Est-ce que je peux
renoncer après le terme stipulé ? Logiquement, passé ce terme, la condition est défaillie
et donc, l’obligation n’a plus d’existence. Cependant, la CCass avait admis que la partie,
dans l’intérêt de qui la condition était stipulée, avait tj la possibilité de renoncer à cette
condition, même après sa défaillance (3ème ch civile du 31 mai 2005 n°04-11.752).
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L’ordonnance de 2016 avait laissé planer un doute sur ce point puisque l’art 1304-4
précisait que la renonciation ne peut avoir lieu que tant que la condition n’est pas
accomplie. Visait la réalisation de la condition mais pas sa défaillance. En réalité, la
volonté du législateur était de donner un e et automatique à ces deux événements. C’est
pq la loi de rati cation de l’ordonnance de 2016 est venue compléter l’art 1304-4 en
prévoyant expressément les deux circonstances. On ne peut plus renoncer au béné ce
de la condition après que celle-ci a défaillie.
§3 - E ets de la condition
Selon que la condition est suspensive ou résolutoire, selon que l’évènement se
réalise ou défaille, les e ets seront di érents. Ces e ets peuvent être rangés en deux
catégories : l’acte sera soit consolidé, soit anéanti.
A. La consolidation
C’est ce qui se produit si la condition suspensive se réalise ou si la condition
résolutoire défaille. Le contrat cesse alors d’être conditionnel, il devient pur et simple.
Si la condition était suspensive, sa réalisation fait naitre l’obligation qui en était
a ectée. À cet égard, la réforme de 2016 a apporté un chgt car auparavant il y avait
rétroactivité de la condition suspensive accomplie. De sorte que l’obli était réputée être
née, non pas au jour de sa réalisation mais au jour de la formation du contrat. Désormais,
l’art 1304-6 CCiv pose que « L’obligation devient pure et simple à compter de
l’accomplissement de la condition suspensive ». La rétroactivité n’opère pas, sauf si les
parties l’ont prévu puisque l’al 2 de l’art 1304-6 précise que « Les parties peuvent prévoir
que l’accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat ».
Si la condition était résolutoire, et qu’elle défaille, l’évènement qui « s’il était arrivé
aurait entrainé la résolution du contrat », s’il n’arrive pas, rien ne change et le contrat
continue à vivre comme par le passé.
B. L’anéantissement
Si la condition suspensive défaille, l’obligation ne naît pas et le contrat tombe de
lui-même. On parle alors de caducité du contrat. L’art 1304-6 précise que l’obligation est
réputée n’avoir jamais existé. Il en résulte parfois quelque di cultés, ainsi en est-il
lorsque la vente d’un bien immobilier est conclue « sous condition suspensive du nonexercice du droit de préemption ». Dans une telle hypothèse, l’exercice du droit de
préemption fait défaillir la condition et dans ce cas, le contrat de vente s’auto-détruit.
C’est pq en 1992, le légi est venu ajouter une disposition dans le CRural, à l’art L143-5,
« Toute condition d’aliénation sous réserve de non préemption d’une SAFER est réputée
non écrite ».
Si la condition résolutoire s’accomplit, l’obligation disparaît rétroactivement et le
contrat est censé n’avoir jamais existé (ex : crédit immobilier conclu avant la vente qui
sera accordé sous condition résolutoire de la non-ccl d’un contrat de vente dans un délai
de 4mois). Elle remet donc en cause tout ce qui s’est passé depuis la conclusion du
contrat. Peut être pas tout car serait compliqué. L’art 1304-7 précise que dans ce cas, les
actes conservatoires et d’administration ne sont pas remis en cause (ex : bail consenti par
l’acquéreur avant que la condition résolutoire ne se réalise). La rétroactivité n’a pas lieu si
les parties l’ont exclu dans le contrat ou si les prestations accomplies réciproquement ont
trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat (art 1304-7
CCiv).
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Section 2 : Le terme
L’art 1305 CCiv dé nit l’obligation à terme comme l’obligation dont l’exigibilité est
di érée jusqu’à la survenance d’un évènement futur et certain. Cet art se réfère au terme
suspensif, celui qui reporte l’exigibilité de l’obligation à une date future. Il ne faut pas
oublier qu’une obligation peut aussi être assortie d’un terme extinctif. Dans ce cas, son
arrivée entraîne l’extinction de l’obligation considérée. Ainsi lorsqu’un bail est conclu pour
une durée d’un an, l’échéance de cette durée provoquera l’extinction du contrat. Dans les
deux cas, le terme est tj un évènement futur et certain. S’il est certain qu’il arrivera, il n’est
pas tj possible de dire quand. Lorsqu’il est possible de xer la date de sa survenance, on
parle de terme certain. En revanche, lorsque l’échéance envisagée se produira
certainement mais à une date qu’on ne peut pas xer à l’avance, on parle alors de terme
incertain. Le terme n’a ecte l’exigibilité de l’obli que dans sa variété suspensive.
§1 - Le terme suspensif conventionnel
A. Le mécanisme
Le terme conventionnel est, sauf stipulation contraire, présumé stipulé en faveur
du débiteur. Il ne s’agit que d’une présomption simple qui serait renversée s’il résultait de
la loi ou de la volonté des parties ou même des circonstances que le terme ait été établi
en faveur du créancier ou des deux parties. Mais s’il n’y a pas de stipulation contraire, le
terme est présumé en faveur du débiteur (art 1305-3 CCiv). L’enjeu de cette règle tient à
cela que la partie à qui le terme pro te peut tj y renoncer, sans le consentement de
l’autre. Ainsi, le débiteur à terme peut tj anticiper son paiement, sauf si le créancier a luimême un intérêt au terme. Dans le prêt à intérêt, les deux ont un intérêt à l’existence du
terme (l’un étale son remboursement et l’autre récupère les intérêts). C’est bien par
dérogation à la règle selon laquelle seul celui qui a un intérêt au terme peut y renoncer,
que la loi régissant le crédit à la conso, prévoit que l’emprunteur peut tj rembourser son
crédit par anticipation. Peut le faire sans verser d’indemnités quand il s’agit d’un crédit
immobilier.
B. Le régime
Le terme n’a ecte que l’exigibilité de l’obligation mais pas son existence. Signi e
que jusqu’à la survenance du terme, l’obligation existe mais elle n’est pas exigible.
Premièrement, l’obligation existe. Veut dire que tant que le terme n’est pas échu, le
créancier peut accomplir des actes destinés à la conservation de sa créance. Art 2284 :
quiconque s’est engagé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous
ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. Le créancier pourra, sans attendre
l’échéance utiliser les modes de protection de son droit qui ne requière pas que la
créance soit exigible. Il pourra procéder à une saisie conservatoire car l’art L511-1 CPCE
autorise cette pratique lorsque la créance parait fondée en son principe (c’est le cas
d’une créance à terme).
Selon la JP, l’action paulienne qui permet au créancier d’attaquer les actes faits par son
débiteur en fraude de ses droits, peut également être menée dès lors que, pour qu’elle le
soit, les Js n’exigent qu’un simple principe certain de créance, 1ère ch civile du 13 avril
1988.
Du côté du débiteur à terme, le principe selon lequel une créance à terme est une
créance existante produira également des e ets. Ainsi, si le débiteur exécute sa dette
avant l’échéance, il ne pourra pas répéter son paiement puisqu’il n’aura pas payé l’indu
mais seulement ce qu’il devait (art 1305-2).
Elle existe mais elle n’est pas exigible. Puisqu’elle n’est pas exigible, le créancier
ne peut agir en paiement avant que le terme ne soit échu, même si la créance est
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devenue exigible entre temps car le bien fondé de la demande s’apprécie au jour de
l’acte introductif d’instance.
Dès lors que le créancier ne peut pas intervenir en recouvrement de sa créance, il
est logique que la prescription de sa créance ne puisse pas commencer à courir. L’art
2233 CCiv le rappelle « La prescription ne court pas 3° : à l’égard d’une créance à terme,
jusqu’à ce que ce terme soit arrivé ». En matière contractuelle, ce n’est que 5ans après
l’arrivée du terme que le débiteur sera libéré si le créancier est resté passif. Pour les
dettes périodiques, le délai de prescription de 5ans ne court qu’à l’échéance de chacun
des termes. La prescription des actions dirigées contre l’acte constitutif court
immédiatement.
Puisque la créance n’est pas exigible, il ne peut e ectuer aucun acte d’exécution. En
revanche, une créance à terme peut, elle, être saisie. Mais dans ce cas, le saisissant
devra lui-même attendre l’échéance pour être payé.
Le débiteur à terme n’est tenu à rien jusqu’à l’échéance. Pour autant, il ne doit pas
porter atteinte aux droits par lesquels le créancier en obtiendra recouvrement. Ainsi, l’art
1305-4 CCiv précise que le débiteur encourt la déchéance du terme lorsqu’il ne fournit
pas les sûretés promises ou lorsqu’il a diminué les sûretés qu’il avait donné à son
créancier. La déchéance fait que le terme disparait et tout ce qu’on devait payer à une
date ultérieure, on le doit immédiatement. Autrefois, cette sanction était assez courante
car elle était un e et automatique de la faillite du débiteur. À l’époque, l’art 1188 déclarait
que le débiteur ne peut plus réclamer le béné ce du terme lorsqu’il a fait faillite (loi du 13
juill. 1967 qui disposait que le jgmt prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des
biens rendait exigible, à l’égard du débiteur, les dettes non échues). Mais les choses ont
changé par la loi du 25 janv. 1985 puis une loi du 26 juill. 2005 qui sont deux lois qui ont
profondément réformé le droit des procédures collectives qui cherche à redresser à tout
prix l’E. Ajd, le principe tel qu’il était posé par l’art 1188 est inversé puisque l’art L622-29
CCommerce dispose désormais que « Le jgmt d’ouverture de rend pas exigible les
créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée nonécrite ». Lorsque la déchéance du terme est encourue, la créance devient immédiatement
exigible. Néanmoins, selon l’art 1305-5 CCiv, le terme initialement prévu est maintenu au
pro t des co obligés, même solidaires et à ses cautions (rajouté par la loi rati ant
l’ordonnance de 2016).
§2 - Le terme légal ou judiciaire
Le terme peut être accordé au débiteur comme une faveur lorsque des
circonstances particulières rendent le débiteur digne de béné cier d’un délai ou pour
s’acquitter de sa dette. Lorsque le terme est accordé par le J, on parle de délai de grâce.
Et lorsqu’il est accordé par la loi, on parle de moratoire.
A. Le délai de grâce
Impose au créancier un délai auquel il n’a pas consenti. Mais dans certaines
circonstances et les rédacteurs du CCiv ont considéré qu’une trop grande rigidité des
règles à cet égard eu été un facteur d’injustice. Et donc, d’emblée, le CCiv a permis au J
de prendre en considération des situations exceptionnelles pour accorder un délai au
débiteur en di culté. Au terme de l’art 1244 CCiv, le J devait cependant user de ce
pouvoir avec une gde réserve et ce, pour accorder des délais modérés. Les choses ont
évolué au 20ème siècle, notamment dans la mesure où l’on observe une gde sollicitude
du légi à l’égard des faibles, des victimes et des débiteurs. C’est dans cet esprit que l’art
1244 CCiv a été plusieurs fois modi é dans un sens d’un assouplissement de la règle au
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pro t des débiteurs. Avant l’ordonnance de 2016, la règle avait été posée dans la loi du 9
juill. 1991 qui avait institué les arts 1244-1 à 1244-3, avec la réforme de 2016, le contenu
a été conservé à l’identique mais rassemblé en un seul art : 1343-5. Quelles sont les
principales mesures ? Le J peut reporter ou échelonner le paiement d’une dette exigible
dans la limite de 2ans. Il peut décider que les sommes correspondants aux échéances
reportées porteront intérêt à un taux réduit. Autre mesure, les parties au contrat ne
peuvent, par avance, écarter cette possibilité puisque toute stipulation contraire est
réputée non-écrite. La mesure de grâce peut être sollicitée en tout état de cause, même
en cause d’appel (3ème ch civile du 7 déc. 2002 n°01-12.532). Autre mesure, la décision
du J d’accorder des délais de grâce suspend les éventuelles procédures d’exécution
engagées par le créancier ainsi que l’appli des clauses contractuelles prévoyant des
majorations d’intérêts ou des sanctions en cas de retard.
Le délai de grâce ne s’applique pas aux dettes alimentaires, et pas non plus lorsque la loi
le prévoit (ex : dettes souscrites par la mise en circulation d’e et de commerce, L511-81
CCommerce).
En n, il semble que les délais de grâce ne s’appliquent qu’aux dettes monétaires,
c’est du moins ce que laisse penser l’expression « échelonner ou reporter le paiement
des sommes dues ». On admet que lorsque la dette n’est pas monétaire, le J ne dispose
pas de ce pouvoir, à moins qu’un texte particulier le lui accorde.
On donne aussi à certains textes un sens tel que ce pouvoir serait parfois exclu (art 1944
CCiv en matière de dépôt selon lequel ce dernier doit être remis au déposant aussitôt
qu’il le réclame, cette expression semble exclure la possibilité de lui imposer des délais).
B. Les moratoires
Le moratoire se distingue du délai de grâce par son caractère légal. Pour cette
raison, le moratoire n’est pas accordé à un débiteur en particulier mais à une catégorie de
débiteurs ou à tous les débiteurs d’une catégorie de dettes. Les lois moratoires,
lorsqu’elles sont votées, elles le sont à la suite d’une cata naturelle ou d’une crise sociale/
économique.
Chapitre 2 : L’exigibilité renforcée
La position du créancier peut se trouver renforcée ou facilitée par l’adjonction d’un
deuxième débiteur, auquel il pourra s’adresser alors même qu’il n’est pas en relation
contractuelle avec lui. Il s’agit donc d’une véritable dérogation au principe de l’e et relatif
posée à l’art 1199 CCiv. Ces situations se rencontrent dans deux catégories principales
de cas :
Section 1 : L’action directe
Le créancier va agir directement contre le sous-débiteur et le paiement se fera
directement auprès du créancier.
Dans certaines hypothèses, spécialement prévues par la loi, un créancier se voit
reconnaitre le droit d’agir en son propre nom et à son propre béné ce contre le débiteur
de son débiteur = une pers avec qui il n’est pas en relation contractuelle. Ainsi, la loi lui
procure un 2nd débiteur contre lequel il pourra récupérer ce que lui doit son propre
débiteur. Il ne pourra le faire qu’à CC de ce que le sous-débiteur doit au débiteur
intermédiaire. Le créancier dispose ainsi de 2 débiteurs.
§1 - Les circonstances de l’action directe
Les auteurs reconnaissent généralement à l’action directe, une source unique. De
ce fait, les variétés di érentes d’action directe sont peu nbeuses.
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On pourrait se demander si une action directe pourrait être menée sans texte dès
lors qu’elle ne déroge ni à l’e et relatif des contrats, ni à la règle : pas de privilège sans
texte.
1. Les actions directes fondées sur un texte
Pendant longtemps, l’action directe n’était reconnue que par 3 textes fondateurs
gurant dans le CCiv. Mais en 1804, l’action directe existait mais on ne pouvait l’observer
qu’à 3 reprises dans le CCiv.
a) L’action directe dans le CCiv
Seulement 3 textes : art 1753, art 1798 et art 1994. Le premier institue une action
directe au pro t du bailleur contre le sous-locataire. Pourra obtenir paiement des loyers
qui lui sont dûs, seule pers avec laquelle il est en relation contractuelle, en s’adressant au
sous-loc. Se rapporte un peu à l’hyp de la sous-traitance, de sorte qu’il n’est plus
nécessaire de faire réf à l’art 1798 car la loi de 1975 institue l’action directe. Et 1994 c’est
l’action directe o erte au mandant contre le mandataire substitué. C’est-à-dire contre la
personne que s’est substitué le mandataire en vue d’exécuter la mission lui avait été
con é. Le mandat dispose d’une action contre le mandataire substitué. Action qui n’est
que l’action du mandant contre le mandataire substitué. Mais la JP a bilatéralisé cette
action directe car au fond, cette action du mandataire substitué contre le mandant se
recentre plus souvent, notamment lorsque le mandataire substitué n’est pas payé par le
mandataire.
b) La multiplication des textes instituant une action directe
L’action en distraction des dépens, que possède l’avocat de la partie gagnante, art
699 CPC. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire,
demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur pro t du droit de
recouvrer directement contre la partie condamnée ce des dépens dont ils ont fait l’avance
sans avoir reçu provision. La partie perdante est, normalement, automatiquement
condamnée à supporter la charge des dépens du procès. Veut dire que l’avocat de la
partie gagnante qui a pu faire des avances au titre de ces dépens, logiquement il doit
s’adresser à son client pour le paiement des dépens. De gagner va lui permettre de
passer au-dessus de la tête de son client et d’aller chercher le montant de ses dépens,
directement auprès de la partie perdante.
L’action du créancier d’aliment contre le débiteur de son débiteur, art L213-1
CPCE « Tout créancier d’une pension alimentaire peut se faire payer directement le
montant de cette pension par les tiers débiteurs de sommes liquides et exigibles envers le
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A. Les sources
Il est admis depuis tj que les actions directes ne peuvent exister sans avoir été
prévues par la loi. 1341-3 CCiv : dans les cas déterminés par la loi le créancier peut agir
directement en paiement de sa créance contre un débiteur de son débiteur. N’est pas
ouverte à tout créancier pour tout débiteur de son débiteur. Un texte doit l’y autoriser
expressément. Pq n’est pas une règle générale ? On fait valoir deux raisons principales :
- L’action directe déroge au principe de l’e et relatif des contrats puisqu’elle va
permettre au créancier d’exiger le paiement de sa créance en s’adressant à une
personne avec laquelle il n’est pas en relation contractuelle. N’est pas concevable
qu’une dérogation à ce principe puisse s’opérer sans textes
- L’action directe confère un véritable privilège puisque le créancier échappe au
concours des autres créanciers du débiteur intermédiaire
débiteur de la pension ». Mesure très protectrice des intérêts du créancier de la pension
alimentaire car elles lui servent pour vivre. Si pas payé par le débiteur, il pourra agir contre
n’importe lequel des débiteurs de son débiteur.
L’action en paiement du sous-traitant contre le maitre de l’ouvrage. Cette action
est prévue par l’art 12 de la loi du 31 déc. 1975. Au terme de cet art, le sous-traitant a
une action directe contre le maitre de l’ouvrage si l’entrepreneur principal ne paie pas, un
mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat
de sous-traitance.
L’action directe de la victime contre l’assureur du responsable (art L124-3
CAssurances). Selon cet art, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre
de l’assureur garantissant la resp civile de la personne responsable. Logiquement la
somme est due par celui qui a causé l’accident mais comme ce sont des sommes
importantes, il est néanmoins très probablement assuré. Et donc il faudra que l’auteur du
dommage s’adresse à son assureur, demande à ce qu’il lui verse que l’auteur doit luimême à la victime et que l’auteur paie lui-même la victime. Très dangereux si l’auteur du
dommage est lui-même insolvable (a plein de créanciers). Si l’assureur verse, 1mois plus
tard 100.000€ sur son compte, ils risquent d’être vite dilapidés. Donc la victime peut agir
directement contre l’assureur.
L’action du voiturier contre l’expéditeur ou le destinataire (art L132-8 CCommerce).
Prévoit expressément que le voiturier à une action directe en paiement de ses prestations
à l’encontre de l’expéditeur ou du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix
du transport.
2. Les actions directes sans texte
Les actions directes ne sont pas vraiment autorisées par la CCass en dehors d’un
texte et les dispositions issues de l’ordonnance de 2016 vont également dans ce sens,
elles con rment que pour qu’il existe une action directe, un texte de loi doit l’organiser, la
prévoir. Est-ce souhaitable qu’une telle restriction soit ainsi considérée comme la gde
règle qui gouverne les actions directes ? Ne peut on pas imaginer que dans certaines
circonstances on identi e une action ou un droit direct de réclamer directement certaines
sommes au débiteur de son débiteur alors même que la situation n’est pas évoquée par
un texte quelconque. Ce qui peut conduire à nous poser la question c’est qu’il y a un
arrêt de 1988 qui a clairement accepté ce cas d’action directe sans texte. 1ère ch civile
du 4 oct. 1988 n°86-16.726, vente d’un appart qui avait été résolue. Une CA avait
condamné le vendeur à restituer le prix et à verser des DI. Dans le même arrêt, la CA avait
statué sur l’appel en garantie formé par le vendeur à l’encontre de l’architecte et de
l’entrepreneur et l’arrêt avait condamné ce constructeur in solidum à garantir le vendeur
des condamnations prononcées contre lui. Pour tout ce qui relevait des DI, la CA avait
mis l’archi et le constructeur en garantie des sommes qu’il devait à l’acquéreur. C’est le
constructeur qui est resp des malfaçons et non le vendeur. L’acheteur n’obtient pas du
vendeur le paiement des sommes qui lui sont dues. Alors il décide d’agir contre
l’entrepreneur (condamné à garantir) à hauteur de la somme que celui-ci devait au
vendeur au titre de la garantie. Les Js du fond accueillent la demande en paiement dirigée
contre l’entrepreneur. Cette question à la CCass : l’acquéreur pouvait-il exiger le paiement
en s’adressant directement à l’entrepreneur alors que celui-ci n’était pas en lien
contractuel avec l’acquéreur ? C’est dans cet arrêt que la CCass répond : « Les sommes
étendues par l’entrepreneur condamné à garantir le vendeur en vertu d’une décision
devenue irrévocable, seulement à raison de la dette de celui-ci à l’égard de l’acheteur, ce
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dernier disposait d’un droit direct sur ces sommes ». À l’époque, cet arrêt est passé un
peu inaperçu (n’a pas été commenté dans les revues juridiques). Avec un peu de recul, on
s’aperçoit que c’est pourtant un des plus grand arrêt, un des arrêt les plus novateur des
dernières décennies. Pq ? Car en réalité, il fait penser à d’autres arrêts rendus dans des
circonstances relativement proches, autres arrêts rendus à la même époque (ex : chaine
de contrat qui aboutissent à des groupes de contrat). Dans les chaines de contrat, pose
pb quand il n’y avait pas les mêmes types de contrats entre les parties.
La 1ère ch civile du 21 juin 1988 est allée encore plus loin « Dans un groupe de contrats,
la responsabilité contractuelle régit nécessairement la demande en réparation de ceux qui
n’ont sou ert du dommage que parce qu’il avaient un lien avec le contrat initial ». Cet
arrêt est aussi assez révolutionnaire car il fait un peu exploser la notion d’e et relatif des
contrats, ou au moins il fait évoluer la notion de tiers au regard de la règle de l’e et relatif
des contrats. Il n’est pas censé avoir d’e et à l’égard des tiers mais dans un groupe de
contrats (chacun continue la poursuite d’un obj commun à tous, tous participent à la
construction d’une œuvre nale qui est comprise comme l’aboutissement de chacun des
contrats, chacun n’est qu’un maillon de l’oeuvre nale = groupe de contrats). La CCass
dit, donc, que quand on est un groupe de contrats, l’action contractuelle régit
nécessairement la demande de celui qui a sou ert en raison du contrat initial. Les
personnes ne sont pas complètement tiers les unes par rapport aux autres. La CCass dit
qu’il faut avoir une notion élargie de tiers au contrat. Sous la présidence de Ponsard, on a
vu la JP de la 1ère ch civile prendre un véritable tournant et avoir une véritable cohérence,
notamment sur l’acception qu’on pouvait avoir sur la notion de tiers au contrat et sur les
csqces de l’e et relatif.
C’est tout à fait en rapport avec l’arrêt du 4 oct. 1988 pcq si l’acquéreur dispose
d’une action directe contre l’entrepreneur, selon la 1ère ch civile, ce n’est pas
véritablement une violation de l’e et relatif du droit des contrats car il s’établit un lien
entre les parties du seul fait que l’entrepreneur doit des sommes au vendeur qui en doit
au titulaire de l’action. Proximité et logique en cela qu’il fait partie de cette logique
qu’adoptait la 1ère ch civile pour briser le carcan de l’e et relatif du droit des contrats,
adoptait une conception plus élargie de la notion de contrat.
Mais il se trouve que la 3ème ch civile n’était pas d’accord, considérait qu’on ne
pouvait pas élargir autant la notion de partie ou portait un tel coût à la conception qu’on
pouvait avoir de la notion de tiers. Elle s’st donc opposée à la 1ère ch civile et il a fallu
briser ceci dans le cadre d’un arrêt d’AP du 12 juill. 1991 « BESSE », qui a donné un
coup d’arrêt à la progression de la conception prônée par la 1ère ch civile. A donné un
coup d’arrêt à l’élargissement de la relation contractuelle dans les chaines de contrats.
Impossible pour les chaines de contrat hétérogènes ou qui ne suppose pas la
transmission d’un bien d’un maillon à un autre. Ce coup d’arrêt a fait revenir la JP qlqs
années en arrière.
L’arrêt du 4 oct. 1988 est demeuré isolé car par la suite, comme une csqce de
l’arrêt BESSE, la CCass est revenue sur cette position (ex : 1ère ch civile du 25 fév.
1992, « L’appel en garantie ne crée de lien juridique qu’entre l’appelant en garantie et
l’appelé, à l’exclusion de tout lien entre le demandeur à l’action principale et l’appelé en
garantie »). À l’époque, le raisonnement mis en œuvre par la 1ère ch civile repose sur une
idée qui nous est révélée par le rapport annuel de la CCass pour l’année 1988. Dans ce
rapport, elle met le projecteur sur un certain nb d’arrêts qui lui semblent importants. En
1989, sur son rapport de 1988, elle met en avant cet arrêt et a csc de la révolution que ça
peut constituer. Elle assume cet arrêt, il n’est pas rendu au hasard. Que nous dit-on dans
ce rapport ? L’action directe se justi e, même sans texte, par le lien de connexité qui
existe entre la créance du titulaire de l’action et celle du débiteur contre son propre
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débiteur. Le rapporteur poursuit : il importe de remarquer que dans cette a aire, il n’existe
pas seulement un lien de connexité étroit entre la créance du titulaire de l’action et celle
du débiteur, qui a le droit de se faire garantir, mais c’est la créance même du titulaire qui
est garantie. L’argument est fort, en fait ce qui justi ait le droit direct du créancier c’est
qu’il invoquait une obligation bien particulière du sous-débiteur. Dans son rapport avec le
vendeur, l’entrepreneur était tenu non pas d’une obligation quelconque mais d’une
obligation dont l’objet était dé ni par référence à ce que le vendeur devait à l’acheteur. En
fait, ce qui est caractéristique dans cet arrêt, c’est que l’entrepreneur devait au vendeur
ce que le vendeur devait à l’acheteur. Et ça cela correspond parfaitement au principe de
la garantie. La dette du garant envers le créancier est à l’exacte mesure de ce que doit le
débiteur garanti.
Ce que nous dit la CCass c’est qu’en s’engageant auprès du débiteur, à lui payer ce que
celui-ci doit au créancier, le garant établit un lien de droit entre lui et le créancier par delà
le débiteur. Au fond, l’engagement du garant est en quelque sorte adressée au créancier
et c’est pq il est logique qu’un lien s’établisse entre le garant et le créancier. Cela ne
pourrait être possible que dans le cas où une personne s’engage envers une autre à lui
verser ce qu’elle doit à une autre.
On peut appeler ça une obligation médiate. N’existe pas que dans cette hypothèse mais
à chaque fois qu’une personne s’engage envers un débiteur à lui verser ce que le
débiteur doit au créancier. Le débiteur médiat se sera engagé dans les termes suivants
« Je promets de payer ce que vous devez au créancier ». Finalement on s’aperçoit que
quand on est en présence de ce type particulier de situation, l’action directe est justi ée
mais devient même souhaitable. Ex : proprio d’un immeuble d’habitation divisé en 3
apparts, tous donnés en location. Le proprio souscrit un contrat d’entretien des chau eeaux individuels, le plombier fait sa tournée annuelle, il exécute la prestation qu’il s’est
engagé à réaliser dans le cadre de son contrat et adresse la facture à son cocon. Le
proprio est devenu insolvable, le plombier pourra-t-il s’adresser à chacun des locataires
a n d’obtenir le paiement de la prestation e ectuée ? Le plombier n’a pas de relation
contractuelle avec les locataires. Par csqt, le plombier ne peut s’appuyer sur aucun texte
lui réservant une action directe contre les locataires. Les locataires vont ainsi pro ter d’un
service et dont la loi leur impose d’assumer personnellement la charge, mais ce ne sont
pas eux qui sont les cocons. Le seul moyen est que le bailleur se retourne contre le
locataire pour demander de payer ce qu’il a payé au prestataire. En l’occurrence, comme
le contrat dont les locataires ont pro té a été conclu par un tiers, il n’existe aucun lien
entre le plombier et les locataires.
L’avant projet CATALA avait été dans cette direction car consacrait un art à l’action
directe dans lequel l’al 2 était ainsi rédigé « L’action directe est également ouverte
lorsqu’elle permet, seule, d’éviter l’appauvrissement injuste du créancier compte tenu du
lien qui unit les contrats ».
B. Les variétés d’action directe
1. Distinction des actions directes parfaites et imparfaites
Oppose les actions directes parfaites aux actions directes imparfaites. Qu’est-ce
que ça signi e ? Le plus souvent, l’action directe est imparfaite car elle ne permet pas
l’immobilisation de la créance que possède le débiteur intermédiaire sur le sous-débiteur
avant que le titulaire de l’action directe n’ait exercé des poursuites à l’égard du sousdébiteur. Tant que le titulaire de l’action directe ne s’adresse pas au sous-débiteur, celuici peut valablement se libérer en payant son propre créancier (= le débiteur intermédiaire).
Ce sont les cas les plus fréquents (ex : sous-locataire, qui ne sera tenu envers le bailleur
qu’à CC de ce qu’il lui reste à devoir au locataire principal au moment où est menée
l’action directe). Tel est le cas du sous-traitant qui ne peut plus rien réclamer au maitre de
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l’ouvrage dès lors que celui-ci a déjà payé l’entrepreneur principal au moment où est
exercée l’action directe.
En revanche, l’action directe est dite « parfaite » lorsqu’elle permet le blocage de la
créance intermédiaire dès sa naissance. De sorte que, le sous-débiteur ne pourra pas
valablement se libérer entre les mains du débiteur intermédiaire. C’est-à-dire que le sousdébiteur dans cette hypothèse, devra réserver son paiement au titulaire de l’action directe
et il ne retrouvera la possibilité de s’acquitter entre les mains de son créancier immédiat
qu’à la condition que celui-ci ait lui-même préalablement désintéressé le titulaire de
l’action directe. Ces actions parfaites sont plus rares car elles manifestent véritablement
l’intention du législateur d’accorder une protection toute particulière au créancier. Dans
quels cas ? Il en est ainsi de la victime d’un dommage. La loi lui donne la possibilité d’agir
directement contre l’assureur du resp. Et précisément, l’art L124-3 CAssurances fait de
cette action directe une action directe parfaite puisqu’il fait défense à l’assureur de payer
entre les mains de l’assuré tant que la victime n’a pas été désintéressée. Si paiement
avant : inopposabilité à la victime et l’assureur s’exposerait à devoir payer une 2nde fois
sur les poursuites de la victime. On peut comprendre que les intérêts de la victime
puissent justi er cette action directe. Cela n’est rendu possible que grâce à l’intervention
du législateur.
Dans les années 60 : bilatéralisation de l’art 1994al2 CCiv « Dans tous les cas, le mandant
peut agir directement contre la personne que le mandataire s’est substitué ». Pas d’action
directe du sous-mandataire contre le mandant. La CCass s’est autorisée à le faire. Admet
que le texte implique que le sous-mandataire puisse agir directement contre le mandant.
Plus tard, dans les années 1990 (19 mars 1991, 5 oct. 1993), la CCass est allée jusqu’à
décider que « Le mandant n’est pas fondé à opposer au mandataire substitué les
paiements faits par lui au mandataire principal, même s’ils étaient antérieurs à l’exercice
de son action ». Finalement, la ch commerciale de la CCass du 3 déc. 2002 « Si le
mandataire substitué dispose d’une action directe contre le mandant d’origine pour
obtenir le remboursement de ses avances, cette action ne peut, toutefois, être exercée,
qu’autant que l’action du mandataire intermédiaire n’est pas, elle-même, éteinte ».
2. La distinction des vraies et fausses actions directes
La possibilité d’exercer un droit propre contre le débiteur de son débiteur est
systématiquement quali é d’action directe. Cela dit, il faut quand même considérer qu’il
n’y a véritablement action directe que lorsqu’un droit exclusif est conféré au titulaire de
l’action. Celui opère une main-mise sur la créance intermédiaire qu’il s’approprie sans en
partager le béné ce avec quiconque. Et donc, les situations qui ne suivraient pas ce
schéma ne seraient pas de véritables actions directes au sens propre du terme = on
pourrait considérer comme abusif bien que très répandu, de parler d’action directe de
désigner l’action que possède le dernier acquéreur contre le 1er vendeur (AP du 7 fév.
1986, le maitre de l’ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits et actions
attachés à la chose qui appartenaient à son auteur). Dans ce cas particulier, c’est en vertu
d’une transmission de l’action comme un accessoire de la chose vendue que l’action est
o erte aux propriétaires successifs de la chose. En fait, on voit bien que le sousacquéreur ne possède aucune action contractuelle contre le vendeur initial si ce n’est
celles qui lui ont été transmises avec la chose. En revanche, une action en responsabilité
contractuelle non-fondée sur un défaut de la chose, ne pourrait pas prospérer entre deux
personnes qui ne sont pas liées par un contrat. La CCass en a apporté la con rmation
dans certains arrêts, 1ère ch civile du 8 juin 1999, le 1er vendeur ne peut valablement
opposer une clause limitative de resp au sous-acquéreur qui agissait en garantie des
vices cachés. Si le sous-acquéreur avait disposé d’une action directe, il n’aurait pu
normalement agir que dans la mesure des droits de son débiteur immédiat. C’est-à-dire
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qu’il aurait pu se voir opposé une clause limitative de resp. Finalement, quand on parle
d’action directe dans les chaines de contrat, ça n’est pas exactement la même action
directe. La pratique fait que l’on parle quand même d’actions directes. On peut peut être
opposer les actions directes en paiement, qui n’ont pas le même régime que les actions
directes en resp ou en garantie.
§2 - Le régime de l’action directe
On va voir qu’avec cette action on est dans une situation particulière dans laquelle
le créancier s’approprie à titre exclusif, la créance d’un autre. De cette situation se
déduisent 2 caractères :
- Le créancier exerce le droit de son débiteur
- Le créancier exerce un droit propre
A. L’exercice du droit du débiteur
2 csqces :
- Le titulaire de l’action directe utilise à son pro t une créance pré existante avec tous
ses attributs. Dès lors, si le créancier intermédiaire avait pris soin d’assortir sa créance
de sûretés, ces sûretés pro teront également au créancier poursuivant (elles sont
accessoires à la créance détournée et peuvent donc l’accompagner). Ce sont des
sûretés qui peuvent être très utiles car s’il est vrai que le poursuivant ne supporte pas
la CC des autres créanciers de son débiteur immédiat, il ne dispose en revanche
d’aucun privilège dans sa relation avec le sous-débiteur et devra faire face aux autres
créanciers du sous-débiteur
- Corrélativement, le titulaire de l’action directe ne peut agir que dans la mesure des
droits de son débiteur. Il saisit la créance avec ses accessoires mais, logiquement, il
doit aussi en sou rir les limites. Il ne pourrait en attendre plus que ce que le créancier
intermédiaire pouvait lui-même en attendre au jour de la naissance du droit direct. Veut
dire que le sous-débiteur pourra opposer au créancier poursuivant toutes les
exceptions qu’il aurait pu opposer au créancier intermédiaire au moment de la
naissance du droit direct (1ère ch civile du 6 juin 2018 n°17-10.553). Veut dire que le
poursuivant d’un acte direct devra donc sou rir les éventuelles clauses limitatives de
resp stipulées entre le sous-débiteur et les débiteurs intermédiaires. Le sous-débiteur
pourra soulever une exception de nullité de l’acte générateur de sa dette, il pourra
exciper de la prescription de sa dette ou même de sa compensation à condition que
celle-ci soit intervenue avant la naissance du droit direct car à compter de la naissance
du droit direct, la créance saisie devient une créance propre au titulaire de l’action
directe
B. L’exercice d’un droit propre
Du fait de cette appropriation de la créance par le titulaire de l’action directe, un
actif du patrimoine du débiteur intermédiaire est alors gelé au seul pro t du poursuivant
et du même coup, cet actif est soustrait du gage des autres créanciers du débiteur
intermédiaire. C’est en cela qu’on peut parler de privilège puisqu’une créance est a ectée
exclusivement au désintéressement d’un seul des créanciers du débiteur intermédiaire.
Cela veut dire que la créance est dévolue au titulaire de l’action directe dans l’état où elle
se trouve au jour de la naissance du droit direct. Mais à compter de ce jour, elle
fonctionne de manière autonome dans le patrimoine du poursuivant, ce qui a pour csqce
que toutes les exceptions que le sous-débiteur pouvait opposer au créancier
intermédiaire, ne seront pas opposables au titulaire de l’action directe si elles sont
apparues postérieurement à l’immobilisation de la créance (ex : si le sous-débiteur est
devenu lui-même créancier du débiteur intermédiaire, postérieurement à la naissance du
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droit direct, il ne pourra pas opposer au titulaire de l’action directe, la compensation de sa
dette alors qu’il aurait pu le faire à l’égard du créancier intermédiaire). De là découle tout
l’intérêt de savoir le moment de la naissance du droit direct. De ce pdv, les actions
directes parfaites sont extrêmement protectrices des intérêts du titulaire de l’action
directe puisque le droit de celui-ci naît en même temps que son droit immédiat. Et donc,
le titulaire dispose, dès l’origine de deux débiteurs dans les actions directes parfaites.
Section 2 : L’action oblique
Le créancier agit contre le sous-débiteur mais il demandera à ce dernier de
s’acquitter de sa dette envers le créancier immédiat qu’est le débiteur intermédiaire. Le
sous-débiteur paie le débiteur intermédiaire.
Elle est décrite à l’art 1341-1 CCiv qui dispose « Lorsque la carence du débiteur
dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de
son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur à l’exception de
ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne ».
Se distingue radicalement de l’action directe car par la voie oblique, le titulaire de l’action
n’exerce jamais un droit propre mais le droit de son débiteur et il agit pour le compte de
celui-ci. De sorte que le recouvrement des sommes pro tera directement au débiteur
intermédiaire et qu’indirectement au titulaire de l’action.
§1 - Les conditions de l’action oblique
On s’aperçoit que le mot « droit » ne doit pas être pris dans un sens absolu. Les
droits que possèdent le débiteur intermédiaire ne pourraient pas tous être exercés par le
titulaire de l’action. La faculté de contracter n’est pas un droit au sens de 1341-1. Rien ne
s’oppose à ce que le créancier exerce les actions en justice de son débiteur et qu’il mette
en œuvre des voies d’exécution (ex : il a été admis qu’un locataire puisse agir en
résiliation du bail d’un autre locataire de son bailleur dès lors qu’il occasionnait des
troubles de jouissance et que le bailleur négligeait d’intervenir, 3ème ch civile du 4 déc.
1984).
On admet aussi que le créancier puisse réaliser des actes conservatoires au nom
du débiteur tel que prendre une inscription hypothécaire. On s’interroge quant à la
possibilité d’exercer une option au nom de son débiteur, peut-on exercer une faculté de
rachat au nom de son débiteur ? Exercer une option dans le cas d’une PUV ? Pas de JP
là dessus.
1341-1 : les droits et actions peuvent être exercés pour le compte du débiteur mais pas
ceux exclusivement rattachés à la personne. Ces droits ne peuvent pas être exercés par
voie oblique. Quels sont les droits exclusivement rattachés à la personne ? Droits et
actions extra patrimoniaux (ex : exercice d’une action en divorce, action tendant à la
réparation d’une atteinte à l’honneur).
La question s’est posée de savoir si le créancier pouvait, par la voie oblique, demander la
diminution d’une pension alimentaire à laquelle est tenu son débiteur. La CCass a préféré
l’exclure au motif que cette action a sa base dans l’état des personnes (1ère ch civile du
29 juin 1948). Il y a un certain nb de droits, bien qu’ayant une certaine coloration
patrimoniale, ne peuvent pas être exercés par la voie oblique (ex : actions « dont
l’exercice est subordonné à des considérations personnelles d’ordre moral ou familial »
1ère ch civile du 8 juin 1963).
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A. Conditions relatives au débiteur
On en trouve 2 :
- Une carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions, doit négliger
d’exercer un droit dont il est titulaire et qui pourrait pro ter à son créancier. La CCass a
indiqué que l’art 1341-1 (anc. 1166) n’était applicable que si la négligence du débiteur
compromet les droits du créanciers
- Les droits du créanciers doivent être compromis par cette négligence. En e et, le
créancier doit avoir un intérêt légitime à exercer l’action oblique (= il ne pourrait pas le
faire s’il pouvait trouver immédiatement dans le patrimoine de son débiteur, les
sommes su santes à se désintéresser)
B. Conditions relatives au créancier
La JP a tj admis que les créances doivent être certaines, liquides et exigibles. Le
créancier peut exécuter l’action oblique sans disposer d’un titre exécutoire. Le créancier
peut agir par la voie oblique sans avoir à requérir préalablement l’autorisation du J. La
CCass a a rmé qu’ « il a, en vertu de son seul titre de créancier, le droit de faire des actes
conservatoires du patrimoine de son débiteur », ch des requêtes du 30 nov. 1926. Ça
veut dire que le titulaire de l’action peut faire condamner un sous-débiteur à verser au
débiteur intermédiaire des sommes plus importantes que le montant de la créance du
titulaire. Il n’y a là aucun inconvénient puisqu’à l’inverse de l’action directe, le titulaire de
l’action oblique, ne s’approprie pas la créance.
§2 - Les e ets de l’action oblique
On a tendance à les observer par comparaison aux e ets de l’action directe. L’e et
principal auquel on songe immédiatement est que les sommes récupérées par la voie
oblique tombent dans le patrimoine du débiteur intermédiaire.
Autre csqce : le créancier entre en CC avec les autres créanciers de son débiteur.
De même, comme il exerce le droit de son débiteur, il est soumis à toutes les exceptions
auxquelles le débiteur négligeant aurait été lui-même soumis (compensation,
désintéressement, nullité).
Dernier e et, l’exercice de l’action oblique vaut mise en demeure du débiteur.
Selon la CCass, 1ère ch civile du 9 déc. 1970, « Si le créancier, qui exerce, en vertu de
l’art 1166, les droits de son débiteur, agit au nom de celui-ci, il agit en même temps en
son propre nom et il exprime la volonté d’obtenir le remboursement de sa créance dans
des conditions telles que son débiteur ne peut s’y tromper ». Ce dernier se trouve donc
mis en demeure.
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Titre 2 : La cotitularité de l’obligation
Le rapport d’obligation possède au moins deux titulaires : un titulaire actif, le
créancier, et titulaire passif, le débiteur. Lorsque d’un côté quelconque du rapport, on
trouve plusieurs titulaires, on parle de cotitularité de l’obligation. Dans la version simple
connue, l’obligation institue un rapport bilatéral (entre un créancier et un débiteur). Cette
obligation se trouve bouleversée quand ce n’est plus une personne mais plusieurs qui ont
en charge l’exécution de la prestation ou qui peuvent réclamer cette exécution.
Bouleversement car plus bilatéral mais multilatéral. Ça n’est plus un rapport simple mais
plural.
On parle parfois d’obligation plurale pour désigner les situations de cotitularité.
Mais il faut bien considérer que la pluralité peut se rapporter à l’objet de l’obligation mais
aussi au sujet de l’obligation. Nous n’allons pas parler de la pluralité d’objet mais
seulement de la pluralité de sujets. Il n’empêche que la pluralité d’objets est évoquée
dans le CCiv aux arts 1306 à 1308.
1306 dé nit l’obligation cumulative, c’est une obli qui a pour objet plusieurs prestations
lorsque seule l’exé de la totalité de celle-ci libère le débiteur (comporte plusieurs
prestations qui doivent toutes être accomplies).
1307 dé nit l’obligation alternative et dit que c’est une obligation qui a pour objet
plusieurs prestations mais l’exécution de l’une d’elles libère le débiteur. Cette obligation
alternative doit être distinguée de l’obligation facultative qui elle, a pour objet une seule
prestation. Mais qui donne au débiteur la faculté, pour se libérer, d’en fournir une autre.
Hypothèses rares et théoriques.
Chapitre 1 : Le principe de division de l’obligation plurale
La règle fondamentale en la matière est que les obligations plurales se divisent
naturellement en autant de rapports distincts qu’il y a de titulaires actif ou passif. Une
règle tenue pour acquise par les rédacteurs du code civil de 1804, elle semble remonter à
l’époque romaine et n’a jamais été remise en cause depuis. Le législateur l’a fait
apparaitre dans le code civil à la réforme de 2016 à l’article 309 « L’obligation qui lie
plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux ». Ce n’est pas une
règle d’ordre public, et donc à moins que la division de l’obligation ne soit écartée par la
volonté des parties (obligations solidaires) ou si division matériellement impossible (on
parle d’indivisibilité), à part dans ces deux cas la pluralité de titulaires actifs ou passifs de
l’obligation fait naitre une pluralité d’obligations qui sont alors dites divises.
Section 1 : Le mécanisme de la division des obligations plurales
La division des obligations plurales est facile à envisager lorsqu’elles portent sur
une somme d’argent. Ainsi, une dette d’argent contractée par deux personnes, sauf
stipulation contraire, se divise en deux parts égales : on parle de part virile. Chacun ne
devra payer que 500 euros (si dette de 1.000€). On peut parfaitement concevoir que le
contrat prévoit une division inégale. Mais il est très rare qu’une telle inégalité soit stipulée.
Dans cet exemple, le créancier possède deux créances distinctes contre deux débiteurs
distincts, s’il veut obtenir paiement il doit agir cumulativement contre chacun des deux
débiteurs. Le mécanisme de la division est défavorable au créancier qui ne peut réclamer
à chacun qu’une part du montant global de la créance. C’est ce qu’exprime l’article 1709
« chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commue, chacun des
débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune ».
Le créancier doit diviser ses poursuites et donc délivrer autant de mise en demeure
qu’il y a de débiteur, quand bien même les obligations proviendraient du même contrat.
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Parfois il arrive que la division ne s’opère pas, soit parce que prévu contractuellement soit
parce que la prestation due est indivisible : solidarité et indivisibilité sont les deux grandes
exceptions à la division de l’obligation plurale.
Une fois que les obligations sont divisées, on peut penser que plus rien ne relie les
deux dettes si ce n’est leur origine commune, on peut dire qu’elles sont devenues
indépendantes. Peut paraitre étonnant de continuer de parler de cotitularité.
Avant la réforme on avait coutume de parler d’obligations conjointes pour désigner
les obligations issues de la division de l’obligation plurale. Notion contestée et qui en plus
n’avait pas le même sens pour tout le monde :
- Pour certains, l’obligation conjointe se confondait avec l’obligation divise bien qu’elle
désignait l’obligation issue de la division du rapport plurale
- Pour d’autres, qui se montraient critiques à l’égard de cette expression, ils observaient
qu’en réalité c‘était des obligations disjointes
Une autre expression était parfois utilisée : « s’engagent conjointement et
solidairement ». Comme la solidarité vise à faire échec à la division de l’obligation, c’est
compliqué d’être tenu conjointement (divisément) et solidairement (indivisément). En
réalité cette expression devient cohérente si on accepte de donner un sens di érent à la
notion d’obligation conjointe, c’est le sens que nous retiendrons.
Conjointement, ne veut pas dire divisément, contrairement à ce qu’on a cru pendant
longtemps. Le terme conjoint évoque seulement le rattachement d’une pluralité
d’obligation à une cause commune à un évènement commun.
Donc, deux obligations conjointes ne sont pas le produit de la division d’obligation. La
conjonction est indi érente au mécanisme de la division. Elle existe aussi bien à l’égard
des obligations divises qu’à l’égard des obligations au tout (une obligation totale). En
réalité, deux obligations sont conjointes lorsqu’elles sont nées du même évènement : le
même contrat, le même fait dommageable.
C’est une pluralité de débiteurs qui ont ensemble consenti, ou dont ils ont été ensemble
investis. L’obligation conjointe a donc vocation à se diviser par le principe de la division.
S’il existe un obstacle à la division, elle n’en conserve pas moins leur caractère conjoint
dès lors qu’elles sont nées du même évènement.
Deux obligations à la même chose peuvent aussi être le produit d’évènement distincts.
Cela se rencontre lorsque l’une emprunte son objet à l’autre (ex : cautionnement). Donc,
l’obligation qui s’ajoute à l’autre en lui empruntant son objet est une obligation adjointe.
Deux grandes distinctions à faire :
- Obligation conjointe : née du même évènement ; obligation adjointe : pas née du
même évènement
- Obligation divise et indivise
Section 2 : Critique du principe de division
Du fait de la division des obligations plurales, la vraie cotitularité est un phénomène
qui relève de l’exception. Ce phénomène ne semble pouvoir exister à l’état de nature que
dans le cas où l’objet de l’obligation est impropre à la division ou lorsque les parties
décident de ne pas être soumises au principe de division. La cotitularité se rencontre.
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Donc la cotitularité ne peut exister qu’à la condition d’être, soit autoritairement
posée par un texte (solidarité légale), soit éventuellement admise par la JP (obligation in
solidum), soit encore par la volonté des cocontractants et c’est alors la solidarité
conventionnelle.
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En dehors de l’hypothèse de l’indivisibilité, de la solidarité légale, solidarité
jurisprudentielle ou conventionnelle alors toute forme de pluralité de débiteurs est vouée à
se résoudre instantanément en une pluralité d’obligations indépendantes.
Principe submergé par les exceptions et qu’en plus il y a des formes de cotitularité
qui, par essence, ne sont pas a ectées par le principe de division : c’est la cotitularité
adjointe.
Quand on exclue les obligations de garantie, on atténue considérablement la portée de la
règle et on peut être amené à douter du bien-fondé de cette règle.
§1 - Division et cotitularité adjointe
La situation simple née d’une garantie personnelle (la forme la plus courante est
celle issue du cautionnement). Le débiteur principal et la caution sont tous deux tenus à
la même chose, or la règle est que lorsque deux personnes sont tenues à la même chose,
alors cette communauté doit se résoudre en une pluralité d’obligations indépendantes et
divises.
Mais on voit tout de suite que la division ne peut pas s’appliquer à l’hypothèse du
cautionnement. Pour qu’il puisse être envisagé de diviser un rapport, il faut qu’une seule
et même prestation soit due. Une fois la division opérée, on doit pouvoir reconstituer la
créance dans sa totalité en additionnant les deux prestations. L’obligation du garant, et
celle du débiteur principal ne sont pas des subdivisions de la dette mais sont chacune la
dette dans sa totalité. Aucune division ne s’est opérée.
Les prestations promises dans le cas d’un cautionnement ou d’une garantie sont
identiques dès lors que la prestation due par le garant est déterminée par référence à la
prestation due par le garanti. Il serait totalement contraire à la volonté des parties
d’envisager une division, car cela résulterait une pluralité d’obligations indépendantes
devant être exécutée cumulativement et donc une négation de l’idée même de garantie.
Si le principe de division ne s’applique pas aux obligations de garantie, c’est parce que
ce ne sont pas des obligations conjointes.
Les obligations de garantie n’ont pas une origine commune. L’obligation de garantie est
dé nie par référence à l’objet de l’obligation principale. L’obligation de garantie est
accessoire, au service d’une autre, et ne peut donc ni lui préexister ni lui survivre.
À l’inverse, la conjonction elle, peut être dé nie comme la coexistence d’une pluralité de
débiteurs, tous tenus envers le même créancier en vertu d’un évènement générateur
unique les réunissant dans une communauté d’intérêt initial. Donc si l’évènement qui
donnait naissance aux di érentes obligations est unique, on parle de conjonction. S’il est
multiple, alors certains débiteurs veulent s’agréger à un rapport préexistant dont ils
empruntent les caractéristiques et là on parle d’adjonction. Donc on peut a rmer que les
obligations adjointes sont toujours indivises.
Et on peut a rmer que les obligations conjointes ne sont pas nécessairement divises.
Ainsi on peut être tenu conjointement et solidairement : conjointement car
obligations nées d’un même évènement et solidairement car barrage à la division.
Seules les obligations conjointes peuvent être divises, ce qui expliquerait qu’on les
a longtemps confondues. Les obligations adjointes échappent à la division. On s’est
d’ailleurs posé la question de l’opportunité du principe de division.
§2 - L’opportunité du principe de division
Le législateur de 2016, n’a pas été sensible aux critiques. On peut penser qu’il
n’aurait pas été tellement dangereux de la faire disparaitre, on peut imaginer que la règle
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soit inversée et qu’une pluralité de débiteur pour une même obligation se résolve, sauf
clause contraire en une pluralité d’obligation au tout. Dans ce cas, l’indivision serait la
règle, la solidarité n’existerait pas une comme dérogation mais comme un modèle. Si
l’indivision était la règle, alors cela protégerait le créancier qui aurait plus de facilités à
obtenir le paiement de ce qui lui est dû.
Si l’indivision était la règle, alors les codébiteurs ne tireraient aucun avantage de leur
pluralité. C’est peut-être le contraire qui est injuste, notamment lorsque la contre
prestation o erte par le créancier unique est indivisible et que cela conduit chacun des
codébiteurs à disposer d’un droit indivis sur la chose fournie.
Dans cette hypothèse, lorsque le contrat créait un droit réel sur la totalité de la
chose au pro t de chaque élément du groupe plural, rien d’étonnant à ce que chacun
d’eux soit tenu à l’intégralité de la dette. L’acquisition d’un droit indivis s’opère par la
stipulation d’une obligation indivise.
Par exemple, on a une pluralité de locataires d’un même local d’habitation. En vertu du
contrat de bail, chacun des locataires dispose d’un droit de jouissance sur la totalité de la
chose louée. Et pourtant, la dette de chaque locataire n’est pas, sauf stipulation de
solidarité, par nature une dette indivise, pas la dette de la totalité du loyer parce que
l’obligation de chaque locataire est ici le fruit de la division de la prestation globale et ce
conformément au principe de division. Cela veut dire que chaque locataire est tenu en
contrepartie de la jouissance concurrente de la totalité du bien au seul paiement d’une
fraction du prix convenu pour la jouissance de cette même totalité. En présence de
plusieurs locataires il s’agit d’une pluralité de jouissance.
On peut parfaitement admettre que les copreneurs sont titulaires indivis du droit au bail.
Chacun des colocataires à la jouissance du tout.
Cotitulaires indivis du droit de jouissance, mais cotitulaire divis de la dette de loyer.
Civ 3e, 20 janvier 1993 : « la solidarité ne s’attache pas de plein droit ni à la qualité
d’indivisaire ni à la circonstance que l’un d’eux aurait agi comme mandataire des autres, ni
à celle que chacun d’eux aurait tiré pro t personnellement du mandat ». La CCass est
gardienne du principe de division dès lors qu’il n’est pas écarté par les parties.
Chapitre 2 : Les dérogations au principe de division
Section 1 : L’indivisibilité
Le mot « indivisibilité » désigne deux situations juridiques assez di érentes :
- L’indivisibilité de la volonté, principe général
- L’indivisibilité des droits, constat d’un état matériel de l’objet du droit
§1 - L’indivisibilité de la volonté
Ce n’est rien d’autre que le prolongement de l’autonomie de la volonté. La volonté
n’est autonome que dans la mesure où elle est intègre et intégrale. Pour autant qu’un
acte juridique puisse être fractionné, on dira que le consentement donné à l’acte dans sa
totalité est la condition du consentement donné à chacune de ces parties. C’est pourquoi
l’indivisibilité de la volonté se traduit par l’indivisibilité de l’acte (l’indivisibilité du
testament, de l’aveux, de la transaction…). En réalité il faudrait parler de l’indivisibilité de
tout acte juridique, puisque tout acte juridique est le résultat de la volonté : l’acte ne doit
produire des faits que s’il est apte à les produire tous.
Si on l’applique au contrat, la règle de l’indivisibilité de la volonté a pour conséquence
que l’irrégularité d’un seul élément du contrat doit retentir sur l’ensemble. Le
consentement à la totalité suppose que l’intégrité du contrat demeure. On ne pourrait
donc pas supprimer telle ou telle partie d’un contrat sans que cela n’entraine la
suppression totale du contrat : c’est l’indivisibilité de la volonté.
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Parfois toute la di culté réside dans le fait de savoir s’il y a un ou plusieurs
contrats. Les parties avaient elles l’intention de conclure un contrat unique ? C’est
souvent l’indivisibilité de la volonté qui est invoquée. Les contrats sont-ils conclus dans la
perspective d’un objectif unique. Et si c’est le cas, la disparition d’un contrat doit elle
entraîner la disparition des autres ?
Les solutions ne sont venues que tardivement par les premières dispositions des
lois Scrivener du 13 juill. 1979, sur le crédit immobilier. Ces lois créaient une
interdépendance entre le contrat de vente et le contrat de prêt dès lors qu’il sert à
nancer une opération immobilière article L313-41 du code de la consommation.
À partir de là, cela a été une délivrance. Cette interdépendance et nécessaire mais sans
loi, rien ne permettait de la justi er. La position de la JP a commencé de plus en plus à
accepter l’interdépendance dans les divers contrats, alors même qu’ils n’étaient pas
conventionnellement reliés entre eux.
La CCass a souvent prononcé le terme d’indivisibilité entre les contrats : Civ 3e, 10
septembre 2015 : la CA a caractérisé l’existence d’une indivisibilité conventionnelle entre
les contrats de vente et de prêt.
Com, 15 décembre 2000 : pharmacien qui dispose des télés, qu’il loue et en même
temps ils di usent de la télé donc il est payé par les annonceurs publicitaires. Le prix
versé pour la di usion est identique au prix de location. Il passe donc par deux contrats
di érents. Si la pub s’arrête, il devait continuer à louer les télés pendant 3 ans. La Cour a
admis l’arrêt de la location, car deux contrats interdépendants et que la défaillance de
l’un entraine la résiliation de l’autre.
Par la suite elle ne s’est plus fondée sur la cause mais sur l’indivisibilité.
Désormais, les choses sont simpli ées par l’ordonnance de 2016, et l’article 1186 al2
consacré à la caducité du contrat et qui admet l’interdépendance légale des contrats.
Ainsi, la disparition de l’un des contrats entraine la caducité de l’autre, du fait de leur
interdépendance. En e et, ces deux contrats conclus certes séparément, poursuivent en
réalité un objectif unique. De ce fait la volonté aurait été identique si les deux contrats
avaient été conclus dans un même acte. C’est pour cela qu’il faut les considérer comme
indivisible.
§2 - L’indivisibilité de l’obligation
On parle aussi d’indivisibilité de la prestation (art 1320 CCiv). La réforme de 2016 a
simpli é les règles de l’indivisibilité. Elle concentre en un seul article le régime qui
autrefois était exprimé sur neuf articles.
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Une règle qui connaît des tempéraments, dont l’admission de la nullité partielle d’un acte.
Il peut arriver que seule une clause soit anéantie, et l’acte amputé de cette clause
subsiste dans sa nouvelle version : article 1184 code civil consacré depuis la réforme. Le
respect dû à la volonté initiale, serait bafoué si on ne prenait garde que l’annulation
partielle de l’acte ne porte atteinte à l’équilibre auquel les parties ont consenti. La nullité
partielle n’est pas encourue lorsque la clause irrégulière est jugée déterminante de la
volonté des parties. On voit bien que l’article 1184 porte atteinte au principe de
l’indivisibilité de la volonté.
Il y a aussi les cas où le législateur entend même maintenir un contrat quand bien même
la clause annulée serait déterminante (ex : clause abusive réputée non écrite, = clause
annulée, on ne se pose pas la question de savoir si la clause a été ou non déterminante de
la volonté des parties).
L’article 1320 distingue deux situations :
- Celle dans laquelle l’obligation à prestation indivisible est due à une pluralité de
créancier
- Celle où la prestation indivisible est due à une pluralité de débiteur
Donc l’indivisibilité n’a de conséquences entre les parties initiales d’un rapport que
s’il est plural. Si le rapport est simple, l’indivisibilité ne présente aucun intérêt au niveau
des parties initiales. Elle a pour seul e et d’empêcher la division de l'obligation. S’il n’y a
que deux cocontractants, un débiteur et un créancier, alors on ne voit pas en quoi
l’indivisibilité peut avoir un intérêt. En réalité, dans ce cas, l’indivisibilité aura un intérêt :
elle empêchera la division de l’obligation à l’égard des héritiers de l’une des parties.
Ce n’est pas une technique visant à garantir l’exécution d’une obligation simple.
Ce mode d’organisation de la pluralité de titulaires est proche de la solidarité car les deux
techniques ont en commun un caractère essentiel de rendre la dette indivise à tous les
codébiteurs de sorte que chacun soit tenu au tout.
La solidarité n’existe pas à l’état de nature, alors que l’indivisibilité résulte de la
conformation de la prestation.
A. Les circonstances de la divisibilité
L’ordonnance de 2016 ne dé nit pas cette notion contrairement au code de 1804.
L’exemple le plus souvent retenu pour l’illustrer est celui de l’obligation de livrer un animal
vivant. On ne conçoit pas que l’exécution de cette obligation soit fractionnée. Donc les
débiteurs pluraux ne peuvent pas exécuter l’obligation sans l’exécuter tout entière.
Il en va de même de la plupart des obligations de faire. C’est une indivisibilité matérielle.
Les auteurs ont longtemps opposé la divisibilité matérielle à la divisibilité intellectuelle.
Un cheval vendu par une pluralité de vendeurs copropriétaires du cheval, dans l’esprit
des auteurs du XIXe, l’obligation plurale est une obligation intellectuellement divisible. En
e et, le cheval est susceptible de divisions intellectuelles puisqu’il peut appartenir à
plusieurs personnes. Chacune d’elles étant propriétaire de parts indivises du cheval.
On ne parle plus d’indivisibilité intellectuelle.
Ce qui rend indivisible est l’indivisibilité matérielle de la prestation.
Deux formes d’indivisibilité possible : naturelle ou conventionnelle selon l’article
1320.
Si l’on en croit le CCiv, l’indivisibilité est soit, naturelle car on ne peut pas diviser
l’objet de l’obli, soit conventionnelle car cet aspect est expressément envisagé par les
textes.
Est-ce qu’il y aurait d’autres circonstances où on pourrait aboutir à d’autres solidarités ?
Les obligations au tout sont des dérogations à la règle de la division. Les oblis au tout
n’étant que des dérogations, on ne les rencontre pas si souvent que ça (si ce n’est que
conventionnellement). N’y a-t-il pas des situations dans lesquelles la logique, la rationalité
du rapport, impose que l’on soit en présence d’une indivisibilité alors même qu’elle n’est
pas naturelle ni convenue ?
Est-ce qu’ajd alors même que 1218 n’a plus d’existence, le droit actuel permettrait,
encore, d’identi er une indivisibilité qui ne serait ni naturelle ni conventionnelle ? On
pourrait prétendre que devrait être tenue pour une obli à prestation indivisible, la dette
plurale de paiement d’une prestation indivisible. Admettons que deux personnes doivent
payer une prestation indivisible. Est-ce que leur obligation de paiement est indivisible ?
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Est-ce que l’indivisibilité de l’obligation va retentir sur l’indivisibilité de l’obligation qui en
est la contrepartie ?
Regardons ce qu’il en est de la dette plurale de paiement d’une prestation indivisible. La
dette de paiement de 2 personnes est une dette d’argent. A priori c’est le type de dette le
plus divisible qui soit. Unanimité de la doctrine et de la CCass, l’indivisibilité d’une
obligation ne peut pas se déduire de l’indivisibilité de l’obligation qui en est la contrepartie
dans le contrat synallagmatique.
Mais il se trouve que certains Js en ont parfois décidé autrement. Et ça depuis très
longtemps, il y a un léger courant de contestation qui remonte au 19ème car arrêt de la
CA d’Orléans du 3 avril 1851 « Considérant en droit que dans tous les contrats
commutatifs, au nombre desquels gure essentiellement le louage d’ouvrage, une des
partie s’engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l’équivalent de ce
qu’on lui donne ou de ce que l’on fait pour elle ainsi que le dit textuellement l’article 1104
du Code civil ; que le paiement dans l’espèce ne serait pas l’équivalent des constructions
s’il n’était pas indivisible comme elles ; d’où il résulte que l’indivisibilité de l’œuvre doit
ré échir sur l’obligation d’en payer le prix ».
L’arrêt est argumenté, on ne se contente pas de dire que c’est la contrepartie et que donc
c’est indivisible. Elle raisonne à partir de la notion de contrat commutatif et dit que
puisque la prestation due est indivisible, pour que la prestation qui en est la contrepartie
dispose elle-même d’une contrepartie, l’obligation doit elle-même être indivisible.
À l’époque, les auteurs n’étaient pas d’accord (notamment DEMOLOMBE). Une doctrine
pareille est inadmissible.
La Cour explique que dans ce rapport, chaque obli possède une contrepartie et chaque
contrepartie est elle-même une contrepartie à l’obligation de l’autre. En l’absence de
contrepartie, le contrat est impropre à produire ses e ets.
Par ex, on a un contrat conclu entre 2 copropriétaires d’un véhicule en panne et une
personne qui s’engage à e ectuer la réparation pour une somme forfaitaire de 1.000€. Ici,
on voit bien que l’obligation plurale c’est l’obligation qui est à considérer du côté où il y a
deux parties. L’obligation plurale est l’obligation du paiement de la réparation. Cette
obligation est-elle divisible ou indivisible ? DEMOLOMBE répondrait divisible car tout
paiement de somme d’argent est, par nature, divisible. Ce qu’on observe c’est que la
prestation due par le prestateur est indivisible. Le réparateur doit donc le tout à chacun
des copropriétaires de la voiture. Or, la contrepartie du tout est le paiement de la totalité
(position de la CA d’Orléans : il faut raisonner en fonction de la contrepartie. La
contrepartie de la fourniture du tout, doit être le tout).
Ne serait-il pas logique que celui qui peut réclamer l’exécution du tout doive, en retour, le
paiement du tout ? La CCass n’est pas non plus favorable à cette idée mais on voit
apparaitre, de temps en temps, des CA, qui, bien après la CA d’Orléans, font réapparaitre
cette idée. Par ex, CA de Toulouse du 7 déc. 2004, « l’indivisibilité du droit de jouissance
entraine celle de l’obligation au paiement du loyer de sorte que le bailleur peut réclamer, à
chaque preneur, l’intégralité du loyer tant qu’il n’a pas été mis valablement un terme au
bail ».
CA de Bordeaux du 22 mars 2012, « une dette de loyer est indivisible entre des
colocataires dans la mesure où elle est la contrepartie du droit de jouissance des biens
donnés à bail, droit qui est lui-même indivisible ». Cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi et la
CCass casse cet arrêt dans un arrêt de la 3ème ch civile du 30 oct. 2013, elle décide
« qu’en statuant ainsi alors que le bail ne stipulait pas la solidarité des preneurs et que la
dette de loyer n’est pas par elle-même indivisible, la CA a violé les anciens arts 1202 et
1222 CCiv ». La CCass maintient sa position orthodoxe.
En dépit de la résistance de certaines CA, la CCass n’entend pas élargir le champ de
l’indivisibilité.
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Pq ne veut pas l’élargir ? Car elle est gardienne du principe de division qui doit
s’appliquer aussi largement que possible, sauf lorsqu’il y a été expressément dérogé (ce
qui n’était pas le cas ici).
B. Les e ets de l’indivisibilité
Le principal e et de l’indivisibilité est qu’elle fait barrage à la division de
l’obligation.
Deux situations :
- La cotitularité est primaire (existe dès l’origine)
- La cotitularité est secondaire (au départ on a une dette en cotitularité et elle laisse 2
héritiers). Il s’agit d’un rapport simple, puis il devient plural
Fait soit barrage dès le départ (quand cotitularité initiale) soit quand survient la
pluralité (secondaire car d’abord simple mais aura des e ets au décès du débiteur car il y
aura plusieurs héritiers qui poursuivent la personne de leur auteur et donc cotitularité qui
s’établit).
Au moment où la pluralité existe, chacun des codébiteurs est tenu au tout et le
paiement du tout par l’un d’eux libèrera les autres à l’égard du créancier. De ce pdv, les
e ets de l’indivisibilité sont très proches de ceux de la solidarité. La di érence entre ces
deux notions, si elle n’apparaît pas au début, pourra apparaître plus tard.
Dans la dette simple entre A et B, il n’est pas possible de stipuler la solidarité lorsqu’il n’y
a qu’un seul débiteur (que quand il y en a plusieurs).
Dans l’hyp d’une cotitularité primaire, on peut très bien imaginer que X (un des débiteurs)
décède et laisse lui-même 2 héritiers. Ce qu’on voit c’est qu’en réalité, les choses vont
être di érentes selon que A, dans son rapport avec X et Y, ait stipulé la solidarité ou
l’indivisibilité. Dans son rapport avec X et Y, son rapport sera la même. La di érence
arrivera quand l’un d’eux disparait et laisse des héritiers.
Solidarité : X et Y se sont engagés, chacun à payer le tout à A. Si X décède et laisse deux
héritiers, 1 et 2. Ce que doit X, c’est le tout. Que doivent 1 et 2 ? Chacun 100 ou 50 ? La
dette se divise-t-elle ou non ? La solidarité ne lie que ceux qui l’ont stipulé. Les deux
héritiers ne peuvent être tenus de la solidarité car ils ne l’ont pas consenti. Entre eux, la
dette va se diviser.
Indivisibilité : lorsqu’on dit que la prestation est indivisible, ça veut dire qu’elle soit due
par une personne ou plusieurs, elle reste tj indivisible. La prestation que doit X est
indivisible et ce qu’il transmet à ses héritiers c’est qlqch d’indivisible. Chacun d’eux doit
alors le tout.
Si l’on veut protéger le créancier au max, c’est peut-être plus intelligent de stipuler
l’indivisibilité que la solidarité. Au fond, l’indivisibilité a les mêmes e ets que la solidarité
mais en a aussi quelques-uns supplémentaires qui est de préserver l’obli au tout aussi
longtemps que l’obligation existe. Dans la pratique, personne ne pense à stipuler
l’indivisibilité.
Il y a peut-être une autre distinction entre les e ets de la solidarité et les e ets de
l’invisibilité qui s’observe lorsqu’on envisage les csqces de l’inexécution (= lorsqu’on
envisage la dette de réparation en cas d’inexécution d’une obligation indivisible ou d’une
obligation solidaire). Les règles concernant la réparation de l’inexécution d’une obligation
solidaire sont gouvernées par l’art 1319 CCiv qui pose que les codébiteurs solidaires
répondent solidairement de l’inexécution de l’obligation.
Qu’en est-il de l’inexécution d’une obligation à prestation indivisible ? En regardant l’art
1320, on ne voit rien, il ne précise rien. Que fait-on ? Ce qu’on peut faire c’est se référer à
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la JP ou à la pratique d’avant 2016. Avant la réforme, la solution retenue par la CCass
tenait dans cette règle constamment réa rmée. La condamnation consistant dans le
versement d’une somme d’argent est, par nature, essentiellement divise. On ne pouvait
donc pas, à partir de là, considérer que l’indivisibilité de l’obligation inexécutée entraînait
l’indivisibilité de l’obligation de DI qui la remplace. On le voit, sur ce pt, le régime de
l’indivisibilité prend ses distances par rapport au régime de la solidarité.
Si, alors que la dette de départ est indivisible, devient une dette DI, elle change de nature
et devient une dette d’argent qui n’est jamais indivisible par nature (au contraire). Alors
même qu’avant on avait une obligation indivisible, et qu’on n’a pas réalisé l’obligation, la
dette de DI est évidemment divisible.
Dans l’indivisibilité ne nous dit rien mais si la dette est indivisible, la réparation ne le sera
pas.
La solidarité qui s’appliquait à la prestation initiale s’applique aussi à la prestation de
remplacement, de réparation.
Que faut-il entendre par inexécution d’une obligation indivise ? L’inexécution est
su samment établie par la défaillance d’un seul des codébiteurs ou bien alors le
créancier doit-il avoir échoué auprès de tous les codébiteurs pour pouvoir exercer l’action
en réparation ? On pourrait se dire que tant que le créancier pourrait obtenir paiement en
s’adressant à un autre, l’inexécution n’est pas avérée. Ce n’est pourtant pas ainsi qu’ont
raisonné les rédacteurs du CCiv de 1804. Ils ont sans doute pensé que le créancier n’était
pas tj en mesure de s’adresser à chacun de ses codébiteurs, notamment lorsque la
pluralité est apparue secondairement (à la suite du décès d’un débiteur initial d’une
obligation indivisible). Dans ce cas, le créancier est dépourvu de moyens de connaitre
l’identité de chacun des héritiers de son débiteur. Et c’est sans doute pq l’ancien art 1225
CCiv lui laissait la possibilité (au créancier), d’assigner un seul des codébiteurs pour la
totalité de l’obligation, à charge pour celui-ci de mettre en cause ses codébiteurs. Pb :
ordonnance de 2016, par sa volonté simpli catrice, n’a pas prévu de mécanisme
similaire. Si bien qu’on ne sait pas ce que souhaite le législateur. En l’absence
d’indications, on va supposer que le mécanisme qui prévalait jusqu’alors sera maintenu.
On admet qu’il su t, pour le créancier, d’agir contre l’un des codébiteurs indivisibles à
charge pour lui d’appeler à la cause les autres.
Mais alors, après mise en cause par le défendeur d’un ou de plusieurs autres
codébiteurs, le tribunal prononcera-t-il une condamnation divise ou une condamnation au
tout ? Logiquement, la condamnation doit être divise car condamnation de DI (somme
d’argent). Mais en fait, la position de la CCass a évolué depuis un arrêt de la 1ère ch
civile du 28 mars 1995, il s’agissait ici d’une obligation in solidum, en matière de
réparation, le Tr condamne les coauteurs d’un même dommage à le réparer tout entier.
Lorsque 2 personnes ont, ensemble, causé un dommage, celui-ci devra être réparé. En
considération de la situation du créancier (victime), les Tr admettent que la créance qu’a
fait naitre ce préjudice, est une créance à naitre. Le créancier peut demander le tout à
chacun des coauteurs du dommage (pour ne pas pénaliser la victime).
L’obligation in solidum a vocation également à s’appliquer à l’inexécution d’une obligation
contractuelle (ex : une personne fait construire une maison et elle s’adresse à un
architecte et à un entrepreneur. Fissure sur la façade. Qui est resp ? Les deux, ce
dommage résulte d’une inexécution de leurs oblis. Dans ces cas-là, puisque les deux ont,
ensemble, causé le dommage, les deux doivent être condamnés ensemble à le réparer
tout entier).
La di culté vient de ce que la CCass n’acceptait pas, jusqu’en 1995, que la
condamnation prononcée soit une condamnation in solidum lorsque les deux obligations
inexécutées procédaient d’un seul et même contrat. La CCass estime que si le maitre de
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l’ouvrage voulait une condamnation solidaire, il fallait stipuler la solidarité. Était la JP
constante jusqu’à cet arrêt du 28 mars 1995. Dans cet arrêt, on avait un pourvoi qui se
contentait d’objecter, d’opposer à l’arrêt de la CA, un moyen très clair qu’il tirait de la JP
constante de la CCass, le pourvoi prétendait que l’obli in solidum est exclue en matière
de resp contractuelle lorsque les oblis méconnues procèdent d’un seul et même contrat.
Là, la CCass répond : « la Cour d’appel pouvait prononcer une condamnation in solidum
même si les obligations méconnues procédaient d’un seul et même contrat, dès lors que
les fautes commises par chacun d’eux ont concouru à la réalisation de l’entier dommage
dont chacun doit ainsi réparer l’intégralité ».
En 1995, la CCass étend le champ de l’obli in solidum à tous les cas dans lesquels 2
personnes ou plus causent ensemble un dommage, que l’inexécution procède, ou non,
du même contrat. Ça change tout car dorénavant, l’idée que la dette de DI se divise entre
les débiteurs ne peut plus être justi ée.
Quand bien même un seul débiteur serait assigné, il aurait tj la possibilité de mettre en
cause ses codébiteurs et la mise en cause des codébiteurs doit permettre la
condamnation de tous les codébiteurs appelés. Ça veut dire que tous les codébiteurs
appelés seront eux-mêmes en demeure d’exécuter leur obligation indivisible. S’ils le font
ça met n au procès. Mais s’ils ne le font pas, si bien qu’étant en demeure d’exécuter
l’obli indivisible, ils ne l’exécutent pas, ils auront tous manqué à leur obli d’exécuter le
tout. Ils auront donc commis le dommage tout entier. Par csqt, il est parfaitement logique
qu’ils soient tous tenus de le réparer tout entier. Ce qui se traduira par une condamnation
in solidum de tous les défendeurs. Pq ? Car il su t de reprendre l’attendu de la CCass de
1995, dans cette hypothèse, si tous sont appelés et qu’aucun n’exécute son obli, tous
défaillants et les fautes commises par chacun d’eux ont concouru à la réalisation de
l’entier dommage dont chacun doit ainsi réparer l’intégralité (dé nition de l’obligation in
solidum).
Le régime applicable à l’inexécution d’une obligation indivisible n’est plus, depuis
1995, dominé par le principe de division. Pq ? Car nous sommes passés dans le monde
de la responsabilité et que ce sont donc d’autres logiques qui prennent le relai (des
logiques de resp pcq le principe est que la resp plurale, elle, est dominée par le principe
d’indivision, qui est le concept de l’obligation in solidum).
En présence d’une obli indivisible, que se passe-t-il ? Si le débiteur assigné ne met
pas en cause ses codébiteurs, il sera seul condamné à payer le tout (peut agir en
contribution contre ses codébiteurs). Si le débiteur assigné a mis en cause ses
codébiteurs, la condamnation aux DI ne peut être qu’une condamnation in solidum de
tous les codébiteur mis en cause.
Désormais et depuis 1995, il importe peu que l’obligation plurale consiste désormais en le
paiement d’une somme d’argent. Certes une telle obligation n’est pas, par elle-même,
indivisible mais en l’occurrence, personne ne dit qu’elle l’est. Si elle demeure indivise, ce
n’est pas pcq’elle est indivisible mais pcq’elle est une obligation de réparation soumise à
la règle de la condamnation in solidum.
On en arrive à cette idée que si on regarde les choses en face, la dette de
réparation d’une obligation solidaire est solidaire (on a un texte). La dette de réparation
d’une obligation indivisible n’est pas indivisible (car dette d’argent). En revanche, bien que
n’étant pas indivisible elle demeure indivise pcq’en réalité elle est régie par le système de
l’obligation in solidum.
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Section 2 : La solidarité
Parmi les institutions qui faisaient échec au principe de division, on a vu
l’indivisibilité. Mais en réalité, la règle de la division est surtout battue en brèche par la
technique de la solidarité. En fait, il y a relativement peu d’engagements contractuels
pluraux dans lesquels le créancier aurait omis d’exiger la solidarité des débiteurs.
Mais la solidarité peut aussi être stipulée entre les créanciers lorsque la pluralité de
titulaires de l’obligation se rencontre du côté actif. On parle alors de solidarité active.
§1 - La solidarité passive
Il est vrai que lorsque toute ou partie de la dette plurale est payable à terme, la
solidarité est la première des garanties que tout créancier avisé prendra la précaution de
se ménager. De la sorte, il pourra, par la suite, exiger le paiement de la totalité de la dette
auprès de l’un quelconque des codébiteurs. Cela dit, c’est vrai que si la solidarité est
souvent le produit d’une convention, le contrat n’est pas la seule source de solidarité.
A. Les sources de la solidarité passive
Le principe posé à l’art 1310 CCiv est que la solidarité ne se présume pas (est
légale ou conventionnelle). Il est vrai que les hypothèses où la loi impose la solidarité des
débiteurs sont assez nbeuses (ex : coemprunteurs, art 1887, « Si plusieurs ont
conjointement emprunté la même chose, ils en sont solidairement resps envers le
prêteur ». La règle ne vaut que pour le prêt à usage ; co-mandants, art 2002, « Lorsque le
mandataire a été constitué par plusieurs personnes pour une a aire commune, chacune
d’elle est tenue solidairement envers lui de tous les e ets du mandat » ; époux pour les
dettes ménagères, 220, et scales, 1485 CGI ; associés d’une SNC pour le paiement des
dettes sociales, ils ont tous la qlté de commerçant et répondent solidairement et
indé niment des dettes sociales).
Par ailleurs, en matière commerciale, la règle est la présomption de solidarité. On
inverse le principe. Une véritable présomption générale de solidarité pèse sur les
codébiteurs commerçants.
Finalement c’est quand même l’image de la solidarité qui vient en 1er lieu en
présence d’une cotitularité passive. Cela dit, la présomption de solidarité n’existe pas en
matière civile. Même si la solidarité ne se présume pas, il est arrivé que la CCass pose
une règle de solidarité alors même qu’aucun texte ne l’établissait. Par ex, la dette plurale
que souscrivent l’acheteur et le vendeur d’un bien immobilier envers le notaire au titre de
sa rémunération. En e et, depuis lgtps, la CCass accorde au notaire sur le fondement de
l’art 2002 CCiv « une action solidaire pour le paiement de leurs honoraires et déboursés
contre les parties qui ont eu recours à leur ministère ». Sur quel fondement peut-il se
retourner contre chacun d’eux pour le tout ? C’est l’art 2002. Mais quand on regarde cet
art, il prévoit que lorsque le mandataire a été constitué par plusieurs personnes pour une
a aire commune, il prévoit la solidarité des co-mandants. Or on voit bien que la mission
d’authenti cation con ée au notaire par les parties ne relève pas du contrat de mandat
pcq dans ce type de circonstances, le notaire n’agit pas au nom des parties, il ne les
représente pas. Par csqt, il n’est pas mandataire. On voit que la CCass a, ici, utilisé un
texte qui prévoit la solidarité mais sans avoir vraiment pris la précaution/rigoureusement
pris la précaution de savoir si s’appliquait bien. On admet arti ciellement que le notaire
serait le mandataire de ses clients.
Finalement, par certains côtés, le principe de division embarrasse. La CCass ne veut pas
l’appliquer ici, donc elle trouve un moyen de ne pas le faire.
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B. Les e ets de la solidarité passive
La seule référence expresse à la solidarité su t à soumettre l’obligation au régime
qui s’y attache. Mais on admet tout de même que les parties puissent organiser la
solidarité entre elles en se référant seulement aux e ets de la solidarité et sans quali er
expressément leur relation au moyen du mot « solidarité ».
Les Js du fond se sont vus reconnaître le pouvoir de constater qu’elle (la solidarité)
ressort clairement et nécessairement du titre constitutif de l’obligation alors même que
celle-ci n’a pas été quali ée solidaire.
Cela dit, on peut douter que la même souplesse soit applicable à la solidarité
d’origine légale. Si le législateur n’a pas prononcé le mot « solidarité », c’est qu’il n’a pas
envisagé de soumettre les parties à cette formule.
1. Le rapport créancier/débiteurs
a) Les e ets principaux
La description de la solidarité passive est formulée à l’art 1313 CCiv qui se ramène
à 3 propositions :
- Chacun des débiteur est obligé à toute la dette
- Le paiement fait par un seul des débiteur solidaire libère les autres envers le créancier
- Le créancier peut poursuivre le débiteur de son choix
Deux conséquences peuvent être tirées de ces propositions :
L’identité objet :
Le créancier peut demander le paiement du tout à l’un quelconque des codébiteurs
solidaires. Le débiteur poursuivi ne peut lui opposer ni béné ce de division ni béné ce de
discussion. Il ne peut pas prétendre, par ex, qu’il n’a pas d’intérêt dans l’a aire et qu’il
faut s’adresser, en priorité, à tel autre débiteur qui en a exclusivement pro té.
Chaque débiteur peut échapper à l’action menée contre lui en opposant au créancier les
exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs ainsi que les exceptions qui lui
sont personnelles (art 1315).
Au sein de cette dernière catégorie, on va distinguer les exceptions purement
personnelles (incapacité, vice du consentement…) qui ne pourront être invoquées que par
un seul des codébiteur des exceptions simplement personnelles qui sont susceptibles de
libérer entièrement le débiteur concerné et partiellement ses codébiteurs. Ainsi, l’art 1315
explique que la compensation ou la remise de dette peut éteindre la part divise de l’un
des débiteur. Dans ce cas, les autres pourront s’en prévaloir pour déduire cette part du
total de la dette.
La pluralité de liens :
Il y a 3 csqces :
- Les poursuites faites contre l’un n’empêche pas le créancier de poursuivre les autres
(art 1313)
- Les di érents liens d’obligation peuvent être de nature di érente. Ainsi, deux dettes
peuvent être solidaires bien que l’une soit conditionnelle et l’autre pure et simple
- La distinction entre les exceptions simplement personnelles et les exceptions purement
personnelles
b) Les e ets secondaires
On a coutume de justi er les e ets « secondaires » de la solidarité par l’idée que
les codébiteurs solidaires sont censés se représenter mutuellement. C’est une idée
ancienne à laquelle les auteurs ont continué à se référer de siècles en siècles.
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L’ordonnance de 2016 donne certaines illustrations de ce principe. Certains e ets
secondaires sont prévus par le Code et d’autres ont été prévus par la JP.
E ets secondaires prévus par le Code :
L’art 2245 CCiv pose que l’interpellation faite à l’un des débiteur solidaire interrompt le
délai de prescription contre tous les autres.
L’art 1342-9 CCiv prévoit que la remise de dette faite à l’un des codébiteur solidaire libère
les autres.
En n, l’art 1314 CCiv pose que la demande d’intérêt formée contre l’un fait courir les
intérêts à l’égard des autres.
Cas où les codébiteurs solidaires sont censés se représenter mutuellement.
Extensions JPelles :
Très tôt, la CCass a considéré que chaque codébiteur solidaire est le contradicteur
légitime du créancier et le représentant nécessaire de ses consorts (ch civile du 15 janv.
1873). Il en résulte que la chose jugée contre l’un des codébiteur solidaire possède pleine
autorité contre les autres (ch commerciale du 6 juin 1961).
Cela dit, la CCass tempère cette forme de représentation mutuelle puisqu’elle décide que
« le mandat que les codébiteurs solidaires sont censés se donner entre eux, s’il leur
permet d’améliorer la condition de tous, n’a pas pour e et de nuire à la condition de
chacun d’eux », ch civile du 16 déc. 1891.
La représentation mutuelle des codébiteurs solidaires ne se conçoit que dans l’intérêt des
codébiteurs.
2. Le rapport entre codébiteurs
On va aborder la question de la contribution à la dette et donc la question de la
charge dé nitive de cette dette. Il faut bien distinguer clairement la question de
l’obligation et de la contribution à la dette.
Les codébiteurs solidaires sont tous obligés à la dette (au tout). Donc, au stade de
l’obligation, ils sont obligés au tout. Mais, du fait qu’un seul d’entre eux peut
éventuellement payer la totalité, celui qui a payé disposera d’un recours contre les autres.
Une fois son recours e ectué, chacun ne conservera qu’une part de la dette à sa charge.
Quand on saura ce que chacun conserve à sa charge à titre dé nitif, on aura réglé la
question de la contribution à la dette. Quel est le montant de la contribution de chacun (à
titre dé nitif, une fois que tous les recours ont été e ectués) ?
À cet égard, les textes issus de la réforme de 2016 distinguent la charge dé nitive de la
dette et la charge dé nitive de la réparation de l’inexécution de la dette solidaire.
a) La répartition de la charge de la dette solidaire
Lorsque l’un des codébiteur a payé, il dispose d’un recours en contribution contre
tous les autres codébiteurs. Mais alors, il devra diviser son action. L’art 1317al2 CCiv
prévoit « Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres, à
proportion de leur propre part ». Cela suppose de connaître la part incombant à chacun
des coobligé dans la charge dé nitive de la dette.
Si, ni le contrat, ni la loi, ni le J ne le précise, chacun sera tenu pour sa part et portion.
Celle-ci se calculant en divisant la charge totale par le nb de débiteurs solidaires (sauf
dérogation ou clause contraire, c’est une part virile = chacun sa part, à égalité).
Cela dit, des parts inégales peuvent parfaitement être prévues dans le contrat. Il
peut être prévu que tel débiteur assumera une part plus importante dans la charge
dé nitive. Si on dit ça, on ne parle que de la contribution à la dette. On est ici en
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présence d’une dette solidaire = au stade de l’obligation, chacun doit le tout. Mais une
fois que le tout a été payé, chacun dispose d’un recours et on passe dans le monde du
recours à la dette.
Toutefois, l’éventuelle insolvabilité de l’un des codébiteur solidaire donne lieu à
garantie de la part des autres débiteurs qui devront alors se répartir la charge de sa part
(art 1317al3). La CCass en o re une illustration en matière d’obligation in solidum. Ça
n’est pas la solidarité mais les Tr appliquent les mêmes textes. Il s’agissait d’une CA qui
avait reconnu 2 Es de construction et le maitre d’œuvre resp in solidum du désordre.
Cependant, l’une des 2 Es avait été liquidée entre temps et était insolvable. La CA avait
décidé que, dans leurs rapports réciproques, eu égard à la part de responsabilité de l’E
en liquidation (de 60%), la part de l’autre E en question, s’élevait à 30% et celle du maitre
d’œuvre à 10%. Cela revenait à faire supporter au seul débiteur solvens (= celui qui a
payé), le poids de l’insolvabilité de l’E liquidée. Ici, la 3ème ch civile du 21 déc. 2017
casse l’arrêt d’appel au motif « qu’en statuant ainsi alors qu’il lui incombait de répartir
entre les coobligés in solidum leur contribution à la totalité de la dette, la CA a violé l’art
1213 ancien du CCiv ».
L’art 1318 traite du cas particulier du codébiteur solidaire non intéressé à la dette.
En e et, il a tj été admis que le codébiteur solidaire non-intéressé à la dette était tenu au
tout au stade de l’obligation mais qu’il ne devait être tenu à rien au stade de la
contribution à la dette.
Qu’est-ce que c’est que le codébiteur solidaire non-intéressé à la dette ? Cf. Didier R.
Martin « L’engagement de codébiteur solidaire adjoint » Revue trimestrielle de droit civil
de 1994 p.49.
Comment peut-on dé nir ces codébiteurs solidaires non intéressés à la dette ? Ce sont
des personnes qui se sont engagées à répondre de toute la dette envers le créancier
mais qui, cependant, ne pro tent pas personnellement de la prestation qui est la
contrepartie de la dette qu’ils ont souscrit. Ils sont tenus de payer mais ils ne sont pas en
mesure de pro ter de ce qu’il paye.
Par ex, en cas de colocation, l’art 8-1 de la loi du 6 juill. 1989, lorsque l’un des coloc
solidaire donne congé, il perd tout droit d’occuper les lieux. Pour autant, s’il n’est pas
immédiatement remplacé dans le bail, il ne sera libéré de la dette de loyer qu’au plus tard
à l’expiration d’un délai de 6mois après la date d’e et du congé. Pendant ce délai de
6mois, le coloc ayant donné congé, est un coloc solidaire adjoint à la dette (non intéressé
car ne peut pas jouir des lieux loués).
3ème ch civile du 12 janv. 2017 : on a un bail stipulant une clause de solidarité entre les
colocs. Un des loc s’est appuyé sur L132-1 pour a rmer que c’était une clause abusive.
CCass : comme n’est pas illimitée dans le temps, il n’y a pas de déséquilibre signi catif
du contrat.
Lorsque le colocataire solidaire qui avait donné congé se trouve tenu de payer le loyer
alors même qu’il n’occupe pas les lieux. Il paye une dette qui ne le concerne pas. Il n’est
pas intéressé à la dette.
On peut envisager le cas du bail d’habitation conclu avec des époux locataires. Ils sont
solidairement tenus au paiement du loyer, pas en application d’une clause du contrat
mais par l’article 220 code civil. Si les époux divorcent, le juge va d’abord prendre des
mesures provisoires, il va autoriser les époux à résider séparément alors un seul des deux
époux va continuer à habiter dans les lieux. Pour autant, ils restent colocataires solidaires
tant qu’ils ne sont pas divorcés.
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Le propriétaire à qui on ne paye plus les loyers va s’adresser à l’autre locataire qui
n’habite plus dans les lieux (il peut le faire jusqu’à la transcription du divorce à l’état civil,
3ème ch civile du 22 oct. 2015).
En présence d’une cession d’un bail commercial, c’est-à-dire lorsque le preneur
décide de céder son bail, on trouve très souvent que l’acte de vente contient une clause
de garantie solidaire qui institue le cédant comme garant du paiement des dettes de loyer
par le cessionnaire. C’est-à-dire que malgré le fait qu’il soit parti, le propriétaire peut
s’adresser au cédant pour garantir le cessionnaire qui ne paye pas ses loyers.
La garantie solidaire n’est pas un cautionnement (3ème ch civile du 8 juin 2017, « le
cédant ne s’engage pas à payer la dette du cessionnaire mais demeure codébiteur
solidaire. De sorte que son engagement personnel ne revêt un caractère accessoire et,
partant, n’est pas soumis aux règles du cautionnement » = il demeure débiteur en dépit de
la cession du bail). S’il est codébiteur solidaire, alors il est non intéressé à la dette
puisqu’il n’exploite plus les lieux.
Le pb est que l’ancien art 1216 CCiv rapprochait expressément ce cas de gure de celle
de la caution. Si parmi les codébiteurs un seul est intéressé à la dette, celui qui reste
dans les lieux par ex, celui-ci est tenu à toute la dette dans son rapport avec les
codébiteurs. Les autres ne sont considérés que comme ses cautions. Dans son rapport
au créancier, tous les codébiteurs sont tenus au tout.
Quelle est la di érence essentielle de ce régime entre les codébiteurs solidaires et un
débiteur auquel on adjoint une caution ? La caution n’aura jamais la charge dé nitive de
la dette, elle se retourne vers le débiteur principal à hauteur de tout ce qu’elle a payé à sa
place, alors que les codébiteurs solidaires doivent payer leur propre part à titre dé nitif.
L’art 1318 ne fait plus référence à la caution mais conserve le régime qu’on connaissait
avant la réforme : le codébiteur est seul tenu de la dette au stade de la contribution.
Si non-intéressé à la dette, il a un recours pour la totalité contre celui intéressé à la dette.
Compte tenu de sa classe intermédiaire entre la cotitularité et la garantie, ne peuton pas recourir à la solidarité comme une forme de sûreté ? 1ère ch civile du 17 nov.
1999, femme débitrice d’une certaine somme envers LaPoste qu’elle n’a pas payé. La
créancière a obtenu de la part de son mari, postérieurement, qu’il s’engage dans le cadre
d’un acte « engagement de remboursement ». L’acte comportait la mention « avec
solidarité, lu et approuvé ». Le formalisme du cautionnement n’avait pas été respecté.
Peut-on considérer que s’en est quand même un ? La CCass a pu valablement décider
que l’engagement ne constituait pas un cautionnement solidaire mais un engagement de
codébiteurs solidaires non intéressé à la dette, prévu par 1216 ancien. La CCass utilise la
technique de la solidarité comme un instrument de garantie de paiement d’une dette,
garantie qui serait distincte du cautionnement. C’est parfois considéré comme membre
de la famille des sûretés personnelles alternatives.
La solution est critiquée car on s’est dit que c’était une manière de contourner le
mécanisme de la caution.
b) La répartition de la charge de l’inexécution de la dette solidaire
S’applique en cas d’inexécution de la dette solidaire, qui doit les DI ? Comment se
répartissent les charges de DI entre les codébiteurs solidaires ?
La solidarité stipulée entre plusieurs codébiteurs s’étend à la dette de réparation de
l’inexécution de cette obligation solidaire. Article 1319 « les codébiteurs solidaires
répondent solidairement de l’inexécution de l’obligation ». Il envisage également la
répartition de la charge dé nitive de la répartition entre les codébiteurs solidaires.
Lorsque l’un des codébiteurs a réparé seul les conséquences de l’inexécution de la dette,
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alors il convient d’en répartir la charge entre les codébiteurs à raison du rôle causal joué
par chacun d’eux dans l’inexécution. « La charge de la réparation incombe à titre dé nitif
à ceux auxquels l’inexécution est imputable ». Di cile à analyser car on ne parvient pas à
imaginer les circonstances dans lesquelles elle a vocation à s’appliquer.
Seuls ceux auxquels l’inexécution est imputable. Lorsque deux personnes doivent
solidairement exécuter une prestation, chacune d’elle doit le tout. Pour que la prestation
demeure inexécutée il faut que chacun des codébiteurs ait manqué à son obligation de
payer le tout.
On ne voit pas comment la charge pourrait « incomber à l’un plutôt qu’à un autre » car ils
ont tous manqué à l’obligation de payer le tout. L’inexécution de l’obligation est donc
pareillement imputable à chacun d’eux. Seule circonstance où la nouvelle règle
s’appliquerait que lorsque l’obligation ne peut être exécutée que par l’addition des
prestations complémentaires qui doivent être exécutées ensemble pour permettre la
satisfaction du créancier.
Exemple d’une obligation collective : un trio s’engage à donner un concert chez un
particulier qui fait une petite soirée. Il y a bien une pluralité du côté du trio, alors comment
va-t-on quali er l’obligation plurale des membres de cette formation ? Est-ce qu’on peut
dire que la prestation due est divisible ? Non car une obligation divisible serait une
prestation qui pourrait être accomplie par chacun des débiteurs et qui donnerait
satisfaction au débiteur à chaque fois qu’un exécute sa part.
Est-ce qu’on peut dire qu’elle est indivisible ? Chacune des personnes devrait être en
mesure de s’acquitter de la totalité.
Ici, aucun des membres ne peut s’acquitter de la totalité. Les codébiteurs ne sont pas
non plus cosolidaires, il est impossible matériellement à chacun des codébiteurs
d’assurer l’exécution du tout.
Hypothèse qui se présente lorsqu’on a a aire à un contrat conjonctif. Cotraitance :
plusieurs personnes doivent e ectuer une prestation et il est nécessaire que toutes
travaillent ensemble, de concert.
La défaillance de l’un d’entre eux compromet l’exécution de la prestation, et des
prestations devant être accomplies par les autres. L’exécution conjuguée de toutes les
prestations est requise pour que le créancier obtienne satisfaction.
L’article 101 du chapitre 10 identi e trois gures de pluralité de débiteurs : les
obligations solidaires, les obligations disjointes et les obligations communes « L’obligation
est commune lorsque tous les débiteurs sont tenus d’exécuter ensemble la prestation et
que le créancier ne peut en réclamer l’exécution à tous ».
Prestation collective « lorsque tous les débiteurs sont tenus de la fournir ensemble, et
qu’aucun d’eux ne peut la fournir seul. Le créancier est tenu de réclamer la prestation à
tous ».
Un des débiteurs peut provoquer seul l’inexécution de l’obligation, alors il est logique que
la charge dé nitive de la réparation pèse sur lui et non pas sur ceux qui se tenaient prêts
à exécuter leur propre part.
C’est peut être ça dont l’ordonnance voulait parler. Mais l’ordonnance ne dé nit même
pas la notion.
L’obligation collective n’est pas une obligation solidaire, alors que 1319 ne régit que les
obligations solidaires donc se serait très maladroit, cependant on ne voit que cette
hypothèse.
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§2 - La solidarité active
Elle est prévue à l’article 1311 code civil.
Elle suppose, d’une part, une pluralité de créanciers et, d’autre part, que ces
créanciers souhaitent que chacun d’eux puisse exiger et recevoir le paiement de toute la
créance.
La solidarité active est beaucoup plus rare que la solidarité passive car la solidarité
des créanciers engendre une situation qui peut se révéler dangereuse : un seul d’entre
eux peut exiger le paiement de toute la créance.
Assez rare que les créanciers pluraux y trouvent un intérêt. Il existe des cas dans
lesquels on pratique couramment la solidarité active (ex : le compte-joint, cela suppose
une relation de con ance absolue. C’est une situation qu’on ne rencontre qu’en présence
d’une fusion des intérêts des créanciers. C’est parce qu’ils souhaitent se ménager une
plus grande liberté dans le fonctionnement d’un compte bancaire commun que les époux
ou concubins stipulent la solidarité active. De sorte que chacun d’eux peut accomplir seul
des opérations de débit à hauteur de la totalité des sommes déposées).
Tout se passe comme si le teneur du compte agissait avec l’accord de l’autre
titulaire du compte. Même dans une relation de couple, on voit la con ance que cela
suppose.
La solidarité active peut, à tout moment, être dénoncée par un des titulaires du
compte. Si c’est le cas, le compte devient un compte indivis, c’est-à-dire un compte très
di cile à faire fonctionner. Chaque opération nécessite le fonctionnement d’au moins 2/3
des droits indivis par application de 815-3 code civil.
Une forme de cotitularité active n’induit pas forcément la solidarité active (ex : les
colocataires sont cocréanciers du droit de jouissance et ils peuvent tous réclamer au
bailleur une prestation semblable à celle que le bailleur aurait fourni à un prestataire
unique et pour autant ils n’ont pas stipulé la solidarité entre eux, ce ne sont pas des
cocréanciers solidaires).
De la même manière pour les co-mandants, l’acte réalisé par le mandataire est réalisé
pour le compte des mandants et leur pro te pleinement à chacun d’entre eux. Dans ces
deux hypothèses, si un des créanciers peut exiger que lui soit payé le tout, c’est
uniquement parce que la prestation due à plusieurs créanciers est indivisible. Uniquement
pour cette raison et non car solidarité active.
La qualité de codébiteurs solidaires n’entraine pas celle de cocréanciers solidaires :
Civ1er, 31 mai 1983. En matière commerciale, la solidarité se présume, mais la CCass a
précisé que seule la solidarité passive était en réalité présumée en matière commerciale.
En revanche, la solidarité active ne se présume pas : Com, 26 septembre 2018.
Section 3 : Les obligations in solidum
Elles ne concernent que la dette de réparation d’un préjudice causé par plusieurs
personnes. Lorsque plusieurs personnes sont à l’origine d’un préjudice, si elles ont
ensemble causé le préjudice, elles vont être ensemble condamnées à le réparer. Le juge
ne peut pas les condamner solidairement. Car dans la plupart des cas, aucune solidarité
n’aura été stipulée, notamment en matière extracontractuelle. En matière délictuelle,
impossible de stipuler préalablement la solidarité.
Par ailleurs, on ne peut pas considérer que la dette de réparation soit indivisible.
Une dette d’argent n’est jamais indivisible. Donc les coauteurs ne sont ni solidaires, ni
tenus d’une obligation à prestation indivisible. Logiquement donc, s’ils sont ensembles
condamnés à indemniser la victime, elle devrait diviser son action et rechercher auprès de
chaque coauteur la part d’indemnisation due par celui-ci. Obligation assez injuste. Donc
très tôt il est apparu indispensable de permettre à la victime d’un dommage causé par
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plusieurs coauteurs de pouvoir d’adresser à l’un quelconque des coauteurs pour obtenir
paiement de la totalité de la réparation qui lui est due.
Le code pénal de 1810 contenait une disposition semblable en faveur des victimes
de crimes et délits. Depuis la réforme, cette disposition gure désormais dans le code
procédure pénale aux articles 375-2 et 480-1. Extension de la règle aux délits civils : civ
29 février 1836 : que pour la responsabilité contractuelle, pas délits et quasi-délits,
lesquels se forment sans convention.
Par la suite, au 19e siècle, certains auteurs ont élaboré la solidarité imparfaite (Aubry et
Rau) : distinction entre la solidarité parfaite et la solidarité imparfaite qui ne produit pas
les e ets secondaires de la solidarité dans la mesure où les e ets secondaires
s’expliquent par la théorie de représentation mutuelle des codébiteurs solidaires.
Théorie progressivement abandonnée, ça n’est qu’au début du XXe qu’on voit apparaître
la notion d’obligation in solidum : Civ, 4 décembre 1939 : chacun des coauteurs d’un
même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in
solidum à la réparation de l’entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le
causer tout entier.
La CCass exprime assez clairement les limites de l’obligation in solidum : il importe peu
que les fautes de chacun aient concouru à causer le dommage tout entier. Dans
l’hypothèse où chacune des fautes a causé un dommage distinct, chaque coauteur ne
peut être poursuivi que pour la part du préjudice lui étant imputable.
CA Paris 19 mars 1979 : excède les troubles normaux de voisinage le bruit des avions :
la faute de la compagnie aérienne a été retenue. Donc la réparation due à la personne
tient en une condamnation in solidum des compagnies aériennes ? « Lorsque l’agression
sonore des avions de compagnie aérienne sur un aéroport ne présente pas un caractère
indivisible et est constitué de faits répétitifs mesurables en fréquence et intensité, alors
aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée ». Il y avait e ectivement une
succession de dommages identi ables qui interdisent de procéder à une condamnation in
solidum. Les compagnies répondent du dommage dans la proportion de l’utilisation faite
par elle de l’aéroport.
Le projet de réforme veut supprimer l’obligation in solidum au pro t d’un
élargissement du domaine de la solidarité. Ce projet pose l’obligation de réparer le tout à
l’article 1265 mais « Lorsque plusieurs personnes sont responsables d’un même
dommage, elles sont solidairement tenues à réparation envers la victime. Si toutes ou
certaines d’entre elles ont commis une faute, elles contribuent entre elles à proportion de
la gravité et rôle causal du fait générateur qui leur est imputable ».
On apprécie la faute commise par chacun. Au stade de l’obligation, chacun sera tenu au
tout. Mais au stade de la contribution, un partage de responsabilité s’opère en fonction
de l’intensité ou du rôle causal de la faute de chacun d’eux.
Si le juge ne dit rien, la répartition se fait par part virile.
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Partie 2 : Le fonctionnement de
l’obligation
L’obligation est non seulement un rapport personnel permettant d’exiger la
réalisation d’une prestation, mais c’est aussi une valeur économique d’un type particulier
puisqu’elle est destinée à s’éteindre. En cela, on peut l’opposer à la propriété dont on dit
qu’elle est perpétuelle.
L’obligation est destinée à s’éteindre car l’exécution de l’obligation entraîne son
extinction.
Mais la valeur économique de l’obligation s’observe principalement dans une
circonstance particulière : avant d’être exécutée, l’obligation peut être transmise.
Titre 1 : La transmission de l’obligation
L’obligation représentant un élément du patrimoine, le créancier peut chercher à
tirer parti de cette valeur en la transmettant. Les opérations de transmission sont souvent
tenues pour complexes car ce sont des opérations à 3 personnes (« opérations juridiques
à 3 personnes » « opérations triangulaires »).
Ces 3 personnes sont :
- Le titulaire initial de l’obligation (créancier ou débiteur substituant)
- Le nouveau titulaire de l’obligation (remplaçant le titulaire initial)
- Le titulaire inactif
Ces opérations de transmission sont extrêmement répandues dans le monde des
a aires. Pourtant, le droit ne répond pas tj avec la souplesse souhaitée par les acteurs
économiques. C’est du moins le reproche qu’on lui faisait avant la réforme de 2016.
Notamment, la cession de créance était d’une pratique malaisée et, par ailleurs, la
transmission d’une dette ou d’un ensemble comprenant une dette apparaissait très
délicat.
Nettes améliorations par l’ordonnance de 2016.
Chapitre 1 : La transmission de la créance
Avant la réforme, les textes du CCiv relatifs à la cession de créance se trouvaient à
la n du chap du titre consacré à la vente (1698-1701), intitulé « Du transport des
créances et autres droits incorporels ». On assimilait donc cette cession de créance à une
vente. 1692 : « vente ou cession de créance ». 1693 : « celui qui vend une créance ».
Cession et vente sont synonymes.
En fait, on parle de vente lorsque l’opération porte sur une chose corporelle alors qu’on
parle plus volontiers de cession lorsque l’objet de la vente est un droit incorporel.
La créance est envisagée ici sous un aspect patrimonial, économique. On vend
une créance comme on vend un immeuble ou un fonds de commerce.
Di érence importante : celui qui achète une chose corporelle mobilière ou immobilière
peut en retirer une utilité immédiate. En revanche, lorsqu’on achète une créance, la
satisfaction que peut obtenir l’acheteur dépend d’une tierce personne, le débiteur.
L’acheteur est alors soumis à la bonne volonté ou à la solvabilité du débiteur.
Cette particularité fait comprendre pourquoi il est di cile de réduire la cession de
créance à une simple vente.
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Section 1 : La cession de créance
L’article 1321 du Code civil dé nit la cession de créance comme un « contrat par
lequel le créancier transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre
le débiteur cédé à un tiers appelé cessionnaire ».
Lorsque la cession de créance s’opère à titre onéreux, l’opération comporte souvent une
dimension spéculative.
En e et, le titulaire de la créance cherche à la mobiliser, c'est-à-dire à la transformer en
liquidités.
Il préfère encaisser immédiatement une somme inférieure sans prendre le risque de
l’insolvabilité du débiteur cédé.
En revanche, le cessionnaire, lui, va acheter une créance à un prix inférieur à montant
nominal et assumer le risque et les frais du recouvrement.
S’il parvient à recouvrer intégralement les sommes, il encaissera plus que ce qu’il a payé
pour devenir titulaire de la créance. Il réalisera ainsi un pro t qui justi e le risque qu’il a
pris.
La cession de créance peut aussi être utilisée à titre de garantie (on appelle
également cette gure la cession duciaire de créance).
Un débiteur souhaitant donner une garantie à son créancier, peut lui céder une créance à
terme. Si le débiteur paie le créancier initial, la créance cédée à titre de garantie revient
dans le patrimoine du cédant. En revanche, si le débiteur est défaillant, le créancier utilise
la créance qui lui a été cédée et l’exécute à son pro t. Le paiement reçu éteindra alors la
dette du débiteur à due concurrence. Ce mécanisme est protecteur du créancier dans la
mesure où la créance lui est transmise en pleine propriété.
Cependant, la jurisprudence refuse que la cession de créance soit utilisée à des
ns de garanties en dehors des cas où ce mécanisme a été prévu par la loi.
Elle estime que dans ce cas, l’opération constitue un nantissement de créance, c’est-àdire une sûreté organisée aux articles 2356 et s. du Code civil (v. Com. 19 décembre
2006, Bull. IV, n°250 ; Com., 26 mai 2010 n°09-13.388, Bull. IV n°94).
La cession de créance à titre de garantie a cependant été organisée par deux
mécanismes prévus par la loi :
- Il s’agit d’abord, depuis une loi du 2 janvier 1981, de la cession de créance
professionnelle par bordereau « Dailly » (du nom du sénateur Etienne Dailly, qui est à
l’origine de la loi). Cette opération est organisée aux articles L. 313-23 et s. du Code
monétaire et nancier. Elle permet de céder une créance professionnelle à un
établissement de crédit, notamment en vue de garantir le remboursement d’un crédit
obtenu auprès d’un établissement de crédit
- Il s’agit ensuite de la ducie-sûreté issue de la loi n°2007-211 du 19 fév. 2007,
instituant la ducie.
L’article 2372-1 du Code civil pose désormais que « la propriété d’un bien mobilier ou
d’un droit peut être cédée à titre de garantie d’une obligation en vertu d’un contrat de
ducie conclu en application des article 2011 à 2030 ». Une créance peut alors être
cédée à titre de garantie, par le constituant. Si la dette garantie n’est pas honorée, le
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C’est la raison principale pour laquelle les rédacteurs de l’ordonnance du 10 fév. 2016 ont
tenu à déconnecter la cession de créance de la vente et l’ont rattaché à un chapitre
intitulé « les opérations sur obligations ».
Ce faisant, la réforme marque plus nettement les relations étroites qui existent entre la
cession de créance et d’autres opérations assez proches qui, sans pouvoir être quali ées
de cession, ont tout de même pour nalité la transmission économique de la créance.
Il est cependant prévu d’introduire dans notre droit, le mécanisme de la cession de
créance de droit commun à titre de garantie. La loi Pacte n° 2019-486 du 22 mai 2019
autorise le Gouvernement à réformer le droit des sûretés par ordonnance dans un délai
de deux ans et prévoit de « consacrer dans le code civil la possibilité de céder une
créance à titre de garantie » (art. 16, 9°).
Nous n’envisagerons pas le détail de ces deux mécanismes particuliers.
Nous ne traiterons ici que de la cession de créance de droit commun, évoquée aux
articles 1321 à 1326 du Code civil.
A. Les conditions de la cession de créance
1. Les conditions de fond
Naturellement, la cession de créance doit avant tout satisfaire aux conditions
posées pour tout contrat à l’article 1128 du Code civil (capacité, consentement, contenu
licite et certain).
Si la cession de créance est une opération qui implique 3 personnes (cédant,
cessionnaire et cédé), ce n’en est pas moins un contrat parfait par le seul consentement
du cédant et du cessionnaire.
C’est ce qu’exprime le dernier alinéa de l’article 1321 du Code civil : « Le consentement
du débiteur n’est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible ».
a) La cessibilité de la créance
Le dernier alinéa de l’article 1321 pose le principe que « le consentement du
débiteur n’est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible ».
Sans doute faut-il distinguer les créances incessibles par nature des créances stipulées
incessibles.
Certaines créances sont incessibles et généralement insaisissables.
Ainsi, les rémunérations dues au titre d’un contrat de travail ne sont cessibles que dans
une certaine mesure. Les articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du Code du travail xent le
principe d’une fraction insaisissable et incessible et l’article R. 3252-2 précise la
proportion dans laquelle les rémunérations annuelles sont saisissables ou cessibles.
En outre, la cession de portion de salaire disponible doit être e ectuée selon des
modalités particulières précisées aux articles R.3252-45 et s. du Code du Travail.
De même, les prestations familiales sont incessibles aux termes de l’article L.553-4 du
Code de la sécurité sociale. Quant aux créances d’aliments, la jurisprudence les déclare
également incessibles car elles sont attachées à la personne du créancier.
Ce régime s’applique également aux créances de prestation compensatoire, la
Cour de cassation ayant admis qu’elles présentaient un caractère alimentaire (Civ. 2 juin
1985, D. 86, p.230).
On peut se demander si une créance devient incessible, du moins sans le
consentement du débiteur cédé, du seul fait qu’elle est marquée par un fort intuitu
personae (cela sera souvent le cas des créances portant sur une prestation de faire). Rien
ne permet de l’a rmer et dans l’hypothèse où la considération de la personne du
créancier est déterminante pour le débiteur, celui-ci aura tout intérêt à faire inscrire dans
le contrat générateur de la créance, l’incessibilité de cette dernière.
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duciaire, s’il est le créancier, acquiert la libre disposition de la créance qui lui a été
cédée à titre de garantie (art. 2372-3 du Code civil).
Le duciaire ne peut être qu’une banque, une compagnie d’assurance ou un avocat
(art. 2015 C. civ.)
L’article 1321 du Code civil pose, dans son dernier alinéa, que la créance peut être
déclarée incessible. Dans ce cas, elle ne pourra être cédée qu’avec le consentement du
débiteur cédé. Le contrat de cession de créance devient alors un contrat tripartite.
Une clause d’incessibilité n’a pas toujours pu être stipulée dans le contrat
générateur de la créance. En e et, cela était (encore tout récemment) rendu impossible,
entre commerçants, par l’ancien article L.442-6, II, c) : « Sont nuls les clauses ou contrats
prévoyant pour un commerçant [...] la possibilité d’interdire au cocontractant la cession à
des tiers des créances qu’il détient sur lui ».
Cette disposition était appréciée des praticiens en ce qu’elle permettait aux commerçants
de facilement mobiliser leurs créances, sans avoir à se soucier d’une éventuelle
interdiction.
Mais l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, en réformant les dispositions du Code
de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence, a supprimé cette
disposition. Cette suppression a été très largement critiquée.
b) La consistance de la créance
Le législateur de 2016 a manifestement souhaité faire preuve de la plus grande
souplesse. La généralité des textes incline à tenir pour cessible tout type de créance, qu’il
s’agisse d’une créance de somme d’argent ou d’une créance portant sur une prestation
de faire.
Il est vrai que s’agissant d’une prestation de faire, un certain intuitus personae peut
y être attaché (par exemple, un peintre s’est engagé à repeindre mon salon, je dois
pouvoir céder cette créance que j’ai contre lui. J’ai gagné un voyage. Je ne suis pas en
mesure d’en pro ter. Je dois pouvoir céder cette créance).
Ensuite, l’article 1321 admet que la cession puisse porter sur « tout ou partie » d’une ou
plusieurs créances. Dans le cas où le créancier ne cède qu’une partie de sa créance, il
vient alors en concurrence avec le cessionnaire pour le paiement de sa créance contre le
débiteur cédé.
Le point le plus délicat a toujours été la cessibilité d’une créance future. L’article
1321 pose que la cession « peut porter sur une créance présente ou future, déterminée
ou déterminable ».
Tout laisse penser que la déterminabilité de la créance n’est ici avancée que pour
restreindre le champ des créances futures susceptibles d’être cédées. En e et, la
déterminabilité de l’objet de la prestation est une exigence générale posée à l’article 1163
du Code civil.
En revanche, il n’est guère possible d’admettre la cessibilité d’une créance future si elle
est incertaine.
Ainsi en est-il des créances éventuelles, qu’il faut bien distinguer des créances
conditionnelles.
Ainsi, une créance sous condition suspensive ou résolutoire peut fort bien être
cédée. Par exemple, une commission est promise à une personne si une vente est
réalisée par son intermédiaire. Cette créance est conditionnelle car subordonnée à la
conclusion de la vente. Une telle créance peut être cédée.
En revanche, la créance éventuelle est une créance qui ne se contente pas d’être
future mais qui est également incertaine. La jurisprudence n’a jamais adopté une position
de principe à leur sujet.
Ainsi, il serait impossible de céder les loyers d’un immeuble pour lequel le contrat de bail
n’est pas encore conclu.
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Au contraire, en présence d’un bail, il est possible de céder les loyers non échus.
De même, un auteur ne peut céder les droits d’auteur d’une œuvre non encore créée ou
en l’absence d’un contrat d’édition. Un entrepreneur ne pourra pas céder la créance du
prix de travaux non encore déterminés et pour lesquels aucun contrat n’est signé.
D’une façon générale, la jurisprudence qui, dès le XIXème siècle, a eu à connaître
de nombreuses hypothèses de ce genre, s’est montrée hostile à cette cession de créance
éventuelle, consistant en une simple espérance.
La Cour de cassation a ni par admettre que des créances futures ou éventuelles
puissent faire l’objet d’une cession, sous réserve de leur su sante identi cation (cf. Civ
1ère, 20 mars 2001, D. 2001, 3110, Aynès).
En n, l’article 1321 énonce que la cession « s’étend aux accessoires de la
créance ». Cette règle existait précédemment à l’article 1692 du Code de 1804 qui
toutefois donnait des exemples d’accessoires. Il citait la caution, le privilège et
l’hypothèque. La liste n’était pas limitative. Toute sûreté garantissant le paiement de la
créance est concernée, à moins, bien sûr, qu’il s’agisse d’une sûreté non accessoire, telle
que la garantie autonome.
Cependant, céder une créance, ce n’est pas céder la position contractuelle dans le
contrat générateur de la créance.
La Cour de cassation l’a rappelé récemment : « la cession d’une créance ne confère pas
au cessionnaire qualité pour défendre, en l’absence du cédant, à une demande de
résolution du contrat dont procède cette créance ».
À l’inverse, on doit pouvoir admettre la possibilité pour les parties d’exclure
conventionnellement tel accessoire du champ de la cession.
Si la créance future doit être distinguée de la créance éventuelle, la créance
éventuelle doit également être distinguée de la créance litigieuse.
La créance litigieuse est une créance incertaine car elle est contestée en justice. On parle
alors de droit litigieux. La cession possède alors un caractère fortement spéculatif
puisque le cessionnaire aura payé le droit (ici la créance) à un prix très faible dans l’espoir
que, une fois le procès gagné, il puisse l’exécuter pour un montant beaucoup plus élevé.
Pothier désigne ces cessionnaires par l’expression péjorative « acheteurs de procès ». La
loi organise alors, à l’article 1699 du Code civil, le « droit de retrait litigieux ». Dans ce cas,
le cédé (débiteur) peut se contenter de rembourser au cessionnaire le prix réel de la
cession.
Il s'agit ici de moraliser la cession en empêchant les situations de spéculation débridée.
Le retrait litigieux tend à mettre un terme au litige.
Notez que la gure n’est pas réservée à la cession de créance. L’article 1699 ne se
limite pas à la cession de créance litigieuse mais englobe plus largement les cessions de
droit (qu’ils soient personnels ou réels) litigieux. C’est la raison pour laquelle ce texte n’a
pas été abrogé mais est demeuré dans un Chapitre du Code civil désormais intitulé « Du
transport de certains droits incorporels, des droits successifs et des droits litigieux ».
[Pour une cession de droit réel litigieux, v. Civ. 3ème, 19 novembre 2015, Contrats,
concurrence, consommation fév. 2015, n°28].
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2. Les conditions de forme
L’article 1322 du Code civil introduit une condition de forme inédite à l’égard de ce
type de contrat puisqu’il pose que « la cession de créance doit être constatée par écrit, à
peine de nullité ». Ce faisant, le Code civil crée un nouveau contrat solennel.
Les raisons de cette évolution tiennent à la disparition de l’exigence de la
signi cation de la cession de créance au débiteur cédé pour rendre la cession opposable
aux tiers. Comme on va le voir, la cession de créance est désormais opposable aux tiers
sans formalité et dès le jour où elle est conclue.
Il est apparu nécessaire d’imposer en contrepartie, que la cession soit conclue par
écrit. Rien n’est précisé quant au contenu de cet écrit mais on peut supposer que l’acte
devra contenir l’identi cation de la créance cédée, l’identi cation des parties à l’opération
et, bien entendu, sa date. Ce formalisme applicable à la cession de créance devrait
logiquement être étendu à la promesse de cession de créance, dès lors qu’elle contient
d’ores et déjà le consentement des parties.
B. Les e ets de la cession de créance
La cession de créance est un contrat conclu entre deux personnes, le cédant et le
cessionnaire, mais il produit des e ets majeurs à l’égard d’une troisième personne, le
débiteur (qu’on appelle également le cédé).
Il y a lieu ici de distinguer les e ets que produit la cession de créance entre les parties, et
à l’égard du débiteur ou des tiers.
1. Les e ets de la cession de créance inter partes
Inter partes, les e ets de la cession de créance sont classiques et sont encore très
in uencés par les règles de la vente qui, si elles ne s’appliquent plus à la cession de
créance, n’en restent pas moins prégnantes.
Ainsi, comme dans une vente, l’e et principal de la cession, c’est le transfert de la
créance du cédant vers le cessionnaire. Comme un acheteur, le cessionnaire, du moins
lorsque la cession s’e ectue à titre onéreux, doit payer le prix. Et comme un vendeur, le
cédant est tenu à garantie.
a) Le transfert de la créance
Le transfert de la créance c’est l’opération par laquelle le cédant cesse d’en être
titulaire et par laquelle le cessionnaire lui succède et en devient titulaire.
Cette transmission s’opère, comme le transfert de propriété dans la vente, au moment
même où le contrat est conclu, c'est-à-dire solo consensu.
C’est ce qu’exprime l’article 1323 : « Entre les parties, le transfert de la créance
s’opère à la date de l’acte ».
Il n’en va di éremment qu’à l’égard des créances futures dont le transfert n’a lieu qu’au
jour de leur naissance, ainsi que l’exprime le dernier alinéa de l’article 1323 du Code civil.
b) L’obligation de garantie
L’article 1326 du Code civil reprend, au sujet de la garantie, l’essentiel des règles
qui prévalaient avant 2016.
À cet égard, il y a lieu de distinguer la garantie légale de la garantie conventionnelle.
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i.
La garantie légale
Très classiquement, si la cession de créance s’opère à titre gratuit, le cédant ne
doit pas garantie (Comp. l’adage populaire : « A cheval donné, on ne regarde pas les
dents »).
En revanche, si la cession s’opère à titre onéreux, le cédant doit garantir
l’existence de la créance et de ses accessoires (article 1326). Cela signi e que, sauf
stipulation contraire, le cédant n’est pas garant de la solvabilité du débiteur. Dès lors, la
garantie jouera si la créance est déjà éteinte au jour de la cession, par exemple par
prescription ou par compensation ou si la créance est entachée de nullité (par exemple
pour vice du consentement).
L’existence de la créance sera appréciée au jour de la cession. En conséquence,
un évènement ultérieur ne saurait engager la responsabilité du cédant.
Le cédant est également garant de l’existence des suretés accessoires de la créance.
ii. La garantie conventionnelle
Des clauses du contrat de cession peuvent fort bien restreindre la garantie ou bien
l’augmenter.
Les parties peuvent d’abord insérer dans la convention une clause de non-garantie.
L’article 1326 ne prévoit cependant que deux cas dans lesquels la garantie ne sera pas
due :
- Si le cessionnaire a acquis la créance à ses risques et périls
- S’il connaissait le caractère incertain de la créance
L’acquisition de la créance aux risques et périls du cessionnaire fait penser à
l'hypothèse de l'article 1629 du Code civil qui pose que : « Dans le même cas de
stipulation de non-garantie, le vendeur, en cas d'éviction, est tenu à la restitution du prix, à
moins que l'acquéreur n'ait connu lors de la vente le danger de l'éviction ou qu'il n'ait
acheté à ses périls et risques ».
Dès avant la réforme, la jurisprudence, étendant ici les règles de la vente (art 1629),
décidait que la garantie n’était pas due dans les cas de cession aux risques et périls du
cessionnaire d'une certaine quantité de créances plus ou moins recouvrables. Cette JP a
été xée au XIXème siècle.
La garantie ne jouera pas non plus si le cessionnaire connaissait le caractère
incertain de la créance. Une telle disposition incitera certainement les cédants à dévoiler
dans le contrat toutes les in rmités de la créance qu’il cède.
À côté des clauses qui restreignent la garantie, existent d'autres clauses qui
accroissent l'étendue de la garantie conventionnelle par rapport à la garantie légale.
En matière de cession de créance, ces stipulations présentent un intérêt particulier car les
dispositions légales obligent seulement le cédant à garantir l'existence de la créance et
des sûretés. En revanche, le Code civil n'oblige pas le cédant à garantir la solvabilité du
débiteur.
Or, c'est là un élément essentiel pour le cessionnaire. Il su t que le débiteur soit
insolvable pour que la créance perde sa valeur.
Il faut donc permettre aux parties d'étendre la garantie en prévoyant dans le contrat que
le cédant sera garant de la solvabilité du débiteur. Ici, la situation du cessionnaire est très
forte. Le danger est alors pour le cédant qui sera assigné en garantie en cas
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d'insolvabilité du débiteur.
On peut ainsi craindre que des usuriers ne se fassent céder à bas prix des
créances di cilement recouvrables tout en stipulant que le cédant sera garant de la
solvabilité du débiteur.
Aussi la loi a-t-elle prévu une série de dispositions protectrices du cédant :
- D’abord, la garantie conventionnelle de solvabilité du débiteur ne joue qu'à
concurrence du prix de cession et non pas de la valeur nominale de la créance (article
1326 al.2 C. civ.)
- En vertu de l'article 1326 al.3, la garantie conventionnelle ne s'entend normalement
que de la solvabilité actuelle du débiteur, c'est-à-dire de sa solvabilité au moment de la
cession
Pour que cette garantie concerne également la solvabilité future (c'est-à-dire la
solvabilité à l'échéance de la créance), il faudrait le prévoir expressément, et encore,
cette garantie ne pourrait pas être indé nie : si le cessionnaire néglige de poursuivre le
recouvrement de la créance à l'échéance et si, ultérieurement, le débiteur devient
insolvable, la garantie du cédant ne jouera sans doute pas, même s'il avait promis la
solvabilité future du débiteur. La JP considérait, avant la réforme, qu'il y avait faute de
négligence du cessionnaire, ce qui le privait de son recours. On peut penser que cette
jurisprudence se maintiendra
2. Les e ets de la créance à l’égard du débiteur et des tiers
C’est ici que s’observent les changements majeurs issus de l’ordonnance de 2016
en matière de cession de créance.
Naturellement, le débiteur cédé doit être averti de la cession de créance a n qu’il sache
entre les mains de qui il peut valablement se libérer.
Dès lors, tant que la cession ne lui est pas dénoncée, il est logique qu’il puisse continuer
à s’acquitter de sa dette envers le cédant.
a) L’opposabilité de la cession
Avant la réforme, la cession n’était opposable au débiteur et aux tiers qu’après
mise en œuvre d’un formalisme assez lourd, qui était exprimé à l’article 1690 ancien du
Code civil.
En e et, la cession de créance ne leur était opposable qu’à compter de la signi cation de
la cession faite au débiteur ou bien l’acceptation de la cession par le débiteur dans un
acte authentique.
La signi cation imposait le recours à un exploit d’huissier, ce qui était extrêmement lourd.
C’est du reste pour cette raison que la pratique s’était détournée de la cession de
créance au pro t d’autres mécanismes (notamment la subrogation) moins formalistes.
C’était aussi la raison pour laquelle il avait été tant souhaité un mécanisme simpli é en
matière commerciale, mécanisme qui a vu le jour en 1981 avec la loi dite « Dailly » (du
nom de son promoteur) qui a institué la cession de créances professionnelles par
bordereau (codi ée aux articles L. 313-23 et s. du Code monétaire et nancier). Toujours
est-il que la cession de créance de droit commun était extrêmement critiquée pour la
lourdeur des conditions d’opposabilité de la cession aux tiers et au débiteur. C’est ce que
l’ordonnance de 2016 a souhaité réformer.
Désormais, la cession de créance est opposable au débiteur au moment où elle lui est
noti ée ou bien au moment où il en a pris acte (art. 1324).
Quant aux autres tiers, la cession leur est opposable dès sa conclusion, à la date de
l’acte (art. 1323).
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Dès lors, la signi cation de la cession au débiteur est remplacée par une
noti cation, c'est-à-dire le simple fait de porter la cession à la connaissance du débiteur,
quelles que soient les formes que prennent cette noti cation (lettre simple, lettre
recommandée, courriel, etc.), l’important étant de conserver une trace de cette
noti cation a n d’être en mesure d’en rapporter la preuve.
Par ailleurs, la formalité de l’acceptation dans un acte authentique a été remplacée
par la prise d’acte de la cession par le débiteur cédé, c'est-à-dire la reconnaissance de la
cession par le débiteur.
On voit bien que dans les deux cas (noti cation ou prise d’acte), il y a un acte positif. Dès
lors, le simple fait d’établir que le débiteur avait connaissance de la cession ne su ra pas
pour la lui rendre opposable.
L’article 1324 du Code civil évoque une 3ème circonstance susceptible de rendre la
cession opposable au débiteur : son consentement à la cession. À cet égard, la
formulation de l’article 1324 est plutôt maladroite. L’expression « s’il n’y a déjà consenti »
pourrait laisser entendre que le débiteur pourrait consentir par anticipation à la cession. À
supposer que cela soit possible, on ne voit pas, en telle circonstance, quand la cession
pourrait lui devenir opposable.
Par ailleurs, il importe que la cession de créance n’aggrave pas la charge qui pèse
sur le débiteur alors que celui-ci n’est pas partie à la cession et n’est pas en mesure de
s’y opposer.
Le législateur a souhaité mettre en œuvre un principe de neutralité de la cession de
créance à l’égard du débiteur. Ainsi, l’article 1324 du Code civil pose que le débiteur n’a
pas à faire l’avance des frais supplémentaires occasionnés par la cession. Ces frais sont
à la charge exclusive du cédant et du cessionnaire qui, à l’égard des tiers, en sont
solidairement tenus tandis que, entre eux, la charge dé nitive en incombe au
cessionnaire, sauf clause contraire.
En n, le Code règle la question du con it éventuel entre cessionnaires d’une même
créance. La règle posée à l’article 1325 est que ce con it se résout en faveur du premier
en date, c'est-à-dire de celui dont la cession est la plus ancienne ? La preuve de la date
des actes pourra être rapportée par tous moyens.
Si le débiteur a payé celui dont l’acte est le plus récent, celui-ci, qui a reçu paiement,
pourra être tenu de payer le cessionnaire premier en date.
b) Le maintien des exceptions
Si la cession opère un changement de créancier, ce changement n'altère pas la
nature et les modalités du lien obligatoire qui existait auparavant.
Le caractère translatif de la cession de créance s'oppose au caractère extinctif de
certaines opérations telles que la novation par changement de créancier qui elle, au
contraire, crée une nouvelle obligation à la place de l’ancienne.
Après la cession de créance, ce n'est plus le même créancier mais c'est toujours la
même créance. Comme pour toutes les opérations translatives de droit, on doit se référer
à l'adage « Nemo plus juris ad alium tranferre potest quam ipse habet ».
Ainsi, le cessionnaire acquiert les droits du cédant mais pas davantage. La situation de
cessionnaire ne peut être meilleure que ne l'était celle du cédant.
De ce fait, le débiteur cédé conserve la possibilité d'invoquer contre le cessionnaire les
exceptions qu'il pouvait faire valoir contre le cédant. Il en est ainsi principalement lorsque
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la créance cédée est entachée de nullité ou bien se trouve déjà éteinte au moment de la
cession.
Ainsi l’article 1324 du Code civil pose que « le débiteur peut opposer au
cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette [...]. Il peut également opposer les
exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue
opposable... ».
La situation du cessionnaire apparaît ainsi entachée d'une certaine précarité. Non
seulement il court le risque d'insolvabilité du débiteur, mais il court également le risque
supplémentaire que ce même débiteur refuse de payer en déclarant que la dette est nulle
ou qu'elle est éteinte.
Toutefois, certains tempéraments viennent atténuer ces inconvénients. Ainsi, il
serait particulièrement choquant pour le cessionnaire de se voir opposer la
compensation.
(En e et, comme nous le verrons bientôt, quand deux personnes sont simultanément
créancière et débitrice de l'autre, leur créance respective s'éteint par compensation à
concurrence de la plus faible).
Si le débiteur était en même temps créancier du cédant, la dette a donc pu se trouver
éteinte par compensation. Cette cause d'extinction peut être invoquée par voie
d'exception.
Cela dit, le législateur n'a pas voulu que le débiteur cédé puisse trop facilement refuser
de payer le cessionnaire en invoquant l'extinction de la dette par la voie de la
compensation.
Ainsi, l'article 1347-5 C. civ. (section "La compensation") distingue selon que le débiteur
cédé a pris acte ou non de la cession :
- Si le débiteur cédé a pris acte sans réserve de la cession de la créance, il ne peut plus
opposer au cessionnaire après acceptation, la compensation qu'il aurait opposé au
cédant
- Il en va di éremment si la cession a été simplement noti ée au débiteur cédé. Dans ce
cas, la compensation pourra s'opérer mais seulement pour les créances nées
antérieurement à cette noti cation
Cette distinction est tout à fait justi ée. Il serait regrettable qu'un débiteur qui a pris
acte de la cession sans aucune réserve puisse ensuite éluder le paiement en soutenant
que la dette était éteinte.
On aurait pu imaginer que le législateur pose en principe qu'après prise d’acte, le
débiteur ne puisse invoquer la nullité de l'obligation ou son extinction pour une cause
quelconque. Mais la loi n'a prévu que le cas de la compensation.
Dans les autres cas, le débiteur, même s'il a pris acte de la cession, garde la
possibilité de se prévaloir des exceptions, sauf s'il s'est engagé personnellement envers
le cessionnaire.
Sous l’empire du droit antérieur à la réforme, un correctif avait été imaginé par la
doctrine et adopté par la jurisprudence : si le débiteur acceptait la cession (ce qui revient
aujourd’hui à en prendre acte) sans faire connaître l'existence d'une exception qu'il
connaît parfaitement, on pouvait estimer qu'il commet une faute caractérisée qui cause
un préjudice au cessionnaire. Une sanction adaptée pourrait être alors de lui interdire
d'opposer au cessionnaire les exceptions qu'il pouvait opposer au cédant (V. Com., 13
février 1996, JCP 1996, II, 22725).
Ici, la légèreté du débiteur cédé, n'informant pas le cessionnaire des évènements
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susceptibles de réduire le montant de la créance cédée, permet l'application des règles
de la responsabilité civile et prive le débiteur cédé du béné ce de l'opposabilité des
exceptions.
Section 2 : Les opérations voisines (novation, délégation, mandat, subrogation)
À bien des égards, la cession de créance possède des traits communs avec la
novation, la délégation, le mandat et la subrogation, voire la stipulation pour autrui.
§1 - La novation par changement de créancier
Traditionnellement, on rapproche ces deux opérations car elles concourent au
même résultat économique, par des moyens juridiques di érents.
La cession de créance a supplanté de nos jours la novation par changement de créancier
qui est un moyen indirect et plus complexe.
Pour les Romains, l’obligation était un lien personnel entre un créancier et un débiteur. Un
tel lien ne pouvait pas se transmettre directement. On retrouve cette idée aujourd’hui
avec les contrats conclus intuitu personae.
Les juristes romains ont utilisé ce moyen détourné qu’est la novation.
La novation n’est pas un mode de transmission de l’obligation, c’est un mode
d’extinction de l’obligation.
Mais il s’agit d’un mode particulier d’extinction de l’obligation car si l’obligation initiale est
éteinte, on fait naître immédiatement une nouvelle obligation distincte de l’ancienne et
comportant un élément nouveau (aliquid novi), tel qu’une nouvelle obligation entre les
mêmes parties ou bien un changement de débiteur ou un changement de créancier
(article 1329 C. civ.).
C’est donc la novation par changement de créancier qui est assez proche de la
cession de créance.
Des di érences importantes existent toutefois :
- D’abord, la cession de créance transmet les droits mêmes du créancier avec tous les
accessoires (art 1321) (garanties, sûretés)
Dans la novation, au contraire, la créance initiale est éteinte. Elle disparaît avec ses
accessoires. Il n’y a pas de transmission des sûretés dont béné ciait l’ancien créancier
Cependant, l’article 1334 alinéa 2 du Code civil prévoit que « par exception, les sûretés
d’origine peuvent être réservées pour la garantie de la nouvelle obligation avec le
consentement des tiers garants »
- Une 2ème di érence apparaît : la cession de créance a lieu sans le consentement du
débiteur. Au contraire, la novation par changement de créancier nécessite l’intervention
du débiteur, lequel doit s’engager personnellement envers le nouveau créancier (article
1333 C.civ.). Cependant, le débiteur peut fort bien accepter par avance que le nouveau
créancier soit désigné par le premier.
Les formalités propres à la cession de créance (noti cation au débiteur, prise
d’acte par celui-ci) ne sont donc pas applicables à la novation.
Par ailleurs, la novation est de plein droit opposable aux tiers à la date de l’acte (art. 1333
al.2).
D’une manière générale, la novation se révèle moins bien adaptée à la vie moderne
des a aires que ne l’est la cession de créance.
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Toutefois, la novation continue à jouer un rôle intéressant dans le cas où les parties
veulent éteindre dé nitivement un lien d’obligation initial pour en substituer un nouveau.
§2 - La délégation
La délégation est une opération dont la nature et le régime n’ont pas été
bouleversés par la réforme mais qui ont été précisés.
A. La nature de la délégation
Selon l’article 1336 du Code civil, « la délégation est une opération par laquelle une
personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une
troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur »
On s’aperçoit immédiatement, par cette dé nition, que la délégation fait intervenir
trois personnes qui doivent toutes trois manifester leur consentement à l’opération pour
que celle-ci puisse exister en tant que telle. Ce triple consentement s’exprime à travers
un double accord de volonté :
- Un accord délégant-délégué (pour que le délégué prenne un engagement envers le
délégataire),
- Un accord délégué-délégataire (par lequel le délégataire accepte le délégué pour son
débiteur)
Cet enchaînement caractérise toute délégation et la distingue de tout autre
mécanisme juridique.
Créance
Délégant
Délégataire
Exécution de la
dette du délégant
Délégué
À partir de ce schéma de base, la délégation peut naître de circonstances très
diverses. Toutefois, il en est une qui est plus répandue que les autres : c’est le cas où une
personne est à la fois débitrice d’une seconde personne et créancière d’une troisième.
A n d’éteindre sa dette, la première personne va demander à son débiteur de la prendre à
son compte en s’engageant envers son créancier.
On dira qu’elle délègue son débiteur à son créancier. Si ce dernier accepte, l’opération de
délégation est née.
On a ainsi économisé un déplacement de fonds. La délégation possède dans ce cas une
fonction simpli catrice qui la rapproche de la compensation.
Imaginons par exemple qu’une personne ait acheté une maison en viager. Du
vivant du crédirentier, l’actuel propriétaire de la maison décide de la revendre. Il peut fort
bien proposer à l’acquéreur d’éteindre partiellement sa dette de paiement du prix en
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payant la rente due au crédirentier. Dans ce cas, le vendeur est délégant, l’acquéreur est
délégué et le crédirentier est délégataire.
La description de ce mécanisme fait immédiatement penser à d’autres techniques
plus connues du droit des obligations.
De fait, la délégation a longtemps été utilisée, notamment en droit romain, comme un
palliatif de l’impossibilité de céder ses créances ou ses dettes.
En e et, pour les romains, l’obligation doit être gagée sur la personne même du débiteur
et non pas sur son patrimoine. Il en résultait une intransmissibilité des créances et des
dettes.
Pour qu’une créance ou une dette change de titulaire, il fallait d’abord qu’elle s’éteigne
pour ensuite donner naissance à une nouvelle créance ou une nouvelle dette de même
nature. La délégation était utilisée dans cet esprit.
Lorsque la possibilité de céder directement ses créances apparut en droit romain, la
délégation déclina très vite.
Dans l’ancien droit, elle fut peu utilisée et de toute façon, on la confondait totalement
avec la novation. Il fallut attendre le Code civil pour la voir réapparaître.
Le Code civil de 1804 distinguait deux types de délégation :
- D’une part une délégation de droit commun créant sur l’ordre d’une personne un lien
d’obligation nouveau entre deux personnes (délégué et délégataire) dont l’une devient
débitrice de l’autre,
- D’autre part, une délégation opérant novation et dans laquelle le débiteur initial
(délégant) est libéré de son obligation envers le créancier (délégataire) en lui présentant
un nouveau débiteur (le délégué)
La première forme de délégation était dite simple ou ordinaire tandis que la
seconde, plus formaliste, était dite parfaite dans la mesure où elle libère le débiteur initial.
Elle suppose qu’une obligation nouvelle se substitue à une obligation ancienne qui est
éteinte. C’est pourquoi on l’appelle également délégation novatoire.
La réforme de 2016 ne change rien à cette distinction. L’article 1337 du Code civil
indique que la délégation opère novation lorsque deux conditions sont réunies :
- Le délégant est débiteur du délégataire,
- Le délégataire décharge expressément le délégant
C’est ce que l’on appelle la délégation novatoire.
En revanche, l’article 1338 a rme qu’en l’absence de libération expresse du
délégant par le délégataire, la délégation a pour e et de donner au délégataire un second
débiteur. C’est alors une délégation simple.
Une lecture a contrario des dispositions nouvelles permet d’a rmer que la
délégation peut parfaitement exister, même si le délégant qui prend l’initiative de
l’opération ne possède aucun lien juridique préalable avec le délégataire ou avec le
délégué.
En e et, les articles 1337 et 1338 commencent ainsi : « lorsque le délégant est
débiteur du délégataire » et l’article 1339 : « lorsque le délégant est créancier du
délégué... » laissant comprendre qu’il peut parfaitement en être autrement.
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Lorsque le délégant n’est pas débiteur du délégataire ou lorsque le délégué n’est
pas débiteur du délégant (Com 21 juin 1994), on peut se demander quel intérêt la
délégation peut présenter pour eux ?
Qu’est-ce qui pousse le délégué, lorsqu’il n’est pas débiteur du délégant, à accepter de
s’engager envers le délégataire ?
En réalité, il peut fort bien s’obliger « animo credendi », c'est-à-dire en vue de la créance
qu’il acquerra contre le délégant par l’e et de son engagement (on rencontre cette
hypothèse lorsqu’une banque s’engage pour un client à payer une dette), soit « animo
donandi », pour grati er le délégant.
De même, le délégant peut agir pour acquérir une créance contre le délégataire ou bien
pour le grati er.
On observe par conséquent un élément invariable dans le mécanisme de la
délégation, et ce, qu’elle se gre e ou non sur des rapports juridiques préexistants : elle a
pour objet de faire naître une obligation entre le délégué et le délégataire. Les relations qui
apparaissent entre ces deux personnes n’empruntent pas le moule d’un rapport juridique
préexistant. Au contraire, elles établissent un rapport nouveau, direct, autonome.
On voit clairement que la délégation ressemble à plusieurs opérations et
notamment, la cession de créance et la cession de dette.
En e et, lorsque la délégation se gre e sur des rapports juridiques préexistants, on
identi e clairement entre le délégant et le délégué, une volonté de faire passer une dette
de l’un à l’autre (d’une situation où le délégant était débiteur du délégataire, la délégation
permet d’arriver à une situation où c’est le délégué qui devient débiteur du délégataire).
À l’inverse, dans les rapports entre le délégant et le délégataire, le but de l’opération de
délégation est de rendre le délégataire titulaire de la créance que possède le délégant sur
le délégué.
Il serait alors facile de ramener la délégation à deux opérations concomitantes dont l’une
serait une cession de dette et l’autre, une cession de créance. Pour cette dernière, on
serait depuis longtemps en territoire connu.
Pour le versant cession de dette, cela justi ait, avant 2016, l’idée souvent exprimée
selon laquelle la délégation est l’une des rares exceptions à un principe
d’intransmissibilité passive de l’obligation en droit français (même si ce principe, fort au
XIXème siècle, s’était beaucoup émoussé tout au long du XXème siècle).
Mais les lacunes d’un tel raisonnement apparaissent très vite :
- Si l’on admettait que le délégant cède au délégataire sa créance sur le délégué, on
admettrait alors l’existence d’un accord de volonté entre le délégant et le délégataire.
Or, précisément, la délégation ne postule aucune relation juridique nouvelle entre ces
deux parties. Il n’y a donc pas de cession de créance dans la délégation
- Par ailleurs, dans la délégation simple, le lien contractuel initial (s’il existe) ne disparaît
pas et le délégataire béné cie de deux engagements distincts. Il ne s’agit donc pas
d’une transmission ou d’un transfert de la position contractuelle (CIV 3ème 12 déc.
2001)
- Dans la délégation novatoire, le lien d’obligation initial disparaît dé nitivement sans
passer sur la tête du délégué. Celui-ci s’engage dans un nouveau rapport juridique,
di érent du premier. On ne pourra donc pas non plus parler de transmission
- Au demeurant, la délégation peut naître en dehors de rapports juridiques préexistants.
Une telle observation, à elle seule, détruit toute possibilité d’analyser la délégation en
une opération de transmission d’obligations
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Cela ne doit pas pour autant nous faire oublier que lorsque le délégué exécute son
obligation envers le délégataire, il le fait généralement pour éteindre sa dette envers le
délégant et de fait, sa dette initiale disparaît au même moment. Ainsi, la prestation qu’il
fournit au délégataire s’adresse également au délégant puisqu’il éteint ses deux dettes en
un seul paiement.
Un auteur l’avait très bien exprimé au début du XXème siècle : « Bien que ce soit le
délégué qui s’engage et qui paie, en réalité, c’est le délégant qui fournit une valeur au
délégataire ».
B. Les e ets de la délégation
S’agissant d’une opération à trois personnes, la délégation va produire des e ets
dans trois rapports : le rapport délégué-délégataire (celui qui est la raison d’être de la
délégation), le rapport délégant-délégataire et en n le rapport délégant-délégué.
1. Les e ets dans le rapport délégué-délégataire
C’est dans ce rapport que se remarque une di érence fondamentale entre la
délégation et la cession de créance.
On se souvient des points de ressemblance entre la délégation et la cession de créance,
le délégant pouvant être perçu comme cédant au délégataire sa créance contre le
délégué.
Cependant, dans la cession de créance, le cessionnaire n’est investi que du droit qui
appartenait au cédant. Le cessionnaire étant un ayant-cause à titre particulier du cédant,
le cessionnaire recueille la créance telle qu’elle existait, avec ses tares éventuelles mais
également toutes les sûretés qui peuvent y être attachées. C’est pourquoi le débiteur
cédé peut lui opposer les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant et notamment
celles qui tiennent à l’extinction de la créance antérieurement à la cession.
Au contraire, dans la délégation, le droit du délégataire envers le délégué provient
exclusivement d’un engagement direct et nouveau du délégué, interdisant à celui-ci
d’invoquer une exception tirée de ses rapports avec le délégant.
C’est la grande règle de l’inopposabilité des exceptions. Ainsi, le délégué ne
pourrait pas tirer argument de l’éventuelle invalidité de sa dette envers le délégant pour
échapper à sa dette envers le délégataire.
À l’époque encore récente où la cause de l’obligation était un conçue par le Code civil
comme une condition essentielle à la validité des conventions (ancien art. 1108 C. civ.)
cette solution pouvait étonner. On a d’ailleurs tenté de faire valoir que l’invalidité (la nullité,
par exemple) du rapport délégant-délégué faisait disparaître la cause de l’engagement du
délégué envers le délégataire. De fait, si le délégué s’engage envers le délégataire, c’était
bien pour éteindre sa dette envers le délégant. S’il apparaît qu’il n’est pas débiteur du
délégant, le délégué n’a plus aucune raison de s’engager envers le délégataire. Il devrait
pouvoir faire valoir l’absence de cause de son engagement.
Pourtant, la Cour de cassation l’a toujours refusé. Ainsi a rmait-elle (avant
l’ordonnance de 2016), Com 22 avril 1997 : « ...attendu que, dans la délégation de
créance, le délégué ne peut opposer au délégataire les exceptions nées de ses rapports
avec le délégant ».
Lorsqu’une obligation demeurait valable en dépit de l’absence ou de la disparition
de sa cause, on parlait d’une « obligation abstraite ».
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S’il a toujours été admis que le délégué ne puisse opposer au délégataire une
exception tirée de ses rapports avec le délégant, la Cour de cassation semblait admettre,
avant la réforme, que le délégué puisse opposer une exception tirée des rapports
délégant-délégataire, par exemple en établissant que la dette du délégant envers le
délégataire était éteinte ou frappée de nullité.
Ainsi, la Cour de cassation a rmait, CIV 1ère 17 mars 1992 : « Attendu que, sauf
convention contraire, le délégué est seulement obligé au paiement de la dette du délégant
envers le délégataire, et qu'il se trouve déchargé de son obligation lorsque la créance de
ce dernier est atteinte par la prescription ».
La Cour de cassation validait ainsi une conception particulière de la délégation, par
laquelle, sauf clause contraire, le délégué ne s’engagerait à verser au délégataire que ce
que le délégant devait lui-même au délégataire.
Dans ce cas, la dette du délégué est à la mesure de la dette du délégant envers le
délégataire et s’il apparaît que le délégant ne doit rien au délégataire, le délégué peut
alors prétendre être libéré envers le délégataire. Cette gure est ce que l’on a appelé la
« délégation incertaine ». La délégation ne devenait « certaine » que lorsqu’on prenait soin
(conventionnellement) de décorréler la dette du délégué envers le délégataire de la dette
du délégant envers le délégataire.
Toutefois, le nouvel article 1336 alinéa 2 du Code civil devrait désormais mettre un
terme à cette jurisprudence favorable au délégué puisque le texte pose désormais : « Le
délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée
de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire ».
Du reste, dans un arrêt récent pourtant rendu sur le fondement des textes
antérieurs à l’ordonnance, la Cour de cassation a rme, CIV 3ème 7 juin 2018 : « ... le
délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le
délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire... »
La Cour de cassation a donc condamné la théorie de la délégation incertaine avant
même d’avoir à faire application des textes nouveaux. La règle de l’inopposabilité des
exceptions s’en trouve ainsi renforcée.
2. Les e ets dans le rapport délégant-délégataire
Sur ce point, l’ordonnance de 2016 reprend dans ses grandes lignes les solutions
antérieures et notamment la fameuse distinction entre délégation simple (ou imparfaite) et
délégation novatoire (ou parfaite).
Deux hypothèses :
Soit le délégataire accepte la délégation dans le but de décharger le délégant. Dans
ce cas, il doit exprimer, dans l’acte de délégation, sa volonté de libérer le délégant. La
délégation opère alors novation (art. 1337 C. civ).
Dès lors, si le délégué était défaillant, le délégataire ne pourrait plus se retourner contre le
délégant puisqu’il l’a déchargé. Il en va toutefois di éremment dans deux circonstances :
- Si le délégant s’est expressément engagé à garantir la solvabilité future du délégué,
- S’il apparaît que, au jour de la délégation, le délégué se trouvait déjà soumis à une
procédure d’apurement de ses dettes (procédure collective, procédure de
surendettement des particuliers)
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Dans ces deux hypothèses, l’expression « le délégant demeure tenu » laisse
entendre que son obligation ne s’est pas éteinte. Par conséquent, le délégataire devrait
alors pouvoir pro ter des garanties qui y sont attachées.
Soit le délégataire n’a jamais entendu libérer le délégant.
Dans ce cas – que l’on quali e de délégation simple – « la délégation donne au
délégataire un second débiteur » (art. 1338 C. civ.).
Le délégant et le délégué sont codébiteurs du délégataire. La dette du délégué est une
obligation adjointe et le paiement fait par l’un des codébiteurs libère l’autre, à due
concurrence (art. 1338, al. 2).
3. Les e ets dans le rapport délégant-délégué
Lorsque le délégant est créancier du délégué (cas le plus fréquent), l’engagement
que prend le délégué envers le délégataire n’éteint la dette du délégué envers le délégant
que dans l’hypothèse d’une délégation novatoire, c'est-à-dire si le délégataire a libéré le
délégant.
En libérant le délégant, le délégataire libère également le délégué envers le délégant, du
moins à hauteur de l’engagement nouveau pris par le délégué. C’est ce que prévoit le
dernier alinéa de l’article 1339.
La gure est étonnante. Le délégataire éteint une créance (celle du délégant contre le
délégué) qui ne lui appartient pas et qui lui est étrangère.
En revanche, tant que le délégataire n’a pas libéré le délégant, la dette du délégué
envers le délégant subsiste. Dans ce cas, le délégué a deux créanciers.
Cependant, le délégué ne doit pas exécuter cumulativement ces deux dettes. D’abord,
l’article 1338 prévoit que le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due
concurrence. Mais surtout, le Code civil prévoit un ordre dans lequel le délégué doit
s’acquitter de ses deux dettes.
En e et, une fois que le délégant a obtenu du délégué qu’il s’engage envers le
délégataire, le délégant ne peut plus exiger paiement du délégué, sauf pour ce qui
excéderait l’engagement pris par le délégué envers le délégataire. Cette règle est posée à
l’article 1339 al. 2 C. civ.
Corrélativement, le délégué ne pourrait pas payer le délégant, sauf à s’exposer à
devoir payer une seconde fois sur la demande du délégataire.
La situation crée une sorte d’indisponibilité de la créance du délégant contre le délégué.
Ainsi, le créancier ne pourrait pas céder sa créance contre le délégant et de même, les
créanciers du délégant ne pourraient pas saisir la créance de ce dernier contre le
délégué, du moins à hauteur de l’engagement du délégué envers le délégataire.
Cependant, l’article 1339 al.2 précise que le délégant recouvre ses droits contre le
délégué en exécutant sa propre obligation envers le délégataire.
§3 - Le mandat
Il s’agit ici du mandat de payer ou du mandat d’encaisser. L’hypothèse est
évoquée à l’article 1340 du Code civil qui invite à opérer une distinction entre délégation
et indication de paiement ou d’encaissement.
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L’indication de paiement n’est rien d’autre que le mandat de payer et l’indication
d’encaissement se ramène à un mandat d’encaisser.
Des rapprochements sont envisageables non seulement avec la délégation mais aussi
avec la cession de créance.
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La proximité avec la délégation est grande puisque c’est sur l’indication du délégant
que le délégué va payer le délégataire. Ce faisant, le délégant indique au délégué une
personne qui encaissera à sa place.
Toute la di érence entre la délégation et ces deux opérations s’exprime dans l’existence
ou l’absence de rapports juridiques nouveaux entre celui qui paie et celui qui reçoit le
paiement.
En cas d’indication de paiement, le créancier recevra son dû non pas des mains de son
propre débiteur mais d’un simple mandataire avec qui il n’entretient aucun rapport
juridique.
S’il s’agit d’une indication d’encaissement, le créancier ne recevra pas son dû en mains
propres. Il aura mandaté un tiers pour encaisser en son nom.
Dans les deux cas, il n’y a pas d’opération triangulaire mais un simple contrat entre
deux parties dont l’une n’intervient pas physiquement mais se fait représenter au moment
de l’exécution.
Le mandataire ne prenant pas d’engagement personnel, il ne pourra pas, à l’inverse de la
délégation, se voir réclamer autre chose que ce qu’il s’est engagé à faire dans son contrat
de mandat.
Les di cultés surviennent lorsque le mandataire est lui-même débiteur ou
créancier du mandant.
Imaginons un mandat de payer alors que le mandataire est aussi débiteur du
mandant, il ne fera qu’exécuter sa propre obligation envers celui-ci en payant en son
nom. Par le jeu de la compensation, il aura éteint sa dette. La seule di érence avec la
délégation est qu’il ne pourra pas être considéré comme un délégué s’il ne s’est pas
personnellement engagé dans un rapport nouveau.
Imaginons un mandat d’encaisser alors que le mandataire est créancier du
mandant, il ne fera que recevoir sa créance à l’égard de celui-ci en encaissant en son
nom. Pour autant, il ne pourra être considéré ici comme un délégataire car celui qui aura
payé ne se sera pas personnellement engagé envers lui dans un rapport nouveau.
En présence d’un mandat d’encaisser, si le mandant vient à mourir avant que le
mandataire n’ait encaissé, le mandat prendra n et le mandataire ne pourra pas récupérer
de cette manière ce que lui devait le mandant. Il sera alors tenté d’invoquer la
quali cation de délégation, pour obliger le prétendu délégué à s’acquitter de sa dette.
À l’inverse, s’il s’agit d’une délégation et que le délégant meure avant que le
délégué ait exécuté son obligation envers le délégataire, le délégué aura intérêt à soutenir,
pour échapper à son obligation, qu’il ne s’agissait que d’un simple mandat de payer,
devenu caduc à la mort du mandant.
C’est pourquoi le législateur a tenté de se montrer ferme dans l’article 1340 du
Code civil. Il pose le principe que la simple indication de paiement ou d’encaissement
n’emporte ni novation, ni délégation.
Cet article tend à considérer que l’opération ne peut être quali ée de délégation que
lorsque les consentements du délégué et du délégataire ne font aucun doute.
Des rapprochements avec la cession de créance peuvent aussi être établis.
Ainsi, lorsqu’un créancier indique à son débiteur qu’un tiers encaissera le montant de la
créance. Il s’agit d’un mandat d’encaisser.
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Par exemple, un entrepreneur qui a des créances envers ses clients pour lesquels il a
exécuté des travaux. Il peut réaliser l’encaissement de ces créances par l’intermédiaire
d’un banquier. Mais si l’entrepreneur est débiteur du banquier, il pourra être convenu que
le banquier conservera les sommes encaissées à titre de remboursement de ses avances.
On est dans une situation voisine de celle qui se produirait si l’entrepreneur avait cédé au
banquier ses créances contre tel ou tel client.
Néanmoins, s’il s’était agi d’une cession de créance, alors les clients de l’entrepreneur
pourraient agir contre le banquier cessionnaire au cas où ils auraient trop versé ou bien
au cas où le contrat engendrant la créance serait annulé. Alors que s’il s’agit d’un simple
mandat, le banquier n’entre pas dans le rapport contractuel. Il ne fait que représenter
l’entrepreneur et toute réclamation faite par un client de l’entrepreneur ne peut être
dirigée que contre celui-ci.
§4 - La stipulation pour autrui
La stipulation pour autrui est dé nie, à l’article 1205 du Code civil, comme
l’opération par laquelle l’un des contractants (le stipulant) fait promettre à l’autre (le
promettant) d’accomplir une prestation au pro t d’un tiers (le béné ciaire).
La stipulation pour autrui est rarement utilisée, à titre principal, pour transmettre une
créance mais on voit immédiatement qu’elle peut malgré tout permettre une telle
transmission.
En e et, si le stipulant fait promettre à son débiteur de s’engager envers un tiers qui se
trouve être le créancier du stipulant, l’exécution de l’obligation ainsi souscrite par le
promettant pourrait avoir pour e et d’éteindre la dette initiale du stipulant envers le
béné ciaire. Ce faisant, tout se passe comme si le stipulant avait cédé au béné ciaire sa
créance contre le promettant.
On retrouve ici le mécanisme de la délégation.
De fait, la stipulation pour autrui et la délégation sont des opérations très voisines.
On a souvent dit que ces deux techniques pouvaient être utilisées indistinctement pour la
même opération.
Toutefois, si l’on décompose l’opération, deux di érences importantes apparaissent :
- D’une part, le consentement du tiers béné ciaire n’est pas nécessaire pour la
réalisation d’une stipulation pour autrui
- D’autre part, le promettant ne s’engage pas personnellement envers le tiers
béné ciaire. Dans la stipulation pour autrui, un tiers se trouve créancier par l’e et d’un
contrat auquel il est étranger. De ce fait, le droit naît sur la tête du béné ciaire au
moment où le contrat entre le stipulant et le promettant développe ses e ets (en
général, dès sa conclusion) . Cette con guration ne se retrouve pas dans la délégation
puisque le délégataire doit donner expressément son consentement à l’opération (Civ3
du 5 mars 2008). C’est au moment de cette acceptation que naît le droit du délégataire
- L’engagement du promettant envers le tiers béné ciaire dépend exclusivement des
rapports qu’entretiennent le stipulant et le promettant. Ce dernier pourrait tirer de ces
rapports des moyens et exceptions qu’il opposerait au béné ciaire pour ne pas
exécuter son obligation. En revanche, on se souvient que dans la délégation, « le
délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception
tirée de ses rapports avec le délégant... » (article 1336 alinéa 2 C. civ.)
- En n, il faut reconnaître que, dans la pratique, stipulation pour autrui et délégation sont
employées dans des circonstances assez di érentes. La délégation est en e et
orientée vers l’extinction de la dette du délégant envers le délégataire alors que
généralement, dans la stipulation pour autrui, le stipulant ne cherche pas à éteindre sa
dette à l’égard du béné ciaire mais plus souvent à grati er le béné ciaire
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§5 - La subrogation
La subrogation est la substitution, dans un rapport juridique, d’une personne à une
autre personne (on parle alors de subrogation personnelle) ou d’une chose à une autre
chose (on parle alors de subrogation réelle), la personne ou la chose subrogée
empruntant alors les qualités de la personne ou la chose remplacée.
Ainsi, seule la subrogation personnelle se rapproche de la cession de créance
puisque le subrogé prend la place du créancier dans le rapport juridique qui l’unit au
débiteur. En revanche, la subrogation réelle ne se produit pas dans un rapport
d’obligation mais plutôt lorsqu’on veut maintenir une situation patrimoniale en dépit de la
disparition d’un bien. Ainsi, par exemple, l’article L 121-13 du Code des assurances
prévoit que l’indemnité d’assurance prend la place de la chose détruite, de sorte que les
créanciers titulaires d’une sureté réelle sur la chose assurée sont attributaires, de plein
droit, de l’indemnité d’assurance.
Seule la subrogation personnelle nous intéresse donc ici.
Prenons un exemple : une personne souhaite acheter un immeuble mais elle n’a
pas les capitaux nécessaires pour payer le prix. Elle s’adresse à son banquier, qui
accepte de nancer l’opération par le biais d’un contrat de prêt. Dans ce cas, le prêteur
(le banquier) prendra soin de garantir sa créance. Tout en payant le vendeur, il exigera
d’être subrogé dans les droits de celui-ci.
Vendeur
Acheteur
Prêteur de K
Dire que le prêteur est subrogé dans les droits du vendeur, cela veut dire que le
prêteur acquiert les droits mêmes du vendeur, et également les sûretés appartenant au
vendeur.
La situation est très voisine d’une cession de créance. C’est un peu comme si le vendeur
avait cédé au prêteur la créance qu’il a contre l’acheteur.
Autre exemple : une personne est endettée. Son créancier principal a pris une
hypothèque sur sa maison. Ne parvenant pas à payer son créancier et craignant que
celui-ci ne fasse vendre la maison pour être remboursé, le débiteur trouve un autre
prêteur qui accepte de rembourser le créancier hypothécaire. En remboursant celui-ci, le
nouveau prêteur se fait subroger dans les droits du créancier, de sorte que les droits du
créancier (ainsi que les garanties attachées) lui seront transmises.
Ici, c’est un peu comme si le créancier initial avait cédé sa créance au nouveau prêteur.
La fonction première de la subrogation n’est cependant pas de transmettre une
créance mais de permettre à une personne qui paie la dette d’une autre, d’être protégée
en recueillant les droits et actions de celui qu’elle a payé.
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En e et, le paiement n’émane pas nécessairement du débiteur. L’article 1342-1 l’a rme :
« Le paiement peut être fait même par une personne qui n’y est pas tenue, sauf refus
légitime du créancier ».
La subrogation est donc la conséquence du paiement par une personne qui n’est pas
tenue à la dette. La transmission de l’obligation n’est qu’une conséquence ; elle n’est pas
un objectif autonome.
C’est pourquoi le législateur n’a pas souhaité traiter de la subrogation au titre de la
transmission de l’obligation et ne l’a envisagé qu’au titre du paiement.
Cependant, dans la pratique, la subrogation était majoritairement utilisée comme un
substitut de la cession de créance, notamment à une époque où les lourdeurs de la
cession de créance en empêchaient le développement.
Pourtant, cession de créance et subrogation ne doivent pas se confondre. La
di érence essentielle tient à cela que le subrogé ne peut demander paiement que de la
somme qu’il a lui-même versée. On dit que la subrogation ne joue que dans la mesure du
paiement (art. 1346-4).
Au contraire, en matière de cession de créance, la solution est di érente. Le prix de la
cession est librement débattu et xé par les parties. Ce prix peut donc être inférieur au
montant nominal de la créance. Le cessionnaire (acheteur de la créance) acquiert les
droits-mêmes du cédant, quel que soit le prix de cession, même si ce prix est de 80 ou
70 % du montant nominal. Il acquiert tout de même le droit de réclamer au débiteur le
montant total de la créance. Ainsi, la cession de créance comporte une dimension
spéculative qui est totalement étrangère à la subrogation.
Une autre di érence entre cession de créance et subrogation réside dans le fait
qu’une fois subrogé dans les droits du vendeur, le prêteur peut exercer l’action
résolutoire. S’il y avait eu seulement cession de la créance du vendeur, l’action résolutoire
n’aurait pas été transmise (Com 15 mai 2019).
La subrogation peut avoir lieu de deux manières :
- Soit de plein droit, sans que les parties n’aient à intervenir pour qu’elle s’opère. C’est la
subrogation légale
- Soit lorsque le solvens (celui qui paie) obtient du débiteur ou du créancier d’être
subrogé dans les droits de l’accipiens (celui qui reçoit le paiement). C’est la
subrogation conventionnelle
A. La subrogation légale
Normalement, lorsqu’une personne paie la dette d’autrui, elle n’est pas
automatiquement subrogée dans les droits du créancier. Le législateur ne l’a pas voulu
car la personne qui paie une dette qui n’est pas la sienne, sans y être obligée, se place
volontairement dans une situation qui ne mérite aucune protection particulière.
Avant l’ordonnance de 2016, l’ancien article 1236 al. 2 C. civ. posait la règle
suivante : « L’obligation peut être acquittée par un tiers qui n’y est point intéressé, pourvu
que ce tiers agisse au nom et en l’acquit du débiteur, ou que s’il agit en son nom propre, il
ne soit pas subrogé aux droits du créancier ».
Avant la réforme, la personne qui payait la dette d’autrui n’était donc pas
systématiquement subrogée dans les droits du créancier.
En e et, la personne qui paie la dette d’autrui sans y être obligée est manifestement
animée d’une intention libérale. Si ce n’était pas le cas, elle aurait très bien pu se
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ménager un recours après paiement, contre le débiteur, soit en lui prêtant directement les
sommes, soit en prévoyant expressément au moment du paiement que le créancier la
subroge conventionnellement dans ses droits. À défaut, la subrogation ne pouvait être
présumée.
Le nouveau texte est moins restrictif. La règle de l’exclusion de la subrogation a
disparu au pro t d’une simple dé nition de la subrogation légale qui envisage un cas
général là où précédemment, le Code civil envisageait 5 hypothèses de subrogation
légale.
On peut ainsi supposer que la nouvelle dé nition englobe ces 5 hypothèses et va même
au-delà en se montrant plus accueillante.
L’article 1346 C. civ. pose désormais que « La subrogation a lieu par le seul e et
de la loi au pro t de celui qui, ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement
libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge dé nitive de tout ou partie de la
dette ».
Ainsi, celui qui paie (le solvens) ne sera subrogé dans les droits de celui qui est
désintéressé (l’accipiens) que s’il possède un intérêt légitime au paiement (et non à la
subrogation). Cela dit, lorsque le solvens n’est pas subrogé dans les droits du créancier,
on peut tout de même se demander s’il béné cie d’un recours contre le débiteur.
Après quelques hésitations, la Cour de cassation répond aujourd’hui que :
« En application du principe général de droit selon lequel nul ne peut s’enrichir
injustement aux dépens d’autrui, celui qui, par erreur, a payé la dette d’autrui de ses
propres deniers a, bien que non subrogé aux droits du créancier, un recours contre le
débiteur » (Civ. 1ère, 4 avril 2001, D. 2001, 1824, note Billiau).
La 1ère chambre civile ajoute dans un arrêt du 30 mars 2004 (Bull. I, n° 103) que celui
qui « sans être subrogé, acquitte une dette dont il sait ne pas être tenu et qui ne démontre
pas que la cause dont procédait ce paiement impliquait l’obligation du débiteur de lui
rembourser la somme ainsi versée, ne peut ni agir à cette n, ni se prévaloir d’un
dommage juridiquement réparable ».
Bien entendu, l’intérêt légitime au paiement s’incarne dans l’hypothèse-type de la
subrogation légale, autrefois exprimée à l’article 1251-3° du Code civil : « la subrogation
au pro t de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au paiement de la dette,
avait intérêt de l’acquitter ».
Pour d’autres, cela visait les cas dans lesquels le solvens était garant du débiteur
principal. Le cas le plus fréquent est celui de la caution, qui, en payant le créancier, se
trouve automatiquement subrogée dans les droits de celui-ci. Du reste, l’article 2306 C.
civ en rappelle la règle.
Avec d’autres, cela vise les codébiteurs d’une dette indivise (indivisible, solidaire ou in
solidum).
La question s’est posée, avant la loi du 13 juillet 1930, de savoir si l’assureur de
dommages qui désintéresse l’assuré était légalement subrogé dans les droits de celui-ci
contre le responsable du dommage. On faisait valoir qu’en versant l’indemnité prévue au
contrat d’assurance, l’assureur ne faisait que payer sa propre dette... C’est pourquoi il a
paru plus prudent de l’instituer légalement. Depuis la loi du 13 juillet 1930 (art. L. 121-12
C. ass.), la subrogation est expressément prévue au pro t de l’assureur.
Mais la légitimité n’appartient pas seulement aux coobligés.
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La condition de légitimité servira certainement pour écarter les prétentions de
payeurs animés par des intentions malveillantes (paiement du créancier dans le seul but
de nuire au débiteur en mettant en œuvre les sûretés attachées à la créance transmise).
D’autres cas de subrogation légale ont été institués par le législateur en dehors du
Code civil.
On peut citer en vrac l’article L. 121-12 du Code des assurances (évoqué plus haut) qui
prévoit que « l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé dans les droits et
actions de l’assuré contre les tiers qui ont causé le dommage »…
L’article L. 511-71 du Code de commerce qui prévoit la subrogation dans les droits du
porteur, de celui qui paie par intervention une lettre de change…
La loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation prévoit des recours subrogatoires
au pro t des tiers payeurs d’indemnités tels que la sécurité sociale (cf. Civ. 2, 9
décembre 2003, Bull. II, n° 375).
B. La subrogation conventionnelle
Le Code civil prévoit que la subrogation peut être convenue de deux manières. Elle
peut être soit consentie par le créancier (on parle de subrogation ex parte creditoris) soit
consentie par le débiteur (on parle alors de subrogation ex parte debitoris).
1. La subrogation consentie par le créancier (art 1346-1)
À la di érence de la cession de créance d’avant la réforme, la subrogation,
lorsqu’elle est consentie par le créancier, n’est soumise à aucune condition particulière
d’opposabilité (pas de signi cation au débiteur, pas d’acceptation dans un acte
authentique). C’est précisément ce qui, avant l’ordonnance de 2016, assurait son succès
par rapport à la cession de créance.
Nous sommes donc dans l’hypothèse où le créancier a reçu paiement non pas de
l’acheteur, mais d’un tiers. Le créancier peut dans ce cas accorder la subrogation à ce
tiers qui paie à la place du débiteur normal.
Trois conditions de validité ont été maintenues par la réforme : pour être valable, la
subrogation doit être expresse, elle doit être faite en même temps que le paiement et le
paiement doit être fait par un tiers.
L’article 1346-1 du Code civil pose en e et : « cette subrogation doit être expresse. Elle
doit être consentie en même temps que le paiement ».
En posant l’exigence du caractère exprès de la subrogation, le Code n’évite pas
tout problème de preuve. Les règles applicables sont celles du droit commun (preuve par
écrit au-dessus de 1.500 €). La preuve la plus utilisée sera une quittance contenant
subrogation. C’est ce que l’on appelle une quittance subrogative. Cette quittance
permet ensuite de justi er que par dérogation, le paiement n’ait pas provoqué l’extinction
de la créance.
Une autre condition de validité de la subrogation est qu’elle soit consentie en
même temps que le paiement, « à moins [a-t-on ajouté dans la réforme] que, dans un acte
antérieur, le subrogeant n’ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé
lors du paiement ».
Cette précision a été ajoutée par l’ordonnance pour tenir compte d’une circonstance qui
se rencontrait parfois :
En e et, on se demandait avant, ce qu’il adviendrait d’une convention-cadre qui
prévoirait des paiements de créances multiples par un établissement nancier en posant
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à l’avance que ces paiements entraineront automatiquement subrogation du solvens dans
les droits du créancier contre les débiteurs. Faute de réitération de la subrogation à
chaque paiement, celle-ci serait-elle tenue en échec ?
La jurisprudence se montrait assez souple sur la condition de concomitance, la cour de
cassation ayant même jugé que « la condition de concomitance de la subrogation au
paiement, exigée par l'article 1250 1°, du Code civil, peut être remplie lorsque le
subrogeant a manifesté expressément, fût-ce dans un document antérieur, sa volonté de
subroger son cocontractant dans ses créances à l'instant même du paiement » (Com. 29
janvier 1991, Bull. IV, n° 48).
C’est cette JP qui a été reprise dans le 3ème alinéa de l’article 1346-1.
C’est dans l’hypothèse où la subrogation est consentie par le créancier que la
subrogation se rapproche véritablement de la cession de créance, tout en s’en
distinguant (ainsi, la subrogation ne comporte pas d’obligation de garantie, celle-ci étant
liée à l’idée de vente).
Mais la subrogation présente également une autre forme qui, elle, s’éloigne
résolument de la cession de créance. En e et, la cession de créance suppose que
l’initiative vienne du créancier qui cède sa créance. Au contraire, la subrogation peut
permettre au débiteur de prendre l’initiative de changer de créancier. La subrogation est
alors consentie par le débiteur.
2. La subrogation consentie par le débiteur (ex parte debitoris)
Le débiteur qui emprunte de l’argent pour payer une dette peut consentir lui-même
la subrogation au pro t de son prêteur.
On ne manquera pas de remarquer que cette situation est curieuse puisque le débiteur
dispose d’un bien (la créance) qui ne lui appartient pas. Il prend ce bien dans le
patrimoine de son créancier pour le transférer dans le patrimoine d’un nouveau créancier.
Pour autant, le débiteur peut avoir grand intérêt à cela.
Ce peut être le cas si sa dette est proche de l’échéance et que son créancier n’est pas
disposé à lui accorder une prolongation.
Ou bien alors, il s’agit d’un débiteur qui a emprunté à 10% et qui trouve par la suite à
emprunter à un taux préférable (par ex. 5%) moyennant les mêmes garanties.
Il est alors avantageux pour le débiteur de régler sa 1ère dette en procurant au 2nd prêteur
le béné ce de la subrogation, de sorte que le 2nd prêteur soit investi des garanties au 1er.
Il serait injuste de subordonner la réalisation de l’opération à l’acceptation du 1er débiteur
car on risquerait de se heurter à un refus systématique de sa part, trop content de
conserver son placement avantageux. C’est pourquoi il a paru nécessaire de permettre
au débiteur de réaliser la subrogation sans le consentement du créancier.
Cependant, la réforme a pris en compte les intérêts du créancier. Elle pose que la
subrogation ne peut avoir lieu sans le concours du créancier qu’à la condition « que la
dette soit échue ou que le terme soit en faveur du débiteur ». Cependant, l’opération
comporte des risques de fraude. Pour les éviter, la subrogation consentie par le débiteur
sans le concours du créancier est entourée de tout un formalisme prévu par l’article
1346-2 du Code civil. Ce formalisme s’incarne dans deux exigences :
- Il faut que le prêt consenti au débiteur et le remboursement du créancier soient tous
deux constatés par acte notarié
On souhaite ici éviter une fraude par antidate. En e et, on peut imaginer qu’un débiteur
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ait remboursé sa dette à un créancier béné ciant d’une hypothèque de 1er rang. Il
emprunte à nouveau auprès d’un second créancier qui ne prend pas de garantie mais
qui prête à un taux élevé. Si l’emprunteur trouve un prêteur acceptant de lui prêter à un
meilleur taux mais exigeant une hypothèque de 1er rang, l’emprunteur pourrait imaginer
antidater l’acte de subrogation et de prétendre qu’il a servi à rembourser le 1er
créancier qui, lui, disposait d’une hypothèque de 1er rang
C’est pour éviter le risque de ce type de fraude que l’intervention d’un notaire est
exigée
- Par ailleurs, pour que la subrogation puisse s’opérer, il faut que l’argent prêté par un
tiers ait bien servi à payer le créancier indiqué dans l’acte.
L’opération donne lieu à une déclaration dans l’acte d’emprunt et dans la quittance, de
l’origine et de la destination des fonds
La subrogation peut aussi avoir lieu à l’initiative du débiteur mais avec le
concours du créancier. Dans ce cas, les conditions sont plus souples.
L’article 1346-2 exige seulement que la subrogation soit expresse et que la
quittance donnée par le créancier indique l’origine des fonds.
3. Les e ets communs aux deux types de subrogation
La subrogation, qui ne s’opère qu’en présence d’un paiement, éteint l’obligation en
tant que lien personnel mais elle la laisse subsister en tant que valeur économique avec
un nouveau sujet actif. Elle joue donc un rôle essentiel pour transférer l’obligation.
La subrogation a notamment pour e et d’investir le subrogé de la créance primitive avec
tous ses avantages et accessoires. C’est ce qu’exprime l’article 1346-4 du Code civil :
« La subrogation transmet à son béné ciaire, dans la limite de ce qu’il a payé, la créance
et ses accessoires, à l’exception des droits exclusivement attachés à la personne du
créancier ».
La di érence avec la cession de créance est exprimée clairement dans l’expression
« dans la limite de ce qu’il a payé ». On sait que cette limite n’a pas cours en présence
d’une cession de créance.
En revanche, il existe une grande similitude entre les deux opérations en cela que toutes
deux transmettent à la fois la créance et ses accessoires (comp. art. 1321 : elle [la
cession] s’étend aux accessoires de la créance).
S’agissant des accessoires, on pense naturellement aux sûretés, aux privilèges, aux
droits de rétention, à la clause de réserve de propriété...
Les garanties ne sont cependant pas toutes des accessoires de la créance. Ainsi, la
garantie autonome ne devrait pas être transmise, l’article 2321 du Code civil posant que
« sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie ».
On remarquera la réserve concernant les droits exclusivement attachés à la personne du
créancier. Ceux-ci sont expressément exclus de la transmission (alors qu’ils ne sont pas
évoqués pour la cession de créance).
Par ailleurs, on s’était demandé, avant la réforme, si le subrogé pouvait béné cier
des intérêts convenus entre les parties dans le contrat initial. La Cour de cassation l’avait
exclu, ce qui était cohérent avec l’idée que la subrogation ne joue que dans la limite du
paiement.
L’article 1346-4 maintient donc la jurisprudence antérieure en posant que « le subrogé n’a
droit qu’à l’intérêt légal » et ajoutant même que cet intérêt est dû seulement à compter
d’une mise en demeure, à moins qu’il n’ait convenu d’un nouvel intérêt avec le débiteur.
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Le Code évoque opportunément la question de la subrogation en cas de paiement
partiel au créancier.
Dans ce cas, la subrogation ne s’opérant que pour une partie de la créance, le créancier
initial et le solvens subrogé vont être amenés à réclamer tous deux, paiement au débiteur.
Dans ce cas, l’article 1346-3 pose que la subrogation ne peut nuire au créancier. Dès lors,
celui-ci pourra réclamer ce qui lui reste dû, par préférence au subrogé, dont il n’a reçu
qu’un paiement partiel.
Ceci dit, on voit encore assez mal comment cette règle pourra s’appliquer. Est-ce à dire
que la créance du subrogé ne pourra pas être exécutée tant que le créancier initial n’aura
pas été désintéressé ?
En n, l’article 1346-5 évoque la question de l’opposabilité de la subrogation. Il faut
ici distinguer l’opposabilité au débiteur de l’opposabilité aux tiers.
S’agissant des tiers, la subrogation leur est opposable dès le paiement. Cela signi e par
exemple qu’un créancier du subrogeant ne pourra plus saisir la créance à compter du
paiement.
S’agissant du débiteur, il faut distinguer l’opposabilité par le débiteur de l’opposabilité au
débiteur.
Le débiteur peut invoquer la subrogation dès qu’il en a connaissance. Ainsi, il pourra
payer le subrogé avant même que la subrogation lui ait été noti ée.
En revanche, les créanciers successifs (subrogeant et subrogé) ne pourront opposer la
subrogation au débiteur que du jour où elle lui aura été noti ée ou du jour où le débiteur
en aura pris acte.
Une fois la subrogation opposable au débiteur, celui-ci pourra opposer au subrogé toutes
les exceptions inhérentes à la dette (nullité, résolution, compensation) ainsi que toutes les
exceptions qu’il aurait pu opposer au créancier initial avant que la subrogation ne lui soit
devenue opposable.
Chapitre 2 : La transmission de la dette
La transmission d’une dette s’opère généralement lors de la transmission d’un
ensemble plus complexe comprenant une dette. Tel est le cas de la cession d’un contrat
synallagmatique dans lequel chaque partie est à la fois créancière et débitrice. En cédant
sa position contractuelle, l’une des parties cédera nécessairement un ensemble constitué
d’une créance et d’une dette.
Néanmoins, ce n’est pas exactement l’esprit dans lequel le législateur de 2016 a
abordé la cession de contrat.
Il n’a pas voulu en faire l’addition d’une cession de créance et d’une cession de dette
mais une opération autonome où c’est le contrat en tant que valeur particulière qui est
transmis.
C’est pourquoi le Code civil déconnecte l’étude de la cession de contrat de celle de la
cession de dette.
La cession de dette est traitée dans le prolongement de la cession de créance, au titre
des opérations sur obligations (art. 1327 à 1328-1), alors que la cession de contrat est
traitée dans un chapitre fourre-tout sur les e ets du contrat (spec. art. 1216 à 1216-3).
Cependant, si l’on regarde d’un peu plus près l’économie des textes applicables à ces
deux opérations que sont la cession de dette et la cession de contrat, on s’aperçoit
aisément qu’elles sont extrêmement proches et que les problématiques sont en réalité les
mêmes. C’est la raison pour laquelle nous les réunissons dans un même chapitre.
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Section 1 : La transmission d’une dette isolée
La transmission d’une dette a longtemps posé d’immenses problèmes tant à la
doctrine qu’à la jurisprudence.
Analysons d’abord les problèmes avant d’envisager les alternatives auxquels a recouru la
pratique, pour en arriver à la consécration de la cession de dette dans l’ordonnance du
10 février 2016.
§1 - Les problèmes relatifs à la cession d’une dette
À première vue, la cession de dette est une opération symétrique de la cession de
créance. En réalité, la situation est profondément di érente. En e et, la cession de
créance n’est jamais que la cession d’un élément de l’actif du patrimoine du créancier. À
l’inverse, la cession de dette consiste à transmettre un élément du passif, c'est-à-dire un
élément représentant une valeur négative.
Il est beaucoup plus di cile de concevoir qu’une personne puisse avoir un intérêt
à acquérir une valeur négative, c'est-à-dire une obligation qu’elle prend à sa charge. Cela
dit, cela peut arriver lorsqu’une personne reprend la dette de quelqu’un (comme nous
l’avons vu du délégué qui paie la dette du délégant) soit en vue de s’acquitter, par
compensation, de sa propre dette envers le cédant, soit dans une intention libérale
(animo donandi), soit en vue de devenir le créancier du cédant (animo credendi).
Cependant, alors que la cession de créance est indi érente au débiteur cédé (il lui
importe peu de devoir payer son créancier ou une autre personne, cessionnaire de la
créance), la cession de dette, elle, n’est nullement indi érente au créancier cédé. Elle
peut même être très dangereuse pour lui.
En e et, une créance qui représente nominalement 1.000 € peut devenir nulle si le
débiteur est parfaitement insolvable.
On ne peut pas admettre que le débiteur initial puisse, sans consulter le créancier, se
substituer un autre débiteur. Les risques seraient trop grands pour le créancier.
En revanche, on peut imaginer que le créancier accepte le changement de débiteur. Si le
créancier est d’accord, on ne voit pas ce qui pourrait s’opposer à la cession de dette.
Certains Codes étrangers ont admis depuis longtemps la cession de dette, qu’on tend à
appeler la reprise de dette, mais à condition que le créancier accepte la cession, du
moins si l’on veut que l’opération lui soit opposable. Ce fut notamment le cas du BGB
(bürgerliches gesetzbuch = Code civil allemand), du Code suisse ou du Code polonais.
Au contraire, le Code civil français de 1804, qui est plus ancien que les Codes étrangers,
n’avait prévu aucune disposition concernant la cession de dette.
Pour certains commentateurs du Code civil, le silence gardé par les rédacteurs du Code
civil signi e que ceux-ci ont entendu l’exclure en droit français.
C’est ainsi qu’est née l’idée d’un principe d’intransmissibilité passive de l’obligation en
droit français.
Cependant, d’autres auteurs tels que Raymond Saleilles (1855-1912) ou Eugène
Gaudemet (1872-1933), davantage in uencés par le droit allemand, ont plaidé en faveur
d’une reconnaissance de la cession de dette.
Selon eux, l’obligation, valeur économique doit pouvoir être détachée de la personne du
débiteur comme elle peut l’être de la personne du créancier. Dès lors, la personnalité du
débiteur n’est un élément essentiel de l’obligation que si le créancier la considère comme
telle. Le seul impératif est d’assurer la sauvegarde des intérêts du créancier.
Dans cette perspective plus matérialiste, l’intransmissibilité passive de l’obligation
n’apparaît plus comme une règle d’ordre public mais comme un moyen de protection du
créancier, protection à laquelle il peut toujours renoncer.
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C’est pourquoi, en dépit des réticences de certains, la cession de dette s’est vue o rir
d’assez larges possibilités.
Ainsi, si une cession de dette intervient entre le débiteur initial D1 et un nouveau débiteur
D2 sans l’accord du créancier, la convention ne semble pas nulle mais seulement
inopposable au créancier. Autrement dit, elle produit ses e ets entre D1 et D2.
Exemple :
Une personne fait installer un chau age dans une maison dont elle est propriétaire. Avant
d’avoir payé l’installation, elle vend la maison et elle convient avec le nouveau propriétaire
que c’est lui qui paiera l’installation. Cette convention est valable entre les deux
propriétaires successifs. Du point de vue de la contribution, la charge de la dette incombe
désormais à l’acheteur (D2). Dès lors, si D1 était obligé de payer le créancier par suite de
l’insolvabilité ou de la mauvaise volonté de D2, D1 aurait un recours contre D2.
En revanche, du point de vue de l’obligation à la dette (poursuites), D1 est toujours tenu
envers le créancier. Mais si D2 paie volontairement le créancier, celui-ci doit accepter le
paiement. En e et, le créancier ne peut pas refuser le paiement d’une somme d’argent,
même fait par un autre que le débiteur (ancien article 1236 C.civ. – nouvel art. 1342-1).
En réalité, la cession de dette ne peut se concevoir que si elle fait intervenir 3 personnes
(débiteur cédant + débiteur cessionnaire + créancier cédé).
L’accord du créancier est indispensable.
Cf. Civ 1, 2 juin 1992, JCP 92, I, 3632 : « la convention des époux ne pouvait avoir pour
e et, en l’absence d’un accord du créancier, d’éteindre la dette de l’un des conjoints et
n’avait de force obligatoire que dans leurs rapports réciproques ».
Cf. Civ 1, 30 avril 2009 : une CA avait accueilli la demande du cédant d’une dette qui se
prétendait libéré. La Cour de cassation casse au motif que « en statuant ainsi, alors
qu’une telle cession ne pouvait avoir e et à l’égard du créancier qui n’y avait pas consenti,
la Cour d’appel a violé le texte susvisé (art. 1165 CCiv) ».
L’accord du créancier cédé peut alors être plus ou moins lourd de sens.
S’il ne fait que donner son accord à la cession, le débiteur cédant restera tenu à côté du
débiteur cessionnaire. On parle alors de cession imparfaite.
Si le créancier donne son accord non seulement à la cession mais aussi à la libération du
cédant, seul le cessionnaire sera son débiteur et l’on parlera alors de cession parfaite.
La Cour de cassation avait décidé, dans un arrêt de la chambre commerciale du 12
décembre 1995 (Bull. IV, n°294) : « La seule acceptation par le créancier de la substitution
d’un nouveau débiteur au premier, même si elle n’est assortie d’aucune réserve,
n’implique pas, en l’absence de déclaration expresse, qu’il ait entendu décharger le
débiteur originaire de sa dette ».
On le voit, dès avant l’ordonnance du 10 février 2016, la jurisprudence accordait une
place raisonnable à la cession de dette.
Du reste, d’autres mécanismes pouvaient également être utilisés pour transmettre une
dette.
§2 - Les alternatives à la cession de dette
A. La novation par changement de débiteur
La novation par changement de débiteur permet d’arriver à un résultat assez
analogue à la cession de dette mais par une technique di érente.
La cession de dette a vocation à transmettre la dette initialement contractée. Au
contraire, la novation par changement de débiteur éteint la dette initiale pour faire naître à
sa place une dette nouvelle avec un titulaire passif di érent. Il en résulte notamment
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l’extinction des sûretés attachées à la dette éteinte. De même, la novation ne permet pas
au nouveau débiteur d’invoquer les exceptions dont disposait l’ancien.
B. La délégation
Dans la délégation, on peut estimer que le délégataire change de débiteur. Au
départ, son débiteur était le délégant mais à l’arrivée, son débiteur est le délégué.
Dans la délégation novatoire, le délégataire libère le délégant. Dès lors, tout se passe un
peu comme si le délégant avait cédé sa dette au délégataire.
La di érence avec la cession de dette tient à cela que la délégation novatoire possède un
e et novatoire, c'est-à-dire provoque l’extinction de la dette initiale. Par conséquent, ce
n’est pas la dette du délégant qui est cédée puisque par l’e et novatoire, elle est éteinte.
C. La stipulation pour autrui
La vocation de la stipulation pour autrui n’est pas de transmettre une dette.
Au contraire, si la convention de deux parties peut faire naître un droit au pro t d’une
troisième, en aucun cas elle ne peut avoir pour e et de faire naître une obligation. C’est le
sens de l’article 1205 du Code civil : « L’un des contractants, le stipulant, peut faire
promettre à l’autre, le promettant, d’accomplir une prestation au pro t d’un tiers, le
béné ciaire. »
Cette disposition doit se lire à la lumière du principe posé à l’article 1199 selon lequel « le
contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties ».
On comprend que si un contrat ne peut pas créer d’obligations à la charge d’un tiers, il
peut parfaitement, en revanche, créer un droit au pro t d’un tiers. Et ce tiers est même
investi, dans ce cas, « d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la
stipulation » (art. 1206).
Ainsi, on ne voit guère, a priori, comment la stipulation pour autrui pourrait servir à
transmettre une dette.
Pourtant, imaginons un propriétaire d’immeuble qui a e ectué des travaux sur
l’immeuble. Ce propriétaire vend l’immeuble, à charge pour l’acheteur de payer les dettes
consécutives aux travaux.
Le vendeur est ici le stipulant. L’acquéreur est le promettant.
Les entrepreneurs qui ont fait les travaux sont les tiers béné ciaires.
On voit que par cette opération, le vendeur de l’immeuble se comporte comme s’il
transférait sa dette à l’acquéreur. Cependant, le vendeur n’est pas libéré. La stipulation
pour autrui aura eu seulement pour e et de donner aux entrepreneurs un nouveau
débiteur, un peu à la manière de la délégation. Cependant, la délégation suppose l’accord
des trois parties, alors que la stipulation pour autrui est parfaite par le seul accord entre le
stipulant et le promettant.
Dans une autre hypothèse, la stipulation pour autrui a pu être convoquée pour
expliquer une opération assez proche de la cession de dette. Il s’agit de la substitution de
béné ciaire d’une promesse unilatérale de vente.
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Dans la promesse unilatérale de vente, seul le promettant prend un engagement.
Le béné ciaire, lui est parfaitement libre d’acheter (en levant l’option) ou de ne pas
acheter.
Il peut cependant, avant l’échéance de son droit d’option, souhaiter le céder.
Logiquement, s’il cède sa position de béné ciaire, il s’agira d’une cession de promesse,
soumise aux exigences de l’article 1589-2 du Code civil :
« Est nulle et de nul e et toute promesse unilatérale de vente a érente à un immeuble, à
un droit immobilier, à un fonds de commerce, à un droit à un bail portant sur tout ou partie
d'un immeuble ou aux titres des sociétés visées aux articles 728 et 1655ter du code
général des impôts, si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte
sous seing privé enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son
acceptation par le béné ciaire. Il en est de même de toute cession portant sur lesdites
promesses qui n'a pas fait l'objet d'un acte authentique ou d'un acte sous seing privé
enregistré dans les dix jours de sa date ».
(L’article 1589-2 a été introduit dans le Code civil en 2005. Son contenu figurait
auparavant à l’article 1840 A du Code général des impôts).
Les cessions de promesses doivent ainsi être enregistrées dans un délai de 10
jours à peine de nullité.
Cependant, lorsque les promesses de vente prévoient ab initio la faculté pour le
béné ciaire de se substituer un tiers, la Cour de cassation admet alors que la substitution
n’est pas soumise à l’obligation d’enregistrement. Elle a rmait ainsi (Civ 1, 17 avril
1984) :
« ...cette substitution, qui n'a pas le caractère d'une cession, n'entre pas dans le domaine
d'application de l'article 1840 a du code général des impôts »
Pourquoi la Cour de cassation a rmait-elle que la substitution n’a pas le caractère d’une
cession ? Force est de reconnaître que la question demeure une énigme.
Il est vrai qu’en 1969, la Cour de cassation a avancé, pour la substitution, la quali cation
de stipulation pour autrui (Civ 3, 2 juill. 1969).
Il fallait comprendre que le béné ciaire (dans la PUV) était le stipulant, le promettant (dans
la PUV) était le promettant (dans la stipulation pour autrui) et que le béné ciaire substitué
était le béné ciaire dans la stipulation pour autrui.
Les auteurs étaient assez critiques à l’égard de cette quali cation (cf. L. Boyer, Clause de
substitution et promesse unilatérale de vente, JCP 1987, I, n°3310, spec. n°6).
La critique la plus convaincante était que la stipulation pour autrui fait naître un droit
direct entre le promettant et le tiers béné ciaire, droit qui est censé n’avoir jamais transité
par le patrimoine du stipulant. Or, avec la substitution de béné ciaire de la promesse, le
substitué semble tenir son droit du béné ciaire initial (stipulant). L’opération semble
relever davantage d’une transmission de droit que d’une création de droit.
Toutefois, le doute s’est ampli é avec un arrêt rendu par la 3ème chambre civile
de la Cour de cassation le 27 avril 1988.
Dans cette espèce, le béné ciaire d’une promesse de vente avait fait usage de sa faculté
de substitution et s’était donc substitué un tiers. Ce tiers substitué renonce à lever
l’option et en avertit les parties à la promesse, avant le terme du délai d’option. Alors, le
béné ciaire initial décide de lever l’option. En avait-il la possibilité ?
La Cour de cassation l’a rme en ces termes :
« ... la cour d'appel, qui a constaté que M. X..., béné ciaire substitué, avait rétracté son
acceptation, a pu, abstraction faite d'un motif surabondant, retenir que la qualité de Mme
Y... (béné ciaire initiale) pour lever l'option n'était pas douteuse ».
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Comment se fait-il que, postérieurement à la substitution, le béné ciaire initial puisse
encore lever l’option ?
On ne peut concevoir que 2 explications logiques : soit le substituant a retrouvé le droit
d'option, soit il ne l'a jamais perdu :
Pour retrouver le droit de lever l’option, deux possibilités :
- Soit il le retrouve par un e et rétroactif de la rétractation du substitué... Mais on ne
voit pas comment justi er juridiquement ce mécanisme
- Soit il le retrouve du fait d'une nouvelle substitution à son pro t... Mais ce mécanisme
ne correspond pas aux faits de l'espèce, où la seule volonté unilatérale (rétractation) ne
peut être créatrice de droit au pro t d’autrui
Dès lors, une seule explication : Le substituant n'aurait jamais perdu le droit de
lever l’option. Cette possibilité n'est pas envisageable sans que soit admise l'idée selon
laquelle la substitution n'est pas une transmission ;
En e et, comment, malgré la transmission du droit, le cédant pourrait-il conserver la
possibilité de l'exercer (il ne peut à la fois céder et retenir) ?
En revanche, si la substitution n'opère pas transmission, rien ne s'oppose à ce que le
béné ciaire ait conservé le droit de lever l'option, droit potestatif ;
Dès lors, s'il n'y a pas transmission, il y a création au pro t du substitué. La substitution
aurait un e et créateur et non translatif.
Par la substitution, le substitué acquiert seulement la qualité de béné ciaire (et
non la position contractuelle du béné ciaire initial). Le substitué posséderait alors cette
qualité en concurrence avec le béné ciaire initial.
Ainsi, substituant et substitué pourront être tenus pour cocréanciers du promettant. Mais
le substituant est tenu d’une garantie d’éviction envers le substitué. En e et, c’est le
substituant qui a investi le substitué du droit d’option. Il ne peut l’en priver en levant luimême l’option sans s’exposer à devoir garantir le substitué ainsi dépossédé du droit qu’il
lui a précédemment conféré. Finalement, l’ordre entre les titulaires du droit d’option
découle de cette garantie du fait personnel due par le substituant. Il ne peut lever l’option
lui-même que si le substitué a indiqué ne pas vouloir exercer son droit.
Où l'on retrouve la stipulation pour autrui…
En e et, il s'agit bien d'un mécanisme créateur d'obligation : les droits potestatifs (droit
d’option) n'en sont pas exclus.
On en tirera une conséquence logique : il ne peut y avoir de substitution en chaîne,
c'est-à-dire que seul le béné ciaire initial peut désigner d'autres béné ciaires ; en
revanche, cette possibilité n'est pas o erte aux substitués, qui eux, ne sont pas parties
à la stipulation pour autrui. Le risque de fraude scale (que combat l’article 1589-2 du
Code civil) est ainsi limité.
Cela dit, observons que la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la
corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques a (en
son article 52) : « Est frappée d'une nullité d'ordre public toute cession à titre onéreux des
droits conférés par une promesse de vente portant sur un immeuble lorsque cette cession
est consentie par un professionnel de l’immobilier ».
Il s’agit là d’éviter les opérations spéculatives (qui sont souvent occultes).
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Depuis l’ordonnance de 2016, certains auteurs estiment que la substitution
s’analyse davantage en une cession de contrat (désormais prévue à l’art. 1216 et s. du
C.civ).
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Une telle analyse serait cependant incompatible avec la solution retenue par la
Cour de cassation dans son arrêt du 27 avril 1988 car avec la cession de contrat, une
fois le contrat cédé, le cédant perd sa qualité de cocontractant du cédé (même s’il
demeure tenu solidairement à l’exécution du contrat).
§3 - La consécration de la cession de dette dans l’ordonnance du 10 février 2016
L’ordonnance de 2016 introduit dans le Code civil 5 articles sur la cession de dette
(art.1327 à 1328-1).
Ces articles comportaient à l’origine quelques maladresses qui obscurcissaient le régime
de la cession de dette. Heureusement, la loi de rati cation du 20 avril 2018 a corrigé ces
maladresses.
Parmi les dispositions-phare, on retiendra que l’article 1327 pose la règle de la
cessibilité des dettes mais subordonne cette dernière à l’accord du créancier : « Un
débiteur peut, avec l’accord du créancier, céder sa dette ».
Deux formes de cessions de dette ont été prévues :
- Une cession parfaite, lorsque le créancier a expressément consenti à libérer le débiteur
originaire (art. 1327-2). Dans ce cas, celui-ci n’est libéré que pour l’avenir
- Une cession imparfaite où cette libération n’a pas lieu. Dans ce cas, le débiteur
originaire et le nouveau débiteur sont tenus solidairement au paiement de la dette. On
peut ici se demander à quelle forme de solidarité en appellent les rédacteurs de l’article
1327-2 ? Le cédant paie-t-il sa propre dette ou bien la dette du cessionnaire ? Le
cédant est-il un codébiteur solidaire intéressé ou non intéressé à la dette (cela a des
e ets sur la charge dé nitive de la dette) ?
On pouvait s’étonner que le législateur de 2016 n’ait pas exigé que la cession de
dette soit passée par écrit alors qu’il l’exige pour la cession de créance et pour la cession
de contrat. Il s’agissait manifestement d’une maladresse. Elle fut corrigée par la loi du 20
avril 2018 qui ajoute un alinéa 2 à l’article 1327 : « La cession doit être constatée par
écrit, à peine de nullité ».
Ainsi, le formalisme du contrat de cession est identique qu’il s’agisse d’une cession de
créance, de dette ou de contrat.
Une question importante est celle de l’opposabilité de la cession de dette au
créancier cédé. La situation est simple dès lors que le créancier cédé doit donner son
accord. La cession lui sera opposable précisément au jour où il donne cet accord.
Mais l’article 1327-1 se penche sur le cas particulier où le créancier donne son
accord par anticipation à la cession de dette. Cet article indique que dans l’hypothèse
d’un accord anticipé donné à la cession par le créancier, la cession ne lui sera opposable
que du jour où elle lui aura été noti ée ou du jour où il en aura pris acte. Tout cela est très
légitime.
Mais l’article 1327-1 semblait comporter une coquille. Il commençait par ces mots « s’il a
par avance donné son accord à la cession ou n’y est pas intervenu... ». Cela laissait
penser que s’il n’a pas donné son accord préalable à la cession et n’y est pas intervenu, il
serait possible de la lui rendre opposable par simple noti cation, ce qui serait alors
contraire à l’article 1327 qui impose l’accord du créancier. En réalité, on voit bien qu’il
s’agit d’une erreur de plume et qu’il faut remplacer la conjonction ou par la conjonction
« et ». C’est ce qui fut fait avec la loi de rati cation du 20 avril 2018.
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S’agissant des exceptions susceptibles d’être soulevées par le cessionnaire de la
dette, on peut reprocher à l’article 1328 de n’avoir pas adapté la liste de ces exceptions
(susceptibles d’être soulevées par le débiteur) à la situation particulière de la cession
imparfaite où le cédant et le cessionnaire sont solidairement tenus.
En e et, l’article 1328 indique que le ou les débiteurs peuvent opposer au créancier les
exceptions inhérentes à la dette et que chacun des débiteurs peut opposer au créancier
les exceptions qui lui sont personnelles.
Cela signi e que le débiteur cessionnaire ne pourrait pas opposer les exceptions
personnelles au débiteur cédant... Or, si le créancier a consenti un délai au cédant avant
la cession, ce terme doit logiquement pouvoir être opposé par le cessionnaire.
L’article 1328-1 règle la question des sûretés garantissant l’engagement du
cédant. En cas de cession imparfaite, le débiteur originaire n’est pas libéré. Il est logique
que les sûretés subsistent.
En revanche, dans la cession parfaite, le cédant est libéré. Que deviennent les
sûretés consenties en garantie de la dette du cédant ?
Initialement, l’article 1328-1 n’abordait que les sûretés consenties par des tiers et a rmait
qu’elles ne subsistaient qu’avec leur accord. En revanche, l’article n’évoquait pas les
sûretés consenties par le débiteur originaire lui-même. Il s’agissait manifestement d’un
oubli.
La loi du 20 avril 2018 a réparé cet oubli en accordant le même sort aux sûretés
consenties par le débiteur originaire. Désormais, donc, elles ne subsistent qu’avec son
accord.
Section 2 : La cession de contrat
Au même titre que la cession de dette dont elle est très proche, la cession de
contrat avait donné lieu avant la réforme, à d’importants débats doctrinaux. L’ordonnance
tranche les questions les plus délicates sans a ecter l’autonomie de certains régimes
spéciaux de cession de contrat.
§1 - La cession de contrat avant la réforme
La cession de contrat s’applique essentiellement aux contrats synallagmatiques.
Dans de tels contrats, il est di cile d’occulter le fait que la valeur cédée intègre des
dettes. C’est du reste ce qui a longtemps freiné le développement de la cession de
contrat.
Par ailleurs, il convient de remarquer que la cession de contrat s’applique principalement
aux contrats à exécution successive.
En e et, lorsque le contrat est instantané, comme, par exemple dans la vente, le transfert
de propriété s’opérant généralement à la formation du contrat, le contrat disparaît au
moment même où il est conclu et il n’y a alors plus rien à céder. L’acheteur ne transmettra
pas sa position d’acheteur, il se contentera de revendre le bien.
En revanche, l’opération de cession se prête parfaitement à la transmission d’un
contrat en cours d’exécution car alors, le cédant cherchera simplement à être libéré de
l’obligation d’exécuter le contrat pour l’avenir en trouvant une personne qui acceptera de
le remplacer pour achever l’exécution pour le temps restant. L’hypothèse convient
particulièrement au contrat de bail, au contrat de travail, au contrat d’assurance, au
contrat de distribution, etc.
Souvent, la loi est intervenue imposant alors la cession du contrat, alors même que les
parties n’en sont pas convenues. On parle alors de cession légale de contrat. En
revanche, lorsqu’avant la réforme, la loi ne prévoyait rien, cela n’empêchait pas l’un des
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contractants de céder sa position contractuelle. On parle alors de cession
conventionnelle.
A. La cession légale du contrat
Les cessions légales sont des exceptions à l’e et relatif des contrats.
En e et, la règle de principe est que les ayants-cause à titre particulier ne sont pas tenus
par les obligations résultant des contrats conclus par leur auteur.
Ainsi, par exemple, lorsqu’une personne achète une maison, elle n’est pas tenue
d’exécuter les contrats conclus par le précédent propriétaire relativement à cette maison,
du moins dès lors que ces contrats n’ont créé que des droits personnels.
Si le contrat a créé des droits réels, alors ces droits se trouvent attachés au bien vendu
de sorte qu’ils s’imposent à l’acquéreur. Par exemple si le vendeur avait constitué une
servitude au pro t d’un tiers avant de vendre le bien, l’acquéreur du bien devra supporter
ce droit qu’exerce le titulaire de la servitude sur le bien.
En revanche, si le vendeur avait conclu des contrats constitutifs de droits personnels, il
est seul débiteur des obligations qu’il a créées et ces obligations ne passent pas à
l’acquéreur du bien, quand bien même la prestation convenue concernerait le bien vendu.
Par exemple, si le vendeur d’une maison avait conclu un contrat d’entretien de son jardin
d’une durée d’un an avec un jardinier. S’il vend son bien 6 mois après la conclusion de ce
contrat, le contrat conclu avec le jardinier ne sera pas automatiquement transmis à
l’acquéreur du bien.
Dans ce cas, l’acquéreur peut refuser la prestation du jardinier et le jardinier peut refuser
de fournir une prestation à une autre personne que le précédent propriétaire. Mais la
situation est parfois délicate et la loi a prévu certaines exceptions à cette règle. Elle
organise la transmission autoritaire du contrat. C’est dans ces circonstances que l’on
parle de cession légale de contrat.
Il en va ainsi, par exemple, en cas de vente d’un immeuble loué. L’acquéreur de
l’immeuble devra continuer l’exécution des baux en cours (alors même que le bail crée
des droits personnels). Il deviendra donc bailleur malgré lui, du moins lorsque les
conditions posées à l’article 1743 C. civ. seront réunies (l’article exige un bail authentique
ou dont la date est certaine mais la jurisprudence se contente de véri er que l’acquéreur
avait connaissance du bail (Civ 3, 20 juill. 1989).
Il en va également ainsi de l’acquéreur d’un fonds de commerce ou d’une
entreprise qui, aux termes de l’article L.1224-1 du Code du travail, devra continuer les
contrats de travail en cours.
On peut citer également le cas de la vente d’un bien assuré. Aux termes de l’article
L.121-10 du Code des assurances, l’assurance continue de plein droit au pro t de
l’acquéreur, sauf pour l’assureur ou l’acquéreur à résilier le contrat d’assurance. En
l’absence de résiliation, le vendeur reste tenu vis-à-vis de l'assureur au paiement des
primes échues, mais il est libéré, même comme garant des primes à échoir, à partir du
moment où il a informé l'assureur de l'aliénation par lettre recommandée.
Ainsi, à défaut de résiliation, il y a bien une cession de contrat car c’est l’acquéreur qui
devient débiteur des primes d’assurance.
On peut évoquer aussi l’hypothèse de l’échange de logements entre deux
locataires occupant des logements appartenant au même propriétaire (art. 9 de la loi du 6
juillet 1989). Dans pareil cas, « chaque locataire se substitue de plein droit à celui auquel il
succède et il ne peut être considéré comme un nouvel entrant ». Il s’opère donc une
double cession de bail.
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On pourrait citer également l’article 1601-4 du Code civil selon lequel « la cession
par l’acquéreur des droits qu’il tient d’une vente d’immeuble à construire substitue de
plein droit le cessionnaire dans les obligations de l’acquéreur envers le vendeur ».
Cela signi e donc que l’acheteur d’un immeuble à construire peut céder son contrat sans
le consentement du vendeur.
B. La cession conventionnelle du contrat
En l’absence de dispositions générales relatives à la cession de contrat dans le
Code civil, les auteurs étaient divisés quant à la nature juridique de la cession de contrat.
2 conceptions s’a rontaient :
- Une conception dualiste. Cette théorie avait elle-même évolué. Dans un premier temps,
elle analysait la cession de contrat comme une cession de créance à laquelle était
adjointe une stipulation pour autrui pour l’exécution de la dette (ainsi par exemple,
lorsque le locataire cédait son bail, on pouvait penser qu’il faisait promettre au nouveau
locataire (promettant) de verser les loyers au bailleur. Puis la conception dualiste
privilégia par la suite l’analyse de la cession de contrat en l’adjonction d’une cession de
dette à une cession de créance
- Une conception unitaire (plus moderne) où la cession de contrat est regardée comme
une convention par laquelle on cède non pas une addition de créances et de dettes
mais le rapport contractuel lui-même dans sa globalité. La conception unitaire ne
pouvait cependant pas complètement s’abstraire des di cultés liées au fait qu’une
cession de contrat comporte un aspect transmission de dettes
C’est nalement la Cour de cassation qui a tranché en faveur d’une conception
assez traditionnelle de la cession de contrat.
Cela s’est fait en deux temps.
La première question fut de déterminer quels peuvent être les e ets d’une cession de
contrat conclue entre les seuls cédant et cessionnaire ?
La cession s’impose-t-elle au cédé ? Le cédé doit-il exécuter le contrat selon le nouvel
ordonnancement et tenir le cessionnaire pour son nouveau cocontractant ? Cela
entraînerait notamment que le cédé devrait s’acquitter désormais entre les mains du
cessionnaire et devrait demander l’exécution du contrat au seul cessionnaire.
La Cour de cassation a tranché dans deux arrêts rendus par la chambre commerciale le
6 mai 1997 (Defrénois 1997, n°36633, D. Mazeaud).
Dans ces arrêts, la Cour de cassation casse deux arrêts dans lesquels la Cour d’appel
avait admis que le cessionnaire d’un contrat puisse réclamer l’exécution du contrat par le
cédé.
La Cour de cassation décide que la Cour d’appel aurait dû rechercher si le cédé avait
donné son consentement à la substitution de son cocontractant.
L’enseignement majeur de ces arrêts est que le cédé ne peut être contraint de poursuivre
le contrat avec le cessionnaire s’il n’a pas donné son consentement. L’arrêt consacre
ainsi le principe selon lequel la cession de contrat, pour être e cace, nécessite le
consentement du cédé.
Le consentement du cédé est donc le pivot de la cession de contrat. Il permet la cession
d’un contrat, même conclu intuitu personae (Civ. 1, 6 juin 2000).
La deuxième question concerne la portée de cet accord. L’accord du cédé est-il une
simple autorisation de la cession (qui aurait pour e et que le cessionnaire soit désormais
son cocontractant) ou bien porte-t-il également sur la libération du cédant ? La réponse
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fut apportée par un arrêt de la 3ème chambre civile du 12 décembre 2001 (D. 2002, p.
984).
L’arrêt décide que l’acceptation de la substitution par le cédé n’a pas pour e et de libérer
le cédant.
Il faut alors comprendre que l’accord du cédé ajoute un nouveau contractant et ne fait
pas nécessairement disparaître le cédant du rapport contractuel.
Cette jurisprudence a indéniablement porté un coup sévère à la théorie de la cession de
contrat car elle conduit à admettre que la cession ne transfère pas le contrat au
cessionnaire mais crée un contrat nouveau entre le cédé et le cessionnaire.
Il s’agit d’une certaine manière, de la consécration de la thèse soutenue par MM. Billiau et
Jamin, thèse à laquelle se sont opposés de nombreux auteurs tels Laurent Aynès
(Cession de contrat : nouvelles précisions sur le rôle du cédé, D. 1998, chr., p.25) ou
Christian Larroumet (v. La descente aux enfers de la cession de contrat, D. 2002, chr., p.
1555).
§2 - La cession de contrat dans le Code civil réformé en 2016
Si l’ordonnance du 10 février 2016 innove en faisant entrer pour la première fois
dans le Code civil des dispositions relatives à la cession de contrat, elle n’a pas fait
preuve d’audace et a globalement consacré le régime mis à jour par la Cour de cassation.
Le rapport du Président de la République a rme que « l’ordonnance consacre une
conception unitaire de la cession de contrat qui n’est pas la simple adjonction d’une
cession de dette et d’une cession de créance ».
Pour autant, c’est une conception unitaire peu audacieuse en ce qu’elle calque les règles
de la cession de contrat sur celles de la cession de dette. Les mots utilisés par le
législateur sont pratiquement les mêmes pour les deux opérations.
Ainsi, si l’article 1216 pose le principe de la cessibilité du contrat, il ajoute immédiatement
que l’opération requiert l’accord du cédé, cet accord pouvant toutefois être donné par
avance. Cependant, si l’accord du cédé est donné par avance, la cession ne produira
e et à l’égard du cédé que lorsqu’elle lui aura été noti ée ou lorsqu’il en aura pris acte.
L’accord du cédé est-il une condition de validité de la cession de contrat ou
simplement une condition d’opposabilité de la cession au cédé ? Les textes ne précisent
rien à ce sujet.
En revanche, l’article 1216 alinéa 3 dispose que « la cession doit être constatée
par écrit, à peine de nullité ». Cette disposition fait bien de la cession de contrat un
contrat solennel. Si l’écrit est requis à peine de nullité, cela signi e-t-il que le
consentement des trois parties doit être porté par écrit à peine de nullité ?
Si c’est le cas, l’absence d’accord du cédé serait une cause de nullité. On n’a toutefois
aucune certitude.
Cela dit, on voit bien que si le cédé n’a pas donné son consentement, il n’aura pas
toujours intérêt à agir en nullité du contrat de cession. En e et, il pourra se contenter de
ne pas exécuter le contrat envers le cessionnaire et de continuer à en exiger l’exécution
par le cédant.
Par ailleurs on peut se demander si une cession de contrat non autorisée par le cédé ne
pourrait pas tout de même déployer ses e ets dans le rapport cédant-cessionnaire et
valoir en quelque sorte « cession interne ».
Plusieurs auteurs vont dans cette direction (Deshayes, Génicon, Laithier, Réforme du droit
des contrats, Lexis Nexis, 2ème éd., p.521), suggérant que le contrat serait nul en tant
que cession mais demeurerait utile dans le rapport cédant-cessionnaire en tant que
reprise interne de contrat.
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Comme pour la cession de dette, deux formes de cessions de contrat ont été prévues :
- Une cession parfaite, lorsque le cédé a expressément consenti à libérer le cédant, cette
libération ne valant que pour l’avenir (art. 1216-1 al. 1er)
- Une cession imparfaite où cette libération n’a pas lieu. Dans ce cas, le cédant est tenu
solidairement à l’exécution du contrat (art. 1216-1 al. 2)
La seule vraie di érence de régime avec la cession de dette a désormais disparu.
Elle tenait à cela que la cession de contrat doit être constatée par écrit à peine de nullité
(art. 1216) mais on a vu que cette di érence était une erreur que la loi de rati cation a fait
disparaître.
Pour autant, les textes relatifs à la cession de contrat ne possèdent pas la clarté que l’on
pouvait espérer.
La première question est de savoir ce qui est véritablement l’objet de la cession.
L’article 1216 indique que la cession porte sur la qualité de partie au contrat. Le
cessionnaire devient donc partie au contrat à la place du cédant... Mais est-ce à dire que
le cessionnaire pourrait être tenu d’exécuter des obligations nées avant la cession ou qu’il
pourrait réclamer l’exécution d’obligations nées avant la cession ?
La plupart des auteurs l’excluent et admettent que la cession n’opère que pour l’avenir.
MM. Deshayes, Génicon et Laithier a rment : « Techniquement, il y a substitution de
partie mais temporellement, c’est bien une succession de parties qui s’opère ».
On remarquera cependant que les explications données par les auteurs sont soit
inexistantes, soit fort embarrassées. Souvent, ils font découler la règle d’une
interprétation a contrario de l’article 1216-1 qui contient les mots « libère le cédant pour
l’avenir », ce qui laisserait entendre que le cédant n’est jamais libéré pour le passé. En
réalité, il est intellectuellement périlleux de laisser entendre que l’article 1216-1
contiendrait la règle selon laquelle la cession n’opère que pour l’avenir.
Il reste que les auteurs admettent tous que le contrat n’est pas cédé dans sa globalité
mais seules les créances et obligations nées postérieurement à la cession sont cédées.
Quant aux créances et aux obligations antérieures à la cession, elles restent dues aux
cédant ou par le cédant, à moins qu’elles n’aient été cédées par l’e et d’une cession de
créance ou d’une cession de dette.
Cette question est essentielle. Elle possède des prolongements relatifs à
l’opposabilité des exceptions.
En e et, une fois le contrat cédé, les parties au rapport nouveau (cédé-cessionnaire)
pourront-elles s’opposer des exceptions tirées du rapport ancien (le rapport cédécédant) ?
L’article 1216-2 distingue deux hypothèses :
- Les exceptions susceptibles d’être opposées par le cessionnaire (au cédé)
- Les exceptions susceptibles d’être opposées par le cédé (au cessionnaire).
S’agissant des exceptions opposables par le cessionnaire au cédé, ce sont toutes
les exceptions inhérentes à la dette (telles que nullité, exception d’inexécution,
résolution ou compensation des dettes connexes).
Pris à la lettre, le domaine des exceptions admissible est très large. On pourrait ainsi
prétendre qu’il englobe les exceptions tirées de situations antérieures à la cession.
Vraisemblablement, il n’en est rien. Si l’on admet que la cession n’opère que pour l’avenir,
il faut admettre corrélativement que les exceptions nées d’évènements antérieurs à la
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cession ne sont pas opposables entre les parties au contrat tel qu’il se présente après la
cession.
Du reste, avant la réforme, la jurisprudence semblait plutôt orientée dans ce sens. Ainsi,
dans un arrêt du 15 septembre 2010 (pourvoi n°09-14519), la 3ème chambre civile de la
Cour de cassation avait admis que le bailleur cédé ne pouvait pas refuser au locataire
cessionnaire, le renouvellement du bail cédé en motivant ce refus sur des fautes
commises par le cédant avant la cession.
En revanche, le cessionnaire ne peut opposer les exceptions personnelles au
cédant. Là encore, le texte n’est pas satisfaisant. Car on ne saisit pas aisément ce qu’il
faut entendre par exception personnelle. Est-ce le cas de l’octroi d’un terme ? D’une
remise de dette accordée au cédant ?
Mais alors, si le cédé a accordé une remise de dette au cédant, on ne voit pas pourquoi le
cessionnaire ne pourrait pas en pro ter…
S’agissant des exceptions opposables par le cédé au cessionnaire, ce sont toutes
les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.
On comprend que les exceptions pouvant être opposées par le cédé soient plus larges
que celles pouvant être opposées par le cessionnaire.
En e et, le cédé n’est pas à l’initiative de la cession. Il est logique que pour lui, la
situation ne soit pas plus rigoureuse qu’avant la cession. Il est logique qu’il puisse
opposer tout moyen qu’il aurait pu opposer au cédant.
Cela tend à impliquer que le cédé puisse opposer au cessionnaire des exceptions
fondées sur des évènements antérieurs à la cession (par exemple une inexécution
antérieure à la cession).
Cela dit, les auteurs ne sont pas tous d’accord sur ce point. Ainsi, par exemple, Cyril
Grimaldi, dans son récent ouvrage intitulé : « leçons pratiques de droit des
contrats » (LGDJ 2019, n°419) a rme : « on verrait mal pourquoi le cédé pourrait se
plaindre auprès du cessionnaire de l’inexécution par le cédant de ses obligations ».
On remarquera que les textes n’évoquent pas les exceptions pouvant être
opposées par le cédant lorsque celui-ci n’est pas libéré par le cédé. Logiquement, il
devrait pouvoir opposer les exceptions inhérentes à la dette mais pas les exceptions qui
sont propres au cessionnaire.
En n, les sûretés consenties dans le rapport cédé ne subsistent, sauf
consentement des garants, que lorsque le cédant n’est pas libéré.
En n, précision importante : si le cédant est libéré, cela ne libère pas pour autant
ses codébiteurs solidaires. Selon l’article 1216-3, ceux-ci demeurent tenus déduction
faite de la part du cédant dans la dette.
§3 - Une cession particulière de contrat : la cession de bail commercial
La cession de bail est prévue par le Code civil à l’article 1717 qui précise : « le
preneur a le droit de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite ».
Cela dit, la plupart des bailleurs s’empressent d’introduire dans le bail une clause
excluant la cession.
Par ailleurs, certains statuts, tel le statut des baux d’habitation issu de la loi du 6 juillet
1989, renversent la règle posée à l’article 1717 du Code civil et prévoient que la cession
de bail est interdite, sauf autorisation expresse du bailleur (art. 8, L.6 juillet 89).
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Il faut reconnaître que la faculté de céder son bail pour le locataire ne présente
d’intérêt que sans deux circonstances :
- Pour lui permettre de quitter un rapport contractuel avant l’échéance,
- Pour lui permettre de négocier cette valeur qu’il tient de la titularité de son droit au bail
Or, ces deux circonstances ne se retrouvent pas dans les baux d’habitation. D’une
part car le preneur peut donner congé à tout moment, d’autre part car son droit au bail
n’a pas réellement de valeur.
À l’inverse, ces deux circonstances sont dominantes dans les baux commerciaux.
En e et, le bail commercial est d’une durée d’au moins 9 ans, avec possibilité pour le
locataire (sauf convention contraire) de donner congé à l’expiration de chaque période
triennale (art. L145-4 du Code de commerce). C’est la raison pour laquelle on parle
souvent de baux 3 – 6 – 9. Dès lors, une fois passée la première échéance triennale, le
locataire devra attendre 3 ans de plus pour donner congé. S’il s’aperçoit au bout de 3 ans
et demie, qu’il n’a pas les moyens de continuer son exploitation, la seule porte de sortie,
pour lui, s’il veut être libéré avant l’échéance des 6 ans, est de céder son bail.
Au surplus, ayant exploité les lieux, il y a développé un fonds de commerce qui
constitue une valeur économique parfois très importante, qu’il souhaitera négocier. S’il
souhaite arrêter son exploitation, il aura tout intérêt à céder son fonds de commerce ou à
tout le moins à céder son droit au bail (s’il trouve un successeur dans la même activité, il
cédera son fonds, sinon, il devra se contenter de céder son droit au bail, ce que l’on
appelle également dans la pratique, cession de pas-de-porte).
Qu’il s’agisse d’une cession de fonds ou d’une cession de droit au bail, l’opération
emportera cession de bail. Ce sont alors les règles du droit commun des baux qui
s’appliquent. Le principe est qu’une telle cession est autorisée sauf si le bailleur a pris
soin de l’interdire dans le contrat (art. 1717 C. civ.).
Interdire au commerçant de céder son bail reviendrait à lui interdire de céder son
fonds de commerce.
Il a semblé impossible d’interdire au commerçant de céder son fonds de commerce.
C’est la raison pour laquelle l’article L.145-16 du Code de commerce dispose :
« sont réputées non écrites, qu’elle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire
au locataire de céder son bail [...] à l’acquéreur de son fonds de commerce ou de son
entreprise ».
La Cour de cassation décide cependant que « la prohibition des clauses
d’interdiction de céder le bail à l’acquéreur du fonds de commerce ne s’applique qu’à une
interdiction absolue et générale de toute cession et non à de simples clauses limitatives
ou restrictives » (Civ. 3 , 2 octobre 2002, AJDI 2003, p.30, obs. Dumont).
Puisque le bailleur ne peut interdire au locataire de céder son fonds, les cessions
de bail résultant de cessions de fonds de commerce sont donc expressément autorisées
par la loi. Il demeure que la cession du droit au bail seul (sans le fonds) peut être interdite.
Cela dit, on ne peut pas traiter la question de la cession de bail commercial en la
limitant à la cession de sa position contractuelle par le locataire.
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La cession peut également avoir lieu à l’initiative de l’autre partie au contrat de bail,
à savoir le bailleur. En e et, le bailleur peut vouloir céder sa position de bailleur.
C’est précisément ce qu’il fera lorsqu’il vendra le local loué. Le nouveau propriétaire
deviendra bailleur et dès lors, le rapport de location s’établira entre l’acquéreur du local
loué et le locataire.
Il faut donc clairement distinguer ces deux hypothèses que sont la cession du bail
commercial par le locataire et la cession du bail commercial par la vente du local loué.
A. La cession du bail commercial par le locataire
La cession de son bail par le locataire est d’abord soumise à une condition de
forme : la cession doit être constatée par écrit (art. 1216al3 C. civ.).
En cédant son droit au bail, le locataire entend sortir dé nitivement de la relation
contractuelle qui l’unit au bailleur. Ce n’est pas pour autant qu’il est libéré de toute
obligation. Par la cession, il en souscrit de nouvelles à l’égard du cessionnaire et risque
de n’être pas totalement libéré envers le bailleur cédé.
1. À l’égard du cessionnaire
La cession de contrat a beau disposer d’un régime propre, on peut penser que la
cession n’en reste pas moins une vente.
Si la cession de bail est une vente, le cédant est tenu à l’égard du cessionnaire de toutes
les obligations du vendeur envers l’acquéreur.
Il est notamment tenu de la garantie d’éviction. En e et, aux termes de l’article 1625 du
Code civil, le vendeur doit procurer à l’acheteur une jouissance paisible du bien vendu.
Ainsi, lorsque la cession de bail s’opère au sein d’une cession de fonds de commerce, le
cédant a l’obligation de ne pas se réinstaller à proximité a n de ne pas détourner une
partie de la clientèle qu’il vient de vendre.
La garantie du fait personnel est perpétuelle. Elle ne s’éteint pas par la prescription (cf.
Com., 16 janvier 2001, contrats, conc., conso. 2001,71).
2. À l’égard du bailleur (le cédé)
La cession du bail emporte-t-elle par elle-même libération du cédant à l’égard du
bailleur ?
La question se pose di éremment selon que l’on considère les dettes échues lors de la
cession ou les dettes à échoir.
Ce sont les dettes à échoir, c’est-à-dire celles qui naîtront après la cession, qui
sont spécialement concernées par la cession.
On peut comprendre que, une fois le bail cédé, le locataire-cédant demeure tenu du loyer.
En e et, dès lors que le bailleur ne peut s’opposer à la cession (en cas de cession de
fonds de commerce), il est logique que le cédant demeure garant du choix qu’il a fait
dans la personne du cessionnaire. Après tout, celui-ci peut se révéler insolvable. Or, le
bailleur n’a pas nécessairement consenti au contrat qui l’unit désormais à cette personne.
Ce sont d’ailleurs les raisons qui ont conduit la Cour de cassation avant 2016 et ensuite le
législateur en 2016, à admettre que le cédant n’est déchargé que si le cédé y a
expressément consenti.
Pourtant, passant outre ces objections, la Cour de cassation avait décidé que : « En
l’absence de clause de solidarité entre cédant et cessionnaire, le bailleur ne peut exiger du
cédant le paiement des loyers échus postérieurement à la cession » (Civ 3, 12 juill. 1988).
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Dans ces conditions, le bailleur avait tout intérêt à organiser dans le contrat de bail,
l’éventuelle cession, en aménageant à son pro t des garanties prises auprès de son
cocontractant initial. Cela se traduit par ce que l’on appelle une « clause de garantie
solidaire ». (Aux termes de l’article L.145-16-2 du Code de commerce, le bailleur ne peut
invoquer la clause de garantie solidaire que durant trois ans à compter de la cession du
bail).
On peut toutefois se demander ce que deviendra cette jurisprudence avec la
réforme de 2016. Car l’article 1216-1 alinéa 2 prévoit que si le cédé n’a pas
expressément libéré le cédant pour l’avenir, « le cédant est tenu solidairement à
l’exécution du contrat ».
En présence d’une disposition légale claire, il ne semble pas possible que la Cour de
cassation puisse maintenir que le cédant est libéré.
S’agissant des dettes échues au jour de la cession, elles restent logiquement à la
charge du cédant puisqu’elles sont la contrepartie de la jouissance qu’il a eue de la chose
louée.
Il en va cependant di éremment des dégradations antérieures à la cession. En
e et, la Cour de cassation a rme que « le cessionnaire est, à défaut de toute stipulation
contraire dans l’acte de cession, tenu envers le bailleur en sa qualité d’ayant-cause du
cédant, des dégradations causées par celui-ci, sauf celles pour lesquelles ce dernier
s’était engagé à e ectuer les réparations lors de l’établissement de l’état des lieux de
sortie » (Civ 3, 13 juin 2001 ; Civ 3, 9 juill. 2003).
B. La cession du bail commercial par le bailleur
La cession du bail par le bailleur s’opère lorsque le bailleur transfère à un tiers la
propriété (le plus souvent par une vente) du local commercial loué.
1. Le principe de la poursuite du bail avec le nouveau propriétaire
C’est l’hypothèse prévue à l’article 1743 du Code civil : L’acquéreur des lieux loués
ne peut expulser le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine. Pris à
la lettre, le texte signi e que le nouveau propriétaire pourrait expulser le locataire n’ayant
ni bail authentique ni bail enregistré. En réalité, la Cour de cassation est beaucoup plus
souple puisqu’elle admet que la simple connaissance du bail par l’acquéreur de
l’immeuble l’empêche d’expulser le locataire en place (cf. Civ. 3, 10 décembre 1997, RDI
1998, p. 303, obs. F. Collart Dutilleul ; Civ. 3, 11 fév. 2004, D. 2005, som.p.755).
On dit souvent que le bail est « opposable » à l’acquéreur du local loué. Pourtant, ce n’est
pas exactement une question d’opposabilité. L’acquéreur n’est pas seulement tenu de
laisser le bail s’exécuter entre le vendeur et le locataire. En réalité, le locataire s’adresse
directement au nouveau propriétaire et lui demande ès qualités, de lui fournir une
jouissance paisible du local. L’acquéreur est véritablement tenu d’exécuter le bail en sa
nouvelle qualité de bailleur. Étant devenu bailleur à la place du précédent propriétaire,
l’acquéreur est véritablement entré dans un rapport contractuel préexistant. Le bail lui a
été littéralement cédé (par l’e et de la loi). L’article 1743 ne crée pas une simple
opposabilité. Il crée une véritable cession de bail.
2. Les conséquences de la substitution de bailleur
La question est la suivante : lorsque le bailleur vend la chose louée, transfert-il à
l’acquéreur les créances et les dettes issues du contrat de location ?
Il faut distinguer le transfert des dettes et des créances.
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S’agissant des créances, il est admis que l’acquéreur du local loué n’est investi
que des seules créances nées après la cession. Les créances nées avant demeurent des
créances du cédant. Elles ne passent pas au cessionnaire.
Ainsi a-t-il été jugé que l’acquéreur de l’immeuble ne peut agir contre le locataire pour
des manquements au bail antérieurs à la vente, sauf cession de créance ou subrogation
expresse (v. Civ. 3, 2 octobre 2002, AJDI 2003, p.25 et la note).
Dans sa thèse intitulée « Les opérations juridiques à trois personnes » (thèse
Bordeaux 1968) Christian Larroumet l'exprimait ainsi (n° 130, p. 303) :
« En cas de transmission d'un contrat synallagmatique à exécution successive, [...] il
convient de ne faire supporter au cessionnaire les obligations que dans la mesure où il
pro te des droits. Par conséquent, il faut distinguer entre les obligations antérieures à la
cession et les obligations postérieures à la cession. Le cessionnaire ne doit pas être tenu
d'exécuter les premières, puisqu'il ne béné cie pas des droits corrélatifs, alors qu'il sera
tenu d'exécuter les secondes ».
On voit que les créances antérieures ne sont pas cédées. Quant aux créances
nées postérieurement, elles ne font pas exactement l’objet d’une cession puisqu’elles
naissent directement dans le patrimoine de l’acquéreur.
S’agissant de dettes, les règles sont identiques. On admet que seules les dettes
nées postérieurement à la vente seront à la charge du nouveau propriétaire.
Ainsi le vendeur conserve à sa charge les dettes existantes au jour de la vente.
Ainsi en est-il du dépôt de garantie qui a été laissé entre les mains du 1er propriétaire lors
de la conclusion du bail. Qui devra le restituer ? Le précédent bailleur ou le nouveau ?
Si on dit que la dette incombe au nouveau bailleur, alors on admet que la dette de
restitution a été cédée à l’acquéreur du bien loué. Or cette dette de restitution est bien
une dette née antérieurement à la cession. Elle devrait donc demeurer à la charge du
précédent propriétaire. C’est bien en ce sens qu’est orientée la JP.
La règle est que le précédent bailleur demeure débiteur de la restitution du dépôt de
garantie. V. Civ 3, 28 juin 2018 :
Une Cour d’appel avait condamné le nouveau bailleur à rembourser le dépôt de garantie
au motif que : « la société bailleresse est, à l'égard du locataire, substituée au vendeur
dans l'intégralité des clauses, conditions du bail et de ses accessoires, dont celle
prévoyant de restituer le dépôt de garantie au preneur en n de jouissance ».
La Cour de cassation casse l’arrêt de la CA au motif suivant : « Qu'en statuant ainsi, alors
qu'en cas de vente de locaux donnés à bail commercial, la restitution du dépôt de
garantie incombe au bailleur originaire et ne se transmet pas à son ayant-cause à titre
particulier, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (c.a.d. l’article 1743 C.civ.).
Pour que la dette de restitution du dépôt de garantie passe à la charge de
l’acquéreur du bien loué, il faudrait que la vente organise le transfert de la dette. Mais
alors, pour que ce transfert soit opposable au locataire du bien vendu, il faut que celui-ci
soit partie à l’acte, ou bien qu’il ait expressément consenti d’une manière quelconque (cf.
Civ. 3, 18 janvier 1993, Bull. III, N°14).
La mesure peut paraître sévère pour le locataire qui peut fort bien avoir perdu la
trace du précédent propriétaire. C’est pourquoi en matière de baux d’habitation, le
législateur a renversé la règle. Désormais, l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que
« en cas de mutation à titre gratuit ou à titre onéreux des locaux loués, la restitution du
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dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. Toute convention contraire n’a d’e et
qu’entre les parties à la mutation ».
S’agissant de l’indemnité d’éviction en matière de baux commerciaux, elle a été
jugée comme une dette personnelle de l’ancien bailleur lorsque c’est lui qui a refusé le
renouvellement du bail. Il n’en est donc pas déchargé par la vente de l’immeuble (Civ. 3,
30 mai 2001, Bull. III, n°69).
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