Les conditions de candidature à l’élection présidentielle En France, tout le monde ne peut pas candidater pour la présidence de la République. Au-delà de toute la volonté du monde de vouloir diriger un pays et le rendre meilleur, plusieurs lois organiques succinctes ont établi un système de représentation, afin d'éviter les candidatures fantaisistes. En 2022, ils sont une douzaine à s'être officiellement lancés dans la course à l'Elysée. Outre des conditions de fond, comme l’âge, la qualité d’électeur, etc., il existe des formalités, qui elles vont davantage filtrer le nombre de candidats, avec notamment les parrainages, sujets à de grandes discussions aujourd’hui. Dans cet exposé, nous verrons de quelle manière les conditions de candidature à l’élection présidentielle, bien que plutôt évidentes et naturelles sur le papier, sont sujettes à de nombreuses controverses et débats de société. Nous préciserons dans un premier temps les conditions de fond, les fondem I. Les conditions de fond à la candidature: les fondements. Afin de candidater à l’élection présidentielle française, il existe bien évidemment des conditions de fond, des conditions plutôt déductives sur le papier, mais qui sont essentielles au bon déroulement d’une élection, et ce, dès la nomination des candidats. a) Détention de la nationalité française, de la majorité et du droit de vote Les candidats doivent se munir premièrement d’une nationalité française. Afin d’assurer au mieux sa fonction primaire, celle de diriger la nation française, le président doit évidemment afficher une certaine légitimité, une certaine proximité avec son peuple, le fait d’être le semblable de ses concitoyens en ayant une identité commune, bien que le président ne soit pas le président d’une nationalité, mais d’une nation. Cependant, la condition de nationalité française ne déduit pas une naissance sur le sol français. Un étranger, ayant obtenu la nationalité française (sous réserve des conditions restantes) peut très bien candidater. C’est d’ailleurs le cas aujourd’hui de Jean-Luc Mélenchon, né à Tanger, au Maroc, candidat pour la troisième fois. Ensuite, les candidats doivent avoir plus de 18 ans. Avant 2011 cependant, l’âge minimum requis était de 23 ans. La nomination d’Emmanuel Macron en 2017 à l’âge de 39 ans a fait de lui le plus jeune président de la République française. Troisième condition de fond, qui se situe dans la lignée de cohérence avec la relation président-citoyen, c’est l’inscription sur les listes électorales. Le président de la République est avant tout un citoyen, qui lui aussi doit être dans la capacité de voter pour celui ou celle qui sera amené à le représenter. b) Détention de l'éligibilité devant la justice Ensuite, il existe un petit ensemble de conditions juridiques que les candidats, à titre personnel, doivent respecter. Ils ne peuvent espérer être élus s’ils détiennent une privation de leurs droits d’éligibilité par une décision de justice. En France, un citoyen ne pouvant justifier d’un casier judiciaire vierge peut se voir interdire certaines fonctions telles que chauffeur de taxi, pompier, fonctionnaire, ambulancier ou encore éducateur. Cependant, aucun casier judiciaire vierge n’est requis pour voter ou se présenter à l’élection présidentielle. C’est le cas notamment d’Eric Zemmour, condamné en 2011 puis en 2022 pour provocation à la haine raciale; mais aussi de Marine Le Pen, condamnée par la Cour de Justice de l’Union Européenne à rembourser 300 000 euros pour travail fictif, ou de Jean-Luc Mélenchon pour rébellion et provocation en 2018, suite à ses fameux propos sur le pas de sa porte. Cependant, depuis 2017, le Code pénal prévoit toutefois le prononcé obligatoire d’un complément de peine d’inéligibilité pour tous les crimes et pour une série de délits: violences, discrimination, escroquerie, concussion, délit d’initié, etc. Il appartient au juge de prononcer explicitement cette peine et d’en fixer la durée, mais également de décider si la peine obligatoire d’inéligibilité est accompagnée de l’interdiction ou de l’incapacité d’exercer une fonction publique. c) Absence de tutelle ou de curatelle et détention de la satisfaction aux obligations imposées par le code du service national Ensuite, le potentiel candidat ne peut être placé sous tutelle, ni sous curatelle. La tutelle va concerner les personnes qui ne sont plus en mesure d’effectuer les actes de la vie civile et de veiller sur leurs propres intérêts. La curatelle, elle, est une sorte de tutelle souple, qui concerne les personnes pouvant détenir une certaine autonomie, mais qui seront sujettes à divers conseils ou à un accompagnement. Enfin, le candidat doit avoir satisfait les obligations imposées par le code du service national. Cette notion n’a pas de définition précise, mais comprend la notion de devoir envers la nation, s’accomplissant par le service national universel, avec la participation au recensement, à la journée de défense et de citoyenneté, ainsi qu’un appel sous les drapeaux. Ce respect du code du service national implique également une notion de dignité morale envers la nation. d) Les modalités post-parrainages À la fin des opérations de contrôle des parrainages, le Conseil constitutionnel s’assure du consentement des candidats ayant franchi le seuil des 500 signatures et leur demande une déclaration de patrimoine et une déclaration d'intérêts et d'activités qu’il transmet à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ces exigences, qui ne sont pas décrites comme des conditions, mais plutôt comme des modalités de candidature, rendues publiques servent la légitimité du candidat. Mais parfois, comme lors de la dernière campagne, celle de 2022, certains médias parlaient de “malaise”. En effet, la déclaration de patrimoine peut paraître aux yeux de certains comme une information sans intérêt. Ai-je vraiment envie de connaître la dernière marque du scooter 100% électrique de Yannick Jadot ou le montant de la collection de t-shirts de Philippe Poutou ? Cela est d’autant plus amusant, le malaise provenant du citoyen, et non du candidat, qui lui, comme un personnage public qui se respecte, accepte d’être examiné. Le malaise peut également provenir de la manière dont ce patrimoine est publié. Certains le publient net, d’autres brut, d’autres déduisant l’impôt à la source, d’autres non. Sachant qu’il est aussi obligatoire de publier les comptes du conjoint ou de la conjointe, publie-t-on le compte commun ? On divise ? En somme, les chiffres publiés peuvent évidemment être imprécis. Enfin, ces chiffres publiés sont toujours assortis de conclusions hâtives. Si M. Mélenchon possède 1,4 million de patrimoine, est-il encore légitime à défendre les pauvres ? M. Macron, l’ancien ministre de l’économie et banquier de Rothschild, avec ses “petits” 500 000 euros, a-t-il perdu ses talents de gestionnaire ? Bref, toutes ces questions dont le débat public s’empare au lendemain de la publication de ces chiffres flous, qui bien évidemment, resteront sans réponses… II. La question des parrainages, le coeur du débat a) Qu’est ce que le parrainage dans une élection présidentielle ? Un parrainage est un formulaire que chaque élu habilité pour, peut remplir, dans le but de “présenter” la candidature d’un futur candidat. Ce système a été instauré en 1958 sous la Ve République. Son but est de limiter le nombre de candidats, ainsi que d’effectuer un premier “filtrage”. Les candidats aux élections présidentielles françaises doivent, depuis 1958, avoir un nombre de parrainage minimum. Aujourd’hui et ce depuis la réforme du 18 Juin 1976, les candidats à l'élection doivent recueillir au moins 500 signatures. C’est l’article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 qui détermine qui peut “présenter” un candidat ou non. La plupart des élus pouvant parrainer sont des maires, des parlementaires, des conseillers départementaux et régionaux, etc. Toutefois, le droit de parrainer un candidat s’adapte aux spécificités du territoire français, ainsi par exemple le président du conseil exécutif de Corse, les membres élus des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ou encore les présidents des conseils consulaires par exemple, peuvent également apporter leur parrainage. De plus, selon la loi du 6 Novembre 1962 au travers de la clause de représentativité nationale, les parrainages doivent provenir d’élus d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer différents, sans dépasser un dixième, soit 50 signatures pour un même département ou une même collectivité. Cela permet d’éviter que des candidats ne se présentent uniquement pour représenter ou soulever une problématique locale et non nationale. Chaque élu ne peut parrainer qu’un seul candidat, même s'il cumule plusieurs fonctions lui accordant ce droit, et son choix est irrévocable. Dans l’éventualité où le candidat parrainé renonce à se présenter, l’élu ne peut pas parrainer un autre candidat. Les élus ont 1 mois pour renvoyer leurs formulaires de parrainage au Conseil Constitutionnel, car le recueil débute 10 semaines avant le 1er tour et est clos 6 semaines avant. Depuis une loi du 25 Avril 2016, les parrainages sont rendus publics (avant seuls 500 par candidat, tirés au sort l’étaient) et le sont au fur et à mesure de la réception (deux fois par semaine). b) Les problèmes soulevés par cette condition Toutefois, la condition des 500 parrainages ne fait pas l'unanimité, et ce depuis sa création. En effet, cette condition a été, à de nombreuses reprises, modifiée. En 1958, les candidats doivent être présentés par 50 membres du collège électoral, puis en 1962, avec le suffrage universel direct le nombre passe à 100 parrainages. C’est alors une réussite: 6 candidats en 1965 et 7 en 1969. La loi est toutefois modifiée en 1976 et atteint 500 parrainages à cause de l'élection de 1974 où il y avait 12 candidats. Aujourd’hui cette règle peut être remise en question car lors des deux dernières élections présidentielles, il y avait 11 puis 12 candidats : on peut alors s’interroger sur la pertinence des candidatures doublons de Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, étant extrêmement proches politiquement et idéologiquement. Toutefois on peut noter qu’en 2017, seulement 34% des élus habilités pour, ont parrainé un candidat. Nous pouvons alors nous demander si ce qui serait le plus pertinent : chercher à baisser cette abstention des élus ou bien modifier le nombre de parrainage nécessaire ou ses conditions. Cela s’explique en partie par le fait que la grande majorité de ces élus sont des élus sans étiquette comme beaucoup de maires de village. Selon les candidats Eric Zemmour, Marine le Pen ou encore Jean-Luc Mélenchon, l’anonymat aurait compliqué l’obtention des parrainages pour les candidats. Selon eux, certains pourraient marchander leurs soutiens et il y aurait de trop grandes pressions sur les élus pour parrainer ou non des candidats, ce qui irait à l’encontre de l’intention voulue par la nouvelle loi. Nous pouvons alors nous questionner sur la problématique de ces “pressions”, visant à empêcher des candidatures dites "d'extrêmes” ou “anti-systèmes”, lorsque Philippe Poutou et Nathalie Arthaud arrivent sans problème à les obtenir. De plus, en regardant les chiffres, l’anonymat du parrainage ne change visiblement pas grand-chose, car en 2012, 35% des élus habilités avaient parrainé contre 34% en 2017 et 31.9% en 2022, une baisse certes mais non significative. Un élu ne peut d’ailleurs pas tirer au sort son candidat, ni mettre son parrainage aux enchères. Le parrainage n’est d’ailleurs pas un soutien politique mais un acte et une démarche personnelle, et cela reste un droit et non un devoir. Les candidats mécontents de la réforme de 2016, ayant peur de ne pas obtenir leurs 500 signatures, avaient lancé un appel au nom de la démocratie afin de les parrainer. Jean Castex a alors parrainé Marine Le Pen par exemple. Mais l’on peut s’interroger sur cette question, si la plupart des candidats, même dits “petits” arrivent à les obtenir et pas eux cela peut être dû à un manque de travail militant auprès des élus ou bien simplement un désintéressement des élus pour leurs programmes. c) Les propositions de réformes des parrainages Afin d'essayer de répondre à ces problèmes, plusieurs réformes du système ont été proposées sans succès jusqu’à maintenant. On peut citer tout d’abord une proposition qui est apparue dans beaucoup de propositions de loi, celle-ci vise à relever le seuil de parrainages à 1000 signatures au lieu des 500 requises actuellement dans le but de réduire le nombre de candidats. Aussi, certains candidats comme Jean-Luc Mélenchon ou Eric Zemmour veulent instaurer le secret des parrainages pour éviter les pressions exercées sur certains élus locaux qui sont présentes depuis la loi d’avril 2016 qui rendait obligatoire la publication de ces mêmes parrainages. Ces deux propositions proposent des changements s’effectuant sur le système de parrainage comme il est en place aujourd’hui mais certaines propositions vont plus loin et veulent changer entièrement ce système. La première proposition provenait du comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions présidé par Edouard Balladur. Ils proposaient en 2007 d’abandonner le système des 500 parrainages et de le remplacer par un collège d’environ 100 000 élus qui auraient désigné à bulletin secret le candidat qu’ils souhaitent parrainer. La deuxième proposition provenait de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin en 2012 dans le but de plus impliquer les citoyens dans le fonctionnement des institutions démocratiques et ici plus particulièrement pour permettre aux citoyens de choisir eux mêmes les candidats qui pourront se présenter aux élections présidentielles. Cela leur paraissait plus logique pour une élection au suffrage universel direct. Selon ce parrainage citoyen, seuls les candidats ayant recueilli un seuil minimum de 150 000 parrainages de citoyens auraient pu concourir aux élections présidentielles. Cette dite proposition avait aussi connu une évolution qui servait d’entre deux en 2020 qui proposait d’instaurer une procédure de parrainage citoyen, en plus du parrainage par les élus au lieu de simplement le remplacer. Finalement après le premier échec de cette proposition, elle est revenue dans l’actualité avec les élections présidentielles de cette année en étant notamment soutenue par le candidat Jean-Luc Mélenchon. Elle risque d’être l’un des sujets politiques les plus sensibles dans les prochaines années et notamment pour la prochaine élection présidentielle. 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