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Partiel - Amérique Nord - BECKRICH

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Axël BECKRICH – ILERI Lyon – B1
Évaluation – Région Amérique du Nord
ILERI Lyon B1 – Classe de Monsieur Thierry Fortin
Sujet retenu : L’Amérique du Nord : une île extérieure
« Il m’a fallu du temps avant que je réalise pleinement que les États-Unis ont peu besoin de
diplomatie ; le pouvoir suffit. Seuls les faibles comptent sur la diplomatie. L’Empire romain n’avait pas
besoin de diplomatie. Les États-Unis non plus ». Les mots de l’ancien Secrétaire général des Nations
Unies Boutros Boutros-Ghali semblent bien résumer le contraste « intérieur-extérieur », ce sens rebelle
et solitaire de la politique américaine actuelle. Cependant, il est d’abord nécessaire de mettre en lumière
quelques éléments du sujet. Le terme « extérieur » renvoie à un élément qui serait donc extrait de son
centre. En l’occurrence, tout semble s’orienter sur l’Europe. Cette théorie du centre européen n’est pas
nouvelle puisque le géographe britannique Mc Kinder l’éclairait avec sa théorie de la division du monde,
dans lequel l’Europe, le heartland, était le véritable pivot mondial. Cependant, le sujet convoque non
pas les États-Unis, mais l’Amérique du Nord ajoutant donc le Canada, pays disposant de similitudes
avec Washington, mais aussi de grandes différences. Bien qu’ils soient membres fondateurs de l’ONU,
liés par l’ACEUM, l’accord de libre-échange avec le Mexique, acteurs dans le développement de
l’intelligence artificielle et détenteurs de ressources naturelles en grande quantité, les deux pays se
différencient, en témoignent une politique migratoire diamétralement opposée ou une vision du
multilatéralisme quelque peu différente. Cependant, nous verrons dans cette dissertation que le Canada
est souvent relégué derrière les États-Unis, que leur alignement derrière ces derniers est inévitable posant
un carcan serré autour du cou d’Ottawa qui limite largement sa marge de manœuvre. Leur déséquilibre
économique, politique, diplomatique, démographique et stratégique sera évidemment constaté dans ces
lignes. Et c’est aussi pourquoi ce continent américain peut souvent être vu comme un seul et même
ensemble, avec les États-Unis en chef de file et un Canada invisible, contraint de suivre la même
direction.
Dans cette dissertation, nous constaterons donc que la zone nord-américaine, malgré de grandes
similitudes, ne cache finalement qu’une grande symphonie entièrement orchestrée par les Américains,
et qu’elle se distingue cependant par son caractère mondial et non « extérieure », comme le sujet le
questionne.
Après avoir vu de quelle manière le continent nord-américain peut être considéré à première vue comme
distant, éloigné du reste du monde ; mais deuxièmement, que cette distance est rapidement écourtée par
différents facteurs, notamment de puissance et de mondialisation.
Axël BECKRICH – ILERI Lyon – B1
Dans sa théorie de la prospérité du vice, Daniel Cohen, économiste français, expliquait la
manière dont le contient européen parvenait à survivre, voire prospérer, grâce à ses vices.
Géographiquement, les climats tempérés et les routes organisées pour les longues distances ont permis
un développement et une résilience que l’Europe a pu jouir, ce que l’Amérique n’a pu. Il explique
également que l’Europe a dominé grâce à d’immenses défauts dont les génocides, causant la disparition
des populations précolombiennes et donnant naissance à toute une économie fondée sur l’esclavage,
moteur de l’activité européenne. Et c’est notamment d’ici que part cette idée de centralisation du monde
sur l’Europe et sur l’idée d’extériorisation des choses non-européennes. La mondialisation a cependant
fait dépasser ces idées. La montée en puissance pharaonique du continent américain a rebattu les cartes
géopolitiques mondiales. Les États-Unis décident pour eux, voire pour les autres. Le débat
interventionnisme-isolationnisme a structuré la direction des affaires étrangères américaines pendant
plus d’un siècle désormais. La vision de la doctrine Monroe, caractérisée par le rôle prévalant des ÉtatsUnis sur le continent américain et de la non-intervention dans les affaires européennes ont pendant
longtemps écarté le continent des affaires mondiales. Les turning points comme l’attaque de Pearl
Harbour ou les attaques du 11 septembre, mais plus particulièrement la chute de l’URSS où le choix
n’est pas fait d’avance, ont à chaque fois donné la possibilité aux États-Unis de modifier leur politique.
Le choix interventionniste est retenu. Comme le soulignait Michael Doyle, professeur de politique et
d’affaires internationales à l’Université de Columbia, « le 11 septembre a amené une présence
universelle de la guerre : n’importe quel pays qui se mettait du côté des États-Unis devenait un ami, et
cela a donné licence à l’autoritarisme autour du monde ». Pour autant, cela ne signifie pas que les ÉtatsUnis peuvent entièrement être considérés comme faisant partie intégrante des affaires mondiales, surtout
avec la venue de la politique surprise de Donald Trump, en rupture totale avec l’interventionnisme de
l’ensemble de ses prédécesseurs marquant véritablement un retrait immense des Américains sur la scène
internationale, à commencer par le domaine touchant inévitablement l’opinion publique :
l’environnement et la santé. Le retrait en 2017 des accords de Paris marque une cassure entre les ÉtatsUnis d’une part et une cause devenue mondiale, elle qui efface même les frontières, si chères à Donald
Trump. Cette cassure ne se refermera sûrement pas en 2020, avec l’annonce de la rupture des relations
américaines avec l’OMS, en pleine pandémie de coronavirus, engendrant une forte hostilité de la
communauté internationale, mais surtout, laissant le champ libre au rival chinois, parvenu à faire oublier
sa contribution à la propagation du virus. Entre aide humanitaire massive et revendication du vaccin
comme « bien commun mondial », Xi Jinping est parvenu à « réhumaniser » la Chine, à l’aube du
scandale des Ouighours, à l’instar de Donald Trump, accusé de vouloir obtenir l’exclusivité du vaccin…
D’autant plus que l’arrivée de Joe Biden ne semble pas présager un interventionnisme actif, lui qui s’est
équipé du conseiller pour la sécurité nationale Jake Sullivan, déjà présent sous les mandats Obama et
Trump. La remise en cause d’un libre échange totalement dérégulé ou la fin des « guerres sans fin »
s’inscrivent dans ses idées, en témoignent les résultats décrits dans le paragraphe suivant.
Axël BECKRICH – ILERI Lyon – B1
Sur la scène internationale, le retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, le départ de l’UNESCO, le
retrait des Accords du Partenariat Transpacifique ou la remise en cause de l’ALENA devenue ACEUM,
témoignent fortement de ce sentiment hautement ressenti chez les trumpistes, celui du vol par l’étranger,
sa naïveté, de relégation de l’américain au rang inférieur à cause de sa générosité, chose qui façonne en
réalité la doctrine d’America First. En la comparant avec l’interventionnisme puissant enclenché au
carrefour du XXIème siècle, la position actuelle des États-Unis est bel et bien remise en cause
actuellement. Le modèle du Pax Americana selon lequel la paix est due à l’intervention américaine dans
un conflit, s’est fortement morcelé à la suite des échecs libyen, syrien et surtout afghan, après plus de
vingt ans de présence.
En effet, qualifier « d’extérieur » le continent nord-américain est trop extrême et serait
simplement ignorer l’impact encore si fort que cette zone détient. Tellement extrême à en oublier sa
puissance économique, militaire, diplomatique, gastronomique, culturelle, sportive… En bref, en
oublier son engagement sur la scène internationale qui demeure fort. Doté de trois côtes océaniques au
nord, tout en ayant accès aux grandes voies maritimes mondiales, par les déserts de glace et de toundras
canadiennes, ces atouts naturels nord-américains agissent comme des frontières, voire des défenses
naturelles contre les éventuelles attaques extérieures. Partageant plus de neuf mille kilomètres de
frontières terrestres, les deux États américain et canadien s’échangent en moyenne plus de 1,7 milliard
de dollars en échanges commerciaux, et ce, quotidiennement.
Ainsi, comment pourrait-on qualifier « d’extérieur » un pays dont la puissance militaire dépasse
l’ensemble des autres, avec plus de 800 bases militaires aux quatre coins du globe et un budget militaire
plus fort que les autres pays du top 10 cumulé jusqu’en 2019 ?
Comment pourrait-on qualifier « d’extérieur » un pays avec le plus grand et vaste système d’alliance
mondial avec un engagement budgétaire démesuré dans les organisations internationales, participant à
hauteur de 28% du budget annuel des Nations Unies, moitié moins pour son dauphin chinois ?
Comment pourrait-on qualifier « d’extérieur » un continent nord-américain, disposant d’un des leviers
les plus puissants de la planète : les ressources ? Sur le secteur agricole, les États-Unis classés premier,
talonnés par le Canada, quatrième. Sur le secteur minier, les États-Unis, premier producteur de pétrole,
talonnés encore une fois, par un Canada, troisième, l’un membre de l’OPEP, l’autre grand exportateur
et observateur.
Comment pourrait-on qualifier « d’extérieur » une zone possédant respectivement le dollar canadien et
le dollar, monnaie structurant les échanges internationaux, et ayant vu naître les plus grandes firmes
mondiales, dont les GAFAM, plus puissantes que certains États ?
Comment pourrait-on qualifier « d’extérieur » un pays qui a eu la possibilité de remettre le monde entier
sur pied à la sortie de la Seconde guerre mondiale, offrant une aide économique démentielle aux États
Axël BECKRICH – ILERI Lyon – B1
dans le besoin grâce au Plan Marshall, ainsi que d’avoir pu être le seul État à ressortir de la guerre plus
puissant qu’il n’y est rentré ? Et c’est d’ailleurs par leur géographie et par leur avantage terrestre que les
États-Unis ont pu y parvenir, n’en déplaise à ceux qui voient la situation géographique nord-américaine
comme leur plus grand vice.
Comment pourrait-on qualifier « d’extérieur » un pays, qui demeure maritimement présent sur la totalité
des continents ? Même si le nombre de soldats déployés sur le terrain a largement baissé, le nombre de
pays dans lesquels ils sont intervenus est lui, presque multiplié par deux. L’utilisation massive des
drones comme au Yémen, mais aussi le recours aux alliés comme en Libye, ont permis aux États-Unis
de garder constamment un pied dans leur statut de gendarme du monde.
Enfin, comment pourrait-on qualifier « d’extérieur », d’une part, deux pays membres du G7 et de l’autre,
un pays soutenant militairement, économiquement, diplomatiquement les groupes armés, les
gouvernements, les partis politiques participant à un démantèlement ennemi, comme ce fut le cas au
Venezuela, en Iran, ou au Nicaragua ?
En bref, il ne s’agit pas dans ce sujet de tenter de savoir si la zone nord-américaine est dans une phase
déclinante ou si les actions menées sur la scène nationale comme internationale sont justes ou non, mais
il est question ici de savoir si cette zone peut réellement être qualifiée comme « extérieure ». Au vu des
arguments énoncés jusqu’à présent, certes, les États-Unis entament une phase déclinante, une remise en
question de leur statut d’hyperpuissance, une phase de repli sur eux-mêmes, mais est-il réellement
question de les qualifier « d’île extérieure », comme s’il s’agissait de Nauru, de Palau ou des Iles
Marshall, totalement coupées et isolées du monde ? Je pense évidemment que la réponse à cette question
est toute trouvée.
Certainement que la source de ce sujet « L’Amérique du Nord : une île extérieure ? » provient du fait
que les États-Unis soient de plus en plus remis en question sur leur statut. En réalité, il ne s’agit pas
tant du déclin américain en tant que tel, mais de la montée en puissance de nombreux autres acteurs,
qu’ils soient étatiques ou qu’ils ne le soient pas.
Deux conclusions sont à tirer de cette dissertation. En premier lieu, le lien si étroit de cette
Amérique du Nord qui dispose de nombreuses divergences. En second lieu, le constat d’un monde
globalisé, rendant impossible la relégation d’un pays au statut « d’extérieur ».
Concernant la zone nord-américaine, et en ayant constaté que son renvoi de la scène internationale, du
commerce international, de la géopolitique mondiale était impossible, nous avons tout de même constaté
les différences majeures entre le Canada et les États-Unis. Si sur le papier, ces derniers peuvent paraître
semblables, ils disposent d’une structure et d’objectifs diamétralement opposés. Un Canada relégué et
surtout invisible derrière les États-Unis, qui eux, tentent de garder une hégémonie incontestée sur le
monde. Ce Canada qui lui, ne cherche pas vraiment à s’intégrer réellement ; cet État, quasiment
Axël BECKRICH – ILERI Lyon – B1
postnational qui prône le multiculturalisme et l’arrivée d’immigrants. Dans un article TED, Darrell
Bricker et John Ibbitson déclarèrent : « Moins l’État est nationaliste, plus il est facile d’absorber les
immigrants. Plus la culture est faible, plus la tâche de promouvoir le multiculturalisme est facile. Moins
on a le sens de soi, moins on a le sentiment que l’Autre est un Autre ». Cette réflexion reflète bien la
situation nord-américaine : un engagement mondial américain qui cache derrière lui, certes une
ouverture sur le monde, mais surtout la volonté canadienne de se replier sur soi pour mieux grandir.
Concernant le constat de mondialisation. Le monde globalisé dans lequel nous vivons nous fait constater
deux choses. La première est qu’il est quasiment impossible de demeurer externe aux changements
actuels. La globalisation multiplie les acteurs, les fait collaborer, et en fait participer de plus en plus. En
devenir externe est synonyme de repli ; si total qu’un développement, aussi prospère qu’il soit, est
impossible. La deuxième, comme Pascal Boniface le soulignait, est que « dans ce monde globalisé,
même la plus grande puissance mondiale n’a pas les mains libres pour agir comme elle l’entend ».
Finalement,
les
États-Unis
ne
peuvent
être
qualifiés
d’hyperpuissance,
ni
chefs
de
« l’intérieur mondial », mais plutôt au même titre que les puissances émergentes ou en développement,
comme « membre actifs de l’intérieur mondial ».
Axël BECKRICH – ILERI Lyon – B1
Bibliographie :
-
BRZEZINSKI Zbigniew, Le grand échiquier, Pluriel, 2011
-
BONIFACE Pascal, La Géopolitique, Eyrolles, 2014
-
IFRI, Ramsès, Au-delà du Covid, Dunod, 2022
-
Lumni, Les États-Unis dominent-ils toujours le monde ? Géopoliticus, 29 avril 2020,
disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=w34Vy92V_dc
-
Le Monde, Les États-Unis sont-ils toujours le gendarme du monde ?, 18 octobre 2020,
disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=7oN_FzmMk5Q&t=186s
-
7 jours sur Terre, Le plan du Canada pour devenir une puissance, 15 décembre 2021,
disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=tF6ayzoKxsI
-
Les États-Unis dans le monde après le 11 septembre : une hégémonie contestée, 10 septembre
2021, disponible sur https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-desmatins/les-etats-unis-dans-le-monde-apres-le-11-septembre-une-hegemonie-contestee1588310
-
CANTIER Valérie, LEMONNIER Luc, Les six organisations et accords internationaux que
Trump a reniés en moins d’un an, France Inter, 13 octobre 2017, disponible sur
https://www.franceinter.fr/monde/les-organisations-et-accords-internationaux-que-trump-aquittes-en-moins-d-un-an
-
BRICKER Darrell, IBBITSON John, World Population is headed for a steep decline, yet
Canada’s growing. What’s its secret? Ted Ideas, disponible sur https://ideas.ted.com/worldpopulation-is-headed-for-a-steep-decline-yet-canadas-is-growing-whats-its-secret/
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