Introduction à l’évaluation et couverture des options Antoine Conze Hiram Finance antoine.conze@gmail.com Master 2 IMSA - Année 2017-2018 Table des matières 1 Marchés et produits financiers 3 1.1 Actifs sous-jacents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1.2 Les actions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1.3 Les obligations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1.4 Les obligations zéro coupon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1.5 La courbe des taux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 1.6 Le compte d’épargne au taux court . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 1.7 Comparaison entre obligation zéro coupon et compte d’épargne au taux court . . . . . 5 1.8 Prendre une position sur le cours d’un actif : achat financé et vente à découvert . . . . 5 1.9 Les contrats à terme (forwards et futures) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 1.10 Les options d’achat et de vente (calls et puts) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1.11 Produits dérivés plus complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 1.12 Portefeuille autofinançant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 2 Introduction à l’évaluation et la couverture des options 9 2.1 Prix et couverture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2.2 Absence d’opportunité d’arbitrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2.3 Application directe de l’absence d’opportunité d’arbitrage . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2.4 Un modèle simple : le modèle binomial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 2.5 Rappels sur le mouvement brownien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 2.6 Le modèle de Black, Scholes et Merton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 3 Marchés complets, représentation martingale et probabilité risque neutre 20 3.1 Formalisme en temps continu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 3.2 Marché complet et résultat fondamental de l’évaluation des actifs contingents . . . . . 21 3.3 Application : Black, Scholes et Merton revisité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 3.4 Changement de numéraire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 3.5 Quelques mots sur le cas incomplet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 1 Electroniccopy copy available available at: Electronic at: https://ssrn.com/abstract=3090861 https://ssrn.com/abstract=3090861 4 Autour de la formule de Black & Scholes 25 4.1 Taux court non constant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 4.2 Dividendes discrets proportionnels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 4.3 Options sur change . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 4.4 Options sur commodités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 5 Options américaines 26 5.1 Cadre binomial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 5.2 Cadre continu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 6 Options barrières 28 7 Volatilité locale et volatilité stochastique 30 7.1 Volatilité locale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 7.2 Volatilité stochastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 8 Méthodes numériques 33 8.1 Méthodes de Monte-Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 8.2 Méthodes de discrétisation des EDP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 2 Electroniccopy copy available available at: Electronic at: https://ssrn.com/abstract=3090861 https://ssrn.com/abstract=3090861 1 1.1 Marchés et produits financiers Actifs sous-jacents On appelle actifs sous-jacents les instruments financiers de base qui servent de support aux options ou produits dérivés. Les actifs sous-jacents les plus courants sont : — les actions ; — les devises (le change, ou FX pour foreign exchange) ; — les matières premières (commodités) ; — les taux d’intérêts (obligations, swaps, etc.). Les salles de marché sont typiquement organisées en divisions selon cette classification des instruments. Pour l’essentiel on va parler d’options sur actions. On verra ultérieurement dans le cours que les modèles de valorisation d’options sur actions peuvent facilement se transposer aux options sur change et sur commodités. Les modèles d’options sur instruments de taux d’intérêts sont plus complexes et nous ne les aborderons pas ici. 1.2 Les actions Une action est un titre de propriété d’une part d’une société. Une action verse le plus souvent des dividendes. Les actions sont échangées à la bourse. A noter que les achats / ventes en bourse sont typiquement sujets à une règle de règlement / livraison en différé, t + 2 jours sur la plupart des places : — 1 action reçue — montant St payé achat d’une action, prix St - t t+2 Dans les modèles présentés, et la plupart du temps dans la littérature, on fait comme si le règlement / livraison était immédiat (règle t + 0). 1.3 Les obligations Les obligations sont des créances négociables, tels que les emprunts d’état. Une fois émises (marché primaire) elles s’échangent sur le marché secondaire comme les actions. Typiquement une obligation verse un coupon périodique et rembourse le principal à maturité. achat prix Bt coupon coupon 1+coupon t t1 tN −1 tN - 1.4 Les obligations zéro coupon Les obligations dites zéro coupon, qui ne versent pas de coupon mais remboursent juste le principal à maturité, interviennent fréquemment en finance quantitative. Le prix Bt (T ) d’une obligation zéro coupon de maturité T > t (remboursement de 1 à maturité) représente la valeur en t d’un flux de 1 en T , et fait ainsi office de facteur d’actualisation. Notons que BT (T ) = 1. 3 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Emprunter à t un montant M sous forme d’obligation zéro coupon pour remboursement à maturité T revient donc à vendre une quantité M/Bt (T ) d’obligation zéro coupon. De même, prêter à t un montant M sous forme d’obligation zéro coupon pour remboursement à maturité T revient à acheter une quantité M/Bt (T ) d’obligation zéro coupon. Pour terminer, on a souvent recours à la notation Bt (T ) = e−Yt (T )(T −t) où T − t est la maturité résiduelle et Yt (T ) est le taux d’intérêt (convention continue). 1.5 La courbe des taux On appelle courbe des taux (parfois gamme des taux) la courbe des taux d’intérêts par maturité. Dans le cas de taux d’obligations zéro coupon calculés selon la convention continue 1 il s’agit de la courbe des Yt (T ) = − ln(Bt (T ))/(T − t) fonction de la maturité T . On appelle taux instantané ou taux court la limite rt = lim Yt (T ). T →t D’autres conventions de calcul des taux existent, en particulier pour les obligations à coupon périodique. La figure 1 montre un exemple de courbe des taux pour les OAT (obligations du trésor français). Figure 1 – Courbe des taux OAT au 20 septembre 2011 (source Bloomberg) 1.6 Le compte d’épargne au taux court Supposons que l’on dispose de 1 euro à la date t, que l’on veut placer au taux court ru sur chaque période infinitésimale [u, u+du] en reconduisant ce placement jusqu’à une date T > t. Soit Vu la valeur 1. La convention continue est simple à manipuler mathématiquement et intervient donc fréquemment dans la modélisation, mais elle n’est pas utilisée sur les marchés. 4 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 à u du placement, Vt = 1. Le placement rapporte le taux ru sur la période [u, u + du] donc Vu+du = Vu (1 + ru du) ou encore dVu = Vu+du − Vu = Vu ru du donc VT = e RT t ru du . En pratique il n’existe évidement pas de produit financier permettant un placement sur une période infinitésimale. Néanmoins le placement au jour le jour s’en approche et constitue la base de la gestion de la trésorerie d’une banque. Emprunter un montant M au taux court pour remboursement à maturité T conduit donc à remRT r u bourser le montant M e t du à T , qui représente le montant emprunté plus les intérêts capitalisés. De même prêterR un montant M au taux court pour remboursement à maturité T conduit à recevoir T le montant M e t ru du à T , qui représente le montant prêté plus les intérêts capitalisés. 1.7 Comparaison entre obligation zéro coupon et compte d’épargne au taux court Supposons que l’on dispose de 1 euro à la date t que l’on souhaite placer soit en obligation zéro coupon de maturité T , soit en compte d’épargne au taux court jusqu’à cette même date T . 1. cas du placement en zéro coupon : — à t son prix est Bt (T ), pour 1 euro on en achète une quantité 1/Bt (T ) ; — à T son prix est BT (T ) = 1, le placement vaut VT1 = (1/Bt (T )) × BT (T ) = 1/Bt (T ) ; 2. cas du placement au compte d’épargne : — à t on place 1 euro ; RT — à T le placement vaut VT2 = e t ru du à T ; Dans le premier cas le placement est sans risque car sa valeur VT1 à T est connue dès la date t. Dans le deuxième cas la valeur VT2 à T n’est pas connue à t car {ru } est un processus stochastique. Notons que si l’on suppose que {ru } est déterministe - par exemple constant comme dans le modèle de Black & Scholes que l’on étudiera plus loin - alors VT2 est connu dès la date t. Sous l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage que l’on verra également plus loin, les deux placements qui sont sans risque doivent rapporter la même chose, et on a alors VT2 = VT1 , soit encore dans le cas constant r = Yt (T ) . 1.8 Prendre une position sur le cours d’un actif : achat financé et vente à découvert Soit un actif (par exemple une action) de prix à t noté St . Soient deux dates t0 et t1 > t0 . Position à la hausse - achat financé considérons l’opération suivante : — à t0 : — on emprunte un montant de cash égal à St0 , au taux court ; — on achète dans le marché une quantité 1 de l’actif à son prix St0 ; — à t1 : — on vend l’actif dans le marché à son prix St1 — on rembourse St0 e R t1 t0 ru du (cash emprunté et intérêts capitalisés). A t1 notre profil de gain / perte (en anglais PnL pour Profit and Losses) est St1 − St0 e — si St1 > St0 e — si St1 < St0 e R t1 ru du , on a effectué un gain sur l’opération ; R t1 ru du , on a effectué une perte sur l’opération. t0 t0 5 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 R t1 t0 ru du . On a ainsi pris une position à la hausse sur le cours (le prix) de l’actif : on gagne lorsque le cours R t1 en t1 de l’actif est plus haut que St0 e t0 ru du , on perd si le cours final est plus bas. On parle aussi de position longue (en anglais « long position »). Alternativement on peut emprunter le cash sous forme d’emprunt zéro-coupon : le remboursement en t1 est alors Bt (t1 ) St0 St0 × 1 = Bt0 (t1 ) Bt0 (t1 ) et le profil de gain / perte est St1 − St0 /Bt0 (t1 ). Position à la baisse - vente à découvert on veut à présent prendre une position symétrique de la R t1 précédente, c’est à dire qui nous fasse gagner si le cours en t1 est plus bas que St0 e t0 ru du , et qui nous fasse perdre sinon. Pour cela on doit passer par la vente à découvert (appelée en anglais « short sale ») : celle ci consiste à emprunter le titre qu’on ne possède pas et à le vendre pour par la suite le racheter dans le marché et le rendre à son propriétaire. Concrètement : — à t0 : — on emprunte une quantité 1 de l’actif auprès de quelqu’un (une banque, etc.) qui le possède, puis on le vend dans le marché à son prix St0 ; — et on place le montant en cash de la vente St0 au taux court ; — à t1 : — on rachète dans le marché une quantité 1 de l’actif à son prix St1 que l’on rend au prêteur du titre ; R — et le cash résultant du placement au taux court est St0 e R t1 A t1 notre profil de gain / perte est donc St0 e — si St1 < St0 e R t1 ru du R t1 ru du t0 t0 ru du t1 t0 ru du . − St1 . A présent, , on a effectué un gain sur l’opération ; — si St1 > St0 e t0 , on a effectué une perte sur l’opération. On a ainsi pris une position à la baisse sur le cours de l’actif : on gagne lorsque le cours en t1 de l’actif R t1 est plus bas que St0 e t0 ru du , on perd si le cours final est plus haut. On parle aussi de position courte (en anglais « short position »). Alternativement, comme pour l’achat financé, on peut placer le cash en zéro coupon. Le profil de gain / perte est alors St0 /Bt0 (t1 ) − St1 . Comme on le verra plus loin la possibilité de vente à découvert est cruciale pour la valorisation des options. En effet c’est elle qui nous permet de construire mathématiquement des portefeuilles d’actifs dans lesquels les quantités d’actifs peuvent être soit positives (positions à la hausse) soit négatives (positions à la baisse). En pratique la plupart des marchés d’actions autorisent la vente à découvert, mais des restrictions peuvent être mises en place par les autorités en cas de risque spéculatif à la baisse. 1.9 Les contrats à terme (forwards et futures) Les contrats à terme sont les produits dérivés les plus simples. Il s’agit de contrats négociés à une date donnée et portant sur le règlement / livraison d’un sous jacent à une date ultérieure. D’abord développés sur les marchés de matières premières, en particulier agricoles, ils portent aujourd’hui sur toute sortes de sous-jacents y compris les actions. Dans le cas d’un contrat forward de maturité T et de prix Ft (T ) à t, il n’y a aucun flux jusqu’à T , date à laquelle est échangée le sous-jacent contre un montant Ft (T ). 6 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 — sous-jacent reçu ; — montant Ft (T ) payé. Prix forward Ft (T ) - t T Notons que techniquement, du fait du règlement / livraison différé, les achats / ventes en bourse sont des contrats forward avec par exemple T = t + 3. Cependant lorsque l’on parle de contrats à terme on a généralement en tête des maturités plus longues. Analyse du gain / perte (en anglais PnL pour Profit and Losses) : le gain / perte pour l’acheteur du contrat est ST − Ft . Autrement dit, — si ST > Ft (T ) l’acheteur fait un gain ; — si ST < Ft (T ) l’acheteur fait une perte. Et bien sur symétriquement pour le vendeur. Les applications du contrat à terme sont : — la couverture (hedge en anglais) : par exemple un industriel européen qui compte vendre dans le futur sa production aux États Unis et craint une baisse du dollar par rapport à l’euro peut dès a présent rentrer dans un contrat forward de devises dans lequel il vend à terme des dollars en euro, à un prix connu aujourd’hui ; — et aussi bien sur la spéculation : un contrat à terme permet à un agent de parier (à la hausse ou à la baisse) sur l’évolution future du cours d’un sous-jacent. On notera au passage que la spéculation des uns peut être utile à la couverture des autres. En effet la contrepartie de notre industriel sera peut être un spéculateur qui parie sur une hausse du dollar contre l’euro. L’industriel a transféré son risque vers le spéculateur. En pratique les contrats de type futures sont plus courant que les contrats de type forwards, la différence étant que les futures sont soumis à un mécanisme d’appel de marges qui permet de supprimer le risque de contrepartie (le risque que l’une des parties ne remplisse pas ses obligations de paiement). 1.10 Les options d’achat et de vente (calls et puts) Les options d’achat et de vente sont les produits dérivés (également appelés actifs contingents) de payoffs non linéaires 2 les plus simples et les plus courants. Une option est un contrat entre deux parties, la contrepartie acheteuse de l’option et la contrepartie vendeuse de l’option. Une option d’achat (call) donne le droit (mais pas l’obligation) à la contrepartie acheteuse d’acheter à la contrepartie vendeuse l’actif sous-jacent (e.g. une action) à la date d’échéance à un prix convenu à l’avance (le prix d’exercice, ou strike). Notons T la date d’échéance, K le prix d’exercice, et ST le cours du sous-jacent à l’échéance. Le payoff à T pour l’acheteur est (ST − K)+ . En effet, à T — si ST > K l’acheteur a intérêt à exercer l’option puisque il paye K et reçoit le sous-jacent qu’il peut revendre ST , faisant ainsi un profit ST − K ; — si ST ≤ K l’acheteur n’a pas intérêt à exercer l’option puisque il payerait le sous-jacent plus cher que son cours de marché. Pour obtenir ce droit, l’acheteur achète au départ l’option, pour un montant appelé la prime. — si ST > K, sous-jacent reçu, K payé ; — si ST ≤ K, rien ⇒ Payoff = (ST − K)+ Prime payée - t T 2. au sens où le payoff n’est pas une fonction affine du sous-jacent, contrairement aux contrats à terme. 7 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Une option de vente (put) donne le droit (mais pas l’obligation) à la contrepartie acheteuse de vendre à la contrepartie vendeuse l’actif sous-jacent à la date d’échéance à un prix convenu à l’avance. Avec les mêmes notations que précédemment le payoff à T pour l’acheteur est (K − ST )+ . — si ST < K, sous-jacent vendu, K reçu ; — si ST ≥ K, rien ⇒ Payoff = (K − ST )+ Prime payée - t T Lorsque le droit n’est exerçable qu’à maturité T l’option est dite européenne. Lorsque le droit est exerçable à toute date jusqu’à et y compris la maturité l’option est dite américaine. Dans certains cas le paiement en cash du payoff sera préféré à la livraison physique du sous-jacent. On parle alors d’option à cash settlement. On peut voir les options comme des contrats d’assurance sur le sous-jacent : l’assurance de pouvoir l’acheter dans le futur à un prix maximum dans le cas de l’option d’achat, l’assurance de pouvoir le vendre à un prix minimum dans le cas de l’option de vente. La différence avec l’activité d’assurance traditionnelle est que celle ci gère le risque par diversification, alors que comme on le verra plus loin, les banques procèdent à une couverture des produits dérivés qu’elles émettent. 1.11 Produits dérivés plus complexes Toutes sortes de formule de payoffs existent. Beaucoup ne dépendent pas que de la valeur du sousjacent à la date d’exercice mais de tout l’historique des prix depuis l’émission de l’option. On citera entre autres — les options asiatiques : payoff du type (moyennet∈[0,T ] St − K)+ ; — les options lookback : payoff du type (maxt∈[0,T ] St − K)+ ; — les options barrière : payoff du type (ST − K)+ 1maxt∈[0,T ] St <H ; 1.12 Portefeuille autofinançant On appelle portefeuille autofinançant (ou stratégie autofinançante) la valeur d’une stratégie dynamique d’investissement (achat / vente du sous-jacent, prêts ou emprunts) dont la valeur n’est pas modifiée par l’ajout ou le retrait de cash jusqu’à la maturité. Cette notion interviendra plus loin de manière cruciale dans la définition de la couverture d’un produit dérivé. Exemple : on dispose d’un montant initial v0 = 10. A t = 0 on veut acheter une action qui vaut 100. On emprunte donc 90 à un taux de 5%. A t = 1 l’action vaut 110, et l’on doit à présent 90×1.05 = 94.5 au prêteur. le portefeuille vaut alors v1 = 110−94.5 = 15.5. On veut alors acheter une deuxième action, on emprunte donc 110 de plus (toujours à un taux de 5%). A t = 2 l’action vaut 112, et l’on doit (94.5 + 110) × 1.05 = 214.725. Le portefeuille vaut alors v2 = 2 × 112 − 214.725 = 9.275. On peut alors liquider le portefeuille, pour un montant égal à v2 . Ce portefeuille est autofinançant. En effet le cash emprunté (plus les intérêts accrus) est toujours comptabilisé comme montant dû jusqu’à la liquidation. 8 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 2 2.1 Introduction à l’évaluation et la couverture des options Prix et couverture L’idée fondamentale est la suivante : supposons que l’on puisse constituer un portefeuille autofinançant qui reproduise le payoff de l’option à maturité. On appelle un tel portefeuille une couverture de l’option. Supposons de plus que le coût (la valeur initiale) de cette couverture est unique. Alors la valeur de l’option est égale au coût de la couverture. 2.2 Absence d’opportunité d’arbitrage La formulation de l’absence d’opportunité d’arbitrage est la suivante : il n’existe pas de portefeuille autofinançant de valeur initiale zéro et de valeur finale positive et non identiquement nulle. Autrement dit il n’est pas possible de gagner de l’argent à coup sur à partir d’un investissement nul. Dans une formulation alternative sous forme d’unicité des prix (on montre que les deux formulations sont équivalentes, voir par exemple les travaux de Harrison et Kreps [HK79] ou Harrison et Pliska [HP81]), on dit que il y a absence d’opportunité d’arbitrage lorsque que deux portefeuilles autofinançants aient la même valeur terminale entraine qu’ils aient la même valeur initiale. Dans la modélisation financière, et en particulier lorsque elle traite de produits dérivés, l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage sur le marché considéré est couramment retenue. Cette hypothèse se justifie par le fait que dans un marché liquide, si une opportunité d’arbitrage existe, des agents (des « arbitragistes ») vont profiter de cette possibilité, ce qui va très rapidement faire décaler les prix à un niveau où l’opportunité d’arbitrage disparait. Exemple : T > 0 et il existe deux actifs de prix A1t et A2t à t tels que A10 < A20 et que on soit assuré que A1T = A2T . Alors les « arbitragistes » achètent le premier actif et vendent le second, réalisant ainsi un profit immédiat pour un risque nul. Ceci entraine une forte demande à l’achat pour le premier et à la vente pour le second, ce qui fait monter le premier et baisser le second jusqu’à ce que les prix s’équilibrent. 2.3 Application directe de l’absence d’opportunité d’arbitrage Pour souligner l’importance de l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage, on va obtenir grâce à cette hypothèse et sans référence à aucun modèle des relations entre prix dans quelques cas simples. Prix d’un forward. Soit St le cours d’un sous-jacent qui ne verse pas de dividendes et Ft (T ) le prix d’un contrat forward de maturité T sur ce sous-jacent. On considère les deux stratégies suivantes : 1. — on entre dans un contrat forward en t ; en t aucun payement, cette stratégie ne nécessite donc aucun montant initial, et a une valeur initiale nulle ; — en T la valeur de cette stratégie est son payoff ST − Ft (T ) ; 2. — achat en t d’une unité du sous-jacent, prix unitaire St , et vente de Ft (T ) zéro coupon, prix unitaire Bt (T ) ; cette stratégie a comme valeur initiale St − Ft (T )Bt (T ), qui est le montant initial requis ; — en T la valeur de cette stratégie est ST − Ft (T )BT (T ) = ST − Ft (T ). Les deux stratégies ont la même valeur en T et ce quel que soit le cours du sous-jacent ST . Par absence d’opportunité d’arbitrage elles doivent avoir la même valeur en t, donc Ft (T ) = St . Bt (T ) 9 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Relation de parité Call-Put. Considérons un call et un put (européens) de prix respectivement ct et pt , toujours sur un sous-jacent qui ne verse pas de dividendes. On considère les deux stratégies : 1. — en t achat d’un call et vente d’un put, valeur ct − pt ; — en T payoff (ST − K)+ − (K − ST )+ = ST − K ; 2. — en t achat d’une unité du sous-jacent, prix unitaire St , et vente de K zéro coupon, prix unitaire Bt (T ) ; cette stratégie a comme valeur initiale St − KBt (T ), qui est le montant initial requis ; — en T la valeur de cette stratégie est ST − KBT (T ) = ST − K. On en déduit puisque les deux stratégies ont la même valeur en T que ct − pt = St − KBt (T ). En particulier lorsque K = St /Bt (T ) = Ft (T ) (les options sont alors dites à la monnaie forward) on a ct = pt . Lorsque K < Ft (T ) (call dans la monnaie forward et put en dehors de la monnaie forward) on a ct > pt , et inversement lorsque K > Ft (T ). 2.4 Un modèle simple : le modèle binomial On aborde à présent l’évaluation des actifs contingents avec un modèle très illustratif, le modèle binomial. On considère un modèle à une période et deux états du monde pour décrire l’évolution du sous-jacent. A t = 0 le prix du sous-jacent est S0 . A t = T le prix ST peut prendre deux valeurs, une valeur à la hausse (up) STU = S0 U avec une probabilité p, et une valeur à la baisse (down) STD = S0 D avec une probabilité 1−p où 0 < D < U et 0 < p < 1 sont des données du modèle. On note B0 = B0 (T ) la valeur en t = 0 du zéro coupon de maturité T . S U = S0 U T p S0 H HH1 − p HH H STD = S0 D - t=0 t=T Implications de l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage. Remarquons que l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage impose la restriction D < 1/B0 < U . En effet, si 1/B0 ≤ D < U , la stratégie achat du sous-jacent financé par une vente de zéro coupon (valeur initiale 0) a comme valeur terminale S0 U − S0 /B0 > 0 dans l’état up et S0 D − S0 /B0 ≥ 0 dans l’état down et l’hypothèse est contredite. De même, si D < U ≤ 1/B0 , la stratégie vente à découvert et achat de zéro coupon avec le produit de la vente (valeur initiale 0) a comme valeur terminale S0 /B0 − S0 U ≥ 0 dans l’état up et S0 /B0 − S0 D > 0 dans l’état down ce qui de nouveau contredit l’hypothèse. Couverture. On considère une option de payoff f (ST ) en T . On recherche une stratégie de couverture donnant lieu à un portefeuille autofinançant qui reproduise le payoff dans les deux états du monde en T . Soit ϕ la quantité d’actions et ψ la quantité de zéro-coupon dans le portefeuille . La valeur initiale du portefeuille est v0 = ϕS0 + ψB0 . La valeur finale est vT = ϕST + ψ. Pour que l’option soit couverte dans les deux états du monde en T il faut que ϕSTU + ψ = f (STU ) ϕSTD + ψ = f (STD ) 10 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 (1) formant un système de deux équations à deux inconnues, qui a pour solution ϕ = ψ = f (S0 U ) − f (S0 D) S0 (U − D) U f (S0 D) − Df (S0 U ) . U −D On note que selon que f (S0 U ) > f (S0 D) ou f (S0 U ) < f (S0 D), la quantité d’actions ϕ peut être positive ou négative, ce dernier cas correspondant à une vente à découvert, d’où la nécessité de l’hypothèse d’un marché dans lequel on peut « shorter ». On obtient alors comme prix de l’option, égale par absence d’arbitrage à la valeur initiale du portefeuille de couverture 1/B0 − D U − 1/B0 f (S0 U ) + f (S0 D) v0 = B0 U −D U −D = B0 [p∗ f (S0 U ) + (1 − p∗ )f (S0 D)] avec 1/B0 − D . U −D On voit alors que le prix de l’option s’écrit comme l’espérance actualisée de son payoff, espérance calculée avec une nouvelle probabilité p∗ , différente de la probabilité « historique » 3 . En effet on a 0 < p∗ < 1, donc p∗ s’interprète bien comme une probabilité. On l’appelle la probabilité risque neutre. Pourquoi risque neutre ? On vérifie facilement que p∗ = S0 = B0 [p∗ S0 U + (1 − p∗ )S0 D] , ce qui signifie que St /Bt (T ) est une martingale sous p∗ . En termes financiers, sous la probabilité risque neutre, le rendement espéré du sous-jacent risqué est égal au taux d’intérêt sans risque sur la période (le taux du zéro-coupon). Remarquons d’ailleurs que le prix actualisé de l’option vt /Bt (T ) (en posant vT = f (ST )) est par construction également une martingale sous p∗ . On touche ici au résultat fondamental de la finance quantitative, que l’on verra dans un cadre plus général dans la section 3 : sous hypothèses de complétude du marché, pour valoriser un produit dérivé, on se place sous la probabilité risque neutre et on calcule l’espérance actualisée de son payoff. Qu’entend-on par complétude ? brièvement, car on discutera de ce concept plus loin, il s’agit de la possibilité de trouver une couverture à tout payoff. Supposons par exemple qu’au lieu de notre modèle binomial on ait supposé non pas deux mais trois états du monde possibles en T . Alors (1) serait un système de trois équation à deux inconnues, sans solution. On voit ainsi que cette notion de complétude du marché relie la « dimension » du risque au nombre d’instruments sous-jacents disponibles pour la couverture. Extension du modèle binomial au cas de plusieurs périodes. On étend facilement le modèle à une période à un modèle multipériodes. Il s’agit alors du modèle dit de Cox, Ross et Rubinstein (CRR) développé par ses auteurs dans [CRR79]. Considérons le modèle dans lequel les noeuds de l’arbre binomial se recombinent : 3. historique au sens où elle est généralement estimée sur un historique des prix du sous-jacent. On parle aussi de probabilité subjective. 11 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 S0 U U U S0 U U HH HH S0 U S DU U ∗ HH 0 p H H HH S0 DU HH S0 H HH ∗ HH1 − p HH S DDU H S0 D HH HH 0 HH H HHS0 DD H H HH HH S0 DDD H - t=0 t = δt t = 2δt t = 3δt avec δt = T /N pour un modèle à N périodes de maturité T . On note B = e−rδt le zéro coupon sur une période, en supposant le taux r constant. On note (i, k) le noeud correspondant à la valeur du cours Si,k = S0 U i Dk−i à la date kδt. On note vi,k la valeur de l’option en ce noeud. A maturité on a bien sur vi,N = f (Si,N ). Supposons connues les valeurs de l’options vi,k+1 à la date (k + 1)δt. On applique le modèle à une periode d’origine le noeud (i, k) et on obtient la récursion vi,k = B[p∗ vi+1,k+1 + (1 − p∗ )vi,k+1 ]. (2) Cette récursion conduit à la formule d’évaluation v0 = e−rT N X i=0 N! p∗ i (1 − p∗ )N −i f (S0 U i DN −i ). i!(N − i)! (3) Notons que cette méthode a consisté à emboiter des espérances conditionnelles en reculant dans le temps. Il s’agit en fait de la version discrète de l’équation de Kolmogorov rétrograde. Alternativement on peux procéder en avançant dans le temps, ce qui correspond à l’équation de Fokker-Planck. On obtient alors facilement que la probabilité risque neutre d’arriver au noeud (i, N ) est i ∗i CN p (1 − p∗ )N −i = N! p∗ i (1 − p∗ )N −i i!(N − i)! d’où de nouveau la formule (3) et le calcul de v0 comme espérance du payoff final sous la probabilité risque neutre, sur lequel on reviendra dans le cadre général de la section 3. On remarque au passage un point important : (2) se réécrit vi,k e−kδt = p∗ vi+1,k+1 e−(k+1)δt + (1 − p∗ )vi,k+1 e−(k+1)δt , i.e. le prix actualisé de l’option {v.,k e−kδt } est une martingale sous p∗ . Convergence. Pour finir notons que si l’on prend p = U 1 = e(α− 2 σ D = e 1 2 2 )δt+σ (α− 21 σ 2 )δt−σ et U et D de la forme √ √ δt δt 12 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 alors E[(St+δt − St )/St ] ≈ αδt et var[(St+δt − St )/St ] ≈ σ 2 δt lorsque N → ∞, et le modèle binomial converge vers le brownien géométrique sous-jacent au modèle de Black, Scholes et Merton qui sera présenté dans la section 2.6 (convergence bien connue d’une marche aléatoire vers le mouvement brownien). 2.5 Rappels sur le mouvement brownien Le mouvement brownien (également appelé processus de Wiener) est un type de processus stochastique introduit par le botaniste Robert Brown [Bro28] en 1828 pour décrire le mouvement aléatoire d’une particule dans un fluide et par Louis Bachelier [Bac00] en 1900 pour la finance. Il a ensuite été étudié rigoureusement par Norbert Wiener [Wie23] en 1923. Pour un exposé en détail on pourra lire le chapitre 3 de [LL97]. On se contentera ici de faire un bref rappel des notions couramment utilisées en finance quantitative. Soit T > 0 un horizon et {Wt } un mouvement brownien sur un espace de probabilité (Ω, F, P ). Ses propriétés qui nous intéressent sont : — {Wt } est un processus markovien à accroissements indépendants et stationnaires ; — {Wt } une martingale : E[Wt |Fs ] = Ws , s < t ; — Wt − Ws , s < t est indépendant de Fs et suit une loi normale, de moyenne 0 et de variance t − s. Le résultat suivant nous sera très utile : Théorème (Girsanov). Soit un mouvement brownien standard {Wt } sur un espace de probabilité RT (Ω, F, P ), W0 = 0, Ft = σ(Ws , s ≤ t). Soit {θt } un processus adapté, de carré intégrable i.e. 0 θt2 dt < ∞ p.s., et tel que Rt R 1 t 2 θ dW s − − s 2 0 θs ds Z =e 0 t RT 2 soit une martingale sous P (c’est le cas dès que la condition de Novikov E[e 0 θt dt ] < ∞ est satisfaite, et en particulier lorsque θt = θ est constant). Soit Q la mesure de probabilité définie par sa dérivée de Rt dQ Radon 4 = ZT . Alors W̃t = Wt + 0 θs ds est un brownien standard sous Q. dP Un point important : le passage de la probabilité P à la probabilité Q modifie le terme de dérive mais pas le terme de volatilité. En effet la dérive (le drift) de dW̃t est θs dt sous P et est nulle sous Q (on a EP [dW̃t |Ft ] = θt dt et EQ [dW̃t |Ft ] = 0), tandis que la variance de dW̃t est dt à la fois sous P et sous Q (on a varP [dW̃t |Ft ] = varQ [dW̃t |Ft ] = dt). On appelle processus de diffusion un processus {Xt } satisfaisant à l’équation différentielle stochastique (EDS) dXt = αt dt + σt dWt R où {αt } et {σt } sont adaptés à F et en imposant comme condition que (|αt | + σt2 )dt < ∞ p.s. Le résultat suivant nous sera également très utile : Lemme (Itô). Soit (x, t) → f (x, t) une fonction C 2 en x et C 1 en t. Alors df (Xt , t) = où hXit = Rt 0 ∂f 1 ∂2f ∂f (Xt , t)dXt + (Xt , t)dhXit + (Xt , t)dt 2 ∂x 2 ∂x ∂t σs2 ds est la variation quadratique de {Xt }. On peut retenir le lemme d’Itô en effectuant un développement limité à l’ordre 2 et en appliquant la « table de multiplication d’Itô » : dWt dt dWt dt 0 dt 0 0 4. pour tout événement A on calcule Q(A) comme Q(A) = EP [ZT 1A ]. On en déduit en particulier que pour toute variable aléatoire Y FT mesurable on a EQ [Y |Ft ] = EP [ZT Y |Ft ]/Zt . 13 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Cette règle se généralise d’ailleurs au cas multidimensionnel dWti dWtj dt dWti dt ρi,j dt 0 dWtj ρi,j dt dt 0 dt 0 0 0 où ρi,j est la corrélation entre dWti et dWtj . Pour terminer cette section on parlera brièvement de l’équation de Kolmogorov. Soit {Xt } satisfaisant à dXt = α(Xt , t)dt + σ(X, t)dWt et U (X, t) = E[f (XT ) | Xt = X]. Alors U est solution de l’équation aux dérivées partielles dite de Kolmogorov rétrograde ∂U ∂U 1 ∂2U (x, t) + α(x, t) (x, t) + σ(x, t)2 2 (x, t) = 0 ∂t ∂x 2 ∂x U (x, T ) = f (x). Cette équation est très importante car elle fait le lien entre le calcul stochastique et les méthodes d’analyse numérique (différences finies, etc.) couramment employées en finance quantitative. 2.6 Le modèle de Black, Scholes et Merton Le modèle de Black & Scholes [BS73] et Merton [Mer73] est un modèle à temps continu qui suppose que les rendements du sous-jacent suivent un mouvement brownien. Paru quelques mois plus tard que celui de Black & Scholes, l’article de Merton est un peu plus général au sens où en travaillant directement avec les prix forwards il ne nécessite pas l’hypothèse d’un taux court constant ou déterministe. Ici on se restreindra à la formulation de Black & Scholes, qui pourra facilement être généralisée en utilisant la méthodologie de la section 3. Spécification du modèle. On considère un mouvement brownien standard {Wt } sur un espace de probabilité (Ω, F, P ), W0 = 0, Ft = σ(Ws , s ≤ t), et on suppose que le cours du sous-jacent suit l’équation différentielle stochastique (EDS) dSt = αdt + σdWt St (4) où α est le terme de dérive (drift) et σ le terme de volatilité. En d’autres termes les rendements du sous-jacent sont supposés indépendants et gaussiens de moyenne αdt et de variance σ 2 dt. L’application directe du lemme d’Itô montre que L’EDS (4) a pour solution 1 2 St = S0 e(α − 2 σ )t + σWt . Le processus {St } est un brownien géométrique. Les figures 2 et 3 montrent respectivement un exemple d’historique de cours d’action et des exemples de trajectoires d’un brownien géométrique. On voit une grande similarité entre les deux, avec le caveat que la modélisation par un brownien est peu capable de rendre compte des grands mouvements (e.g. fin de l’été 2011 pour le cours de l’action) des cours. On discutera plus loin des limites du modèle de Black, Scholes et Merton, et de son amélioration à travers d’autres modèles. Il reste néanmoins incontournable et toujours couramment employé 5 , notamment car il se prête très bien aux calculs. 5. Le consensus parmi les professionnels - analystes quantitatifs et traders - est que mieux vaut un modèle faux mais simple, dont l’on comprend bien les limites, et de paramètres faciles à interpréter et « stresser », que un modèle complexe de paramètres difficilement interprétables. Voir par exemple avec une touche qui se veut humoristique le « manifeste des quants » [DW09]. 14 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 On suppose de plus que le taux d’intérêt court (taux d’intérêt portant sur une période t à t + dt) r est constant, et que le sous-jacent verse un dividende continu de taux constant q. Enfin, on fait l’hypothèse d’un marché liquide, sans coûts de transactions, sans opportunité d’arbitrage, et dans lequel on peut vendre à découvert le sous-jacent. Figure 2 – Cours de l’action PPR juillet et aout 2011 (source Bloomberg) Approche par EDP et portefeuille de couverture. Soit une option européenne de payoff f (S) à maturité T . On suppose qu’il existe un portefeuille autofinançant de valeur Vt = ϕt St + ψt , résultant d’un montant initial V0 et d’une stratégie dynamique de couverture {(ϕt , ψt )} formant un processus prévisible, où ϕt désigne la quantité d’action détenues (ou vendues à découvert selon le cas) et ψt la quantité de cash prêtée ou selon le cas. Pour la suite on supposera satisfaite la condition R Tempruntée 2 technique d’intégrabilité 0 (ϕt St ) dt < ∞ p.s. La condition d’autofinancement s’écrit dVt = ϕt (dSt + qSt dt) + ψt rdt. (5) En toutes lettres cela signifie que puisque il n’y a pas ajout ou retrait de cash dans le portefeuille, la variation de sa valeur est due à la variation de valeur du sous-jacent, plus les dividendes reçus ou payés, plus l’intérêt reçu ou payé sur le cash. On suppose à présent que la valeur Vt peut s’écrire Vt = V (S, t), qui par absence d’arbitrage est le prix de l’option puisque Vt est supposé être un portefeuille de couverture. Par le lemme d’Itô on a dVt = ∂V ∂V 1 ∂2V (St , t)dt + (St , t)dSt + σ 2 St2 2 (St , t)dt ∂t ∂S 2 ∂S (6) Combinant (5) et (6), et puisque ψt = Vt − ϕt St , on obtient ∂V 1 2 2 ∂2V ∂V (St , t) − ϕt dSt + (St , t) − ϕt St (q − r) + σ St (St , t) − rVt dt = 0. ∂S ∂t 2 ∂S 2 Pour que cette équation soit satisfaite il nous faut annuler simultanément les termes en dSt et en dt, ce qui conduit à ∂V ϕt = (St , t) (7) ∂S 15 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Figure 3 – Exemples de trajectoires d’un brownien géométrique 180.00 160.00 140.00 120.00 100.00 80.00 60.00 40.00 20.00 0.00 0.10 0.20 0.30 0.40 0.50 0.60 0.70 0.80 0.90 1.00 et à l’équation aux dérivées partielles (EDP) ∂V 1 ∂2V ∂V (S, t) + (r − q)S (S, t) + σ 2 S 2 2 (S, t) − rV (S, t) = 0 ∂t ∂S 2 ∂S (8) avec bien sur la condition terminale V (S, T ) = f (S). L’équation (7) s’interprète comme la couverture en delta, ou delta hedging : pour couvrir l’option, c’est à dire pour annuler le risque lié aux fluctuations du sous-jacent, il faut que le portefeuille de couverture contienne à tout instant une quantité de sous-jacent égale à la sensibilité du prix de l’option au cours de son sous-jacent. Notons à présent un point essentiel : l’EDP (8), qui s’apparente à l’équation de Kolmogorov rétrograde mentionnée en 2.5, ne fait pas apparaitre le terme de dérive α, mais à la place le terme r − q. En fait, tout se passe comme s’il on avait travaillé en supposant que le terme de dérive de {St } était non pas α mais r − q, c’est à dire en se plaçant sous la probabilité risque neutre, notion dont on a déjà parlé dans le cas du modèle binomial de la section 2.4. On reviendra plus rigoureusement sur cette notion dans la section 3. L’important est de retenir que la couverture de l’option annule la tendance du marché (le terme α de dérive du processus) et que le prix de l’option n’en dépend donc pas. Ceci signifie qu’il n’est pas nécessaire de l’estimer pour spécifier le modèle quantitativement. On voit par contre que le terme de volatilité σ, qui mesure l’amplitude des fluctuations du sousjacent, intervient dans l’EDP d’évaluation. L’estimation de σ est un problème crucial sur lequel on reviendra plus loin. 1 Formule de Black & Scholes Posons à présent S(x, t) = S0 e(r−q− 2 σ L’EDP (8) se ramène à l’équation de la chaleur 2 )t+σx et Ṽ (x, t) = e−rt V (S(x, t), t). ∂ Ṽ 1 ∂ 2 Ṽ (x, t) + (x, t) = 0 ∂t 2 ∂x2 avec comme condition terminale Ṽ (x, T ) = f˜(x) = e−rT f (S(x)). On sait des propriétés de l’équation de la chaleur que la solution s’écrit comme intégrale de la densité gaussienne de moyenne x et d’écart 16 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 type √ T − t contre la condition terminale, soit Z +∞ 2 1 (u−x) 1 Ṽ (x, t) = f˜(u) p e− 2 T −t du. 2π(T − t) −∞ Dans le cas d’un call de payoff f (S) = (S − K)+ on obtient après intégration la célèbre formule de Black & Scholes pour le prix de l’option à t = 0 c = e−rT (F0 N (d1 ) − KN (d2 )) (9) où N (.) est la fonction de répartition de la loi normale et F0 = S0 e(r−q)T ln(F0 /K) + 21 σ 2 T √ d1 = σ T √ d2 = d1 − σ T . Dans le cas d’un put de payoff f (S) = (K − S)+ on obtient, avec les mêmes notations, p = e−rT (KN (−d2 ) − F0 N (−d1 )) . (10) Notons au passage qu’on retrouve bien la relation de parité call-put. Lien entre EDP et probabilité risque neutre. Considérons Rt R 1 t 2 θ dW s − − s 2 0 0 θs ds Zt = e avec α − (r − q) , σ et soit P ∗ la mesure de probabilité définie par dP ∗ /dP = ZT . L’EDS (4) qui spécifie le modèle s’écrit θ= dSt St = αdt + σdWt = (r − q)dt + σ(θdt + dWt ) = (r − q)dt + σdW̃t et le théorème de Girsanov entraine que {W̃t } est un brownien standard sous P ∗ . Soit V (S, t) = e−r(T −t) EP ∗ [f (ST )|St = S] . En appliquant l’équation de Kolmogorov rétrograde à V (S, t)er(T −t) on obtient ∂V 1 ∂2V ∂V (S, t) + (r − q) (S, t) + σ 2 S 2 2 (S, t) − rV (S, t) = 0 ∂t ∂S 2 ∂S donc V (S, t) est bien solution de l’EDP d’évaluation (8). On retrouve alors facilement les formules 1 2 de Black & Scholes en calculant EP ∗ [f (ST )] à partir de ST = S0 e(r − q − 2 σ )T + σ W̃T et de la distribution gaussienne de variance T de W̃T sous P ∗ . P ∗ est est fait la probabilité risque neutre associée au numéraire ert . Cette notion sera étudiée en détail à la section 3. On voit toutefois comment l’équation de Kolmogorov permet de faire le lien entre approche probabiliste et approche par EDP. 17 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Volatilité historique et volatilité implicite. Comment estimer la volatilité σ ? Si on croit au modèle, on doit estimer σ sur un historique de la série temporelle {St }, par exemple en calculant l’espérance des carrés des rendements quotidiens 6 σ 2 = E[ln(St+δt /St )2 ]/δt. On parle alors de volatilité historique. Mais pour beaucoup de sous-jacents il existe un marché d’options, pour un éventail de strikes K et de maturités T . On dispose donc de prix de calls c(K, T ) et/ou de puts p(K, T ), sur la base desquels on peut inverser la formule de Black & Scholes pour obtenir pour chaque (K, T ) la volatilité Σ(K, T ) qui lorsque elle sert de paramètre au modèle permet de retrouver le prix d’option correspondant. On parle alors de la nappe de volatilité implicite. La figure 4 montre une telle nappe. Figure 4 – Exemple de nappe de volatilité (source Bloomberg) On observe sur cette nappe : — une structure par terme : à K donné Σ(K, T ) n’est pas constante en T ; — un phénomène dit de skew ou de de smile : à T donné la volatilité implicite a tendance à être plus élevée pour les strikes bas (typique pour les actions) et exhibe donc une pente négative (le skew). Parfois elle est plus élevée aux deux extrémités, exhibant ainsi de la convexité (le smile). Pourquoi un tel phénomène ? parce que bien sur la modélisation log-normale proposée par le modèle est trop simple, et notamment rend mal compte des « queues épaisses » de la distribution du sous-jacent en sous estimant la probabilité de gros mouvements, en particulier à la baisse pour les actions. Que faire alors ? On peut complexifier le modèle, par exemple en ajoutant des sauts sous forme d’un processus de Poisson, comme dans Merton [Mer76] pour obtenir dSt = αdt + σdWt − ηdNt St où dNt est un processus de poisson d’intensité λ et les amplitudes de saut η sont aléatoires i.i.d., par exemple de loi 1 moins une log normale. On peut aussi supposer la volatilité stochastique comme dans 6. cette technique fonctionne mieux que le calcul de la variance des rendements, lequel nécessite de calculer la moyenne des rendements, terme très peu stationnaire en pratique. 18 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Heston [Hes93] dSt = αdt + σt dWt1 St dσt2 = κ(θ − σt2 )dt + ξσt dWt2 avec une corrélation ρ = dhW 1 , W 2 it /dt. On peut également envisager des modèles basés sur des familles de processus plus complexes, les processus de Levy. Mais ces modèles ont également leurs limites, et posent souvent des problèmes de stabilité dans le temps des paramètres calibrés. En pratique les traders choisissent le modèle qui semble le mieux adapté à la situation, par exemple Black & Scholes pour les options européennes, mais en utilisant la volatilité implicite appropriée, volatilité stochastique pour certaines exotiques dont la valeur dépend beaucoup de l’évolution de la volatilité dans le futur, etc. Grecques et gestion du risque. Soit V (S, t, σ, r) le prix d’une option tel que calculé par le modèle de Black, Scholes et Merton. On appelle grecques les sensibilités du prix aux paramètres du modèle. Les plus importantes sont Delta ∂V ∂S ∂2V Γ= ∂S 2 ∂V Θ= ∂t ∂V ∂σ ∂V ρ= . ∂r = ∆= Gamma = Theta = Vega = Rho = ∆ est la sensibilité de l’option au cours du sous-jacent. C’est également le ratio de couverture. Γ représente la convexité de l’option. Γ > 0 indique que le prix est convexe, Γ < 0 qu’il est concave (on note que pour un call comme pour un put on a Γ > 0). Θ est appelé valeur temps. On emploie aussi couramment le théta modifié ou modified theta, calculé comme Modified theta = Θ∗ = ∂V ∂V − rV + (r − q)S . ∂t ∂S L’EDP d’évaluation (8) peut alors s’écrire 1 2 2 σ S Γ + Θ∗ = 0. 2 (11) En toutes lettres, on dit que le gamma et le théta (modifié) se compensent. Cette relation est importante en terme de gestion des risques. Considérons une option couverte à t. Le modèle fait l’hypothèse que la couverture est ajustée en continu, mais en pratique le ou la trader ne fait des réajustements que après un certain intervalle de temps δt (e.g. 1 jour). Le changement de valeur de l’option et de son portefeuille de couverture s’écrit δv = V (S + δS, t + δt) − V (S, t) − (∆(δS + Sqδt) + (V (S, t) − ∆S)rδt) 2 1 2 2 δS σ S Γ + Θ∗ δt + O(|δS|δt + |δS|3 + δt2 ) = 2 σS Si le marché ne bouge pas, δS = 0 et donc δv ≈ Θ∗ δt. Le théta modifié représente donc le changement de valeur si le temps passe sans que le marché ne bouge, d’où le terme de valeur temps. On parle aussi 19 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 de « loyer » de l’option. Si le marché bouge on a δS de l’ordre de mouvement brownien). On obtient donc au premier ordre en δt 2 1 2 2 δS δv ≈ σ S Γ + Θ∗ δt 2 σS √ δt (écart type des incréments du et en appliquant (11) 1 δv ≈ σ 2 S 2 Γ 2 δS σS ! 2 − δt . On en déduit que : — Position Gamma√positive : Γ > 0 — si |δS/S| > σ √δt (mouvement plus grand que un écart type) le trader gagne de l’argent ; — si |δS/S| < σ δt (mouvement plus petit que un écart type) le trader perd de l’argent ; — position Gamma√ négative : Γ < 0 — si |δS/S| > σ √δt (mouvement plus grand que un écart type) le trader perd de l’argent ; — si |δS/S| < σ δt (mouvement plus petit que un écart type) le trader gagne de l’argent. C’est pourquoi en terme de gestion des risques : — les traders préfèrent les positions Γ > 0, qui ne perdent pas d’argent en cas de gros mouvement (crise) ; — et en conséquence quotent plus cher (avec une volatilité plus élevée) la vente d’options qui résultent en une position Γ < 0. 3 Marchés complets, représentation martingale et probabilité risque neutre Après l’introduction du modèle de Black, Scholes et Merton, des mathématiciens et économistes ont étendu et formalisé les notions probabilistes intervenant dans l’évaluation des produits dérivés, en particulier la notion de probabilité risque neutre. Deux articles ont fondé la théorie, un premier dû à J.M. Harrison et D. Kreps en 1979 pour le cas discret [HK79], et un deuxième en 1981 dû à J.M. Harrison et S.R. Pliska pour l’extension en temps continu [HP81]. 3.1 Formalisme en temps continu On considère un horizon T , un marché formé de N + 1 actifs de prix {St = (St0 , St1 , ..., StN )} constituant un processus stochastique en temps continu adapté, càdlàg, de composantes strictement positives p.s., sur un espace de probabilité (Ω, F, P ) où Ft = σ(Ss , s ≤ t). On suppose que les actifs ne versent pas de dividendes, et que {St0 } est une semimartingale. Il n’y a pas de coûts de transaction, les actifs peuvent être achetés ou vendus sans restriction de quantité, et peuvent être vendus à découvert. On sélectionne l’actif {St0 } comme numéraire et on note S̃ti = Sti /St0 les prix exprimés en numéraire. Hypothèse (absence d’opportunité d’arbitrage). Il existe une mesure de probabilité P0∗ équivalente à P telle que pour tout i ∈ {1, ..., N } le processus {S̃ti } soit une martingale de carré intégrable. P0∗ est dite risque neutre pour le numéraire St0 . On appelle stratégie autofinançante un processus {ϕt = (ϕ0t , ϕ1t , ..., ϕN t )} prévisible tel que Z T EP0∗ (ϕit )2 dhS̃ i it < ∞ pour tout i ∈ {1, ..., N } 0 et vérifiant la condition d’autofinancement Ṽt = ϕ0t + N X i=1 ϕit S̃ti = ϕ00 + N X i=1 ϕi0 S̃0i + Z tX N ϕis dS̃si p.s. 0 i=1 20 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 On a en particulier que la valeur {Ṽt } en numéraire du portefeuille est une martingale de carré intégrable sous P0∗ , car s’écrivant comme une intégrale contre une martingale (voir par exemple [Pro04] pour ce résultat ainsi que toutes les conditions techniques imposées ici). Pour la suite on notera Ṽt = Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )t = Ṽ0 + Z tX N ϕis dS̃si 0 i=1 la valeur en numéraire du portefeuille autofinançant. On obtient la valeur du portefeuille « en cash » comme V (V0 , ϕ1 , ..., ϕN )t = St0 Ṽ (V0 /S00 , ϕ1 , ..., ϕN )t . Justifions l’hypothèse. Supposons une stratégie autofinançante de valeur terminale positive et non identiquement nulle, i.e. Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )T ≥ 0 p.s. et P (Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )T > 0) > 0. Alors puisque {Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )t } est une martingale sous P0∗ on a ∗ h i dP0 1 N 1 N ˜ ˜ Ṽ0 = EP0∗ Ṽ (V0 , ϕ , ..., ϕ )T = EP Ṽ (V0 , ϕ , ..., ϕ )T > 0 dP donc il n’y a pas d’opportunité d’arbitrage (voir la section 2.2). En fait il y a sous conditions équivalence entre l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage et l’existence d’une probabilité risque neutre. Mais la preuve dans un cadre général que l’absence d’opportunité d’arbitrage entraine l’existence d’une telle probabilité est complexe et nécessite des conditions très techniques. On préfère donc se contenter d’en postuler l’existence, et de l’obtenir lorsque on aborde un modèle concret (par exemple comme conséquence du théorème de Girsanov dans le cas de processus de diffusion). Dans le cas discret, en temps et en espace, on se sert du théorème de séparation des convexes (Hahn Banach) pour montrer que l’absence d’opportunité d’arbitrage entraı̂ne que (S̃01 , ..., S̃0N ) s’écrit comme barycentre à poids positifs de (S̃t1 , ..., S̃tN ), d’où après normalisation des poids l’obtention de P0∗ . 3.2 Marché complet et résultat fondamental de l’évaluation des actifs contingents Considérons à présent un actif contingent de payoff X en T , et notons X̃ = X/ST0 la valeur du payoff en numéraire. On dit que le marché est complet si pour toute variable aléatoire X̃ FT mesurable, il existe une stratégie autofinançante satisfaisant la condition de couverture Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )T = Ṽ0 + Z 0 N T X ϕis dS̃si = X̃ p.s. (12) i=1 On parle ici de représentation martingale : tout payoff exprimé en numéraire, c’est à dire toute variable aléatoire FT mesurable, s’écrit comme un montant initial plus l’intégrale d’un processus prévisible (la stratégie autofinançante) contre les actifs exprimés en numéraire, lesquels sont des martingales sous P0∗ . Théorème (marché complet). Le marché est complet si et seulement si la probabilité risque neutre P0∗ est unique. On a alors comme conséquence directe de ce théorème le résultat suivant : Théorème (résultat fondamental de l’évaluation des actifs contingents). Supposons le marché complet et soit P0∗ la probabilité risque neutre pour le numéraire St0 . Soit un actif contingent de payoff X en T , FT mesurable. Alors le prix de l’actif contingent vt en t est tel que {vt /St0 } est une martingale sous P0∗ , et vt est donné par X | F vt = St0 EP0∗ t . ST0 21 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 En effet, soit X̃ = X/ST0 . Puisque le marché est complet il existe une stratégie autofinançante telle que (12) soit satisfaite. Puisque la valeur du portefeuille en numéraire est une martingale sous P0∗ on a h i h i Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )t = EP0∗ Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )T | Ft = EP0∗ X̃ | Ft qui donne ainsi le prix de l’actif contingent, égal par absence d’opportunité d’arbitrage à la valeur (unique) de sa couverture. On a ainsi une procédure d’évaluation valable pour n’importe quel modèle, sous réserve qu’il soit complet : on sélectionne un numéraire, on travaille sous la probabilité risque neutre associée à ce numéraire, et on calcule le prix de n’importe quelle option comme espérance de son payoff, les prix étant exprimés en numéraire. Revenons à présent à la démonstration du premier théorème. Supposons le marché complet et soit deux probabilités risque neutre P0∗ et Q∗0 . Pour toute variable aléatoire X̃ FT mesurable il existe une stratégie autofinançante satisfaisant la condition de couverture (12). Le portefeuille Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )t est alors une martingale sous P0∗ et sous Q∗0 , donc h i h i Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )0 = EP0∗ X̃ | Ft = EQ∗0 X̃ | Ft pour tout X̃. On en déduit que P0∗ est identique à Q∗0 . Prouver que l’unicité de P0∗ entraı̂ne la complétude du marché est plus compliqué et on ne le fera pas ici. La preuve fait appel à un résultat de représentation martingale, que l’on trouvera par exemple dans [Pro04], et qui permet de représenter n’importe quelle variable aléatoire X̃ comme une intégrale contre la martingale (S̃t1 , ..., S̃tN ), autrement dit qu’il existe une stratégie autofinançante satisfaisant la condition de couverture (12) et que le marché est donc complet. 3.3 Application : Black, Scholes et Merton revisité On va à présent regarder comment les résultats précédents s’appliquent au modèle de Black, Scholes et Merton. En reprenant les notations de la section 2.6, on a un taux court constant r et une action de prix St qui suit 1 2 St = S0 e(α− 2 σ )dt+σWt et a un taux de dividendes q. A partir du taux court on construit le « compte d’épargne au taux court », qui vaut St0 = ert , et nous sert de numéraire. En ce qui concerne l’action, de manière à nous ramener au cas sans dividendes, on construit le « compte titre à dividendes réinvestis » composé d’une action au départ et dont les dividendes sont réinvestis en actions. Ce compte a pour valeur St1 = St eqt . On a donc pour ce modèle St0 = ert 1 2 St1 = S0 e(α+q− 2 σ )t+σWt 1 2 S1 S̃t1 = t0 = S0 e(α+q−r− 2 σ )t+σWt St Appliquons le théorème de Girsanov pour obtenir la probabilité risque neutre : Soit θ = la probabilité définie par 1 2 dP ∗ = e−θWT − 2 θ T. dP Alors Wt∗ = θt + Wt est un brownien standard sous P ∗ , et 1 S̃t1 = S0 e− 2 σ α+q−r σ et P ∗ 2 t+σW ∗ t est une martingale sous P ∗ , laquelle est donc bien une probabilité risque neutre pour {St0 }. Par ailleurs un résultat de représentation martingale dans le cas brownien (voir de nouveau [Pro04], ou [KS91]) montre que le marché défini par le modèle est complet : toute variable aléatoire FT mesurable s’écrit comme intégrale d’un processus prévisible contre {Wt∗ }, et donc contre {S̃t1 } puisque par le lemme d’Itô dS̃t1 = S̃t1 σdWt∗ . On en déduit que P ∗ est l’unique probabilité risque neutre pour {St0 }. 22 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 La formule de Black & Scholes en quelques lignes. On va ici, pour illustrer l’importance de l’approche probabiliste, obtenir la formule de Black & Scholes en quelques lignes. On a 1 St = S0 e(r−q− 2 σ 2 )t+σW ∗ t et d’après le résultat de l’évaluation des actifs contingents le prix du call se calcule comme c = EP ∗ e−rT (ST − K)+ = EP ∗ e−rT ST 1ST >K − e−rT KP ∗ (ST > K). On obtient 1 2 P (ST > K) = P > ln(K/S0 ) − (r − q − σ )T = N (d2 ) 2 −rT avec les notations de la section 2.6. Reste à calculer EP ∗ e ST 1ST >K . On remarque que puisque e−(r−q)t St est une martingale sous P ∗ , le théorème de Girsanov s’applique et permet de définir Q∗ comme dQ∗ /dP ∗ = e−(r−q)T ST /S0 , sous laquelle Wt∗∗ = Wt∗ − σt est un brownien standard, avec ∗ ∗ σWT∗ 1 St = S0 e(r−q+ 2 σ 2 )t+σW ∗∗ t . On obtient donc EP ∗ e−rT ST 1ST >K = EQ∗ e−qT S0 1ST >K = e−qT S0 Q∗ (ST > K) = e−qT S0 N (d1 ) et on retrouve la formule de Black & Scholes c = e−qT S0 N (d1 ) − e−rT KN (d2 ). En fait Q∗ est la probabilité risque neutre lorsque on choisit {St1 } plutôt que {St0 } comme numéraire. On obtient facilement le delta du call par la même approche, en dérivant sous l’espérance : ∆= ∂c ∂S0 ∂ EP ∗ e−rT (ST − K)+ ∂S0 ∂ + −rT = EP ∗ e (ST − K) ∂S0 ∂ST −rT = EP ∗ e 1ST >K ∂S0 S T −rT = EP ∗ e 1ST >K S0 = = e−qT Q∗ (ST > K) = e−qT N (d1 ). 3.4 Changement de numéraire Précédemment on a choisit arbitrairement {St0 } comme numéraire et obtenu la probabilité risque neutre associée P0∗ sous laquelle les {Sti /St0 } sont des martingales. Que se passe t’il si on sélectionne un autre actif {Stj } comme numéraire ? Notons que Zt = Stj S00 St0 S0j est une martingale strictement positive p.s. sous P0∗ avec Z0 = 1 et définit donc une nouvelle probabilité Pj∗ comme dPj∗ /dP0∗ = ZT . On vérifie facilement que Pj∗ est risque neutre lorsque {Stj } est employé comme numéraire : on a en effet pour tout i et s < t " # " # 0 i Sti Zt Sti Ss St Ss0 Ssi Ssi ∗ ∗ EPj∗ |F = E |F = E |F = = . s s s P0 P0 Zs Stj Stj Ssj St0 Ssj Ss0 Ssj On montre ensuite (mais on ne le fera pas ici) que Pj∗ est bien unique. 23 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 On peut aussi choisir comme numéraire tout portefeuille de valeur strictement positive p.s. Soit ˜ Ṽ (V0 , ϕ1 , ..., ϕN )t la valeur en numéraire {St0 } d’un tel portefeuille et V (V0 , ϕ1 , ..., ϕN )t = St0 Ṽ (V0 /S00 , ϕ1 , ..., ϕN )t sa valeur en cash. La probabilité risque neutre par rapport à V (V0 , ϕ1 , ..., ϕN )t est obtenue comme dPV∗ V (V0 , ϕ1 , ..., ϕN )T S00 Ṽ (V˜0 , ϕ1 , ..., ϕN )T = . = ∗ dP0 V0 ST0 V˜0 L’intérêt du changement de numéraire est de travailler sous une probabilité qui simplifie les calculs, comme on l’a fait pour obtenir le premier terme de la formule de Black & Scholes dans la section précédente. Voici un autre exemple : on considère le modèle de type Black & Scholes bidimensionnel, sans dividendes (on peut toujours ajouter les dividendes en procédant comme précédemment), sous la probabilité historique St0 = ert 1 2 1 1 2 2 St1 = S01 e(α1 − 2 σ1 )t+σ1 Wt St2 = S02 e(α2 − 2 σ2 )t+σ2 Wt avec corrélation ρ entre {Wt1 } et {Wt2 } (dhW 1 , W 2 it = ρdt). On veut calculer la valeur d’une option d’échanger une action contre l’autre, de payoff (ST1 − ST2 )+ en T . Plaçons nous sous la probabilité P2∗ risque neutre pour {St2 }. La valeur de l’option se calcule comme v = S02 EP2∗ (ST1 − ST2 )+ /ST2 = S02 EP2∗ (ST1 /ST2 − 1)+ . p 1 2 2 1 2 On a St1 /St2 = (S01 /S02 )e(α1 −α2 − 2 (σ1 −σ2 ))t+σ1 Wt −σ2 Wt et σ1 Wt1 −σ2 Wt2 = σWt où σ = σ12 + σ22 − 2ρσ1 σ2 et {Wt } est un brownien standard sous la probabilité historique. {St1 /St2 } est une martingale sous P2∗ et une application du théorème de Girsanov (en version multidimensionnelle) nous donne St1 /St2 = 1 2 ∗ e− 2 σ t+σWt où {Wt∗ } est brownien standard sous P2∗ . On obtient donc comme prix pour l’option v = S01 N (d1 ) − S02 N (d2 ) avec ln(S01 /S02 ) + 12 σ 2 T √ σ T √ = d1 − σ T . d1 = d2 3.5 Quelques mots sur le cas incomplet Dans le cas incomplet il existe une probabilité risque neutre (pour le numéraire choisi) mais elle n’est pas unique. On montre néanmoins (voir [FS86]) que, pour une probabilité risque neutre donnée, le problème 2 1 N ˜ inf EP ∗ X̃ − Ṽ (V0 , ϕ , ..., ϕ )T Ṽ0 ,{ϕt } 0 admet comme unique solution Ṽ0 P0∗ dhS̃it ϕt = ṽ0 P∗ = dhṽ, S̃it 0 h i où ṽt = EP0∗ X̃ | Ft est appelé le processus de valeur moyenne. Autrement dit, la meilleure couverture au sens de la minimisation de la norme L2 sous P0∗ du résultat de la couverture est de procéder comme dans le cas complet. 24 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 4 Autour de la formule de Black & Scholes On va voir dans cette section que la formule de Black & Scholes (9)-(10) peut s’appliquer dans un cadre plus vaste que celui décrit en section 2.6. 4.1 Taux court non constant Considérons une option européenne de maturité T . Supposons dans un premier temps que le sousjacent ne verse pas de dividendes. Soit Bt (T ) le zéro-coupon de maturité T . Soit Ft = St /Bt (T ) le prix forward du sous-jacent (voir section 2.3). Sous la probabilité risque neutre PT∗ associée à {Bt (T )}, Ft est une martingale. Si l’on suppose un brownien géométrique de volatilité σ pour Ft , on a donc avec {Wt } un brownien standard sous cette probabilité. 1 Ft = F0 e− 2 σ 2 t+σW t . On a BT (T ) = 1, donc FT = ST et le call vaut c = B0 (T )EPT∗ [(FT − K)+ ]. On obtient alors pour le call et le put européens la formule de Black & Scholes (9)-(10) dans laquelle il suffit de remplacer erT par B0 (T ), ou encore d’utiliser r = Y0 (T ) (voir notations de la section 1.5), avec la compréhension que σ est la volatilité non pas du spot mais du forward. Spécifiquement : c = B0 (T ) (F0 N (d1 ) − KN (d2 )) (13) pour le call européen et p = B0 (T ) (KN (−d2 ) − F0 N (−d1 )) (14) √ √ pour le put européen, avec F0 = S0 /B0 (T ) et d1 = (ln(F0 /K) + 21 σ 2 T )/(σ T ), d2 = d1 − σ T . Avec un taux de dividende non nul q on a comme prix forward Ft = St e−q(T −t) /Bt (T ) (voir le « compte titre avec dividendes réinvestis » de la section 3.3) et le même calcul s’applique, d’où (13) et (14) avec F0 = S0 e−qT /B0 (T ) Dans son article [Mer73], Merton avait déjà compris l’intérêt de travailler directement avec le prix forward Ft plutôt que le prix spot St , ce qui lui évitait de supposer le taux court constant ou déterministe. Si on suppose que le taux courtR est non constant mais néanmoins déterministe, noté r(t), on a T par absence d’arbitrage Bt (T ) = e− t r(u)du , tandis que la valeur du compte d’épargne au taux court Rt est e 0 r(u)du . Ces deux quantités sont déterministes et la probabilité risque neutre PT∗ associée au zéro-coupon {Bt (T )} est identique à la probabilité risque neutre P ∗ associée au compte d’épargne. 4.2 Dividendes discrets proportionnels En pratique les dividendes versés par une action ne sont pas continus mais discrets, e.g. trimestriels, annuels, etc. Soient ti la i-ème date de tombée de dividendes et di le montant du dividende correspondant. Par absence d’arbitrage on doit avoir Sti = St− − di . Supposons que le montant est i proportionnel au prix de l’action juste avant le dividende, i.e. di = qi St− . Le « compte titre avec i dividendes réinvestis » s’écrit à présent Y Y Y St (1 + di /Sti ) = St (1 + qi /(1 − qi )) = St (1/(1 − qi )) ti ≤t ti ≤t ti ≤t et le prix forward de l’action Ft = Y (1 − qi )St /Bt (T ). t<ti ≤T On obtient donc de nouveau (13) et (14) avec Y F0 = (1 − qi )S0 /B0 (T ). 0<ti ≤T 25 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 4.3 Options sur change La formule de Black & Scholes peut également s’appliquer aux calls et puts européens sur change. Considérons deux devises, la devise domestique D et une devise étrangère E. Soit Xt le taux de change, qui représente le prix de E en D. On veut obtenir le prix d’un call ou d’un put européen de maturité T et de payoff (XT − K)+ (resp. (K − XT )+ ). Soit BtD (T ) le zéro-coupon de maturité T dans la devise D, et BtE (T ) le zéro-coupon de maturité T dans la devise E. On considère la stratégie qui consiste à acheter initialement la devise E en devise D et à la placer en zéro-coupon BtE (T ). Cette stratégie est autofinançante et vaut Xt BtE (T ) à t. Son prix forward Ft = Xt BtE (T )/BtD (T ) est donc une martingale sous la probabilité risque neutre PTD∗ associée à {BtD (T )}, et on a bien sur FT = XT . En supposant de nouveau que le prix forward est un brownien géométrique de volatilité σ, on obtient toujours la formule (13) et (14) avec F0 = X0 B0E (T )/B0D (T ). Ce modèle, initialement développé et analysé comme le modèle de Black & Scholes en supposant des taux d’intérêt constants, est connu sous le nom de modèle de Garman et Kohlhagen [GK83]. 4.4 Options sur commodités Considérons une commodité dont le prix est St et le coût de stockage est St cdt. Soit la stratégie qui consiste à partir d’un montant S0 ecT investi en commodité, et à en revendre au cours du temps une quantité cdt pour payer le coût de stockage. Cette stratégie est autofinançante et vaut St ec(T −t) à t. Son prix forward Ft = St ec(T −t) /Bt (T ) est une martingale sous la probabilité risque neutre PT∗ associée à {Bt (T )}, et on a FT = ST . En supposant que le prix forward est un brownien géométrique de volatilité σ, on obtient de nouveau (13) et (14) avec F0 = S0 ecT /B0 (T ). En pratique, pour refléter la réalité du marché, on généralise la notion de coût de stockage à celle de convenience yield, que l’on ne discutera pas ici. 5 Options américaines Une option américaine est une option qui peut être exercée à tout moment par son détenteur et non pas uniquement à maturité. Pour fixer les idées considérons un sous-jacent {St } et une option de payoff Xt = f (St ) lorsque exercée à t. 5.1 Cadre binomial On se place dans le cadre simple du modèle binomial présenté en section 2.4. On travaille sous la probabilité risque neutre p∗ . Comme précédemment on note Si,k le cours du sous-jacent au noeud (i, k) et vi,k la valeur de l’option en ce noeud, conditionnellement à ne pas avoir été exercée à une date précédente. Si,k vi,k f (Si,k ) Si+1,k+1 p∗ vi+1,k+1 H HH1 − p∗ Si,k+1 H HH v i,k+1 - k k+1 26 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 A maturité l’option vaut vi,N = f (Si,N ). On suppose les valeurs de l’option connues à la date k + 1. Plaçons nous au nœud (i, k). Le détenteur de l’option a le choix entre — exercer immédiatement, et recevoir f (Si,k ) ; — ou conserver l’option une période de plus ; l’option est alors identique à une option européenne de maturité tk+1 et de payoff vi,k+1 au noeud (i, k + 1) et vi+1,k+1 au noeud (i + 1, k + 1), et vaut donc B[p∗ vi+1,k+1 + (1 − p∗ )vi,k+1 ]. Il va donc choisir d’exercer au noeud (i, k) ssi f (Si,k ) > B[p∗ vi+1,k+1 + (1 − p∗ )vi,k+1 ]. L’option vaut donc en ce noeud vi,k = max (f (Si,k ), B[p∗ vi+1,k+1 + (1 − p∗ )vi,k+1 ]) . (15) Autrement dit on a modifié la récursion utilisée pour l’option européenne en lui appliquant un test d’exercice anticipé. On obtient ainsi le calcul de la valeur de l’option à chaque noeud de l’arbre binomial. Rappelons que le prix actualisé de l’option européenne est une martingale sous p∗ . Que constate t’on pour l’option américaine ? On a par construction vi,k e−rkδt ≥ p∗ vi+1,k+1 e−r(k+1)δt + (1 − p∗ )vi,k+1 e−r(k+1)δt i.e. le processus {v.,k e−rkδt } est une sur-martingale sous p∗ . On montre facilement que c’est en fait la plus petite sur-martingale qui domine {f (S.,k )e−rkδt }. On l’appelle l’enveloppe de Snell de {f (S.,k )e−rkδt }. 5.2 Cadre continu On se replace dans le cadre d’un marché complet en temps continu de la section 3. Pour rappel une sur-martingale sous une probabilité P est un processus adapté {Yt } tel que Ys ≥ EP [Yt |Fs ], s ≤ t. Une sous-martingale sous P est un processus adapté {Yt } tel que Ys ≤ EP [Yt |Fs ], s ≤ t. Un temps d’arrêt est une variable aléatoire τ ≥ 0 telle que {τ ≤ t} ∈ Ft pour tout t ≥ 0. On note P0∗ la probabilité risque neutre sous {St0 }. Options bermudéennes. Avant d’aborder le problème des options américaines on s’intéresse aux options bermudéennes (entre Europe et Amériques...), qui sont exerçables non pas à tout moment mais à un ensemble de dates 0 < t1 < t2 < ... < tN = T . On applique le même raisonnement de récursion que dans le cas binomial. Pour t ∈ [tN −1 , tN [ l’option, conditionnellement à ne pas avoir été exercée auparavant, est européenne et vaut vt = St0 EP0∗ XtN /St0N | Ft . Supposons la valeur de l’option connue pour t ≥ tk+1 . En tk+1 le détenteur a le choix entre exercer immédiatement ou conserver l’option. Il applique donc le test d’exercice anticipé max(Xtk+1 , vtk+1 ) ce qui conduit à la récursion pour t ∈ [tk , tk+1 [ h i vt = St0 EP0∗ max(Xtk+1 /St0k+1 , vtk+1 /St0k+1 ) | Ft . De nouveau on voit que {vt /St0 } est une sur-martingale. Par construction c’est la plus petite surmartingale qui domine {Xtk /St0k } pour tout k. 27 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Options américaines. On a le résultat suivant (voir par exemple [Kar88]) : Théorème. Le prix à t de l’option américaine de payoff Xu à u et de maturité maximale T est vt = St0 sup EP0∗ Xτ /Sτ0 | Ft t≤τ ≤T où le sup est sur tous les temps d’arrêt t ≤ τ ≤ T . {vt /St0 } est la plus petite sur-martingale (enveloppe de Snell) qui domine {Xt /St0 }. On obtient alors le temps d’arrêt (exercice) optimal comme τ ∗ = inf{t / vt = Xt }. On en déduit immédiatement que : Théorème. Si {vt /St0 } est une martingale, alors l’option est en fait européenne (τ ∗ = T ). Ceci nous permet d’obtenir un résultat bien connu : considérons un call américain sur une action Rt rs ds 0 0 le compte d’épargne au taux court, sans dividendes, et choisissons comme numéraire St = e qu’on se contentera de supposer positif 7 de telle sorte que St0 est croissant en t. Sous P0∗ on a que {St1 /St0 } est une martingale, donc {St1 /St0 − K/St0 } est une sous-martingale. La fonction (.)+ est convexe, donc par l’inégalité de Jensen Xt /St0 = (St1 /St0 − K/St0 )+ est une sous-martingale, donc son enveloppe de Snell est une martingale et l’option est européenne. On a ainsi montré - sans référence à un modèle spécifique - que le call américain est en fait européen. St1 De même on obtient qu’un put américain modifié de payoff (KSt0 − St1 )+ est en fait européen. 6 Options barrières Les options barrières sont des options qui s’activent ou se désactivent si le cours du sous-jacent franchit une barrière. Dans l’exemple du call knock out, le payoff à maturité est un payoff de call, mais il n’a lieu que si le cours de l’action n’a jamais franchi un niveau prédéterminé (la barrière). Si le cours passe au dessus de la barrière le call est annulé (knocked out). Soit St le cours du sous-jacent et Mt = maxu∈[0,t] Su . Le payoff du call knock out de maturité T s’écrit donc (ST − K)+ 1MT <H . Les options barrières sont un exemple d’options dont le payoff dépend de l’historique du cours du sous-jacent et pas seulement de son cours à maturité. Elles sont connues sous le nom d’options dépendant de la trajectoire ou path dependent. Le calcul des options barrières dans le cadre du modèle de Black & Scholes est l’occasion d’utiliser quelques propriétés intéressantes du mouvement brownien ainsi que le théorème de Girsanov. On se place directement sous la probabilité risque neutre pour le compte d’épargne sous laquelle on écrit 1 St = S0 e(r−q− 2 σ 2 )t+σW t = S0 eXt avec {Wt } brownien standard, et Mt = max Su = S0 eYt u∈[0,t] où Yt = maxu∈[0,t] Xu . On note µ = r − q − 21 σ 2 de sorte que Xt = µt + σWt . Pour calculer la valeur de l’option comme espérance de son payoff on veut obtenir la distribution jointe de (XT , YT ). Cas µ = 0 : le principe de réflexion. A partir du principe de réflexion (voir figure 5), on obtient que lorsque µ = 0 la distribution jointe s’écrit x − 2y √ P (XT < x, YT > y) = P (XT > 2y − x) = N σ T 7. Il est rare que les taux soient négatifs ! Par absence d’arbitrage cela est impossible dès lors que l’on peut conserver du cash sans coût. 28 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Figure 5 – illustration du principe de réflexion traj. 1 traj. 2 x y 2y-x où N (.) est la fonction de répartition de la loi normale. On obtient donc comme densité jointe ∂2 1 2(x − 2y) 1 − 12 √ e − P (XT < x, YT > y) = √ ∂x∂y σ2T 2π σ T x−2y √ σ T 2 . (16) Cas µ 6= 0 : une application du théorème de Girsanov. On va appliquer le théorème de Girsanov pour se ramener au cas µ = 0. Considérons en effet la probabilité Q définie par µ 1 µ 2 dQ = e− σ WT − 2 ( σ ) T . dP Sous Q on a que {Xt } a un drift nul, donc la densité jointe de (XT , YT ) sous Q est donnée par (16). Sous P on a donc comme densité jointe − ∂2 dP ∂ 2 P (XT < x, YT > y) = − Q(XT < x, YT > y) ∂x∂y dQ ∂x∂y 2 µ µ 2 √ − 12 x−2y −σ x− 12 ( σ T 1 2(x − 2y) 1 ) σ T √ √ e = −e . σ2T 2π σ T Après intégration on obtient 2µy x − 2y − µT √ P (XT < x, YT > y) = e σ 2 N ( ) σ T ou encore P (XT < x, YT < y) = N ( 2µy x − µt x − 2y − µT √ ) − e σ2 N ( √ ). σ T σ T En prenant x = y on a également P (YT ≤ y) = N ( 2µy y − µT −y − µT √ ) − e σ2 N ( √ ). σ T σ T 29 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Calcul de l’option. A partir de ces résultats on peut calculer toutes sortes d’option barrières. Reprenons le call knock out. Son prix est cKO = e−rT EP (ST − K)+ 1MT <H = e−rT EP [ST 1ST >K,MT <H ] − e−rT KP (ST > K, MT < H). On a immédiatement P (ST > K, MT < H) = P (MT < H) − P (ST < K, MT < H) = P (YT < ln(H/S0 )) − P (XT < ln(K/S0 ), YT < ln(H/S0 )) √ √ = N (dK − σ T ) − N (dK − σ T ) 1−2 r−q σ2 r − q√ S0 r − q√ H H K N (d − 2 + T ) − N (2d − d − 2 T) H σ σ (17) avec dK = dH = ln(S0 /K) + (r − q)T + 21 σ 2 T √ σ T ln(S0 /H) + (r − q)T + 12 σ 2 T √ . σ T Pour le calcul de EP [ST 1ST >K,MT <H ] on utilise de nouveau l’astuce du théorème de Girsanov : i h 1 2 EP [ST 1ST >K,MT <H ] = S0 e(r−q)T EP e− 2 σ T +σWT 1ST >K,MT <H = S0 e(r−q)T EP̃ [1ST >K,MT <H ] = S0 e(r−q)T P̃ (ST > K, MT < H) 1 2 où dP̃ /dP = e− 2 σ T +σWT . Sous P̃ on a que {Wt − σt} est un brownien standard, donc P̃ (ST > K, MT < H) se calcule comme (17) en remplaçant le terme r − q par r − q + σ 2 . On obtient finalement comme prix de l’option √ √ cKO = e−qT S0 N (dK ) − N (dH ) − e−rT K N (dK − σ T ) − N (dH − σ T ) −1−2 r−q √ √ σ2 r − q√ S0 r − q√ H −qT H K +e S0 N (2d − d − 2 T − σ T ) − N (d − 2 T − σ T) H σ σ 1−2 r−q σ2 S0 r − q√ r − q√ −rT −e K T ) − N (dH − 2 T) N (2dH − dK − 2 H σ σ On obtient de même d’autres formules pour toutes sortes d’options barrières ou sur extrémas. Pour une revue complète voir par exemple Conze & Viswanathan [CV91]. 7 Volatilité locale et volatilité stochastique On a vu en section 2.6 que lorsque l’on dispose de prix de marché de calls et de puts européens pour une gamme de strikes et maturités (K, T ), on constate que les volatilités implicites Σ(K, T ), permettant de retrouver ces prix à partir du modèle de Black, Scholes et Merton, forment une nappe non constante. Cela remet évidement en cause la validité du modèle, et a poussé à développer des modèles plus cohérents avec les observations. 30 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 7.1 Volatilité locale On postule (en travaillant directement sous la probabilité neutre au risque pour le compte d’épargne au taux court, supposé déterministe) comme dynamique pour le sous-jacent dSt = (r(t) − q)dt + σloc (St , t)dWt St (18) où σloc (S, t) est appelé la volatilité locale. Pour fixer les idées notons c(K, T ) le prix de marché observé du call européen de strike K et de maturité T (si on dispose de prix de puts on peut toujours les transformer en prix de calls à partir de la relation de parité call-put). On cherche une fonction σloc (S, t) telle que les prix de calls calculés à partir du modèle (18) soient égaux à c(K, T ) pour tous les K et tous les T (on admet qu’on dispose d’un continuum de tels prix, qui peuvent toujours être obtenus par interpolation à partir d’un nombre fini de prix). Théorème (Formule de Dupire [Dup94]). σloc (S, t) est donné par la formule de Dupire ∂c (K, T ) + (r(T ) − q)K ∂c (K, T ) + qc(K, T ) ∂T ∂K σloc (K, T ) = 1 2 ∂2c 2 K ∂K 2 (K, T ) 2 (19) Pour obtenir la formule de Dupire on applique le lemme d’Itô au payoff du call (ST − K)+ . Celui ci n’étant dérivable deux fois que au sens des distributions, on utilise en fait une version du lemme connue sous le nom de formule de Tanaka. On obtient 1 d(ST − K)+ = 1ST >K dST + δST =K ST2 σloc (ST , T )2 dT 2 et en passant à l’espérance 1 E[d(ST − K)+ ] = E[1ST >K ST ](r(T ) − q)dT + E[δST =K ST2 σloc (ST , T )2 ]dT 2 1 = E[1ST >K ST ](r(T ) − q)dT + E[δST =K ]K 2 σloc (K, T )2 dT 2 On a par ailleurs c(K, T ) = e− RT 0 r(u)du E[(ST − K)+ ] = e− RT 0 r(u)du E[ST 1ST >K ] − e− RT 0 r(u)du KE[1ST >K ] d’où RT ∂c (K, T ) = −e− 0 r(u)du E[1ST >K ] ∂K RT ∂2c (K, T ) = e− 0 r(u)du E[δST =K ] 2 ∂K et RT ∂c (K, T ) = −r(T )c(K, T ) + e− 0 r(u)du dE[(ST − K)+ ]/dT ∂T = −r(T )c(K, T ) + e− RT 0 r(u)du E[d(ST − K)+ ]/dT. On obtient alors R ∂c 1 − 0T r(u)du 2 2 E[1ST >K ST ](r(T ) − q) + E[δST =K ]K σloc (K, T ) (K, T ) = −r(T )c(K, T ) + e ∂T 2 ∂c 1 ∂2c = −r(T )c(K, T ) + (r(T ) − q) c(K, T ) − (K, T ) + K 2 σloc (K, T )2 (K, T ) ∂K 2 ∂K 2 d’où la formule de Dupire. 31 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Condition d’absence d’opportunité d’arbitrage sur les prix de calls européens. La formule de Dupire (19) ne peut se calculer que ssi son membre de droite est positif. Il s’agit en fait de la condition que doit satisfaire la nappe c(K, T ) pour qu’aucun arbitrage ne soit possible. Pour simplifier posons R −( 0T r(u)du−qT ) K̃ = Ke et c̃ = ceqT . L’équation (19) devient σloc (K, T )2 = ∂c̃ ∂T . 1 2 ∂ 2 c̃ K̃ 2 ∂ K̃ 2 On obtient donc comme condition suffisante : — ∂c̃ ≥ 0 : le prix augmente avec la maturité ; ∂T 2 — et ∂ c̃2 > 0 : le prix est convexe en le strike. ∂ K̃ Volatilité locale à partir de la volatilité implicite. En pratique il est plus aisé de travailler à partir de la nappe de volatilité implicite Σ(K, T ) que des prix de calls c(K, T ). Rappelons que Σ(K, T ) est la volatilité qu’il faut employer dans la formule de Black & Scholes pour retrouver le prix du call c(K, T ). L’équation (19) se réécrit Σ2 + 2T Σ ∂Σ + (r(T ) − q)K ∂Σ ∂T ∂K . (20) σloc (K, T )2 = √ √ 2 (1 + d1 K ∂Σ T )2 + T ΣK 2 ( ∂ Σ2 − d1 T ( ∂Σ )2 ) ∂K ∂K ∂K Implémentation. Comme en pratique on ne dispose de prix de calls que pour un nombre limité de strikes K = Ki et de maturités T = Tj , l’implémentation du modèle s’effectue généralement de la manière suivante : 1. on inverse la formule de Black & Scholes pour les prix de calls de strikes Ki et de maturités Tj de manière à obtenir une grille de volatilités implicites Σ(Ki , Tj ) ; 2. on applique une méthode d’interpolation aux Σ(Ki , Tj ) de manière à obtenir une nappe Σ(K, T ) ; ou alternativement on postule une forme paramétrique pour Σ(K, T ), que l’on calibre au mieux (moindres carrés) sur les Σ(Ki , Tj ). Dans les deux cas il convient de s’assurer que la condition d’absence d’arbitrage sur les prix de calls reconstitués est vérifiée. Il existe toute une littérature proposant des méthodes d’interpolation ou de paramétrisation appropriées, mais nous ne les passerons pas en revue ici ; 3. on applique la formule de Dupire (20). Limites du modèle à volatilité locale. Le modèle à volatilité locale est par construction cohérent avec les prix observés de tous les calls européens (également appelés options vanilles) à une date donnée. Il permet donc d’évaluer des options plus complexes dont les payoffs sont susceptibles de faire intervenir plusieurs « niveaux de strikes » et de maturités. Néanmoins le modèle se comporte assez pauvrement en terme de dynamique du skew/smile, c’est à dire de l’évolution de la pente et de la convexité (dont on parlé dans le section 2.6) de la nappe lorsque le cours du sous-jacent bouge. Cette notion est trop complexe pour que l’on en discute ici, mais elle a entre autres conséquences de conduire à des prix trop peu conservateurs sur certaines options, en particulier les options barrières ou les options à cliquet. 7.2 Volatilité stochastique Les modèles à volatilité stochastique vont au delà du modèle à volatilité locale, en supposant que la volatilité est un processus stochastique avec une dynamique propre. On postule (toujours en travaillant directement sous la probabilité neutre au risque pour le compte d’épargne) dSt = (r(t) − q)dt + σt dWt St 32 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 (21) où {σt } est un processus stochastique. Dans le cas du modèle de Heston [Hes93], la dynamique de la variance instantanée (carré de la volatilité) est donnée par un processus de type retour à la moyenneracine carrée dσt2 = κ(θ − σt2 )dt + ξσt dWtσ (22) où {W σ } est un deuxième brownien standard, avec une corrélation ρ entre les deux brownien, i.e. dhWt , W σ it = ρdt. On admet que ces EDS ont une solution. Dans le cas du modèle de Heston il suffit que 2κθ > ξ 2 (condition de Feller). Typiquement les paramètres de la dynamique de la volatilité sont calibrés de manière à ce que le modèle reproduise au mieux les prix d’options observables. Calls et puts européens avec le modèle de Heston. Le modèle de Heston est populaire car il conduit à des formules semi-analytiques pour les prix de calls et puts européens, simples et rapides à calculer, et donc se prêtant bien aux algorithmes de calibration. En substance, la fonction caractéristique E[eiu ln ST ] se calcule explicitement, et permet d’obtenir la densité de ln ST par transformée de Fourier, à partir de laquelle on peut facilement calculer les prix d’options européennes. Une excellente référence pour l’implémentation de ces formules est l’article de Kahl et Jäckel [KJ05]. Lien avec la volatilité locale. La formule de Itô-Tanaka que l’on a utilisé pour obtenir la formule de Dupire dans le cadre de la volatilité locale s’applique aussi à la volatilité stochastique 1 d(ST − K)+ = 1ST >K dST + δST =K ST2 σT dT 2 et en passant à l’espérance 1 E[d(ST − K)+ ] = E[1ST >K ST ](r(T ) − q)dT + E[δST =K ST2 σT2 ]dT 2 1 = E[1ST >K ST ](r(T ) − q)dT + E[δST =K ]K 2 E[σT2 |ST = K]dT 2 On obtient alors 2 E[σT2 |ST = K] = σloc (K, T ) (23) où σloc (K, T ) est la volatilité locale de la section précédente. Cette équation est connue sous le nom de théorie unifiée de la volatilité de Dupire (voir [Dup96]). Elle est très utile pour aider à la compréhension du lien entre prix d’options observés et dynamique de la volatilité, et sert en particulier à l’implémentation de modèles mixtes volatilité stochastique-volatilité locale. 8 Méthodes numériques Il y a trois grandes catégories de méthodes employées pour la résolution des modèles de valorisation des produits dérivés : 1. les formules fermées ou analytiques ou semi-analytiques ; 2. les méthodes de Monte-Carlo ; 3. les méthodes de discrétisation des EDP telles que les différences finies. Comme illustration prenons l’exemple du modèle de Black, Scholes et Merton. Pour les calls et les puts européens on dispose de la formule de Black & Scholes, qui rentre dans la catégorie des formules fermées, se calcule analytiquement et s’implémente simplement. Pour des options plus complexes pour lesquelles il n’y a pas de formules fermées on peut recourir à une méthode de Monte-Carlo : on simule des trajectoires du sous-jacent sous la probabilité risque neutre, et on calcule l’espérance du payoff comme moyenne empirique sur les trajectoires simulées. Alternativement, on peut partir de l’EDP (8) et lui appliquer une méthode de différences finies. Les méthodes de Monte-Carlo et les méthodes de discrétisation des EDP sont des méthodes numériques. On va les présenter brièvement. 33 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 8.1 Méthodes de Monte-Carlo Sur les méthodes de Monte-Carlo appliquées à la finance quantitative on lira avec profit l’excellent livre de Paul Glasserman [Gla04], qui couvre la totalité de ce dont on a besoin en pratique. On se contentera donc ici d’introduire ces méthodes. On a vu que le prix à l’origine d’une option européenne de payoff f (ST ) à T s’écrit f (ST ) 0 v0 = S0 EP0∗ . ST0 Le principe de la méthode de Monte-Carlo est de calculer cette espérance par simulation de la variable aléatoire ST . Pour fixer les idées on se place dans le cadre du modèle de Black, Scholes et Merton, sous la probabilité risque neutre pour le compte d’épargne, dSt = (r − q)dt + σdWt St ou encore 1 St = Ss e(r−q− 2 σ 2 )(t−s)+σ(W t −Ws ) ,s < t Options européennes. On veut calculer v0 = E[pT ] où pT = e−rT f (ST ). ST s’écrit 1 ST = S0 e(r−q− 2 σ 2 )T +σ √ Tφ où φ suit une loi normale N (0, 1) de moyenne 0 et écart type 1. On simule donc une suite pseudo aléatoire φn , n = 1, ..., N de N (0, 1) indépendantes (on va voir plus loin comment), à partir desquelles √ (r−q− 21 σ 2 )T +σ T φn on génère les ST,n = S0 e et on calcule l’option comme moyenne empirique N 1 X ṽ0 = pT,n où pT,n = e−rT f (ST,n ). N n=1 Options dépendant de la trajectoire. La méthode de Monte-Carlo est particulièrement appropriée au calcul d’options dépendant de la trajectoire (path dependent) telles que les options barrières ou les options asiatiques. Considérons une option dont le payoff à T f (St1 , ..., StK ) est une fonction de l’historique du cours à des dates 0 < t1 < ... < tK ≤ T . Si le payoff dépend en fait du continuum des St on se ramène a un nombre fini de dates en discrétisant le temps. On veut à présent calculer v0 = E[pT ] où pT = e−rT f (St1 , ..., StK ). Pour cela, notons que 1 Stk = Stk−1 e(r−q− 2 σ √ 2 )(t −t k k−1 )+σ tk −tk−1 φk où les φk sont indépendantes de loi normale N (0, 1). On simule donc une suite pseudo aléatoire φk,n , k = 1, ..., K, n = 1, ..., N de N (0, 1) indépendantes, à partir desquelles on obtient les Stk ,n calculés comme √ 1 2 Stk ,n = Stk−1 ,n e(r−q− 2 σ )(tk −tk−1 )+σ tk −tk−1 φk,n puis on calcule l’option comme moyenne empirique N 1 X pT,n où pT,n = e−rT f (St1 ,n , ..., StK ,n ). ṽ0 = N n=1 Simulation de la loi normale. De nombreux logiciels permettent de générer des suites de nombres pseudo-aléatoires indépendants de loi normale. Alternativement si on ne dispose que d’un générateur de nombres pseudo-aléatoires de loi uniforme sur [0, 1] on peut employer la méthode de la transformée inverse, ou la méthode de Box-Muller. 34 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 — Transformée inverse : on simule une variable U de loi uniforme sur [0, 1] et on calcule Z = N −1 (U ) où N (.) est la fonction de répartition de la loi normale. On a en effet P (Z ≤ z) = P (N −1 (U ) ≤ z) = P (U ≤ N (z)) = N (z). — Box-Muller p : elle consiste à transformerpu1 et u2 indépendants et de loi uniforme sur ]0, 1] en x1 = −2 ln(u1 ) cos(2πu2 ) et x2 = −2 ln(u1 ) sin(2πu2 ) qui sont indépendants et de loi normale N (0, 1). On peut aussi utiliser une forme dite cartésienne de la méthode de Box-Muller, plus rapide à calculer : on tire u et v indépendants et de loi uniforme sur [−1, 1] et on calcule z = u2 + v 2 . Si z > 1 ou z =p0 on rejette ce tirage p et on tire de nouveaux u et v, jusqu’à ce que 0 < z ≤ 1, et on calcule x1 = u −2 ln(z)/z et x2 = v −2 ln(z)/z qui sont indépendants et de loi normale N (0, 1). Cas multidimensionnel. La méthode de Monte-Carlo se prête très bien au cas multidimensionnel. Supposons une option sur plusieurs sous-jacents, dans le cadre d’un modèle de Black, Scholes et Merton multidimensionnel de type dSti = (r − qi )dt + σi dWti St pour i = 1, ..., I, avec corrélations ρi,j , i.e. dhW i , W j it = ρi,j dt. Alors, en se replaçant pour simplifier √ (r−qi − 12 σi2 )T +σi T φi i i dans le cas de l’option européenne, on veut simuler les ST = S0 e où φ = (φ1 , ..., φI ) est une loi normale multidimensionnelle de moyenne zéro et de matrice de variance-covariance Σ avec Σi,i = 1 et Σi,j = Σj,i = ρi,j pour i 6= j. Pour générer une suite pseudo aléatoire φn = (φ1n , ..., φIn ) on procède de la manière suivante : On applique une factorisation de Cholesky LLT = Σ où L est une matrice triangulaire inférieure. On vérifie facilement que si φ = Lφ̃ avec φ̃ une loi normale multidimensionnelle de moyenne zéro et de matrice de variance-covariance l’identité, alors φ a comme moyenne zéro et comme variance covariance Σ. Il suffit alors de générer une suite φ̃in de nombres pseudo aléatoires indépendants de loi N (0, 1) pour obtenir la suite (φ1n , ..., φIn ). p √ Convergence. En vertu de Central-limite, N (ṽ0 − v0 )/ var[pT ] converge en loi vers une N (0, 1). On enpdéduit que √ ṽ0 − v0 est approximativement de distribution Gaussienne de moyenne 0 et d’écart type var[pT ]/ N . var[pT ] est estimé par N 1 X 2 pT,n − ṽ02 N n=1 d’où l’écart type de ṽ0 − v0 estimé par v u u t ! N √ 1 X 2 pT,n − ṽ02 / N . N n=1 Amélioration de la convergence. √ On sait du théorème central-limite que la convergence de la méthode de Monte-Carlo est en 1/ N . Pour améliorer la précision on a généralement recours à la technique de la trajectoire antithétique : Pour chaque trajectoire 1 Stk ,n = Stk−1 ,n−1 e(r−q− 2 σ √ 2 )(t −t k k−1 )+σ tk −tk−1 φk,n on utilise aussi la trajectoire antithétique de même probabilité 1 StAk ,n = StAk−1 ,n−1 e(r−q− 2 σ √ 2 )(t −t k k−1 )−σ tk −tk−1 φk,n . Ceci permet de réduire la variance du résultat. On a aussi parfois recours à des méthodes plus générales de réduction de la variance, consistant à utiliser l’existence de solutions analytiques pour des options plus simples, qui servent à « contrôler » l’erreur de la valorisation par Monte-Carlo. 35 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Option américaines. La méthode de Monte-Carlo est mal adaptée aux options américaines. En effet pour pouvoir appliquer la test d’exercice anticipé (c.f. (15) dans le cas binomial) il faudrait disposer du prix de l’option dans le futur, ce qui nécessiterait de simuler en chaque point du futur des sous trajectoires aux trajectoires existantes, et est irréalisable en pratique. Il existe des techniques relativement pointues permettant de contourner ce problème, telle que la technique de stratification, mais elles sont délicates à mettre en oeuvre. Autant que possible on préfère pour les options américaines utiliser des méthodes de discrétisation, qui seront abordées dans la section suivante. Quasi Monte-Carlo. On terminera cette section en mentionnant les méthodes de Quasi MonteCarlo. Celles ci consistent à remplacer les suites pseudo aléatoires par des suites quasi aléatoires dites à discrépance faible (e.g. suites de Sobol), mieux distribuées dans l’espace et conduisant à une convergence bien plus rapide en 1/N 1− . 8.2 Méthodes de discrétisation des EDP Les méthodes de discrétisation consistent à discrétiser l’EDP de valorisation de type (8) en temps et en espace de manière à la résoudre numériquement. L’intérêt de ces méthodes est que l’on dispose alors du prix de l’option en tout point de temps et espace et pas seulement à l’origine comme dans le cas d’une méthode de Monte-Carlo. Cela permet en particulier d’appliquer le test d’exercice anticipé pour la valorisation des options américaines. Le modèle binomial comme schéma de discrétisation. Considérons le modèle binomial de la section 2.4, et choisissons U 1 = e(r− 2 σ D = e 2 )δt+σ (r− 12 σ 2 )δt−σ √ √ δt δt . On note vi,k la valeur de l’option au noeud (Si,k = S0 U i Dk−i , tk = kδt), et on suppose que vi,k = V (Si,k , tk ) où (S, t) → V (S, t) est une fonction C 2 en S et C 1 en t. Rappelons la récursion dans l’arbre binomial V (Si,k , tk ) = e−rδt [p∗ V (Si+1,k+1 , tk+1 ) + (1 − p∗ )V (Si,k+1 , tk+1 )] = e−rδt [p∗ V (Si,k U, tk + δt) + (1 − p∗ )V (Si,k D, tk + δt)] avec p∗ = (erδt − D)/(U − D). Effectuons un développement limité : √ U = 1 + rδt + σ δt + O(δt3/2 ) √ D = 1 + rδt − σ δt + O(δt3/2 ) p∗ = 1/2 + O(δt3/2 ) d’où en notant S = Si,k et t = tk pour plus de lisibilité V (S, t) = (1/2 + O(δt3/2 ))(1 − rδt + O(δt2 )) √ √ V (S(1 + rδt + σ δt + O(δt3/2 )), t + δt) + V (S(1 + rδt − σ δt + O(δt3/2 )), t + δt) = (1 − rδt)V (S, t) + ∂V ∂V 1 ∂2V (S, t)δt + rSδt (S, t) + σ 2 S 2 δt 2 (S, t) + O(δt3/2 ) ∂t ∂S 2 ∂S et donc ∂V ∂V 1 ∂2V (S, t) + rS (S, t) + σ 2 S 2 2 (S, t) − rV (S, t) + O(δt1/2 ) = 0. ∂t ∂S 2 ∂S A la limite δt → 0 on retombe ainsi sur l’EDP de valorisation (8) du modèle de Black, Scholes et Merton. Le modèle binomial s’interprète donc comme un schéma de discrétisation de l’EDP de valorisation, et on peut montrer (on ne le fera pas ici) que les vi,k convergent bien vers la solution de l’EDP. Ceci n’est pas surprenant puisque par convergence des marches aléatoires vers le mouvement brownien on sait que le modèle binomial converge en loi vers le modèle de Black, Scholes et Merton. 36 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Différences finies. Pour simplifier on suppose r = 0 (on peut toujours s’y ramener en travaillant avec e−rt V (S, t)), et on cherche à résoudre l’EDP ∂V ∂V 1 ∂2V (S, t) + µ(S, t) (S, t) + σ(S, t)2 2 (S, t) = 0 ∂t ∂S 2 ∂S (24) avec la condition terminale V (S, T ) = f (S). L’idée est de discrétiser le temps et l’espace, avec un pas d’espace δS et un pas de temps δt. Choisissons une borne inférieure L et une borne supérieure U pour S, et δS = (U − L)/I, δt = T /K. Ceci conduit à une grille de la forme (Si = L + iδS, tk = kδt), i = 0, ..., I, k = 0, ..., K. On va chercher une solution vi,k qui converge vers V (Si , tk ). On part bien sur de la condition terminale vi,K = f (Si ). On va discrétiser l’EDP. Les dérivées sont approximées par respectivement ∂V (Si , tk ) = ∂t ∂V (Si , tk ) = ∂S ∂2V (Si , tk ) = ∂S 2 vi,k+1 − vi,k δt vi+1,k − vi−1,k 2δS vi+1,k + vi−1,k − 2vi,k δS 2 Différences finies explicites. On suppose connus les vi,k+1 pour tous les i = 0, ..., I. On remplace dans (24) la dérivée en temps par son approximation, et les dérivées en espace par leur approximations évaluées en k + 1. On obtient donc vi,k+1 − vi,k vi+1,k+1 − vi−1,k+1 1 vi+1,k+1 + vi−1,k+1 − 2vi,k+1 + µ(Si , tk ) + σ(Si , tk )2 =0 δt 2δS 2 δS 2 que l’on réarrange en δt 1 δt vi,k = −µ(Si , tk ) + σ(Si , tk )2 2 vi−1,k+1 2δS 2 δS δt 1 2 δt 2 δt + 1 − σ(Si , tk ) vi,k+1 + µ(Si , tk ) + σ(Si , tk ) vi+1,k+1 δS 2 2δS 2 δS 2 (25) On obtient ainsi un schéma de différences finies explicites : le terme vi,k se calcule explicitement à partir des termes vj,k+1 pour j = i − 1, i, i + 1. vi,k r r r ((r ((( ( ( ( r h ( r h hhhh hhhr r r r vi+1,k+1 vi,k+1 vi−1,k+1 - k k+1 Notons que (25) ne s’applique que pour 1 < i < I. Il faut ajouter des conditions au bord pour le calcul de v0,k et vI,k . Selon la nature du problème on emploie souvent une condition de Dirichlet de type V (L, t) = VL (ou V (U, t) = VU ) ou une condition de Neumann de type ∂V (L, t) = dL (ou ∂S ∂V (U, t) = d ). Par exemple pour un call européen on se convainc facilement que V (L, t) = 0 et U ∂S V (U, t) = U sont des conditions appropriées. Dans le cas de conditions de Dirichlet on obtient donc les équations supplémentaires v0,k = VL et vI,k = VU , et dans le cas de conditions de Neumann on 37 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 a (en approximant les dérivées premières en espace au bord par respectivement (v1,k − v0,k )/δS et (vI,k − vI−1,k )/δS) v0,k = v1,k − dL δS et vI,k = vI−1,k + dU δS. L’analyse numérique nous enseigne que sous condition (dite de stabilité) δt ≤ δS 2 /σ(S, t)2 pour tout S et t, les vi,k convergent vers V (Si , tk ) où V (S, t) est la solution de notre EDP (24), avec une convergence en O(δt, δS 2 ). Notons δt 1 δt + σ(Si , tk )2 2 2δS 2 δS δt 1 2 δt = µ(Si , tk ) + σ(Si , tk ) . 2δS 2 δS 2 pi,k = −µ(Si , tk ) qi,k Le schéma (25) devient vi,k = pi,k vi−1,k+1 + (1 − pi,k − qi,k )vi,k+1 + qi,k vi+1,k+1 . Supposons que 0 ≤ pi,k ≤ 1, 0 ≤ qi,k ≤ 1 et 0 ≤ pi,k + qi,k ≤ 1. (26) Alors on a ainsi construit une chaine de Markov {Xk } avec comme probabilités de transition P (Xk+1 = i − 1|Xk = i) = pi,k , P (Xk+1 = i|Xk = i) = 1 − pi,k − qi,k et P (Xk+1 = i + 1|Xk = i) = qi,k , et on a vi,k = E[vk+1 | Xk = i]. On retombe bien sur l’approche probabiliste de l’évaluation des actifs contingents, et notre schéma de différences finies s’interprète comme une discrétisation du modèle probabiliste continu. Enfin, (26) n’est satisfaite que ssi δt ≤ δS 2 /σ(Si , tk )2 pour tout i et k, et on retrouve bien notre condition de convergence. Différences finies implicites. La condition de stabilité δt ≤ δS 2 /σ(S, t)2 du schéma explicite est en fait très contraignante, puisque pour augmenter le nombre de points de discrétisation en espace par un facteur f il faut augmenter le nombre de points de discrétisation en temps par un facteur f 2 . On préfère donc les schémas implicites, qui sont inconditionnellement stables. Pour se faire on évalue les dérivées en espace non pas en k + 1 mais en k. Ceci conduit à vi,k+1 − vi,k vi+1,k − vi−1,k vi+1,k + vi−1,k − 2vi,k 1 + µ(Si , tk ) + σ(Si , tk )2 =0 δt 2δS 2 δS 2 que l’on réarrange en δt 1 2 δt 2 δt 1 + σ(Si , tk ) vi,k − −µ(Si , tk ) + σ(Si , tk ) vi−1,k δS 2 2δS 2 δS 2 δt 1 δt − µ(Si , tk ) + σ(Si , tk )2 2 vi+1,k = vi,k+1 . 2δS 2 δS (27) Le schéma est à présent implicite : On a un système linéaire de I équations à I inconnues (en tenant compte des conditions aux bord, comme dans le cas explicite) qu’il faut résoudre. vi+1,k vi,k vi−1,k r r rhhh r hhh h h h r (r (((( r(((( r r r vi,k+1 - k k+1 38 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Le système linéaire se résout en fait facilement car il est tridiagonal. L’analyse numérique nous enseigne cette fois ci que ce schéma est inconditionnellement stable et que les vi,k convergent vers V (Si , tk ) en O(δt, δS 2 ). Notons que l’on peut de nouveau interpréter le schéma comme une chaı̂ne de Markov qui discrétise le modèle probabiliste continu. En effet, l’inversion du système linéaire (27) conduit à X vi,k = pi,j,k vj,k+1 j et on peut vérifier que 0 ≤ pi,j,k ≤ 1 pour tout i, j et k (c’est de nouveau l’interprétation probabiliste de la stabilité du schéma). Les pi,j,k s’interprètent alors bien comme les probabilités de transition d’une chaine de Markov. Schémas mixtes. On peut combiner les différences finies explicites et implicites en prenant un schéma λ implicite et 1 − λ explicite. Cela revient à utiliser comme dérivées en espace λ vi+1,k − vi−1,k vi+1,k+1 − vi−1,k+1 + (1 − λ) 2δS 2δS et vi+1,k + vi−1,k − 2vi,k vi+1,k+1 + vi−1,k+1 − 2vi,k+1 + (1 − λ) . 2 δS δS 2 On doit de nouveau résoudre un système tridiagonal. Le schéma mixte est inconditionnellement stable dès lors que λ ≥ 1/2. Lorsque λ = 1/2 on a un schéma de Crank–Nicolson. Celui ci a l’avantage d’être inconditionnellement stable et de converger en O(δt2 , δS 2 ). λ Options américaines. Les schémas de différences finies décrits ci dessus se modifient aisément pour la valorisation d’options américaines : soit f (S, t) le payoff de l’option en cas d’exercice à t. On calcule les vi,k à partir des vi,k+1 comme précédemment, puis on applique la possibilité d’exercice anticipé en remplaçant les vi,k par max(vi,k , f (Si , tk )). Changement de variable. Pour un meilleur conditionnement du système linéaire à résoudre on a δt intérêt à ce que les termes en σ(Si , tk )2 δS 2 soient du même ordre de grandeur. Pour ce faire on procède souvent à un changement de variable visant à rendre σ constant en espace. Soit un changement de variable x = x(S, t) satisfaisant à ∂x σ(S, t) = σ̃ constant. ∂S Alors l’EDP (24) se ramène à une EDP de la forme ∂V 1 ∂2V ∂V (x, t) + µ̃(x, t) (x, t) + σ̃ 2 2 (x, t) = 0. ∂t ∂x 2 ∂x En particulier dans le cas du brownien géométrique σ(S, t) = σS on utilise le changement de variable x = ln(S). Cas multidimensionnel. Les schémas implicites dans le cas de plusieurs dimensions ne conduisent plus à des systèmes tridiagonaux. On a alors recours à une décomposition des opérateurs linéaires qui forment le schéma. Une méthode populaire est la méthode dite ADI pour alternate direction implicit. En pratique au delà de la dimension 3 la puissance de calcul et la mémoire requises sont trop importantes, et on préfère les méthodes de Monte-Carlo. 39 Electronic copy available at: https://ssrn.com/abstract=3090861 Références [Bac00] L. Bachelier. Théorie de la spéculation. Gauthier-Villars, 1900. [Bro28] R. Brown. A brief account of microscopical observations made... on the particles contained in the pollen of plants, and on the general existence of active molecules in organic and inorganic bodies. 1828. [BS73] F. Black and M. Scholes. The pricing of options and corporate liabilities. The journal of political economy, pages 637–654, 1973. [CRR79] J.C. Cox, S.A. Ross, and M. Rubinstein. 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