INTRODUCTION Depuis quelques années, je reçois de plus en plus de parents épuisés dans mon bureau. Des parents très investis qui veulent tout donner à leur enfant, et qui se sentent souvent stressés et découragés devant le mandat qu’ils se sont fixé: ÊTRE UN PARENT PARFAIT. Ces exigences élevées peuvent parfois mener à une détresse, voire carrément à un épuisement parental (aussi nommé «burnout parental»). Ce constat m’a donné le goût de partager avec vous mes connaissances sur ce sujet dont on parle de plus en plus dans les médias. Dans ce livre, j’expliquerai ce phénomène, les symptômes et les effets qu’il peut avoir au quotidien ainsi que les facteurs qui font augmenter le risque de vivre ce type de burnout. Je présenterai également des trucs simples et concrets pour prévenir l’épuisement parental et favoriser un sentiment de bien-être dans l’accomplissement du rôle de parent. Mon but est de vous offrir un guide qui vous permettra comme parent de mieux comprendre ce qu’est l’épuisement, souvent associé à de nombreux préjugés. Peut-être avez-vous déjà entendu un membre de votre entourage vous dire de simplement vous ressaisir. Que tout le monde est dans le même bateau et qu’être parent, ce n’est pas si dramatique que cela. Que votre malaise va passer. Bien que ces remarques soient formulées avec une bonne intention, il n’en demeure pas moins qu’elles invalident le sentiment du parent épuisé, qui ressent pourtant que sa fatigue est loin d’être passagère ou le fruit d’un caprice. Ce livre se veut ainsi libre de jugement. Il n’y a aucune honte à avoir besoin d’aide, à vouloir mieux comprendre ce que l’on ressent et à travailler sur certains aspects de soi. Le fait que vous le lisiez est déjà un grand pas dans la bonne direction et fait foi d’une prise de conscience, qui constitue la première étape vers le changement et l’amélioration. Reconnaître la situation n’est aucunement négatif: au contraire, cela vous permettra d’envisager des moyens concrets pour retrouver votre équilibre. Il ne peut qu’en ressortir des bienfaits, pour vous et pour votre famille. C’est aussi l’occasion de mieux vous connaître comme personne pour devenir un parent plus authentique, à l’image de qui vous êtes vraiment, un parent qui gère mieux son stress et qui agit en harmonie avec ses valeurs. Quand on parle de burnout parental, on parle littéralement d’un état d’épuisement relatif au rôle de parent. Tout comme l’épuisement professionnel est vécu lorsqu’une personne n’arrive pas à répondre aux exigences du travail, l’épuisement parental s’installe lorsqu’on ne parvient pas à atteindre les exigences que l’on s’était fixées en tant que parent. Face au déséquilibre entre nos idéaux (ce que je devrais être/faire comme parent) et la réalité (ce que je suis capable d’être/de faire au quotidien), on peut ressentir du stress, du découragement et, parfois, de l’épuisement. Il est bien normal pour tout parent de ressentir à l’occasion ces émotions face à son lot de responsabilités, à la pression de l’équilibre travail-famille et à l’impossibilité de toujours faire «ce qu’il y a de mieux» pour son enfant et sa famille. On parle d’épuisement parental lorsque ces émotions deviennent si intenses qu’elles causent une détresse importante et chronique chez le parent. Il est toutefois important de préciser que le burnout parental n’est pas en soi un diagnostic psychiatrique reconnu à l’heure actuelle, c’est pourquoi la majorité des personnes atteintes qui consultent reçoivent un autre diagnostic, par exemple celui de dépression ou de trouble anxieux. GENEVIÈVE souhaiterait quitter tôt le bureau pour passer du temps avec ses enfants, mais elle veut aussi être performante au travail, donc elle se dit qu’elle devrait rester plus tard au boulot. Dans un cas comme dans l’autre, elle se sent coupable. Une fois à la maison, elle cuisine un repas santé, fait les leçons avec les enfants, s’implique dans la réalisation d’une maquette pour un projet de science, prépare les muffins pour la classe (il faut bien faire sa part pour le petit-déjeuner communautaire à l’école!), s’assure que les bains sont pris, lit une histoire aux enfants avant le dodo (c’est important pour leur développement). Une fois que les enfants sont couchés, elle retourne à la cuisine préparer les lunchs du lendemain (attention aux allergies des camarades de classe!) et fait la vaisselle. Puis le temps est arrivé de se doucher et bientôt de se coucher parce qu’elle est complètement claquée et que, demain, tout le monde devra être debout dès 6 heures… et repartir pour une nouvelle journée. «Heureusement, se dit-elle, aucun des enfants n’avait d’activité parascolaire ce soir!» À la base de l’épuisement parental, on trouve l’idéal du parent parfait, qui résulte de nos propres exigences/objectifs, mais qui est aussi influencé par les messages de différentes natures que la société nous envoie. Qui n’a pas déjà senti que ses repas manquaient de légumes après une discussion avec d’autres parents? Ou que les fournitures scolaires n’étaient pas achetées suffisamment à l’avance? L’idée de pouvoir répondre à tous ces critères pour être un parent parfait est purement illusoire. Mais il est difficile de résister à cet idéal, et on peut alors s’épuiser en tentant de «performer» en tant que parent. Nous verrons plus loin que l’une des clés pour éviter l’épuisement est de reconsidérer cet idéal en modifiant nos propres croyances/exigences et en accordant moins d’importance au regard des autres ou à la pression sociale. BURNOUT PARENTAL, BABY BLUES OU DÉPRESSION POST-PARTUM? Il importe de distinguer le burnout parental du baby blues et de la dépression post-partum. Même si ces états sont similaires à certains égards, l’épuisement parental se distingue par le fait qu’il peut survenir à n’importe quel moment dans la vie de famille. Le baby blues (aussi appelé «syndrome du troisième jour») est un phénomène fréquent qui atteint de 50 à 80% des nouvelles mères et qui apparaît typiquement de 3 à 10 jours après la naissance de l’enfant. L’état de découragement et de stress que la mère peut alors ressentir est en grande partie attribuable aux bouleversements hormonaux et à la fatigue liés à l’accouchement. Cette détresse est habituellement temporaire et disparaît au bout d’une ou deux semaines. Les clés pour surmonter le syndrome du troisième jour consistent essentiellement à se reposer, à déléguer (on laisse faire le ménage et la vaisselle!) et, surtout, à ne pas avoir honte de cet état et à en parler. En revanche, si les symptômes persistent au-delà de 15 jours ou s’aggravent, il est important de consulter un professionnel de la santé. La dépression post-partum peut survenir à tout moment pendant l’année suivant l’accouchement et affecterait de 10 à 20% des mères. Ce type de dépression peut durer plusieurs mois et même jusqu’à un an. Les symptômes les plus fréquents sont: troubles du sommeil, anxiété, irritabilité, pleurs, difficulté à prendre soin du bébé, idées noires, etc. La dépression post-partum est souvent causée par les énormes changements de vie qui accompagnent la venue du bébé; la mère peut se sentir dépassée par toutes les tâches à effectuer, avoir de la difficulté à s’adapter aux responsabilités liées au bébé et craindre de ne pas être à la hauteur de son nouveau rôle. Lorsque l’on vit ces symptômes, il est important de ne pas s’isoler et d’en discuter avec son conjoint, les membres de sa famille et ses amis, voire de consulter un professionnel de la santé au besoin. Qu’il s’agisse du syndrome du troisième jour, de la dépression post-partum ou de l’épuisement parental, il arrive trop souvent que la personne atteinte vive de la honte face à son état, malheureusement. La crainte d’être jugés en empêche plusieurs de partager leur vécu avec leur entourage. Pourtant, lorsqu’on s’ouvre sur le sujet, on constate rapidement que l’on n’est pas seul, que bien des parents vivent, à différents degrés, de la fatigue et du stress face à leur rôle. UN PORTRAIT DE LA SITUATION On peut avoir l’impression que le phénomène d’épuisement parental est nouveau puisqu’il fait la manchette, au Québec et ailleurs, depuis quelques années seulement. Or les chercheurs s’y intéressent depuis une trentaine d’années déjà, notamment dans la foulée d’études portant sur l’épuisement des parents dont l’enfant est aux prises avec une maladie grave. Depuis une dizaine d’années, ce problème est étudié de manière plus large, dans la population générale. Aujourd’hui, on sait que tous les parents, tant les mères que les pères, peuvent souffrir d’un burnout parental et que ce dernier peut survenir peu importe l’âge de l’enfant ou le type de famille. Les plus récentes enquêtes réalisées au Québec sur le sujet ont montré que près du quart des parents perçoivent leur rôle comme une source de stress1. Quant à l’épuisement parental, il toucherait de 5 à 7% des parents selon les experts2. Il est difficile de savoir si le phénomène a pris de l’ampleur dans les dernières années ou si nous sommes simplement plus attentifs à la détresse des parents. Cela dit, le contexte social actuel favorise probablement le sentiment de culpabilité et d’incompétence chez les parents. En effet, les multiples recommandations et ressources qui leur sont adressées les rendent plus conscients des «meilleures pratiques» au regard de l’éducation et de la vie familiale (manger santé, bouger, avoir des loisirs, promouvoir la lecture, la science, etc.); cela ajoute à la pression qu’ils subissent et les rend plus sensibles à l’impact potentiellement négatif de leurs façons de faire sur le devenir de l’enfant. De plus, le rythme de vie accéléré des familles ainsi que la volonté de chacun de performer, tant comme professionnel que comme parent, sont certainement des facteurs pouvant augmenter l’incidence de l’épuisement. Pourquoi semble-t-il plus difficile d’être parent aujourd’hui que ce ne l’était auparavant? Être parent à notre ère peut nous paraître plus complexe, à bien des égards, que ce ne l’était pour nos grands-parents. Plusieurs facteurs font en sorte qu’on en vienne à ce constat: La diversification des modèles familiaux (familles monoparentales, recomposées, etc.); Le fait que, dans plusieurs familles, les deux parents travaillent à l’extérieur de la maison; Les recherches en psychologie de l’enfant qui évoluent et qui remettent en cause nos pratiques et les modes d’éducation que nous avons reçus; L’aspect communautaire qui est moins présent, ce qui réduit notre accès à des ressources extrafamiliales; La pression provenant des médias, notamment les blogues sur la parentalité, les réseaux sociaux, les magazines destinés aux parents, qui nous amènent souvent à remettre en question notre rôle de parent et notre compétence dans ce domaine. Bref, notre réalité de parents nous prédispose à l’épuisement de plusieurs manières: surinformation, pression des réseaux sociaux qui incitent les uns et les autres à se comparer, pression à s’épanouir sur tous les plans (professionnel, personnel, sportif, amical, amoureux, familial). La difficulté d’arriver à éduquer parfaitement nos enfants avec ce rythme de vie effréné est immense. Les messages transmis par notre société peuvent aussi accentuer la détresse vécue par les parents épuisés et rendre difficile pour eux l’acceptation de leur état. De fait, on peut se sentir coupable, voire honteux, de vivre des émotions négatives face à son rôle parental alors qu’on véhicule partout que d’être parent est une expérience heureuse et épanouissante. L’épuisement parental semble tabou dans la culture populaire et suscite encore beaucoup de jugements négatifs, ce qui peut mener le parent qui en souffre à demeurer isolé. Au Québec, 17% des parents disent n’obtenir que rarement du soutien de la part de leur entourage lorsqu’ils sont en situation d’épuisement. De manière encore plus inquiétante, 7% des parents affirment qu’ils n’obtiennent jamais un tel soutien, ce qui représenterait près de 50 000 parents vivant de la détresse au Québec3. À l’inverse, depuis quelques années, un phénomène de société complètement contradictoire semble s’installer. Que ce soit dans des blogues, des livres ou sur les réseaux sociaux, certains pères et certaines mères banalisent et même valorisent le fait d’être fatigués de leur rôle de parents et de lâcher prise concernant leurs enfants. Quelques personnes vont même jusqu’à exprimer publiquement le ras-le-bol qu’elles éprouvent à l’égard de leurs enfants, le tout saupoudré bien sûr d’une dose d’humour ou d’ironie. Ce discours à contre-courant peut apporter un certain réconfort, celui de se sentir moins isolé dans sa situation et de pouvoir en rire, mais la détresse vécue en situation de burnout parental demeure bien réelle et ne doit pas être prise à la légère. Plutôt que de banaliser l’épuisement parental, il est préférable d’aborder ce sujet avec ouverture, auprès de personnes de confiance, sans se juger soimême ni juger autrui, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’un problème qui nous affecte comme parents – et qui a aussi des conséquences sur nos enfants. Il est donc essentiel de le traiter pour le bien de notre famille. LES SYMPTÔMES DU BURNOUT PARENTAL4 La fatigue Le premier symptôme ressenti lors d’un épuisement parental est sans contredit la fatigue. Cette fatigue peut être d’ordre physique (p. ex. besoin de sommeil, endormissement pendant la journée), émotionnel (p. ex. sentiment d’être à fleur de peau, difficulté à gérer les émotions, démotivation) et cognitif (p. ex. difficulté à se concentrer, à prendre des décisions). Les gens qui se retrouvent dans cet état de fatigue décrivent souvent un sentiment de vide intérieur: ils poursuivent les routines quotidiennes de manière machinale et ne se sentent plus investis ni concernés comme auparavant. À partir du moment où l’on ressent une grande démotivation et une fatigue intense en lien avec son rôle de parent, on doit demeurer alerte afin d’éviter de tomber en épuisement parental. JONATHAN a toujours été reconnu comme un père qui joue beaucoup avec ses enfants. Depuis quelques mois toutefois, il ressent une fatigue tellement intense qu’il décline souvent l’invitation de son petit Thomas à venir jouer aux blocs Lego avec lui. «Papa est trop fatigué», lui répond-il en s’efforçant de sourire. En fin de journée, Jonathan ressent fréquemment le besoin de s’étendre sur le canapé et de fermer les yeux quelques minutes, mais ce n’est jamais suffisant pour recharger ses batteries. C’est même pire, car plus il passe de temps ainsi étendu, moins il a le goût de se relever par la suite. La distanciation affective avec l’enfant La fatigue extrême qui caractérise l’épuisement fait en sorte que notre rôle de parent nous paraît trop lourd; nous sommes aussi plus irritables et impatients à l’égard de nos proches. Cette fatigue peut amener un parent à s’éloigner de son enfant, et parfois de son conjoint, puisqu’il sent qu’il n’a pas l’énergie nécessaire pour s’investir dans la relation. Il s’agit du deuxième symptôme fréquemment ressenti: la distanciation affective avec l’enfant. Ainsi, le parent épuisé peut se montrer moins intéressé par ce que vit l’enfant; il aura tendance à ne plus jouer avec lui, à être moins démonstratif ou à s’investir moins dans sa vie scolaire, alors qu’il était hyper présent dans toutes les sphères de vie de son petit auparavant. L’amour du parent n’est pas en jeu ici; il n’a simplement plus l’énergie nécessaire pour assumer pleinement son rôle parental. KATIA est une mère aimante et attentionnée. Pendant plusieurs mois, elle a tout essayé pour faire dormir sa petite Béatrice: bain aux huiles essentielles calmantes, massage, histoire, musique douce, différentes doudous… Rien à faire, ça lui prend des heures à s’endormir… et Béatrice continue de réclamer ses parents plusieurs fois chaque nuit. Épuisée, Katia se sent incompétente. Elle se demande pourquoi elle n’arrive pas à faire ce que toutes les autres mères sont capables de faire: endormir leur enfant! Depuis quelques mois, c’est son conjoint qui s’occupe dorénavant du coucher. Katia préfère mettre ses énergies dans les tâches ménagères et les repas; là, au moins, elle se sent efficace. La perte des sentiments d’efficacité et d’épanouissement dans son rôle parental Un autre des symptômes caractéristiques de l’épuisement: le parent ne se sent plus efficace ni épanoui dans son rôle parental. Paradoxalement, la perception de ne pas être à la hauteur dans ce rôle, qui a déclenché le sentiment d’épuisement à l’origine, se trouve accentuée par les symptômes du burnout lui-même. En effet, la fatigue, l’irritabilité et la distanciation affective qui sont vécues par le parent épuisé nourrissent son sentiment de ne pas répondre aux exigences du «bon parent», alors il a de plus en plus l’impression de ne pas être adéquat ni heureux dans son rôle. Convaincu d’être un mauvais parent, il perd confiance en ses capacités. Habituellement, LOUIS adore jouer avec ses deux garçons au hockey dans la cour arrière. Or depuis quelques semaines, il n’arrive plus à prendre plaisir à ces moments en famille. De façon générale, il a la mèche courte et s’emporte pour des détails: la balle de hockey qui est envoyée de l’autre côté de la rue, un garçon qui le fait trébucher par accident, et autres anicroches. Lorsqu’il perd patience avec les garçons, il se sent coupable. Ainsi, il délaisse tranquillement les situations qui l’irritent et l’amènent à s’emporter, dont les joutes de hockey, pour éviter de se sentir mal. Il commence à se demander à quoi bon faire des efforts, puisqu’il n’est pas du tout à la hauteur du père qu’il souhaite être. LES CONSÉQUENCES DU BURNOUT PARENTAL Les conséquences de l’épuisement parental peuvent être nombreuses et varient d’une personne à une autre. Notons d’abord que le stress associé à cet état peut avoir des effets néfastes sur le système immunitaire, rendant le parent particulièrement vulnérable à divers virus. De plus, dans certains cas, la sensation de perdre le contrôle et d’échouer dans son rôle de parent peut mener à des troubles de l’humeur, comme la dépression ou l’anxiété, ou au développement d’une dépendance. Certains parents augmentent leur consommation de substances énergisantes, comme le café ou diverses drogues, afin de trouver l’énergie nécessaire pour poursuivre la cadence qui leur permet de correspondre à leur idéal du parent parfait: un parent qui n’oublie rien, qui est toujours là pour ses enfants, qui prépare de bons repas équilibrés en tout temps, qui joue, qui stimule, qui écoute, qui explique, qui s’implique dans les activités parascolaires, et ainsi de suite. En contrepartie, l’alcool ou les drogues ayant un effet calmant vont leur permettre de se détendre ou de se distraire de la souffrance vécue. À partir du moment où un parent constate qu’il perd le contrôle de sa consommation ou que ses symptômes de dépression et d’anxiété deviennent plus importants, il est souhaitable de consulter pour obtenir de l’aide. Au sein de la famille, ce type de burnout risque d’avoir un impact négatif sur le couple, de par ses «effets secondaires» sur le parent qui en souffre: notamment irritabilité, baisse de libido, besoin de se distancier du milieu familial. Dans ce contexte, l’irritabilité n’est pas causée par l’autre conjoint ni par des conflits particuliers au sein du couple, mais bien en raison de la grande fatigue ressentie. Il n’est pas rare que le parent épuisé décharge sa frustration et sa colère sur l’autre parent, ce qui augmente bien entendu les risques de conflits conjugaux. Il est important que le couple discute de la situation en étant conscient que c’est l’épuisement qui est à la base du problème, et qu’il trouve des moments pour se ressourcer et pour passer du temps de qualité en amoureux. Surtout, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide auprès de l’entourage. Au chapitre 5, vous trouverez des moyens que l’autre parent peut utiliser pour soutenir son conjoint épuisé et les réactions à privilégier lorsque des difficultés surviennent. Bien sûr, les conséquences du burnout parental se répercutent également sur les enfants. L’immense fatigue et l’irritabilité du parent épuisé peuvent faire en sorte que ses interventions et ses réactions sont moins adéquates lors de situations stressantes. À 17 h 30, quand SÉBASTIEN rentre à la maison avec sa journée de travail dans le corps, ses batteries sont déjà à plat. Ce soir, après avoir préparé le repas à toute vitesse parce que le petit se plaignait qu’il avait faim, ç’a été la crise à table. Son fils ne voulait pas avaler une seule bouchée! À partir de là, Sébastien s’est montré à court de patience. À l’heure du bain, il a crié après son fils parce qu’il refusait qu’on lui lave les cheveux. Sébastien a même dû sortir de la pièce, car il craignait de «perdre les pédales». Le petit hurlait dans son bain. Rentrant du travail à ce moment-là, sa conjointe est venue voir ce qui se passait. Sèchement, Sébastien lui a répondu de se mêler de ses affaires… Blessée, elle s’est réfugiée dans la salle de bains pour aller consoler leur fils. Bien sûr, après coup, Sébastien s’en est voulu, mais le mal était fait. On dirait que la seule façon pour lui de survivre aux soirées en ce moment, c’est de crier pour se faire obéir. La routine du soir lui pèse tellement que tout ce qui lui importe, c’est que les tâches se fassent pour enfin coucher son fils et avoir un peu de tranquillité. Même si on ne peut pas toujours éviter de commettre de tels impairs, il est extrêmement important d’agir pour corriger la situation lorsqu’on s’aperçoit que l’on n’est plus le parent compréhensif et serein que l’on était. Sur le coup, il est essentiel de s’excuser auprès de son enfant (ou de son conjoint) afin de préserver la relation. Ensuite, nous pouvons prendre certaines ententes entre conjoints pour éviter les situations qui nous fatiguent ou nous irritent particulièrement. Par exemple, on peut convenir que la routine du bain ou du dodo est devenue trop lourde (puisqu’elle se passe à la fin de la journée et que notre réserve d’énergie est vide) et qu’elle sera assumée par l’autre conjoint pour un certain temps. Ainsi, on évitera de s’emporter parce que l’enfant ne se déshabille pas assez vite ou qu’il insiste pour une deuxième histoire lors du dodo! Nous reviendrons sur ces pistes de solution au chapitre 5. Considérant les conséquences que peut avoir l’épuisement parental, on comprend qu’il est primordial de prévenir son apparition, d’en reconnaître les symptômes et d’aider le parent qui le vit à s’en sortir. Des études montrent qu’une personne qui souffre d’épuisement parental serait plus à risque d’avoir des idées suicidaires que celle qui souffre d’épuisement professionnel5. On explique cette conclusion par le fait qu’il est pratiquement impossible pour un parent de quitter sa famille ou de prendre une «pause» de ses enfants, alors qu’un travailleur épuisé peut plus facilement demander un arrêt de travail, modifier ses tâches ou changer d’emploi. Le parent ne peut démissionner de son rôle, même si ce rôle est sa source de souffrance et de stress. Néanmoins, il existe des stratégies pour diminuer l’épuisement et réapprivoiser son rôle de parent afin qu’il ne soit plus souffrant, comme nous le verrons aux chapitres 3 et 4. En quelques mots… L’épuisement parental (ou burnout parental) survient lorsqu’on ne parvient pas à atteindre les exigences que l’on s’était fixées en tant que parent, et que ce décalage cause un tel stress qu’il finit par induire une détresse importante et chronique. Contrairement au baby blues ou à la dépression post-partum, l’épuisement parental peut survenir à n’importe quel moment de la vie d’un parent, peu importe l’âge de l’enfant ou le type de famille. Ce phénomène touche tant les hommes que les femmes. Les trois principaux symptômes du burnout parental sont: la fatigue, la distanciation affective avec son enfant, puis la perte des sentiments d’efficacité et d’épanouissement dans son rôle de parent. À partir du moment où l’on ressent une grande démotivation et une fatigue intense par rapport à son rôle de parent, on doit demeurer alerte afin d’éviter de tomber en épuisement parental. 1. A. Lavoie et C. Fontaine, Mieux connaître la parentalité au Québec: un portrait à partir de l’Enquête québécoise sur l’expérience des parents d’enfants de 0 à 5 ans 2015, Québec, Institut de la statistique du Québec, 2015. 2. M. Mikolajczak et I. Roskam, Le burn-out parental: l’éviter et s’en sortir, Paris, Odile Jacob, 2017, 192 p. 3. Institut de la statistique du Québec, Rapport de l’Enquête québécoise sur l’expérience des parents d’enfants de 0 à 5 ans 2015 (EQEPE), Montréal, Gouvernement du Québec, 2016. 4. Ces symptômes correspondent aux trois facettes du burnout parental présentées par Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam dans leur ouvrage Le burn-out parental: l’éviter et s’en sortir, Paris, Odile Jacob, 2017. 5. Moïra Mikolajczak, et coll., «Consequences of parental burnout: Its specific effect on child neglect and violence», Child Abuse & Neglect, 2018, vol. 80, p. 134-145. L’épuisement parental n’arrive pas sans crier gare. D’abord, d’autres symptômes se manifestent, notamment une fatigue grandissante et un stress de plus en plus envahissant au quotidien. Dans cette situation, le parent essaie tant bien que mal de s’adapter et de surmonter sa fatigue physique et psychique, afin de poursuivre ses activités et d’assumer ses responsabilités. Mais cette résistance ne peut être que temporaire et elle fait place par la suite à l’épuisement physique et émotionnel. AVANT LE BURNOUT, LE BURN-IN… La littérature fait référence au concept de «burn-in6» pour définir l’étape qui précède le burnout. Durant cette phase, le parent est particulièrement investi dans son rôle. Il se fixe des objectifs très ambitieux et consacre beaucoup de temps à leur réalisation, sans se donner le droit de se reposer. Après cette montée spectaculaire, il n’est pas rare que s’ensuive une descente vers l’épuisement. Plus précisément, la période du burn-in se caractérise au départ par l’idéalisation de soi et de sa famille. Cet idéal peut provenir de la famille d’origine du parent, alors que celui-ci souhaite reproduire à tout prix le modèle dans lequel il a grandi. Le contraire est également possible, c’est-àdire que le parent souhaite à tout prix faire les choses différemment de ce qu’il a connu dans son enfance. L’objectif d’être un parent parfait peut aussi provenir en partie de la pression sociale, que nous laissons plus ou moins consciemment nous influencer, et qui est véhiculée par une diversité de moyens. Pensons, entre autres, aux publicités mettant en vedette des parents et des enfants souriants et épanouis, ainsi qu’aux réseaux sociaux qui nous présentent toutes sortes de scénarios «admirables», dont la recette super santé que la voisine a préparée pour ses enfants et les photos de la récente sortie familiale d’une connaissance qui semble s’être déroulée à merveille. La tendance à se comparer est aussi très forte lors de discussions avec d’autres parents, par exemple lorsque l’un d’eux raconte avec enthousiasme les différents loisirs auxquels il s’adonne avec ses enfants. Alors que le parent en burn-in met toutes ses énergies pour atteindre ses multiples objectifs, il tombe, souvent inconsciemment, dans un cercle vicieux. Plus il s’investit auprès de ses enfants, plus il se sent indispensable au sein de sa famille et plus il s’engage auprès d’elle. C’est alors qu’il a l’impression de ne pas pouvoir déléguer, que c’est lui qui doit assumer les nombreuses responsabilités dont il s’est acquitté jusqu’à présent. On peut faire ici le parallèle avec le concept de «charge mentale» dont il est de plus en plus question dans la documentation. Ce terme se rapporte au fait de devoir penser à tout ce qui touche à la famille: les rendez-vous, les courses à faire, les activités à planifier. On parle de charge mentale lorsque les préoccupations liées au quotidien sont omniprésentes dans nos pensées (même au travail ou au yoga!), jusqu’à prendre toute la place. Elle s’accompagne souvent de stress, d’anxiété et de troubles du sommeil. Ainsi, ce phénomène précède fréquemment l’état d’épuisement parental. En ce sens, les stratégies présentées dans ce livre pour éviter le burnout ou s’en sortir s’appliquent tout aussi bien à la charge mentale. En état de burn-in, le parent se définit principalement par son rôle de père ou de mère et n’est plus à l’écoute de ses propres besoins. Ses loisirs, ses activités sociales et sa vie de couple sont souvent sacrifiés au nom des responsabilités parentales, qui sont passées de prioritaires à exclusives. Or, ce sacrifice de la part du parent, même s’il est volontaire, entraîne chez lui beaucoup de frustrations, car il constate inévitablement qu’en dépit de l’ampleur de son investissement, il n’arrive pas encore à atteindre son idéal. Le parent peut aussi se sentir frustré par le manque de reconnaissance de la part de ses enfants ou de son conjoint face à tous les sacrifices qu’il fait pour eux. C’est alors que le surinvestissement, qui s’accompagnait d’une certaine énergie, fait tranquillement place à la fatigue, à la frustration et à la colère. Le parent se rend compte que ses désirs et la réalité sont deux choses distinctes. L’étape du burn-in est critique, car la situation est encore réversible si le parent réajuste ses attentes. Il est primordial qu’il apporte alors des modifications à son environnement et à son mode de vie pour éviter l’épuisement parental. Par exemple, c’est le moment de revoir le partage des responsabilités avec son conjoint, d’accorder un plus grand rôle à la famille élargie dans la prise en charge des enfants, d’embaucher quelqu’un pour aider à l’entretien de la maison et de prendre du temps pour se reposer. Nous y reviendrons dans les prochains chapitres. Jouer avec son enfant: oui, mais… Nous l’avons tous entendu à un moment ou un autre: il faut jouer avec ses enfants et les stimuler, puisque cela est bénéfique pour leur développement. Cette «ligne directrice» provoque souvent stress et culpabilité chez les parents, qui peinent à instaurer des périodes de jeu dans leur horaire déjà chargé. On peut aussi complètement se perdre parmi toutes les activités proposées: stimuler la réflexion de l’enfant, la prise du crayon, le découpage, l’équilibre, le jeu créatif… Le cœur de ce dilemme provient de notre conception de ce qu’est un «jeu stimulant». Dans notre esprit de parents modernes et performants, voire perfectionnistes, nous imaginons des jeux élaborés, qui demandent que nous soyons entièrement disponibles et directement impliqués. En réalité, stimuler son enfant et lui accorder du temps ne passe pas nécessairement par un atelier de bricolage ou un jeu de marionnettes qui requiert temps et énergie. Plusieurs petits gestes ou activités que l’on peut insérer dans son quotidien (ou pendant lesquels on peut se reposer!) sont tout à fait stimulants pour l’enfant et lui feront autant plaisir qu’un jeu plus élaboré. Voici quelques suggestions: Écouter un segment de film ensemble, blottis sur le canapé. Demander à son enfant de construire quelque chose avec ses blocs Lego, puis de venir le montrer, ou encore lui donner de petits défis (p. ex. construire une très haute tour). Pendant que l’enfant est occupé, le parent peut vaquer à ses occupations tout en se montrant intéressé. Inviter l’enfant à rester près de soi lorsqu’on s’occupe des tâches ménagères (p. ex. il peut nous regarder cuisiner, incorporer certains ingrédients, colorier dans son livre pendant qu’on fait la vaisselle). Commenter périodiquement son jeu libre tandis que l’on discute avec des amis ou entre conjoints (p. ex. «Oh, tu m’as fait un très beau gâteau! Miam! Maintenant j’aurais soif…»). Ce ne sont que quelques exemples de manières très peu énergivores d’offrir de la stimulation et, surtout, du temps de qualité à son enfant. Si, pendant que l’on souffre d’épuisement, on n’a pas l’énergie suffisante pour intégrer tout de suite ces idées, il faut se rappeler que l’on ne compromet pas pour autant le développement de l’enfant: il a d’autres compagnons de jeu et d’autres sources de stimulation (école, fratrie, grands-parents, amis du voisinage, etc.) qui contribuent à son bien-être. Évitons de nous attribuer toute la responsabilité de la stimulation et assurons-nous simplement que notre enfant profite d’autres occasions de jeu. Les biscuits faits avec grand-maman lui feront autant plaisir que s’ils avaient été préparés avec maman ou papa! Autre élément intéressant: il est bénéfique pour les enfants de vivre des périodes où ils ne sont pas stimulés. En effet, dans ses temps complètement libres, l’enfant qui «s’ennuie» peut apprendre non seulement à faire preuve de créativité, mais aussi à trouver et à organiser des jeux par lui-même. Votre enfant semble complètement démuni dans ces moments et vient souvent vous solliciter parce qu’il ne sait pas quoi faire? Dressez avec lui une liste d’activités qu’il aime et qu’il peut faire seul (coloriage, mandalas, jeux de construction, lecture, cahiers d’activités, etc.). Vous pourrez ensuite l’inviter à consulter cette liste et lui indiquer où se trouve le matériel nécessaire pour qu’il entreprenne par luimême un petit projet. LES FACTEURS DE RISQUE (ET DE PROTECTION) Les recherches effectuées à ce jour ne permettent pas d’identifier une cause spécifique à l’épuisement parental. Il s’agirait plutôt d’un cumul de facteurs de risque (stresseurs), qui peuvent être propres à notre situation sociodémographique, à notre personnalité, à notre manière d’aborder la parentalité ainsi qu’à notre situation conjugale et sociale7. C’est à partir du moment où le poids des stresseurs est plus grand que nos ressources que le risque d’épuisement est plus important. Ainsi, un parent pourrait avoir plusieurs stresseurs, mais éviter l’épuisement s’il a les ressources nécessaires pour y faire face. Au contraire, une personne possédant moins de ressources pourrait vivre de l’épuisement en raison de quelques stresseurs. Regardons donc plus en détail les facteurs de risque possibles, dans le but de mieux comprendre ce phénomène et de développer des stratégies pour prévenir l’épuisement parental. Des facteurs sociodémographiques Selon les recherches, le nombre d’enfants conjugué avec leur âge pourrait être un facteur de risque. Sans grande surprise, il a été démontré que la charge parentale augmente proportionnellement avec le nombre d’enfants et diminue quand ces derniers grandissent. Donc, le parent qui a trois enfants en bas âge est plus susceptible de vivre de l’épuisement qu’un parent qui a un adolescent. De plus, les familles monoparentales et recomposées seraient plus à risque que les familles traditionnelles. Dans le premier cas, le parent se retrouve seul avec toutes les responsabilités et ne peut partager la charge. Pour ce qui est de la famille recomposée, c’est plutôt le stress lié à l’adaptation de tous les membres de la nouvelle famille (les conflits qui peuvent survenir entre le beau-parent et les enfants, et le partage des responsabilités parentales qui doit se faire à la fois avec le nouveau conjoint et l’autre parent) qui accroît le risque d’épuisement. La mère pourrait être plus à risque dans le cas où c’est elle qui prend en main la majeure partie des responsabilités rattachées aux enfants et à la vie de famille. Le père peut être tout aussi prédisposé à l’épuisement si c’est lui qui joue ce rôle. Par ailleurs, un niveau de scolarisation plus élevé ferait augmenter les probabilités de vivre de l’épuisement. Cela s’explique par le fait que, souvent, le niveau d’exigence du parent face à l’éducation de son enfant est alors plus élevé. En fait, plus les parents sont scolarisés, plus ils auraient tendance à se mettre de la pression pour que leur enfant performe durant son parcours scolaire. De plus, ils sont généralement plus informés et développent des exigences plus élevées concernant leurs pratiques parentales. Finalement, notons que tout autre stresseur pouvant bouleverser la vie de famille module le risque d’épuisement: difficultés financières, déménagement, perte d’emploi, maladie du conjoint ou d’un proche, etc. Surinformation et surdose de conseils parentaux: comment faire le tri? L’accès facile à l’information est pratique à bien des égards, mais il peut aussi accroître le stress en ce qui concerne nos pratiques parentales. Par exemple, les multiples avancées dans le domaine de la psychologie ont donné naissance à de nombreuses recommandations de la part d’experts, qui visent à guider le parent vers des pratiques qui ont été démontrées comme bénéfiques pour le développement de l’enfant. Comment s’y retrouver et éviter que ces conseils sèment la confusion et aggravent notre situation? Il faut absolument faire le tri comme parent et abandonner l’objectif irréaliste d’appliquer toutes les recommandations. Voici quelques lignes directrices pour y parvenir: Respecter ses propres valeurs. Comme dans tout domaine, celui de l’enfance et de la famille comporte différentes approches et divers points de vue quant aux «bonnes pratiques». Il est important de toujours nous respecter comme parents et de ne pas appliquer des recommandations qui nous rendent mal à l’aise et qui vont à l’encontre de nos valeurs. Même si un «spécialiste» propose ceci ou cela, vous demeurez l’expert de votre enfant et de votre famille! Cibler les sujets qui sont prioritaires pour soi. Il s’agit d’identifier les thématiques qui sont les plus importantes pour nous, dans l’optique d’améliorer notre vie de famille. Par exemple, nous chercherons de l’information sur les terreurs nocturnes puisqu’un de nos enfants en souffre et que cela empêche la maisonnée de bien dormir, mais nous laissons tomber les recommandations sur l’alimentation si tout se passe bien pour nous sur ce plan! Évaluer la crédibilité des sources d’information. On privilégie les articles qui s’appuient sur des sources scientifiques ou qui sont rédigés par des experts reconnus. Attention aux forums, aux blogues et aux publications provenant de réseaux sociaux, qui peuvent parfois contenir de l’information erronée! Il en va de même pour les conseils provenant de son entourage. S’interroger sur l’application concrète de la recommandation. On se demande comme parent: «Est-ce que je pourrais réalistement intégrer cela à ma routine? Est-ce que je crois que mon enfant adhérerait à ce genre d’activité?» Rappelez-vous que les recommandations sont des généralités suggérées sans tenir compte des cas individuels et de la réalité de chacun. Par exemple, même si on lit que l’entraînement à la propreté doit se faire à tel moment, on peut choisir de le remettre à plus tard parce qu’on vient d’accoucher d’un deuxième enfant. Il est tout à fait normal que certaines recommandations ne puissent pas s’appliquer au sein de votre famille. Prendre en considération son niveau d’énergie. On sélectionne les recommandations qui paraissent acceptables en termes d’investissement de temps et d’efforts. Par exemple, si vous souhaitez aider votre enfant à s’endormir, vous pouvez choisir d’installer une veilleuse, plutôt que de complètement remanier votre routine du soir si cela vous semble trop lourd. Vous pourrez passer aux conseils plus exigeants lorsque vous en aurez la capacité ou la possibilité. Une fois que l’on a fait le tri parmi les conseils reçus, il est primordial de mettre en application une seule recommandation à la fois. Bien des parents tentent d’instaurer plusieurs changements dans une même période, ce qui leur prend énormément d’énergie et donne peu de résultats. Mieux vaut se concentrer sur un conseil à la fois, en l’appliquant correctement et en se respectant. Les caractéristiques de l’enfant Bien qu’il importe de se rappeler que l’épuisement parental est un problème appartenant au parent et que l’enfant ne doit pas en être tenu responsable, il demeure que le tempérament de ce dernier peut y jouer un certain rôle. Un enfant qui est résilient, docile et de nature plus coopérative contribuera à augmenter le sentiment de compétence chez l’adulte et à établir une relation parent-enfant positive. Le parent dont l’enfant obéit, est respectueux et adopte souvent les comportements souhaités se remet beaucoup moins en question et vit moins de stress face à son rôle, ce qui réduit le risque de vivre un burnout (sans éliminer complètement le risque, puisque d’autres facteurs sont en jeu!). À l’inverse, le parent tendra davantage à douter de ses compétences si son enfant a un tempérament plus difficile, et ce, même dès la naissance! Devant un enfant qui pleure souvent et qui est très difficile à consoler, l’adulte se sent rapidement désemparé et stressé, ce qui, joint à la fatigue et à la culpabilité de ne pas être en mesure de répondre aux besoins de son enfant, constitue un terreau fertile au développement de l’épuisement. Notons également que les troubles d’apprentissage, les difficultés de comportement, les problèmes de santé mentale ou de santé physique de l’enfant constituent des facteurs de risque. De telles situations créent des inquiétudes supplémentaires, qui s’ajoutent à toutes celles déjà présentes, et demandent souvent un degré d’investissement encore plus grand de la part du parent. Trouver du temps pour se présenter à divers rendez-vous, pour faire le suivi des démarches d’investigation et mettre en place des stratégies d’intervention à la maison, dans l’agenda déjà très rempli de la famille, ce n’est pas de tout repos! Les parents d’enfants aux prises avec des difficultés vivent donc souvent plus de stress quant à leur rôle parental: «Est-ce que je délaisse trop les autres enfants? Comment faire pour trouver du temps de jeu si je dois travailler davantage la lecture? Ai-je bien fait d’opter pour cette école?» Ces parents doivent faire preuve de plus de patience, user de diverses stratégies et accorder plus d’attention à leur enfant, ce qui évidemment demande de l’énergie supplémentaire. Les parents ont souvent tendance à oublier que chaque enfant est unique, qu’il naît avec sa personnalité et son tempérament propres. Avec cette donnée en tête, il peut être plus facile pour eux de prendre du recul et d’éviter de s’attribuer «l’échec» de certaines de leurs pratiques parentales. Le défi d’éduquer un enfant n’est pas le même pour tous et dépend d’une multitude de facteurs qui échappent à notre contrôle et à celui de notre enfant. L’important est de bien comprendre quels sont les facteurs en jeu dans sa propre situation et de se centrer sur les moyens qui peuvent permettre de composer avec ces stresseurs (nous y reviendrons au chapitre 4), plutôt que de s’attribuer le blâme. Les caractéristiques du parent Tout comme la personnalité de notre enfant, nos propres caractéristiques personnelles ont une influence sur notre prédisposition à l’épuisement. D’abord, un parent qui possède une bonne intelligence émotionnelle sera moins à risque de vivre un burnout parental. Intelligence émotionnelle: capacité de percevoir et d’exprimer les émotions, de les comprendre et de les intégrer à la pensée en les utilisant avec justesse dans le raisonnement, ainsi que de réguler ces émotions chez soi et les autres8. En effet, les parents qui ont une habileté à bien identifier, comprendre, exprimer et gérer convenablement leurs émotions vivent souvent moins de conflits avec leur conjoint et leurs enfants, et ont donc moins d’interactions négatives avec eux. De plus, ils se sentent plus outillés et compétents pour faire face aux débordements émotionnels de leurs enfants, ce qui diminue le stress lié au rôle de parent. Notre propre enfance joue aussi un rôle dans le développement de notre personnalité et nos comportements en tant que parents. Il a été démontré que les adultes ayant développé un attachement insécurisant dans leur relation avec leurs propres parents seraient plus à risque de répéter ce schéma avec leurs enfants, et éventuellement de vivre de l’épuisement. En effet, ces adultes ont souvent plus de difficulté à composer avec les situations stressantes et à trouver les bonnes stratégies lorsqu’ils doivent intervenir auprès de leurs enfants, ce qui les rend plus vulnérables au burnout parental. Cela dit, le fait de prendre conscience que l’on a développé ce type d’attachement permet ensuite de faire des efforts pour corriger le tir. Les trois types d’attachement insécurisant9 Il existe trois types d’attachement insécurisant, et chacun d’eux est associé à des comportements parentaux spécifiques, et fréquemment involontaires. Attachement insécurisant évitant. Ce type d’attachement se développe lorsque le parent se montre insensible à la détresse de l’enfant, souvent parce qu’il n’arrive pas à la reconnaître. Le parent apparaît alors comme distant, voire rejetant, car il parvient difficilement à gérer ces manifestations de détresse. En conséquence, l’enfant tend à minimiser l’expression de sa détresse ou de ses besoins, puisqu’il apprend que ceuxci ne sont pas reçus ni validés. Il sera aussi porté à surinvestir l’exploration de son environnement au détriment de la proximité relationnelle; par exemple, lors d’une sortie au parc, l’enfant aura tendance à s’éloigner de ses parents plutôt que de vouloir jouer avec eux. Plus tard dans la vie, une bonne partie de ces enfants vont performer à l’école et se montreront autonomes à outrance, mais ils arriveront difficilement à prendre conscience de leurs émotions pour mieux composer avec elles. Attachement insécurisant ambivalent-résistant. L’attachement de cette nature apparaît souvent chez les enfants dont le parent répond à leur détresse, mais de manière inconstante ou dans un délai inapproprié. Par exemple, le parent va parfois répondre aux pleurs du bébé, alors qu’à d’autres moments, il le laissera dans sa détresse pour diverses raisons (besoin de dormir, besoin de terminer ce qu’il est en train de faire, etc.). Cette inconstance empêche l’enfant de développer la certitude que sa figure d’attachement sera présente pour répondre à ses besoins, et engendre chez lui de la frustration à l’égard du parent. En conséquence, l’enfant aura tendance à maximiser son expression émotionnelle, à se montrer immature ou à faire des crises de colère ou de bouderie exagérées, dans l’espoir d’obtenir une réponse réconfortante du parent. Paradoxalement, même lorsque cette réponse survient, l’enfant est difficilement consolable et peut manifester de la colère parce que son parent n’a pas satisfait son besoin à temps. Les enfants ambivalents-résistants vont privilégier la proximité excessive à leur parent et s’éloigneront rarement pour aller jouer ou découvrir ce qui les entoure. À l’école, ils vivront souvent plus de conflits relationnels avec leurs pairs. Attachement insécurisant désorganisé. Ce type d’attachement survient lorsque des comportements du parent sont perçus comme effrayants par l’enfant. Par exemple, l’agressivité, la violence, l’humiliation, ou simplement le fait de percevoir son parent comme étant lui-même apeuré ou impuissant dans son rôle, sont tous des éléments qui suscitent la peur chez un enfant. Alors, ce dernier devient très confus et vit un conflit intérieur: «Je suis en détresse et j’aurais besoin de mon parent pour me réconforter, mais mon parent est la source de ma détresse.» Ce type d’attachement est celui qui provoque le plus de conséquences négatives à long terme, qui se traduisent par des troubles de comportement, des difficultés de régulation émotionnelle importantes et des risques accrus de présenter des problèmes psychologiques. 9. Pour plus de détail, consulter mon livre Les psy-trucs pour les enfants de 0 à 3 ans, nouvelle édition, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2017 [2009], p. 51-53. Par ailleurs, on remarque que les parents susceptibles de vivre un burnout parental ont souvent une nature anxieuse ou perfectionniste. En effet, ce type de personnalité s’accompagne fréquemment d’exigences élevées envers soi-même et présente une résilience moindre face aux stresseurs de la vie quotidienne. L’anxiété est une réaction émotive fort importante; elle nous aide à reconnaître le danger et à y réagir, si cela est nécessaire. Toutefois, cette réaction devient problématique lorsqu’elle est omniprésente et que les pensées anxieuses amènent la personne à surévaluer le danger réel d’une situation. L’anxiété peut alors affecter son fonctionnement et entraîner chez elle de la détresse émotionnelle. Divers symptômes physiologiques peuvent aussi se manifester: maux de tête fréquents, gorge nouée, palpitations exagérées du cœur, sueurs, maux de ventre, etc. L’intensité de ces symptômes et leur fréquence peuvent varier d’un individu à un autre ou en fonction des événements vécus. Par ailleurs, les personnes ayant tendance à être anxieuses ont souvent besoin d’approbation de la part d’autrui pour effectuer une tâche ou prendre une décision, mais, en même temps, elles veulent garder le contrôle de la situation puisque cela leur donne l’impression de pouvoir apaiser leur inquiétude. À court de temps, KARINE tente de trouver des solutions pour alléger son horaire. Elle demande à son conjoint de reconduire les enfants à l’école le matin, mais c’est elle qui s’assure avant de partir qu’ils ont tout dans leur sac à dos et qu’ils sont habillés adéquatement selon la météo. Du côté de la préparation des repas, elle demande à ses parents de l’aider, mais tient à composer elle-même les menus, afin de veiller à ce que ses enfants aient tous les groupes alimentaires dans leur assiette. En fait, l’anxiété est provoquée par de multiples inquiétudes, souvent non fondées, qui surgissent de façon automatique à l’esprit. Ces pensées qui viennent nous envahir commencent fréquemment par: • Tout à coup que… • Es-tu certain que… • S’il fallait que… • Tu imagines si… À partir du moment où nous prenons conscience de nos pensées anxiogènes, nous devons apprendre à les gérer pour éviter qu’elles interfèrent dans notre quotidien et nuisent à notre capacité de bien fonctionner. Pour évaluer l’impact réel de nos appréhensions et faire diminuer notre anxiété, nous pouvons nous poser ces quelques questions: • Qu’est-ce qui me fait peur? • Quelle est la probabilité que cela se produise? • Sur une échelle de 1 à 10, dans quelle mesure est-ce important dans le moment présent? • Quel est le pire qui puisse arriver? • Est-ce que j’ai déjà vécu une situation similaire, ou des gens que je connais l’ont-ils vécue? Et qu’est-il arrivé? On constate alors que ces inquiétudes sont purement hypothétiques: elles ne sont pas basées sur des faits. Ces quelques questions nous aident donc à bien identifier les pensées négatives, saboteuses, anxieuses, et nous amènent à prendre conscience de la faible probabilité que les scénarios catastrophiques surviennent. Pour ce qui est des parents perfectionnistes, ils sont rarement satisfaits d’eux-mêmes ou de leur entourage puisque, comme le veut le dicton, «la perfection n’est pas de ce monde»! Le fait que la perfection soit le but (être le parent idéal) entraîne son lot de stress et de frustrations, car le constat en est généralement un d’échec: on n’arrive pas à satisfaire toutes ses attentes pour être le parent imaginé. Bien entendu, vouloir bien faire les choses et nous améliorer dans notre rôle de parents est une excellente attitude… tant que nos exigences ne deviennent pas irréalistes, sans quoi nous risquons de ne plus ressentir de plaisir dans l’accomplissement de notre rôle. Pour être en mesure de profiter des petits moments de bonheur avec ses enfants, il faut apprendre à faire des compromis et se laisser la chance d’être imparfait. Voici quelques exemples de résolutions simples qui peuvent aider à apprivoiser doucement cette idée. Il faut que j’apprenne à accepter: • que je devrai parfois acheter un plat déjà préparé au supermarché • que je téléphonerai à mes parents ou à ma sœur pour leur demander de m’aider à faire du ménage • que le repas avec mes amis sera communautaire, pour m’éviter de devoir tout cuisiner. Bref, je dois accepter que je ne peux pas tout faire par moi-même et parfaitement. Dans le prochain chapitre, je vous donnerai des trucs pour apprendre à lâcher prise afin d’atteindre votre nouvel objectif: la NON-PERFECTION. Plutôt que de se questionner sur ce que l’on aurait pu faire de mieux ou de se culpabiliser sur ce que l’on n’a pas eu le temps de faire, l’objectif est d’arriver à ressentir la satisfaction d’avoir profité pleinement du moment présent en famille. Finalement, un autre facteur peut conduire à l’épuisement: la perception que son rôle de parent est limitant. L’adulte qui perçoit ses responsabilités parentales comme étant restrictives va par le fait même ressentir davantage d’émotions négatives face à ses tâches. Par exemple, il pourra avoir l’impression que son rôle de parent l’empêche d’avoir du temps pour ses loisirs, ses amis, son couple ou lui-même! De telles pensées, lorsqu’elles sont constantes et très prenantes pour le parent, créent chez lui une résistance face aux activités liées à la famille, ce qui peut mener au burnout parental. Les moyens les plus efficaces pour redécouvrir les aspects positifs de son rôle de parent sont de se centrer sur le moment présent en appréciant les petits moments tout simples vécus avec son enfant, de lâcher prise sur la situation et de chercher des moyens pour se ré-énergiser. Ces solutions seront détaillées au chapitre 3. Les pratiques parentales Les recherches le prouvent: certaines pratiques parentales ont un effet bénéfique sur la relation parent-enfant, alors que d’autres font augmenter les conflits et le stress au sein de la famille. Il est donc logique que ces dernières puissent augmenter les risques de burnout parental. Voici quelques méthodes d’éducation plutôt négatives à éviter, afin de réduire le stress et les tensions dans la vie familiale. Le dénigrement psychologique. Des règles imposées dans un climat constamment négatif peuvent grandement brimer l’estime de soi de l’enfant. Ainsi, une discipline devient abusive et s’apparente au dénigrement psychologique lorsqu’elle inclut des menaces de coups ou d’abandon, l’humiliation (p. ex. se moquer ou rire de l’enfant), la critique excessive et le dénigrement verbal (p. ex. le traiter de stupide ou de paresseux). Cette forme de discipline peut causer d’importants dommages psychologiques à l’enfant. Les menaces. Le fait d’informer son enfant de la conséquence qui l’attend ne constitue pas une menace en soi, mais elle le devient si cette conséquence est rarement appliquée ou qu’elle est exagérée. Les menaces surgissent souvent sous le coup de la colère et lorsqu’on a l’impression de perdre le contrôle de la situation. Elles deviennent alors une façon de réagir devant le comportement de l’enfant. Ce moyen d’intervention affecte grandement la crédibilité du parent; l’enfant réagira peu à l’intervention puisqu’il sait que la menace est exagérée et risque peu de se concrétiser. L’indifférence ou la banalisation. Il est tout à fait contre-indiqué d’ignorer ou de banaliser les comportements indésirables de son enfant. Certains parents ont tendance à avoir cette réaction, entre autres en public; se sentant mal à l’aise, ils tenteront de minimiser la situation et éviteront d’intervenir. Bien qu’il soit effectivement conseillé de ne pas intervenir devant un public, il importe d’amener son enfant à l’écart afin de souligner le comportement inadéquat, de façon à demeurer le plus constant possible dans ses interventions. Retenons ceci: éduquer un enfant est un processus continuel et il est normal qu’il ait parfois des comportements inadéquats. Plus nous éliminons ce type d’interventions de notre quotidien, plus nous diminuons les risques d’entraver notre relation de confiance parent-enfant. Même si cela peut s’avérer un défi constant, l’éducation d’un enfant peut se faire dans un cadre calme et doux, où les relations parent-enfant sont positives et agréables. L’application d’interventions positives permet souvent de prévenir une crise ou une confrontation, et donc d’éviter le recours aux conséquences, ce qui contribuera à préserver l’harmonie familiale. Et plus notre climat familial est harmonieux, plus nous éprouverons du bien-être dans l’exercice de nos responsabilités de parents, ce qui diminue les risques d’épuisement. Voici quelques méthodes d’intervention positives10: L’accompagnement. Les enfants n’aiment pas être interrompus dans leur activité, parce qu’elle est routinière et connue pour eux, ce qui leur apporte un fort sentiment de sécurité. Bien sûr, comme s’adapter à des changements fait partie de la vie, nous devons, en tant que parents, habituer doucement notre enfant à vivre des transitions. L’accompagnement est une excellente méthode pour éviter la survenue d’une crise ou le refus de l’enfant. Elle consiste à aider et à accompagner notre enfant dans la réalisation d’une nouvelle tâche, afin qu’il prenne confiance en lui. La méthode du 1-2-3. Il s’agit d’une méthode fort efficace, et ce, jusqu’à l’âge de 11 ans. Elle consiste à laisser l’enfant réfléchir pendant trois secondes pour qu’il puisse décider soit d’obéir, soit de désobéir et de recevoir une réprimande. La plupart du temps, l’emploi de cette méthode permet d’éviter la survenue d’une crise. De plus, il s’agit d’une intervention discrète et facile à appliquer, ce qui permet son emploi dans les endroits publics et dans diverses situations. L’humour. La méthode de l’humour est fort utile pour désamorcer une situation et elle est particulièrement populaire auprès des tout-petits. Taquineries, chatouillements, clins d’œil, sourires et petits jeux permettent de calmer bien des situations tendues. Ils deviennent des alliés importants pour motiver notre enfant à respecter la règle ou à modifier son comportement, et ce, dans un climat harmonieux et agréable pour tous. Cette technique permet parfois d’éviter de faire appel aux réprimandes ou aux punitions, qui nous demandent certainement beaucoup plus d’énergie en tant que parents. La relation conjugale et le soutien des proches Une autre variable importante à considérer lorsqu’on parle de risque (ou de protection) face à l’épuisement parental est la relation conjugale. Une relation de couple épanouie et heureuse favorise un sentiment de bien-être, qui teinte notre vie tant personnelle que familiale. Une relation conjugale saine nous protège aussi de l’épuisement, notamment lorsque notre conjoint constitue une ressource vers laquelle nous pouvons nous tourner en période de grand stress ou de fatigue. Se sentir capable de déléguer des tâches, de parler des émotions que l’on ressent face à la parentalité, se sentir écouté et compris dans ces moments sont des facteurs de protection importants. Dans le même sens, une coparentalité harmonieuse allège considérablement la charge associée au fait d’être parent et peut diminuer le risque d’épuisement, et ce, que l’on soit séparé ou pas! Lorsque les parents peuvent se soutenir dans les décisions qui concernent leurs enfants, s’entraider et se mettre d’accord sur les principes d’éducation et les valeurs qu’ils veulent transmettre à leurs enfants, ils économisent une quantité d’énergie considérable. Deux exemples de coparentalité COPARENTALITÉ DIFFICILE MARC et JULIA sont séparés depuis quelques mois. Marc s’est aperçu que son fils âgé de 7 ans était très fatigué lorsqu’il revenait chez lui après avoir passé la semaine chez sa mère. Il téléphone à cette dernière pour lui demander ce qui se passe et il apprend que son fils se couche à 20 h 30 chez elle. Marc lui dit qu’il trouve son attitude irresponsable. Julia lui répond que cela ne le concerne pas, que c’est elle qui décide de l’heure à laquelle son fils se couche chez elle. Après une longue discussion houleuse, la communication cesse abruptement sans qu’aucune entente ait été prise. L’énergie dépensée à critiquer l’autre parent est inefficace et drainante. Elle est aussi nocive pour la relation entre les deux parents que pour la relation parents-enfant, puisque ce dernier subit cette tension. COPARENTALITÉ POSITIVE MARC et JULIA sont séparés depuis quelques mois. Marc s’est aperçu que son fils âgé de 7 ans était très fatigué lorsqu’il revenait chez lui après avoir passé la semaine chez sa mère. Il téléphone à cette dernière pour s’informer de sa routine du soir et constate que son fils se couche à 20 h 30 chez elle, alors que chez lui, il va au lit à 19 h 30. Après avoir discuté de leurs routines respectives, Marc et Julia conviennent qu’il est impossible pour Julia de s’arrimer avec Marc pour l’heure du coucher, puisqu’elle arrive chez elle à 18 h en raison de son horaire de travail. Par contre, elle accepte de réviser sa routine pour que l’enfant se couche à 20 h plutôt qu’à 20 h 30. Ces exemples montrent qu’un mode de communication empreint de calme, où personne n’accuse l’autre, permet souvent d’arriver à la solution recherchée. Lorsqu’on aborde l’échange sur un ton teinté de reproche, l’autre parent se sent plus facilement pris en défaut et risque d’être sur la défensive, ce qui est peu productif. Il faut se rappeler que l’objectif est de faire avancer la discussion pour résoudre un problème et ainsi améliorer le bien-être de l’enfant. Aussi, toute dynamique parentale, que les parents soient séparés ou en couple, nécessite invariablement de faire certains compromis au sujet des routines et de l’éducation des enfants. On doit donc être prêt à faire des concessions, en se souvenant que l’autre parent en fera ou en aura déjà fait de son côté. Au-delà du soutien du conjoint, la présence aidante de la famille élargie ou d’un réseau peut constituer un facteur de protection très important. Les grands-parents, les tantes et les oncles, le voisinage, les amis, etc., peuvent tous être des ressources précieuses vers lesquelles le parent peut se tourner en cas de besoin. Que ce soit pour du gardiennage occasionnel, la préparation de repas collectifs ou du covoiturage vers les entraînements sportifs, notre réseau peut parfois nous alléger de certaines responsabilités, en plus de nous soutenir lorsque nous vivons des moments plus difficiles. Un déséquilibre des sphères de vie Un des grands défis de la vie est d’établir un équilibre entre nos sphères de vie. L’harmonie et la satisfaction sont deux sentiments qu’éprouve une personne qui se sent bien et en équilibre. À l’inverse, s’il y a déséquilibre entre les différents aspects de sa vie, elle sera habitée par une impression d’inconfort, un sentiment de débordement et ressentira du stress. Posonsnous la question: sommes-nous dans une période de déséquilibre? Les émotions les plus présentes pendant cette période (et ce, sur une base quotidienne) sont la fatigue, l’irritabilité et l’anxiété. Nous avons alors l’impression de toujours manquer de temps, d’être constamment dépassés par les événements et de vivre continuellement de l’insatisfaction. Au contraire, quand nous sommes dans une période d’équilibre, nous sommes satisfaits de ce que nous accomplissons dans notre journée. Bien sûr, la vie est remplie de circonstances hors de notre contrôle qui peuvent nous amener à vivre un certain déséquilibre, malgré toute notre bonne volonté. Voici quelques situations qui augmentent les risques de déséquilibre: un nouveau travail; la naissance d’un enfant; un conflit dans le couple; un déménagement; une maladie dans notre entourage; les difficultés scolaires de notre enfant. En fait, n’importe quelle situation qui nécessitera beaucoup d’investissement de temps de notre part et/ou qui provoquera une anxiété importante est susceptible de causer un déséquilibre. Dans le cas de l’épuisement parental, le parent qui est anxieux et/ou perfectionniste aura souvent l’impression que sa compétence parentale dépend de son engagement auprès de sa famille et ne visera rien de moins que l’excellence. Cette perception pourrait provoquer un déséquilibre: le parent se néglige ou néglige d’autres domaines de sa vie au profit de la sphère familiale. Quand nous sentons que notre équilibre nous glisse des mains, nous devons immédiatement revoir nos priorités, déléguer, parler de notre état d’esprit et, au besoin, consulter un professionnel de la santé pour éviter de sombrer dans l’épuisement. Malheureusement, les gens ont parfois tendance à banaliser cet état, car ils ont l’impression que la situation se rétablira comme par magie. COMMENT SAVOIR SI ON EST À RISQUE OU PAS Maintenant que nous avons détaillé les différents facteurs de risque lorsqu’il est question du burnout parental, il peut être utile de réfléchir sur notre propre situation et de déterminer si nos facteurs de risque l’emportent sur nos facteurs de protection. Le processus de réflexion est unique pour chacun, mais voici quelques questions qui peuvent vous servir de point de départ: Si vous avez répondu oui à une majorité de questions, vous présentez peu de risques de vivre de l’épuisement parental. Dans le cas contraire, cette lecture tombe à point, rassurez-vous: il existe des stratégies pour prévenir le burnout et elles sont présentées aux chapitres 3 et 4. En quelques mots… L’épuisement parental n’est pas un problème qui arrive sans crier gare. Pendant un certain temps, le parent a ressenti une fatigue grandissante et un stress de plus en plus envahissant au quotidien. Le burn-in serait l’étape précédant le burnout, c’est-à-dire une phase pendant laquelle le parent est particulièrement investi dans son rôle parental et se donne des objectifs très élevés par rapport à ce rôle. Il n’y a pas de cause spécifique qui mène au burnout parental. Il s’agirait plutôt d’un cumul de facteurs de risque (stresseurs), qui peuvent être propres à notre situation sociodémographique, à notre personnalité, à notre manière d’aborder la parentalité ainsi qu’à notre situation conjugale et sociale. À l’inverse, certains facteurs de protection – force de l’entourage et du réseau, bonne gestion des émotions, relation conjugale harmonieuse, méthodes parentales adéquates – nous rendent plus résistants face au risque de burnout parental. 6. Ce concept a été élaboré par Cary Cooper, psychologue du travail. 7. Les psychologues Moïra Mikolajczak et Isabelle Roskam ont conçu un instrument de mesure qui permet d’évaluer les composantes parentales et d’estimer son risque de vivre de l’épuisement. Pour en savoir davantage, référez-vous à leur livre Le burn-out parental: l’éviter et s’en sortir, Odile Jacob, 2017, p. 105-109. 8. Source: Office québécois de la langue française, Grand Dictionnaire terminologique. Voir aussi J. D. Mayer et P. Salovey, «What is emotional intelligence?», In P. Salovey et D. J. Sluyter (sous la direction de), Emotional development and emotional intelligence: Educational implications, New York, Harper Collins, 1997, p. 3-34. 10. Pour plus de détail et de méthodes d’intervention, consultez mon livre Le psy-guide de la discipline: pour les enfants de 0 à 10 ans, écrit avec la collaboration de Gabrielle VallièresLavoie, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2017. La prise de conscience est possiblement l’étape la plus difficile – mais aussi la plus salutaire – pour éviter l’épuisement parental ou pour s’en sortir. Au moment où nous nous apercevons que notre besoin de contrôle nous fait vivre de la fatigue, de l’irritabilité, de la tristesse, de l’anxiété ou une perte de jouissance concernant notre vie de famille, il nous faut prendre une pause pour regarder ce qui se passe en nous. C’est primordial! Une fois que l’on reconnaît son état, on doit faire preuve d’indulgence envers soi-même et se permettre de vivre une certaine souffrance par rapport à son rôle de parent – ou du moins par rapport à l’idée qu’on s’était faite de ce rôle. Il faut ainsi accepter, voire se répéter, qu’être parent n’est pas un long fleuve tranquille et qu’il est normal de vivre parfois du découragement et de l’exaspération. Oui, il est normal de se sentir parfois dépassé par les événements! Cette étape, qui consiste en quelque sorte à faire le deuil de ses idéaux et à accepter ses propres limites, est difficile. Mais elle est nécessaire puisque notre volonté de correspondre à l’idéal du parent parfait remet continuellement en question notre capacité à concilier travail-famille, nos compétences parentales, notre dévouement envers notre couple et notre famille, et cela fait en sorte que des sentiments tels que la culpabilité, la frustration, le découragement ou l’anxiété viennent nous habiter sur une base quotidienne. Lorsque nous constatons qu’il y a déséquilibre entre les différentes sphères de notre vie et que nous nous dirigeons possiblement vers l’épuisement, posons-nous ces questions: • Qu’est-ce que je ressens au juste (colère, frustration, impuissance, anxiété, tristesse)? • Qu’est-ce qui s’est passé? Depuis quand est-ce que je sens que j’ai basculé dans cet état? • Qu’est-ce que je peux modifier dans mon attitude pour me sentir mieux? • Qu’est-ce que je peux modifier dans mes habitudes de vie pour me sentir mieux? • Quels sont les moyens qui me permettraient de reprendre le contrôle de ma vie? • Est-ce que j’ai besoin d’aide pour retrouver mon équilibre? • Vers qui puis-je me tourner pour trouver le soutien dont j’ai besoin? Une fois que nous comprenons mieux notre réalité, débute alors un cheminement pour apprendre à accepter nos petites failles comme parents et laisser aller notre idéal. C’est la seule voie possible pour profiter pleinement de notre vie de famille, en vivant le moment présent, plutôt que d’appréhender constamment le futur. Les prochaines sections de ce chapitre aborderont différents moyens que l’on peut mettre en place pour apprivoiser graduellement le lâcher-prise et l’imperfection, de même qu’apaiser le stress et la fatigue suscités par l’épuisement. LÂCHER PRISE Une fois que nous avons pris conscience de notre état d’épuisement, nous réalisons habituellement que nous ne pouvons pas modifier complètement les situations et la réalité de notre vie familiale. Notre conjoint et nos enfants ne changeront pas en un claquement de doigts, tout comme nos sources de stress ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Le pouvoir de changer nous revient en grande partie, c’est-à-dire que nous pouvons modifier notre manière de considérer nos responsabilités et de définir nos exigences. Le fait de distinguer ce que nous pouvons influencer et contrôler, d’une part, et ce sur quoi nous n’avons pas d’emprise, d’autre part, constitue une étape importante dans le processus du lâcher-prise. Cet état d’esprit nous permet de réaliser à quel point le contrôle que nous voulons exercer sur notre vie et les exigences que nous nous imposons pour répondre à toutes nos attentes (et à celles des autres!) sont énergivores et stressants. CAROLINE fait tous les achats nécessaires pour effectuer un bricolage avec ses enfants. Lorsqu’elle leur propose cette activité, ils semblent peu motivés, préférant poursuivre le jeu qu’ils avaient commencé. La frustration et le découragement envahissent Caroline. Elle avait idéalisé ce moment avec ses enfants. N’ayant pas le contrôle de la situation, elle est incapable d’accepter leur décision ni de remettre le bricolage à plus tard, et de saisir ainsi cette occasion de jouer autrement avec eux. Dans cet exemple, le manque de lâcher-prise du parent l’empêche de voir l’aspect positif de la situation et lui fait vivre plusieurs émotions négatives. Pourtant, l’objectif de passer du temps de qualité avec les enfants aurait pu être atteint, seulement dans une situation qui a échappé au contrôle et aux projections du parent. Lâcher prise demande une certaine souplesse, une aptitude à percevoir le positif, même dans une situation qui ne se déroule pas comme on l’avait prévu. Si les objectifs qu’on s’est fixés comme parent sont hyper-rigides, on ne peut se laisser agréablement surprendre par les événements du quotidien, qui apportent parfois leur lot de complications mais aussi la possibilité de penser et de faire les choses autrement. Lâcher prise veut aussi dire faire confiance. Se faire confiance en acceptant ses limites et ses faiblesses, et faire confiance aux autres en demandant de l’aide et en acceptant de déléguer. C’est également développer l’assurance que même si nous nous confions, si nous partageons nos sentiments, le jugement des autres (s’il est présent) ne nous atteindra pas. Apprendre à exprimer ses sentiments et ses besoins: deux exemples À SON CONJOINT «Depuis quelques mois, je me sens très souvent fatigué et dépassé par tout ce qu’il y a à faire à la maison et avec les enfants, au point où je n’ai même plus l’énergie de faire avec eux les activités que j’aimais avant, comme lire une histoire ou donner le bain. J’ai l’impression d’être beaucoup plus irritable et je me sens souvent très découragé face à toutes les responsabilités familiales. Je crois vraiment que j’ai besoin de me reposer et de recevoir plus d’aide (discuter des moyens possibles tels que demander aux grands-parents, engager de l’aide extérieure, répartir autrement les tâches, etc.).» À SES AMIS OU À SA FAMILLE ÉLARGIE «Belle-maman (ou le nom de la personne choisie), crois-tu qu’il serait possible pour toi d’aller chercher les enfants après l’école et de commencer les leçons et devoirs avec eux jusqu’à ce que je revienne du travail? Je suis très fatigué et stressé ces derniers temps, j’ai l’impression que je n’arrive pas à reprendre le dessus. J’aurais besoin d’un peu plus de temps pour terminer mes dossiers au travail et revenir à la maison sans me précipiter. Je crois que ça nous aiderait beaucoup.» Pouvoir nommer cet état ou ces émotions qui nous habitent (fatigue, stress, difficulté à prendre le dessus) est bénéfique pour les autres, car cela leur permet de comprendre ce que nous vivons et de nous fournir du soutien. Mais surtout, le fait de verbaliser comment on se sent permet de se libérer d’une frustration et de prendre une certaine distance par rapport à ce que l’on vit. Une fois ces émotions exprimées et légitimées, on cesse d’en avoir honte et on peut concentrer davantage ses énergies à chercher des solutions. FAIRE DES CHANGEMENTS CONCRETS DANS SON ENVIRONNEMENT Lorsqu’un parent se rend compte qu’il est à l’aube de l’épuisement parental, il lui faut non seulement accepter son état et lâcher prise sur ce dernier, mais aussi passer à l’action pour diminuer sa charge mentale et se ressourcer. Même s’il accepte de ne pas tout contrôler et de faire confiance, il peut être ardu d’identifier concrètement comment appliquer le lâcher-prise dans le quotidien. Réalistement, sur quoi peut-on lâcher prise? Qu’est-ce qui nous apparaît le plus lourd, le plus prenant? Qu’est-ce qui nous cause le plus de stress? Que pouvons-nous diminuer ou éliminer de notre vie de façon à retrouver un sentiment d’harmonie, de sérénité et de calme? Voici quelques exemples d’application du lâcher-prise dans les situations du quotidien: • J’accepte que le ménage, habituellement fait chaque semaine, soit effectué toutes les deux semaines. • J’accepte que chaque enfant ait maintenant droit à une seule activité de loisir par semaine, au maximum. • J’accepte que les enfants prennent leurs vêtements directement dans le panier à linge, parce que je n’ai pas l’énergie de plier les vêtements. • J’accepte l’aide de ma belle-mère, qui m’offre de cuisiner un repas par semaine. • J’accepte que les jouets des enfants ne soient pas tous classés et organisés comme sur la photo que j’ai vue dans un magazine. À ce stade, il est utile de réfléchir à nos ressources externes (quelles personnes peuvent nous aider dans la prise en charge de nos responsabilités parentales?) et de consulter notre entourage pour déterminer les modifications que nous souhaitons apporter. Voici quelques exemples: • Demander à mon conjoint d’aller chercher les enfants à la garderie, ce qui me permettra d’arriver à la maison plus tôt afin de commencer la préparation du repas. • Prévenir mon patron que je serai dans l’impossibilité de continuer à faire des heures supplémentaires pour les prochaines semaines. • Demander à l’aide ménagère si elle peut faire une heure de plus, afin de lui déléguer la lessive. • Demander à mes parents s’ils peuvent venir prendre soin des enfants le vendredi soir, afin que l’on puisse aller au resto en amoureux. • Demander à mes connaissances des références de traiteur, pour les soirs où je termine plus tard en raison des réunions. • Identifier un moment précis chaque mois pour voir, discuter ou faire une activité avec des amis. Bien entendu, les modifications dans notre routine doivent demeurer réalistes par rapport à notre contexte de vie. Nous devons tenir compte de nos ressources, de nos capacités à effectuer ces changements ainsi que de nos limites personnelles et financières. Le fait de réfléchir aux changements que nous pouvons apporter permet de revoir nos priorités, de discuter avec notre entourage de notre état d’esprit et de faire des ajustements au fur et à mesure pour éviter ou surmonter l’épuisement parental. Ce recul aide aussi à mieux gérer l’anxiété que peut provoquer l’impression de surcharge mentale associée à l’accomplissement de notre rôle de parent. PERFECTIONNISME… NON MERCI! La société de performance dans laquelle nous vivons nous empêche parfois de respecter nos limites. En cette ère où le dépassement de soi, la quête de perfection et le fait de s’identifier comme «superwoman», par exemple, sont valorisés à outrance, il est difficile de ne pas tomber dans le piège de se comparer en tant que parent, ou même de comparer ses enfants à ceux des autres. Pourtant, il est nécessaire de bien se connaître pour être en mesure de s’arrêter avant que cette obsession de perfection devienne nocive pour soi, son couple et sa famille. Nous l’avons vu au chapitre précédent, les personnes susceptibles de se retrouver en épuisement parental sont souvent perfectionnistes. À leurs yeux, leur valeur personnelle passe principalement par leurs accomplissements, leurs réalisations, leurs réussites. La personne perfectionniste a aussi tendance à se comparer et peut avoir l’impression que les autres performent mieux qu’elle. Avec ses enfants, ISABELLE essaie de mettre en pratique les recommandations de Santé Canada au pied de la lettre. Son conjoint trouve qu’elle manque de flexibilité. Selon lui, pendant les vacances, on pourrait se permettre de revoir les règles par rapport au temps passé devant les écrans ou aux portions de légumes. Mais pour Isabelle, c’est hors de question. Elle a beaucoup lu au sujet des conséquences possibles des écrans et de la malbouffe sur le développement des enfants, et elle refuse de courir ce risque… Donc, forcément, les périodes de vacances sont aussi parfois des périodes de… conflits! Dans le cas d’un burnout parental, ce sont surtout les objectifs liés à la famille et à la parentalité qui sont nombreux et très élevés. Lorsqu’une personne a la perception qu’elle ne répond pas aux attentes, plusieurs émotions négatives (anxiété, honte, culpabilité…) surgissent en elle. Or la famille est une des sphères de la vie où l’on doit accomplir quotidiennement plusieurs tâches récurrentes. Lorsque ces responsabilités sont accompagnées d’un désir de perfection, elles deviennent particulièrement stressantes et énergivores. Bien faire les choses ou avoir des attentes envers ses enfants n’est pas malsain en soi. Mais cela le devient lorsque l’objectif visé est inatteignable (p. ex. vouloir que son enfant se comporte parfaitement en tout temps) et que l’on est incapable de s’adapter à la réalité en modifiant les exigences que l’on s’est imposées. Pour JORDAN, le ménage est très important et il réserve toujours un minimum de trois heures à cette tâche, tous les mercredis après-midi. Cette semaine, son fils de trois mois a le rhume et il refuse de faire sa sieste comme à l’habitude. Jordan ne réussit qu’à accomplir quelques tâches ménagères, effectuées rapidement, car il se sent coupable d’entendre les pleurs de son bébé pendant ce court moment. Il devient anxieux à l’idée que le ménage n’est pas terminé et qu’il devra faire les tâches restantes plus tard cette semaine. De nouveau, un sentiment de culpabilité l’envahit puisqu’il a l’impression d’avoir été inefficace. Voilà un bel exemple de parent perfectionniste qui veut à la fois être présent, consolant et à l’écoute de son bébé, tout en respectant de manière inflexible ses objectifs au regard de l’entretien de la maison. Au final, le parent se sent incompétent dans ses deux rôles et ne tire aucune satisfaction de ses responsabilités. Le danger qui guette une telle personne est de ne plus prendre plaisir dans l’accomplissement des tâches quotidiennes puisqu’elle a de la difficulté à gérer l’imprévu et à apprécier le moment présent. Par ailleurs, en voulant que tout soit parfait, elle risque de s’enfoncer dans un cercle vicieux: elle veut exécuter la tâche à la perfection, ce qui lui demande beaucoup de temps, et elle cumule du retard, ce qui provoque chez elle un stress supplémentaire face aux autres nombreux objectifs qu’elle s’était fixés dans la journée. Un autre piège lié au perfectionnisme est d’avoir des attentes très élevées non seulement envers soi-même, mais aussi envers ses enfants, son conjoint, son entourage. Par exemple, nous pouvons facilement croire que nos enfants seront reconnaissants des très nombreux efforts que nous faisons au quotidien pour prendre soin d’eux. Or une reconnaissance réfléchie et mature ne peut être formulée que par un adulte, et non par un enfant en développement. Il faut ainsi abandonner cette attente et éviter d’accorder une valeur à nos actions en fonction de la réaction de nos enfants. Par contre, on peut prêter attention aux petits gestes et aux petites paroles: un je t’aime, un bricolage, un insecte rapporté du jardin ou un pissenlit cueilli sont toutes des manifestations de gratitude à notre égard. Parfois aussi, nous pouvons percevoir un manque de reconnaissance de la part de notre conjoint face à nos accomplissements de parent. Il s’agit même d’une cause fréquente de conflits conjugaux! Il est normal, dans une certaine mesure, que l’autre accorde moins d’importance à toutes les petites choses que nous faisons dans une journée, d’une part parce que nos standards peuvent différer, d’autre part parce que l’autre n’est pas nécessairement conscient de ce que nous avons accompli. Fort probablement, il réalise aussi des tâches dont nous ne nous rendons pas compte et pour lesquelles nous ne le remercions pas! Il est préférable de ne pas être constamment dans l’attente d’une reconnaissance, et de discuter avec l’autre si l’on vit de la frustration liée à un déséquilibre dans le partage des tâches. Pour vérifier si vous êtes une personne perfectionniste, vous pouvez vous poser ces quelques questions: • Est-ce que j’entretiens sur une base régulière des exigences élevées envers moi-même ou ce que je devrais accomplir? • Ai-je tendance à me comparer? • Les objectifs que je me suis fixés sont-ils stimulants ou paralysants? • Est-ce que je retire plus souvent de l’insatisfaction que de la satisfaction de mes réalisations? • Suis-je en colère contre moi-même lorsque je commets une erreur? Il peut être difficile de prendre conscience que l’on est une personne perfectionniste. Cependant, cette réalisation nous permettra ensuite de nous réajuster et de réduire nos exigences pour les rendre plus réalistes. Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire! Les quelques pistes qui suivent peuvent nous aider à être moins perfectionnistes et à surmonter l’émotion qui peut nous accaparer lorsque nous devons lâcher prise. Apprendre à dire non aux autres. En plus de notre lot de responsabilités familiales, il arrive fréquemment que des demandes provenant de l’extérieur s’ajoutent à notre fardeau. Souvent, la peur de décevoir ou de déplaire à autrui nous pousse à céder à ces demandes, ce qui exacerbe notre fatigue. Dire non exige d’abord de tolérer que nous ne répondrons pas complètement à ce qui est attendu de nous. Concrètement, un bon moyen pour apprendre progressivement à dire non est d’éviter de donner des réponses spontanément. Notre sœur nous demande de garder ses enfants pour un week-end? On lui dit qu’on doit vérifier auprès de notre conjoint et qu’on la rappellera. Ainsi, on gagne du temps pour préparer la réponse, voire se convaincre que l’on doit dire non! Apprendre à SE dire non. La personne perfectionniste va aussi souvent créer ou amplifier des tâches à accomplir. On peut se dire que l’on pourrait bien essayer cette nouvelle recette ou fabriquer soi-même les cartes de Noël cette année. Ces activités sont louables, mais elles doivent toujours respecter notre niveau d’énergie. Si cela semble lourd, on doit se dire non! Un truc: quand l’idée est précédée d’un «il faudrait que…», c’est probablement que l’on se l’impose, plutôt que de la faire de bon cœur. Pour ne pas se sentir jugé ni se culpabiliser d’avoir complètement balayé de la main un objectif, on peut réfléchir à un compromis possible. Je n’essaierai pas la nouvelle recette ce soir, mais je cuisinerai un repas équilibré que je connais par cœur et j’enverrai des cartes de Noël achetées à la papeterie du coin. Évaluer son niveau d’anxiété. Il est souvent anxiogène pour un perfectionniste de devoir changer ses habitudes et de «négliger» certaines responsabilités. Voici une façon d’aborder ce problème: nous pouvons dresser une liste de nos tâches habituelles et les noter selon le niveau d’anxiété qu’elles nous procurent lorsqu’elles ne sont pas réalisées. Par exemple, je ressens un niveau d’anxiété de 4/5 lorsque mes repas ne sont pas préparés à l’avance, mais un niveau de 2/5 quand les planchers ne sont pas lavés. Ensuite, nous pouvons laisser tomber en premier les objectifs qui nous tiennent le moins à cœur et nous occasionnent le moins d’anxiété. Se limiter. Souvent, on veut trop bien faire les choses et l’on consacre un temps excessif à la réalisation de certaines tâches. Lorsque nous sommes en épuisement, il est important de préserver notre énergie pour faire l’essentiel. Il est donc recommandé de fixer une limite de temps pour les activités; cela nous permet de vaquer à notre tâche tout en restreignant notre côté perfectionniste. Par exemple, je me donne 30 minutes pour laver la salle de bain en entier, puis j’arrête, même si le miroir n’a pas été essuyé! Ou je consacre encore 30 minutes à ce dossier pour le boulot; ensuite, ça ira à demain! Se féliciter! Quand on réussit à appliquer l’une ou l’autre des suggestions précédentes, on prend le temps de le souligner et on peut même se récompenser! La personne perfectionniste a souvent tendance à se critiquer plutôt qu’à se féliciter, donc il est important d’inverser cette tendance et de prendre conscience de ses progrès, aussi petits soient-ils! Rappelez-vous que sans essais et erreurs, il n’y a pas d’apprentissage. Comme être humain, nous serons en apprentissage toute notre vie et apprendre à être parent en fait partie. Nos enfants ne veulent pas des parents parfaits, mais bien des parents qui sont présents et qui ont du plaisir avec eux! DÉFINIR SES PRIORITÉS Dans le contexte social actuel où la faculté d’attendre a presque disparu, il est difficile d’accepter de ne pas toujours satisfaire immédiatement aux demandes que l’on reçoit. Quand tout doit se faire rapidement et efficacement, on peut oublier ses priorités du moment pour répondre à «l’urgence» de faire quelque chose. Le sentiment de perte de contrôle est souvent provoqué par l’idée que nous devons tout faire en même temps, ce qui, évidemment, nous semble insurmontable. Pendant la période des devoirs de sa fille, KARIM en profite pour jeter un coup d’œil à la mijoteuse qui est en marche depuis tôt ce matin. Il regarde son téléphone et prend ses courriels du bureau, puis répond à un texto de sa belle-sœur qui organise l’anniversaire de son petit dernier. Cela lui fait penser que le cadeau n’est pas encore acheté. Puisque sa fille n’a pas tout à fait terminé sa feuille de mathématique, il en profite pour commander en ligne le cadeau pour son neveu. Voilà une situation que vivent bien des parents et qui leur donne l’impression de devenir pratiquement des pieuvres! De telles situations récurrentes finissent par apporter leur lot de stress et le sentiment qu’on ne peut jamais s’arrêter. Même si nous sommes à l’ère de l’instantanéité, et que tout semble aller plus vite, nous avons continuellement l’impression de manquer de temps. Cette façon de vivre a un impact sur notre famille: nos enfants doivent suivre notre rythme. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux se retrouvent avec un agenda digne d’un président de compagnie! Alors que les enfants ne devraient pas être préoccupés par le temps, ils s’inquiètent de plus en plus, même en bas âge, de ne pas avoir le temps d’aller jouer dehors ou de cuisiner avec leur parent, etc. Lorsqu’une personne a continuellement l’impression de manquer de temps pour atteindre ses objectifs, c’est probablement qu’ils sont irréalistes ou trop nombreux. Pour remédier à ce problème, elle peut dresser un bilan de ses priorités, de ses obligations et de ses tâches, pour envisager de déléguer ou de laisser tomber certains objectifs. Dans le cas contraire, elle risque de vivre du stress sur une base quotidienne en se sentant débordée et à bout de souffle, un stress qui sera ensuite ressenti par les autres membres de la famille. Il est possible de réduire le stress et le découragement que l’on peut ressentir face à ses responsabilités parentales en apprenant à gérer son temps de manière efficace, c’est-à-dire à prioriser. Gérer son temps efficacement ne signifie pas nécessairement que l’on accomplit tout en une journée ou dans la même semaine, mais plutôt que l’on priorise ses responsabilités en remettant à plus tard ce que l’on ne peut pas faire tout de suite. Par exemple: En rentrant du travail, je catégorise mes tâches selon… • ce que je dois faire absolument tout de suite (p. ex. préparer le repas); • ce que je peux faire plus tard (p. ex. faire la vaisselle, aider les enfants dans leurs devoirs, donner le bain au plus jeune, préparer les vêtements des enfants pour le lendemain, faire mon yoga); • ce qui peut attendre à demain (p. ex. faire la lessive, écrire à ma mère, planifier les sorties du week-end); • ce qui peut attendre à une autre semaine (p. ex. faire le ménage des penderies pour la nouvelle saison, trouver des idées de cadeaux pour Noël). En faisant cet exercice sur une base régulière, vous développerez rapidement le réflexe de prioriser ce que vous devez faire et ainsi éviterez de vivre un débordement émotionnel causé par une impression de surcharge mentale. Cet exercice comporte toutefois une importante dose de lâcher-prise, car il implique que l’on accepte de remettre certaines tâches à plus tard, de déléguer et de demander de l’aide. Accepter que d’autres nous donnent un coup de main n’est nullement un signe de faiblesse ou d’un manque de compétence parentale. Cela signifie plutôt que nous nous connaissons suffisamment pour reconnaître et accepter nos limites et nos forces. L’enseignante demande que chaque parent participe au repas de classe en apportant un plat. Sachant que sa belle-mère cuisine très bien et qu’elle adore ça, STÉPHANIE décide de faire appel à elle. Son fils sera tout aussi fier de dire à ses camarades que c’est Mamie qui a fait les biscuits! Il est essentiel de bien définir ses priorités du moment pour diminuer sa charge mentale. Bien sûr, on doit entreprendre cette démarche en acceptant son état actuel et en étant bienveillant envers soi-même: il ne s’agit pas de se remettre en question ou de se dire que l’on a «échoué» puisque l’on n’a pas été en mesure de répondre à toutes les attentes que l’on avait. Ce sont ces attentes qui étaient inatteignables dans le contexte de notre quotidien, et non notre compétence parentale qui était insuffisante. Attention toutefois de ne pas tomber dans le piège de prioriser tout ce qui a trait aux enfants et aux responsabilités, en délaissant les activités ou les moments qui étaient destinés à prendre soin de vous-même! Une telle priorisation risquerait d’accentuer votre état de fatigue et votre stress. Dans le prochain chapitre, je vous suggérerai des trucs pour concilier travail et famille, sans jugement ni pression. VIVRE LE MOMENT PRÉSENT S’attarder au moment que l’on vit dans l’instant présent est une autre solution efficace pour contrer l’épuisement et le stress. Vivre le moment présent nous permet de nous couper de nos pensées anxiogènes, celles qui remettent continuellement en question ce que nous devons faire ou être, et que nous nous répétons sans arrêt, malgré nous. Être attentif au moment présent, c’est se centrer sur ce qui se passe concrètement et sur le positif qu’on peut en retirer. Cet état d’esprit nous permet généralement d’accepter plus facilement les situations qui échappent à notre contrôle et de trouver des stratégies pour faire preuve de flexibilité face aux impondérables de la vie, sans rester paralysés par des émotions de colère et de frustration. ROXANNE pensait cuisiner toute la journée, mais sa petite Juliette est malade. Pourquoi ne pas en profiter pour la bercer et se reposer avec elle? Cette semaine, le traiteur deviendra son ami! CARL voulait profiter de sa journée de congé pour terminer de peindre la chambre. On sonne à la porte: ses parents sont venus lui rendre visite à l’improviste. Il profite de l’occasion pour demander à son père de l’aider à terminer la peinture, pendant que sa mère offre de jouer avec les enfants pour leur laisser plus de tranquillité. On a beau se forger les scénarios les plus précis et prévoir son horaire au quart de tour, la vie est faite d’imprévus. Si on cesse de résister et qu’on se montre ouvert à ce qui arrive au moment présent, on peut parfois être agréablement surpris par la tournure des événements. Prendre le temps de respirer, plusieurs fois par jour, ou fermer les yeux quelques secondes sont d’autres bonnes façons de ramener son attention sur ce qui se déroule au moment présent, ou pour chasser l’anxiété et le stress. Des techniques de respiration simples peuvent apporter de grands bienfaits au quotidien. Nous y reviendrons un peu plus loin dans ce chapitre. PRENDRE SOIN DE SOI COMME PARENT Nous avons jusqu’à maintenant évoqué les changements que nous pouvons apporter quant à notre manière d’aborder nos responsabilités parentales au quotidien. Ces moyens sont nécessaires pour réduire le stress et le découragement, souvent ressentis en situation de burnout parental. Cela dit, il est tout aussi important de prendre soin de soi en tant que personne pour refaire le plein d’énergie et retrouver un état de bien-être. Voici quelques suggestions à ce propos. Sommeil, repos et détente C’est bien connu, le sommeil est essentiel à notre survie. D’ailleurs, lorsque notre corps est malade ou trop fatigué, il nous fait rapidement comprendre que nous devons prendre du repos pour être en mesure de récupérer. Plus nous sommes reposés, plus nous avons de la facilité à nous concentrer et à composer avec nos émotions. Ainsi, nous serons plus aptes à gérer l’anxiété et le découragement qui peuvent nous envahir. Toutefois, lorsque nous prenons un temps d’arrêt pour dormir ou nous détendre, nous sommes souvent habités par un important sentiment de culpabilité: «Pendant que je me repose, les choses n’avancent pas. J’ai plein de choses à faire, je n’ai pas le temps de me reposer.» Pourtant, en nous reposant, nous pratiquons le lâcher-prise et nous reconnaissons nos limites. Notre corps a besoin d’un temps de pause et d’un sommeil réparateur afin de remplir sa réserve d’énergie, ce qui nous permettra ensuite de mieux assumer nos responsabilités. Si nous poursuivons nos activités alors que notre réserve d’énergie est à sec, nous ressentirons de plus en plus de fatigue et nous risquons de remettre en question notre compétence parentale, alors qu’initialement, il ne s’agit que de fatigue accumulée. Une bonne façon de s’énergiser est de faire de petites siestes pendant la journée. Nous pouvons augmenter rapidement notre niveau d’énergie par une relaxation éclair de 15 à 20 minutes. En soirée, tout comme les enfants, nous avons besoin d’une bonne hygiène de sommeil; l’important est de créer une routine qui nous apaise et que nous pourrons répéter quotidiennement pour préparer notre corps et notre esprit à la détente, avant de glisser dans un sommeil profond. Exemple de routine: • Prendre un bain avec des huiles relaxantes (camomille, lavande, verveine). • Boire une tisane apaisante 1 heure avant le coucher. • Écouter de la musique douce. • Lire plutôt que de regarder la télé. • Prendre quelques respirations profondes. Le fait de développer une telle routine permet de se débrancher du monde extérieur et de favoriser l’endormissement. Éteindre les cellulaires et les écrans pour se recentrer sur soi et se laisser aller doucement vers un sommeil réparateur… Faire de l’activité physique On sait que l’activité physique permet de régulariser le sommeil et procure un sentiment de bien-être. Encore une fois, c’est souvent l’idée de ne pas avoir le temps nécessaire qui nous freine. Pourtant, aussi peu que 15 minutes d’activité physique quotidiennement nous permettent de produire plus de sérotonine (hormone apaisante), de nous libérer des tensions accumulées au fil de la journée et de prendre un moment pour nous. La meilleure façon d’y arriver est d’insérer des périodes fixes dans notre horaire et de les inclure dans nos activités quotidiennes. Par exemple: • Le soir, après le repas, je prends l’habitude d’aller marcher 15 minutes pendant que mon conjoint s’occupe des bains ou quand les enfants sont couchés. • Plutôt que de prendre la voiture pour amener les enfants au cours de danse, on y va ensemble en marchant. Il n’est pas réaliste pour bien des parents d’envisager de prendre un cours de cardio ou de se présenter deux à trois fois par semaine à la salle de sport. Il est préférable de se fixer des objectifs plus modestes, que l’on peut atteindre et maintenir plus facilement. Respirer pour se détendre On entend de plus en plus parler de l’importance de bien respirer ainsi que des bienfaits des exercices de relaxation sur l’humeur, notamment la réduction du stress. Une bonne respiration nous permet de prendre un temps d’arrêt, de reprendre le contrôle de nous-mêmes et de mieux gérer nos émotions grâce, entre autres, à une meilleure oxygénation de notre organisme. De plus, c’est un moyen de s’apaiser facile, rapide, gratuit et accessible en tout temps. Il s’agit de s’arrêter pour effectuer une respiration abdominale, et ce, chaque fois que l’on ressent une tension ou le besoin de se détendre. Voici quelques recommandations pour bien effectuer la respiration abdominale: Allongez-vous sur le dos ou asseyez-vous sur une chaise, le dos droit (mais détendu), les épaules baissées et les pieds à plat sur le sol. Placez une main sur le ventre. Fermez les yeux, puis concentrez-vous sur votre respiration et le mouvement de votre abdomen. Videz tout l’air de vos poumons en expirant profondément. Inspirez doucement et très lentement par le nez, en faisant gonfler votre ventre (votre main devrait se soulever). Expirez lentement par la bouche, jusqu’à ce que vous sentiez que vos poumons sont complètement vidés. Recommencez l’exercice jusqu’à ce que vous sentiez une détente. On peut aussi employer cette technique lorsque l’on se sent en colère ou irrité. On peut serrer et desserrer les poings pendant l’exercice, et expirer plus fortement pour laisser aller la tension. Un tel exercice ralentit les battements cardiaques et fait descendre la pression, ce qui nous permet de revenir au calme plus facilement… et de prendre un recul face à la situation qui nous a causé une surcharge émotionnelle. Remettre le plaisir à l’avant-plan S’accorder des moments de plaisir et de rire permet de décrocher des préoccupations quotidiennes et immunise contre le stress. Malheureusement, quand on se sent à bout de souffle, on a parfois tendance à annuler les sorties sous prétexte qu’on n’a pas de temps libre. Pourtant, ces activités partagées en famille, avec notre conjoint ou entre amis, nous détendent et contribuent à conserver notre équilibre et notre bien-être personnel. Personne n’est indispensable, alors souvenez-vous que vos enfants peuvent vivre sans vous pendant quelques heures, voire quelques jours. Ces petites escapades vous aideront par la suite à mieux apprécier le retour à la maison et le bruit des enfants! Prendre l’habitude de mettre certaines de ces activités à notre horaire sur une base régulière nous oblige à décrocher de nos tâches et de nos obligations familiales. Pour y arriver toutefois, il faut aussi accepter que l’on n’aura possiblement pas accompli tout ce que l’on voulait faire durant la fin de semaine et s’éloigner du perfectionnisme! En quelques mots… Il est primordial de reconnaître et d’accepter son état d’épuisement. Lâcher prise quant à certains aspects de sa vie familiale et se recentrer sur le moment présent sont deux moyens qui permettent de réduire le stress et la frustration. Développer le réflexe de prioriser ses obligations permet d’éviter de vivre un débordement émotionnel causé par une impression de surcharge mentale. Il est important de prendre soin de soi comme parent et de se tourner aussi souvent que possible vers des ressources pour alléger le quotidien. Pour bien des parents, la routine du matin et le retour à la maison sont les moments les plus problématiques de la journée et ceux qui causent beaucoup de tension au sein de la famille. Le matin, le stress se manifeste rapidement lorsqu’on pense qu’on sera en retard au travail si Julien persiste à refuser de mettre ses chaussures. Au retour, on devient vite submergé lorsqu’Alice refuse de collaborer à la période des devoirs, que Justin ne veut pas prendre son bain et qu’on constate qu’on a oublié de démarrer la mijoteuse le matin. Dans ces moments, l’irritabilité et l’impatience sont souvent au rendez-vous et c’est alors que nos interactions avec notre conjoint et nos enfants peuvent devenir plus négatives. Pas toujours évident de faire diminuer notre stress dans de telles situations! L’ORGANISATION: LA CLÉ POUR ALLÉGER LE QUOTIDIEN Le concept à retenir pour rendre ces périodes de la journée plus agréables et sereines est sans aucun doute l’organisation, car elle diminue grandement les tensions qui peuvent survenir lorsqu’on doit effectuer beaucoup de tâches en peu de temps. Mais attention: s’organiser ne veut pas dire se mettre de la pression supplémentaire pour que la routine de la famille soit parfaite et respectée en tous points. Il s’agit plutôt d’une réflexion que nous pouvons effectuer comme parents afin de bien identifier ce qui nous semble le plus lourd, puis de trouver des moyens concrets pour faire diminuer notre charge de travail (et donc notre stress!) aux moments de la journée qui sont problématiques pour nous. Même si parfois notre quotidien nous paraît inchangeable, il est possible d’élaborer des méthodes et des outils simples afin d’améliorer certaines de nos routines, pour notre mieux-être et le bien de toute la famille. Voici des pistes de réflexion pour vous aider à faciliter votre organisation familiale11. Pistes de réflexion et de solution 1. CIBLER CE QUI POSE LE PLUS PROBLÈME. Il faut commencer par réfléchir aux étapes de la routine qui sont les plus problématiques. Est-ce le moment de l’habillement parce que l’enfant prend du temps à choisir ses vêtements? La période des devoirs parce qu’elle a lieu souvent trop tard? 2. PENSER À DES SOLUTIONS POUR CONTOURNER LE PROBLÈME. Une fois que nous avons identifié un ou plusieurs éléments qui nuisent au bon déroulement de la routine, on réfléchit à des solutions. De manière générale, une bonne solution est souvent de faire un maximum d’étapes à l’avance afin de libérer du temps. Pour la routine du matin, on fait la veille tout ce qui est possible: donner le bain, sortir les vêtements qui seront portés, planifier le repas et les collations qui seront mangés à l’école, mettre la table pour le petitdéjeuner, préparer le matériel pour l’école. Pour la routine du soir, on tente de s’organiser le week-end: on fait les courses, on cuisine certains repas, on prend de l’avance pour les travaux scolaires plus importants avec notre enfant. Ainsi, on aura beaucoup moins de choses à réaliser chaque jour; le climat familial sera plus harmonieux, puisque le stress sera diminué. Une autre solution qui peut souvent réduire les conflits est d’assurer un nombre d’heures de sommeil suffisant pour tous. Si les enfants sont couchés plus tôt et sont moins fatigués au réveil, ils seront beaucoup moins irritables (et c’est le même principe pour nous!). On peut aussi ajuster l’heure du réveil le matin afin de se laisser davantage de temps pour réaliser la routine dans le calme, en s’assurant toutefois que l’enfant se couche assez tôt la veille pour dormir suffisamment. 3. AFFICHER CLAIREMENT LES ROUTINES À LA VUE DE TOUS. À l’aide d’un tableau qu’on peut afficher dans la cuisine, on énumère les étapes qui sont à réaliser par chacun pour toute la durée d’une routine. Si les enfants sont plus jeunes, on utilise des pictogrammes (images) pour illustrer ce qui est à faire. Ce rappel permet à l’enfant d’être plus autonome quant à sa propre routine, tout en évitant au parent de devoir constamment nommer la prochaine étape à faire. De plus, l’affichage facilite la mémorisation de la routine par les enfants, qui la feront de manière plus automatique et fluide. Enfin, cette méthode permet d’éviter beaucoup d’écarts de conduite. On peut par exemple afficher comme dernière étape un temps d’écran, qui agira comme élément motivateur pour que l’enfant effectue sa routine rapidement. Bien des parents emploient cette stratégie d’affichage le matin, mais elle est souvent moins utilisée pour la routine du soir. Pourtant, elle est aussi efficace et nécessaire pour un retour à la maison calme et structuré. Voici un exemple d’une routine du soir que l’on peut afficher: Je range mon manteau, je mange une collation, je fais mes devoirs, je range mon sac d’école, je fais ma tâche ménagère, je mange, je prends mon bain. 4. CONSERVER LES ROUTINES DE MANIÈRE CONSTANTE. La clé du succès pour que chaque routine soit respectée par les enfants est qu’elle se déroule facilement et qu’elle demeure constante. On fait en sorte que cette routine se répète de la même façon chaque jour, que ce soit avec maman ou papa. Ainsi, l’enfant l’intégrera et sera beaucoup plus enclin à l’appliquer dans le calme et la bonne humeur, au bénéfice de toute la famille. Les prochaines sections traiteront d’autres situations de notre quotidien qui peuvent facilement ajouter à notre stress comme parents, et donc à notre épuisement. Des trucs et des conseils pour favoriser une dynamique familiale positive et réduire les tensions, tout en vous permettant de rester efficace, vous seront proposés12. À vous de juger quelles solutions peuvent s’appliquer à votre réalité et sont envisageables pour vous comme parent, tout en restant dans l’esprit du non-perfectionnisme! LA PÉRIODE DES DEVOIRS Le temps des devoirs est souvent un moment de confrontation entre parents et enfants. Et quand on est au bord de l’épuisement, ce type de situation risque de dégénérer plus facilement. L’enfant est fatigué de sa journée à l’école et peut être très réticent à l’idée de faire des travaux scolaires de nouveau. Lorsque notre routine du soir implique une période de devoirs toujours exécutée de la même façon, on court déjà la chance de vivre moins de conflits. Bien souvent, une routine établie est moins énergivore puisque cela évite au parent de répéter ou de négocier avec lui le moment de faire ses travaux: il aura intégré cette étape de la journée à son quotidien. MARIANNE arrive du travail et demande à Rosalie de sortir son matériel pour commencer ses devoirs. Au même moment, elle entame le repas du soir tout en supervisant Alexis, âgé de 2 ans. Quelques minutes plus tard, Marianne réalise que Rosalie n’est toujours pas au travail. Fatiguée, stressée par la préparation du repas pour lequel il lui manque un ingrédient et découragée par le refus de sa fille, qui se produit très souvent, elle hausse le ton et la menace de ne plus l’aider dans ses devoirs à l’avenir… Au pire, elle échouera sa 2e année! Cet exemple illustre bien la rapidité à laquelle on peut être dépassé par certaines situations lorsque l’on est en état d’épuisement, ce qui entraîne des interventions moins appropriées. Il est relativement normal que les enfants montrent une réticence face aux devoirs et que l’on doive parfois insister pour qu’ils s’y mettent. En plus d’établir une routine fixe et constante, il est important de déléguer à une autre ressource soit la gestion des devoirs, soit la préparation du repas ou la supervision du cadet. Si cette solution est impossible, il est préférable de remettre les devoirs à un autre moment ou d’opter pour un repas plus rapide pour nous libérer du temps et de l’énergie. Trucs et conseils Pour contourner la résistance, tentons de ne pas entrer dans une dynamique de confrontation en haussant le ton dans le but de pousser l’enfant à faire ses devoirs. Même si nous sommes nous-mêmes fatigués et que la résistance de notre enfant à faire ses devoirs contrecarre notre plan établi pour vaquer à nos autres responsabilités, nous devons faire l’effort de rester calmes. S’opposer à l’enfant par une dispute a souvent pour résultat de l’ancrer dans sa position et de mener à un conflit; le parent n’y gagne ni temps ni énergie! Nous pouvons intervenir de plusieurs manières ou modifier notre façon de réaliser les devoirs, afin de rendre cette tâche plus agréable pour l’enfant et pour nous. L’idée ici est de demeurer fermes quant à nos exigences, tout en faisant preuve de compréhension envers notre enfant qui manifeste de la fatigue ou du découragement. Bien entendu, le fait de terminer ses devoirs est non négociable. On ne doit donc pas céder devant la réticence de l’enfant. Par contre, on peut lui dire qu’on comprend qu’il est fatigué, qu’on va l’aider et que, s’il s’applique, ce sera terminé plus rapidement. De petites attentions peuvent aussi faire une grande différence: on parle quelques minutes d’autre chose avec l’enfant, on lui apporte un bon verre de lait, on fait quelques roche-papier-ciseaux avant de débuter. Si on sent qu’il déborde d’énergie ou qu’il est, au contraire, très fatigué à l’arrivée de l’école, on peut retarder la période de devoirs pour lui permettre de dépenser son énergie en jouant dehors ou de prendre un bain pour se reposer. Lorsque c’est nous qui sommes particulièrement fatigués et impatients, nous pouvons décider d’alléger au maximum le temps accordé aux devoirs si cela ne pénalisera pas notre enfant à l’école, ou encore de déléguer la supervision de certains exercices à d’autres membres de la famille, voire utiliser les services d’aide aux devoirs de l’école ou engager un tuteur. Idéalement (et dans la mesure du possible), la période de devoirs devrait être amusante et différente de ce que l’enfant a vécu pendant sa journée à l’école. Lorsque c’est possible, on tente de mettre le format papier-crayon de côté. L’utilisation d’autres techniques pour faire les apprentissages requis rend cette période moins ardue, tant pour nous que pour l’enfant, tout en suscitant sa motivation. On peut, par exemple, jouer aux cartes tout en pratiquant la lecture des chiffres ou les additions, faire du dessin pour développer les habiletés de motricité ou jouer à un jeu de société pour travailler les habiletés sociales et la coopération (p. ex. attendre son tour, accepter de perdre, etc.). Pour les plus vieux (préados et ados), la période des devoirs peut aussi être facilitée grâce à l’accompagnement. Même si l’enfant est alors plus autonome, on peut de temps à autre s’informer de ses progrès, aller chercher de l’information avec lui ou l’aider à organiser son cartable, bref lui offrir un léger soutien qui favorise la motivation. L’HEURE DES REPAS Voilà un moment qui peut être particulièrement difficile avec les enfants de moins de 5 ans. D’abord, à leur arrivée à la maison, ils sont souvent affamés et sont peu capables de patienter jusqu’au repas. Or on sait qu’un jeune enfant qui a faim se montre irritable, ce qui a tendance à entraîner des crises. Pour éviter cette situation, on organise les repas de sorte qu’ils soient rapides à préparer lorsqu’on revient du travail. Il peut être judicieux de faire les courses avant le début de la semaine et de cuisiner quelques repas à l’avance. Ce qui crée parfois de la tension lors des repas est l’opposition de l’enfant devant certains aliments. Lorsque nous sommes épuisés, toute cette opposition nous apparaît difficilement gérable et nous pouvons à tort croire que notre enfant fait exprès pour nous irriter. Il est important de retenir que ce refus n’est pas une confrontation consciente face au parent. Dans bien des cas, l’opposition de l’enfant vient du fait qu’il n’aime pas le goût ou la texture de l’aliment. Il faut bien comprendre que le sens du goût est en constante évolution chez l’enfant et diffère significativement de celui de l’adulte, puisque le système gustatif atteint sa maturité vers 8 ou 9 ans seulement. Il est donc normal que l’enfant rejette soudainement un aliment qu’il mangeait auparavant, en raison du développement de ses papilles gustatives. Dans ce cas, on essaie d’identifier avec lui ce qu’il n’aime pas de l’aliment (épicé, trop froid, texture trop liquide?). En plus de contribuer au développement du vocabulaire de l’enfant, cette information nous permettra d’adapter les futurs repas. Par ailleurs, des études ont montré qu’il faut en moyenne de 10 à 15 expositions à un nouvel aliment avant qu’un enfant puisse en apprécier le goût. Il est donc recommandé de proposer fréquemment un produit à son enfant, mais de ne pas insister une fois qu’il le goûte et exprime qu’il ne l’apprécie pas. En effet, si on l’oblige à manger des aliments qui le rebutent, il sera encore moins enclin à essayer de nouveaux produits à l’avenir. De plus, il arrive fréquemment qu’un enfant refuse de manger un aliment habituel s’il est transformé autrement. Cela s’explique par le fait que l’enfant, particulièrement en bas âge, est très méfiant face à la nouveauté. Compte tenu de cette information, on fait attention de ne pas introduire trop de nouveautés dans son assiette au cours d’une même période. Par exemple, l’idée d’essayer plusieurs nouvelles recettes la même semaine risque d’être peu attrayante pour lui. Par ailleurs, à partir de l’âge de 2 ans, l’enfant entre dans une phase particulièrement forte d’affirmation et cherche à avoir le contrôle sur son environnement. L’alimentation est l’une des sphères où il peut exercer un pouvoir, puisqu’il est pratiquement impossible de le forcer à manger. Une deuxième phase d’affirmation prend place vers 3 ou 4 ans, puis s’amenuise graduellement jusqu’à l’âge de 8 ans. Devant cette opposition, il est essentiel de ne pas confronter son enfant en se montrant autoritaire, cette façon d’intervenir causant souvent davantage de protestations et de crises. L’enfant de ce groupe d’âge a besoin d’exercer une forme de contrôle afin de surmonter sa phase d’affirmation, sans quoi celle-ci sera prolongée dans le temps. Toutefois, accorder du contrôle ne signifie pas laisser son enfant décider de tout en ce qui concerne son alimentation. Intervention à éviter LÉANNE, qui est âgée de 7 ans, refuse depuis quelque temps de manger son brocoli cuit à la vapeur, alors qu’elle adorait cela auparavant. Exaspéré par ce changement de comportement et ce refus catégorique, son père, déjà très fatigué, perd patience et lui dit en criant qu’elle ne pourra pas se lever de table tant qu’elle n’aura pas mangé ses légumes. La petite réagit en pleurant et répète qu’elle n’aime pas les brocolis. Intervention adéquate LÉANNE, qui est âgée de 7 ans, refuse depuis quelque temps de manger son brocoli cuit à la vapeur, alors qu’elle adorait cela auparavant. Exaspéré par ce changement de comportement et ce refus catégorique, son père, déjà très fatigué, perd patience et hausse le ton. Il s’excuse alors, ce qui fait cesser la crise de Léanne, et il se souvient qu’elle aime les brocolis crus. Il lui dit calmement qu’elle doit manger des légumes et lui suggère cette option, que sa petite accepte. Trucs et conseils L’un des meilleurs alliés pour faciliter la coopération de l’enfant aux repas est la participation. Le fait d’impliquer l’enfant dans la préparation ou la sélection des repas lui offre le sentiment de contrôle qu’il recherche et l’incitera à manger, ce qui évitera bien des confrontations! On peut par exemple lui faire tourner les pages du livre de recettes, lui faire verser des ingrédients dans les préparations ou le laisser choisir un des repas de la semaine. L’environnement du repas peut également nous aider à favoriser un climat d’harmonie. Cela peut être aussi simple que de tamiser les lumières de la salle à manger ou faire jouer une musique douce pour que l’ambiance soit propice au calme. Le fait de fixer des places prédéfinies pour chacun des membres de la famille est aussi une bonne façon d’éviter des conflits qui risqueraient de se reproduire à chaque repas. Il est déconseillé de forcer un enfant à toujours finir son assiette. On doit plutôt l’éduquer à respecter ses propres signaux de faim et de satiété, sans quoi il éprouvera de la difficulté à reconnaître ces états une fois adulte. Il est normal que les variations des poussées de croissance de l’enfant lui apportent un appétit changeant. Rappelez-vous également que le dessert fait partie du repas: il ne devrait pas être transformé en une récompense ni en objet de marchandage avec notre enfant. LE COUCHER Tout au long du développement de l’enfant, ses cycles de sommeil se modifient. En moyenne, les nouveau-nés dorment 18 heures quotidiennement et se réveillent toutes les 2 ou 3 heures, de nuit comme de jour. Vers l’âge de 6 mois, certains enfants commencent à «faire leurs nuits», c’est-à-dire à dormir sans interruption au moins 6 heures d’affilée. Un enfant âgé de 2 ans devrait dormir environ 13 heures quotidiennement. À 5 ans, c’est une moyenne de 11 heures par nuit qu’il doit dormir afin d’être au maximum de sa forme. Chez les enfants âgés de 3 à 6 ans, l’heure du dodo peut entraîner une forte anxiété de séparation. Ils utiliseront plusieurs moyens pour éviter cette heure fatidique, souvent au grand désarroi des parents. Même si ce comportement est désagréable, on peut facilement le comprendre: quitter ses parents et leur réconfort pour aller se coucher seul dans une pièce est une situation qui paraît intolérable à un tout-petit. Il est donc conseillé de ne pas punir notre enfant appartenant à ce groupe d’âge lorsqu’il tarde à aller au lit, puisqu’il s’agit d’une réticence tout à fait normale. La meilleure façon d’aborder le problème est d’établir une routine du dodo stable, où le coucher se fait de manière apaisante et répétitive, en compagnie du parent. Exemple d’un rituel du dodo On conduit l’enfant à sa chambre. On lui raconte une histoire ou on lui chante une berceuse. On s’étend avec lui quelques minutes, on le borde et on quitte la pièce. Ce rituel doit être constant et surtout ne pas s’allonger à la demande de l’enfant. Si on cède parfois pour lire une deuxième histoire, l’enfant aura tendance à négocier chaque étape de la routine afin de retarder le moment où il sera seul. Par contre, on peut discuter avec lui de ce qui l’inquiète lors du dodo. Est-ce que c’est parce que la porte est fermée? Parce que la pièce est trop sombre? Parce qu’il a peur de faire des cauchemars? Une fois que des facteurs sont identifiés, il est plus facile de rassurer l’enfant en trouvant des solutions concrètes, par exemple laisser la porte ouverte, installer une veilleuse ou fabriquer un «capteur de rêves». Il est aussi important de ne pas ridiculiser ou banaliser la peur qu’éprouve son enfant lors du coucher: cette crainte est tout à fait normale et ne disparaîtra pas parce qu’on la minimise. Dans le cas où on doit modifier sa routine du dodo, il est important de d’abord prévenir l’enfant de ce changement et de prévoir une période de transition de 2 à 3 semaines en moyenne. Il est également recommandé de ne pas faire plusieurs modifications à la fois, mais plutôt d’y aller graduellement. Il est normal que l’enfant réagisse au changement au début, mais il s’adaptera à la situation si l’on demeure ferme sur les étapes de la routine. À d’autres occasions, les enfants sont rétifs à aller se coucher car ils ne souhaitent pas interrompre leur activité, surtout lorsqu’il s’agit d’un jeu stimulant ou de regarder la télévision. Dans ces cas-là, pour pouvoir les mettre au lit plus facilement, on instaure la règle selon laquelle seuls des jeux calmes sont permis dans l’heure précédant le coucher (p. ex. casse-tête, coloriage, jeu de société). Il est ardu, pour tout parent, d’assumer ses responsabilités pendant la journée lorsque la nuit a été entrecoupée par de nombreux réveils de l’enfant. Ce phénomène est d’autant plus prenant pour la personne en épuisement, qui peut plus difficilement profiter d’un sommeil récupérateur et retrouver son énergie. Trucs et conseils Lorsque notre enfant se lève pendant la nuit et vient nous retrouver, la meilleure intervention est de le ramener à sa chambre tout en le rassurant. Près de la moitié des enfants se lèvent la nuit avant l’âge de 5 ans, majoritairement en raison de cauchemars et parce qu’ils vivent de l’anxiété de séparation, ce qui est dans la norme. Ces réveils nocturnes peuvent aussi s’accentuer lors des périodes de changements tels un déménagement ou l’arrivée d’un enfant dans la famille. Nous devons donc faire preuve de compréhension et répondre au besoin de notre enfant, qui est d’être réconforté, plutôt que de le punir ou de le menacer d’une conséquence. L’objectif est d’apaiser l’enfant pour favoriser son sommeil, et non de créer une crise ou d’accentuer son état de stress. La plupart du temps, si on le rassure et qu’on le ramène calmement à son lit en restant avec lui quelques minutes, il se rendormira. Toutefois, dans certaines situations particulières (p. ex. s’il est malade) ou lorsque l’on a trop besoin de sommeil en tant que parent, on peut laisser l’enfant dormir avec nous s’il se réveille trop fréquemment, en faisant toutefois attention de ne pas en faire une habitude. En effet, le co-dodo régulier est déconseillé, notamment parce que la qualité de notre sommeil comme parents est alors souvent moindre, ce qui réduit ensuite notre énergie pendant la journée. Le co-dodo, à long terme, risque aussi d’avoir un impact négatif sur notre relation de couple et notre intimité, le moment du coucher étant fréquemment l’un des seuls moments préservés entre conjoints dans nos horaires surchargés. Finalement, d’un point de vue du développement de l’enfant, il importe de l’accompagner pour l’amener à dormir seul et ainsi surmonter sa crainte d’être séparé de ses parents. Lorsque l’enfant dort avec nous, il évite son anxiété de séparation. Or il importe qu’il apprenne à gérer la solitude et qu’il surmonte cette anxiété, sans quoi celle-ci risque de se maintenir et d’entraîner d’autres problèmes (p. ex. ne pas pouvoir aller dormir chez un ami ou réagir fortement au moment de quitter son parent). Lorsque nous retrouvons de l’énergie, il est important de prendre la situation de front et de défaire l’habitude de co-dodo si elle existe. Il est irréaliste de s’y attaquer pendant que nous sommes en épuisement ou que nous vivons une période plus surchargée, puisque notre sommeil risque d’être fragilisé pendant plusieurs nuits. Cela vaut aussi pour l’enfant: on évite de mettre subitement fin au co-dodo pendant qu’il vit une période d’adaptation (p. ex. l’arrivée d’un bébé dans la famille ou l’entrée à l’école) ou de stress (p. ex. la fin d’étape à l’école ou une compétition sportive). Un bon moment pour retourner l’enfant dans son propre lit: les vacances. Il est aussi très facilitant d’avoir l’appui de son conjoint, afin de se partager les réveils de l’enfant et, surtout, d’avoir des interventions cohérentes. La transition vers un lit séparé demande principalement de la patience et beaucoup de compréhension envers l’enfant, puisqu’on le déplace d’une situation hautement réconfortante à une situation anxiogène. Lorsqu’il se réveille et vient nous retrouver, il convient de réagir avec calme et toujours de la même façon: on le reconduit à sa chambre en le rassurant («On est juste à côté, tu as ta veilleuse et ton toutou», etc.). Ce processus peut prendre plusieurs semaines, pendant lesquelles l’enfant se réveillera jusqu’à ce que l’anxiété s’estompe. Si, pour diverses raisons, on le laisse parfois dormir à nos côtés, la période de transition sera plus longue. EN VOITURE Les déplacements en voiture peuvent être pénibles quand les enfants, confinés à leur siège, commencent à s’impatienter. Le fait de demeurer assis pendant une longue période cause à l’enfant un besoin irrépressible de bouger, qui devient extrêmement stressant et le rend agité et irritable. Les conflits surgissent alors plus facilement. L’immaturité de son cerveau induit cette envie de bouger qui ne peut s’apaiser, alors que l’adulte, lui, est en mesure de freiner cette pulsion. L’enfant va donc essayer d’évacuer son besoin d’action en cherchant à s’amuser, et le seul divertissement possible est parfois de déranger ses frères et sœurs! Trucs et conseils La clé pour limiter les débordements d’énergie et la survenue des conflits pendant les transports est d’occuper l’enfant (p. ex. faire de petits jeux, apporter des livres et des jouets, etc.). En lui permettant de réaliser des activités qui vont stimuler ses lobes frontaux et répondre à son désir de jouer, son comportement sera significativement amélioré. En effet, lorsque l’enfant se concentre, son énergie est canalisée et son besoin de bouger devient plus supportable. On peut aussi profiter des pauses pour lui offrir du réconfort. Des gestes d’affection, tels les câlins, ont comme résultat d’augmenter la production d’une substance apaisante dans le cerveau, l’ocytocine, ce qui contribuera à le calmer. D’autres stratégies faciles à appliquer peuvent parfois prévenir ou faciliter la gestion des conflits en voiture: Éviter d’asseoir les enfants à proximité, si possible. Attribuer des places fixes ou un horaire de rotation (p. ex. l’aîné s’assoit à l’avant une semaine, puis c’est le cadet la semaine suivante). Ainsi, la course pour la place préférée et le conflit matinal qui peut s’ensuivre sont évités. Prévoir des collations (ou toujours en avoir à portée dans la voiture) que les enfants peuvent prendre au retour de l’école. Il s’agit souvent d’une période de la journée où ils sont plus irritables, notamment en raison de la faim. En plus de les occuper, la collation les rend un peu plus patients et facilitera l’attente jusqu’au repas. Éviter les multiples courses en fin de journée. Encore une fois, les enfants sont souvent fatigués de leur journée, ce qui les rend plus irritables. Le fait de multiplier les arrêts lors du retour à la maison risque d’augmenter les conflits. Dans le cas où le conflit (ou notre frustration) est très intense, on peut faire un court arrêt. Cela nous permettra de prendre une courte pause pendant laquelle nous pourrons respirer, calmer notre débordement émotionnel, puis intervenir en faisant face aux enfants, ce qui est souvent beaucoup plus efficace. Lorsque la tension monte, le simple fait de nommer l’émotion à l’enfant a souvent un effet calmant: «Tu sembles fatigué, Laurent! Je comprends, on arrive très bientôt à la maison.» Une telle intervention lui fait savoir qu’on l’a écouté et qu’on valide son émotion, ce qui permet de désamorcer la crise. Déléguer certains trajets! Lorsque les situations en voiture sont particulièrement stressantes pour nous et qu’elles grugent beaucoup de notre énergie, il peut être utile de voir si d’autres moyens sont envisageables. Parfois, les enfants peuvent prendre l’autobus, covoiturer avec d’autres parents, revenir de l’école avec les grands-parents, etc. LE NON-RESPECT DES RÈGLES DE VIE Le non-respect des règles de la maison est un irritant quotidien pour bien des parents, particulièrement lorsqu’ils vivent de l’épuisement. Qui ne s’est pas déjà senti exaspéré de voir son enfant enfreindre une règle que l’on avait pourtant répétée si souvent? Pour optimiser le respect des consignes établies, celles-ci doivent être claires, constantes et, malheureusement, répétées plusieurs fois. Ce travail peut être essoufflant, les enfants ayant besoin de plusieurs répétitions faites sur une longue période pour intégrer une règle de vie. Il y a cependant une distinction à faire entre rappeler régulièrement une règle (ce qui fait partie de l’apprentissage de l’enfant) et répéter plusieurs fois la même demande. Dans le deuxième cas, il convient au contraire d’intervenir rapidement après quelques répétitions, sans quoi l’enfant prendra l’habitude de nous faire patienter (et rager) avant d’obéir. En effet, nos enfants connaissent nos limites et savent très bien quels sont les adultes qui sont «plus flexibles» et avec qui ils peuvent se permettre d’attendre avant d’agir. Il est donc recommandé de nommer la consigne, de la répéter, puis de prévenir tout de suite de la sanction qui surviendra si elle n’est pas respectée. Cela est d’autant plus important lorsqu’on est fatigué, puisqu’on risque de céder plus facilement. Il peut être judicieux de laisser l’autre parent intervenir losqu’on vit de l’épuisement et d’éviter l’instauration de nouvelles règles de vie pendant cette période de temps. Trop souvent, les parents tolèrent longuement un comportement, répètent à maintes reprises ou négocient interminablement la consigne donnée, pour finalement exploser et appliquer des conséquences inappropriées dans un état colérique qui n’est pas souhaitable. Mieux vaut éviter ces situations en agissant dès la première occasion. Exemples de conséquences irréalistes ou inappropriées «Tu ne viendras plus jamais à l’épicerie avec maman.» «Si tu continues ta crise, je te laisse ici et je retourne à la maison.» «Tu auras une interdiction de jeux vidéo pendant 1 mois.» «Je vais te retirer ta tablette, tu vas la ravoir quand je déciderai que tu la mérites.» Ces interventions sont inadéquates puisque la conséquence annoncée est inapplicable et implique souvent une forme de distanciation par rapport à l’enfant. Il est préférable d’opter pour des conséquences qui ne compromettent pas la relation parent-enfant et que nous serons en mesure d’appliquer entièrement, sans quoi nous perdrons notre crédibilité. Aussi, les conséquences doivent toujours avoir un début et une fin précis, sinon il sera difficile pour l’enfant de comprendre en quoi consiste sa punition et quel comportement on attend de lui. Trucs et conseils Nous voulons tous que nos enfants soient bien éduqués, mais en même temps, nous ne voulons pas tomber dans le piège du parent-policier pour qui les seules interactions auprès des enfants se limitent à des interdits ou à des réprimandes. Le défi de tout parent est donc de trouver le juste équilibre. Pour y arriver, on commence par faire respecter les règles de base de la vie de famille, celles qui sont non négociables. On identifie ensuite les comportements des enfants qui dérangent le plus (et donc qui nous épuisent!), ceux qui affectent le plus négativement la vie familiale ou qui vont à l’encontre de nos valeurs. Cette réflexion nous permettra de limiter le nombre de règles à faire respecter, nous évitant ainsi de devoir constamment intervenir, ce qui nous grugerait de l’énergie inutilement. On se concentre d’abord sur les règles de base (comme dans l’exemple) pour faire cesser les comportements irritants, en acceptant de délaisser d’autres comportements plus mineurs (p. ex. courir dans le corridor) qui ne vont pas à l’encontre des valeurs familiales. LE TEMPS CONSACRÉ AUX ÉCRANS Les écrans envahissent notre univers quotidien: télévision, cinéma, téléphones intelligents, ordinateurs, consoles de jeux, Internet, réseaux sociaux sont omniprésents. Toute cette technologie à notre disposition fait partie intégrante de la vie de nos enfants. On a souvent l’impression que les jeunes passent la majeure partie de leur temps devant un écran, source de frustration et de conflits récurrents dans de nombreuses familles. Bien que cette technologie puisse être bénéfique à plusieurs égards, il faut demeurer prudent quant aux impacts négatifs que peut avoir une exposition aux écrans trop précoce, ou trop importante, sur le développement de l’enfant. Selon les autorités canadiennes en matière de santé publique, le temps d’écran recommandé ne devrait pas excéder plus de 2 heures par jour chez les jeunes âgés de 5 à 17 ans. Ce temps d’écran regroupe celui passé à l’ordinateur, à jouer à des jeux vidéo et à regarder la télévision ou des films. Bien entendu, ces recommandations constituent des lignes directrices et peuvent être adaptées selon l’âge et les différents contextes. Par exemple, il peut être tout à fait normal que notre enfant joue davantage sur la console les fins de semaine ou bien regarde plus d’émissions pendant une certaine période en raison d’un attrait pour une série. L’essentiel est de conserver un équilibre, où le temps d’écran ne nuit pas au fonctionnement de notre enfant ni à son bon développement. Il est déconseillé d’exposer les enfants de 2 ans et moins aux écrans, y compris la télévision. Durant cette période, il est primordial que l’enfant vive de réelles stimulations afin de se développer adéquatement: il doit pouvoir toucher, sentir, voir et entendre en tant qu’acteur actif, en interagissant le plus possible avec autrui. Même si on peut avoir la conviction que la télévision ou certains jeux électroniques sont stimulants grâce à leur valeur éducative, des études ont permis de montrer que ces activités n’améliorent pas le fonctionnement cognitif de l’enfant de cet âge et peuvent même l’entraver. Le principe à retenir est le suivant: le temps passé devant un écran constitue du temps où l’enfant n’est pas en interaction avec une autre personne et n’explore pas son environnement de manière physique, deux activités qui sont les fondements des apprentissages et du développement avant l’âge de 2 ans. Les écrans tactiles et interactifs (p. ex. la tablette) peuvent être utilisés occasionnellement pour une courte durée (au maximum 15 minutes), à condition que l’enfant soit accompagné d’un adulte et qu’il soit exposé à une variété d’autres activités suscitant l’exploration et l’apprentissage. Lorsque l’enfant a 3 ou 4 ans, on peut introduire graduellement l’écran, pour un maximum de 1 heure par jour. Des études ont effectivement mis en lumière que les enfants de 4 ans peuvent participer activement à des émissions à vocation éducative, par exemple en répondant aux questions posées ou en répétant ce que disent les personnages. Cette participation active peut donc être bénéfique pour le développement du vocabulaire, contrairement à ce qui a été démontré chez les plus petits. Bien entendu, ces lignes directrices peuvent être difficiles à respecter, surtout lorsqu’il y a d’autres enfants plus âgés à la maison ou que l’on est en situation d’épuisement. Les écrans sont souvent bien pratiques pour nous, parents; ils nous permettent de vaquer à nos occupations ou de profiter d’un moment de repos pendant que les enfants sont distraits. Toutefois, à notre ère technologique, nous nous tournons rapidement vers eux pour occuper nos enfants, en oubliant que d’autres moyens peuvent être fort utiles. Lorsque l’on a besoin de temps, par exemple pour préparer le repas ou se reposer, on peut suggérer à l’enfant de: faire un dessin ou du coloriage; réaliser des mandalas; faire un casse-tête; fabriquer des constructions en blocs Lego; participer avec nous à une tâche (p. ex. laver les légumes, nous accompagner avec son aspirateur-jouet pendant que nous passons l’aspirateur). Souvent, l’enfant qui n’est pas devant l’écran va requérir notre attention s’il n’est pas dans la même pièce que nous. Le fait de l’installer au comptoir de la cuisine ou à la table du salon, où il peut sentir notre présence, suffira dans bien des cas à le maintenir occupé, sans écran! Trucs et conseils Dans le quotidien, il est parfois ardu de gérer le temps que l’enfant passe devant les écrans. La grande résistance de nos enfants lorsque nous souhaitons les déconnecter amène souvent des négociations corsées qui nous prennent beaucoup d’énergie. En général, l’interdiction complète d’utiliser l’ordinateur, de regarder la télévision ou de jouer aux jeux vidéo a pour résultat d’envenimer la relation avec le jeune et de générer beaucoup de tension, puisque cela sera souvent perçu par ce dernier comme une punition injuste. Gardons à l’esprit que ce monde virtuel fait partie de sa vie et qu’il n’est pas souhaitable de l’en priver complètement. De plus, les jeux vidéo sont un sujet d’échange social important, tant à la maison que dans la cour d’école, au point où les jeunes qui ne partagent pas cet intérêt peuvent se sentir exclus par leurs pairs. Il vaut mieux par conséquent éviter la privation complète. On doit toutefois établir des règles claires et constantes pour encadrer le temps d’écran, afin qu’il demeure raisonnable et n’empiète pas sur les autres activités de l’enfant (devoirs, sports, sorties avec les amis). On peut par exemple établir que les écrans sont permis après les devoirs ou après le repas du soir seulement, pas plus d’une heure d’affilée la semaine (selon l’âge). On peut aussi lui interdire de manger devant l’écran ou de l’utiliser dans l’heure avant le coucher. Il est également recommandé d’installer la télévision, l’ordinateur ou la console de jeu dans une pièce souvent fréquentée, et donc pas dans la chambre de l’enfant. Lorsque ces technologies se trouvent dans sa chambre, le temps d’utilisation risque d’augmenter de même que la possibilité d’isolement de l’enfant, alors plus à risque de développer une dépendance. En utilisant une pièce familiale comme le salon, il nous sera plus facile d’être au courant du taux d’utilisation de l’enfant et d’exercer un contrôle sur ce qu’il regarde ou sur ce à quoi il joue. Remettre en question notre usage des écrans Nous nous préoccupons du temps que nos enfants ou nos adolescents passent devant les écrans, mais qu’en est-il de notre usage des technologies comme parents? Lorsque nous sommes en interaction avec nos enfants, nous devons demeurer prudents afin de ne pas utiliser nos cellulaires ou nos tablettes. Par exemple, si nous conversons avec notre enfant et que nous envoyons des textos en même temps, nous brimons notre échange avec lui. Cela peut envoyer à notre enfant le message qu’il n’est pas notre priorité pour le moment. Une enquête, réalisée auprès de 6117 parents et leurs enfants âgés de 8 à 13 ans, montre que 50% des parents se laissent distraire par leur téléphone cellulaire pendant leurs interactions avec leur enfant. De plus, 36% d’entre eux affirment le consulter pendant les repas et 28% l’utilisent pendant qu’ils jouent avec les enfants. Ce qui est encore plus intéressant dans cette étude, c’est que les enfants ont aussi été interrogés et 45% d’entre eux trouvent que leurs parents consultent trop leur téléphone. Encore plus percutant: 27% des enfants rêvent même de confisquer le cellulaire de leurs parents13. Lorsque les enfants essaient de leur faire prendre conscience qu’ils utilisent leur cellulaire à un moment inapproprié, plusieurs parents ont tendance à se mettre en mode défensif: • «Toi aussi parfois tu es sur ta tablette quand je te demande quelque chose!» • «Tu exagères! Je le prends juste quelques minutes par soir.» • «Je n’ai pas le choix de prendre mes messages, c’est pour le travail.» • «C’est mon amie, je lui réponds et je reviens tout de suite. Ne sois pas capricieux!» Les parents ne sont pas toujours conscients que leur cellulaire occupe une grande partie de leur temps. Plusieurs vont invalider ce que l’enfant nomme en banalisant leur utilisation des technologies. Le message que notre enfant nous envoie par ce type de commentaires est qu’il nous trouve indisponible et qu’il souhaite interagir avec nous. Il importe donc de lui dire qu’on entend ce qu’il exprime et qu’on apportera les changements qu’il faut pour se débrancher. Par exemple, pour diminuer notre dépendance aux écrans, nous pouvons: attendre que nos enfants soient partis pour la garderie ou l’école avant de regarder nos courriels ou de consulter les réseaux sociaux; mettre notre cellulaire de côté durant les moments en famille (p. ex. sorties, repas) ou les activités extérieures; attribuer une sonnerie différente aux contacts associés à la famille, et ignorer les autres sollicitations provenant du travail lorsque nous sommes à la maison; ignorer les notifications que nous recevons lorsque nous interagissons directement avec notre enfant et attendre d’avoir un moment à nous avant de les consulter; demander à nos enfants de nous ramener à l’ordre – toujours dans le respect – quand nous reprenons nos vieilles habitudes. En 2017, l’entrepreneure québécoise Dominique Bernèche a eu l’idée de lancer le «Défi5@8 sans écrans», qui invite tous les membres de la famille à délaisser téléphones et tablettes entre le retour de l’école et l’heure du coucher des enfants. Cette période est consacrée à passer du temps de qualité ensemble, sans distraction ni interruption virtuelle. Une fois le repas et les devoirs terminés, diverses activités simples et ludiques, à faire en famille, sont proposées. Cette initiative, qui gagne en popularité, vise à nous faire prendre conscience de l’omniprésence des écrans dans nos vies et nous incite à nous débrancher pour améliorer la qualité de nos échanges avec nos proches et pour savourer davantage le moment présent. Difficile de vivre le moment présent quand on est en permanence collé à son cellulaire! La crainte de manquer quelque chose est souvent présente, même si cela n’est pas toujours conscient: un courriel, un SMS, une nouvelle de dernière minute ou les dernières publications sur les réseaux sociaux. Les parents croient à tort que leur enfant ne s’aperçoit pas vraiment qu’ils utilisent leurs écrans puisqu’il est occupé à jouer. Or les enfants sont très observateurs et, bien souvent, ils éviteront d’aller vers le parent pour ne pas le déranger s’il se sert de son cellulaire ou de son ordinateur portable. Posons-nous la question: «Est-ce que répondre à mes messages textes ou surfer sur Internet est une priorité lorsque je suis à la maison?» Retenons également que nous sommes les modèles de nos enfants: difficile d’interdire leur cellulaire à la table si le nôtre s’y trouve. Au-delà d’une simple règle de vie familiale, il est important d’inculquer aux enfants qu’il convient de mettre de côté les technologies lorsqu’on interagit avec quelqu’un afin de maintenir une saine communication et que les relations humaines doivent toujours avoir la priorité sur les relations virtuelles. LES TÂCHES MÉNAGÈRES Comme parents, nous avons parfois l’impression de devoir sans cesse superviser nos enfants et répondre à leurs besoins. Bien que ce «travail de soutien» constant soit essentiel et tout à fait normal, nous souhaitons tous aussi développer leur autonomie afin qu’ils deviennent des individus responsables et, soyons honnêtes, que notre tâche soit allégée! L’autonomie est la faculté d’agir par soi-même et de prendre des décisions, sans avoir besoin d’aide ni être influencé par autrui. Elle s’exprime aussi par la capacité de subvenir à ses propres besoins. L’autonomie s’accompagne donc d’un sens des responsabilités qui amène l’enfant à davantage respecter les règles établies dans la famille, à l’école et en société. Le meilleur environnement pour apprendre aux enfants à devenir autonomes est le milieu familial, puisque les parents y sont omniprésents, ce qui leur permet de faire un suivi et de favoriser l’autonomie au quotidien. Le désir d’autonomie se manifeste très tôt dans la vie d’un enfant, par exemple lorsqu’il commence à ramper pour aller chercher un jouet, lorsqu’il s’affirme en voulant faire certaines choses lui-même, comme manger ou mettre ses souliers seul, ou qu’il souhaite aller un peu plus loin qu’avant avec son vélo. C’est normalement entre 5 et 12 ans que nos enfants deviennent de plus en plus indépendants et parviennent progressivement à prendre leurs responsabilités, une capacité qui, ne l’oublions pas, est en constante progression et sera probablement à développer encore pendant l’adolescence. Nous avons, comme parents, un rôle important à jouer dans cette quête de l’autonomie et du sens des responsabilités. Ce sont des éléments à la base de toute éducation réussie, qui aideront notre enfant à affronter les réalités de la vie quotidienne. Nous lui procurons la chance de développer son autonomie chaque fois que nous évitons de le surprotéger ou de tout faire à sa place et que nous lui permettons de faire des choix, d’expérimenter de nouvelles choses et d’accomplir certaines tâches. En adoptant une telle attitude, nous lui donnons l’occasion de développer son estime de soi et son sentiment de compétence («je suis capable»). De notre côté, cela nous amène à lâcher prise et à accepter que tout ne soit pas fait à la perfection. Conduire l’enfant à l’autonomie et le laisser faire certaines tâches peut parfois nous prendre plus du temps et demander plus d’énergie que si nous les faisions nous-mêmes, mais rapidement le sens des responsabilités et les nouvelles aptitudes développées par notre enfant pourront alléger notre quotidien, notamment de certains travaux ménagers. Trucs et conseils Quand un enfant n’arrive pas à faire une tâche, nous avons parfois tendance à la faire à sa place, sans mauvaise intention, tout simplement pour gagner du temps, pour éviter les problèmes, bref, parce que c’est plus simple comme ça! Malheureusement, en agissant ainsi, nous le privons d’une occasion d’apprentissage et du plaisir d’avoir accompli quelque chose par lui-même. De nos jours, bien des enfants n’effectuent aucune tâche à la maison. Leurs parents ont tendance à ne pas l’exiger, par manque de temps, de patience ou par crainte que ce ne soit pas fait «à leur goût». Pourtant, donner à un jeune l’occasion d’apprendre et de faire certaines tâches (sous supervision parentale au début) lui permet d’accroître sa confiance en soi et de développer son autonomie. Les enfants sont capables de bien des choses, souvent beaucoup plus qu’on ne le pense. De plus, le fait de permettre à l’enfant de prendre des décisions favorise son autonomie. Il ne faut donc pas hésiter à le laisser faire des choix (qu’on pourra accepter ou contester par la suite, si c’est nécessaire!). On fait toutefois attention de ne pas le critiquer ou le punir s’il a pris une mauvaise décision. Mieux vaut en discuter avec lui et l’aider à réaliser ce qui s’est passé, afin qu’il devienne apte à faire un meilleur choix à la prochaine occasion. Il est fréquent que les enfants s’opposent à de nouvelles tâches ou à l’augmentation soudaine de leurs responsabilités. Leur réticence provient souvent d’un manque de confiance en eux et de la peur de l’échec. Ainsi, il est important d’aider et de guider son enfant vers la réussite. Pour ce faire, il faut le motiver, l’encourager, l’aider à faire preuve de persévérance, et le féliciter pour ses efforts et ses bons coups. En ce sens, veillons à ne pas être trop exigeants ni perfectionnistes, et évitons de gronder notre enfant ou de lui faire des remarques négatives s’il n’arrive pas à accomplir quelque chose par lui-même. N’oublions pas que tout enfant est un être en construction et que les erreurs font partie de son apprentissage! Encourageons-le dans ses efforts (même infructueux) et soulignons ses améliorations ou ses réussites, si petites soient-elles. Il est important de renforcer la persévérance pour inculquer cette valeur à l’enfant, en le guidant et en l’assistant lorsqu’il est face à des obstacles, ainsi qu’en le félicitant lorsqu’il accomplit des tâches jusqu’au bout. Si nous souffrons d’épuisement parental, il y a de fortes chances que nous soyons perfectionnistes et que nous ayons des exigences élevées envers nousmêmes et les autres. Alors prêtons attention à nos propos pour ne pas décourager notre enfant et faisons preuve de lâcher-prise quant au résultat! Bref, l’attitude générale à adopter est de laisser à l’enfant la chance de réaliser des choses par lui-même et de lui faire confiance. Rendre un enfant autonome, c’est l’accompagner sans prendre trop de place, sans prendre SA place. C’est lui donner la main lorsqu’il en a besoin, mais sans l’empêcher de marcher seul (ni pour autant le laisser tomber). Si vous sentez que vous manquez de patience en raison de votre état de fatigue actuel, peut-être pouvez-vous demander à votre conjoint d’assumer pour un temps ce rôle de pédagogue auprès de votre enfant. Chaque parent a ses propres compétences et talents; votre conjoint a certainement lui aussi beaucoup de savoir-faire qu’il peut transmettre à votre enfant, dans un état serein et avec toute la patience nécessaire. Les oncles, les tantes et les grands-parents peuvent également être des éducateurs d’autonomie extraordinaires pour votre enfant. LES CONFLITS ENTRE FRÈRES ET SŒURS Les conflits entre frères et sœurs demandent beaucoup de temps et d’énergie au parent, qui doit intervenir régulièrement. Même si ces frictions peuvent nous peser au quotidien, elles sont normales et même essentielles au développement social de l’enfant. En effet, les disputes au sein de la fratrie permettent aux enfants de mieux comprendre les relations interpersonnelles et, notamment, d’être plus capables de reconnaître les besoins, les opinions et les désirs d’autrui. En présence de désaccords, ils sont appelés à chercher des solutions pour arriver à des compromis et ils développent ainsi leurs habiletés à gérer des conflits. Ces disputes jouent également un rôle quant à la définition de l’identité de l’enfant, qui apprend à s’affirmer et à se différencier des autres membres de la famille. Les conflits au sein de la fratrie peuvent être déclenchés par une multitude de facteurs, variant bien sûr selon la personnalité des enfants et leur groupe d’âge. Il peut être gagnant de s’arrêter comme parent pour réfléchir aux situations qui déclenchent souvent des affrontements et pour identifier l’enjeu qui semble poser problème. De cette façon, on peut plus facilement cerner les moyens à mettre en place pour prévenir des disputes qui, avouons-le, peuvent ajouter beaucoup de tension au sein de la famille. La territorialité et le partage des possessions sont des sujets de conflits fréquents entre frères et sœurs. La notion de territoire est importante pour bien des enfants: ils aiment «posséder» certains espaces ou certains objets dans leur environnement. Il est ainsi important de considérer ce besoin et de demander à toute la famille de respecter la propriété de chacun. Cela dit, chaque enfant doit aussi faire des compromis en lien avec les objets et les espaces qui sont communs. La télévision, l’ordinateur familial, les jeux de société sont des possessions qu’il devra apprendre à partager avec ses frères et sœurs. Trucs et conseils Afin de combler le besoin qu’éprouve l’enfant d’avoir des choses bien à lui, on recommande de créer une étagère sur laquelle seront placés des jouets spéciaux qu’il n’aura pas à partager, sauf s’il accorde sa permission. Ce principe permet aux enfants de développer le sens de la propriété, mais aussi d’apprendre à demander la permission et de faire attention aux jouets qui ne leur appartiennent pas. La notion de partage est également applicable à l’amour des parents. Chaque enfant rêve de capter pour lui seul l’attention de ses parents. Ainsi, certains enfants vont déranger leur frère ou leur sœur pour que les parents interviennent. D’autres vont provoquer des querelles afin de forcer les parents à prendre parti. Ils utilisent (inconsciemment) ces moyens pour attirer l’attention parentale, même lorsqu’il s’agit d’une attention négative. Le besoin constant de se rassurer de l’amour des parents est aussi à l’origine de la jalousie. L’impression d’être moins aimé que l’autre est très difficile à accepter pour les tout-petits, et on peut se sentir désemparé ou coupable en tant que parent lorsqu’on se rend compte qu’un de ses enfants a cette impression. Sans nous en apercevoir, nous pouvons effectivement avoir des comportements discriminatoires et ainsi provoquer un sentiment de jalousie. Certains gestes, parfois anodins, sont très significatifs pour notre enfant: sa place à la table, les vêtements neufs qui vont toujours au plus grand, les sorties qui sont plus nombreuses avec l’aîné qu’avec le cadet, le rituel du coucher qui est plus long avec le plus jeune, etc. Pour limiter ce problème, on tente d’avoir des moments privilégiés avec chacun des enfants, individuellement. Il ne s’agit pas ici d’ajouter des activités à notre horaire surchargé ou qui demandent une énergie que l’on n’a plus! On peut tout simplement accompagner l’enfant à son entraînement de patin déjà à l’horaire, écouter une de ses émis sions préférées avec lui, discuter de sa journée pendant le trajet du retour ou pendant l’heure du bain. Dans le quotidien, il est important aussi d’accorder beaucoup d’attention positive aux bons comportements, ne serait-ce que par de simples commentaires et félicitations. De cette façon, l’enfant n’aura pas l’impression que seuls les mauvais coups attirent l’attention du parent et comprendra que les comportements adéquats sont plus «payants» pour obtenir des marques d’affection. LA CONCILIATION TRAVAIL-FAMILLE Une autre source de stress pour bien des parents est la conciliation de la vie professionnelle avec la vie familiale. Dans le contexte actuel où l’on se doit de performer sur tous les plans, et où bien des parents sont aussi des travailleurs à temps plein, il est de plus en plus difficile de se sentir compétent et suffisamment disponible dans ces deux rôles. Un sondage réalisé pour le magazine Naître et grandir montre que 72% des parents se sentent coupables quand ils font passer leur emploi avant leur famille et que 45% disent avoir de la difficulté à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales14. Trucs et conseils Lorsque l’on perçoit un important déséquilibre entre les différentes sphères de sa vie, le même processus que l’on a vu au chapitre 3 peut s’appliquer à la situation: accepter son état, éviter le perfectionnisme, définir ses priorités, faire appel à des ressources extérieures et prendre du temps pour soi. Souvent, la meilleure façon d’arriver à cet équilibre tant recherché est de compartimenter. Ainsi, lorsque l’on est au travail, on évite le plus possible de penser à la famille ou de gérer certaines de ses responsabilités familiales. De même, on laisse le travail au bureau et on se centre sur la sphère familiale lorsque l’on est en congé. Voici quelques stratégies pour y parvenir: Ne pas prendre ses courriels professionnels à la maison (et éviter d’avoir accès à ceux-ci en temps réel via son téléphone intelligent!). Garder une liste de rappels à portée de main. Au bureau, dès que l’on pense à quelque chose qui est relié à la vie familiale ou domestique (p. ex. ne pas oublier de prendre rendez-vous avec le pédiatre!), on l’inscrit sur cette liste, puis on la range jusqu’à la prochaine pause ou à la fin de la journée, sans s’en préoccuper pendant que l’on est au travail. Si on pense trop souvent au travail à la maison, on peut appliquer la même stratégie: on met sur papier les tâches qui surgissent à l’esprit, puis on range la liste pour la ressortir au bureau. Ajouter à l’agenda non seulement les tâches liées au travail et les activités de la famille, mais aussi diverses autres responsabilités (p. ex. dimanche après-midi: épicerie et préparation des repas). Ainsi, ces tâches accapareront moins l’esprit durant le reste de la semaine. Ces stratégies peuvent nous paraître difficiles à instaurer au départ, mais à force de les mettre en pratique, elles deviendront intégrées à notre mode de vie sans nous prendre davantage d’énergie, tout en nous permettant de mieux respirer dans nos deux principales sphères de vie. Au-delà de ces moyens, on peut aussi s’informer sur les mesures à la disposition des employés dans son milieu de travail. Votre employeur est peut-être plus flexible que vous ne le pensez… Osez discuter avec lui des solutions ou des arrangements possibles pour vous permettre de mieux jongler avec vos responsabilités parentales et professionnelles, que ce soit un horaire de travail différent qui faciliterait la routine du matin ou encore la possibilité de faire du télétravail pour réduire, voire supprimer, le temps de déplacement. Encore une fois, nous devons faire preuve de courage et nommer notre état de stress ainsi que nos besoins à notre employeur, tout comme il est important de le faire avec nos proches. Il n’y a pas de honte à avoir besoin d’aide. Rappelez-vous que la personne qui a les attentes les plus élevées envers vous, c’est probablement vous-même! Afficher sa vulnérabilité attire très rarement du jugement ou du mépris; au contraire, cela amène bien souvent des témoignages d’amitié et d’empathie. En quelques mots… L’organisation est la clé pour alléger la routine au quotidien. S’arrêter pour comprendre l’origine des tensions avec les enfants (fatigue lors des devoirs, opposition durant les repas, conflits dans la fratrie, temps consacré aux écrans) permet souvent de mettre en place des interventions plus adaptées qui, au long cours, demandent moins d’énergie que de laisser ces tensions perdurer au quotidien. Faire participer l’enfant aux tâches domestiques favorise sa collaboration et contribue au développement de son autonomie. Au départ, cela exige un investissement de temps et une bonne dose de patience de la part du parent, mais à long terme, cette participation à la vie familiale pourra alléger ses responsabilités. 11. Tiré de mon livre, Le psy-guide de la discipline: pour les enfants de 0 à 10 ans, écrit avec la collaboration de Gabrielle Vallières-Lavoie, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2017, p. 87. 12. Pour en savoir davantage sur les méthodes de discipline à privilégier dans diverses situations au quotidien, je vous invite à consulter mon ouvrage précédent, Le psy-guide de la discipline: pour les enfants de 0 à 10 ans, publié en 2017 aux Éditions de l’Homme, dans lequel j’ai abordé plusieurs de ces thématiques. 13. AVG Techonologies, Kids Competing with Mobile Phones for Parents’ Attention, 2015. Repéré à https://now.avg.com/digital-diaries-kids-competing-with-mobile-phones-for-parents-attention. 14. Ces résultats statistiques proviennent d’une étude menée par Léger, au printemps 2014, pour le compte de Naître et grandir. Repéré à https://naitreetgrandir.com/fr/dossier/conciliation-travailfamille/introduction-conciliation-famille-travail/ Alors que le parent qui vit de l’épuisement traverse une période difficile, le conjoint qui l’accompagne se retrouve, lui aussi, dans une situation qui peut le laisser désemparé. Comme le burnout parental entraîne une perte d’intérêt tant pour les activités de toutes sortes que pour les tâches quotidiennes, il n’est pas rare pour le conjoint d’avoir l’impression de ne plus reconnaître son partenaire et de sentir qu’il subit lui-même la «perte» du soutien de l’autre au quotidien. À cela s’ajoute l’incertitude: «Comment dois-je réagir? Comment puis-je soutenir mon conjoint dans sa détresse, tout en subvenant aux besoins de toute la famille?» Le couple peut ainsi vivre une période déstabilisante. Une bonne communication entre conjoints est l’une des clés pour composer au fur et à mesure avec les inquiétudes et les conflits qui surgissent. Or le stress vécu apporte avec lui de l’irritabilité et de l’impatience, ce qui aura certainement un impact lors des discussions. Afin d’éviter de tomber dans le piège des reproches, des critiques et des accusations, qui se solderont souvent par une impasse, voici quelques techniques simples, mais très efficaces, pour favoriser une saine communication dans le couple et la recherche de solutions. LES PRINCIPES D’UNE COMMUNICATION SAINE Parler au JE Le fait d’utiliser le «je» pour transmettre un message aide le partenaire à ne pas se placer en mode défensif. Cela favorise aussi l’expression de la pensée ou d’une émotion. Il convient d’éviter de mettre l’accent sur le comportement de l’autre, pour ne pas transformer ce qu’on voulait partager en reproches. Par exemple: «Tu ne fais jamais rien pour m’aider.» devient (en mode «JE») «Je me sens souvent seule pour effectuer les tâches.» L’utilisation du «tu» entraîne souvent une fermeture de la part de l’autre, qui n’est ainsi plus à l’écoute. Alors, la personne qui se sent accusée ne retient pas l’objet du message exprimé, mais plutôt l’attaque qu’elle a perçue dans cette manière de s’exprimer. En contrepartie, l’emploi du «je» accroît l’attention de l’autre à ce qu’on exprime puisqu’il suscite un sentiment d’empathie. Au final, cette stratégie permet d’aborder des sujets délicats sans que l’autre se sente agressé ou remis en cause, ce qui facilite la recherche de solutions constructives. Préciser son sujet Lors de discussions au sein du couple, on peut facilement glisser vers des généralités ou dévier du message que l’on voulait communiquer. C’est à ce moment-là que les «jamais» et les «toujours» apparaissent, et que l’on se met à se disputer au sujet des vêtements qui traînent, alors qu’on voulait initialement parler des devoirs des enfants. Le fait de préciser le sujet que l’on souhaite aborder permet d’éviter ces digressions ainsi que les reproches qui, de toute façon, ne concernent pas le problème actuel. Donc, avant d’entamer la discussion, on réfléchit au thème que l’on veut aborder et on l’annonce en début de conversation, afin que chacun veille à rester dans le sujet. Si l’on désire aborder plusieurs points, mieux vaut les traiter un à la fois que tous les évoquer en même temps, ce qui donnerait l’impression à l’autre de crouler sous la critique. En cas de manque de temps, il faudra accepter qu’on ne peut pas discuter de tous les points et qu’on devra reporter la suite de la discussion à un autre moment. Ne pas invalider le sentiment de l’autre Parfois, le sentiment que l’autre nous exprime par rapport à une situation nous semble exagéré. On peut alors avoir envie de le lui souligner. Cependant, dire à l’autre qu’il exagère revient à nier ce qu’il ressent (voire à le ridiculiser) et cela coupera son désir de se dévoiler – en plus de susciter chez lui le sentiment d’être incompris. Il faut toujours se rappeler que l’intensité des émotions que peut susciter une situation varie d’une personne à une autre. Les propos qui invalident le sentiment de l’autre auront souvent comme effet de couper court à la communication, plutôt que de mener à un échange sain, propice à l’apaisement. Complimenter Les compliments devraient toujours être présents au quotidien au sein d’un couple. Par cette bonne habitude, on solidifie le lien et on communique plus souvent de manière positive, ce qui rend les discussions délicates plus faciles. En ponctuant les journées de compliments plutôt que de critiques, on augmente les chances que l’autre écoute ce qu’on a à lui dire. Cela l’aidera aussi à ne pas se mettre sur la défensive quand on ressentira le besoin d’éclaircir une situation ou d’aborder certains sujets. La communication saine au sein d’un couple n’est pas si compliquée, mais comme bien d’autre chose, la pratique est un élément clé pour qu’elle devienne facile au quotidien. COMMENT SOUTENIR SON CONJOINT ÉPUISÉ L’épuisement parental est un état qui met du temps à se rétablir. Ainsi, le conjoint doit faire preuve de beaucoup de compréhension et de patience afin d’éviter de tomber dans le piège, celui de mettre de la pression sur le parent épuisé pour qu’il reprenne ses activités le plus rapidement possible. Bien que cet élan soit tout à fait normal et provienne de l’espoir que tout redevienne comme avant, le parent en épuisement a besoin de temps et de réconfort pour effectuer les prises de conscience nécessaires à son cheminement. En le poussant trop rapidement à reprendre ses responsabilités familiales, on risque d’aggraver la situation à long terme. Il faut se souvenir que le parent qui se retrouve en épuisement parental est souvent perfectionniste et/ou anxieux. S’il ressent de la pression, volontaire ou pas, de la part de son entourage, il vivra encore plus de sentiments d’échec et de culpabilité face à son incapacité à répondre aux demandes, ce qui retardera la récupération et le retour à un état de bien-être. Ainsi, le plus grand défi du conjoint sera de respecter le rythme du parent épuisé, tout en demeurant prudent pour ne pas tout prendre sur ses épaules et se fatiguer outre mesure à son tour. Dans ce contexte, chacun doit accepter ses propres limites et utiliser au maximum les ressources extrafamiliales disponibles. Trucs et conseils Écouter Le meilleur soutien que l’on puisse accorder à la personne épuisée est sans aucun doute l’écoute sans jugement. Si le conjoint adopte cette position, le parent en burnout osera davantage exprimer ses émotions et ses pensées anxieuses, en plus de se sentir accepté tel qu’il est. Cette écoute l’aidera à retrouver plus rapidement un état de bien-être, puisqu’il n’aura pas à cacher ni à défendre son état émotionnel. Une saine communication permet également au conjoint de rassurer le parent épuisé, de lui faire part des progrès qu’il observe et de lui nommer ses forces et ses ressources, en reconnaissant ce que l’autre vit. L’écoute et le respect de son état d’épuisement lui communiquent aussi que son conjoint est présent, et qu’ensemble, ils traverseront cette épreuve. Respecter son rythme On doit chercher à encourager le parent épuisé et le féliciter lorsqu’il progresse, sans toutefois le forcer. Même si, de notre point de vue, une sortie au restaurant, une marche ou une visite chez des amis serait bénéfique, nous devons accepter qu’il refuse. Car la fatigue qu’éprouve la personne en burnout est souvent si grande que même les activités plaisantes lui paraissent lourdes. L’accompagner Bien des personnes en épuisement auront tendance à éviter diverses tâches ou activités puisqu’elles font surgir en elles un sentiment de lourdeur et un découragement trop important. Elles se sentent fatiguées avant même de commencer. Un moyen intéressant pour encourager notre conjoint est l’accompagnement. Que ce soit aller avec lui à son rendez-vous, plier les vêtements, faire l’épicerie, etc., le parent épuisé peut trouver beaucoup de réconfort dans le fait de faire les choses à deux et éprouvera un sentiment d’accomplissement face à la tâche réalisée, ce qui l’aidera à retrouver de l’énergie. Cependant, on doit toujours veiller à ne pas mettre de pression et le respecter s’il refuse de faire quelque chose ou s’il ne peut compléter une activité. L’accompagnement aux rendez-vous médicaux est recommandé, puisque le conjoint peut rapporter la situation de manière plus objective et faire état des progrès, qui sont parfois plus difficiles à percevoir par la personne en épuisement. Encourager son conjoint à consulter Parfois, le parent épuisé ne trouve pas l’énergie pour consulter. Une fois de plus, on peut l’accompagner dans sa démarche pour soutenir le processus. On peut, par exemple, lui offrir de lui soumettre une liste de professionnels, de prendre son premier rendez-vous, de l’y conduire, etc. La consultation de professionnels de la santé ne peut qu’aider le parent épuisé à retrouver son équilibre. Assumer une plus grande part des responsabilités familiales L’autre conjoint devra souvent assumer une plus grande part des responsabilités liées à la famille, afin de permettre au parent épuisé de se reposer et de récupérer. Il peut être fort utile de prendre le temps de discuter avec son conjoint des tâches qui lui paraissent les plus lourdes et difficiles à exécuter depuis quelque temps, afin de s’occuper de celles-ci en premier lieu. À la lumière de cette discussion, on peut soit s’en charger soi-même, soit faire appel à des ressources extérieures. Il est primordial de libérer le parent épuisé, mais il faut aussi respecter ses propres limites. On peut également offrir à son conjoint d’aller se reposer à l’extérieur du milieu familial, que ce soit pour quelques jours ou pour une semaine. Un tel congé ne doit pas être interprété comme une fuite de la situation ou un abandon de la famille, mais bien comme une occasion de se ressourcer. Prendre congé de sa famille, une bonne ou une mauvaise chose? Le parent en burnout peut avoir envie de sortir de son milieu familial, qui est devenu pour lui une source d’anxiété et de stress. Après tout, dans le cas d’un épuisement professionnel, on suggère bien de prendre congé du travail. Or ici, la situation est différente, puisque ce sont les relations avec le conjoint et les enfants qui sont en jeu. Sortir de son milieu familial peut-il avoir des effets négatifs dans les relations parents-enfant ou, au contraire, les améliorer? Risque-t-on de trouver les responsabilités familiales encore plus lourdes au retour? La littérature traitant de l’épuisement parental fait très souvent mention de l’importance de prendre du temps pour soi et de se reposer. La fatigue étant l’un des symptômes les plus marqués, il est primordial de se donner du temps pour recharger ses batteries et faire diminuer le stress. Ainsi, le fait de s’accorder des «vacances» de son milieu familial peut être bénéfique, que ce soit par l’entremise d’une soirée en amoureux, d’une fin de semaine au chalet avec des amis ou d’une semaine au soleil. De plus, le fait de prendre un peu de recul permet souvent d’apprécier davantage certains aspects de la vie familiale: le rire des enfants, les conversations durant les repas en famille, etc. Cela peut donc parfois réduire la distanciation affective que l’on peut ressentir face à ses enfants lorsque l’on est en état de fatigue extrême. Il importe toutefois que ces pauses demeurent de courte durée, dans l’optique d’éviter un bouleversement au sein de la famille et le risque que les enfants souffrent d’une séparation trop importante avec le parent. Autre mise en garde: il faut conserver des attentes réalistes face aux bienfaits d’une sortie. Gardons en tête qu’il s’agit d’un des moyens pour se remettre graduellement de l’épuisement, et non d’une solution instantanée! Comme lorsqu’on réintègre le travail après des vacances, le quotidien sera toujours présent au retour et la fatigue n’aura pas complètement disparu après quelques jours de congé. Il n’en demeure pas moins que nous pouvons profiter de ces moments de détente et qu’avec le temps, ils contribueront à nous remettre sur pied. Cuisiner Le parent épuisé aura souvent besoin d’aide pour bien se nourrir, l’un des moyens les plus importants pour avoir de l’énergie. Cuisiner est une activité agréable pour plusieurs, mais elle demande de l’organisation, du temps et de l’énergie. Ainsi, la cuisine est fréquemment une activité anxiogène et décourageante pour la personne en épuisement. En la libérant de cette tâche, on l’aide à ressentir moins d’anxiété et on s’assure que les repas restent équilibrés. Lorsqu’il nous est difficile de cuisiner, on ose demander à son entourage si quelqu’un peut venir donner un coup de pouce. Demander de l’aide est l’une des premières étapes pour retrouver l’équilibre familial. Encourager son conjoint à faire de l’exercice physique On essaie, dans la mesure du possible, d’encourager la personne en burnout à sortir un peu à l’extérieur chaque jour. Bouger permet de libérer des endorphines, une hormone fort utile pour faire descendre la tension et retrouver un état de bien-être. On peut lui suggérer, par exemple, de faire une promenade à pied ou encore une petite balade en vélo avec les enfants, d’aller glisser dehors avec eux ou de jardiner. Les activités ne doivent pas être trop longues ni intenses; elles doivent permettre au parent de vivre de bons moments, sans aucune pression! Rire et s’amuser Le rire est souvent une bonne façon de désamorcer des situations complexes. Cela permet de se détendre et de profiter d’un bon moment en couple ou en famille. Si sortir semble lourd, il ne faut pas hésiter à rester à la maison: on loue des comédies ou on fait un jeu de société rigolo en famille! S’ouvrir sur sa situation Il est important de parler ouvertement de la situation à l’entourage (avec l’accord du conjoint en burnout) et de s’informer soi-même sur l’épuisement parental, afin de bien comprendre les symptômes et la façon d’agir pour soutenir le mieux possible l’être aimé et l’aider à se rétablir. En résumé, accompagner une personne en épuisement parental demande de la patience, de la compréhension, de la flexibilité et, surtout, une grande empathie à son égard. L’épuisement est un «état d’être»; rien n’indique physiquement que la personne n’est pas en pleine possession de ses moyens. Le parent épuisé se sent donc souvent coupable face à sa situation. Il se perçoit comme un moins bon conjoint et, surtout, comme un moins bon parent. COMMENT EXPLIQUER AUX ENFANTS QUE PAPA OU MAMAN SOUFFRE D’ÉPUISEMENT Le réflexe de bon nombre de parents est de protéger leurs enfants des situations plus complexes, ce qui est parfaitement normal. Nous ne voulons pas les inquiéter avec nos problèmes d’adultes ni leur parler de sujets qui dépassent leur capacité de compréhension et leur occasionneraient un stress inutile. Cela dit, les enfants sont souvent conscients de ce qui se passe chez leurs parents, malgré tous les efforts de ces derniers pour l’éviter, et peuvent vivre encore plus d’inquiétudes face à la situation lorsqu’on ne leur offre aucune explication. Le silence absolu n’est donc pas une option souhaitable. Il est préférable de leur expliquer, avec des mots simples et concrets, ce qui se passe, en se montrant rassurant. Pour parler de cette situation à son enfant, on insiste sur le fait que papa ou maman ressent une grande fatigue ces derniers temps, et, surtout, que cela n’a rien à voir avec lui. Les enfants ont tendance à se sentir facilement coupables et à établir une relation directe (et erronée) entre l’état du parent et leur comportement. Si on exprime de la tristesse ou du découragement, il faut faire bien attention de rassurer l’enfant et de le déresponsabiliser de la situation. On évite donc les phrases qui font un lien entre le comportement de l’enfant et l’état du parent, telles que: «Si tu écoutes papa, cela va l’aider à se sentir mieux.» «Ce qui aiderait maman à récupérer, c’est que tu ranges ta chambre.» «Papa est fatigué et triste, donc ne te dispute pas avec ta petite sœur.» Même si, à première vue, ces phrases semblent permettre à l’enfant de contribuer à la remise en forme du parent épuisé, elles procurent un important sentiment d’anxiété chez le jeune et mettent un poids sur ses épaules. Ce dernier se considérera alors comme responsable des progrès, mais aussi des émotions négatives, de son parent. De plus, un enfant anxieux deviendra souvent irritable et moins en maîtrise de ses émotions, ce qui ne sera aucunement bénéfique à l’harmonie familiale et au rétablissement du parent. Ainsi, on ne doit pas demander à l’enfant de changer quoi ce soit pour aider le parent épuisé, ni dans son comportement ni dans son attitude. En parallèle, on tente de préserver le plus possible son quotidien, en poursuivant ses activités de loisirs, ses sorties avec ses amis, etc. L’objectif est que l’enfant soit le moins possible affecté par la situation. Si on sent qu’il se renferme et qu’il est moins enjoué qu’auparavant, on tente de communiquer avec lui pour comprendre ce qui se passe et, au besoin, on va chercher l’aide d’un professionnel pour que l’enfant puisse traverser le plus sereinement possible la situation. En quelques mots… La meilleure façon de soutenir son conjoint en état d’épuisement est de faire preuve de patience et de compréhension, en l’accompagnant dans la reprise graduelle de ses activités, sans toutefois mettre de pression. En tant que conjoint, il est important de considérer ses propres limites et d’aller chercher du soutien, au besoin, pour assumer les responsabilités familiales supplémentaires. On peut expliquer à son enfant que papa ou maman ressent une grande fatigue, en faisant très attention de ne faire aucun lien entre cet état d’épuisement et le comportement du jeune, afin d’éviter de lui faire vivre un sentiment de culpabilité. LE MOT DE LA FIN Le rôle de parent est bien différent aujourd’hui de ce qu’il a pu être pour nos grands-parents. Notre monde est plus complexe qu’avant et, par conséquent, notre rôle de parent aussi: on se pose plus de questions, on a une panoplie de choix, on doit planifier des mois à l’avance la garderie, l’école ou le camp de jour que fréquentera notre enfant, on doit sans cesse trouver de nouvelles façons de gagner en vitesse et en efficacité, au travail comme à la maison. Dans une société où la pression de performance est omniprésente, le sentiment de ne pas être à la hauteur peut nous envahir facilement. Alors, si ce livre vous a permis de déceler en vous certains signes précurseurs ou révélateurs d’un épuisement parental, sachez que vous êtes loin d’être un cas unique. À l’heure actuelle, beaucoup de parents sont à risque de faire un burnout parental. La clé pour ne pas vous laisser écraser par les idéaux de perfection véhiculés par la société? Faites-vous confiance et, surtout, ne perdez pas de vue vos valeurs, ce qui est important pour vous, car c’est ce qui définit votre style parental. Même si la voisine cuisine des gâteaux maison, vous pouvez faire un choix différent, par exemple prendre ce temps pour regarder un film avec vos enfants ou pour jouer dehors avec eux. Une option n’est pas meilleure qu’une autre; elles répondent tout simplement à des priorités ou à des valeurs différentes. Une autre avenue à considérer pour vivre plus sereinement le quotidien en famille: éviter le plus possible les réseaux sociaux. Ils donnent trop souvent l’impression que la majorité des parents ont une vie digne d’un conte de fées qui respecte en tous points les recommandations de tous les experts! Apercevoir en ligne la photo de la collation qu’a préparée une maman pour toute la classe à la rentrée scolaire ne vous apportera rien, sauf des remises en question et de la culpabilité. Retenez que ce qui est partagé sur ces réseaux est toujours le plus beau moment ou une distorsion de la réalité et que, derrière tout cela, l’autre parent expérimente lui aussi des crises le matin, des épisodes de gastros et des nuits blanches. Plusieurs parents, pour ne pas dire tous, vivent des périodes plus difficiles à un moment ou à un autre. En parler avec son entourage ou un professionnel sera toujours le meilleur remède pour éviter de se sentir seul. Je répète presque quotidiennement aux parents qui me consultent qu’ils sont les mieux placés pour savoir ce dont leurs enfants ont besoin. Ni moi en tant que psychologue, ni l’enseignant, ni la direction d’école ne peut savoir avec certitude ce qu’un parent doit ou ne doit pas faire. Le rôle de tout intervenant est de vous guider selon son champ d’expertise, mais vous demeurez la personne ayant la meilleure connaissance de votre enfant et de votre réalité familiale. De ce fait, vous possédez les outils pour atteindre votre équilibre et assumer le rôle de parent à votre façon. L’apprivoisement de l’état d’épuisement parental et le cheminement qui permet de le surmonter est unique à chacun et comporte des embûches. Mais si vous devez constamment résister à l’idéologie de performance, relisez souvent le chapitre 3 pour maîtriser le lâcher-prise et abandonner le perfectionnisme! Sachez qu’il s’agit là d’un processus qui témoigne d’une grande persévérance et qui permettra à toute la famille de vivre de manière plus harmonieuse. J’espère sincèrement que ce livre vous aura permis de faire des prises de conscience (comme ce fut le cas pour moi!) afin de surmonter ou d’éviter l’épuisement parental. Souvenez-vous que le rôle de parent est bien souvent exigeant et éprouvant, mais aussi passionnant et tellement enrichissant. RESSOURCES ET LIENS UTILES Dr Mood – Burnout parental: application gratuite Outil numérique visant à aider les parents à faire le point quotidiennement sur leur état émotionnel et physique, et à évaluer s’ils risquent de basculer vers le burnout. https//www.dr-mood.com/ Ligne québécoise en prévention du suicide Ligne téléphonique sans frais donnant accès à du soutien offert par des intervenants qualifiés. Le site Internet de l’Association québécoise de prévention du suicide comprend de l’information ainsi que les coordonnées des multiples centres de prévention du suicide au Québec. 1-866-277-3553 (1-866-APPELLE), disponible tous les jours 24 h https://www.aqps.info/besoin-aide-urgente/ LigneParents Ligne téléphonique offrant des services gratuits et confidentiels, par des intervenants professionnels spécialistes de la relation parents-enfants. 1-800-361-5085, disponible 24 h, 365 jours par année https://www.ligneparents.com/ Maison des familles Organisme sans but lucratif qui offre aux familles divers services à faible coût (jeux, ateliers, conférences et programmes). Pour trouver la maison des familles de votre secteur: http://www.quebecfamille.org/reconcilionstravail-et-famille/repertoire-des-organismes-de-soutien-a-la-famille.aspx Ordre des psychologues du Québec (OPQ) Regroupe de l’information quant aux services de psychologie au Québec. 514-738-1881 https://www.ordrepsy.qc.ca Service de référence pour accéder https://www.ordrepsy.qc.ca/trouver-de-aide à des services: Première ressource – Aide aux parents Service anonyme et gratuit de consultation professionnelle pour les relations entre parents et enfants. 514-525-2573 1-866-329-4223 www.premiereressource.com Revivre, Association québécoise de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires Organisme sans but lucratif qui vient en aide aux personnes vivant un trouble anxieux, dépressif ou bipolaire et leurs proches, notamment par l’entremise d’une ligne d’écoute et de l’accès à de l’information. Ligne d’écoute: 514-738-4873 (1-866-REVIVRE), du lundi au vendredi entre 9 h et 21 h revivre@revivre.org https://www.revivre.org Section Conciliation travail-famille du site du ministère de la Famille et des Aînés du Québec Présente plusieurs programmes gouvernementaux pertinents pour les familles ainsi que divers liens et ressources. https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/famille/Pages/index.aspx BIBLIOGRAPHIE AVG Techonologies. Kids Competing with Mobile Phones for Parents’ Attention, 2015. Repéré à https://now.avg.com/digital-diaries-kidscompeting-with-mobile-phones-for-parents-attention Bourassa, M.-È. Pas toujours facile la vie de parents, 2018. Repéré à https://www.mamanpourlavie.com/vivre-en-famille/etre-parent/11591-pastoujours-facile-la-vie-de-parents.thtml Careau, L. Le perfectionnisme: quand le mieux devient l’ennemi du bien, 2019. 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Je vous aime. Un merci spécial aux membres de la famille Tremblay-Vallières, pour votre implication et votre magnifique participation lors des tempêtes d’idées familiales, desquelles sont ressorties de très belles idées qui ont bonifié ce livre. Merci à mes parents, qui ont toujours été des ressources extraordinaires pour moi dans mon rôle de mère, et qui le sont aujourd’hui auprès de mes enfants. Votre présence dans notre quotidien nous communique continuellement l’importance de la générosité et de l’entraide, des valeurs que vous avez su transmettre à toute votre famille. Je dédie ce livre à une jeune femme inspirante qui sera un jour maman à son tour! Ma belle Gabrielle, j’espère que ce livre te sera utile afin de demeurer le plus souvent possible dans le moment présent! Merci pour tes judicieux conseils et ta précieuse participation tout au long de l’écriture. Travailler avec toi et discuter du rôle du parent est toujours passionnant et un doux moment. Je me trouve privilégiée d’être ta mère! Je t’aime, ma choupette. TABLE DES MATIÈRES Introduction Chapitre 1. Qu’est-ce que le burnout parental? Burnout parental, baby blues ou dépression post-partum? Un portrait de la situation Les symptômes du burnout parental La fatigue La distanciation affective avec l’enfant La perte des sentiments d’efficacité et d’épanouissement dans son rôle parental Les conséquences du burnout parental En quelques mots… Chapitre 2. Comment en suis-je arrivé là? Avant le burnout, le burn-in… Les facteurs de risque (et de protection) Des facteurs sociodémographiques Les caractéristiques de l’enfant Les caractéristiques du parent Les pratiques parentales La relation conjugale et le soutien des proches Un déséquilibre des sphères de vie Comment savoir si on est à risque ou pas En quelques mots… Chapitre 3. Un premier pas vers le mieux-être Lâcher prise Faire des changements concrets dans son environnement Perfectionnisme… non merci! Définir ses priorités Vivre le moment présent Prendre soin de soi comme parent Sommeil, repos et détente Faire de l’activité physique Respirer pour se détendre Remettre le plaisir à l’avant-plan En quelques mots… Chapitre 4 – Dans le feu de l’action… des trucs pour surmonter les défis quotidiens L’organisation: la clé pour alléger le quotidien La période des devoirs Trucs et conseils L’heure des repas Intervention à éviter Intervention adéquate Trucs et conseils Le coucher Trucs et conseils En voiture Trucs et conseils Le non-respect des règles de vie Trucs et conseils Le temps consacré aux écrans Trucs et conseils Remettre en question notre usage des écrans Les tâches ménagères Trucs et conseils Les conflits entre frères et sœurs Trucs et conseils La conciliation travail-famille Trucs et conseils En quelques mots… Chapitre 5. Aider mon conjoint en burnout parental Les principes d’une communication saine Comment soutenir son conjoint épuisé Trucs et conseils Comment expliquer aux enfants que papa ou maman souffre d’épuisement En quelques mots… Le mot de la fin Ressources et liens utiles Bibliographie Remerciements Le psy-guide: des parents épuisés ISBN EPUB: 978-2-7619-5219-4 Édition: Pascale Mongeon Design graphique: Christine Hébert Infographie: Chantal Landry Révision: Sylvie Massariol Correction: Joëlle Bouchard et Jocelyne Cormier 04-19 Imprimé au Canada © 2019, Les Éditions de l’Homme, division du Groupe Sogides inc., filiale de Québecor Média inc. (Montréal, Québec) Tous droits réservés Dépôt légal: 2019 Bibliothèque et Archives nationales du Québec DISTRIBUTEURS EXCLUSIFS: Pour le Canada et les États-Unis: MESSAGERIES ADP inc.* Téléphone: 450-640-1237 Internet: www.messageries-adp.com * filiale du Groupe Sogides inc., filiale de Québecor Média inc. 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