MARTIN LUTHER. 1517 Author(s): MICHELET Source: Revue des Deux Mondes (1829-1971) , 1er MARS 1832, PREMIÈRE SÉRIE, Vol. 5, No. 5 (1er MARS 1832), pp. 555-562 Published by: Revue des Deux Mondes Stable URL: https://www.jstor.org/stable/44688199 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue des Deux Mondes (1829-1971) This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms MARTIN LUTHER. ' 1517. Jetais seul, et jeté dans cette affaire sans prévoyance; j'accordais au pape beaucoup d'articles essentiels. Qu'étais-je , pauvre misérable moine , pour tenir contre la majesté du pape , devant lequel les rois de la terre (que dis-je ? la terre même, l'enfer et le ciel) tremblaient ? . . . . Ce que j'ai souffert la première et la seconde année , dans quel abattement , non pas feint et süpposé , mais bien véritable , ou plutôt dans quel désespoir je me trou(i) Luther n'est guère connu en France que par la caricature qu'en a donnée Bossuet ians ses Variations . On ne se le représente que comme un gros moine , qui boit toujours de la bière et ne parle que du diable. Au moment où l'on nous promet une nouvelle tragédie de Luther, il peut être curieux de comparer la fable et l'histoire. Les morceaux qu'on va lire sont les premiers actes de la Réforme , traduits littéralement par M. Michelet , chef de la section historique aux archives du royaume , qui nous promet incessamment 'es Mémoires de Luther, Le réformateur expose ici lui-même l'origine et l'occasion des luttes qu'il a eu à soutenir. This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms 556 ÄEVUE DES DEUX MONDES. vais ! ah ! ils ne le savent point, ces esprits confîans , qui de ont attaqué le pape avec tant de fierté et de présomption Ne pouvant trouver de lumière auprès des maîtres mort muets (je parle des livres des théologiens et des jurist souhaitai de consulter le conseil vivant des églises de Dieu que , s'il existait des gens pieux qu'éclairât le Saint-vEspri prissent compassion de moi et voulussent bien donner u bon et sûr, pour mon bien et pour celui de toute la chrét mais il était impossible que je les reconnusse. Je ne regard le pape, les cardinaux, évoques, théologiens , canonistes, m prêtres : c'est de là que j'attendais l'Esprit; car je m'étais dement abreuvé et repu {gefressen und gesoffen ) de leu trine , que je ne sentais plus si je veillais ou si je dormais Si j' 'avais alors bravé le pape comme je le fais aujou serais imaginé que la terre se fût , à l'heure même m'engloutir vivant, ainsi que Coré et Abiron tendais le nom de l'église , je frémissais et offrais En i5i8 , je dis au cadinal Caietano , à Ausbourg, q lais désormais me taire : seulement je le priais en tout d'imposer même silence à mes adversaires et d'arrêter meurs; mais , loin de me l'accorder, il me menaça, si rétractais, de condamner tout ce que j'avais enseign déjà donné le catéchisme par lequel beaucoup de gens améliorés : je ne devais pas souffrir qu'il fut condamn Je fus ainsi forcé de tenter ce que je regardais comm nier desmaux;mais je ne songe pas pour cette fois à co histoire. Je veux seulement confesser ma sottise , mon et ma faiblesse. Je veux faire trembler par mou, exe présomptueux criailleurs ou écrivailleurs , qui n'ont po la croix , ni connu les tentations de Satan. LETTRE DE LUTHER A L'ARCHEVÉQUE DE MAYENCE , CHAR PAPE DE LA VENTE DES INDULGENCES EN ALLEMAGNE. Père vénérable en Dieu , veuille votre grâce jeter un œil favorable sur moi , qui ne suis que terre et cendres , et recevoir This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms MARTIN LUTHER. 55 J favorablement ma demande avec la douceur épiscopale. porte $ar tout le pays , au nom de votre grâce et seigneuri l'indulgence papale pour la çonstruction de la cathédrale Saint-Pierre de Rome. Je ne blâme pas tant les grandes clame des prédicateurs de l'indulgence ( lesquels je n'ai point ente dus ) , que le faiix sens adopté par le pauvre , simple et gros peuple , qui publie partout hautement les imaginations qu'i conçues à ce sujet. Cela me fait mal et me rend malade croient que les âmés seront tirées du purgatoire , d ront mis l'argent dans les coffres. Ils croient que l'ind assez puissante pour sauver le plus grand pécheur, c leur blasphème) qui aurait violé la sainte mère de veur ! .... Grand Dieu ! les pauvres âmes seront do sceau de votre autorité , enseignées pour la mort et vie. Vous en rendiez un compte terrible , un compt gravité va toujours croissant. .... Qu'il vous plaise , noble et vénérable père , de lire e sidérer ces propositions où Pon montre la vanité de gences qtie les prédicateurs proclament comme chose certaine. LUTHER RACONTE LUI-MÊME; SON ENTREVUE , A AUGSROURG ,, AVEC LE CARDINAL CAIETANO , CHARGÉ PAR LE PAPE D'EXAMINER SA DOCTRINE ET D'OBTENIR SA RÉTRACTATION. Lorsque je fus cité à Augsbourg , j'y vins et comparus, mais avec une forte garde et sous la garantie de l'électeur de Saxe , Frédéric , qui m'avait adressé à ceux d' Augsbourg et m'avait récommandé à eux. Ils eurent grande attention à moi et m'avertirent de ne point aller avec les Italiens , de ne faire aucune société avec eux , de ne point me fier à eux ; car je ne savais pas, disaient-ils , ce que c'était qu'un Welche. Pendant trois jours entiers je fus à Augsbourg sans sauf-conduit de l'empereur. Dans cet intervalle, un Italien venait souvent m'invi ter à aller chez le cardinal. Il insistait sans se décourager. «Tu dois te ré- This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms 558 REVUE DES DEUX MONDES, tracter, disait-il; tu n'as qu'un mot à dire, revoco . Le cárd te recommandera au pape , et tu retourneras avec honneur a près de ton prince* Au bout de trois jours arriva l'évêque de Trente , qui mont au cardinal le sauf-conduit de l'empereur; alors j'allai le trou en toute humilité. Je tombai d'abord à genoux; puis je m'aba sai jusqu'à terre et je restai à ses pieds. Je ne me relevai qu quand il me l'eut ordonné trois fois. Cela lui plut fort^ et il péra que je prendrais une meilleure pensée. Lorsque je revins le lendemain et que je refusai absolumen de rien rétracter, il me dit : penses-tu que le pape s'embarr beaucoup de l'Allemagne? Crois-tu que les princes te défendr avec des armes et des gens de guerre? Öh non ! - Où veux- rester?...- Sous le ciel, répondis-je. Plus tard le pape baissa le ton et écrivit à l'église , même Me Špalatinus et à Pfeffinger, prédicateur de la cour élector et conseiller de cabinet, afin qu'ils me fissent livrer à lui, et sistassent pour l'exécution de son décret. Cependant mes petits livres et mes resolutiones allèrent, ou p tôt volèrent en peu de jours par toute l'Europe. Ainsi l'élect de Saxe fut confirmé et fortifié ; il ne voulut point exécute ordres du pape et se soumit à la connaissance de l'Ecriture. Si le cardinal eût agi avec moi avec plus de raison et de dis crétion , s'il m'eût reçu lorsque je tombai à ses pieds , les ch n'en seraient jamais venues où elles sont, car dans ce temp ne voyais encore que bien peu les erreurs du pape ; s'il s'était jeme serais tu aisément. C'était alors le style et l'usage de la de Rome, que le pape dît dans les affaires obscures et embro lées: nous rappelons la chose à nous, en vertu de notre puissa papale, annulons le tout et le mettons à néant. Alors il ne re plus aux deux parties qu'à pleurer. Je tiens que le pape don rait trois cardinaux pour que la chose fût encore dans le sa COMPARUTION DE LUTHER A LA DIÈTE DE WORMS. Lorsque le héraut m'eut cité le mardi de la semaine sainte This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms MARTIN LUTHER. Ò5ç) m'eut apporté le sauf-conduit de l'empereur et de plusieurs ces, le même sauf-conduit fut, le lendemain mercredi, vi Worms, où ils me condamnèrent et brûlèrent mes livres. nouvelle m'en vint lorsque j'étais àErfurth. Dans toutes les la condamnation était déjà publiquement affichée , de sort le héraut me demandait lui-même si je songeais encore à n rendre à Worms? Quoique je fusse effrayé et tÅ¥emblant, je lui répondis : - Je veux m'y rendre , quand même il devrait s'y trouver autant de diables que de tuiles sur les toits! Lors donc que j'arrivai à Op- penheim près de Worms, Me Bucer vint me trouver, et me détourna d'entrer dans la ville. Car Sglapian, confesseur de l'empereur, était venu le trouver et le prier de m'avertir que je n'entrasse point à Worms ; car je devais y être brûlé. Je ferais mieux, disait-il , de m'arrêter dans le voisinage, chez Frant z de Sickingen qui me recevrait volontiers. Les misérables faisaient tout cela pour m'empêcher de comparaître, car si j'avais tardé trois jours , mon sauf-conduit n'eût plus été valable , ils m'auraient fermé les portes , ne m'auraient point écouté , mais condamné tyranniquement. J'avançai donc dans la simplicité de mon cœur , et lorsque je fus en vue de la ville , j'écrivis sur l'heure à Spala tinus que j'étais arrivé , en lui demandant où je devais loger. Ils s'étonnèrent tous de mon ar- rivée imprévue; car ils pensaient que je serais resté dehors, arrêté par la ruse et par la terreur. Deux de la noblesse , le seigneur de Hirssfeld ét Jean Schott, vinrent me prendre par ordre de l'électeur de Saxe et me conduisirent chez eux. Mais aucun prince ne vint me voir, seulement des comtes et des nobles qui me regardaient beaucoup. C'étaient ceux qui avaient présenté à sa majesté impériale les quatre cents articles contre les ecclésiastiques en priant qu'on réformât les abus, sinon qu'ils le feraient eux-mêmes. Ils en ont tous été délivrés par mon évangile. Le pape avait écrit à l'empereur de ne point observer le saufconduit. Les évêques y poussaient; mais les princes et les états n'y voulurent point consentir, car il en fût résulté bien du bruit. This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms 56o revue Des deux mondes. J'avais tiré un grand éclat de tout cela; ils devai de moi plus que je n'avais d'eux. En effet le landg qui était encore un jeune seigneur, demanda à m'e me trouver, causa avec moi , et me dit à la fin : - si vous avez raison , que notre seigneur Dieu vou J'avais écrit, dès mon arrivée, à Sglapian, en le p loir bien venir me trouver selon sa volonté et sa mais il ne voulut pas : il disait que la chose serai Je fus ensuite cité et je comparus devant tout l diète impériale dans la maison de ville , où l'e électeurs et les princes étaient rassemblés. Le do ficial de l'évêque de Trêves, commença, et me dit es appelé ici pour dire si tu reconnais pour tiens sont placés sur la table; et il me les montrait. - J pondisse. Mais le docteur Jérôme Schurff ajouta Qu'on lise les titres. Lorsqu'on les eut lus, je dis : sont les miens. Il me demanda encore : Voulez-vous les désavouer? Je répondis : Très gracieux seigneur empereur, quelques-uns de mes écrits sont des livres de con tro versé, 'dans lesquels j'attaque mes adversaires. D'autres sont des livres d'enseignement et de doctrine. Dans ceux-ci, je ne puis, ni ne veux rien rétracter, car c'est parole de Dieu ;" mais pour mes livres de controverse , si j'ai été trop violent contre quelqu'un , si j'ai été trop loin , je veux bien me laisser instruire, pourvu qu'on me donne le temps d'y penser. Op me donna un jour et une nuit. Le jour d'àprès je fus appelé par les évêques et d'autres qui devaient traiter avec moi pour que je me rétractasse. Je leur dis : La parole de Dieu n'est point ma parole; c'est pourquoi je ne puis l'abandonner. Mais dans ce qui est au-delà , je veux être obéissant et docile. Le margrave Joachim prit alors la parole et dit : Seigneur docteur, autant que je puis comprendre , votre pensée est de vous laisser conseiller et instruire , hors les seuls points qui touchent l'Ecriture? - Oui, répondis-je, c'est ce que je veux. Ils me dirent alors que je devais m'en remettre à sa majesté This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms MARTIN LUTHER. 56 1 impériale ; mais jè n'y consentis point. Ils me d n'étaient pas eux-mêmes des chrétiens qui pus telles choses? A quoi je répliquai : Oui , pourvu faire tort ni offense à l'Écriture que je veux m tie puis abandonner ce qui n'est pas mien. Ils i devez vous reposer sur nous et croire que nous - Je ne suis pas fort porté à croire que ceux-là moi contre eux-mêmes, qui viennent de me co lorsque j'étais sous le sauf-conduit. Mais voy faire ; agissez avec moi comme vous voudrez; j noncer à mon sauf-conduit et à vous l'abandonner. Alors le seigneur Frédéric de Feilisch se mit à dire : En voilà véritablement assez , si ce n'est trop. Ils dirent ensuite : Abandonnez-nous au moins quelques articles. Je répondis : Au nom de Dieu, je ne veux point défendre les articles qui sont étrangers à l'Ecriture. Aussitôt deux évêques allèrent dire à l'empereur que je me rétractais. Alors l'évêque *** envoya vers moi, et me fit demander si j'avais consenti à m'en remettre à l'empereur et à l'empire? Je répondis que je ne le voulais pas et que je n'y avais jamais consenti. Ainsi, je résistai seul contre tous. Mon docteur et les autres étaient mécontens de ma ténacité. Quelques-uns disaient que si je voulais m'en reme ttre à eux , ils abandonneraient et céderaient en retour les articles qui avaient été condamnés äü concile de Constance ¿ A tout cela je répondais : Voici mon corps et ma vie. Cochleus ( Kochlefîel ) vint alors , et me dit : Martin , si tu veux renoncer au sauf-conduit, je disputerai avec toi. Je l'aurais fait dans nia simplicité. Mais le docteur Jérôme Schurff répondit en riant et avec ironie : Oui, vraiment, c'est cela qu'il faudrait. Ce n'est pas une offre inégale; qui serait si sot! Ainsi je restai sous le sauf-conduit. Quelques bons compagnons s'é- taient déjà élancés en disant : Comment? vous l'emmèneriez prisonnier? Cela ne saurait être. Sur ces entrefaites vint un docteur du margrave de Bade, qui essaya de m'émouvoir avec de grands mots : Je devais, disait-il, beaucoup faire , beaucoup céder pour l'amour de la charité j tome v. 36 This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms 56 2 REYlíE DES DEUX MONDES. afin que la paix et l'union subsistassent, et qu'il n'y soulèvement. On était obligé d'obéir à la majesté comme à la plus haute autorité; on devait soigneusem de faire le scandale dans le monde; par conséquent je rétracter : - Je veux de tout mon cœur, répondis-je de la charité obéir et tout faire , en ce qui n'est poin foi et l'honneur du Christ. Alors le chancelier de Trêves me dit : Martin, tu e béissant à la majesté impériale; c'est pourquoi il t'est partir, sous le sauf-conduit qui t'a été donné. Je rép s'est fait comme il a plu au Seigneur. Et vous, à votre sidérez où vous restez. Ainsi je partis dans ma simpl remarquer ni comprendre toutes leurs finesses. Ensuite ils exécutèrent le cruel édit du ban , qui do chacun occasion de se venger de ses ennemis sous pr apparence d'hérésie luthérienne , et cependant il a b la fin que les tyrans révoquassent ce qu'ils avaient fai C'est ainsi qu'il m'advint à Worms, ou je n'avais d'autre soutien que le Saint-Esprit. MICHELET. This content downloaded from 72.141.162.212 on Fri, 16 Jun 2023 11:15:25 +00:00 All use subject to https://about.jstor.org/terms