See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/305790408 Dimensionnement des radiers Chapter · January 2011 CITATIONS READS 0 97,524 1 author: Ali BOUAFIA Saad Dahlab University 198 PUBLICATIONS 386 CITATIONS SEE PROFILE Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Artificial Intelligence In Geotechnical Engineering View project Experimental study of the liquefaction susceptibility of Chlef and Algiers sands areas View project All content following this page was uploaded by Ali BOUAFIA on 03 August 2016. The user has requested enhancement of the downloaded file. Génie Civil Conception et calcul des ouvrages géotechniques « Cours et Applications » Ali BOUAFIA Université Saâd Dahleb de Blida Faculté des sciences de l’ingénieur Département de Génie Civil © Copyright Eurl Pages Bleues Int ernat ionales © C o p y r i g h t E ur l Pa g e s B l e u e s I n t er na t i o n al e s M aison d’ éd it i on pou r l’ en s eign e me nt et l a f or mat ion Siège social : Raffour 10102 Bouira Algérie Tél : (026) 95-59-79 Annexe : 182 Rue Saidi Ahmed, Bordj El Kifane Alger Algérie Tél/Fax : (021) 20-58-31 Tél : 021 20 18 22 / 021 20 83 30 Librairie : Cité 2068 lgts Smail yefsah bt 73 Bab ezzouar Alger E-mail : pagesbleues@yahoo.fr Site Web : www.pagesbleues-editions.com ATTENTION !! © Les Pages Bleues Internationales Janvier 2011 Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur, constitue une violation de la propriété intellectuelle et une contrefaçon réprimée par le code pénal. Nous mettons en garde les librairies ou tout autre organisme utilisant des moyens de reproduction (Photocopieur, Dupliqueur, Imprimerie, …) que la reproduction de nos ouvrages est strictement interdite. Nous faisons appel aux lecteurs afin de les alerter sur la menace que représente la contrefaçon pour l’avenir de l’écrit et de la production intellectuelle, particulièrement dans le domaine de l’édition scientifique et technique. Pour cela nous les prions de nous signaler toute fraude en nous contactant par : Tél : (026) 95-59-79 ou par l’E-mail. ISBN : 9 7 8 - 9 9 4 7 - 8 5 0 - 5 3 - 4 Dépôt légal : 1 3 - 2 0 0 9 3 Préface L’idée de faire un livre sur la conception et calcul des ouvrages géotechniques est à la fois judicieuse et pertinente. C’est un beau succès qui s’explique aisément par la qualité et la richesse de son contenu et par une alliance efficace de la théorie et de la pratique. Il s’agit d’un outil pédagogique qui s’articule autour des deux principaux points : Le dimensionnement des ouvrages géotechniques ; Les méthodes de calcul des ouvrages géotechniques. Les principes de ces méthodes sont d’actualité. Elles évoluent rapidement dans un domaine scientifique et technologique en plein essor. L’auteur a organisé son ouvrage en treize chapitres, répartis entre l’étude de comportement des fondations superficielles et profondes, l’analyse de la stabilité des ouvrages de soutènements, ainsi que la stabilité des talus. Le premier chapitre présente les notions fondamentales de la mécanique des sols. Les connaissances théoriques de base mettent les lecteurs en mesure de comprendre et d’utiliser les méthodes de calcul des ouvrages géotechniques. Les chapitres qui suivent se chargent de détailler, de façon relativement claire, les différentes notions introduites. Les chapitres deux, trois et quatre traitent du dimensionnement des fondations superficielles courantes telles que les semelles et les radiers. Les chapitres cinq et six sont consacrés au calcul des fondations su pieux. Les dimensionnements des murs rigides, des murs souples, des parois moulées, des murs en terre armée et des murs en gabions et batardeaux sont traités respectivement aux chapitres de sept à onze. Les méthodes de stabilité des pentes font l’objet du chapitre douze. Enfin, le chapitre treize donne une présentation de quelques logiciels de calcul des ouvrages géotechniques. Cet ouvrage est particulièrement facile et agréable à lire. Chaque chapitre est assorti de discussions et d’une bibliographie riche et d’actualité. Les formules sont correctes et bien écrites. L’enchaînement des différents chapitres est plutôt cohérent dans l’optique de l’apprentissage et la mise en pratique. En outre, les explications et les exemples sont clairs et à la portée de débutant disposant de bases solides en mécaniques des sols. Les nombreuses illustrations et les graphiques très sobres sont d’une grande facilité d’utilisation et contribuent à la clarté du texte. Sur la base de ces treize chapitres, l’auteur a donc pu formuler d’intéressantes méthodologies didactiques. L’ouvrage s’adresse principalement aux étudiants qui, tout en possédant une connaissance de base solide, n’ont qu’à suivre pas à pas la lecture des treize chapitres, rédigés dans un style fort agréable et accessible. Ils peuvent s’exercer facilement à partir des contenus des différents chapitres tout en replaçant les méthodes de calcul dans une perspective d’utilisation pratique qui manque si souvent aux manuels existants. Cet ouvrage intéressera aussi les enseignants de géotechnique soucieux de proposer un manuel de référence en langue française à leurs étudiants et de disposer d’un aide mémoire précieux à leur activité pédagogique, voire de recherche. Il n’en reste pas moins que ce livre constituera sans aucun doute l’un des ouvrages de référence dans le domaine de la géotechnique. Même si certaines notions ont évolué depuis ces derniers temps, étant fortement liées aux progrès technologiques, elles demeurent néanmoins toujours utiles à des fins pédagogiques. Malgré quelques mises à jour, le contenu du livre peut suffire à appréhender les principales méthodes traitées, et à être capable de les exploiter pour développer des applications honorables. Ce livre n’a pas la prétention de dresser en détail les différentes étapes des méthodes de calcul des ouvrages géotechniques. Néanmoins, il donne un aperçu global de celles-ci. C’est donc un livre interactif. Professeur MELBOUCI Bachir Université Mouloud Maâmeri de Tizi -Ouzou 5 Avant-propos Actuellement, il est de plus en plus courant qu’on construise des ouvrages lourds ou de configuration spéciale sur des sols médiocres ou délicats. Un tel fait est à la fois un challenge et un stimulus continu au développement de la recherche appliquée en mécanique des sols. Le dimensionnement des ouvrages géotechniques se heurte souvent à une complexité inhérente de l’interaction sol/ouvrage, due entre autres à la complexité elle-même de comportement du sol. Variabilité spatiale, anisotropie, non linéarité matérielle prononcée, réponse dépendant de l’histoire et du chemin de contraintes, tels sont quelques uns de ces aspects marquant cette complexité. Cette dernière a poussé plusieurs générations à effectuer des recherches, souvent rationnelles, mais c’est au début du 20e siècle que les bases de la mécanique des sols en tant que science ont été bâties, suite à la contribution de Terzaghi et ses collègues à élucider les mécanismes fondamentaux de comportement du sol. Une telle contribution était marquée par un mariage heureux entre l’expérimentation et la théorie. Une démarche pragmatique pour la prise en compte de cette complexité dans les projets est de caractériser expérimentalement le comportement du sol au laboratoire et/ou sur place, ce qui permet d’obtenir ainsi les paramètres mécaniques nécessaires au dimensionnement des ouvrages. La mécanique des sols est certes une science expérimentale, mais elle a connu ces dernières décades un épanouissement en matière de méthodes de calcul, suite au développement des recherches théoriques et des méthodes numériques appliquées en géotechnique. En fait, les manifestations scientifiques internationales jalonnent d’une richesse de publications traitant des méthodes de calcul. Cette diversité de méthodes de calcul forme un véritable condensé d'informations, habituellement disséminées dans la littérature technique et difficilement accessibles, sauf au prix de recherches bibliographiques longues et fastidieuses. En outre, l’évolution rapide de l’état de connaissances en cette discipline relativement jeune ne rend pas aisée l’actualisation, surtout avec la cadence élevée de la tenue des congrès internationaux traitant de la géotechnique. Il va de soi qu’un état de la pratique de calcul géotechnique est plus que profitable pour les ingénieurs, Ce livre vise à présenter d’une manière didactique une panoplie de méthodes modernes de calcul des ouvrages géotechniques, notamment les fondations et les soutènements, en s’adressant aussi bien aux ingénieurs civils ou géotechniciens impliqués dans le calcul géotechnique, qu’aux étudiants en cycle de formation d’ingénieur. L’auteur reconnaît que la tâche de rédaction d’un tel livre n’est pas aisée, du fait de la difficulté de réaliser un équilibre stable entre le besoin didactique nécessitant une présentation détaillée destinée aux étudiants, et le besoin pratique d’acquérir directement les outils de calcul. Néanmoins, outre la présentation des concepts de base nécessaires à la compréhension des différentes méthodes de calcul, au premier chapitre, chaque chapitre comporte une introduction au thème étudié. Enfin, par souci de ne pas alourdir le texte, le développement mathématique de certaines méthodes est reporté en annexe du livre. Le livre est subdivisé en treize chapitres, répartis entre l’étude du comportement des fondations superficielles et profondes, l’analyse de la stabilité des différentes catégories d’ouvrages de soutènement, ainsi que la stabilité au glissement des terrains en pente. Chaque chapitre finit par une série d’applications sous forme d’exercices ou de questions et dont la solution ou la réponse a été regroupée au CD-Rom joint à ce livre. Le premier chapitre comporte une revue des principes de base sur lesquels repose le calcul géotechnique. Limité à un bref rappel didactique, ce chapitre a été renforcé par une série de diapositives en Powerpoint, présentant les bases de la mécanique des sols, mises au point par le Professeur Sivakugan à l’université de James Cook, en Australie. Ce dernier a aimablement autorisé l’auteur à les traduire et les adapter en langue française. Outre la présentation Introduction à la géotechnique, ces diapositives contiennent aussi un jeu éducatif, en langue anglaise, testant les connaissances acquises à partir des diapositives. Les chapitres 2 à 4 traitent du dimensionnement des fondations superficielles courantes telles que les semelles et le radier, en focalisant sur les deux impératifs traditionnels de dimensionnement des fondations, à savoir la résistance du sol à supporter les surcharges (ou capacité portante), et les déplacements du sol induits par la construction. Les chapitres 5 et 6 sont consacrés au calcul des fondations sur pieux, aussi bien en termes de capacité portante que de déformations. On présente ainsi quelques méthodes de dimensionnement, basées sur les essais in-situ, et qui connaissent actuellement un gain d’intérêt auprès des ingénieurs. Le dimensionnement des murs rigides est traité au chapitre 7, alors que celui des murs souples, tels que les rideaux de palplanches, les murs en terre armée, les parois moulées, les murs en gabions et batardeaux est traité respectivement aux chapitres 8 à 11. On mentionne dans ces chapitres quelques recommandations issues du règlement géotechnique européen Eurocode-7. On étudie au chapitre 12 les différents mécanismes d’instabilité des terrains et les méthodes d’analyse de la stabilité des terrains en pente. L’application pratique de telles méthodes requiert le recours à un logiciel d’analyse de stabilité au glissement. En vue de concrétiser les définitions et la description des ouvrages géotechniques, une série de diapositives Powerpoint a été incluse dans le CD, 7 traitant des fondations, de la stabilité des murs de soutènement et du glissement des terrains en pente. Les diapositives étant en lecture seule, les enseignants désirant améliorer de telles diapositives sont invités à contacter l’auteur pour obtenir la source des diapositives à l’adresse ci-dessous. En outre, certaines procédures d’installation des ouvrages géotechniques, telles que le battage d’un rideau de palplanches, le forage d’un pieu ou le coulage d’une paroi moulée ne peuvent être concrétisées qu’à travers des séquences vidéos, ce qui a été fait en regroupant une série de vidéos didactiques dans un répertoire au CD joint. Enfin, le dernier chapitre comporte une présentation de quelques logiciels utiles pour le calcul de quelques ouvrages géotechniques. Les logiciels sélectionnés sont en principe disponibles au large public et aucune restriction d’accès ou d’utilisation n’a été exprimée par leurs auteurs. Ils ont ainsi été compilés dans le CD joint à ce livre, à la disposition des lecteurs intéressés. Outre le manuel d’utilisation du logiciel, des exemples simples de calcul des ouvrages géotechniques simples, mis au point par leurs auteurs, afin de démontrer les possibilités de calcul numérique, y ont été inclus. L’auteur espère qu’une tel ouvrage, aussi modeste soit-il, contribuera à la compréhension des différentes méthodes modernes de calcul géotechnique. Dr. Ali BOUAFIA Université Saâd Dahleb de Blida\Département de génie civil B.P : 270 R.P Blida 09000 Blida Algérie E-mail : soildyn07@yahoo.fr 9 Table des Matières Préface 03 Avant-propos 05 Sommaire Chapitre 1 : Rappels de mécanique des sols 9 15 1. Introduction 17 2. Catégories des matériaux du sol 17 3. Paramètres d’état du sol 19 4. Classification des sols 21 5. Ecoulement de l’eau libre 22 6. Contraintes dues au poids des terres 25 7. Principe des contraintes effectives de Terzaghi 26 8. Résistance au cisaillement des sols 27 9. Consolidation des sols fins 31 Chapitre 2 : Capacité portante des fondations 37 1. Introduction 39 2. Considérations générales 39 3. Méthodes de calcul de la capacité portante 48 3.1. Méthodes basées sur les essais de laboratoire 48 3.2. Méthodes basées sur les essais in-situ 64 4. Applications Chapitre 3 : Tassement des fondations 72 87 1. Introduction 89 2. Composantes du tassement 89 3. Méthodes de calcul du tassement 91 3.1. Considération générales 91 3.2. Evaluation du tassement à partir des essais in-situ 3.3. Evaluation du tassement à partir des essais de laboratoire 94 107 4. Tassements admissibles 114 5. Applications 116 Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 125 1. Introduction 127 2. Principaux types de radiers 127 3. Conception des radiers 129 4. Calcul des radiers 134 4.1. Méthodes de calcul 134 4.2. Méthodes du module de réaction 136 4.3. Méthode du radier rigide 141 4.4. Méthodes d’élasticité 141 4.5. Méthodes numériques 144 5. Applications Chapitre 5 : Capacité portante des pieux 146 149 1. Introduction 151 2. Classification des fondations sur pieux 151 3. Considérations générales 152 4. Capacité portante verticale d’un pieu isolé 157 4.1. Notions de capacité portante et de charge critique 157 4.2. Méthodes de calcul 159 4.3. Capacité portante à partir de l’essai de chargement statique 169 5. Effet du groupe sur la capacité portante 172 6. Capacité portante horizontale d’un pieu isolé 174 7. Applications 180 Chapitre 6 : Déformation des pieux 1. Introduction 183 185 11 2. Tassement d’un pieu isolé 185 2.1. Introduction 185 2.2. Les méthodes empiriques 186 2.3. Les méthodes d’élasticité 186 2.4. Méthodes numériques 190 2.5. Méthodes de transfert de charges 192 3. Tassement d’un groupe de pieux 195 4. Déflection d’un pieu chargé latéralement 197 4.1. Introduction 197 4.2. Méthodes d’élasticité 197 4.3. Méthode des courbes P-Y 201 4.4. Méthodes numériques 207 4.5. Méthodes empiriques 208 5. Applications Chapitre 7 : Stabilité des murs rigides de soutènement 209 213 1. Introduction 215 2. Classification des murs de soutènement 215 3. Définitions utiles 220 3.1. Etat de surface de contact écran/sol 220 3.2. Etats d’équilibre du sol derrière le mur 221 4. Calcul des pressions sur le mur 223 4.1. Pressions à l’état K0 223 4.2. Pressions à l’état limite dans un sol frottant 224 4.3. Pressions à l’état limite dans un sol purement cohérent 229 4.4. Détermination des pressions dans un sol multicouches 230 4.5. Prise en compte de la pression interstitielle 232 5. Dimensionnement des murs rigides 233 6. Applications 241 Chapitre 8 : Dimensionnement des rideaux de palplanches 253 1. Introduction 255 2. Conception d’un mur en rideaux 255 3. Comportement d’un mur en rideau 264 4. Méthodes de calcul des rideaux 265 4.1. Classification des méthodes de calcul 265 4.2. Méthode de la théorie poussée/butée du sol 267 4.3. Méthode de la théorie aux modules de réaction 272 4.4. Méthode des éléments finis 275 5. Applications Chapitre 9 : Dimensionnement des parois moulées 278 281 1. Introduction 283 2. Conception et réalisation des parois moulées 284 3. Comportement de la tranchée 288 4. Dimensionnement d’une paroi moulée 297 5. Applications 304 Chapitre 10 : Dimensionnement des murs en terre armée 307 1. Introduction 309 2. Principe et réalisation de la terre armée 309 3. Comportement d’un mur en terre armée 312 4. Dimensionnement de la terre armée 318 5. Applications 321 Chapitre 11 : Calcul d’autres ouvrages de soutènement 323 1. Introduction 325 2. Murs et batardeaux 325 2.1. Conception et réalisation 325 13 2.2. Calcul d’un mur en batardeau 3. Murs en gabions 328 329 3.1. Conception et réalisation 329 3.2. Calcul d’un mur en gabion 329 4. Fouilles blindées 331 4.1. Réalisation 331 4.2. Dimensionnement 332 5. Applications Chapitre 12 : Stabilité au glissement des terrains en pente 339 341 1. Introduction 343 2. Différentes formes d’instabilité d’un terrain 344 3. Principales causes d’instabilité d’un terrain 347 4. Rôle du géotechnicien dans l’étude de la stabilité 348 5. Reconnaissance du site 349 6. Méthodes de calcul de stabilité 350 6.1. Méthodes d’équilibre limite 350 6.2. Méthode des caractéristiques de contraintes 365 6.3. Méthode des éléments finis 366 7. Applications Chapitre 13 : Logiciels de calcul géotechnique 367 369 1. Introduction 371 2. Calcul par la méthode des éléments finis 371 3. Calcul d’un mur de soutènement souple 372 4. Analyse de la stabilité d’un terrain en pente 373 5. Calcul d’un pieu sous charges latérales 373 A propos du CD-ROM 377 Lexique trilingue en géotechnique 379 Index 380 Chapitre Dimensionnement des radiers Objectif du chapitre : Outre les différents types de fondations sur radiers, on présente dans ce chapitre les règles générales de conception, ainsi que les méthodes couramment utilisées pour leur calcul. Dans ce chapitre : 1. Introduction 2. Principaux types de radiers 3. Conception des radiers 4. Calcul des radiers 5. Applications 126 Conception et calcul des ouvrages géotechniques Figure 4.1. La photo illustre la réalisation d’une fondation en radier dans le chantier de l’hôtel Four Seasons en 1999 à San Francisco (Californie). La tâche s’est déroulée dans des conditions difficiles, puisque le site est entouré sur trois façades par des ouvrages existants lourdement chargés, incluant une tour en arrière plan. L’excavation profonde sur la façade gauche montre même le mur du sous-sol d’un bâtiment sus-jacent. Le radier a une épaisseur variant de 1.2 à 2.4 m, et se trouve à 21 m en sous-sol, ce qui a nécessité un système de blindage sur les trois façades de l’excavation, afin de renforcer les murs en parois moulés, réalisées au préalable sous forme de panneaux adjacents en béton armé pour le soutènement de la fouille. A une telle profondeur, en considérant un poids volumique moyen de 20 kN/m 3du sol, la pression due au poids des terres est de 420 kPa. L’excavation des terres entraîne une décompression du fond de fouille et induit des déformations horizontales des parois de l’excavation. Dans une telle configuration, le radier est dit fondation compensée puisque le rechargement du sol par l’ouvrage à une pression inférieure à 420 kPa, cause un tassement négligeable, voire nul. Le sol au niveau du radier a été protégé de tout remaniement par une mince couche de béton. La photo illustre la phase finale de dépôt des armatures du radier avant le coulage du béton. Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 127 1. INTRODUCTION Le radier est une dalle en béton armé de grandes dimensions, conçue en tant que fondation superficielle. Une telle solution de fondation est adéquate en cas de sol de faible capacité portante, ce qui nécessite une répartition des charges sur une grande surface de contact de la fondation avec le sol. Dans certaines configurations de fondations superficielles où la somme des surfaces de fondation dépasse la moitié de la surface du bâtiment, il est plus économique de réaliser plutôt une fondation sur radier [1]. Contrairement aux fondations superficielles, l’étendue de la surface d’un radier nécessite une prise en compte de la variabilité spatiale des propriétés mécanique du sol sous-jacent, notamment dans le sens horizontal. En outre, l’analyse des déformations du radier nécessite de classer le système sol/radier vis-à-vis de la rigidité relative radier/sol, en distinguant les radiers rigides, semi-rigides et souples. Le radier peut s’adapter en cas d’une différence importante de caractéristiques mécaniques entre deux zones sous-jacentes du sol. Autrement dit, l’analyse ponctuelle de la capacité portante dans chaque zone est une démarche possible mais pénalisante, du fait qu’elle ignore la contribution des autres zones adjacentes à la capacité portante globale du radier On se propose dans ce qui suit de présenter les types courants de fondation sur radier, de passer en revue quelques règles de conception de ce type de fondations, et enfin d’exposer les méthodes de calcul de la capacité portante et du tassement. 2. PRINCIPAUX TYPES DE RADIER Les principales configurations de radier sont schématisées à la figure 4.2, dans laquelle on peut distinguer [1] : Radier-dalle ou radier à dalle plate. Ce type de radier, caractérisé par une épaisseur constante, est conçu en cas d’une disposition régulière de poteaux avec une charge faible transmise au sol, Radier à dalle sur des socles sous les poteaux. Il est conçu en cas de charges élevées provenant des poteaux, Radier nervuré, constitué d’un grillage de poutres sous la dalle et dont les nœuds correspondent aux poteaux. Ce type de fondations est adéquat en cas d’efforts de flexion importants et un grand espacement entre les poteaux, Radier à dalle sous socles sous les poteaux, Il est conçu en cas de charges élevées provenant des poteaux, Radier cellulaire ou radier-caisson. Il est aussi conçu en cas de charges élevées transmises au sol. 128 Conception et calcul des ouvrages géotechniques Figure 4.2. Quelques types courants de fondation sur radier [3] : (a) Radier-dalle, (b) Radier à dalle sur socles, (c) Radier nervuré, (d) Radier à dalle sous socles, (e) Radier cellulaire ou caisson. Notons qu’il est courant que le plancher du niveau de base d’un ouvrage fait luimême partie du radier, appelé dallage-radier, comme le schématise la figure 4.3. Après décapage de la terre végétale, nivellement, et évent-uellement compactage, le sol d’assise est remblayé par une couche de forme. Celle-ci doit comporter des matériaux chimiquement neutres, sans présence de la grave ou de la matière organique, avec un pourcentage des particules fines (inférieures à 80 µm) en deçà de 20% et un équivalent sable plus que 40%. Cette couche est mise au point par compactage des sous couches de moins de 20 cm [2]. Dans certaines configurations, il arrive que le système de fondations est formé d’une fondation sur radier et pieux, dit fondation mixte. Le principe est de mobiliser les efforts simultanément dans les pieux et dans le radier, tel que schématisé à la figure 4.4, en cas d’un chargement vertical. On utilise ce type de fondations, soit pour économiser le dimensionnement des pieux en faisant travailler la semelle coiffant les pieux comme un radier, soit pour limiter les tassements du radier en lui ajoutant des pieux [4]. Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 129 Figure 4.3. Schéma du dallage-radier avec couche de forme [2] Une des techniques d’amélioration des sols médiocres est le renforcement de celui-ci par un réseau d’inclusions rigides, surmonté par une couche intercalaire et une fondation sur radier. Ce dernier, comme l’illustre la figure 4.5, ne repose pas directement sur le sol, la couche intercalaire servant d’une part à une plateforme des travaux de réalisation des inclusions, et d’autre par à une répartition uniforme de la charge au sol. 3. CONCEPTION DES RADIERS Le comportement d’une fondation sur radier résulte d’une interaction complexe sol-radier-structure, sensiblement influencée par les rigidités relatives radier/sol et radier/structure. Le calcul des déformations du sol sous un radier se fait couramment dans le cadre d’un comportement élastique linéaire du système sol/radier, en considérant p et Ep les caractéristiques élastiques du matériau de la fondation, et s et Es celles du sol. La rigidité relative radier/sol Kr dépend aussi bien des caractéristiques élastiques du sol et du radier, des dimensions du radier et du type de chargement provenant de la structure. Un radier très rigide est caractérisé par un déplacement d’ensemble, et des déformations négligeables, ce qui correspond théoriquement à une rigidité relative infinie (c’est à dire que le radier est beaucoup plus rigide que le sol). Un radier très souple est caractérisé par d’importantes déformations par flexion, et un déplacement non uniforme de la surface de contact radier/sol, ce qui se traduit par un tassement différentiel entre deux points quelconques de cette surface. A ce cas correspond une rigidité relative tendant vers zéro. En pratique, un système radier/sol est caractérisé par une certaine rigidité relative, située entre ces deux valeurs extrêmes, et qui influence aussi bien la distribution des pressions de contact entre le sol et le radier, que les déplacements du radier. La figure 4.6 récapitule d’une manière schématique la distribution des pressions de contact. Conception et calcul des ouvrages géotechniques 130 Figure 4.4. Schématisation du principe de la fondation mixte [4] En cas d’un radier sous forme d’une semelle rectangulaire de largeur B, et de hauteur h, posée en surface d’un sol homogène infiniment épais, et chargée uniformément, la rigidité relative Kr est donnée par [6], [7]: 4 (1 p ) E p Kr 3 (1 s 2 ) E s 2 h B 3 (4.1) Selon Brown (1969), ce type de fondation peut être considéré comme souple si K 0.001, et rigide si K > 0.1 [6]. En cas d’une charge concentrée P au milieu de la largeur du radier, comme le montre la figure 4.7, la rigidité relative est telle que [6], [7]: Kr 4 E p Bh 3 (1 s2 ) 4 3 E s L (4.2) La rigidité relative en cas d’une semelle circulaire de rayon R, de hauteur h, posée en surface d’un sol homogène infiniment épais, et chargée uniformément, est donnée par [6], [7] : Ep h 3 K r (1 s ) Es R 2 (4.3) La fondation peut être considérée comme souple si K 0.01, et rigide si K >10 [6]. Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 131 Figure 4.5. Schéma de la fondation sur inclusions rigides [5] En cas d’une charge verticale concentrée P, agissant au milieu du radier circulaire, la rigidité relative selon Borowicka (1939) est donnée par [6]: 1 (1 s ) E p Kr 6 (1 p 2 ) E s 2 h R 3 (4.4) En présence d’une différence non négligeable de charges, une structure très rigide subira d’importants efforts de flexion dans les parties les moins chargées. Une structure souple subit par contre des tassements différentiels non négligeables, et il y’a alors lieu d’adapter la structure, en séparant les différentes parties travaillant différemment par des joints de rupture, ou en réalisant des radiers à des fiches différentes (voir figure 4.8). Rappelons qu’un joint de rupture sépare complètement deux parties adjacentes d’une structure, la fondation incluse, généralement en cas d’une différence importante dans les charges, le tassement ou dans la compressibilité du sol [2]. Les schémas de la figure 4.9 explicitent les différents cas de rigidité relative radier/structure. Aux cas (a) et (c) correspond un radier très rigide et une structure très souple ou très rigide. Le cas (a) est recommandé en cas où le tassement différentiel est non préjudiciable à la structure. Le cas (c) peut être réalisé dans un sol hétérogène (différence de compressibilité au sens latéral) lorsque le tassement différentiel est préjudiciable, bien que cette solution peut être coûteuse. 132 Conception et calcul des ouvrages géotechniques Figure 4.6. Schéma de distribution des pressions de contact sol/radier Figure 4.7. Schéma d’un radier continu sous une force concentrée [7] Figure 4.8. Adaptation d’une structure rigide aux tassements différentiels [2] Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 133 Le cas (b), le plus courant, peut être utilisé dans un sol homogène vis-à-vis de la compressibilité au sens latéral. Le cas (d) est à éviter puisqu’il peut causer d’importants désordres dans les éléments secondaires de la structure [2]. Figure 4.9. Différentes configurations possibles de rigidité radier/structure [2] (a) Structure très souple et radier très rigide (b) Structure très rigide et radier très souple (c) Structure très rigide et radier très rigide (d) Structure très souple et radier très souple Le tassement du sol sous un radier peut être réduit en augmentant la fiche D du radier, particulièrement dans les sols argileux mous, où des tassements non négligeables peuvent se manifester. Le principe est de relâcher le sol en effectuant une excavation à une certaine profondeur, la pression q appliquée par l’ouvrage à la base du radier étant égale ou légèrement supérieure au poids des terres à cette profondeur. Le tassement, dépendant de l’augmentation de la pression et non pas de la pression appliquée q, sera en principe négligeable ou même nul. En fait, en considérant une pression q appliquée à la base du radier et un poids volumique moyen γ du sol à la base du radier, l’augmentation de pression (q-γD) est nulle pour une fiche égale à q/γ. Un radier, fondé à une telle fiche, est dit complètement compensé [1]. A titre d’exemple, considérons un bâtiment de 4 étages à construire dans un sol argileux mou de faible capacité portante et caractérisé par un poids volumique saturé de 15 kN/m3. Sachant que l’ordre de grandeur de la charge d’un étage est de 12.5 kPa, la pression transmise au sol est de 50 kPa. On peut réaliser un radier léger du type cellulaire ou caisson, à une fiche de compensation de l’ordre de 50/15=3.3 m, le sous-sol ajouté étant supposé inexploitable. Des précautions doivent par contre être prises lors des travaux d’excavation pour les radiers compensés, puisque le relâchement du sol entraîne un gonflement de la surface de la fouille, couramment de l’ordre de 25 à 50 mm dans les sols argileux. Un tel phénomène prend de l’amplitude en cas d’excavations profondes, de l’ordre de 10 à 20 m dans l’argile. Néanmoins, on s’attend théoriquement à ce que le gonflement en fond de fouille soit complètement neutralisé par tassement sous la pression q, supposée au moins égale à la pression des terres à cette profondeur [3]. Conception et calcul des ouvrages géotechniques 134 Il faut aussi s’assurer de la stabilité des parois de la fouille du radier, en vérifiant que la fiche D ne soit pas au-delà de la hauteur limite Hc. Celle-ci est la hauteur avec laquelle le sol d’une fouille verticale se trouve en état d’équilibre limite. Selon Terzaghi (1943), la hauteur critique d’une fouille large de B, de longueur L >>B et de hauteur H<B, dans sol argileux saturé caractérisé par une cohésion non drainée Cu et un poids volumique saturé γsat, est donnée par [9]: Hc 5.7C u C sat u 2 B (4.5) En cas où la fiche dépasse cette hauteur critique, il faut procéder à un soutènement provisoire des parois de la fouille, par exemple avec des rideaux de palplanches ou des parois moulées. La figure 4.1 illustre un exemple pratique des travaux de fondation sur radier avec soutènement des parois. Enfin, dans les cas des radiers compensés, particulièrement ceux du type cellulaire ou caisson, il faut garder une prudence envers le risque de flottabilité de l’ouvrage, sous les poussées d’eau souterraine, en s’assurant que l’eau ne doit jamais atteindre la cote de flottabilité. Celle-ci correspond à l’égalité du poids de l’ouvrage (radier compris) et le poids du volume d’eau déplacé [2]. 4. CALCUL DES RADIERS 4.1. Méthodes de calcul Le dimensionnement d’un radier consiste à déterminer les dimensions avec les quelles les efforts et les déplacements sont en deçà des valeurs admissibles par la structure. La détermination des efforts sert d’une part au calcul de la résistance du matériau du radier (généralement du béton armé), et d’autre part au calcul de la pression q transmise au sol afin de vérifier la condition de la capacité portante. Notons que le calcul de la capacité portante d’un radier suit la même démarche que celle d’une fondation superficielle, exposée au chapitre 2. Il faut cependant noter que le radier, étant en contact avec le sol sur une surface relativement grande, peut s’adapter au cas d’une différence importante de caractéristiques mécaniques entre deux zones sous-jacentes au radier. Autrement dit, l’analyse ponctuelle de la capacité portante dans chaque zone est une démarche possible mais pénalisante, du fait qu’elle ignore la contribution des autres zones adjacentes à la capacité portante globale du radier. Une démarche pragmatique consiste à mener une analyse probabiliste de la variation latérale des propriétés mécaniques du sol, ce qui permet d’obtenir un profil de valeurs caractéristiques de chaque paramètre de calcul en fonction de la profondeur. Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 135 Notons que la valeur caractéristique xk d’une grandeur géotechnique x est une estimation de la valeur moyenne xm. D’ailleurs, l’Eurocode-7 n’utilise pas la valeur moyenne d’une grandeur mais sa valeur caractéristique xk, cette dernière étant définie dans ce règlement telle que la probabilité d’être dépassée du coté défavorable à la sécurité est de 5%. On choisit en général xk <xm pour le calcul de la capacité portante, et xk > xm pour la définition des charges sollicitant l’ouvrage. Un exemple de méthodes de calcul probabiliste des valeurs caractéristiques est celle de Schneider (1997). A la base de la théorie de l’échantillonnage et d’estimation, on obtient la relation générale [10] : xk xm f sd N (4.6) N étant le nombre d’essais ou de mesures, et f est un coefficient statistique dépendant de la fonction de distribution de probabilité (Normale, Student, etc), de l’intervalle de confiance et de la taille N. Enfin sd est l’écart type. Selon Schneider, le coefficient f peut être estimé, avec une bonne approximation, par (√N)/2, ce qui aboutit à : x k x m (1 cv ) 2 (4.7) cv est le coefficient de variation, c'est-à-dire le rapport de l’écart type à la moyenne, soit cv=sd/xm. Le calcul de la capacité portante se fait par la suite à la base des caractéristiques équivalentes le long de la zone utile de la capacité portante, comme il a été vu au chapitre 2. Ces caractéristiques équivalentes sont évaluées comme étant une moyenne des valeurs caractéristiques, tenant ainsi compte des variabilités latérale et verticale de la résistance du sol. Notons que pour éviter des risques de rupture due à la présence des couches molles en profondeur, l’épaisseur de la reconnaissance géo-technique doit être beaucoup plus grande qu’en cas des projets de fondations superficielles. Selon Terzaghi (1948), la profondeur d’investigation du sol sous un radier est au moins égale à sa largeur [8], alors que le guide Véritas stipule de considérer une profondeur d’au moins 1.5 fois la largeur du radier [2]. En deçà de ces valeurs prescrites, la profondeur d’investigation peut s’arrêter en présence d’un substratum. Le calcul des déplacements du radier permet de vérifier que le tassement du sol sous le radier est acceptable, et qu’il ne cause aucun préjudice au bon fonctionnement de l’ouvrage. On dispose en pratique de quatre catégories de méthodes d’évaluation des efforts et des déplacements du radier : Méthode simplifiée de la poutre sur appuis élastiques ou du module de réaction, Méthode du radier rigide, Méthodes du radier sur milieu continu élastique ou méthodes d’élasticité, Méthodes numériques. Conception et calcul des ouvrages géotechniques 136 4.2. Méthodes du Module de réaction En subdivisant le radier en tranches, chacune peut être schématisée par une poutre en contact avec le sol. Ce dernier est supposé en comportement élastique, tel que sa réaction q en un point donné se déplaçant de s, est équivalente à celle d’un ressort élastique de raideur k, comme le schématise la figure 4.10 (a). On peut ainsi écrire que : q=ks (4.8) k, ayant la dimension d’une force par unité de volume, est dit coefficient de réaction, et l’équation ci-dessus est la formulation de l’hypothèse bien connue de Winkler (1867), relative au contact d’une poutre avec un sol élastique. Il faut noter que ce concept est très fécond et a permis un développement important des méthodes numériques de calcul des pieux et puits sous efforts latéraux, des rideaux de palplanches et des barrettes (parois moulées porteuses). Les chapitres ultérieurs, traitant du calcul de ces ouvrages, présenteront en détails les méthodes de calcul moderne, basées sur ce concept. Le module de réaction est par définition le produit du coefficient de réaction fois la largeur B. Reprenons l’équation (3.9) de calcul du tassement d’une fondation superficielle à l’aide de la méthode pressiométrique : B 4 s (q v 0 )B 0 d (q v 0 ' )s B 18E m 9Em B0 (4.9) On remarque que le rapport (q-σv0)/s n’est autre que le coefficient de réaction k, tel que : k 9E m B 2B 0 d s B B0 (4.10) On obtient ainsi une formulation très pratique, permettant un calcul simple du module de réaction à partir du module pressiométrique. Le règlement Français CCTG-93 précise qu’en cas d’un sol hétérogène vis-à-vis du module pressiométrique, le module de réaction est évalué en fonction des modules équivalents de la zone sphérique et déviatorique [11] : Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 137 Figure 4.10. Schémas d’interaction du radier avec le sol [1] (a) et (b) Méthode de la poutre sur appuis élastiques (c) Méthode du radier rigide. Bs 1 2B 0 B d d k 9Em B 0 9Esm (4.11) Les équations (4.10) et (4.11) sont prescrites en cas de chargement de longue durée. En cas de sollicitation de courte durée d’application, ce règlement recommande de considérer des valeurs doubles de celles de longue durée. Toutefois, le règlement précise que de telles formulations ne sont valides que si la poutre étudiée est flexible, c'est-à-dire que : B1≤ 2L0 (4.12) Conception et calcul des ouvrages géotechniques 138 L0 étant la longueur élastique ou longueur de transfert, telle que : L0 4 4E p I p (4.13) kB1 En considérant une poutre de section rectangulaire, telle que schématisée en figure 4.10 (b), la condition de validité devient, en remplaçant le moment d’inertie Ip par Bh3/12 [11]: B1 2 4 h 3Ep (4.14) 3k On peut aussi évaluer le coefficient de réaction verticale, comme le recommande Terzaghi (1955), à partir d’un essai de chargement d’une plaque carrée de 0.3 m de coté, soit k0.3, et déduire celui d’une semelle carrée kBxB comme suit, en notant que l’unité de B est le mètre [1] : 2 k BxB B 0.3 k 0.3 dans le sable 2B 0.3 k BxB k 0.3 2B dans l’argile (4.15) (4.16) Le coefficient de réaction d’une fondation rectangulaire est donné, selon Terzaghi, par : k k BxB B L 1.5 1 (4.17) Il se dégage de cette équation que le coefficient de réaction d’une semelle infiniment longue est égal approximativement à 2kBxB/3. Enfin, il est possible selon Scott (1981), d’évaluer le coefficient de réaction dans les sols sableux, à partir de l’essai SPT, à partir de la formule suivante, en fonction du nombre de coups corrigés Nspt [1] : k=1.8Nspt (4.18) La figure 4.10-(b) schématise une poutre soumise à une charge concentrée Q, et la coupe transversale A-A, avec une largeur B1 de la section, qui est en fait la Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 139 largeur de la bande transversale étudiée du radier. L’équation de déformée d’une poutre fléchie est donnée par : Ep I p d 2s( x) M y ( x) dx 2 (4.19) La pression q(x) de réaction du sol à la section A-A est liée à l’effort tranchant T(x), au moment fléchissant My(x), et au tassement s(x) selon l’équation (4.8) de Winkler, comme suit : d 2M y dT q( x) ks( x) dx dx 2 (4.20) Combinant les deux équations précédentes, on obtient l’équation classique de déformée d’une poutre sur appuis élastiques : d 4 s( x) Ep I p kB 1 s( x) 0 dx 4 (4.21) La solution générale en termes de tassement est de la forme : x s( x) exp L0 x A 1 cos L0 x A 2 sin L0 x exp L0 x A 3 cos L0 x A 4 sin L0 Les quatre constantes d’intégration A1 à A4 dépendent des conditions aux limites de la poutre. Le paramètre L0, donné par l’équation (4.13), est dit longueur élastique ou longueur de transfert. Les dérivations successives de la solution en tassement permettent d’obtenir la rotation, le moment fléchissant, l’effort tranchant à la section étudiée, et l’équation (4.8) donne directement la pression q(x) transmise au sol. Notons que cette équation a été aussi intégrée dans le cadre d’un comportement élastoplastique du sol, ce qui présente un intérêt pratique, puisqu’elle permet de déterminer les pressions transmises au sol dans le domaine de la rupture, et de vérifier ainsi la capacité portante du sol par les méthodes vues au chapitre 2. Notons qu’en cas d’un chargement complexe, la solution dans le cadre du comportement élastique du sol, s’obtient en superposant les solutions de chaque chargement pris à part [1]. En notant par L la distance entre les voiles ou les poteaux sur la bande étudiée du radier, on constate que la déformée du radier est pratiquement uniforme, ce qui correspond à un radier très rigide, en cas où [2]: 140 Conception et calcul des ouvrages géotechniques L 1.57 L0 2 (4.22) Dans le cas contraire, la bande étudiée du radier est considérée comme souple. Dans la pratique, on considère couramment que les radiers épais (h>L/10) sont considérés comme très rigides [2]. L’exemple suivant, extrait de la référence 1, correspond à un radier-dalle, illustré à la figure 4.11, ayant une longueur de 21.5 m, une largeur de 16.5 m, une épaisseur de 0.8 m, un module d’élasticité de 21000 MPa, et soumis à des charges verticales transmises par des poteaux. Supposons que le coefficient de réaction k est égal à 8000 kN/m3 et considérons la bande AGHF, large de 4.25 m. La longueur élastique est égale à : 4.25x0.8 3 (4)(21x10 6 ) 12 4 =4.60m L0 (8000)(4.25) (4.23) Figure 4.11. Exemple de radier-dalle soumis à des forces verticales transmises par des poteaux [1] Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 141 On voit que cette bande se comporte comme un élément rigide, puisque la longueur L entre poteaux=7m <1.57x4.6=7.22 m. La littérature d’élasticité est abondante en matière de solutions analytiques de cette équation (Hetenyi (1946), Melerski (2001), etc). Il existe en outre des programmes de calcul automatique permettant une intégration numérique de l’équation (4.21). Citons à titre d’exemple, le programme BPT développé par Melerski (2006) à l’université de Tasmania, en Australie. Ce programme permet de mener une analyse élastique linéaire des poutres, plaques circulaires, et réservoirs cylindriques en contact avec un massif élastique, modélisé en tant que milieu continu ou en ressorts de Winkler. L’introduction, l’analyse et l’interprétation des données et des résultats se fait dans un environnement convivial et très interactif. On obtient tous les éléments de dimensionnement, notamment les déplacements, et les efforts dans les différentes sections. La figure 4.12 illustre l’exemple d’une bande de radier uniformément chargée, la fenêtre en haut étant pour l’introduction des caractéristiques géométriques de la fondation, et celle en bas illustrant le diagramme de pression de réaction du sol le long de la bande. 4.3. Méthode du radier rigide En cas d’un radier rigide, le tassement se manifeste par un déplacement d’ensemble et non pas par déformation par flexion (ou déflexion). Comme le montre la figure 4.10-(c), le diagramme de pression de réaction du sol est linéaire sous le radier, et la résultante des forces appliquées sur le radier coïncide évidemment avec celle de la pression de la réaction du sol. Le diagramme des pressions est par contre uniforme si la résultante des forces appliquées est centrée sur la surface de contact sol/radier [2]. Outre le calcul des efforts pour la vérification de la résistance du matériau du radier (en béton armé en général), on s’intéresse à déterminer le diagramme de pressions de réaction q sous le radier et vérifier ainsi la capacité portante. 4.4. Méthodes d’élasticité Dans la méthode du module de réaction, la réaction du sol est modélisée par celle d’une infinité de ressorts élastiques. Le sol peut être considéré comme un milieu continu élastique linéaire, et appliquer ainsi au système sol/radier la théorie d’élasticité. Celle-ci est par contre limitée à étudier des configurations simples de géométrie ou de chargement. 142 Conception et calcul des ouvrages géotechniques En cas d’un radier continu sous une pression verticale uniforme, la distribution de pression p sous le radier est donnée par Borowicka (1939) à la figure 4.13, en fonction de la rigidité relative radier/sol. Celle-ci est calculée par l’équation (4.1). Le tassement au milieu du radier peut se calculer à partir des équations de l’annexe 1, pour les cas extrêmes d’un radier infiniment rigide ou très souple. Figure 4.12. Exemple de fenêtres du logiciel BPT- Calcul d’une poutre uniformément chargée en contact avec des ressorts élastoplastiques de Winkler Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 143 Figure 4.13. Distribution des pressions dans le sol le long de la largeur d’un radier continu [6] Sous une force concentrée appliquée à une distance s, comme le schématise la figure 4.7, Brown (1669) a proposé la détermination du tassement au centre et le long du radier, à travers les abaques de la figure 4.14, pour différentes valeurs de la rigidité relative Kr calculée par l’équation (4.2). Le facteur d’influence Is, tiré de ces abaques, permet le calcul du tassement selon l’équation (3.4) du chapitre précédent. Brown (1969) a étudié le cas d’un radier circulaire sous une pression verticale uniforme q. La figure 4.15 illustre le diagramme de mobilisation de la pression du sol sous le radier, et la figure 4.16 permet de calculer le tassement différentiel en fonction de la rigidité relative, donnée par l’équation (4.3). Le tassement uniforme au centre du radier peut s’évaluer à partir des équations correspondantes en annexe 1 du chapitre 3. Les références 6 et 12 comportent d’autres solutions relatives à des configurations sol/radier simples. En termes d’évaluation du tassement, ces méthodes ont pour handicap la difficulté de définition des caractéristiques élastiques du sol, ainsi que leur limitation à des configurations géométriques et mécaniques simples rarement rencontrées dans la pratique des projets géotechniques. 144 Conception et calcul des ouvrages géotechniques Figure 4.14. Facteurs d’influence du tassement au centre et le long du radier continu sous une charge ponctuelle [6] Figure 4.15. Distribution des pressions dans le sol le long d’un rayon d’un radier circulaire[6] 4.5. Méthodes numériques En réalité, le problème d’interaction radier-sol est assez complexe et les méthodes vues ci-dessus se basent sur des modèles assez simplistes. En fait, le sol manifeste un comportement non linéaire prononcé trahissant ainsi toutes les hypothèses de l’élasticité. Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 145 Figure 4.16. Abaque du tassement différentiel en fonction de la rigidité relative d’un radier circulaire [6] En outre, la variabilité spatiale des propriétés du sol doit être tenue en compte lors de toute modélisation. Enfin, on rencontre souvent des géométries de plus en plus complexes du radier, et il arrive des fois qu’il soit nécessaire d’étudier un phasage des travaux de fondation (radier dans une fouille) ou l’application d’un chargement progressif. Tous ces aspects, représentant un handicap pour les méthodes analytiques qu’on a déjà vues, peuvent être pris en compte lors d’un calcul par la méthode des éléments finis ou de différences finies. Il existe une diversité de logiciels permettant une modélisation aisée de ce type de problèmes. Citons d’une manière non exhaustive les progiciels à la base d’éléments finis Plaxis 3D Foundation, Cesar, et Lusace. La figure 4.17 illustre à titre d’exemple un maillage par éléments finis d’une centrale nucléaire fondée sur un radier à géométrie complexe. 146 Conception et calcul des ouvrages géotechniques Figure 4.17. Exemple de modélisation de l’interaction sol-radier-structure [13] Chapitre 4 : Dimensionnement des radiers 147 5. APLICATIONS 1. Quelle est l’utilité du dallage-radier dans un bâtiment ? 2. Comparer le fonctionnement d’une fondation mixte et celui d’une fondation sur radier ? 3. Reprendre les données de la figure 4.11, schématisant un radier rigide soumis à des forces verticales transmises par des poteaux, et calculer les pressions de réaction aux points A, B, C, D, E et F. 4. Quelle est la différence de comportement entre un radier rigide et un radier souple ? 5. Comment classe-t-on du point de vue rigidité le comportement d’un radier rectangulaire ayant une rigidité relative Kr égale à 0.05, réalisé sur un sol de grande épaisseur et soumis à une surcharge uniforme ? Même question s’il s’agit plutôt d’un radier circulaire ayant la même rigidité relative. 6. Quel est le rôle d’un joint de rupture en cas d’une structure souple subissant un tassement différentiel non négligeable ? 7. Un bâtiment administratif comporte un rez-de-chaussée, 6 étages et 2 sous-sols chacun épais de 3 m, le tout reposant sur un radier épais de 0.50 m, réalisé dans un sol limoneux saturé ayant un poids volumique de 18 kN/m3. La pression globale transmise au sol sous le radier est de 100 kPa. A partir de quelle profondeur de la base du radier, par rapport au terrain naturel, le tassement est-il négligeable ? Comment appelle-t-on ce type de radier ? 8. Peut-on concevoir une structure souple sur un radier souple ? Pourquoi ? 9. Reprendre les données du l’exercice 7, en considérant le bâtiment réalisé dans un site argileux saturé très plastique assez homogène, caractérisé par une cohésion non drainée moyenne de 30 kPa et un poids volumique saturé de 18 kN/m3. Sachant que le radier est une dalle rectangulaire large de 30 m, Y’a-t-il une stabilité des parois de la fouille au moment des travaux des fondations ? 148 Conception et calcul des ouvrages géotechniques RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Das B. M (1984) Principles of foundation engineering, edition: Brooks/Cole Engineering Division, Wadsworth, Inc., Belmont, California, ISBN: 0-53403052-1,595 p. 2. 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