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Les Révolutions Esthétiques de la fin du XIX siècle

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Les révolutions esthétiques
de la fin du XIXe siècle
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Sommaire
I. Les États-Unis et l’architecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
II. Les Arts and Crafts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
III. L’Art nouveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
En résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Crédits des illustrations :
© Fotolia, The National Park Service, William Morris Gallery,
Velela /Wikipedia, Cary Bass, J .P . Dalbéra, Sailko
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Les révolutions esthétiques de la fin du XIXe siècle
Les inventions technologiques de cette époque ont grandement contribué à rénover en profondeur l’esthétique des bâtiments, des meubles, des objets. Le mouvement Art nouveau
initia cette volonté de rupture avec les esthétiques du passé. Soutenu par des créateurs polyvalents, ce mouvement a engendré des créations architecturales nombreuses encore visibles
en Europe.
Les révolutions esthétiques de la fin du XIXe siècle
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I . Les États-Unis et l’architecture
À la fin du XIXe siècle, qui voit surgir la « révolution industrielle » (une véritable rupture avec les époques précédentes), on découvre de nouveaux
matériaux pour la construction, le fer et l’acier particulièrement. On
imagine de nouvelles formes dans l’habitat et les mentalités des créateurs se transforment. On sort enfin de l’étouffement et de la surcharge
du XIXe siècle qui, un peu perdu face à ces problèmes nouveaux, avait
d’abord pensé pouvoir les résoudre en recourant aux styles anciens. On
recherche maintenant des formes épurées, qui découlent du matériau et
de sa mise en œuvre.
L’objet, le meuble, et même l’espace, deviennent le résultat d’une technicité. On a alors souvent parlé, à propos de réalisations monumentales comme le Crystal Palace présenté sur la figure, ou comme la tour
Eiffel (1889), d’un art de l’ingénieur, tant les possibilités offertes par ces
nouvelles techniques exigent de nouveaux savoir-faire.
Fig. 1 Le Crystal Palace. Conçu pour l’exposition universelle de Londres de 1851, ce bâtiment, détruit
depuis par un incendie en 1936, est l’un des premiers grands exemples d’architecture métallique. Il est
imaginé non pas par un architecte mais par un jardinier, Joseph Paxton, qui transpose ici son savoir-faire
acquis dans la construction de serres. Le bâtiment est préfabriqué. Édifié en neuf mois, il pouvait être
démonté et remonté.
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Les révolutions esthétiques de la fin du XIXe siècle
Cependant, il ne faut pas croire que le XIXe siècle soit aussi uniformément
novateur. Dans de nombreux cas, les industriels et les artistes ne savent
pas quoi faire des nouvelles possibilités techniques, et se contentent de
copier les modèles des siècles passés, créant ainsi une saturation de
styles et de babioles. Dans de nombreux pays se manifestent des réactions contre l’absence de créativité et de qualité des constructions.
Cela va être le rôle des différentes avant-gardes, dont l’objectif sera de
trouver les nouveaux langages qui vont avec ces nouvelles possibilités.
Un bouillonnement d’idées nouvelles commence alors à se manifester en
Europe et en Amérique du Nord. Les dernières décennies du XIXe siècle
sont marquées par l’apparition de théories nouvelles en architecture,
dont une certaine partie provient des États-Unis.
En effet, peut-être encore plus que leurs homologues européennes, les
villes américaines sont marquées par l’augmentation rapide de leur population. Dans le même temps, de nouveaux matériaux et de nouvelles
techniques de construction apparaissent. Moins frileux que leurs cousins
européens, les Américains vont saisir cette occasion pour réfléchir à de
nouveaux types de bâtiments.
Henri Labrouste (18011875) est l’un des premiers
architectes français à utiliser le
béton, créateur entre autres de la
bibliothèque Sainte-Geneviève à
Paris .
La ville de Chicago connaît en 1871 un incendie qui ravage son centre.
L’occasion est donnée de repartir de zéro et d’imaginer ce que pourrait être une ville moderne. Henri Hobson Richardson (1838-1890), qui
a travaillé pour Labrouste, devient, avec son style massif refusant toute
référence historique, un modèle pour toute une génération d’architectes.
Les architectes de Chicago (on parlera d’ailleurs de « l’école de
Chicago ») se voient ainsi offrir un programme de construction libéré de
toute référence historique, complètement novateur, qui va ouvrir la voie
au Mouvement Moderne (voir plus loin).
Le gratte-ciel est une figure majeure de ce mouvement, rendu notamment possible grâce à l’invention de l’ascenseur, datant de 1852 mais qui
ne se répand largement qu’après 1880 avec l’invention, par Siemens, de
l’ascenseur électrique. Les immeubles peuvent désormais être de plus en
plus hauts. Un nouveau style d’édifice apparaît, en même temps qu’un
nouveau mode d’organisation de la ville.
Fig. 2 Reliance Building, Chicago, Architecte :
Burnham & Atwood (1891-1895), Cornell
University Library
Louis Sullivan (1856-1924) est l’un des principaux acteurs de ce mouvement. Si l’on connaît principalement de lui la phrase célèbre « la forme
suit la fonction », il n’en rejette pas pour autant tout aspect décoratif,
comme le montre l’illustration suivante, qui représente le magasin
Carson, Pirie & Scott. Les entrées principales de ce magasin, bien connu,
sont en effet ornées de plaques de fonte contenant de riches arabesques.
Les révolutions esthétiques de la fin du XIXe siècle
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Fig. 3 Louis Sullivan, magasin Carson, Pirie & Scott, achevé en 1904 à Chicago. Cet immeuble, de structure métallique recouverte de céramique blanche,
comporte dix étages de bureaux, reposant sur un « socle » de deux étages réservés aux magasins.
Il ne s’agit pas encore de renier tout aspect décoratif, mais au moins
d’adapter, presque dans une logique industrielle d’économie de temps
et d’énergie, le plus précisément et le plus rationnellement possible, un
objet, un édifice à sa destination.
À la fin du XIXe siècle, Sullivan accueille dans son agence un jeune architecte qui marquera lui aussi le XXe siècle : Frank Lloyd Wright. Dès ses
premières réalisations, Wright témoigne en effet d’une attention toute
particulière aux nouveaux matériaux et à la pratique de l’espace. Par
exemple, dans sa Fallingwater house (« maison sur la cascade »), il est l’un
des premiers à imaginer une habitation faite de terrasses superposées,
s’ouvrant sur la nature. Ce jeu de niveaux joue à l’intérieur de la maison
un rôle important : il évite les cloisonnements inutiles, et favorise la création d’ambiances différentes (au niveau lumineux notamment, ce qui est
renforcé par les grandes baies vitrées).
Fig. 4 La maison sur la cascade de Frank Lloyd Wright (1935-1939). À gauche, vue de l’extérieur. Au milieu et à droite, vue du living-room depuis la cuisine et
d’une chambre située à l’étage.
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Sa recherche de fluidité,
l’importance qu’il donne
aux circulations et aux relations
entre les espaces, son utilisation de
matériaux bruts (naturels comme la
roche, ou plus récents comme le
béton), son jeu sur les niveaux . . .
font véritablement de Wright un
pionnier de l’architecture et de
l’aménagement du XXe siècle .
De l’autre côté de l’Atlantique, l’Europe et les créateurs européens ont
plus de mal à se débarrasser de leur passé artistique et historique, plus
présent et plus lourd qu’aux États-Unis, pays relativement « nouveau ».
Le style victorien, par exemple, est caractérisé par un mélange des
influences et une certaine nostalgie. Il n’hésite pas à accumuler des bibelots (figurines en porcelaine, petits coffres et autres babioles). Pourtant,
en marge de ces approches « traditionnalistes », des innovations sont
effectuées. Le béton armé est ainsi inventé en France, et on en trouve des
exemples d’utilisation dès les années 1900.
L’architecte ingénieur français Auguste Perret, par exemple, est l’un des
premiers à pousser le plus loin possible cette technique, en imaginant
pour un immeuble de huit étages, le 25 bis rue Franklin, bâti en 1903
à Paris, une ossature spécifique qui ne nécessite plus de murs porteurs,
rendant ainsi possibles des aménagements intérieurs plus libres, des
espaces plus ouverts et plus lumineux.
Mais tous les créateurs n’ont pas l’originalité de Perret, et il est difficile
en Europe de s’affranchir totalement des visions du passé. Plusieurs
courants, venant d’Angleterre, de Belgique, d’Espagne, vont pourtant peu
à peu modifier cette manière de voir et de penser passéiste, en essayant
d’adapter leurs créations à la nouvelle époque historique qui se met en
place.
II . Les Arts and Crafts
En Angleterre, en particulier, apparaît à la fin du XIXe siècle chez les
artistes et les critiques, un sentiment de regret devant le déclin général
de l’artisanat, conséquence de la révolution industrielle. Une méfiance
s’installe également à propos du système industriel, amenant inéluctablement une modification des rapports des classes sociales entre elles et
des hommes avec les objets. Le mouvement des Arts and Crafts (littéralement « art et artisanat ») par exemple, initié à cette époque par Ruskin et
William Morris, constate le passage d’un mode spécifique de production
(préindustriel) où la fabrication des objets et « leur utilisation demeureraient en circuit fermé, ne dépassant pas les limites d’une région, d’une
classe sociale, voire d’une famille » à une production massive qui « donne
naissance à la concurrence et exige le renouvellement plus fréquent des
objets, élargit la distribution et suscite les intermédiaires commerciaux ».
Alors, « le contact direct entre producteur et consommateur disparaît
donc, et les relations se déshumanisent ».
William Morris critique la machine et l’industrie, responsables
de profondes mutations sociales, et prône le retour à un artisanat
néo-moyenâgeux, où l’ouvrier maîtriserait totalement la chaîne productive et connaîtrait le destinataire de son ouvrage. Ne voulant pas de cette
profusion d’imitations, d’objets de pacotille, d’ornements que produit
l’industrie, Ruskin et Morris appellent à une restauration d’un rapport
authentique entre client et fabricant.
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C’est ainsi que le mouvement des Arts and Crafts s’organise en un réseau
d’ateliers boutiques, dans lesquels sont proposés au client tous les
produits nécessaires à l’aménagement de son habitat. Il est ainsi l’un des
premiers à tenter de mettre en place une démarche globale de création,
qui s’étend de l’architecture au meuble en passant par les tissus d’ameublement, les décors, etc.
Par exemple, pour la Maison Rouge de William Morris, qui est présentée
ci-dessous, Philip Webb s’est certes un peu inspiré d’un style médiéval ou
traditionnel, mais il a surtout cherché à rendre fidèlement les matériaux,
sans fioritures ou ornementations. Même si elle rejette l’industrialisation
excessive, cette approche préfigure déjà d’une certaine manière plusieurs
points de l’architecture moderne : la simplicité des formes, la « vérité »
des matériaux, la prise en compte d’un contexte géographique et culturel
particulier, etc.
Fig. 5 Papiers peints de William Morris de 1864, 1875 et 1882
Fig. 6 Philip Webb, « Maison rouge », Bexley Heath, Londres, 1859-1860
Ces démarches n’ont évidemment pas pu contrer l’énorme machine
industrielle qui se mettait en place. Elles ont cependant le mérite d’avoir
ouvert les yeux du public sur les questions de goût, d’aménagement, et
elles ont amené avec elles la notion d’« authentique », de « fait main ».
Elles ont cherché à allier la dimension artistique à la dimension sociale et
à un certain regard sur la société, préfigurant ainsi bien des mouvements
d’avant-garde à venir.
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Les révolutions esthétiques de la fin du XIXe siècle
III . L’Art nouveau
Beaucoup d’artistes et de créateurs européens, s’ils appréciaient les
remarques de Morris et de Ruskin sur l’importance des questions
d’aménagement, ne partageaient pas leur idée de revenir à l’artisanat
néo-moyenâgeux, préférant imaginer, pour la nouvelle société qui se
mettait en place, des critères artistiques nouveaux. Ces artistes en avaient
assez des références passées. Ils désiraient tous un art neuf, basé comme
le préconisaient les Arts and Crafts sur le respect des qualités propres à
chaque matière et prenant en compte tous les secteurs de l’habitat, mais
amenant aussi un type de décor complètement nouveau.
C’est ainsi que naît l’Art nouveau, appelé également Moderne Style
en France et en Angleterre, Liberty en Italie, Jugendstil en Allemagne,
Sécession à Vienne, Modernista en Espagne... Il englobe l’environnement, les arts appliqués, le décor de la vie. Il s’inspire principalement des
éléments naturels : végétaux, fleurs, coquillages, os, etc. Une autre de ses
caractéristiques principales est l’inspiration orientale, et en particulier
japonaise, refusant la symétrie et privilégiant la courbe.
Cela s’explique : à l’époque, l’art japonais commence à arriver en
Occident, et de grandes collections commençaient à se constituer à son
sujet. L’une des plus importantes est, à New York, celle de Louis Comfort
Tiffany, artiste qui s’inspire des œuvres d’art nipponnes dans ses céramiques et ses verreries aux délicates couleurs arc-en-ciel. L’influence de
l’art oriental japonais marque également le style Liberty. La maison de
décoration d’Arthur Lasenby Liberty, à Londres, réalisait des ensembles
décoratifs pour lesquels il éditait des meubles, tissus, objets en métal et
en verre dont la mode fut considérable.
Fig. 7 Vitraux, Louis Comfort Tiffany (Tiffany Glass and Decorating Company), New Britain Museum of American Art (à droite),
Metropolitan Museum of Art (à gauche)
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Un des représentants les plus connus de l’art nouveau est l’espagnol
Antoni Gaudi (1852-1926). Célèbre auteur de la cathédrale Sagrada
Famìlia de Barcelone, inachevée à sa mort, il est également le créateur de
nombreuses habitations et décorations intérieures d’inspiration végétale.
Bien souvent, ses réalisations ne possèdent pas d’angles droits. Elles sont
ondulantes et asymétriques. Chez Gaudi, contrairement à ce que l’on
pourrait croire, le dessin ne se fait pas au hasard : les épaisseurs les plus
importantes sont en général placées, sans que le spectateur ne puisse le
remarquer, aux endroits soumis aux charges les plus fortes.
Parmi ses autres réalisations très connues à Barcelone, nous pourrions
citer la Casa Milà, vaste immeuble d’habitation terminé en 1910, tout en
lignes ondulantes, qui est aussi un exemple de design global, ou encore le
parc Güell (1900-1914), pour lequel il dessine un paysage d’une grande
diversité.
Fig. 8 Antonio Gaudi, façade et vue d’une salle à manger de la Casa Batlló, Barcelone, 1906
En France, l’arabesque à base de tige contorsionnée aux élégantes volutes
stylisées caractérise les années 1900 ; la plante est associée au fer, au
verre, à la céramique, à la pierre de taille, à la brique : le naturalisme
de l’Art nouveau n’est pas du camouflage décoratif, il est étroitement
associé à la structure. Hector Guimard (1867-1942), dessinateur de
nombreuses entrées du métro parisien, s’est également beaucoup occupé
de la maison en temps qu’objet. Il se donne le titre d’« Architecte d’Art ».
Le désir de faire de la maison une totalité architecturale et décorative,
une sorte de synthèse de toutes les acquisitions de la technique et de l’art
inspira son fameux Castel Béranger (1894-1898), rue La Fontaine à Paris,
dont il dessina jusqu’au moindre bouton de porte.
En Belgique, l’architecte-décorateur Victor Horta (1861-1947) réalise, en
1893, avec la construction de l’Hôtel Tassel à Bruxelles, la première expérience d’architecture organique et fonctionnelle où les besoins déterminent les volumes et où les nouveautés techniques, jamais employées
jusque-là dans une demeure privée, conditionnent la forme. Le fer et le
verre, abondamment utilisés, y sont hardiment montrés. C’est le début
d’une série de constructions toutes réalisées par Horta dans la capitale
belge, notamment la Maison du Peuple (1896-1899), qui révèlent son
extraordinaire maîtrise.
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Fig. 9 L’escalier principal du Castel Béranger ; des briques
de verre soufflé (au fond derrière l’escalier), inventées
par l’architecte Georges Falconnier, ont été utilisées
par Hector Guimard pour éclairer et décorer la cage de
l’escalier principal dont on voit au premier plan la rampe
en fer forgé et son décor art nouveau
Fig. 10 Victor Horta, cage d’escalier de l’hôtel Tassel, Bruxelles, 1893
L’architecte Henry Van de Velde, persuadé qu’une maison d’habitation
doit exprimer le goût et l’esprit de ses occupants, bâtit pour lui et sa
famille (1895-1896) la maison Bloemenwerf près de Bruxelles : conçue
à partir de l’intérieur, la notion de foyer a conditionné son plan, centré sur
un hall médian à deux étages sur lequel s’ouvrent les différentes pièces,
avec des meubles généralement encastrés. La révolution de cette maison
est due à sa simplicité prononcée en opposition avec les façades surchargées de l’époque.
Lorsque l’on évoque l’époque 1900, on ne peut passer sous silence l’école
de Nancy dont les deux principales figures sont Émile Gallé et Louis
Majorelle. Cette école, la seule d’origine provinciale qui a pris la tête en
France d’un renouveau artistique, fut créée par Gallé en 1880. Son but
était de « développer en Lorraine la prospérité des industries manuelles
artistiques » en fondant une pédagogie particulière et en exposant régulièrement les meilleurs travaux d’art. C’est à l’Exposition Universelle de
1900 que les artistes nancéens firent la preuve qu’un nouveau style était
né, principalement fondé sur l’utilisation de la flore dans le mobilier et
les objets (verrerie, marqueterie...). Parmi les créateurs présents dans cette
école, on trouve les frères Daum, verriers, Jacques Gruber graveur et
dessinateur de meubles, l’architecte et ébéniste Eugène Vallins.
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Louis Majorelle fut un remarquable artisan ébéniste (tout en étant ferronnier et créateur de tissus), dont les meubles évoquent par excellence le
style 1900 : simplicité et harmonie des formes, courbes tendues comme
des arcs, peu de sculptures, utilisation discrète de la nature à laquelle il
ne donne pas de rôle symbolique. Majorelle soumet le décor à la forme.
Gallé, quant à lui, réalise des verreries où la flore fait corps avec la forme
qui s’inspire elle-même de la nature. Ces « sculptures de verre » ont
souvent pour message d’exprimer symboliquement les pensées philosophiques, esthétiques ou spiritualistes de leur auteur. Gallé conçut également des meubles pour lesquels il utilise les bois aux tons clairs.
Fig. 11 Un autre exemple de réalisation d’Henry Van de Velde, le cabinet de travail présenté à l’exposition de la Sécession de Vienne, 1899.
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Fig. 12 Louis Majorelle
(en collaboration avec la
manufacture Daum), lampe
de table Fleurs de pissenlit,
modèle créé vers 1902,
verre gravé, pied en fer forgé
Fig. 13 Émile Gallé, vase,
musée Deu, El Vendrell
Style « nouille » : ce terme
péjoratif, utilisé principalement par ses détracteurs, désigne
le mouvement Art nouveau .
Il est à noter qu’à la fin du
XIXe siècle et au début du
XXe siècle, les décorateurs d’intérieur sont souvent des architectes .
En effet, lorsqu’ils concevaient un
immeuble, une maison d’habitation, ils étudiaient aussi l’aménagement intérieur . La construction et
la décoration formaient un tout
indissociable .
Fig. 14 Louis Majorelle, bureau « Nénuphar », acajou et chrysocale, 1902
L’originalité des créateurs de 1900 échappa presque totalement au grand
public qui n’y vit que vertige et décor. Il ne retint des utilisations florales,
des arabesques, des matériaux nouveaux que le « style nouille », la déliquescence de certaines formes, sans s’apercevoir que loin d’être une
manifestation marginale, ce style participe d’un mouvement général,
sensible dans toute l’Europe, qui veut répondre au machinisme par l’affirmation de toutes les forces génératrices de la vie.
Pour les architectes et les décorateurs de 1900, il s’agissait surtout de
répondre aux transformations de la vie, aux acquisitions de la technique
et de l’industrie par un style qui prendrait le contre-pied du goût académique et éclectique. L’Art nouveau représente un effort considérable,
d’abord pour supprimer ce mauvais goût et créer des formes nouvelles
fondées sur la réhabilitation des métiers d’art, ensuite pour provoquer un
esprit différent dans la société.
Parmi les autres innovateurs de cette époque en mutation, il faut évoquer
l’architecte hollandais H.P. Berlage qui s’intéresse à l’ameublement, aux
papiers peints, à la verrerie tout en révolutionnant l’architecture par ses
réalisations hardies et novatrices (Bourse d’Amsterdam réalisée de 1897
à 1903). Nous pourrions également citer les œuvres de l’écossais Charles
Rennie Mackintosh, qui manifestent toutes une originalité et une grande
recherche dans la répartition des volumes dans l’espace. Charles Rennie
Mackintosh s’intéresse beaucoup aux arts appliqués et conçoit des
meubles d’une beauté toute géométrique, mais assez peu fonctionnels.
Cependant, son souci de rationalité et de géométrisation des formes en
fait un des précurseurs du mouvement Moderne. Son œuvre principale
est l’école des Beaux-Arts de Glasgow, réalisée en 1897-1899.
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Fig. 15 Charles Rennie Mackintosh. À gauche : bibliothèque de la Glasgow School of Art. Au milieu : chambre à coucher de la Villa Hill House, créée à
Helensburgh près de Glasgow (1903). À droite : chaise en frêne teinté noir ébène, destinée à l’origine à la Hill House, aujourd’hui éditée par Cassina.
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En résumé
Les États Unis et l’architecture
Les matériaux nouveaux révolutionnent l’architecture qui s’allège et prend de la hauteur (verre, acier,
béton) ; les espaces intérieurs s’ouvrent.
Seules les avant-gardes explorent au maximum les possibilités techniques et esthétiques de ces matériaux, les autres continuent de copier les styles passés.
Les Arts and Crafts
Traduit par « art et artisanat », ce mouvement (dont William Morris est l’instigateur) valorise une démarche
globale de création qui place l’artisan et l’homme au centre du processus.
Ce mouvement critique le système industriel et la production massive d’objets.
Il se caractérise par la simplicité des formes, l’authenticité des matériaux, la prise en compte du contexte
géographique de production (retour à une production de proximité).
L’influence de ce mouvement sur son époque est décisive : la qualité esthétique des objets, le « fait main »,
la notion d’« authentique » sont valorisées.
L’Art nouveau
Les artistes à l’origine du mouvement Art nouveau ont réagi à une saturation face aux références esthétiques artistiques issues du passé. Ils ont voulu rénover en profondeur les sources d’inspiration et exploiter
les techniques nouvelles à leur disposition.
Ces sources d’inspiration nouvelles sont essentiellement liées aux éléments naturels (fleurs, animaux,
végétaux en général...). Les arts orientaux inspirent également les artistes occidentaux (Japon).
Les créations d’art nouveau sont caractérisées par l’abondance des courbes, le rejet de la symétrie, la
subtilité des couleurs.
À cette époque, les architectes pratiquent un design global, concevant à la fois les bâtiments, les meubles,
les accessoires, les motifs de papier peint.
Antonio Gaudi est, avec Hector Guimard et Victor Horta, un des créateurs les plus connus et représentatifs de ce mouvement.
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