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protection cathodique des canalisations enterres

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Fiche .
La protection cathodique des canalisations
enterrées
■ S. GASTAUD1
Introduction
La protection cathodique est une technique de
protection anticorrosion pour tous les ouvrages
métalliques enterrés, immergés ou bétonnés.
Cette méthode de protection anticorrosion est largement répandue dans le monde. Elle est connue pour
être fiable et peu coûteuse par rapport aux risques
encourus. Le monde du pétrole et du gaz a une obligation légale de mettre sous protection cathodique
tous ses ouvrages dès lors qu’ils se trouvent dans le
domaine public (arrêté du 4 août 2006).
Depuis une dizaine d’années, il existe une certification en protection cathodique validant les capacités
des agents selon trois niveaux, technicien, ingénieur
et expert. Cette certification a eu pour effet de faire
monter en compétences les techniciens et ingénieurs,
et d’assurer aux donneurs d’ordres une véritable
qualification des sous-traitants.
Actuellement, cette technique est utilisée sur de
nombreux réseaux transportant de l’eau, même si elle
n’est pas encore généralisée.
1. Principe de la protection cathodique
La corrosion est un phénomène électrochimique qui
va agir sur toutes les pièces métalliques qui seront au
contact d’un milieu aqueux.
Le principe de la protection cathodique est d’envoyer
un courant électrique continu dans l’ouvrage susceptible de se corroder, qu’il soit enterré ou immergé.
L’entrée du courant dans l’ouvrage à protéger permet
d’abaisser son potentiel électrochimique en dessous
d’une valeur donnée. Ce potentiel est défini par les
normes de protection cathodique en vigueur,
1 CJP Expertise – 53, rue de la Marche-des-Milles – 13330 Pélissanne.
www.cjp-e.fr
2 Tiré de Initiation à la métallurgie et à la corrosion,
www.cefracor.org/html/publications.htm
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EN 12954 pour la majorité des cas. Il dépend notamment de la nature du métal et du milieu dans lequel il
est plongé. Dans les cas particuliers, la protection
cathodique des structures complexes doit répondre
aux exigences de l’EN 14505.
Potentiel (V)
1,4
1
1,2
Fe
0,8
3+
b
7
Fe2O 3
0,4
Fe
2
2+
0
a
-0,4
3
4
Fe3O 4
6
-0,8
5
Fe
-1,2
-1,6
0
2
4
8
6
10
12
14
pH
Figure 1. Diagramme potentiel-pH (ou de Pourbaix) du fer2
Dans le cas du fer, principal constituant de l’acier, la
zone bleue (figure 1) représente la zone d’immunité,
c’est-à-dire les valeurs de potentiels et de pH pour
lesquelles l’acier ne s’oxydera pas. La zone rose est
celle dans laquelle il s’oxydera et sera stable sous
forme d’ions en solution. Enfin, dans la zone orange,
l’acier forme en s’oxydant des couches d’oxydes protectrices ; sa vitesse de corrosion est alors plus faible.
Dans la zone d’où sortent les courants, le métal se
dissout là où l’eau contenue dans le milieu est
oxydée, des électrons sont libérés dans le métal ; elle
est appelée l’anode.
Dans la zone où entrent les courants, les espèces en
solution se réduisent en captant les électrons fournis
par l’anode, elle est appelée cathode.
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La protection cathodique des canalisations enterrées
Dans les cas de corrosion généralisée, ces deux zones
se déplacent de façon aléatoire sur la surface du
métal, la corrosion atteint toute la surface de façon
uniforme. Dans le cas des corrosions localisées, ces
deux zones ne se déplacent pas, la corrosion pénètre
rapidement dans le métal.
2. Deux techniques disponibles
Deux techniques de protection cathodique sont utilisées pour fournir le courant nécessaire pour contrer
les phénomènes de corrosion.
Ces anodes se présentent généralement sous la forme
d’un cylindre de métal à l’intérieur d’un sac de toile
de jute rempli d’un mélange régulateur (backfill). Cet
ensemble doit être mouillé durant plusieurs heures
avant d’être mis en fouille.
Leur portée est généralement limitée à quelques dizaines de mètres. Il n’est pas possible de régler le courant qu’elles débitent, mais elles offrent une grande
fiabilité et ne nécessitent aucun entretien. Généralement, elles sont dimensionnées pour assurer un fonctionnement optimal durant 10 ans.
2.2. Le courant imposé
2.1. Les anodes sacrificielles ou galvaniques
Les anodes sacrificielles ou galvaniques agissent grâce
au couplage galvanique créé naturellement entre le
métal de l’ouvrage et des anodes constituées de zinc,
d’alliages d’aluminium ou de magnésium, métaux
plus électronégatifs. La différence de potentiel naturel entre les métaux crée une circulation de courant ;
le potentiel de l’ouvrage diminue, alors que celui
de l’anode augmente. L’ouvrage se trouve plus
cathodique, donc se corrode moins vite que s’il était
seul, et les anodes se corrodent beaucoup plus
rapidement que si elles étaient seules.
Figure 2. Anodes sacrificielles ou galvaniques
Avec la technique de courant imposé, un poste transformateur-redresseur (souvent appelé poste de soutirage) génère un courant continu qui circule entre l’ouvrage et un déversoir anodique constitué d’anodes
enfouies ou immergées. Les métaux principalement
utilisés sont l’acier, des alliages fer/silicium/chrome, du
titane recouvert d’oxydes de métaux mixtes. Elles ne
sont pas forcément détruites, contrairement aux anodes
galvaniques. Le courant sort des anodes (pôle «+» du
redresseur) et entre dans l’ouvrage (pôle «-» du redresseur) pour abaisser son potentiel électrochimique.
Ces systèmes sont plus complexes à mettre en œuvre
qu’un système par anodes galvaniques, mais présentent de nombreux avantages par ailleurs. Ils ont une
durée de vie supérieure, environ 20 ans pour les déversoirs. Un seul poste peut assurer la protection de
plusieurs kilomètres de canalisations. Il est nécessaire
de disposer d’une parcelle de terrain, proche de l’ouvrage à protéger (entre 50 et 100 mètres), dans laquelle enterrer le déversoir anodique constitué
d’anodes, et une source de courant électrique.
Figure 3. Mise en œuvre de la technique du courant imposé
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Fiche .
3. Mise en œuvre
• Complémentarité avec le revêtement externe
La protection cathodique sera systématiquement
associée à un revêtement anticorrosion appliqué sur
les canalisations et réservoirs. Ce revêtement a pour
but premier de séparer l’acier du milieu environnant
et de limiter aux seuls défauts de revêtement les zones
d’action de la protection cathodique. Le besoin en
courant de protection cathodique est alors bien
moins important, mais il est alors impératif que le
courant de protection cathodique puisse atteindre le
métal à nu.
Figure 4. Schéma d’un revêtement présentant un défaut ouvert
sans décollement3
La nature de ce revêtement extérieur sera d’une
importance capitale par la suite. Son mode de dégradation va entraîner, dans certains cas, des effets
d’écran à la protection cathodique, laquelle sera alors
inefficace.
Entre les deux configurations, il existe de très nombreuses situations qui nécessitent une étude particulière par un spécialiste. Généralement, les ouvrages
de transport cheminant sur de longues distances ou
ayant de gros diamètres vont être protégés par des
systèmes à courant imposé pour limiter les coûts de
pose et de fonctionnement. Ils présentent l’avantage
d’être souples d’utilisation, relativement faciles
à mettre en œuvre et leur pilotage peut se faire à
distance.
L’environnement dans lequel se trouve l’ouvrage a
aussi un impact sur le système de protection cathodique. La traversée d’une ville, un bras de rivière, des
champs cultivés ou un bord de route salée en hiver
sont à prendre en considération. Les risques de
corrosion dans les sols sont ainsi évalués à l’aide des
normes EN 12501-1 et -2. L’existence de purges,
ventouses, vannes de sectionnement, dérivations,
sont autant d’éléments particuliers à prendre en
compte lors du dimensionnement de la protection
cathodique. Il est aussi possible de protéger les canalisations à l’intérieur d’un château d’eau.
Il est de plus en plus fréquent de trouver des systèmes
télégérés4. Il est ainsi possible à distance de connaître
les paramètres de fonctionnement des postes, de les
régler ou d’être alertés en cas de panne. Cette télésurveillance est généralement compatible avec les
équipements de surveillance en ligne déjà en place
sur les réseaux d’eau.
• Gestion de l’environnement électrique
• Choix du mode de protection
Le choix du système à mettre en place, anodes galvaniques ou courant imposé, va grandement dépendre
de la structure à protéger, mais il peut être admis que
tout dispositif peut faire l’objet d’une protection. Il
est évident que la protection cathodique d’une canalisation de Ø 700 mm cheminant sur 16 km se fera
par du courant imposé, tandis qu’un tronçon de
50 m de canalisation de Ø 50 mm se fera plutôt par
anodes galvaniques.
3 Stéphane Gastaud, Influence de l’état du revêtement hydrocarboné sur le
risque de corrosion des canalisations enterrées de transport de gaz, thèse de
doctorat, INSA Lyon, 2002.
4 www.cefracor.org/doc/PCRA_009.pdf
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Il est impératif de gérer l’environnement électrique
des canalisations. Des interférences entre systèmes de
protection cathodique de plusieurs usagers, courants
vagabonds, courants alternatifs, sont autant de paramètres à identifier pour assurer une bonne efficacité
de systèmes de protection cathodique. L’isolement des
conduites vis-à-vis des équipements de mise à la terre
des installations électriques est à mettre en place pour
éviter tout dysfonctionnement. La proximité de systèmes de traction à courant continu (tram, métro,
SNCF…) nécessite souvent la mise en place de
systèmes de drainage des courants pour éviter des
dommages extrêmement rapides sur les ouvrages
enterrés.
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La protection cathodique des canalisations enterrées
4. Contrôle d’efficacité
Les normes en vigueur recommandent un contrôle
trimestriel du fonctionnement des systèmes à
courant imposé, et annuel pour ce qui concerne
l’efficacité de la protection cathodique. Plusieurs
techniques sont proposées pour évaluer l’efficacité
de la protection cathodique. En fonction de la
complexité du réseau à contrôler, des mesures dites
on/off peuvent être envisagées pour un réseau isolé,
tandis que des mesures sur coupons témoins sont à
étudier dès lors que le réseau est maillé ou perturbé
par des courants vagabonds.
Ces contrôles sont généralement réalisés par des
techniciens assurant la maintenance courante des
systèmes d’injection de courant.
Les contrôles en protection cathodique demandent
une bonne connaissance des techniques de mesures
(EN 13509), et une analyse critique des résultats des
campagnes de mesure. Pour cela, il existe depuis une
dizaine d’années une certification des personnels.
5. La certification en protection cathodique
Dès 1989, les premières normes en protection cathodique sont proposées, et en 1996 deux normes
qualification et certification sont éditées. S’ensuit,
en 1998, la création de la certification Afnor
Compétence en protection cathodique, qui voit en
2000 la délivrance des premiers certificats. Depuis
juillet 2011, Cefracor5 Certification a pris le relais de
l’Association française de normalisation (Afnor).
En 12 ans, et dans les quatre secteurs d’activité, terre,
mer, béton et intérieur des capacités, ce sont quasiment 500 personnes qui ont été certifiées. Seul le
niveau le plus élevé est conservé pour ceux qui
gravissent les échelons de la certification d’où un
nombre de certifiés effectifs inférieur.
Secteur
Niveau 1 S
Mer
Niveau 1 Niveau 2
Niveau 3
Terre
–
169
116
Mer
17
23
15
14
6
Béton
–
–
–
3
Capacités
–
–
–
1
Sous-total
17
192
131
24
Total des certificats
En juillet 2011, Cefracor Certification a également
pris le relais de l’Afnor pour la délivrance de certificats européens, gérant ainsi la totalité de la certification, de l’agrément des centres de formation
(cinq actuellement) aux centres d’examens et à la
délivrance des certificats. Cefracor certification est
en cours d’accréditation Cofrac, donnant ainsi une
nouvelle dimension à la certification en protection
cathodique.
De nombreux investissements ont été réalisés pour
la formation des agents. Le centre de Compiègne,
pour le secteur terre, est accessible pour des formations et sert de centre d’examens. Un centre a été
construit à Brest pour les formations et examens du
secteur mer ; il a pour objectif, dans les prochaines
années, de s’internationaliser et de proposer des
formations en anglais. Enfin, un centre de formation et d’examen pour le béton est en cours de finalisation.
Conclusion
Tous les ouvrages en acier enterrés ou immergés
peuvent bénéficier d’une protection anticorrosion
efficace. Au vu de son efficacité, les coûts de mise en
place et de suivi de la protection cathodique sont
faibles par rapport aux coûts d’investissement et
de fonctionnement. La protection cathodique permet
de réduire la vitesse de corrosion des ouvrages et
d’augmenter considérablement leur durée de vie.
La protection cathodique nécessite des connaissances
en électrochimie, corrosion, électricité, maintenance,
métrologie et règlementation. Le Cefracor s’assure,
par l’intermédiaire de la certification en protection
cathodique, que les agents de terrain et les ingénieurs
ont une excellente connaissance des techniques
de mesures, nécessaire pour assurer une meilleure
maîtrise de la corrosion des ouvrages enterrés. Cette
certification octroie, aux entreprises utilisatrices, des
interlocuteurs spécialisés et, aux agents certifiés, la
reconnaissance de leurs compétences.
364
Tableau I. Nombre de certifiés Cefracor Certification pour la
protection cathodique au 17 avril 2012
5 Centre français de l’anticorrosion.
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