CONSEIL NATIONAL DES DROITS DE L’HOMME DE COTE D’IVOIRE --------------------------UNIVERSITE DES DROITS DE L’HOMME --------------------------ABIDJAN, 12 Octobre 2022 CNDH LA PROTECTION DES DROITS DES REFUGIES ET APATRIDES Par Francis DJAHA djaha@unhcr.org +00225 0707180862 / 0504462811 Administrateur National de protection Bureau HCR – Abidjan 1 Compréhension du thème: La protection des droits des réfugiés et des apatrides Quelques définitions sommaires Protéger: Aider une personne de manière à la mettre à l'abri d'une attaque, des mauvais traitements, du danger physique ou moral. Droits: Prérogative reconnue à une personne par une source du droit sur une autre personne ou sur une chose et dont la méconnaissance peut-être sanctionnée par le recours à la force étatique. Réfugié: Personne ayant fui son pays ou son lieu de résidence pour échapper au risque de violences, de séquestration ou de mort. Apatride: Personne dépourvue de nationalité et donc incapable de jouir des droits civils, politiques, économiques et socioculturels et de bénéficier de la protection juridique d’un Etat quelconque. 2 PLAN Introduction: Au commencement, le sort des réfugiés et des apatrides était lié et les Principes de Protection sont quasiment les mêmes. I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES A. L’éligibilité à la qualité de réfugié B. Le statut du réfugié C. Les solutions durables II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. Les causes et conséquences de l’apatridie B. Le statut de l’apatride C. La fin de l’apatridie 3 INTRODUCTION Les sources les plus anciennes de l’Histoire de notre humanité révèlent que de tout temps, l’homme s’est caractérisé par la mobilité, voulue ou imposée. Celle-ci est parfois le fruit d’actes de cruauté des uns envers les autres, actes qui poussent ces derniers à quitter leur biotope naturel pour rechercher la sécurité ailleurs. Ainsi, devant les guerres, les trafics et traites de tous genres, des hommes se sont ainsi vus contraints de se déporter ailleurs, franchissant parfois la frontière de leurs pays pour parvenir jusqu’à l’étranger où ils ont dû s’adapter pour continuer d’exister. Hormis les déplacements forcés, les hommes sont permanemment à la recherche d’un mieux-être, n’hésitant pas à entreprendre volontairement des aventures proches ou lointaines lorsque les conditions de vie dans leur milieu naturel deviennent difficiles et défavorables. Au-delà de ce que l’éloignement de sa terre peut procurer au migrant des conditions économiques meilleures, il entraine malheureusement et fréquemment une perte d’identité qui complique parfois la pleine intégration dans le milieu d’accueil. Les deux figures présentées ci-dessus renvoient justement aux situations des réfugiés et des apatrides, objet de notre présentation de ce jour. 4 INTRODUCTION Malgré l’ancienneté des phénomènes migratoires sus mentionnés, l’on note cependant que c’est à l’occasion des deux guerres mondiales du 20e siècle que la communauté internationale a commencé à s’intéresser à la protection des réfugiés et apatrides. Le premier texte à portée universelle sur la protection des personnes migrantes remonte à la DUDH de 1948 dont l’article 14 énonçait que « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays ». On va retrouver d’autres allusions à la protection des réfugiés dans les Conventions de Genève de 1949 sur les conflits armés. Ces instruments ont néanmoins été jugés insuffisants pour traiter dans les détails du sort des réfugiés dont on a par ailleurs noté que bon nombre étaient exposés à un risque très élevé d’apatridie. C’est dans ce contexte que l’ONU a résolu de mettre sur pied une agence spécialisée pour s’occuper du sort des réfugiés et apatrides et a envisagé d’élaborer de nouveaux instruments spécifiques sur la protection des réfugiés et apatrides. Ainsi est né le HCR et les premiers textes internationaux relatifs aux statuts des réfugiés d’une part, et des apatrides d’autre part. 5 INTRODUCTION L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a ainsi été créée le 14 décembre 1950 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour venir en aide aux Européens déplacés par le conflit. Elle avait reçu un mandat de trois ans pour résoudre la problématique des réfugiés, et devait ensuite disparaître. Cependant, il avait été remarqué que les déplacements forcés causés par la guerre avait également déconnecté les victimes de leurs territoires d’origine dont elles ne pouvaient plus facilement être rattachées juridiquement. Aussi, dans le cadre de l’élaboration des instruments de protection des personnes déplacées, deux projets avaient été préparés simultanément, mais examinés et adoptés à des dates différentes : l’un pour les réfugiés (la Convention de Genève du 28 juillet 1951) et l’autre pour les personnes apatrides (la Convention de New du 28 septembre 1954). Ces deux instruments constitueront les bases essentielles de cette présentation. La distance entre les régimes juridiques respectifs de protection des réfugiés et des apatrides ne permet pas une analyse conjointe. L’exposé ne peut alors gagner en clarté et en simplicité que si on examine successivement la condition juridique des uns d’abord, puis des autres ensuite. des6 Principes de protection • Non-discrimination. • Non-sanction pour entrée ou séjour irréguliers • Non-détention • Non-refoulement • Non-expulsion… 7 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES Trois points successifs à développer: l’éligibilité au statut de réfugié, le statut de réfugié et les solutions durables à la situation des réfugiés. A. L’ELIGIBILITE AU STATUT DE REFUGIE L’article 1er de la Convention de 1951 définit le réfugié comme « une personne qui craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Cette définition met en exergue des critères de détermination de la qualité de réfugié (1) dont on verra néanmoins qu’ils peuvent être neutralisés par des causes d’exclusion (2). des8 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES 1. Les critères de détermination de la qualité de réfugié La qualité de réfugié suppose réunies un certain nombre de conditions appréciées par une instance spécialement constituée à cet effet. a. Les conditions d’éligibilité Elles sont au nombre de quatre: • Être hors du pays de nationalité ou de résidence habituelle: cette condition permet de distinguer les personnes déplacées internes qui, bien que ayant quitté leur foyer, demeurent sur le territoire de leur pays et continuent dès lors de relever en principe de la responsabilité de leur gouvernement. • Faire l’objet de persécution: il s’agit de menaces ou d’atteintes aux droits fondamentaux tels qu’énoncés par divers instruments internationaux (Déclaration universelle des droits de l’homme; Pacte international des droits civils et politiques; Convention internationale des droits de l’enfant; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples; Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant; Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique encore appelé Protocole de Maputo, etc.) ou par la Constitution. des9 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES • Avoir une crainte Fondée sur l’un (ou plus) des (cinq) motifs prévus par la Convention: le réfugié doit avoir des raisons évidentes de craindre pour sa liberté, sa vie ou celle de ses parents. La crainte est insuffisante lorsqu’elle ne porte que sur une menace aux biens. Par ailleurs, la persécution doit concerner l’un des cinq domaines limitativement énumérés par la Convention de 1951: la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe et les opinions politiques. Il n’en demeure pas moins que la Convention de l'OUA du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ajoute que « Le terme "réfugié", s'applique également à toute personne qui, du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événements troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité ». Le domaine de persécution s’étend donc aux situations de guerre et de violence généralisée. Cette approche extensive des domaines de persécution est aujourd’hui unanimement admise par toutes les instances traitant de la situation des10 des réfugiés. I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES • Ne pas pouvoir ou ne pas vouloir se prévaloir de la protection du pays de nationalité ou de résidence habituelle: Il arrive en effet que les persécutions soient l’œuvre des autorités gouvernementales elles-mêmes. Ceci explique d’ailleurs pourquoi dans le traitement des demandes d’asile, les contacts avec le pays d’origine doivent être empreintes de beaucoup de prudence pour ne pas exposer la sécurité du demandeur à la merci de ses bourreaux. b. L’intervention d’une instance spécialisée de détermination du statut de réfugié Le statut de réfugié ne se présume pas. Il doit être apprécié par une instance spécialement établie et habilitée pour déterminer qui est ou non réfugié. L’intervention de cette instance s’impose d’autant plus que de nos jours, on assiste à un développement de mouvements migratoires mixtes où des personnes potentiellement réfugiées se déplacent en même temps et aux côtés de migrants économiques. Il urge de séparer « la bonne graine de l’ivraie ». C’est le rôle dévolue aux commissions nationales d’éligibilité au statut de réfugié (CNE et CNR en Côte d’Ivoire). A l’arrivée aux frontières, les personnes alléguant des persécutions ne sont encore que des demandeuses d’asile. Elles ne deviennent véritablement des réfugiées que des11 lorsque le bien-fondé de leurs prétentions est reconnue par l’instance compétente. I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES 2. Les causes d’exclusion du statut de réfugié L’article 1er de la Convention, dans ses alinéas D, E et F énonce des causes d’exclusion de la protection internationale, donc de la qualité de réfugié à certaines personnes qui ne méritent pas d’être couvertes pour des faits présentant une certaine gravité où dont la protection offerte au titre de réfugié ne présente pas une certaine nécessité. Dans cette mouvance, la convention cite: - les personnes qui bénéficient actuellement d’une protection ou d’une assistance de la part d’un organisme ou d’une institution des Nations Unies autre que le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. Lorsque cette protection ou cette assistance aura cessé pour une raison quelconque, sans que le sort de ces personnes ait été définitivement réglé, conformément aux résolutions y relatives adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies, ces personnes bénéficieront de plein droit du régime de cette Convention; des12 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES - la personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel - cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays. les personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes; b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ; c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. des13 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES B. LE STATUT DE REFUGIE Le réfugié bénéficie d’une protection temporaire (1) qui peut être consolidée (2) mais qui est appelée à prendre fin (3). 1. La protection temporaire: asile et non refoulement Aux terme de l’article 33 de la Convention de 1951, « Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Dès son arrivée aux frontières du pays d’asile, le demandeur doit être accueilli et orienté vers les autorités compétentes pour le dépôt de sa demande d’asile. Pour des besoins de sécurité, il peut être placé dans un lieu soumis à contrôle policier ou judiciaire, le temps de voir plus clair sur son cas. Entre le moment du dépôt de la demande et l’examen de la requête par l’instance compétente le demandeur d’asile bénéficie du droit de rester sur le territoire. Il ne peut donc être refoulé, au risque de subir les menaces et persécutions qui l’ont déterminé à s’enfuir. des14 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES Le refoulement des demandeurs d’asile est également interdit, explicitement ou implicitement, par: - la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 3); - la quatrième Convention de Genève de 1949 (art. 45, para. 4); - le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 7), - la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (article 8); - les Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires (Principe 5) et - La Convention de l’OUA de 1969 dont l’article 2 (3) pose expressément que « Nul ne peut être soumis par un Etat membre à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière, le refoulement ou l'expulsion qui l'obligeraient à retourner ou à demeurer dans un territoire où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées pour les raisons énumérées à l'article 1, paragraphe 1 et 2 ». des15 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES B. LE STATUT DE REFUGIE 2. La protection consolidée Lorsque l’instance compétente reconnait le bien fondé des prétentions du demandeurs et lui accorde la qualité de réfugié, il s’en suit pour l’Etat d’accueil, la reconnaissance d’une palette de droits énoncés par la Convention de 1951 dont la mise en œuvre se fait généralement avec l’appui du HCR. De manière schématique on pourrait résumer ces droits en ce qui suit: • La résidence et le séjour sur le territoire; • La protection contre des menaces à la sécurité physique; • Le libre accès aux tribunaux; • Une assistance couvrant les besoins matériels et physiques fondamentaux; • La liberté de circulation; • L’accès à une éducation adéquate (primaire-secondaire-tertiaire); • Le regroupement familial; • Des mesures spéciales pour les réfugiés vulnérables; • L’octroi de documents d’identité et de voyage éventuellement. des16 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES B. LE STATUT DE REFUGIE 3. Les devoirs du réfugié Le statut de réfugié n’emporte pas que des droits. Des devoirs s’imposent également, notamment celui de ne pas profiter de l’asile pour nuire à son pays ou à un autre. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre l’article 3 de la Convention de l’OUA de 1969 qui énonce que « 1. Tout réfugié a, à l'égard du pays où il se trouve, des devoirs qui comportent notamment l'obligation de se conformer aux lois et règlements en vigueur et aux mesures visant au maintien de l'ordre public. Il doit en outre s'abstenir de tous agissements subversifs dirigés contre un Etat membre de l’OUA ». Il ajoute ensuite que « 2. Les Etats signataires s'engagent à interdire aux réfugiés établis sur leur territoire respectif d'attaquer un quelconque Etat membre de l'OUA par toutes activités qui soient de nature à faire naître une tension entre les Etats membres et notamment par les armes, la voie de la presse écrite de radiodiffusée ». des17 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES B. LE STATUT DE REFUGIE 4. La fin du statut de réfugié Le statut de réfugié n’a pas vocation à s’éterniser. Aussi, lorsque les circonstances qui ont conduit à la fuite ont disparu ou lorsque le réfugié a retrouvé un environnement de confort et de sécurité stable et durable la protection internationale doit pouvoir cesser. A cet égard, la Convention de l’OUA à son article 1 (4), tout comme la Convention de 1951 retiennent comme donnant lieu à la fin du statut: a) si cette personne s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité, ou b) si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée, ou c) si elle a acquis une nouvelle nationalité et si elle jouit de la protection du pays dont elle a la nationalité, ou d)si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée; e) si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité; f) si elle a commis un crime grave de caractère non politique en dehors du pays d'accueil après y avoir été admise comme réfugiée des18 g)si elle a enfreint gravement les buts poursuivis par la présente Convention. I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES C. LES SOLUTIONS DURABLES A LA CONDITION DE REFUGIE L’inconfort de la condition de réfugié commande de rechercher, autant que faire se peut, les voies et moyens pouvant lui permettre de retrouver une vie normale où il pourra se déployer en toute liberté, sécurité et dignité pour son propre développement et celui de sa famille. Selon que les circonstances qui ont conduit à son départ persistent ou ont pris fin, on peut recourir à l’une des trois solutions durables ci-après, retenues par les instruments internationaux: 1. Le retour volontaire: c’est la solution idéale. Elle peut être spontanée ou suscitée. Entreprise spontanément, l’individu assume les risques liés à son retour. Suscitée, elle suppose que les conditions de sécurité soient pleinement réunies et que des garanties soient données aux concernés de revivre en sécurité dans leur pays d’origine en étant rétablis dans leurs droits. Le retour volontaire exige ainsi de recueillir l’assentiment libre et éclairé du réfugié. A cet effet, des missions de « go and see » et de « come and tell » sont organisées pour vérifier l’état d’évolution de la situation dans le pays d’origine et rendre compte aux autres réfugiés restés au pays d’asile. 2. L’installation locale: C’est le choix que fait un réfugié ayant trouvé une relative stabilité dans le pays d’accueil, de s’y installer pour l’avenir. des19 I. LA CONDITION JURIDIQUE DES REFUGIES C. LES SOLUTIONS DURABLES A LA CONDITION DE REFUGIE Elle peut être motivée soit par une intégration réussie dans le pays d’accueil, soit par la persistance des craintes de persécution en cas de retour au pays d’origine. Afin de permettre une intégration réussie des réfugiés dans le pays d’accueil, le HCR s’assure, avec les pays concernés, de la régularité du séjour des réfugiés dans leur pays de résidence par l’octroi des titres nécessaires. 3. L’installation dans un pays tiers: Cette solution s’impose lorsque les conditions du retour volontaire au pays d’origine ne sont pas réunies et lorsque les conditions de sécurité et de confort ne sont plus garanties ou tardent à se consolider dans le pays d’accueil. De concert entre le HCR, le pays d’asile et le pays de destination, le réfugié et sa famille peuvent de nouveau être déplacés afin de bénéficier d’un environnement plus sûr et propice à leur plein épanouissement. des20 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES La convention de 1954, en son article 1er,définit l’apatride comme « une personne qu’aucun Etat ne considère comme son ressortissant, par application de sa législation (sur la nationalité) ». Le projet de Protocole à la CADHP sur le droit à la nationalité en Afrique ajoute aussi l’état d’une personne incapable de prouver sa nationalité. Pour que la protection internationale se déploie, la qualité d’apatride doit avoir été reconnue à l’intéressé par les instances compétentes instituées à cet effet. C’est dans cette logique qu’ont été créées les CNESA et CNRSA, pour examiner les demandes du statut d’apatride dont l’admission ouvre droit à la protection internationale. Aussi longtemps qu’une personne qui ne possède pas de documents d’identification pouvant attester juridiquement de son lien de nationalité avec un Etat, ou qui éprouve des difficultés pour le faire, n’aura pas été reconnue comme apatride par une telle instance, il est techniquement plus commode de dire qu’elle est à risque d’apatridie. Comme pour le réfugié, la protection internationale est refusée à l’apatride dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité; un crime grave de droit commun en dehors du pays de leur résidence avant d’y être admises; des des21 agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies. II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES Catégories d’apatrides: Apatrides in situ (majorité des apatrides) Apatrides migrants Apatride de facto Apatride de jure La protection internationale ne s’applique normalement qu’aux apatrides de jure et migrants, même si l’on observe des extensions ponctuelles à des personnes ne présentant pas toujours ce profil. En effet, les apatrides in situ et de facto sont dans leur propre pays et devraient être pris en charge par les autorités de leur gouvernement. Il n’est pas, dans les missions du HCR, de se substituer aux Etats dans leurs responsabilités vis-à-vis de leurs citoyens. Aussi, l’Etat devrait-il assister tous ses ressortissants qui éprouvent des difficultés à confirmer leur nationalité en prenant, au besoin, des mesures sociales et politiques et régler toutes les situations complexes identifiées. Au Bénin par exemple, une loi sur l’enregistrement dérogatoire à l’état civil a été pris. En Côte d’Ivoire, la loi spéciale sur les déclarations de naissance et le rétablissement d’identité s’inscrivent dans la même logique. des22 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE Plusieurs causes: structurelles et conjoncturelles 1. Causes structurelles Normatives Défaillances des textes: textes sommaires ou imprécis; restriction de l’accès à la nationalité (Cas de la Côte d’Ivoire qui ignore le droit du sol; cas du Cameroun qui interdit en principe la double nationalité); Extension des cas de perte ou de retrait de nationalité, etc. Conflits de lois Textes discriminatoires: Discriminations raciales (Libéria, Haïti où il faut être Noir); Discriminations religieuses (Cas de la Birmanie et de l’Inde contre les Musulmans); Discriminations ethniques (Cas de la RDC, du Kenya (Les Makondés) et de la Mauritanie (Les Harratines); Restriction ou ignorance du cas des enfants trouvés (Art 10 du CN Camerounais par exemple) 23 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE Exemples de textes « apatrigènes » - - Libéria, Togo et Nigéria: Répudiation effective de nationalité sans vérification de possession d’une autre nationalité; Togo, Allemagne: Exigence de renonciation à sa nationalité d’origine avant demande de naturalisation; Haïti, Gambie, Libéria, Liban, Sierra Léone: Perte d’office de nationalité par résidence prolongée à l’étranger; Niger, Togo: Perte de la nationalité acquise par mariage après le divorce; République du Congo: Retrait possible de nationalité pour crimes et délits mineurs tels que l’incendie de propriété; destruction des biens, déplacement des bornes; port illégal de décoration; contrefaçon; Madagascar: Injure ou outrage à la constitution. Tchad, RCA, CIV, CMR : Actes incompatibles avec la qualité de national et préjudiciables aux intérêts de l’Etat; CIV, BF, Bénin, Togo, RCA, Gabon: Condamnation à au moins 5 ans d’emprisonnement pour crime sur le territoire ou à l’étranger BF: Condamnation à 3 mois pour fraude fiscale ou infraction à la règlementation des prix. 24 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE Causes non normatives Elles sont institutionnelles ou sociales: Au titre des causes institutionnelles, on citera les tares liées au fonctionnement du système d’état civil telles que: La faible couverture territoriale; Le défaut de formation du personnel de l’état civil; Le non enregistrement universel des faits d’état civil; La mauvaise conservation des archives d’état civil; L’absence d’informatisation du système; Etc. 25 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE Causes non normatives Au titre des causes sociales, on retiendra notamment le peu de conscience des populations aux enjeux liés à l’état civil et à la nationalité, caractérisé par: L’analphabétisme; L’ignorance de l’importance des actes d’état civil; La négligence; les croyances culturelles ou religieuses réfractaires à l’enregistrement des faits d’état civil: il est par exemple établi par certains chercheurs crédibles qu’en Afrique noire francophone, l’état civil a toujours été perçu avec méfiance et hostilité. L’idée la plus répandue pendant la période coloniale était que « inscrire un enfant à l’état civil, c’était compter ses jours et appeler sur lui la mort ». Des pratiques culturelles « apatrigènes » comme l’inhumation des défunts avec tous les documents leur ayant appartenu chez les Baoulé par exemple. 26 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE 2. Causes conjoncturelles Elles sont de plusieurs sources: Les pratiques administratives Les exigences non règlementaires pour rendre service; Le rançonnement des populations malgré le principe de gratuité; Le peu de diligence des personnels de l’état civil; Les pratiques discriminatoires notamment pour des calculs politiciens, etc. Les migrations Volontaires ou forcées, liées au fait de l’homme ou de la nature, elles entraînent: La perte, la confiscation ou la destruction des pièces d’identité ou d’état civil nécessaires à la preuve de la nationalité; La résidence prolongée à l’étranger pouvant faire perdre sa nationalité. 27 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE 2. Causes conjoncturelles Elles sont de plusieurs sources: Les mutations territoriales et successions d’Etat Les mutations territoriales sont sources d’apatridie dans les cas suivants: - Eclatement d’Etat avec changement de souveraineté; - Absence de mesures transitoires simples et précises; - Apparition de nouveaux critères pour l’accès à la nationalité; - Disparition d’Etats à la suite d’une fusion, de catastrophes naturelles, d’invasion, etc. 28 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE Elles peuvent être évaluées au niveau de l’individu comme de celui de la société prise dans sa globalité. Pour l’individu: - Absence de citoyenneté et d’accès aux attributs de la nationalité; - Impossibilité d’avoir une carte d’identité nationale ou un passeport; - Aucune protection diplomatique à l’étranger. L’absence de pièces officielles affecte toute la vie de l’apatride qui est un étranger partout et citoyen nulle part avec les effets majeurs suivants: - Difficulté d’établir la régularité de son séjour (risque permanent d’expulsion ou de refoulement) - Absence de droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels; - Exposition permanente au risque d’arrestation; - Exposition aux abus, aux trafics et toutes sortes d’exploitations; - Sentiment de rejet pouvant développer des déséquilibres psychologiques et mentaux, etc. 29 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES A. LES CAUSES ET CONSEQUENCES DE L’APATRIDIE Pour la société L’apatridie menace la stabilité de l’Etat et la sécurité collective en ce que: - l’apatride sans documents ne peut clairement être identifié; - rejeté de toutes parts et incapable d’évoluer dans le circuit formel, il est facilement récupérable par les groupes criminels et terroristes, d’où une menace pour la sécurité collective; Par ailleurs, l’apatride ne peut pleinement participer à l’effort de construction nationale du fait qu’il: - Ne compte pas pour les statistiques nationales; - Ne participe pas aux élections; - Ne contribue pas à l’impôt; - Fausse les données sur la populations; - Fragilise l’efficacité des plans de développement; - Etc. 30 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES B. LE STATUT DES APATRIDES DROITS RECONNUS AUX APATRIDES Avant sa reconnaissance officielle, l’apatride doit néanmoins bénéficier de la sécurité et du respect de la dignité inhérentes à sa qualité de personne humaine. Aussi, en attendant cette reconnaissance, il devra être traité avec humanisme et être notamment assisté et accompagné vers les instances chargées de sa protection (DAARA, HCR, ONG et Associations de défense des droits humains). La reconnaissance du statut d’apatride mobilise divers droits dont il pourra désormais se prévaloir, définis par la convention de 1954. Il ne s’agit que du traitement minimal garanti, aucune objection n’interdisant à un Etat d’aménager un statut plus favorable en faveur des personnes apatrides (article 5 de la convention). Les droits consacrés par la convention de 1954 se distinguent en deux catégories avec d’une part les droits qui sont identiques à ceux reconnus aux citoyens et d’autre part des droits égaux à ceux reconnus aux autres étrangers. 31 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES Droits identiques à ceux des citoyens Déjà, l’article 3 de la convention de 1954 proscrit toute discrimination entre apatrides fondée sur la race, la religion et l’origine nationale. Mais, en invoquant les autres principes gouvernant les Nations unies, on devrait y inclure toutes les autres sources de discriminations telles que celles fondées sur le sexe, le genre, les opinions politiques. S’agissant des droits dont les apatrides doivent jouir dans les mêmes conditions que les nationaux, la convention de 1954 en retient notamment trois: la liberté de religion, le droit à l’éducation des enfants et le droit d’ester en justice. L’article 4 dispose à cet égard que « les Etats contractants accorderont aux apatrides sur leur territoire un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux nationaux en ce qui concerne la liberté de pratiquer leur religion et en ce qui concerne la liberté d’instruction religieuse de leurs enfants ». L’article 22 ajoute que « les Etats contractants accorderont aux apatrides le même traitement qu’aux nationaux en ce qui concerne l’enseignement primaire ». Le droit d’ester en justice est garanti aux apatrides comme aux nationaux, avec dispense de la caution judicatum solvi. 32 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES Droits égaux à ceux des autres étrangers A défaut d’un traitement plus favorable ou au moins identique à celui des citoyens, la convention de 1954 prescrit aux Etats-parties d’accorder aux apatrides, un statut au moins comparable à celui des étrangers sur tous les autres droits. Il en est notamment ainsi: - de la liberté d’association; - du droit à l’emploi: il convient de préciser que dans la plupart des pays, les professions libérales sont ouvertes aux apatrides dans les mêmes conditions qu’aux nationaux. Tel n’est pas encore le cas en Côte d’Ivoire; - de l’accès au logement; - du droit à l’éducation au-delà du primaire. 33 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES LES OBLIGATIONS DE L’APATRIDE Devoir général de loyauté L’apatride est tenu d’un devoir générale de loyauté envers les institutions du pays d’accueil. Elle s’impose pendant toute la suite de la condition de l’apatride. Aussi, pour continuer de mériter le traitement aménagé à son profit, l’apatride se doit en contrepartie de ne pas mettre en péril l’ordre public du pays d’accueil. C’est dans cette logique que l’article 2 de la convention de 1954 dispose que « tout apatride a, à l’égard du pays où il se trouve, des devoirs qui comportent notamment l’obligation de se conformer aux lois et règlements ainsi qu’aux mesures prises pour le maintien de l’ordre public ». La disposition n’est assortie d’aucune sanction, mais une analyse téléologique de la convention de 1954 laisse penser que les éventuels écarts de l’apatridie par rapport au respect de l’ordre public local donne droit aux autorités compétentes, de mettre en veilleuse les obligations qui leur incombent à son égard, et éventuellement, le droit de l’expulser (article 31). 34 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES C. LA FIN DE L’APATRIDIE Comme l’asile, l’apatridie est une situation d’inconfort grave dans laquelle aucune personne ne devrait être maintenue pour la vie. Aussi, une fois reconnu, l’apatride doit jouir d’un statut comparable à celui des autres personnes disposant d’une nationalité. A cet effet, l’apatride reconnu comme tel bénéficie d’une solution transitoire en attendant la solution définitive. 35 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES Solutions transitoires Consciente de ce que la vie de l’apatride est fortement obstruée par l’absence de titres identitaires rendant impossible une vie civile normale, la convention de 1954 a mis à la charge des Etats-parties, deux obligations immédiates: - la délivrance des pièces d’identité nécessaires aux opérations diverses d’interaction avec les autres personnes et - la délivrance des titres de voyage destinés à leur permettre de voyager à l’étranger. Ces deux pièces sont établis sur des formats spéciaux différents de ceux délivrés aux nationaux. Ils permettent de rattacher officiellement l’apatride à un territoire comme pays de domicile ou de résidence, sous le prisme de la législation duquel sera déterminé son statut personnel en cas de besoin. 36 II. LA CONDITION JURIDIQUE DES APATRIDES Solutions durables L’article 32 de la convention de 1954 offre aux Etats-parties deux solutions pour sortir durablement l’apatride de sa situation. La première est celle de l’assimilation. Elle consiste pour un pays, sans nécessairement attribuer sa nationalité à une personne, à la traiter en toutes circonstances comme son ressortissant, du point de vue de la jouissance des droits et que de celui de l’assurance des obligations. Il s’agit d’un état de fait relativement précaire, susceptible de varier au gré des changements sociopolitiques. La vraie solution durable et rassurante pour sortir définitivement de l’apatridie est la naturalisation. Elle consiste pour les Etats, à accorder leur nationalité à l’apatride qui devient dès lors membre à part entière de la population constitutive de cet Etat, avec tous les droits et privilèges qui en découlent. L’article 32 de la convention de 1954 exhorte les Etats à se montrer plus que bienveillants envers les apatrides lorsqu’il pose que ces Etats « s’efforceront notamment d’accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de cette procédure ». 37 Par Francis DJAHA djaha@unhcr.org +00225 0707180862 / 0504462811 Administrateur National de protection Bureau HCR – Abidjan MERCI DE VOTRE ATTENTION 38