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correction husserl 2

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Cours de philosophie
Jean Zaganiaris
Correction
« Le concept de connaissance, au sens strict du mot, implique un jugement qui
n'a pas seulement la prétention d'atteindre la vérité, mais qui est aussi certain de
la légitimité de sa prétention et qui détient même réellement une telle légitimité.
Or, si celui qui juge n'était jamais ni nulle part en mesure d'éprouver en lui
même cette marque distinctive qui constitue la justification du jugement et de la
saisir en tant que telle, s'il lui manquait dans tous ses jugements l'évidence qui
les distingue des préjugés aveugles et qui lui donne la certitude lumineuse de ne
pas seulement les tenir pour vrais mais de détenir la vérité elle-même - en pareil
cas, il ne serait pas question chez lui de l'établissement et d'une fondation
rationnels de la connaissance, de théorie ni de science"
Husserl, Recherches logiques vol. 1 : Prolégomènes à la logique pure, 1959.
Le vaccin anti-Covid 19 a suscité de nombreuses controverses,
notamment au niveau de son efficacité contre les nouveaux
variants. Faut-il en conclure que l’on ne connaîtra jamais la
réponse définitive à cette question ou bien est-il possible de
savoir objectivement si ce vaccin est efficace ou non ?
Dans cet extrait tiré des Recherches logiques (1959), Husserl
définit la nature d’une connaissance vraie. Il montre qu’il est
possible d’atteindre une vérité certaine et que l’on ne doit pas
toujours se contenter de connaissances probables ou
approximatives. S’il n’est pas possible de déterminer avec
certitude que l’on possède la vérité, il est impossible d’énoncer
des théories ou bien de faire de la science.
Pourquoi est-ce qu’Husserl affirme que l’on peut atteindre la
connaissance ? Qu’est-ce qui distingue une connaissance vraie
d’un simple point de vue ?
Nous verrons dans une première partie la façon dont Husserl
définit la connaissance par rapport à la vérité (ligne 1 à 3) et dans
une deuxième partie de quelle manière il oppose celle-ci aux
préjugés en vue d’atteindre des lois, des théories et des
connaissances scientifiques (ligne 4 à 10).
Dans cette première partie, Husserl définit les liens qui
relient la connaissance à la vérité. Il définit la connaissance
comme étant un « jugement » (ligne 1) tenu par une personne.
Par jugement, Husserl entend un acte mental à travers lequel
on va estimer logiquement si une connaissance est vraie ou
pas. La vérité est susceptible d’être définie de deux manières.
D’une part, nous pouvons parler de « vérité adéquation ». Un
discours est vrai lorsqu’il y a adéquation, correspondance,
entre mon énoncé et le réel. Si un médecin dit que tel patient
souffre de telle maladie et qu’il s’agit bien de cette maladie là
qui est dans le corps du patient, dans ce cas son discours est
vrai. D’autre part, la vérité peut être définie à travers la non
contradiction d’un discours. On parlera de « vérité cohérence
». Un discours est vrai s’il ne se contredit pas, s’il est logique.
Quelle est la conception de la vérité dont Husserl serait le plus
proche ? A notre avis, ce serait « la vérité cohérence » parce
que le jugement implique une activité rationnelle de l’esprit.
A cela, Husserl ajoute le concept de « légitimité ». Le
jugement ne prétend pas seulement connaître la vérité mais il
possède la légitimité de sa prétention (ligne 3). Cela signifie
qu’il ne suffit pas de prétendre, c’est-à-dire de supposer que
nous possédons la vérité mais d’affirmer de manière certaine
que nous détenons. C’est la notion de légitimité qui permet
cette certitude que la connaissance détenue est exacte et non
pas supposée exacte. La légitimité peut être comme une
justification, une habilitation. Comment peut-on être sûr
qu’un discours est légitime ? Par les preuves qu’il est
susceptible d’avancer quant à la vérité de ce qu’il énonce. Etre
légitime à dire le vrai suppose que nous sommes habilités à le
dire et que nous possédons les preuves de ce que nous
avançons. Prenons l’exemple de Galilée. Même s’il a dû se
rétracter à cause de l’Inquisition, c’était lui qui était légitime,
et non pas les hommes d’Eglise, pour dire la vérité à propos
du fait que la terre tourne autour du soleil. En effet, ses
recherches scientifiques prouvaient qu’il détenait la vérité et
qu’il possédait la légitimité de pouvoir la dire publiquement.
Toutefois, il s’est retrouvé face à une instance plus légitime
que lui, quand bien même ses discours étaient faux, et a dû se
rétracter. Cet exemple montre que l’on peut opposer à la thèse
de Husserl la vérité expression dont parle Olivier Dekens à
partir de Foucault. Un discours peut être vrai grâce à la
position de pouvoir occupé par son détenteur. A partir du
moment où l’on parle de légitimité à détenir la vérité, on ne
peut ignorer comme le fait Husserl la lutte que les différents
prétendant à la vérité légitime mènent entre eux. Nous
pouvons illustrer cela avec le port obligatoire du masque. Ce
discours est vrai pour des raisons scientifiques mais
également parce que des personnes détentrices de pouvoir ont
décidé de l’appliquer dans la société et de sanctionner les
contrevenants.
La démarche de Husserl s’oppose au relativisme et
notamment à l’idée que l’on puisse dire « à chacun sa vérité ».
La vérité n’a rien de subjectif. Il s’agit d’une donnée objective
que l’on obtient par une démarche rationnelle. Soit nous la
détenons, soit nous ne la détenons pas. Il ne peut y avoir
d’approximation. Dès l’on doute qu’une chose soit vraie, elle
ne l’est pas. De ce point de vue, Husserl est très proche de
Descartes, affirmant que l’on peut atteindre la vérité en
utilisant correctement notre intellect, c’est-à-dire notre raison,
et ne pas nous laisser tromper par nos sens.
Après avoir vu dans cette partie la façon dont Husserl
définit les rapports entre connaissance et vérité, nous allons
analyser à présent la manière dont il sépare la connaissance
vraie du préjugé, notamment en s’opposant à la doctrine des
sceptiques qui prétendent que l’on ne peut atteindre la vérité.
Dans cette deuxième partie, Husserl s’emploie à montrer
que s’il n’y a pas une différence clairement établie entre un
discours de vérité et des préjugés, il ne peut y avoir de
connaissances rationnelles, de théorie et de sciences (ligne 10).
La différence entre la vérité et les préjugés est définie comme
une « marque distinctive » (ligne 5). Cela signifie qu’il existe
une démarcation objective entre ce qui est défini comme étant
vrai et ce qui relève de l’opinion, des croyances. A ce niveau, il
semble que la pensée de Husserl soit proche de celle de
Bachelard, insistant sur le fait que la science se distingue de
l’opinion, c’est-à-dire qu’elle doit rompre de manière absolue
avec elle. Pour Husserl, la vérité doit être pensée à partir des
composantes qui la constituent et ces dernières ne peuvent
être connues que par le biais de la raison, notamment lorsque
celle-ci examine la validité logique des éléments d’un
discours.
Cette distinction entre vérité et les préjugés amène
Husserl à critiquer implicitement les sceptiques, qui mettent
sur le même plan toutes les opinions. Pour les sceptiques, il est
impossible d’atteindre la vérité soit parce que celle-ci n’existe
pas, soit parce qu’elle est hors de notre portée. Selon Sextus
Empiricus, il n’y aurait rien d’autre que la dualité entre d’un
côté la chose telle qu’elle existe et de l’autre les opinions
adverses. Pour Husserl, cette position est inacceptable car elle
revient à mettre au même niveau les discours possédant de
manière légitime, justifiée, la vérité et les discours empreints
de préjugés. Cette position relativiste, rejetée également dans
la première partie du texte, est davantage mise à mal dans la
deuxième partie car sans un discours vrai clairement établi
par la raison il ne peut y avoir de connaissances rationnelles,
de théorie ou de science. Nous pouvons illustrer cela avec les
neurosciences. Celles-ci possèdent-elle une dimension
scientifique ou bien s’inscrivent-elles simplement dans le
cadre d’une rhétorique de la scientificité ? Il est important de
pouvoir répondre à cette question avec des réponses légitimes
et ne pas se contenter de connaissances approximatives.
Husserl insiste sur ce point car il refuse la thèse de ceux qui
prétendent que l’on ne peut atteindre la vérité.
En parlant de « l’évidence » (ligne 6) qui distingue le
discours vrai des préjugés, Husserl se rapproche encore une
fois de Descartes pour qui la vérité est avant tout ce qui est «
évident », ce qui se présente clairement et distinctement à
notre esprit. Nous pourrions illustrer cela en disant que
l’Olympique de Marseille est le premier club français à avoir
remporté la Ligue des Champions. C’est une vérité qui
apparait à nous de manière évidente et dont on ne peut
remettre en cause le contenu. Toutefois, les propos de Husserl
à l’encontre des sceptiques peuvent être reliés également à des
questions morales. Lorsqu’elles vont porter plainte, des
personnes victimes de viol et de harcèlements sexuels ne sont
pas être crues par des personnes sceptiques à leur égard, se
demandant même si elles n’auraient pas cherché ce qui leur
arrivent. Contre ce scepticisme nauséabond à l’égard des
victimes, le discours non relativiste de Husserl est très utile
parce qu’il ne met pas sur le même plan la vérité, c’est-à-dire
la violence exercée sur un corps par quelqu’un, et les préjugés,
c’est-à-dire les opinions préconçues à partir de critères
subjectifs.
Dans cette deuxième partie, nous avons vu que la vérité
est une donnée objective que l’on peut saisir en raisonnant et
qu’elle doit être dissociée des préjugés pour que l’on puisse
établir des connaissances rationnelles et scientifiques
Dans l’extrait étudié, Husserl définit la connaissance, en
insistant sur l’importance du jugement. Ce dernier détermine
que la connaissance est vraie. Husserl montre également la
distinction radicale entre un discours de vérité et les préjugés,
en réfutant la thèse des sceptiques prétendant que l’on ne peut
atteindre la vérité. Pour Husserl, la raison est capable
d’affirmer avec certitude qu’une connaissance est vraie ou
fausse.
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