TYPOGRAPHIE UN PEU D’HISTOIRE Vers 1450, un orfèvre allemand, Johann Gutenberg, met au point une invention qui va révolutionner le livre et favoriser la circulation des idées nouvelles qui apparaissent en Europe aux XVe et XVIe siècle. S’il n’a pas inventé l’imprimerie, quelle a été l’invention de Gutenberg ? Gutenberg n’a pas inventé le livre Au début de notre ère [entre le IIe et le IVe siècle], la forme du livre change. Du volumen (rouleau de papyrus), elle passe au codex, assemblage de cahiers cousus ensemble, prenant ainsi l’aspect qui nous est encore familier. D’un maniement plus facile que le rouleau de papyrus, qui nécessite d’être tenu à deux mains, d’un stockage plus aisé et moins encombrant (il voyage plus facilement), le codex présente l’avantage de supporter l’écriture au recto et au verso. Le rapport de l’homme au livre s’en trouve modifié, fixant des usages dont nous sommes les héritiers, principalement dans l’organisation des textes : foliotation [numérotation des pages], division en chapitres, titres, tables des matières, séparation des mots . Le triomphe de cette nouvelle forme du livre est lié à l’emploi d’une autre matière première, le parchemin [peau d’animal préparée pour l’écriture]. La forme actuelle du livre (codex de parchemin) se généralise entre le IIe et le IVe siècle. Elle modifie la présentation du texte (numérotation des pages, table des matières, chapitres…) et la manière de lire. Le travail du copiste au Moyen-Âge Copier des livres fait partie des devoirs des moines. Le copiste écrit sur une écritoire posée sur ses genoux. Ce n’est qu’à la fin du XIIIe siècle que la table à écrire apparaît. Un moine pouvait transcrire une ou deux pages par jour. Jusqu'à l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles, les livres sont copiés à la main et appelés manuscrits, en général dans les monastères. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 1 sur 18 Gutenberg n’a pas inventé l’imprimerie Gutenberg n’a pas inventé l’imprimerie, même occidentale. Avant lui, on imprimait déjà des gravures, des légendes d’illustrations, peut-être des livrets, mais avec une mauvaise encre, des caractères irréguliers, sur un seul côté des feuilles, sans presse efficace, […] donnant des impressions médiocres, lentes, peu nombreuses. Il fallait reprendre tout cela à la lumière de la nouvelle intuition [de Gutenberg] et avec l’application de moyens métalliques. […] Il fallait aussi fabriquer une bonne encre, brillante, ne transperçant pas le papier […] Pour une telle œuvre, […] un homme n’aurait pu suffire. Gutenberg s’est donc entouré pendant des années de gens susceptibles de l’aider à réussir, fondeurs, orfèvres, financiers, calligraphes, artistes spécialistes du livre et même latinistes et religieux. L'imprimerie existait avant Gutenberg, mais ses productions étaient limitées et de mauvaise qualité. Johannes Gutenberg (1397-1458) Né à Mayence, en Allemagne, Gutenberg révolutionne l'univers de la chose écrite en inventant l'impression à caractères mobiles. Auparavant, on utilisait de petits caractères de bois dont la fabrication et la manipulation étaient longues et fastidieuses. A l'origine, Gutenberg était orfèvre de profession. C'est ainsi qu'il eut l'idée d'utiliser du métal pour couler des caractères réutilisables. Il rencontra de nombreuses difficultés, financières d'abord puis techniques. En effet, le plomb pur ne convenait pas car il était trop mou. Il mit donc au point un alliage composé d'antimoine, d'étain et de plomb. Mauvais homme d'affaire, Gutenberg se fit voler sa découverte et mourut dans la misère alors que ceux qui s'inspirèrent de sa technique faisaient fortune. L’imprimerie à caractères mobiles On obtient les caractères en gravant la lettre en relief sur un poinçon d’acier qui est frappé en creux dans une matrice de cuivre. Celle-ci est placée dans un moule où on coule l’alliage de plomb. D’où des séries de lettres absolument identiques. Le compositeur prend les caractères dans la casse et les dispose dans le composteur d’après le texte qu’il lit sur le visorium placé au dessus de la casse. L’imprimeur place la forme, c’est-à-dire l’ensemble des pages disposées de façon à être imprimées en même temps sur la surface horizontale du marbre. Il tient la balle de crin avec laquelle il encre la forme, puis amène celle-ci sous un plateau mobile sur un axe vertical, la platine, qu’il fait descendre d’un coup de barreau, afin de presser la feuille qui reçoit alors l’empreinte des caractères. Gutenberg est un orfèvre (bijoutier) allemand. Il invente l'imprimerie à caractères mobiles qui repose sur trois innovations : les caractères mobiles en métal, la presse à imprimer et une encre grasse. Pour mettre tout cela au point, Gutenberg s'entoure de nombreux professionnels. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 2 sur 18 La Bible de Gutenberg Le premier livre imprimé, vers 1450, est une Bible en latin, qui ressemble encore beaucoup à un manuscrit du Moyen-Âge : par ses dimensions (62 cm sur 42), l’emploi de lettre gothiques et du latin, l’impression en deux colonnes, les décors et lettrines rajoutés et peints à la main, l’usage du parchemin (170 peaux de moutons par volume), et l'absence de page de titre. Livre imprimé au début du XVIe siècle Les changements sont nombreux. De format plus petit, imprimé sur papier, le livre reste très lisible. La première page comporte le titre et l'auteur.Il est rédigé et imprimé en Français, sur une seule colonne, avec des notes dans la marge. La lettrine demeure, mais elle est imprimée et non réalisée à la main. La grammaire et l'orthographe se mettent en place. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 3 sur 18 LES BASES DE LA TYPOGRAPHIE L’unité de base de la typographie est la lettre. Plus précisément le signe typographique puisque les 26 lettres de l’alphabet, sous leur forme majuscules ou minuscules, sont inséparables d’une série de caractères indispensables à la composition de texte à commencer par la ponctuation et autres signes spéciaux que l'on nomme aussi glyphes (comme le désormais indispensable ‘@’). Depuis l’invention de l’imprimerie, une nomenclature a été progressivement élaborée, afin de désigner précisément les différentes parties des lettres. En maîtrisant ce vocabulaire, le typographe affûte son sens de l’observation et peut ainsi mieux appréhender la complexité de l’alphabet. On s’apercevra ainsi, que contrairement aux apparences, les caractères sont souvent très différents les uns des autres. Il faut d’abord distinguer les majuscules des minuscules, les capitales ou haut de casse et bas de casse, comme les désignait autrefois l’imprimerie traditionnelle (en référence à leur place dans le casier à caractères du compositeur appelé ‘casse’). Pointe: le pic triangulaire du ‘A’ majuscule, et qui dépasse légèrement au-dessus de la ligne de capitale. Fût: Trait principal, vertical ou oblique, comme dans le ‘L’ ou le ‘V’. Également appelé haste ou hampe. Traverse: fût horizontal au centre de la lettre ‘A’. Panse: Trait ovale qui renferme le contrepoinçon dans les lettres ‘O’, ‘P’ ou ‘Q’. Ligne de pied: ligne sur laquelle s’alignent les caractères. Œil: hauteur des minuscules à l’exclusion des jambages inférieurs et supérieurs, comme dans le ‘e’ ou le ‘x’ (en anglais on parle d’ailleurs de x-height). Corps: taille du caractère exprimé en points typographiques, de l’extrémité du jambage inférieur à l’extrémité du jambage supérieur. Selon la police, la taille du caractère peut, pour un même corps, paraître différente à cause des variations de l’œil du caractère. Jambages: partie d’une lettre minuscule qui dépasse l’œil. Les jambages inférieurs descendent sous la ligne de pied, comme dans le ‘g’. Les jambages supérieurs s’élèvent au-dessus de l’œil, comme dans le ‘k’. Contrepoinçon: espace enclos par le dessin d’une lettre. Hauteur de capitale: Comme son nom l’indique : hauteur de la capitale d’une police de caractère, comprise entre la ligne de pied et l’extrémité supérieure du caractère. En général, les jambages supérieurs des minuscules dépassent un tantinet cette hauteur. Diagonale: fûts obliques. La diagonale inférieure du ‘K’ est appelée “jambe”. Délié de jonction: trait fin qui relie la panse du ‘g’ à sa boucle. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 4 sur 18 Queue: trait court qui termine une lettre. Dans le cas du ‘Q’, la queue descend souvent au-delà de la ligne de pied. Délié: Partie plus fine d’un caractère dont l’épaisseur des fûts varie. Plein: Partie plus épaisse d’un caractère. Le contraste entre plein et délié joue un rôle fondamental dans l’esthétique d’un caractère typographique. Spine: Partie courbe du ‘S’. Empattement: Embout qui vient achever l’extrémité d’un fût de caractère. Cet empattement peut être relié ou non par un filet qui fait la jointure entre le fût et l’empattement. En anglais, empattement se dit serif. Son rôle est de guider l’œil du lecteur d’une lettre à l’autre, ce qui facilite son travail. Spur: Projection que l’on peut parfois observer à la base d’un ‘G’ majuscule. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 5 sur 18 CLASSIFICATION DES POLICES Différentes méthodes ont été mises au point pour distinguer les caractères d’imprimerie et pour établir des regroupements entre eux. Au-delà de la distinction élémentaire entre caractères romains (à hampes et à jambages verticaux) et italiques (à hampes et à jambages inclinés), les familles de caractères se distinguent par l’importance et la forme de leurs empattements (manière dont se terminent hampes et jambages). La classification Thibaudeau (1921), repose sur le dessin de l’empattement. On peut en effet distinguer quatre cas d’espèce assez aisément identifiables. • • • • les Elzevirs, à empattements triangulaires; les Didots, à empattements rectilignes très fins; les Egyptiennes, aux empattements de la même force que le corps de la lettre les Antiques, sans empattements. La classification Thibaudeau, si elle a le mérite d’être claire, a pourtant le défaut d’être un tantinet rustique. La classification Vox-ATypI corrige ce défaut. Elaborée à partir d’un projet de Maximilien Vox (1952) et entérinée par l’Association Typographique Internationale (1962), c’est la plus couramment utilisée de nos jours. Pour caractériser un caractère typographique, elle prend en compte des critères historiques et esthétiques. La classification Blackwell présentée dans son passionnant ouvrage Typo du XXe siècle est une variante plus complète de la classification Vox-ATypI. Pour la publication web, Classification W3C. Le World Wide Web Consortium a défini 5 types de police génériques. Elles ont pour objectif de regrouper des caractéristiques communes d'une police au cas où l'internaute ne disposerait pas des polices indiquées par le webmaster. • • • • • serif: police à empattement sans-serif: police sans empattement cursive: police donnant une impression d’écriture à la main fantasy: police extravagante monospace: police à chasse fixe Classification Thibaudeau En 1921, Francis Thibaudeau donne son nom à la première classification divisée en 4 grandes familles, rassemblées selon la forme des empattements. Cette classification se calque sur la chronologie des usages de l'écriture. Plus tard, il rajoutera deux autres catégories: les Écritures pour les scriptes et les Fantaisies pour les caractères publicitaires. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 6 sur 18 Classification Thibaudeau Basée sur la forme des empattements : • empattement triangulaire : Elzévir (dit aussi Romain Ancien) • empattement filiforme : Didot (dit aussi Romain Moderne) • empattement quadrangulaire : Egyptienne, • empattement absent : Antique. . 1. Elzévir La catégorie Elzévir regroupe les polices à empattements triangulaires: Garamond, Palatino, Times... 2. Didot La catégorie Didot regroupe les polices à empattements très simplistes en forme de fins traits: Didot, Bodoni, Baskerville... Elles correspondent aux Didones de la classification Vox Atypi. 3. Égyptienne Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 7 sur 18 La catégorie Égyptienne regroupe les polices à empattements rectangulaires: Memphis, Rockwell... Elles correspondent aux Mécanes de la classification Vox-Atypi. Ces caractères ont des empattements rectangulaires. 4. Antique La catégorie Antique regroupe les polices sans empattement: Futura, Univers, Arial, Helvetica... Elles correspondent aux Linéales de la classification Vox Atypi. Classification Vox Atypi En 1952 Maximillien Vox invente une nouvelle classification reprenant onze classes différentes. En 1962 elle est adoptée par l'Association typographique internationale (Atypi). Cette classification regroupe les polices de caractères selon de grandes tendances, souvent typiques d'une époque, et ce, en s'appuyant sur un certain nombre de critères: pleins et déliés, formes des empattements, axe d'inclinaison, taille de l'œil, etc. Les familles peuvent être regroupées entre elles: • • • classiques: empattements triangulaires, axe plus ou moins incliné, faible contraste plein délié: Humanes, Garaldes et Réales modernes: traits simples, fonctionnels: Didones, Mécanes et Linéales calligraphique: Incises, Scriptes et Manuaires 1. Classiques : a. Humanes Originaires de Venise, les Humanes reçoivent parfois le nom de Vénitiennes. Elles s'inspirent des textes du Moyen Age que les humanistes avaient transmis en écriture caroline et y joignent des capitales inspirées d'inscriptions lapidaires romaines. Ces caractères dits romains ont servi à émanciper l'imprimerie du manuscrit qu'elle avait copié au début par l'utilisation des caractères gothiques. Les principales caractéristiques de cette famille sont : • • • • • faible taille des minuscules par rapport aux capitales, axe nettement incliné vers l’arrière, faible contraste entre pleins et déliés, empattements épais, et élément facile à identifier : traverse oblique du ’e’. Exemple : Centaur (1914), un caractère directement inspiré du Jenson Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 8 sur 18 La caractéristique la plus remarquable, mais pas indispensable, est la barre oblique du « e » bas de casse. b. Garaldes Issues de la Renaissance italo-française, les garaldes s'écartent de l'influence manuscrite. Utilisées durant les XVIe et XVIIe siècles, ce sont les caractères de l'époque classique de la typographie, mais leur finesse est souvent annihilée par la pression importante entre papier et caractères. Leur tracé se fait plus rigoureux que celui des Humanes. La terminologie de Garalde vient de la fusion entre les noms de Garamond, graveur de caractères français de François Ier et d’Alde Manuce, célèbre imprimeur vénitien du début du siècle (le XVIe bien sûr !). Les principales caractéristiques de cette famille sont : • • • • le contraste de taille entre les minuscules et les capitales s’est adouci, les caractères semblent s’incliner vers la gauche, le contraste entre pleins et déliés devient perceptible, le ’e’ s’est redressé. Exemple : Garamond, le caractère typographique français par excellence Le nom des Garaldes est constitué à partir des noms de deux de leurs principaux promoteurs: Garamond et Alde Manuce. Ce dernier leur adjoignit les italiques. Par leur noblesse, les Garaldes connaissent un regain de succès depuis le reflux de la vogue des lettres construites et austères de l'époque moderne. c. Réales Les Réales sont difficiles à caractériser étant ce que les anglo-saxons appellent des caractères de transition entre la tradition typographique de la Renaissance et la tradition typographique moderne. Caractères de la première moitié du XVIIIe siècle, ils sont marqués par l'époque des monarchies de droit divin et par l'esprit rationnel des encyclopédistes. Compromis entre la lettre écrite et la lettre construite, ils sont utilisés dans les journaux du monde entier et dans l'édition pour leur qualité de lisibilité et leur résistance aux contraintes techniques. • • • elles ont un caractère vertical plus affirmé que les Garaldes, le contraste entre pleins et déliés est désormais très clair, les empattements sont plus horizontaux. Cette catégorie tient son nom du Romain du Roi, archétype de la famille, que Grandjean dessina dans une perspective rationaliste pour le compte de l’Imprimerie Royale (de Louis XIV). Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 9 sur 18 Exemple : Baskerville, un classique de la typographie anglaise qui servit à imprimer la première version de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. S'écartant un peu plus d'un dessin empreint de l'influence de l'écriture manuscrite, les réales poursuivent le processus de rationalisation déjà entamé avec les Garaldes. 2. Modernes : a. Didones Précurseurs de la Révolution industrielle, les Didones sont elles en revanche très faciles à identifier de par : • • • • le très fort contraste entre pleins et déliés, le caractère horizontal et filiforme des empattements, la parfaite verticalité de l’axe des lettres, et donc de leur très digne rigidité. Cette famille tient son nom de la combinaison des noms de ses deux grands " inventeurs " : le Français Firmin Didot et l’Italien Gianbattista Bodoni. Exemple : Bodoni (1770), un caractère italien très classique. Les principaux promoteurs des Didones sont Didot en France et Bodoni en Italie. Caractères fragiles, leur utilisation a été rendue possible par l'amélioration des conditions techniques. Créés à la fin du XVIIIe siècle, ils seront utilisés durant tout le XIXe siècle et jusqu'au début du XXe siècle. D'un rendu austère et d'un gris typographique marqué, ils ne manquent pas d'une certaine majesté. Ils combinent à la fois la rigueur et théâtralité, ce qui leur vaudra un usage intensif dans les secteurs de la mode ou du luxe. b. Mécanes Produites au début de l'ère du machinisme, les mécanes seront en usage durant le XIXe siècle pour la réclame. Leur usage s'élargira au XXe siècle par le recours à de légers pleins et déliés permettant de les Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 10 sur 18 utiliser comme caractères de texte. Dans leur version maigre, les mécanes ont un empattement filiforme, mais la quasi-absence de pleins et déliés permet de les distinguer des Didones. Les Mécanes sont les enfants de la Révolution Industrielle, victorienne d’abord, américaine ensuite. Utilisées pour les premières affiches, elles sont caractérisées par : • • • un contraste pleins/déliés quasi inexistant, des empattements solidement charpentés quasi rectangulaires, et une prise de poids substantielle. Exemple : Memphis (1929), un caractère industriel très lisible Pour les Mécanes anglaises, l'empattement du bas se raccorde au fût par un congé arrondi comme pour les Humanes, Garaldes et Réales. Pour les Mécanes italiennes, les empattements sont exagérés comme dans les affiches de western. Autres caractères de transition, les Mécanes de transition, font la jonction entre le classicisme des Didones et la rusticité des Mécanes. Elles se caractérisent par : • • • un moins faible contraste pleins déliés, une plus grande robustesse, et une perte substantielle de de grâce. Exemple : Cheltenham (1896), un classique de la typographie américaine de la fin du XIXe. c. Linéales Ce sont les Mécanes débarrassées de leurs empattements. Cette version minimaliste de la lettre, libérée des empattements, crochets et attaques, permet davantage de déclinaisons, du très maigre au très gras, de l'étroite à la large. Créées au XIXe siècle, les Linéales sont dites à bâtons et rappellent les inscriptions monétaires grecques. Elles sont aussi appelées « gothic » en Amérique, « Grotesk » par les Allemands et « égyptiennes » par les peintres en lettres. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 11 sur 18 3. Calligraphiques a. Incises Si la classification Vox-Atypi reposait jusqu'ici sur une base essentiellement chronologique, elle s'en écarte à présent. Les incises s'inspirent en effet des caractères gravés dans la pierre, principalement dans l'antiquité gréco-latine. On rattache aux incises des polices très différentes mais possédant quelques traits particuliers: l'aspect « gravé », la présence d'empattements (ou d'amorces d'empattements) en forme de triangle (Copperplate) ou la forme évasée des fûts (Lithos). La plus connue des Incises est sans doute l'Optima, que la présence de fûts incurvés différencie des simples Linéales. Certaines Incises peuvent être proches des Manuaires ou des Décoratives. b. Scriptes Créées et utilisées dès le XVIIe siècle à l'imitation des écrits diplomatiques des chancelleries, les scriptes copient l'écriture courante, rapide, à main levée, à l'inclinaison souvent prononcée et avec des amorces calligraphiques. Elles seront vite réservées à certains usages particuliers et ne supportent généralement pas la capitalisation. Il s'en trouve de très fines et élégantes comme les anglaises, mais d'autres imitent l'emploi du fusain, du feutre, du pinceau, de la brosse, etc. c. Manuaires Ce sont des lettres qui imitent l'écriture lente à main posée. À l'inverse des scriptes, elles ne comportent pas d'amorces calligraphiques ou de ligatures entre les lettres et peuvent subir la capitalisation. On peut les diviser en deux sous-groupes: les anciennes Manuaires (ou gothiques) et les modernes où se trouvent notamment les imitations de texte de bulles de BD mais aussi des onciales de l'époque carolingienne ou des imitations de gothiques. d. Gothiques Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 12 sur 18 Sous-groupe des Manuaires, les Gothiques ont été élevées au rang de classe à part entière sous le nom de Fraktur. Elles constituent les plus anciens caractères (elles imitent les manuscrits) et, à ce titre, devraient figurer en tête d'une classification chronologique. Mais dans l'imprimerie des débuts, elles furent vite remplacées par les Humanes, plus lisibles et d'un usage plus commode. Les Gothiques d'imprimerie présentent de nombreuses variantes: textura anguleuse des débuts (Goudy Text), rotunda plus ronde et aux capitales plus lisibles (San Marco), bastarda qui devient cursive (Duc de Berry). Elles ont surtout connu un usage intensif en Allemagne et y sont toujours appréciées. 4. Non latines Il ne s'agit pas d'une classe à part entière mais bien plus d'une catégorie fourre-tout où placer les innombrables polices nécessaires à toutes les langues du monde, anciennes ou modernes. Bien que certaines soient faciles à utiliser moyennant un apprentissage de la frappe ou le changement de clavier, la plupart nécessitent l'adaptation du système d'exploitation pour être employées. Télécharger une police sur internet ne suffit pas. 5. Décoratives C'est évidemment une classe fourre-tout où l'on glissera les caractères dont le dessin comporte quelques fantaisies. Certaines combinent capitales et bas-de-casse en une seule série, d'autres n'existent qu'en capitales, d'autres encore présentent un aspect dégradé. Les possibilités sont infinies. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 13 sur 18 CONSEILS Rigueur typographique Il faut toujours avoir à l’esprit, le premier commandement du bon metteur en page: on ne pratique pas la typographie pour la typographie. Cette dernière est certes un art, qui à ce titre peut prétendre à une certaine autonomie, mais elle est surtout une technique au service de la diffusion d’une information. Comme le bon publicitaire, le bon typographe doit se mettre au service du message qu’il a à faire passer. Pour ce faire, il doit respecter les règles élémentaires de la typographie classique. Il aura toujours sous la main, un ouvrage de référence, qui lui signalera s’il doit ou non mettre une majuscule à tel mot, s’il peut ou non utiliser des italiques, etc. Le respect de ces règles est impératif, car le lecteur est habitué (souvent inconsciemment) à ces conventions. Culture typographique La typographie ne s’apprend pas, elle se pratique. Il ne faut donc pas hésiter à réaliser des exercices de style pour apprendre à connaître un caractère. La priorité en la matière est à donner aux caractères classiques, intemporels, les Bembo, Garamond et autres Bodoni qui ont fait les beaux jours de l’imprimerie de sa naissance à nos jours. Il faut se rappeler qu’en typographie, le plus simple est toujours le meilleur, et qu’il est fort possible de se passer de ces caractères publicitaires biscornus, dont on abuse aujourd’hui, et dont l’effet est parfois plus que contestable. Pour connaître un caractère, il faut l’utiliser dans toutes les situations possibles et pour tous types de document afin de tester son rendu. Il faut également apprendre à le combiner avec d’autres caractères. Il serait toutefois souhaitable avant d’en arriver à cette extrémité, de voir si des variantes de ce caractère (gras, extra-gras, etc.) ne seraient pas plus appropriées. Par cette pratique, des détails restés cachés s’ils n’étaient connus qu’en théorie, seront mis en valeur. Il est également possible d’aiguiser son sens critique, en n’hésitant pas à étudier tous les documents qui passent à portée de main: voir quel caractère a été utilisé, pour quel type de document, combiné à quel autre caractère, etc. On acquiert ainsi une culture qui sera par la suite bien utile lors de la mise en pratique de cette théorie. Unité de style Hormis la création d’un journal ou d’une brochure de luxe, un document ne nécessite en principe qu’une ou deux polices. Même pour des documents complexes, il est faut donner la préférence à une présentation simple et sobre afin de privilégier la lisibilité et la cohérence de l’ensemble. En matière de police, la pléthore est toujours outrancière et risque de créer une tension dans le texte. Dans la plupart des documents, deux polices seront en général nécessaires: une pour le corps du texte (body type ou caractère de labeur) et une pour les titres (display type ou caractère de titrage). Caractères sérifs La différenciation des caractères romains se fait essentiellement sur une base historique. Les garaldes sont basés sur des dessins du XVe et XVIe siècles, les réales sur des dessins des XVIIe et XVIIIe siècles, les didones sur des dessins du XVIIIe et XIXe siècles et les mécanes sur des dessins du XIXe siècle. Ces différentes familles ont des “personnalités” typographiques affirmées, et il est utile de les connaître quand on sélectionne un caractère. Les garaldes sont chaleureuses, romantiques, classiques, élégantes, intemporelles, quoique parfois un peu tarabiscotées. Les réales en sont des dérivés rationnels, souvent plus parfaites mais également moins sympathiques. Les didones sont l’expression de la rationalité des Lumières, sophistiquées mais aussi assez froides. Les mécanes sont, quant à elles, pratiques et lisibles, mais aussi plus vulgaires. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 14 sur 18 Linéales (sans sérif) Les linéales utilisées aujourd’hui, sont toutes nées au XXe siècle. À la différence des romain, les linéales ont des pleins et des déliés peu contrastés. Elles sont souvent assez monotones ce qui rend difficile leur utilisation pour des textes longs. Toutefois, d’un point de vue purement graphique, elles incarnent la typographie moderne de ce siècle technique et sont très utilisées dans tout ce qui n’est pas édition traditionnelle. Les linéales classiques, comme leur nom l’indique, sont les plus utilisées; leur principal atout et handicap est leur très grand manque de personnalité; elles s’effacent totalement derrière le message. Les linéales géométriques ont, en revanche, beaucoup de personnalité, mais leur dessin trop mathématique, n’est pas toujours très reposant à lire pour de longs textes. Les linéales humanistes, sont celles dont le dessin se rapproche le plus de celui des romains traditionnels; elles peuvent bien souvent se substituer à ceux-ci. Choix du caractère principal La sélection de la police de texte doit être fondée sur la lisibilité du caractère. Il est par ailleurs important de pouvoir disposer de toutes les variantes du susdit caractère (italique, gras, gras italique) voire de variantes (gras, demigras,...). La police détermine en grande partie l’effet que rendra la page et son choix mérite une grande attention. Certains typographes sont d’avis que les polices romaines sont fondamentalement plus lisibles que les linéales, à cause de leurs empattements qui structurent la ligne de pied. En réalité, tout dépend des habitudes typographiques. En Amérique du Nord, par exemple, les linéales sont beaucoup plus fréquentes qu’en Europe. Le plus simple est encore d’aller au plus sobre, spécialement pour les publications dites sérieuses. Les polices suivantes sont certainement les polices de caractères les plus usuelles pour l’impression de livres aux États-Unis et dans le monde: Baskerville, Bembo, Bodoni, Garamond, Granjon, Janson, Optima, Palatino, et Times New Roman. Le choix du caractère influe sur l’interprétation du texte. Il exprime clairement une ambiance et implique de la part du typographe, comme le souligne José Parramon (Comment dessiner lettres et logotypes) une bonne connaissance de la “sémantique” des lettres afin de les utiliser à bon escient. Tableau indicatif général: la sémantique des caractères Caractère Romain Propre à l’expression d’un certain classicisme, d’un traditionalisme. Convient très bien aux sujets littéraires, artistiques ou religieux. Idéal pour un livre ou même un journal. Caractère Sans Serif Convient à l’expression de l’actualité, au langage scientifique et technique. Évoque la force, l’objectivité mais également la froideur. Délicat à employer pour les longs textes car trop monotone. Caractère Gras Symbole de force, de pouvoir, d’énergie mais aussi de lourdeur. Utilisé en général pour les titres. Caractère Maigre Symbole de faiblesse, de douceur et d’élégance. Majuscule Italique Symbole de dynamisme et de déséquilibre. Minuscule Italique Symbole de mouvement, d’instabilité voire de préciosité. Il traduit une relation plus intime avec le lecteur de fait de sa proximité avec l’écriture manuscrite. Pour une citation. Caractère Majuscule Synonyme de puissance, de sécurité, d’ordre établi. La capitale donne de la majesté à un texte. S’utilise donc pour les titres, les en-têtes, les annonces. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 15 sur 18 Caractère Minuscule Sa facilité de lecture due à ses proportions harmonieuses et dans le cas des romains de l’empattement qui guident l’œil fait que les minuscules s’appliquent à toute sorte de longs textes. Gothique Évoque le Moyen-Âge, la religion, la solennité. Caractère historiquement connoté par excellence, le gothique s’utilise peu si ce n’est pour les diplômes et autres certificats. Scripturale Évoque la féminité, l’élégance. Comme l’italique elle est proche de l’écriture manuscrite. Utilisable pour les citations. Le corps du caractère C’est l’oeil qui détermine le corps le mieux adapté au document. En général, il s’agira d’un corps 10 ou 12, avec des titres en 24 point ou plus. Tout ce qui est en dessous de 9 point peut déjà être considéré comme de l’imprimerie de précision et requiert un matériel adapté. 6, 7, 8 et 9 point sont des corps de référence dans les lexiques, les catalogues et les autres ouvrages de ce type. Ils sont aussi utilisés pour les paragraphes en petits caractères dans les contrats. 10, 11 et 12 point sont utilisés pour des textes nécessitant une bonne lisibilité. 16,18 et 24 sont employés pour les petits titres et 36, 42 et 72 pour les grands titres et les pages de garde. Ces 12 corps couvrent l’ensemble des besoins traditionnels. Titrage Il est souvent très esthétique d’utiliser pour le titrage une variante grasse ou un corps plus grand de la police de texte. Cette solution, qui est souvent la meilleure, ne doit toutefois pas faire oublier que l’utilisation d’une police complémentaire peut également créer un contraste intéressant. En matière de titres de grandes tailles, il est fortement conseillé d’utiliser des polices adaptées, les fameuses polices Display. Il faut également veiller dans les grands corps à réduire l’interlettrage tout en veillant à ce que les jambages ne se touchent pas. Emphase Le recours aux lettres italiques est la méthode la plus courante pour souligner un extrait du texte sans rompre l’équilibre de la composition. En effet, l’usage des majuscules est peut être PERCUTANT, mais la lisibilité peut en souffrir si la phrase mise en avant est trop longue. Une autre méthode utilisée est l’introduction de caractères plus épais. Combinaison des polices de caractères En cas de nécessaire mélange dans un même paragraphe de différentes polices, il faut veiller à ce que les caractères se marient harmonieusement, mais aussi à ce que les épaisseurs de traits soient similaires, de même pour les pleins et les déliés, et la longueur des jambages et des hampes. La manière la plus simple de combiner des polices de caractères est de rapprocher des opposées. Une linéale classique comme le Gill Sans, l’Helvetica ou l’Univers peut virtuellement se combiner avec n’importe quelle police dotée d’empattement. En revanche, il ne faut pas mélanger des polices esthétiquement trop proches; la faute de goût serait comparable au fait de porter une cravate bleu-vert avec une veste bleu marine. On ne mélangera donc pas un Optima avec un Gill Sans, un Garamond avec un Caslon, un Univers avec un Helvetica. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 16 sur 18 Il est également possible de mélanger des polices dotées d’empattement, mais de familles différentes. Ainsi, la plupart des égyptiennes se combinent avec bonheur avec des caractères comme le Times ou le Baskerville. Les principes généraux qui doivent guider le typographe dans sa démarche sont les mêmes que pour les autres graphistes à savoir l’équilibre, le contraste, la lisibilité et l’intérêt visuel. Les polices manuscrites donnent en principe une image très dynamique et se mélangent très bien avec les polices romaines: La plupart des caractères ont été dessiné dans un but particulier. Les linéales extra-grasses attirent ainsi l’attention dans les affiches. La plupart des styles expriment une émotion. Mise à part toute considération de lisibilité, voici les principaux styles: • les gothiques ou “Black letters” rappellent les débuts de l’imprimerie, la religion, les certificats et autres diplômes, le Moyen-Âge, la culture germanique: • les romaines antiques expriment la dignité, les inscriptions lapidaires, l’Antiquité ou encore le classicisme: • les romains classiques évoquent la Renaissance, le classicisme français de François Ier à Louis XIV, la respectabilité et l’autorité: • les caractères victoriens rappellent la rareté, les cirques et les spectacles: • les scripturales évoquent les annonces de naissance ou de mariage, les invitations, la grâce, la féminité, le romantisme, l’écriture manuscrite, la personnalité: • les romaines modernes évoquent la mécanique, la perfection, la gravure sur zinc, l’artisanat: • les égyptiennes évoquent le XIXe siècle, la Révolution Industrielle, les premières affiches ou encore le BTP: • les linéales évoquent leur époque i.e. simplicité, rationalité et aspect contemporain: • les caractères publicitaires d’inspiration SF évoquent l’espace et les nouvelles technologies : Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 17 sur 18 Expressionisme typographique Écrire le mot “féminin”dans un caractère calligraphique élancé, permet déjà d’illustrer le sens du mot. Mais annoncer un film d’horreur avec des caractères sanguinolents ou faire une publicité pour les Pyrénées avec des caractères enneigés, voilà qui dépasse la simple illustration d’un mot ou d’une phrase. Police de caractères & culture européenne Il est enfin indéniable que les polices de caractères sont culturellement connotées. C’est que les premières familles de caractères se développèrent et se perfectionnèrent en harmonie avec les langues qu’elles illustraient. En France naquit le Garamond, la langue anglaise fit apparaître le Caslon, et l’Italie inventa le Bodoni. Que l’une ou l’autre de ces familles de caractères soit utilisée dans une langue étrangère à son origine, et elle perd sa sensibilité esthétique. Il est donc conseillé de tenir compte de ses particularités pour choisir son caractère. Cette conception élitiste de la typographie, nul n’est tenu de la partager. Jean-Baptiste Bodoni (1740-1813), le plus célèbre imprimeur de son temps, admiré des princes européens pour la qualité de ses livres et de ses collègues pour l’élégance de ses caractères, a surtout travaillé au renouveau de la belle typographie. Il ne faut pas voir en lui un simple féru de néo-classicisme, mais bel et bien un homme qui a porté au plus haut degré, la perfection de l’art typographique, quelqu’un qui nous rappelle que le livre a certes une fonction utilitaire, celle de permettre la diffusion du savoir, mais constitue également une œuvre d’art à part entière. Son manuel typographique est le plus beau monument jamais consacré à l’art d’imprimer en lettres de plomb. Cette œuvre de deux volumes présente plus de 142 alphabets romains, de nombreuses scriptes et caractères exotiques sans compter de nombreux fleurons et ornements. Ce livre consacrait plus de quarante années de dévotion à l’art typographique aussi bien en tant qu’imprimeur du Duc de Parme que de propriétaire de sa propre presse privée. Eve Giré Formatrice référente Multimédia | ACOPAD formation Page 18 sur 18