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Droit civil III
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Ce support ne dispense pas du suivi du cours.
Il reprend le contenu du cours donné en 2014-2015.
Son exhaustivité ni son exactitude ne sont garanties.
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Droit civil III – Droits réels
Cours dispensé par D. Piotet
SECTION PREMIERE : LES DROITS REELS EN GENERAL
TITRE IER – NOTIONS GENERALES SUR LES DROITS REELS
Chap. Ier
Les droits réels et la distinction entre droits absolus et relatifs
§ 1er
Le droit réel, droit absolu
a.
La distinction entre droits absolus et relatifs
Un droit absolu est un droit opposable à chacun. Tous les citoyens de l’ordre juridique sont tenus de respecter le droit en
question. Si on a un droit de propriété, personne ne peut entrer sur notre propriété sans notre permission.
!
Un droit relatif n’a qu’un ou des débiteurs déterminés. Ce n’est qu’une personne déterminée ou certaines personnes
déterminées qui sont débiteurs mais ce n’est jamais tous les citoyens.
!
Le droit absolu emporte une sorte de maîtrise directe de l’objet. Si on est propriétaire d’un ordinateur, on en a la
maîtrise. Or, le droit relatif qui est une créance, porte sur une prestation. Avec le droit relatif, on n’a que le droit
d’obtenir l’objet et pas de droit sur l’objet.
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b.
Le droit réel, exemple de droit absolu
Tout droit réel est un droit absolu. Les droits réels constituent l’une des catégories des droits absolus du droit suisse.
Comme droits absolus en droit privé, il y a :
Les droits de la personnalité.
Les droits réels qui portent sur des objets matériels.
Les droits de propriété intellectuelle. Ces droits emportent une maîtrise directe sur une idée mais pas sur un corps
physique, d’où le terme de propriété intellectuelle.
!
Il y a aussi des droits absolus hors du droit privé. Il y a des droits absolus de nature publique en droit administratif. Il y
a aussi des droits absolus de procédure dans la LP. Le droit de saisie d’un bien d’un débiteur ou la faillite sont des droits
absolus qui permettent de faire vendre par l’intervention de l’Etat. Ces droits sont opposables aux tiers.
!
Il y a toujours un numerus clausus des droits absolus ! Il n’y a de droits absolus que s’ils sont inscrits dans la loi par le
législateur. Si la loi n’a pas qualifié un droit d’absolu, on ne peut pas le faire par convention ou autre acte juridique.
!
Quelle est la raison de ce numerus clausus ? Le droit absolu oblige à une infinité de personnes son respect. Si on pouvait
par convention choisir qu’un droit est absolu, ce serait une restriction à la liberté personnelle de chacun, car tout le
monde devrait respecter ce droit absolu qui, à la base, n’en est pas un.
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Pour qu’il y ait un droit réel, il faut aussi qu’on se trouve dans les cas de droits réels prévus dans la loi.
§2
Droits de suite et de préférence, manifestations du caractère absolu du droit réel
Comment pratiquement faire la distinction entre droits réels d’une part et droits relatifs, de créance d’autre part ? Il y a
un critère pratique pour savoir : l’existence d’un droit de suite et/ou de préférence. S’il y a un droit de suite ou de
préférence, c’est un droit réel. S’il n’y a pas de droit de suite ou de préférence, c’est un droit relatif, de créance.
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•
Droit de suite : le droit de reprendre l’objet de son droit réel là où il est. On a acheté une voiture dans un garage.
La voiture est dans le garage mais il y a encore des réglages à faire donc elle reste au garage. J’en prends
possession et le lendemain, la voiture est volée au garage. On peut alors aller reprendre la voiture des mains du
voleur car on est propriétaire de la voiture.
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En revanche, si on n’est pas propriétaire de la voiture, on ne peut pas le faire. S’il n’y a pas encore eu livraison de
la voiture, on n’est pas encore propriétaire (il manque le transfert de la possession). Donc dans ce cas, on ne peut
pas réclamer la voiture au voleur. Mais le garagiste peut le faire car c’est lui qui est propriétaire. On n’a qu’une
créance envers le garagiste.
!
Droit de préférence. C’est un aspect particulier du droit de suite : on oppose notre droit réel aux créanciers du
possesseur.
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Une personne a un objet à nous, mais est en saisie. J’achète une voiture, et avant d’aller chercher la voiture, le
garage tombe en faillite. Les créanciers ont alors la main sur le débiteur failli. Je n’ai qu’une créance en livraison
de la voiture. Je n’ai pas de droit de préférence sur les créanciers du garagiste, je ne peux pas reprendre la voiture
car je n’en suis pas propriétaire.
!
Je suis propriétaire de la voiture et je ramène la voiture au garage car il y a un défaut. Le garage tombe ensuite en
faillite. C’est différent ici : la voiture ne tombe pas dans la faillite car j’en suis propriétaire. C’est mon véhicule et
pas celui du failli ! On peut retirer le bien qui nous appartient des griffes du créancier qui possède le bien.
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Chap. II
Les choses, objets des droits réels
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La notion de chose
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Les choses qui ne peuvent pas être l’objet de droits réels
a.
Les droits réels portent sur des corps matériels. Par chose, on entend un corps matériel sur lequel il y a la maîtrise
conférée par le droit réel. Les droits réels portent en principe toujours sur des corps matériels. Mais parfois, on a traité
des corps immatériels comme des corps matériels, on le verra. Ce corps matériel peut être un meuble ou un immeuble.
b.
•
Objets non maîtrisables. La vieille idée romaine veut que l’objet du droit réel doive être maîtrisé. Ainsi, un objet
qui ne peut pas être maîtrisé ne peut pas être l’objet d’un droit réel. Par exemple, la lune. C’est de la matière, mais
on ne peut pas en avoir la maîtrise.
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Certains éléments naturels, comme un torrent, un cours d’eau sont des choses sans maîtres car elles ne sont pas
maîtrisées. Mais dès qu’on prend cette eau dans notre tasse ou notre verre, on en a la maîtrise et alors elle devient
l’objet d’un droit réel. Pareil si on maîtrise l’atmosphère (un gaz par exemple).
Les parties du corps humains. Les droits de la personnalité portent sur l’objet mais aussi sur le corps physique.
Ainsi, les parties du corps ne peuvent pas être la propriété de quelqu’un d’autre. Il ne peut pas y avoir de droit
réel dessus.
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C’est aussi vrai pour les parties détachées du corps pour autant qu’on n’ait pas retiré les droits de la personnalité.
Par exemple, si accepte de donner un organe qui ne nous est pas vital, l’organe donné fait l’objet d’un droit réel.
Pareil si on donne nos cheveux coupés à notre coiffeur. Tant que notre survie n’est pas mise en jeu, c’est possible
si on consent et qu’on respect l’art. 27 CC.
Cette règle vaut aussi pour les parties détachées du corps si la personne est morte. Les parties détachées dans ce
cas font l’objet d’un droit réel des proches. Ce sont les proches qui désignent le sort de la dépouille mortelle. ATF
101 II 177, ATF 72 IV 150 = JdT 1947 IV 43 : un employé de cimetière s’est approprié des dents en or sans
autorisation des proches.
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c.
Les prothèses font partie aussi de la dépouille mortelle et suivent le même régime que les parties « naturelles » de
la dépouille mortelle.
Le cas des forces naturelles
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L’art. 713 CC traite du cas des forces naturelles. La force naturelle n’est pas de la matière. Ca peut être des ondes, des
forces électriques. On canalise de l’énergie dans une turbine ou dans un générateur par exemple. C’est un peu au-delà
de ce qu’on peut se représenter comme objet des droits réels. Ce n’est pas de la matière en tant que tel.
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Mais la loi étend parfois l’objet des droits réels à des éléments qui ne sont pas des particules de matière. On fait comme
si cette énergie était une particule de matière. On peut donc être propriétaire d’électricité. C’est une sorte de droit réel
par analogie.
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d.
Des droits, objets de droits réels
Parfois, la loi fait des analogies. On n’a pas un corps matériel, mais la loi fait comme si l’élément était un corps
matériel. Aux art. 899 ss CC, on nous dit qu’il peut y avoir un gage sur des créances. Aux art. 772 ss CC, on nous dit
qu’il peut y avoir un usufruit sur des créances. Un droit réel porte sur un objet immatériel.
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Dans ces cas, la loi ne peut pas rendre corporel des choses qui ne le sont pas, mais veut entraîner une analogie. On
raisonne « comme si c’était ». Ce sont des droits réels par analogie, par extension, mais cette analogie, extension a des
limites, on le verra.
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e.
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Choses uniques, universalités de fait, universalités de droit
Choses uniques : une table, un ordinateur, un stylo.
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Universalités. Il y en a de 2 types :
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De fait : plusieurs objets sont affectés à un même but. Par exemple un service de thé (la théière, les tasses, les
sous-tasses, etc.). C’est aussi le cas d’une entreprise : on affecte une série de valeurs (immeubles, voitures, du
matériel) à une entreprise.
De droit : c’est la loi ou la convention qui détermine juridiquement que tous ces biens suivent un même sort.
Par exemple, les biens qui entrent dans une succession. La loi règle le sort de ces biens légalement et les
transfère en bloc aux héritiers.
Que l’universalité soit de fait ou de droit, la situation est la même du point de vue des droits réels : ils ne portent
que sur un objet matériellement délimité ! En d’autres termes, il y a un droit réel par objet. Dans le service à thé,
on a 6 objets, donc il y a 6 droits réels. Il n’y a pas un droit réel pour tous les objets ensemble. Il y a un droit réel
par objet : le droit réel porte sur un objet précis.
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Il y a une exception : une chose multiple. Un essaim d’abeilles par exemple. L’apiculteur a un droit réel sur
l’ensemble des abeilles et pas un droit réel par abeilles.
L’art. 745 CC prévoit que le droit réel peut porter sur un patrimoine. Mais en réalité, il y a un droit réel (usufruit
ici) pour chacun des objets.
Chap. III
L’individualisation et la délimitation des choses
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§ 1er
L’individualisation naturelle des choses
Le droit réel a pour objet un corps matériel, un ensemble de particules de matières et cet ensemble doit être
individualisé. Il doit constituer un tout d’après la conception sociale. Ca doit faire une chose unique.
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Pour tous les objets mobiliers, il y a une individualisation naturelle. L’objet mobilier est individualisé
naturellement. Une voiture a des roues, un volant, des portes, etc., mais c’est un tout selon la conception sociale.
Donc il y a un seul droit réel sur la voiture. Physiquement, l’objet doit avoir des contours qui l’individualisent.
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Pour les objets immobiliers, il y a une délimitation artificielle. Il n’y a pas de délimitation naturelle, de limite
physique. On sait que c’est notre terrain et pas celui du voisin car il y a eu une opération artificielle : c’est
délimité sur le plan. C’est une délimitation artificielle, intellectuelle.
Quand est-ce qu’on sait que c’est un seul objet ou que ce sont plusieurs objets distincts ? Par exemple, une voiture qui
est constituée de plusieurs objets. Jusqu’où s’étend l’objet du droit réel comme unité ? C’est ce qu’on va voir dans les §
2 et 3.
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§2
Les parties intégrantes
La définition de la partie intégrante est donnée à l’art. 642 CC. Il faut que ces éléments soient réunis pour que la partie
soit intégrante. On va prendre les éléments de cette définition :
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Il y a un lien matériel entre l’ajout (la partie dont on veut examiner le régime juridique) et l’objet principal. Ce lien
peut être de la colle, des clous, etc.
Ce n’est pas forcément un lien qui empêche d’enlever : un objet destiné à recevoir que cette partie. Par exemple,
on a une porte posée sur des gonds. Même si la porte n’est pas attachée de façon fixe, les gonds sont eux fixés.
Donc il y a ce lien rigide. Ainsi, la porte est une partie intégrante.
Ce lien matériel doit être durable. Si on retire l’ajout, l’objet principal doit être détruit, altéré pour qu’il soit une
partie intégrante. Si on enlève l’objet, il manquerait quelque chose. Dans une commode en bois, il y a des tiroirs
que l’on peut tirer jusqu’à ce qu’ils tombent (pas de sécurité). Il n’y a pas de lien rigide. Si la commode n’a pas de
tiroir, on a l’impression qu’elle n’est pas complète (al. 2). Donc les tiroirs sont une partie intégrante.
Une maison sans porte ou sans fenêtre est altérée. Mais on peut mettre des doubles fenêtres. Si on enlève la 2ème
fenêtre, ce n’est pas une partie intégrante car la maison semble finie, complète même sans la 2ème fenêtre.
Selon l’usage local, ça doit paraître incomplet. L’art. 5 al. 2 CC règle la nature de l’usage local. On présume qu’il
est rendu par les textes cantonaux anciens, mais les parties peuvent prouver que l’usage a changé depuis.
Cas particulier : la partie intégrante légale. L’art. 643 CC traite des fruits d’une chose, c’est-à-dire des valeurs créées par
la chose elle-même. Par exemple les pommes du pommier, les loyers d’un immeuble. Tant que le fruit n’est pas séparé
de la branche, la loi dit que le fruit appartient au propriétaire de l’arbre. Le fruit est une partie intégrante de l’objet
principal. Si on est propriétaire de l’arbre, on est propriétaire du fruit tant qu’il n’est pas détaché.
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La conséquence de l’admission de la partie intégrante, est que le droit de propriété unique s’étend sur l’objet principal et
sur la partie intégrante. Le propriétaire de la commode est aussi propriétaire des tiroirs. La partie intégrante n’est pas un
objet distinct juridiquement.
Il arrive que 2 objets soient mis ensembles sans qu’ils aient le même propriétaire. J’ai un manche et X a une lame. Je
veux faire un couteau avec ces 2 éléments. On soude les 2 objets. Qui est propriétaire du couteau ? Si ces objets mis
ensembles voient une différence de valeur entre l’objet principal et secondaire, le droit de propriété sur l’objet
secondaire qui est devenue partie intégrante disparaît. Si le manche est l’objet secondaire, je ne suis plus propriétaire
donc X est propriétaire du couteau. Mais on peut demander des d-i au nouveau propriétaire si on n’est plus propriétaire.
Le droit de la chose principale s’étend à ce qui est ajouté.
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Si les 2 objets distincts ont la même valeur, la loi présume une copropriété (art. 727 al. 1 CC). Par exemple, si le
manche et la lame ont la même valeur.
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§3
Les accessoires
C’est prévu aux art. 644 et 645 CC. L’art. 644 al. 2 CC donne la définition positive des accessoires. Il y a une définition
négative à l’art. 645 CC.
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Contrairement à la partie intégrante, l’accessoire est un objet distinct juridiquement du principal. L’accessoire est
toujours un objet mobilier ! Un meuble principal peut avoir un meuble accessoire et un immeuble principal peut avoir
des accessoires mobiliers. En revanche, un immeuble n’est lui jamais un accessoire.
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La qualité d’accessoire résulte de l’usage local ou de la volonté manifestée du propriétaire de la chose principale
d’affecter cet objet secondaire à l’objet principal (art. 644 CC). Il y a un but d’affectation. Un jeu de quille contenant la
boule, les quilles sont des accessoires meubles de la piste de bowling.
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S’il n’y a pas de but d’affectation, ce n’est pas un accessoire (résulte de la liste de l’art. 645 CC). Si on stocke des tuiles
à la cave et qu’on a pour but de les mettre sur notre toit, c’est un accessoire. Si on n’a pas pour but de les mettre sur
notre toit, ce n’est pas un accessoire. Il faut regarder la volonté de la personne.
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Lorsque l’objet n’est pas une partie intégrante, il peut être un accessoire. Par exemple, la double fenêtre n’est pas une
partie intégrante mais un accessoire de la maison.
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L’exemple le plus fréquent est l’affectation d’un mobilier dans les chambres d’un hôtel (les rideaux, lits par exemple).
Ce sont des accessoires car le propriétaire de l’hôtel les affecte.
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Quand on affecte un meuble à un immeuble, on verra qu’avec le registre foncier (RF), il est possible de faire apparaître
l’existence des meubles au RF. C’est prévu à l’art. 946 al. 2 CC. Ca donne plus de valeur à l’immeuble, ce qui est
important en cas d’hypothèque par exemple (la banque aura une plus grande garantie). Ca ne signifie pas qu’on est
obligé d’indiquer les meubles de l’immeuble au RF.
!
Les conséquences de la qualité d’accessoire sont prévues à l’art. 644 al. 1 CC. C’est une présomption réfragable : si on
vend la chose principale, on est censé vendre l’accessoire avec. C’est une règle d’interprétation du contrat d’aliénation.
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Il y a une exception à cette règle de l’art. 644 al. 1 CC : quand un tiers acquiert de bonne foi l’accessoire, il sera protégé
dans son acquisition s’il ignore que l’accessoire appartenait à quelqu’un d’autre. Dans ce cas, la chose principale va à
l’un et l’accessoire va à l’autre.
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Chap. IV
Choses privées et choses publiques
On va circonscrire l’application du titre 4ème du CC par rapport à ce qui sort de l’application de ce titre 4ème. Le CC vaut
pour les choses privées mais quid des choses publiques ?
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Il y a plusieurs catégories de règles de droit public. Il y a un grand nombre de restrictions de droit public à la propriété
privée, mais ce n’est pas ce qui va nous intéresser.
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Les droits réels qui relèvent du droit administratif peuvent être de 2 types :
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Il peut y avoir une sorte de droit de propriété de droit public. C’est l’équivalent de la propriété civile en droit
administratif.
Il peut y avoir des sortes de droits réels limités. Les art. 70 ss CP prévoient un droit de confiscation de l’Etat si
les éléments confisqués sont le produit ou le moyen délictueux d’une infraction. Ce droit de l’Etat n’est pas un
droit de propriété mais c’est un droit de posséder la valeur et de la mettre en vente sans en être propriétaire.
C’est une sorte de droit administratif spécial qui n’est pas du droit civil. ATF 132 IV 5 c. 3.4.5 sur cette
question.
On voit qu’il y a des équivalents pour le droit de propriété et les droits réels limités.
§ 1er
Définition des choses publiques
Il faut savoir quand on applique le CC et quand on ne l’applique pas. Les collectivités publiques ont un patrimoine qui
peut être rangé dans plusieurs catégories :
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Patrimoine fiscal. C’est régi par le CC.
Patrimoine privé. C’est régi par le CC.
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Patrimoine administratif et domaine public. Ce sont des éléments immobiliers affectés par le droit public à une
tâche publique (patrimoine administratif) ou destinés à un usage commun (domaine public). Le patrimoine
administratif et le domaine public forment les biens publics. On n’y applique en principe pas le CC.
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Pour les biens publics, on applique le régime du droit administratif. On n’applique le CC que si le droit public lui
laisse de la place. Il y a 2 conceptions :
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La conception alémanique. Il n’y a qu’un régime pour tous les biens publics (peu importe si domaine public
ou patrimoine administratif). C’est une conception dualiste : le CC s’applique à titre de droit privé, sauf si
l’affectation implique une dérogation. Malgré le fait que ce sont des biens publics, ils sont soumis aux règles
des droits réels privés et on ne s’écarte de ces règles que si l’affectation oblige de s’en écarter. Il est dualiste
car il prescrit l’application du droit privé mais aussi l’application du droit public pour cadrer, poser des
limites. Exemple : on est propriétaire d’une place de parc, mais elle se trouve devant un hôpital et les
ambulances ont besoin de se parquer sur cette place. Certes, on est propriétaire donc on devrait appliquer le
droit privé, mais il y a des exigences qui nécessitent l’application du droit public.
La conception latine. C’est la conception moniste. Pour le patrimoine administratif, on applique ce qu’on a
vu dans la conception alémanique. En revanche, pour le domaine public, on n’applique pas le CC. Si on veut
soumettre le domaine public au CC, il faut désaffecter (nécessite une enquête publique), c’est-à-dire mettre
un terme au régime de droit public pour soumettre le domaine public au droit privé. Par exemple, on
désaffecte une route : elle passe dans le patrimoine privé de la commune et dans ce cas, on applique le CC et
plus le droit public.
!
En principe, il n’y a pas de domaine public de la Confédération (sauf les routes). C’est donc toujours régi par
le droit public cantonal. Par contre, il y a un patrimoine administratif fédéral (casernes par exemple).
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L’art. 664 al. 1 CC prévoit que pour les objets publics, on n’applique pas le CC, mais la haute police de l’Etat, c’est-àdire le droit public. L’al. 2 prévoit une présomption défavorable. Ca laisse une marge au droit public cantonal : le canton
peut fixer la limite de ce qui est dans le domaine public et ce qui n’est pas dans le domaine public (et donc dans quel cas
on applique le droit privé ou non).
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Le TF dit que les cantons peuvent définir le droit qu’ils veulent instituer sur le domaine public (ATF 133 I 149). Dans le
canton de Vaud, c’est fixé dans le CDPJ aux art. 63 et 64.
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§2
Le régime civil du patrimoine administratif et du domaine public
En principe, le droit de l’Etat sur les biens publics dépend du droit public. On applique le droit public fédéral pour le
patrimoine administratif fédéral et le droit public cantonal pour le patrimoine administratif cantonal et le domaine
public cantonal. Les cantons ont soit la conception dualiste, soit la conception moniste. Mais le CC reste de toute façon
applicable pour 2 questions :
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Les relations de voisinage entre le domaine public et la propriété privée relèvent du droit civil.
La responsabilité du propriétaire de l’ouvrage relève du droit civil (art. 58 CO).
TITRE II – LE CONTENU DES DROITS REELS
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Chap. Ier
La notion de propriété
Introduction
§ 1er
Les définitions classiques du droit de propriété
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Le droit de propriété est le droit réel le plus étendu qu’on peut avoir sur un objet quant aux prérogatives qu’il confère à
son titulaire. Il confère toutes les facultés d’usage, de disposition et de destruction de l’objet. Le droit de propriété est
une sorte de liberté par rapport à un objet.
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L’art. 641 CC traite de la propriété. Disposer (al. 1) signifie en principe aliéner l’objet, mais ici ça signifie disposer de
toute façon quelconque (on peut tout faire avec l’objet).
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§2
L’évolution de la notion de propriété
La notion de propriété a été discutée pendant longtemps. Il y a 2 grandes théories.
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Théorie romaniste/théorie de la charge. Le droit de propriété est une liberté, une faculté illimitée par rapport à un
objet. Cette définition joue par rapport aux droits qui pourraient restreindre la propriété. Si je suis propriétaire
d’un terrain et que mon voisin a un droit de servitude sur mon terrain, mes prérogatives sont restreintes. L’idée est
que cette prérogative du voisin restreint notre liberté mais si cette prérogative disparaît, on retrouve notre liberté.
Notre propriété est gênée mais se retrouve entière dès que l’autre droit disparaît.
On parle de la théorie de la charge. Pour imager : c’est une sorte de matelas pneumatique qu’on comprime et dès
qu’on arrête de comprimer, le matelas reprend sa pleine forme.
Théorie coutumière/théorie du démembrement. Dans les facultés d’un propriétaire d’un objet, il y a plusieurs
prérogatives distinctes les unes des autres. Si on est propriétaire d’une maison, on peut y vivre, on peut creuser,
etc.
Pour imager : on a plusieurs branches et on les met ensemble en les attachant par une ficelle. L’ensemble relié est
le droit de propriété. Si on y met une servitude, c’est comme si on donne un des bouts de bois au voisin.
Ces théories présentent une différence quant à l’extinction du droit « gênant » :
Théorie romaniste : dès que le droit gênant disparaît, la propriété est pleine. Le matelas reprend sa forme.
Théorie coutumière : il faut un acte de restitution du démembrement. Ce qui est démembré doit être remembré. Il y
a une opération juridique à effectuer pour reconstituer un droit entier. Il faut ramener le bout de bois et le rattacher
avec la ficelle.
!
La théorie du démembrement n’est plus suivie en Suisse. En effet, la loi prévoit que la propriété est reconstituée
automatiquement sans opération juridique. La loi consacre la théorie de la charge. Il n’y a pas de remembrement à faire.
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Il y a d’autres théories :
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Le droit de propriété ne se définit pas que par sa liberté mais par ses limites. Le droit de propriété a des limites :
respect des voisins, de la collectivité, etc. Cette théorie n’a pas eu de succès.
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En droit constitutionnel, on a garanti la propriété dans la CF. On s’est dit qu’on allait garantir aussi la propriété en
droit privé. Ca ne permet pas d’arriver à une conclusion au niveau civil car la propriété en droit constitutionnel est
beaucoup plus large que la propriété en droit réel. Ce n’est pas la même propriété, ce n’est pas la même notion.
L’explication civile du droit de propriété reste l’explication donnée par la théorie romaniste.
Chap. II
Le contenu des droits réels restreints
Les droits réels restreints sont les autres droits réels que la propriété. Nous les verrons précisément plus loin dans le
cours. Il y a 2 grandes catégories de droits réels restreints :
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1)
Servitudes. Elles restreignent l’usage de la chose. On parle de droits réels de jouissance, d’usage. Il y a
plusieurs servitudes. Certaines sont complètes (l’usufruit). L’usufruit est la seule servitude possible sur les
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meubles. La servitude peut être plus restreinte et ne pas donner une jouissance générale mais une prérogative
isolée par rapport au bien d’autrui. Par exemple, une servitude de passage.
Gages. Ils restreignent le droit de disposer de la chose, d’aliéner la propriété. On parle de droits réels de
garantie. Une prestation est due par un débiteur et le gage sert de sanction à l’inexécution. C’est une sûreté
réelle.
Le droit réel limité est un droit réel absolu d’un tiers qui vient comprimer, restreindre la pleine propriété du propriétaire.
On a la théorie de la charge : dès que le droit réel limité est supprimé, la propriété redevient entière.
!
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Chap. III
Aspects réels de la propriété fiduciaire en Suisse
Il n’y a pas d’intermédiaire entre le droit relatif (la simple créance) et le droit absolu. Il existe la fiducie. La fiducie ne
vaut que pour les droits relatifs en droit suisse.
!
La fiducie est un régime de propriété qui repose sur le contrat de fiducie. La propriété d’un objet est transférée du
fiduciant au fiduciaire qui devient propriétaire juridique. Le propriétaire juridique dans la fiducie, c’est-à-dire le
fiduciaire, est tenu contractuellement de n’utiliser la chose que pour ce qui est prévu dans le contrat de fiducie. Il y a
différents types de fiducie :
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Fiducie avec un ami (cum amico). On remet à quelqu’un en pleine propriété un objet. C’est un transfert de
propriété avec une obligation de conserver l’objet pour le fiduciaire.
Fiducie avec un créancier (cum creditore). La fiducie s’appelle aussi « transfert de la propriété à fin de
garantie ». Le propriétaire de l’objet a une dette envers le créancier. Pour garantir le remboursement de la dette,
il va transférer l’objet au créancier en pleine propriété. Ca va plus loin que le gage.
Si le débiteur paie le créancier, le créancier a l’obligation contractuelle de rendre la propriété de l’objet. En
revanche, si le débiteur ne paie pas, la fiducie prévoit généralement que le créancier peut disposer de l’objet
pour se faire rembourser.
Fiducie par procuration, par encaissement. On remet un objet ayant de la valeur (papier-valeur, lettre de
change) à l’encaissement, à une personne à qui on a confiance. Mais cette personne doit rendre compte de son
encaissement au fiduciant.
Le fiduciaire est un propriétaire au sens des droits réels, mais il n’est pas le propriétaire économique :
contractuellement, il ne peut pas librement disposer. Si le fiduciant vend l’objet en violant la fiducie, l’acte est valable,
mais il devra des d-i au fiduciant pour violation du contrat de fiducie.
!
C’est embêtant si le fiduciaire tombe en faillite. Toutes les créances du débiteur se transforment en dividendes pour les
différents créanciers. Le fiduciant ne pourra pas reprendre l’objet car l’objet appartenait au failli. On a considéré dans
certains pays un droit de pouvoir retrouver l’objet car la fiducie était trop dure, mais pas en Suisse.
!
En droit privé suisse, il y a un régime à l’art. 401 CO. Lorsqu’on a une fiducie pour acquérir des droits pour le compte
d’un fiduciant et que le fiduciaire tombe en faillite, les droits acquis par le fiduciaire nous reviennent malgré la faillite.
Cette règle vaut pour les créances (art. 401 CO). Le TF dit que l’art. 401 CO ne vaut pas pour la fiducie. En effet, la
fiducie ne vaut que pour les droits contractuels et pas pour les droits réels.
!
!
!
!
TITRE III – PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA REGLEMENTATION DES DROITS REELS
Chap. Ier
Le principe de la publicité
Le droit réel doit être reconnaissable aux yeux des tiers. Le droit réel doit avoir une publicité.
9
2014-2015
Pourquoi ce principe ? Le droit réel est un droit absolu : tout un chacun doit respecter le droit réel. Pour respecter un
droit, il faut qu’on puisse le reconnaître. Il faut donc une visibilité, une publicité qui justifie le caractère absolu du droit
réel.
!
-
!
!
En matière de meuble, le signe de publicité est le transfert de la possession. Donc pour chaque acte de
disposition de la propriété mobilière, il faut rendre visible le transfert de la possession.
En matière immobilière, le signe de publicité est une écriture au RF qui est constitutive du transfert de la
propriété immobilière.
La visibilité/publicité sert dans 3 directions :
1)
!
2)
!
3)
!
!
!
La publicité fait présumer l’existence du droit. Il y a une présomption que l’on peut tirer de la publicité du droit
réel. Pour les objets mobiliers, il y a une présomption avec la possession. On peut partir de l’idée qu’on est
propriétaire de l’objet mobilier si on en a la possession.
La publicité doit être transférée lorsqu’on transfert le droit réel. Si je vends un objet à X, les signes de visibilité
du droit réel passent sur la tête de X. Il faut respecter la publicité pour tout acte de transfert des droits réels.
La protection éventuelle d’un acquéreur de bonne foi. Je suis présumé être propriétaire d’un objet, mais ce
n’est pas forcément vrai. La publicité donnée par ma possession peut être trompeuse. Dans certains cas, la loi
protège celui qui se fie à la publicité que montre la possession (art. 933 CC) pour les meubles et l’écriture au
RF pour les immeubles (art. 973 CC).
Chap. II
§ 1er
Le principe du « numerus clausus » des droits réels
Notion et objet
On a vu qu’il y a un numerus clausus des droits absolus. En matière de droits réels, il y a le même principe : un numerus
clausus des droits réels. Il n’y a de droits réels que si la loi reconnaît que c’est un droit réel.
Ce principe n’a pas toujours la même force, mais en droit suisse, il est particulièrement marqué. Ca doit figurer dans
une loi formelle (adoptée par le Parlement) pour qu’on considère qu’un droit est un droit réel. On ne peut pas combler
une lacune avec la création d’un droit réel. En revanche, en France, on a introduit des droits réels par la jurisprudence
ou la coutume.
!
Il y a un nombre limité de types de droits réels : servitudes, gages et charges foncières. Il n’y a que ces 3 catégories.
Dans chacune de ces 3 catégories, il y a des sous-catégories, mais il faut respecter les règles impératives.
!
ATF 103 II 176 : Dans le droit des servitudes, il y a des servitudes qui donnent une jouissance complète (usufruit) mais
elle est viagère (s’éteint au décès du titulaire). En revanche, l’art. 781 CC prévoit qu’on peut créer d’autres servitudes
personnelles rattachées à une personne. On avait créé une servitude personnelle pour jouir d’un appartement avec
précision que ça pouvait se transmettre au successeur. Le TF dit que ce n’est pas possible. On respecte formellement la
loi mais on a essayé de contourner la règle impérative de l’usufruit. On a créé un type de droit réel qui n’existe pas,
donc on a violé le numerus clausus.
!
!
§2
Sanctions et exceptions
La sanction est la nullité absolue et complète. Il n’y a aucune exception en droit suisse, sauf en droit transitoire. Les
droits réels contraires au CC actuel constitués avant 1912 continuent à exister. Ce sont les art. 45 et 17 al. 3 titre final
CC.
!
!
Chap. III
Le rang des droits réels
C’est une règle qui doit donner une solution en cas de conflits de droits réels sur le même objet. Plusieurs personnes
estiment avoir un droit réel sur le même objet.
10
2014-2015
•
Droit de propriété contre droits réels restreints. Par exemple, une personne dit qu’elle a un droit réel restreint sur
l’objet du propriétaire. C’est quelque chose de tout à fait possible. Mais s’il y a un conflit et que les droits sont
avérés, il faut une règle de conflit.
!
!
La règle de conflit : la propriété s’efface toujours devant le droit réel limité ! C’est une application de la théorie de
la charge : on comprime le matelas pneumatique.
•
!
Droit réel restreint contre droits réels restreints. Il se peut que sur le même objet existent plusieurs droits réels
limités. Par exemple il y a 3 gages sur le même immeuble pour 3 créanciers différents, ou 4 servitudes sur le
même immeuble pour 4 voisins. L’immeuble vaut 100. X a un gage de 70 et Y un gage de 50 sur l’immeuble. Si
on vend l’immeuble, le prix sera de 100 et pas de 130 (70 du gage de X + 50 du gage de Y). C’est problématique
pour les créanciers gagistes.
La règle de conflit est celle du rang : le droit réel le plus ancien l’emporte sur le plus récent. Il y a 2 raisons à cette
solution.
!
-
-
!
!
Il y a un effet absolu du droit réel restreint. Les titulaires d’un droit réel restreint postérieur doivent respecter le
droit réel plus récent car ce droit réel plus récent est absolu.
On ne peut pas disposer de plus de droit que l’on a. Le propriétaire de l’immeuble ne peut pas s’engager à
payer 70 à X et 50 à Y si l’immeuble vaut 100.
Si on veut donner la priorité à un droit plus récent sur un droit plus ancien, c’est une expropriation. Il faut alors
une base légale (une dérogation) ou une indemnité.
Quid si plusieurs droits réels limités ont le même rang ? Par exemple, au RF, on a inscrit plusieurs droits réels
restreints au même moment. A ce moment, la règle de conflit ne va plus. On applique alors les règles de l’équité
(art. 4 CC).
!
!
!
!
!
La règle de la priorité du rang est une règle dispositive. On peut la modifier par contrat. Ce contrat s’appelle un
contrat de postposition. En principe, ce n’est qu’un accord contractuel : ça ne vaut qu’entre les parties au contrat, à
l’égard des tiers ça n’a pas d’effet.
TITRE IV – PROPRIETES ET DROITS REELS COLLECTIFS
Chap. Ier
Généralités
Introduction
On vise le cas où il y a plusieurs propriétaires sur le même bien. Mais les mêmes règles valent pour les droits réels
limités, quand il y a plusieurs titulaires d’une servitude sur le même bien par exemple (co-titulaires d’une servitude).
!
La loi peut créer des propriétés collectives. Par exemple, on prend 2 objets, on les met ensemble et les 2 objets ont la
même valeur. C’est l’exemple du couteau vu plus haut. Dans ce cas, il y a une copropriété. Mais souvent, la propriété
collective existe par un acte juridique. Il peut donc y avoir propriété collective de par la loi ou de par un acte juridique.
!
Comment peut-on imaginer que plusieurs personnes soient propriétaires en même temps d’un objet ? C’est la question à
se poser.
!
!
!
§ 1er
Histoire et théorie de la propriété collective
Il y a 2 constructions historiques opposées :
1)
Construction romaniste. C’est la copropriété qui est visée. On est dans un ordre juridique romain libéral et
individualiste. S’il y a plusieurs propriétaires d’un même objet, ce n’est pas normal pour les romains. Si ça
11
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arrive, ça doit être provisoire et ça doit ne plus exister assez vite. En principe, un objet ne peut avoir qu’un seul
propriétaire et s’il y a plusieurs propriétaires, ce n’est pas normal et il faut demander un partage.
!
La part de chacun est un droit individuel que chaque copropriétaire peut aliéner librement. Je suis
copropriétaire d’un objet, mais chacun peut vendre, céder sa part à un tiers. Cette quote-part est un droit
cessible.
!
2)
Construction germanique/coutumière. C’est la propriété commune (= en main commune) qui est visée. Les
biens se transmettaient de générations en générations avec le même statut dans la communauté, dans la famille.
Tant que la communauté n’était pas dissoute, il n’y avait aucune raison de pouvoir demander le partage. Le but
de la propriété collective est de durer le plus longtemps possible. La communauté nous empêche de sortir de ce
régime communautaire.
!
La part de chacun est incessible. On ne peut pas céder notre part car si on le fait, quelqu’un d’autre prend notre
place dans la communauté, ce qui n’est pas possible. On ne peut pas demander le partage en tout temps.
!
Entre ces 2 systèmes, il y a eu diverses codifications. L’Allemagne connaît les 2 types de propriétés collectives. En
Suisse, on a repris aussi ce système : on connaît la copropriété et la propriété en main commune.
!
!
Comment se fait-il que plusieurs personnes soient propriétaires d’un même objet ? Il y a eu plusieurs explications :
•
•
•
•
Explication historique. La copropriété est un modèle individuel au départ. On arrive finalement à la propriété
d’une personne morale. Et entre 2 se trouve la propriété en main commune. La communauté est une figure
intermédiaire entre les individus et les personnes morales.
!
Plusieurs titulaires d’un droit unique. Quand il y a propriété collective, il y a plusieurs propriétaires mais il y a un
seul droit de propriété. Il y a un droit de propriété sur la tête de plusieurs. Quand on parle de fraction/de quotepart, il est difficile de savoir ce que c’est avec cette explication.
!
Théorie du démembrement (métaphore des bouts de bois attachés). La propriété est un ensemble de prérogatives
qui sont reliées. On a vu que cette théorie n’est pas compatible avec notre système suisse. Si un propriétaire
renonce à sa part, le droit de propriété des autres augmente automatiquement. Ca prouve qu’il ne peut pas y avoir
de remembrement car il n’y a pas besoin d’un acte pour remembrer.
!
Condominium plurium in solidum. Il y a dans le droit de chacun le droit de propriété entier. Chacun a une
complète propriété sur tout l’objet. Mais comme ils sont plusieurs, ils se compriment les uns les autres. Il y a
plusieurs matelas qui se compressent qui se gênent. La propriété collective est plusieurs droits de propriété
complets sur un objet matériel.
!
!
Cette théorie permet d’expliquer que des droits réels de contenus différents suivent les règles sur la propriété. Dans
un ATF, il y avait plusieurs servitudes. Certaines étaient cessibles, d’autres incessibles, mais elles portaient toutes
sur le même bâtiment. Le TF a appliqué les règles sur la propriété collective à tous ces droits même si leur contenu
était différent.
§2
Cas de propriété en main commune et de copropriété
Dans quel cas applique-t-on la propriété en main commune et dans quel cas applique-t-on la copropriété ?
!
Le système du droit suisse a été de suivre d’abord l’idée romaine, puis on a admis dans des cas limités la propriété
commune. En principe, c’est la copropriété et l’exception est la propriété commune. On a une liste de cas où la loi
permet la propriété en main commune. Si on est en dehors de la liste, il n’y a que la copropriété. Les cas de propriété
commune sont les suivants (numerus clausus : 3 cas du CC et 3 cas du CO) :
!
1)
2)
Le RM de la communauté de biens pour les biens qui entrent dans cette communauté (art. 221 ss CC).
L’hoirie, la communauté héréditaire (art. 602 CC). C’est la seule propriété commune légale !
12
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3)
4)
5)
6)
!
L’indivision de famille (art. 336 ss CC). Il y a une propriété en main commune pour les biens qui entrent dans
l’indivision. C’est une sorte de société simple de famille. Il faut un acte authentique.
La société simple (art. 530 ss CO). L’art. 544 al. 1 CO prévoit que c’est un cas de propriété commune.
La société en commandite simple (art. 594 ss CO).
La société en nom collectif (art. 552 ss CO).
En dehors de ces 6 cas, seule la copropriété est possible. Y a-t-il toujours une propriété commune quand on est dans ces
6 cas ? C’est le cas pour l’hoirie et le RM de la communauté de bien. En revanche, pour l’indivision de famille et les 3
cas du CO, c’est plus délicat. On peut imaginer de créer une copropriété entre associés dans une société simple. On peut
déroger à la règle de l’art. 544 al. 1 CO.
!
!
Chap. II
La copropriété ordinaire
§ 1er
Caractéristiques générales
La copropriété ordinaire a un champ d’application vaste car elle vise tous les cas de propriété collective, sauf dans les 6
cas de la propriété commune.
!
On a une quote-part, une fraction sur le tout. Cette quote-part est un droit individuel dont chaque propriétaire dispose
librement. C’est cessible, transmissible, etc. Il peut y avoir un partage en tout temps de la copropriété. Elle doit toujours
être dissoute par une demande de partage.
!
!
Il y a 2 formes de copropriété :
1)
2)
!
!
!
!
La copropriété ordinaire, simple. C’est ce qu’on va voir.
La propriété par étage. C’est propre aux immeubles. Ca a été introduit en 1965 dans le CC. On le verra plus
tard dans le cours.
§2
Les droits du copropriétaire quant à sa part
a.
La part de copropriété
L’art. 646 al. 1 CC prévoit que si plusieurs personnes sont propriétaires du même objet, en principe il y a copropriété.
L’art. 646 al. 2 CC prévoit que les quotes-parts sont présumées égales. Pour modifier cette présomption, il suffit de faire
un acte juridique. Pour un meuble, il n’y a pas besoin de forme. Pour un immeuble, il faut un acte authentique, sauf si
c’est évident. Exemple où c’est évident : 3 parts de taille différentes d’un terrain sont séparées par un mur. S’il est clair
que les 3 parts ne sont pas égales, il n’y a pas besoin d’un acte authentique.
!
La part donne le droit au pro rata du tout à la même utilisation (art. 646 al. 3 CC).
Il y a un règlement de copropriété à l’art. 647 CC. Le règlement nous dit comment chacun peut exercer son droit sur le
tout en proportion de sa part.
!
Certains peuvent renoncer complétement à leur droit. Un terrain est en copropriété. Les copropriétaires peuvent prévoir
dans le règlement qu’une partie du terrain ne peut être utilisée que par A. On parle de droit privatif. Si un droit privatif
est donné sur une partie de l’objet, il faut l’accord de l’intéressé pour reprendre ce droit privatif (il faudra demander à A
s’il est d’accord qu’on reprenne le droit privatif attribué). C’est visé à l’art. 647 al. 1bis CC.
!
Ce droit privatif peut être géographiquement localisé (on donne une partie du terrain à A) mais ça peut être une
répartition chronologique (time sharing). Exemple de time sharing : 12 copropriétaires d’un appartement de vacances
ont chacun un mois de jouissance de l’appartement.
!
!
b.
Les actes de dispositions sur la part de copropriété
En principe, le copropriétaire dispose librement de sa part. Il peut la vendre sans demander l’accord des autres. C’est un
acte de disposition qui lui est propre et qui est attaché à son droit.
13
2014-2015
!
Il y a une exception pour les immeubles : les immeubles en copropriété sont l’objet d’un droit de préemption légal.
C’est un droit que la loi donne de se porter acheteur de la part à la place de celui qui a été pressenti pour l’achat. C’est
prévu à l’art. 682 al. 1 CC. Dans tous les autres cas, le copropriétaire peut disposer librement de sa part.
!
Que devient l’acquéreur d’une part par rapport aux autres copropriétaires ? Est-il lié par le règlement ? L’art. 649a al. 1
CC prévoit une opposabilité du règlement à l’acquéreur. Il est lié par le règlement. Le règlement n’est pas seulement
une convention mais un acte organique de la copropriété qui régit les pouvoirs réels de chacun.
Il ne faut pas confondre l’aliénation d’une part avec la vente de l’objet complet. Si on vend tout l’objet (la voiture en
entier), le régime de copropriété disparaît. Mais il faut l’unanimité : tout le monde doit être d’accord pour l’aliénation
de l’objet complet (art. 648 al. 2 CC). C’est pareil si on veut grever l’objet d’un droit réel restreint, il faut l’unanimité.
!
L’art. 648 al. 3 CC vise le cas où l’objet est grevé de gages et en même temps on voit qu’il y a déjà un droit de gage sur
une ou plusieurs parts. Il y a des gages sur les parts et sur l’immeuble. Il ne suffit pas de l’unanimité pour créer une
hypothèque, ce n’est pas possible selon la loi. Pourquoi ? Si on a un gage sur une part, on a la garantie de pouvoir
vendre la part au cas où, mais celui qui a le gage sur l’immeuble peut aussi vendre l’immeuble. Donc celui qui a un
gage sur une part verrait son gage rendu à néant.
!
Sous réserve de cet art. 648 al. 3 CC, il n’y a pas de restriction à l’engagement. Il peut y avoir un usufruit sur une part et
une servitude sur l’objet en entier. L’art. 648 al. 3 CC ne vise que les gages et pas les autres droits réels limités.
!
!
!
§3
L’administration de la chose en copropriété
a.
La liberté d’administration des copropriétaires
Les copropriétaires organisent en principe librement l’administration de leur chose commune. Les copropriétaires
s’organisent eux-mêmes dans le règlement en principe (art. 647 al. 1 CC). Au départ, le règlement est adopté à
l’unanimité, mais le règlement peut prévoir que par la suite les changements ultérieurs du règlement se feront à la
majorité.
!
Le règlement peut déroger à la loi, c’est-à-dire changer les articles qui suivent l’art. 647 CC (art. 647a à 647e et 648
CC). Ces articles sont de droit dispositif, sauf une disposition.
!
!
b.
Dispositions impératives
Seule une disposition est impérative : l’art. 647 al. 2 CC. Il prévoit que le règlement ne peut pas supprimer ou limiter le
droit de chaque propriétaire dans les 2 ch. cités :
!
1)
2)
!
!
!
!
c.
Demander que les actes d’administration indispensables au maintien de la valeur et de l’utilité de la chose
soient exécutés ou ordonnés par le juge. Ca peut être un acte de procédure : nommer un expert d’urgence pour
trouver les failles qui risquent de se combler si on n’intervient pas par exemple.
Prendre lui-même, aux frais des copropriétaires, les mesures urgentes requises pour préserver la chose d’un
dommage imminent ou s’aggravant. Ca peut être un acte juridique : donner congé à un locataire qui casse tout.
Règles supplétives
Ce sont les règles qui valent lorsque le règlement ne tranche pas une question. Ce sont les art. 647a à 647e.
Actes d’administration (hors construction) : art. 647a et 647b CC
•
!
L’administration ordinaire (art. 647a CC). On vise les réparations ordinaires. Ca s’oppose aux travaux de
construction qu’on verra après. Par exemple, réparer un carreau cassé. Chaque copropriétaire peut le faire seul.
14
2014-2015
!
!
!
•
Dans la liste de l’art. 647a al. 1 CC, il y a les attributions découlant de contrats. C’est le fait par exemple
d’encaisser le loyer du locataire.
On agit tout seul pour le compte de tous. Si le vitrier nous envoie la facture du carreau cassé, tous les
copropriétaires devront la payer.
L’al. 2 permet aux copropriétaires de faire d’autres choses. Ils peuvent prévoir à la majorité autre chose que ce qui
est prévu à l’al. 1.
L’administration plus importante (art. 647b CC). L’art. 647b CC vise les actes d’administration plus importants.
Pour ces actes, il faut une double majorité des têtes (nombre de copropriétaires) et des parts (additions des parts
de chacun). On doit dépasser 50% dans les 2 majorités. On peut prévoir quelque chose de plus bas (majorité
simple) mais de plus haut aussi.
!
!
!
!
!
La différence entre l’administration plus importante de 647b CC et 648 al. 2 CC n’est pas facile à faire :
A l’art. 648 al. 2 CC, on nous dit que notamment pour les changements dans la destination de la chose, il faut
l’unanimité. Par exemple, 3 copropriétaires d’un terrain non construit sont d’accord pour y construire des places
de parc. Si après coup les 3 copropriétaires veulent y mettre des moutons, on change la destination de la chose.
L’art. 647b CC vise le changement de culture ou d’utilisation, mais il n’y a pas besoin de l’unanimité. Quelle est la
différence entre un changement de destination de la chose de 648 al. 2 CC et le changement de culture ou
d’utilisation de 647b CC ?
Travaux de constructions (réparer, construire) : art. 647c, 647d et 647e CC
Il s’agit de travaux sur l’objet lui-même. Il faut excepter les travaux courants (un carreau cassé par exemple), qui font
l’objet de l’art. 647a CC. On vise les travaux de construction ici.
!
•
Travaux de construction nécessaires (art. 647c CC). Chaque fois qu’il y a des travaux de construction qui sont
nécessaires, il faut la majorité des voix si le travail est nécessaire.
•
Travaux de construction utiles (art. 647d CC). Ce sont des travaux d’amélioration qui vont aider à mieux utiliser
l’objet. Par exemple, mettre un ascenseur dans une maison. Ce n’est pas nécessaire mais c’est utile. Il faut une
majorité de tous les copropriétaires et une majorité des parts. C’est une double majorité, comme pour l’art. 647b
CC. Il y a des exceptions aux al. 2 et 3 :
!
!
o
o
!
•
Al. 2. Si durablement un copropriétaire ne peut plus utiliser l’objet à cause des travaux utiles, ce
copropriétaire a un veto : il peut bloquer la décision même en cas de double majorité. La gêne doit être
durable. Si elle est provisoire, il faut faire abstraction.
!
Al. 3. C’est une exception financière. Le copropriétaire a un droit de veto mais il est relatif : les autres
peuvent lever le veto en prenant en charge ce que le copropriétaire devait payer.
Travaux pour l’embellissement et la commodité (art. 647e CC). On parle de travaux somptuaires. On met un
pare-choc en or sur la voiture. C’est du luxe, c’est pour faire joli et ce n’est pas utile. Il faut l’unanimité.
!
!
L’al. 2 prévoit qu’on peut surmonter l’opposition d’un seul copropriétaire à certaines conditions.
L’art. 648 al. 2 CC vise le changement dans la destination de la chose. Il faut l’unanimité. L’utilisation de la chose va
vers un but complétement différent.
!
!
§4
Les contributions aux frais et aux charges
15
2014-2015
C’est l’art. 649 CC. Le copropriétaire a une jouissance de l’objet qui correspond à l’importance de sa part, mais de
même, on doit aussi payer les passifs/frais d’entretien au pro rata de sa part (art. 649 al. 1 CC).
!
L’art. 649 al. 1 CC crée une obligation propter rem, c’est-à-dire due à raison de la chose. C’est une obligation dont le
débiteur est désigné par le fait qu’il est titulaire de la part. L’obligation est attachée à la part. Dès qu’on aliène notre
part, c’est l’acheteur qui nous remplace pour tous les frais dès le moment où il est devenu copropriétaire. On suit la part
et pas la personne.
!
L’obligation de payer les frais d’entretien vaut à l’égard des autres copropriétaires. Je vois qu’il y a un carreau cassé et
j’ai une part de ¼. Je fais venir le vitrier. Je m’engage selon 647a CC au nom de tous. Tout le monde devra payer. Mais
le vitrier peut me demander le prix complet. Il y a des rapports internes et des rapports externes. S’agissant du rapport
externe, on est responsable pour le tout. S’agissant du rapport interne, on est responsable à concurrence de notre part
(art. 649 al. 2 CC).
!
Si le copropriétaire paie la part de tous, il a trop payé. Il a payé 100% alors qu’il ne devait payer que 25%. Il a alors un
droit de recours contre les autres copropriétaires (art. 649 al. 2 CC).
!
L’obligation propter rem de l’al. 1 se prescrit pas 10 ans (art. 127 CO), mais quand c’est le droit de recours de l’al. 2, le
TF dit qu’on applique les règles sur l’enrichissement illégitime et le délai est d’1 an dès la connaissance de
l’enrichissement (art. 67 CO).
!
!
!
§5
Les actes de disposition sur la chose et la protection des droits des copropriétaires
a.
Les actes de dispositions et les actes qui leur sont assimilés
La copropriété s’éteint par l’aliénation de la chose complète. Il est alors normal que l’aliénation de la chose complète
soit soumise au principe de l’unanimité. C’est prévu à l’art. 648 al. 2 CC. L’art. 648 al. 2 CC étend la règle de
l’unanimité aux changements dans la destination de la chose. On avait vu que l’art. 647b CC prévoit non pas la règle de
l’unanimité mais la règle de la majorité qualifiée.
!
Selon le TF, la transformation d’un tennis en un centre de bien-être n’est pas un changement de destination pour lequel
il faut l’unanimité. Dans ce cas, on est dans le cadre de 647b CC (actes d’administration plus importants).
!
!
!
Avec l’art. 648 al. 2 CC, chaque copropriétaire a un droit de veto et peut s’opposer à l’acte d’aliénation de la chose.
b.
La protection des copropriétaires
C’est l’art. 648 al. 1 CC. La 1ère phrase est importante.
•
!
!
•
!
!
Sur l’objet. La loi donne à un seul copropriétaire un droit de préserver l’objet, d’en garantir le maintien, la
fonction. C’est un droit individuel pour le bien de tous. Un seul a le droit d’action contre un tiers qui Protection des
copropriétaires
menacerait l’objet ou le posséderait sans droit.
Par exemple, si l’objet complet est volé, un seul des copropriétaires peut agir pour reprendre l’objet
l'objet
des mains du voleur. Il revendique l’objet au nom de tous les copropriétaires. C’est une prestation Sur
:
indivisible
indivisible.
En d-i. Si l’objet subit un dommage, il faut obtenir une réparation en argent pour le dommage causé. Ca vise le
cas où le voleur a fait un accident avec la voiture qu’il a volée. Cette prétention en d-i, elle, se divise. Un seul ne
peut pas agir pour obtenir tout le montant total de la réparation. Dès qu’on demande des d-i, chaque
copropriétaire ne peut demander que la réparation de son préjudice personnel. Il ne peut demander que le
dommage subi sur sa propre part.
Dans l’autre sens (protection du tiers et non pas du copropriétaire) :
16
En ddivisib
2014-2015
•
!
Sur l’objet. Pour un immeuble en copropriété, les voisins peuvent réclamer que le copropriétaire arrête de faire du
bruit ou alors lui demander de payer une indemnité. La copropriété n’est pas le demandeur mais elle est attaquée.
Dans cette hypothèse, on a un mécanisme à peu près équivalent : le voisin doit attaquer tous les copropriétaires en
même temps. C’est aussi une prestation indivisible.
•
En d-i. Si le voisin demande de l’argent, des d-i, le TF introduit une solidarité à l’égard des tiers qui réclament de
l’argent à la copropriété. ATF 117 II 50 : Un seul doit payer tout le dommage. La prestation est indivisible.
§ 6 L’exclusion d’un copropriétaire (ou d’un titulaire de droit de jouissance) de la communauté
!
Il s’agit d’une institution qui n’existait pas en 1907. Elle a été introduite en 1963. Dans le CC original, lorsque les
relations entre copropriétaires s’étaient péjorées, le seul moyen pour les autres de mettre un terme à cette situation était
de mettre fin à la copropriété. On a trouvé que c’était trop excessif et qu’il fallait trouver une autre solution.
!
On a alors introduit une possibilité d’exclusion judiciaire d’un copropriétaire. C’est prévu à l’art. 649b CC. Il y a
plusieurs conditions :
!
•
Condition de forme :
!
!
!
1) Il faut une décision majoritaire d’exclusion prise par l’ensemble des copropriétaires.
•
Conditions matérielles :
2) La personne doit avoir gravement enfreint ses obligations envers tout ou une partie des autres copropriétaires.
Les obligations violées peuvent être générales comme une violation des droits de la personnalité : des injures,
des insultes par exemple. Mais les violations doivent être d’une grande gravité qui justifie l’exclusion du
copropriétaire.
!
!
-
!
3) Il faut prouver qu’il n’est plus possible d’exiger des autres copropriétaires de continuer la copropriété.
L’exclusion est l’ultima ratio. Il faut respecter le principe de la proportionnalité.
JdT 1987 I 332 sur la proportionnalité.
JdT 1973 I 349 sur la gravité de la faute : il faut que la situation se soit reproduite plusieurs fois pour que la
faute soit grave.
JdT 2012 II 387 : il y avait des violations très graves, mais celui qui avait demandé l’exclusion avait aussi
commis de graves violations. Le TF a dit qu’ils sont à égalité et il a rejeté la demande d’exclusion.
Si toutes ces conditions sont remplies, il faut encore formellement obtenir un jugement. L’exclusion est prononcée par
le juge et pas par les autres copropriétaires. Le jugement est formateur. C’est le Président du TA qui est compétent (art.
6 ch. 4 CDPJ).
!
Une fois l’exclusion prononcée, le copropriétaire exclu doit aliéner sa part. L’art. 649b al. 3 CC traite de ceci. Le juge
donne un délai pour que le copropriétaire aliène sa part et si ce n’est pas respecté, il y a exécution forcée et on met en
vente la part de copropriété qui doit être aliénée.
!
L’art. 649c CC parle de « titulaires d’autres droits » dans sa note marginale. Ma part de copropriété est grevée d’un
usufruit. Une personne peut jouir de ma part de copropriété. Si l’usufruitier se comporte mal envers les autres et remplit
les conditions de l’exclusion de 649b CC, on devrait en principe exclure le copropriétaire grevé et pas l’usufruitier. Cet
article permet alors aux autres copropriétaires d’attaquer l’usufruitier directement et de pouvoir ensuite supprimer
l’usufruit en indemnisant l’usufruitier exclu. L’usufruit ne peut pas s’aliéner donc il faut supprimer ce droit réel (on
n’applique pas l’art. 649 al. 3 CC).
!
L’art. 649c CC ne vaut que pour les droits indiqués au RF. Si un bail n’est pas annoté au RF, on est dans 649b al. 1 CC.
Dans ce cas, si le locataire devait être exclu, il faudra alors agir contre le bailleur qui est copropriétaire. Le bailleur est
exclu et doit vendre sa part selon 649b al. 3 CC. En cas d’aliénation de l’objet loué, le bail passe légalement à charge de
l’acheteur (art. 261 CO). Le locataire insupportable reste donc là. Dans cette situation où le droit réel/personnel n’est
17
2014-2015
pas indiqué au RF, on ne peut pas exclure le locataire turbulent. Il y a une lacune de protection. Pour qu’il y ait une
bonne protection, il faudrait pouvoir attaquer le locataire sans attaquer le bailleur.
!
!
!
§7
Le partage de la copropriété
a.
Le droit au partage
Le système de la copropriété du droit suisse est inspiré de la tradition romaine. Comme la copropriété devrait être
quelque chose de provisoire, on devrait pouvoir s’en défaire en tout temps. On a alors l’art. 650 CC. Cet article nous
donne le principe et les exceptions du droit au partage.
!
Le principe est que chacun en tout temps a le droit de demander le partage, même si on a une très petite part. Les
exceptions sont au nombre de 3 (dans l’al. 1) et il y a un motif de report, de suspension du partage (dans l’al. 3) :
!
•
Report (art. 650 al. 3 CC). On peut dire à celui qui demande le partage qu’il doit attendre un moment et que ça ira
mieux plus tard. Par exemple, l’objet en copropriété a été loué pour 5 ans. S’il faut vendre aujourd’hui, la valeur
de l’immeuble est plus basse car il y a un bail. On va alors attendre que le bail soit terminé et à ce moment
l’immeuble vaudra plus donc on partagera à ce moment.
!
!
•
L’idée est que ça doit aller mieux à bref ou moyen terme pour que ce soit plus avantageux pour tous les
copropriétaires.
Exceptions (art. 650 al. 1 CC). Il y en a 3 :
!
1) La PPE. C’est une forme spéciale de copropriété sur des immeubles servant à l’habitation ou au commerce. En
cas de PPE, le partage est exclu.
2) Exclusion du droit au partage par acte juridique. C’est précisé par l’al. 2. Il est possible de faire une convention
qui exclut le partage pendant 50 ans au plus. C’est un acte juridique qui interdit aux copropriétaires de
demander le partage pendant 50 ans au plus. L’al. 2 parle d’une convention, d’un contrat, mais il est possible
que la copropriété ne puisse pas être partagée par un acte unilatéral. C’est le cas de la règle de partage dans le
testament.
!
!
L’al. 2 permet d’annoter cette convention au RF. L’annotation a l’intérêt de rendre opposable l’interdiction de
partager aux tiers. Si une personne achète la part de copropriété que je lui ai vendu, cette personne sera aussi
liée par la convention qui veut que le partage n’est pas possible. Comme le RF ne vaut que pour les immeubles,
cet intérêt de rendre opposable l’interdiction de partager aux tiers ne vaut pas pour les meubles.
Si la convention est faite sur un immeuble, il faut qu’elle soit faite en la forme authentique.
!
3) Affectation de la chose à un but durable. C’est le cas spécial d’une copropriété forcée. La situation est telle que
l’objet doit être en copropriété et ne peut pas être partagé. Par la situation physique des lieux, l’objet en
copropriété est une copropriété forcée qui ne peut pas prendre fin par le partage.
!
!
!
b.
Il y a un mur qui traverse 2 parts de copropriété. Le mur est à cheval entre les 2 objets immobiliers. Comment
faire le partage du mur ? Si les copropriétaires ne se mettent pas d’accord, la copropriété doit rester. JdT 1952 I
219.
Le mode de partage
Le procès en partage peut être un procès litigieux (les copropriétaires ne sont pas d’accord sur le partage). Le procès se
fait donc en 2 étapes :
!
1) Principe du partage. Le juge doit décider d’abord du principe du partage. En principe, le principe du partage est
accepté à l’unanimité donc il n’y a pas de problème. Mais il suffit qu’un copropriétaire ne soit pas d’accord avec le
partage. Il doit alors ouvrir action contre tous les autres copropriétaires.
18
2014-2015
!
2) Mode de partage. Avec le prononcé du partage, la copropriété n’est pas encore éteinte. Il faut ensuite liquider,
exécuter le partage. On parle du mode de partage. Il est prévu à l’art. 651 CC. Il y a en plus un régime spécial pour les
animaux à l’art. 651a CC.
!
L’art. 651 al. 1 CC prévoit 3 possibilités de partage :
1) Partage en nature,
2) Vente de l’objet.
3) Un copropriétaire peut racheter les parts des autres.
!
Ce sont les 3 possibilités. Il faut qu’il y ait unanimité pour choisir une de ces possibilités.
S’il y a un désaccord, on passe à l’al. 2 de l’art. 651 et à l’al. 3. Il ne reste que 2 solutions judiciaires pour liquider le
partage :
1) Partage en nature.
2) Vente de l’objet.
!
Le partage en nature a la priorité sur la vente. Si la chose peut se diviser, on attribue en principe à chacun une partie de
l’objet qui correspond à la quote-part de chacun. Par exemple, un terrain peut être divisé en plusieurs parts.
!
Le partage en nature est exclu si la chose est fortement dépréciée par le partage en nature (« si la chose ne peut être
divisée sans diminution notable de valeur »). Le terrain est constructible, il fait 3000m2. Il y a 3 parts égales, donc
chacun aurait 1000m2. Mais le règlement de commune prévoit qu’on ne peut construire que si le terrain fait 1500m2.
L’objet total est constructible mais s’il est divisé, il n’est plus constructible. Il y a une grande perte de valeur. Pareil si
l’objet est une voiture ou un chien. C’est aussi le cas si le partage est interdit. Donc il faut vendre l’objet.
!
!
La loi impose la vente avec 2 variantes :
-
!
La vente aux enchères publiques. Tout le monde peut se porter acquéreur.
La vente est privée et seuls les copropriétaires peuvent acheter la part des autres.
Le TF dit que le juge est libre d’apprécier les circonstances pour savoir quelle variante de la vente choisir. Si l’objet est
un immeuble de famille, le juge ira plus vers la vente privée. Si l’objet a une très grande valeur vénale, le juge pourrait
aller sur une vente aux enchères publiques.
!
Quand il y a vente, le produit de la vente se substitue à l’objet aliéné et ce produit de la vente est réparti entre les
copropriétaires.
!
!
!
!
L’art. 651 al. 3 CC prévoit que si le partage se fait en nature, l’inégalité des parts peut être compensée par des soultes.
Chap. III
§ 1er
La propriété en main commune
La notion de part du propriétaire en main commune et ses conséquences
La propriété en main commune est l’exception. Elle n’est possible que dans les 6 cas énumérés par la loi, on l’a vu. Le
CC est laconique sur le régime général de la propriété commune. Il n’y a que 3 articles (les art. 652 à 654 CC, l’art.
654a CC ne faisant que renvoyer au droit foncier agricole).
!
La loi renvoie au régime de chaque communauté. L’art. 653 al. 1 CC prévoit que les droits et devoirs des communistes
sont déterminés par les règles régissant la communauté en question. Dans une société simple, on applique les art. 530 ss
CO et c’est seulement s’il y a une lacune dans ces articles qu’on applique les art. 652 ss CC.
!
Avec la propriété commune, il n’y a pas de droit au partage, et il n’est pas possible d’aliéner sa part. Un propriétaire en
main commune ne peut pas librement aliéner sa part de main commune tant que dure la communauté. Le régime de la
communauté emporte la propriété collective.
!
19
2014-2015
Si on entre dans une SS qui a un immeuble, on devient propriétaire en main commune dès que les autres nous
accueillent dans le contrat de SS. Il suffit de faire ce contrat en la forme écrite. On devient propriétaire en main
commune sans passer devant le notaire (pas de forme authentique) et sans que ce soit annoté au RF.
!
Peut-on quand même aliéner sa part pendant l’existence de la communauté ? On est dans une SS, puis-je vendre ma part
de l’immeuble social ? L’acte fait n’a aucune valeur juridique. Aucun effet juridique n’est déployé.
!
Mais il y a le principe favor negotii qui veut qu’on va essayer de trouver un acte valable qui permet le transfert. On veut
convertir l’acte sans effet en un acte valable. On va alors dire qu’on a passé notre créance future en liquidation de notre
part de propriété en main commune. C’est une cession de créance future qui est convenue lorsqu’on décide d’aliéner
notre part de communiste.
!
Cette créance future qu’on peut céder explique que notre part de propriété commune peut être saisie par nos créanciers.
On avait vu l’année passée que les créanciers d’un héritier peuvent saisir sa part dans la succession. C’est seulement à
partir de la dissolution de la communauté que cet acte (la cession de créance future) est efficace.
!
!
§2
•
•
•
!
!
!
!
Le renvoi aux règles propres à chacune des diverses communautés
Art. 652 CC. On nous définit la propriété commune. On voit la notion de communauté.
!
Art. 653 CC. L’al. 1 renvoie aux règles spéciales. L’al. 2 prévoit que si la loi n’a rien prévu d’autre, les décisions
se prennent à l’unanimité. Cette règle est subsidiaire pour les 3 cas du CO car on a un régime différent que
l’unanimité. En revanche, elle s’applique dans les 3 cas du CC (l’indivision de famille, la communauté de biens
ainsi que dans le cas de 602 CC). L’al. 3 prévoit qu’on reporte tous les droits cessibles à la fin de la communauté.
!
Art. 654 CC. L’al. 1 prévoit que la fin de la communauté libère les droits de chacun. Ils deviennent exigibles.
Mais cette liquidation ne suit pas forcément les règles du CC. L’al. 2 renvoie à l’art. 651 CC. En revanche, pour la
SS, on n’applique pas ces règles du CC mais les règles sur la liquidation de la SS.
SECTION DEUXIEME : LES DROITS REELS MOBILIERS
TITRE IER – LA POSSESSION
Chap. Ier
Introduction générale
La possession est l’expression de la publicité d’un droit réel sur un objet meuble. L’objet meuble est celui qu’on peut
déplacer d’un endroit à un autre sans le détériorer. Si on a un garage préfabriqué qu’on peut déplacer avec une grue, on
peut le déplacer sans le détériorer, donc c’est un meuble.
!
La possession dont nous allons parler dans les 3 premiers chapitres ici vaut pour les meubles et pour les immeubles. On
peut posséder un meuble, on peut posséder un immeuble. Dans les 3 premiers chapitres, on va parler de la possession
comme une situation de fait et non comme une situation de droit. La possession comme l’expression de la publicité du
droit réel sur un objet meuble ne sera étudiée qu’après les 3 premiers chapitres.
!
!
!
!
Chap. II
La notion de possession
§ 1er
Les éléments de la possession
a.
L’élément objectif
L’élément objectif est qu’il faut une maitrise factuelle de l’objet, existant aussi bien si le titulaire est titulaire d’un droit
ou n’est titulaire d’aucun droit. La possession est indépendante du droit. La notion de possession se trouve à l’art. 919
CC. C’est la maîtrise effective de la chose.
!
20
2014-2015
Un voleur peut être possesseur. Il suffit de posséder factuellement l’objet. Le possesseur est protégé par des actions
judiciaires aux art. 927 et 928 CC.
!
Précis : La maîtrise de fait sur un bien peut aussi être intellectualisée : elle est admise lorsque, sans avoir de maîtrise
physique sur l’objet en question, une personne affirme par son comportement que celui-ci est dans sa sphère d’influence
économique. La maîtrise peut même ne consister que dans la possibilité (implicitement reconnue au vu des
circonstances de la vie) d’exercer une maîtrise sur un bien qui, en lui-même, pourrait bien être maîtrisé par d’autres
personnes. Une telle maîtrise peut être admise, par exemple, pour un tas de bois coupé se trouvant dans une forêt, ou
pour des matériaux entreposés au bord d’une chaussée.
!
!
b.
L’élément subjectif
La maîtrise factuelle ne suffit pas. Il faut encore la volonté de posséder l’objet pour nous-même. Il faut posséder l’objet
pour soi-même !
!
Il faut distinguer le possesseur d’autres détenteurs. On peut avoir un objet dans les mains sans en être possesseur. Un
ami me montre un objet et je le prends dans mes mains. Je ne suis pas possesseur car je ne veux pas posséder l’objet
pour moi-même.
!
Si on possède l’objet pour quelqu’un d’autre, on n’est pas possesseur. Un ouvrier utilise les outils de son employeur. Il a
la maitrise effective mais il ne veut pas les posséder pour lui-même. Il n’est alors pas possesseur. C’est son employeur
qui est le possesseur. L’ouvrier n’est qu’un auxiliaire de la possession. Celui qui a les actions protectrices de la
possession est l’employeur.
!
ATF 75 II 122 = JdT 1950 I 2 : Un ministre d’un Etat étranger avait des valeurs en Suisse. Il disait qu’il les possédait
pour lui même mais d’autres disaient qu’il possédait l’objet pour l’Etat.
!
Cette exigence de l’élément subjectif fait que pour être possesseur, il faut avoir le discernement. Si on n’a pas le
discernement, on ne peut pas être possesseur car on ne peut pas avoir la volonté de posséder l’objet. Un enfant de 3 ans
ne peut pas être possesseur de son hochet. Ce sont les parents qui sont possesseurs.
!
ATF 68 II 24 = JdT 1942 I 543 : Une personne se fait voler un objet dans un endroit public. Elle court après le voleur.
Est-ce que le voleur qui s’enfuit poursuivi par la personne avec l’objet est possesseur ? Il faut l’élément objectif
(maîtrise effective) et subjectif (la volonté) et rien d’autre. L’apparence de légitimité n’est pas une condition. Donc il
faut partir de l’idée que le voleur est possesseur. Mais le TF n’a pas tranché cette question.
!
Celui qui a la possession car il remplit les 2 conditions (objective et subjective) bénéficie d’une protection judiciaire,
peu importe si la possession est légitime ou illégitime.
!
!
!
c.
Les possessions fictives
On a voulu élargir la protection judiciaire. Les possessions fictives sont le cas des successeurs à titre universel.
L’héritier acquiert dès le décès du défunt les biens du de cujus. L’héritier qui se trouve loin des biens ne peut pas
récupérer directement les biens. On a alors dit que le successeur à titre universel prend la place du défunt, de l’ancien
titulaire comme s’il n’y avait aucun changement de possession. On part de l’idée que l’héritier remplit l’élément
objectif et l’élément subjectif. C’est prévu à l’art. 560 al. 2 CC.
!
Cette règle vaut pour tous les cas de succession à titre universel. Par exemple, en cas de mort d’une société, la
possession passe directement sur la tête du successeur.
!
La possession est fictive car on fait « comme si » le successeur remplissait les 2 conditions alors même que ce n’est pas
le cas.
!
§2
Possession matérielle et possession juridique
21
!
•
•
2014-2015
Possession matérielle. C’est ce qu’on vient de voir. On réunit les 2 éléments.
Possession juridique. C’est celle de l’art. 919 al. 2 CC. On modifie l’élément objectif : ce n’est plus une maîtrise
effective mais un exercice effectif d’une prérogative d’un droit. Ca vaut pour les servitudes et les charges
foncières. Par exemple, on passe sur le terrain du voisin comme si on avait un droit.
!
Il y a une sorte d’analogie. L’exercice d’un droit équivaut à la possession matérielle. Il faut noter que l’exercice
effectif au sens de 919 al. 2 CC reste une question de fait ! Il se peut que la servitude n’existe pas et que notre droit
n’existe pas. Il y aura quand même une possession.
!
!
!
!
§3
La loi ne parle pas d’une possession d’un droit de gage. Le créancier gagiste a une possession par l’art. 919 al. 1 et
pas par l’al. 2. Pareil pour l’usufruitier qui a une possession sur la base de l’art. 919 al. 1 CC. En effet, l’usufruitier
a une maîtrise effective de l’objet.
Une question se pose avec les servitudes. Les servitudes peuvent nous donner des prérogatives actives (passer sur
un terrain) mais aussi négatives (interdire au voisin de construire sur son terrain). Qu’est-ce que posséder une
servitude de contenu négatif ? Une servitude négative peut-elle être possédée au sens de l’art. 919 CC ? Ce n’est
pas tranché, mais la doctrine dit que c’est possible : les servitudes négatives sont visées par l’art. 919 al. 1 CC.
Même si le droit est négatif, on exerce un droit.
Possession immédiate et médiate
On parle aussi de possession directe (immédiate) et indirecte (médiate). C’est l’art. 920 al. 1 CC. Le possesseur qui
remet la chose à une autre personne reste quand même possesseur après cette remise. Il peut y avoir plusieurs
possesseurs simultanés d’un même objet. Le possesseur qui remet la chose reste quand même possesseur après cette
remise. Le possesseur d’origine est le possesseur indirect (médiat). Il est en même temps possesseur que le possesseur
direct (immédiat).
!
En cas de vol, les actions protectrices peuvent être exercées par les possesseurs médiats et immédiats.
L’idée est que l’actuel possesseur doit tenir pour certain, admettre qu’il ne tient la possession que par le possesseur
médiat. Si le possesseur immédiat a l’objet, c’est grâce au possesseur médiat. Si le possesseur médiat n’est pas reconnu
par l’actuel possesseur, il perd sa qualité de possesseur indirect. C’est une condition. ATF 132 III 155 = JdT 2006 I 116.
!
A remet l’objet à B. 3 mois plus tard, B dit qu’il a acheté l’objet et nie qu’en réalité il est locataire de A. A n’est plus
reconnu par le possesseur direct, donc il n’est plus possesseur au sens de l’art. 920 al. 1 CC. Il n’importe pas que le
possesseur immédiat soit de bonne ou de mauvaise foi.
!
!
§4
Possession originaire et dérivée
C’est l’art. 920 al. 2 CC. Ce ne sont pas des situations attachées à un droit comme la propriété, mais des situations
relatives.
!
Un propriétaire remet un objet à un usufruitier, qui le remet à un locataire. Le propriétaire est le possesseur originaire de
l’usufruitier, l’usufruitier étant dérivé. C’est relatif, car pour le locataire le possesseur originaire est l’usufruitier et le
possesseur dérivé est le locataire. Tout dépend de la relation prise en compte.
!
Précis : Est possesseur originaire celui qui, possédant un bien comme propriétaire ou à un autre titre, le remet à un tiers
pour lui conférer sur ce bien, ou relativement à celui-ci, un droit réel limité ou un droit personnel ; tel est le cas, par
exemple, du propriétaire qui constitue un usufruit sur une chose ou donne celle-ci en nantissement. Est possesseur
dérivé celui à qui le possesseur originaire a remis un bien en vue de lui conférer un droit réel limité ou un droit
personnel ; sont ainsi des possesseurs dérivés : l’usufruitier, le locataire, l’emprunteur, le dépositaire, etc. Toute
possession multiple suppose donc (au moins) un possesseur originaire et un possesseur dérivé. La possession originaire
et la possession dérivée sont ainsi des notions relatives : une personne peut être simultanément possesseur dérivé par
rapport à celui dont elle tient sa possession et possesseur originaire par rapport à celui à qui elle a transmis le bien.
22
!
!
§5
2014-2015
Copossession et possession commune
Pour l’instant, on n’a parlé que d’une possession unique. Mais il peut y avoir plusieurs possesseurs d’un même objet.
Par exemple 4 personnes ont la clé d’une voiture. Chacun d’eux a la maîtrise effective de l’objet.
!
•
!
•
!
Dans la copossession, chacun des possesseurs peut utiliser seul l’objet. Chacun a une possession propre et directe
de l’objet.
Dans la possession commune (en main commune), il faut l’accord de tous pour mettre la main sur l’objet. SJ 2011
I 97. Par exemple, le safe où la banque a une clé pour ouvrir la porte de la voiture et le client a une clé pour ouvrir
le coffre de la voiture. Afin d’ouvrir le coffre, il faut ouvrir la porte (par la banque) et il faut ouvrir le coffre (par
le client). Il faut l’accord des 2 pour ouvrir le coffre.
Précis : Il y a copossession lorsque chacun des possesseurs peut exercer la maîtrise de fait sur le bien sans le concours
de l’autre. Par exemple, 2 personnes qui ont chacune une clé permettant d’ouvrir un coffre-fort sont copossesseur du
contenu de ce coffre. En général, mari et femme sont copossesseurs des objets de ménage. Il y a possession commune
lorsque les possesseurs ne peuvent exercer qu’ensemble la maîtrise de fait sur le bien. Par exemple, 2 personnes ayant
chacune une des deux clés nécessaire pour ouvrir un coffre-fort sont possesseurs communs du contenu de ce coffre.
!
!
!
!
Chap. III
La protection de la possession
Ce qu’on va voir vaut pour les meubles et les immeubles. Quelle est la protection juridique offerte par la possession ?
§ 1er
Introduction
La possession est toujours indépendante du droit. Elle ne tient pas compte de la situation juridique des parties. Ca peut
aboutir à donner raison à une personne qui a tort en droit. La protection de la possession est régie aux art. 926 à 929 CC.
Ces articles permettent des actions en défense d’une possession usurpée (usurpation) ou d’une possession troublée
(trouble). L’action est dirigée contre l’auteur de l’action. On parle d’actions possessoires.
!
L’action possessoire tend à la remise des choses à l’état antérieur. Il faut restituer, avant toute discussion sur le droit, la
situation qui existait auparavant. L’action possessoire est un préalable à l’action juridique. On veut protéger le
possesseur des actes de justice propre !
Quelqu’un vient chez nous et nous vole un objet en disant que c’est son objet. Il se fait justice lui-même. On a une
action possessoire : la personne doit nous rendre l’objet. Et c’est seulement ensuite qu’on regardera à qui appartient
réellement l’objet. On tranche les questions de droit ensuite. La justice doit être rendue par le juge et pas par les parties
elles-mêmes !
!
Le but est de protéger les droits et d’éviter les actes de justice propre. Si un procès est ouvert sur la titularité d’un droit
sur l’objet, alors on a à faire non plus à une action possessoire mais à une action pétitoire (petere = réclamer son droit).
L’action pétitoire sert à reconnaître le droit. Dès que l’action pétitoire est ouverte, le procès possessoire prend fin.
L’action possessoire s’efface sous l’action pétitoire.
!
!
§2
•
•
!
L’acte d’usurpation ou de trouble, fondement de la protection possessoire
L’acte d’usurpation : la protection est prévue à l’art. 927 CC.
L’acte de trouble : la protection est prévue à l’art. 928 CC.
L’usurpation et le trouble sont 2 types d’atteintes. Ce qui justifie l’action possessoire est une atteinte à la possession. Si
on nous a retiré la possession, c’est une usurpation. Si on nous gêne dans notre possession, c’est un trouble.
!
Cette atteinte à la possession ne doit pas être autorisée. L’action n’existe que si l’on n’a pas donné notre accord à
l’atteinte. L’autorisation à l’atteinte est un acte matériel volontaire (pas forcément juridique) du possesseur.
23
2014-2015
!
Pour que l’atteinte soit licite, qui doit donner son accord ? Seul le possesseur direct (immédiat) peut légitimer l’atteinte.
Le possesseur indirect n’a pas qualité pour autoriser l’atteinte. Dans un immeuble il y a un squatter. Le propriétaire est
fâché et appelle une compagnie de sécurité. Le squatter est le possesseur direct et le propriétaire n’est que le possesseur
indirect. Le propriétaire n’a pas la légitimation pour autoriser l’atteinte ou non. C’est particulier car le squatter n’est
pas le propriétaire légitime. Le propriétaire ne peut pas faire justice propre donc il doit faire une action en justice.
!
Il se peut que la loi rende l’atteinte licite. Dans ce cas, il n’y a plus d’action possessoire possible. C’est le cas avec la
légitime défense de l’art. 926 CC, mais ça peut être aussi par le droit public. ATF 135 III 633 = JdT 2010 III 312 : une
commune avait rendu possible des vols avec des engins aériens. Un propriétaire avait ouvert une action possessoire
pour éviter que les gens volent au dessus de chez lui. Un règlement communal prévoyait une restriction à la propriété
privée sur ce point. Donc le propriétaire n’avait pas d’action civile sur la base de l’art. 928 CC.
!
!
§3
Le droit de légitime défense du possesseur
Ce droit est prévu à l’art. 926 CC. C’est un cas de légitime défense, qu’on retrouve à l’art. 52 CO. Il ne fait que
reprendre les principes qui existent déjà avec l’art. 52 CO. Il faut surtout respecter le principe de la proportionnalité et il
faut agir tout de suite. On peut réagir lorsque le voleur prend la fuite, mais si on va le chercher chez lui après, il n’est
plus possible d’invoquer la légitime défense. SJ 2003 193.
!
!
!
§4
Les actions possessoires
Il y a 2 actions possessoires réglées par la loi, au delà du droit de justice propre de l’art. 926 CC :
1)
2)
!
La réintégrande (art. 927 CC).
La complainte (art. 928 CC).
Le juge appelé à statuer sur la possession n’a pas à se préoccuper de l’allégation d’un droit sur la chose. L’action est
indépendante d’un droit.
!
Lorsque l’objet n’est plus en possession du demandeur, c’est une usurpation et donc l’action est la réintégrande de l’art.
927 CC. Lorsque la possession est entravée, l’action est la complainte de l’art. 928 CC.
!
!
Ces actions valent pour les objets mobiliers et immobiliers.
Il n’y a pas de prise en considération de la situation juridique. Le pétitoire n’entre pas en ligne de compte tant qu’aucun
procès sur le droit n’est engagé. Ce n’est que si le pétitoire est engagé que les actions possessoires prennent fin. La
compétence sera celle du juge du pétitoire. Si on est uniquement sur l’aspect possessoire (actions de 927 et 928 CC), le
droit sur l’objet n’a aucune importance.
!
Il y a une seule exception à l’art. 927 al. 2 CC où on tient compte exceptionnellement du droit. Si de toute évidence
celui qui se plaint de l’usurpation, c’est-à-dire celui qui veut reprendre l’objet est le vrai propriétaire, on ne va pas
obliger le propriétaire à perdre le procès possessoire pour ensuite ouvrir un procès pétitoire. Si le propriétaire peut
immédiatement établir le vol et sa qualité de propriétaire, le voleur va perdre son procès possessoire.
!
Si le propriétaire ne peut pas prouver tout de suite qu’il a été victime du vol, le voleur va gagner le procès possessoire,
et ensuite le propriétaire devra ouvrir un procès pétitoire pour faire valoir son droit.
Cette règle exceptionnelle ne vaut que pour l’art. 927 CC et pas pour l’art. 928 CC.
!
L’action possessoire est dirigée par la victime de l’acte d’usurpation ou de trouble à la possession, c’est-à-dire l’ancien
possesseur. Cette action est dirigée contre le possesseur actuel ou son ayant cause de mauvaise foi, c’est-à-dire celui qui
lui succède en sachant que l’objet n’appartenait pas au possesseur précédent. Celui qui utilise l’action de 927 CC peut
actionner le voleur et le receleur. En revanche, l’acquéreur de bonne foi n’a pas la légitimation passive à l’action
possessoire !
24
2014-2015
!
Quid de la péremption de l’action possessoire ? L’action possessoire a pour objet de rétablir la situation pour discuter du
droit. Elle a pour but de remettre en état provisoirement la situation. Si on demande une telle remise en état très
longtemps après l’usurpation ou de la possession entravée il faudrait plutôt agir au pétitoire. Si on attend trop
longtemps, il n’y a plus de raison d’octroyer une protection provisoire. Ca explique le régime de péremption de l’art.
929 CC.
!
L’art. 929 al. 1 CC dit qu’il faut protester pour saisir le juge du possessoire. La protestation doit être notifiée à l’auteur
du trouble ou de l’usurpation. Il faut agir dans les meilleurs délais pour la protestation. Le TF ne tranche pas cette
question, mais ce sont les tribunaux cantonaux qui fixent les délais. Dans un procès genevois, le tribunal cantonal a dit
que 7 semaines c’est bon, mais que 5 mois est trop long. Ca dépend des circonstances.
!
L’art. 929 al. 2 CC prévoit que l’action se prescrit par 1 an. En plus de protester rapidement, il faut ouvrir le procès dans
l’année dès le trouble de la possession ou de l’usurpation. Cet alinéa parle de délai de prescription, mais le délai est
péremptoire. C’est un délai qui ne s’interrompt pas et qui ne se suspend pas. Si on laisse passer l’année, on perd les
actions des art. 927 et 928 CC. Mais ça ne veut pas dire qu’on perd l’action pétitoire ! On ne perd que les actions
possessoires.
!
L’action tend à la fin de l’usurpation, du trouble, mais l’art. 927 al. 3 et l’art. 928 al. 2 CC prévoient qu’on peut aussi
demander la réparation du dommage. C’est bizarre de pouvoir demander des d-i sans que la question sur le droit soit
tranchée. On considère que cette réparation du dommage n’est qu’un cas d’application de l’art. 41 CO. C’est une
responsabilité délictuelle ordinaire qu’on peut joindre à l’action possessoire.
!
Quelle réparation demander ? C’est au plus les frais de remise en l’état. Si un acte de justice propre n’est pas légitime
du point de vue de la loi, les frais de la remise en l’état sont à la charge de l’auteur du trouble ou de celui qui a entravé
la possession. Dans le cas du squatter, si le propriétaire change les serrures sans faire d’action, il peut causer un
dommage au squatter et ce dommage pourrait être réparé sur la base des art. 927 al. 3 et 928 al. 2 CC. Par contre, le
squatter ne peut pas demander le remboursement des frais d’hôtels dus au fait qu’il n’a pas pu dormir dans l’immeuble
du propriétaire.
!
Le litige judiciaire doit être tranché rapidement. La compétence dans le canton de Vaud est confiée à un magistrat
unique : le Président du TA (art. 6 ch. 55 CDPJ). Depuis l’entrée en vigueur du CPC, on se demande si les actions
possessoires doivent être soumises à la procédure sommaire ou non. Piotet pense qu’il faudrait que les actions
possessoires soient des cas de procédure sommaire.
!
S’agissant du contrôle par le TF, le TF revoit-il librement les art. 927 et 928 CC ou sous un angle restreint ? Sous
l’empire de l’aOJF, le TF disait que les actions possessoires sont provisoires donc il n’y avait pas de recours ordinaire
au TF (ATF 113 II 243). Depuis l’entrée en vigueur de la LTF, cette loi restreint à des griefs de violations de droits
constitutionnels (art. 93 LTF) lorsqu’on recourt contre des décisions qui ne sont pas finales. En effet, les actions
possessoires ne donnent pas lieu à des décisions finales. Le TF a repris sa jurisprudence qui valait sous l’aOJF : les
actions possessoires sont provisoires, donc il n’y a pas de recours ordinaire.
!
Une partie de la doctrine considère que cette jurisprudence est discutable dans la mesure où le tribunal tranche
définitivement sur les questions possessoires. Donc ce serait une décision finale qui devrait être susceptible de recours
au TF. Mais une autre partie de la doctrine soutient la jurisprudence du TF.
!
!
§5
Les limites d’une protection renforcée en droit procédure
L’action possessoire permet une remise en l’état lorsqu’il y a un acte d’usurpation ou de trouble. Ca reste une action
judicaire lourde à mettre en place. Pour de petites usurpations ou de petits troubles à la possession, un grand procès
n’est pas forcément pratique, approprié.
!
On a alors prévu une interdiction sanctionnée d’une amende sans faire de procès possessoire en cas d’atteinte à la
possession d’un immeuble. On veut interdire de porter atteinte à la possession (interdire le stationnement, se parquer
sans macaron, etc.) et la violation est sanctionnée d’une amende. C’est plus dissuasif car on sait qu’on va recevoir
25
2014-2015
l’amende si on ne respecte pas l’interdiction alors que si celui qui voit sa possession troublée ou usurpée devait ouvrir
un procès contre nous, on sait qu’il ne le fera pas pour 30 min de stationnement par exemple.
!
Le CPC reprend le mécanisme qui existait dans le canton de Vaud aux art. 258 ss CPC. A la demande du propriétaire ou
du titulaire d’un droit réel sur un immeuble, le juge peut prononcer une interdiction officielle sanctionnée d’une amende
si l’interdiction n’est pas respectée. Tout contrevenant risque alors une amende.
!
!
Ca ne vaut que pour les biens immobiliers !
ATF 83 II 161 = JdT 1957 I 529 (arrêt avant le CPC actuel): Si on pose une interdiction officielle selon la loi cantonale
d’avant le CPC, la seule cause d’interdiction menace la possession. C’est paradoxal. Le fait de faire une interdiction
générale entrave notre possession même si elle est illégitime. Il faut donc faire un procès et pas une interdiction
générale. Si je stationne sur une place de parque qui n’est pas à moi et que le propriétaire veut y mettre une interdiction,
ça va entraver ma possession qui est illégitime. On peut faire opposition à la demande d’interdiction et ça bloque
l’interdiction : personne ne peut mettre d’amende. C’est alors au demandeur (celui qui voulait mettre l’interdiction) qui
doit agir contre celui qui stationne sur sa place.
!
!
A partir du chapitre IV, on ne va regarder que les objets mobiliers.
Chap. IV
Les présomptions découlant de la possession des meubles
C’est une des conséquences du principe de publicité des droits réels. La publicité a 3 aspects on l’a vu : une
présomption du droit (ce qu’on va voir maintenant), transférer la possession pour transférer le droit de propriété sur le
meuble et la protection de l’acquéreur de bonne foi. Les présomptions sont aux art. 930 et 931 CC.
!
L’art. 930 al. 1 CC prévoit que le possesseur d’une chose mobilière est présumé propriétaire. L’al. 1 règle la situation
dans le présent. L’al. 2 applique la même solution en arrière dans le temps : pour la période où une autre personne
possédait l’objet, cette personne était pour cette période présumée la propriétaire de l’objet.
!
Jusqu’ici, on a vu la possession comme une situation de fait. A partir de ce chapitre IV, on a une présomption de droit.
On présume la propriété. La notion de possession de l’art. 930 (et de l’art. 931 CC) va au-delà de la notion de
possession de l’art. 919 CC. A l’art. 919 CC, le possesseur est celui qui remplit les éléments objectif et subjectif. Il faut
aller plus loin. La possession utile pour présumer la propriété est un peu plus exigeante que la notion de base de l’art.
919 CC.
!
!
Ces exigences supplémentaires sont les suivantes :
1)
!
2)
!
!
!
!
La possession ne doit pas avoir d’origine clandestine ou violente. Si la personne qui a l’objet dans les mains l’a
subtilisé ou pris des mains d’autrui, on n’est pas face à une possession utile à la présomption de propriété.
C’est une possession au sens de l’art. 919 CC mais pas au sens de l’art. 930 CC.
La possession ne doit pas être équivoque. La possession ne doit pas se prêter à plusieurs explications
juridiques.
ATF 85 II 70 = JdT 1959 I 469 : 2 personnes vivent ensemble, 1 des 2 décède. Celui qui est vivant dit que
l’objet est le sien. Mais à qui était l’objet avant ? Aux 2, à lui tout seul à la personne morte toute seule ? On ne
sait pas, la possession est équivoque. Donc cette condition n’est pas remplie. On ne sait pas quelle est l’origine
exacte de la possession.
JdT 1959 I 115 : Un agent de change possède-t-il la valeur qu’il utilise professionnellement pour lui-même ou
pour la société qui l’emploie ? Il y a un doute sur l’explication juridique donc il n’y a pas de présomption de
propriété.
Chap. VProtection du possesseur dérivé tirée du droit à la possession
26
2014-2015
C’est l’art. 931 CC qui traite de l’existence d’une présomption pour d’autres droits que la propriété. Ca peut être un
droit réel (usufruit par exemple) ou un droit personnel (contrat de bail-à-loyer/ferme, prêt à usage). L’art. 931 CC essaie
de lier ces situations avec la présomption d’un droit par la possession.
!
!
a.
Protection tirée de son propre droit du possesseur dérivé
C’est l’art. 931 al. 2 CC. Le possesseur originaire remet un objet à un possesseur dérivé. On va regarder la protection du
possesseur dérivé tiré de son propre droit. Notre droit réel ou personnel est présumé par la possession. L’art. 931 al. 2
CC est un cas spécial d’application de l’art. 930 al. 1 et 2 CC pour les autres droits que la propriété. Si on a possédé
comme usufruitier un objet pour une certaine période passée, on est présumé être usufruitier pour cette période.
!
La fin de l’art. 931 al. 2 CC prévoit que la personne ne peut pas opposer cette présomption à celui dont elle tient la
chose. La présomption fonctionne à l’égard des tiers, mais dans les relations internes entre le possesseur originaire et le
possesseur dérivé, c’est le rapport de droit qui les lie qui règle la situation. Dans les rapports internes, c’est à celui qui
invoque le bail-à-loyer qui doit prouver que l’usage de la chose était onéreux et pas gratuit.
!
Si le droit présumé sur l’objet est un droit relatif, la présomption ne va pas aller loin, car tous les tiers ne sont pas liés
par notre droit relatif. Pour les droits de créance, l’al. 2 n’est pas utile. Si j’ai loué un vélo et qu’on me le vole, je ne
peux rien opposer aux tiers. L’al. 1 va régler cette situation.
!
!
b.
Protection du possesseur dérivée tirée du droit du possesseur originaire
C’est l’art. 931 al. 1 CC. Je suis locataire et on me vole l’objet que j’ai loué. Selon l’al. 2, je peux dire que je suis
possesseur de l’objet, mais on ne peut pas se protéger vis-à-vis du voleur. Je n’ai pas un usufruit que je peux opposer à
tout un chacun.
!
Pour se défendre ou reprendre l’objet, l’al. 1 prévoit que le titulaire du droit personnel peut invoquer le droit réel de
celui dont il tient la chose. Un propriétaire grève l’objet d’un usufruit en faveur de l’usufruitier, usufruitier qui loue
l’objet à un locataire. Si le locataire se fait voler l’objet, le locataire peut dire que son bailleur est usufruitier, donc il
invoque l’usufruit qui est le droit de son possesseur originaire et ce droit réel est opposable à tous et donc au voleur.
L’art. 931 al. 1 CC permet au titulaire d’un droit personnel d’être protégé au pétitoire (reprendre l’objet grâce à un
droit). C’est une action offensive.
!
On peut aussi imaginer que l’art. 931 al. 1 CC permette de nous défendre. Le locataire confie l’objet à un réparateur
(contrat d’entreprise). Le propriétaire voit son objet dans la vitrine du réparateur. Il veut que le réparateur lui rende
l’objet. Le réparateur dit que grâce à l’art. 931 al. 1 CC, il peut invoquer contre lui le 1er droit réel des possesseurs
originaires dont il tient la chose. Le réparateur tient l’objet du locataire qui a un droit personnel et le locataire tient
l’objet de l’usufruitier. Donc le réparateur va invoquer l’usufruit car l’usufruit est le 1er droit réel des possesseurs
originaires dont le réparateur tient la chose. L’usufruit est opposé au propriétaire et donc le réparateur pourra garder la
chose.
!
Pour l’art. 931 al. 1 et 2 CC, il faut que la possession ait la même qualité que l’art. 930 CC, c’est-à-dire qu’il faut
remplir les 2 exigences supplémentaires.
!
!
!
!
TITRE II – DIFFERENTES SORTES DE MEUBLES
Introduction générale
Chap. Ier
•
Les catégorisations des meubles
Chose de genre/corps certain. Le corps certain est une chose individualisée et la chose de genre se définit par ses
qualités. Un CC/CO annoté est une chose de genre. Si l’exemplaire est dédicacé, c’est un corps certain. Cette
distinction ne vaut que dans le droit des obligations, particulièrement dans le contrat de vente (art. 185 CO).
!
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2014-2015
•
•
!
!
!
Chose fongible/chose non fongible. Une chose fongible est une chose qui se compte, se pèse, se mesure. Par
exemple, 2 kg de riz. Les choses non fongibles ne se comptent pas, ne se pèsent pas, ne se mesurent pas. Cette
distinction ne vaut que dans le droit des obligations, à part pour le mélange pour les droits réels.
!
Chose consomptible/chose non consomptible. Une chose consomptible est une chose qui disparaît par l’usage
qu’on en fait alors qu’une chose non consomptible peut s’user mais ne pas disparaître par l’usage. Une voiture ou
un ordinateur est une chose non consomptible. Un kg de pommes est une chose consomptible, tout comme de
l’argent liquide (100 francs par exemple). Cette distinction joue un rôle pour l’usufruit on le verra.
Chap. II
a.
Les papiers-valeurs
Notion
C’est la réunion d’un élément matériel qui est un objet mobilier (un papier) et un élément immatériel qui est un objet
intellectuel (une valeur, un droit). L’élément immatériel est fusionné dans l’élément matériel pour ne faire qu’un bien
juridique. Le droit est incorporé dans le papier. On parle de droit de créance incorporé dans un papier-valeur. La créance
est dans le document et on n’exerce pas l’un sans l’autre.
!
Les papiers valeurs remontent au Moyen-Age. Le document écrit a servi de preuve et d’instrument de paiement. Depuis
une cinquantaine d’année, les papiers-valeurs ont perdu du terrain notamment à cause de l’informatique. Il reste
quelques domaines où on voit encore quelques papiers-valeurs. La lettre de change ou billet à ordre ont perdu beaucoup
de terrain. Mais on verra en droits réels que les papiers valeurs ont encore une importance pratique avec la cédule
hypothécaire et le gage.
!
Il peut y avoir des papiers qui représentent une créance mais ce ne sont pas des papiers-valeurs. Pour qu’un papier soit
un papier-valeur, il faut une clause de présentation qualifiée.
!
On parle de clause de présentation car en tant que titulaire de notre créance, on ne peut encaisser de notre débiteur que
si on a le papier-valeur. La clause de présentation est dite qualifiée car le débiteur de son côté ne doit payer que sur
présentation du papier-valeur. Côté débiteur et côté créancier, il faut le papier-valeur.
!
ATF 117 II 166 = JdT 1992 I 573 : Ce qu’on appelait les livrets d’épargne qu’on devait présenter à la banque à l’époque
étaient-ils un papier-valeur ou non ? Le TF a dû regarder si l’encaissement ne pouvait avoir lieu que sur présentation du
livret ou non. Si c’est le cas, c’est un papier-valeur. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas un papier-valeur.
!
!
!
Il y a 3 catégories légales de papiers-valeurs (let. b, c et d).
b.
Les titres au porteur
C’est un papier-valeur dont le titulaire se légitime par la possession du papier-valeur. Le possesseur du papier-valeur est
présumé être le titulaire du droit incorporé. Celui qui a la possession du document en question avec la clause de
présentation qualifiée peut encaisser. Le titulaire est celui qui possède l’objet. Ca a pour conséquence que les
présomptions des art. 930 et 931 CC s’appliquent aux titres au porteur (JdT 1984 I 148).
!
Les règles sur les droits réels s’appliquent car ce sont les règles sur la possession qui s’appliquent. ATF 124 III 241 =
JdT 1999 I 183 : un papier-valeur qui a été perdu et quelqu’un l’avait trouvé. Au bout de 5 ans on peut être propriétaire
de l’objet perdu selon certaines formalités. Le TF a appliqué ces formalités. Le propriétaire est devenu propriétaire sur
la base des règles des droits réels.
!
!
!
De même, la protection du tiers acquéreur de bonne foi est assurée par les règles des droits réels.
c.
Les titres à ordre
Le titre à ordre désigne comme bénéficiaire une personne nommément fixée. L’identité est consignée sur le document.
Ce titre peut être cédé. Il n’est pas cédé par le transfert de la possession comme le titre au porteur mais par un
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2014-2015
endossement (cession spéciale du droit de change du CO) qui consiste en une écriture qui désigne le nouveau titulaire.
Seul l’endossement permet le transfert du titre.
!
Le régime ne dépend pas des droits réels : les présomptions des art. 930 et 931 CC ne s’appliquent pas et il n’y a pas de
protection du tiers de bonne foi du CC. La protection de l’acquéreur de bonne foi est régie par les art. 1006 et 1007 CO.
!
!
d.
Les titres nominatifs
On parle de « titres nominatifs au sens strict ». Le titulaire du papier-valeur est désigné nominalement mais sans clause
à ordre et sans endossement pour le transfert. La personne nommément désignée peut transférer le droit du papier selon
les règles du CO (art. 164 ss CO).
!
On n’applique pas les règles des droits réels non plus, seul le droit d’obligation est décisif. On n’applique pas les
présomptions des art. 930 et 931 CC ni la protection de l’acquéreur de bonne foi du CC.
Dans les titres à ordre et les titres nominatifs, le papier un objet corporel qui échappe au régime des droits réels. Le
régime est réglé par le CO.
!
!
e.
Les titres intermédiés
Ce sont les papiers-valeurs qui sont conservés par des professionnels sur demande des établissements de crédit (banques
généralement) qui confient les originaux. Les papiers-valeurs des banques sont conservés dans les coffres de grosses
sociétés.
!
Avant 2011, les titres intermédiés étaient régis par les règles du CC et CO. Les banques ont estimé que c’était trop
compliqué. On a alors adopté une LF de 2008 sur les titres intermédiés qui sort du système du CC et CO tout le régime
de titularité des titres intermédiés. Pendant la période d’ « intermédiation », ce papier-valeur est régi par cette LF.
Le titulaire du papier-valeur n’est plus propriétaire du papier-valeur mais n’a plus qu’une créance en obtention.
L’établissement est notre débiteur et on n’est plus propriétaire du papier-valeur.
!
!
!
!
ATF 138 III 137 = JdT 2012 II 439 parle de cette LF.
f.
Les instruments de preuve
Papiers-valeurs
Le papier-valeur répond à une clause de
clause de
Titres
au porteur
Possesseur
présumé
p r é s e n t a t i o n Titres
à ordre
des papiersDroits
réels
Bénéficiaire
nommément
présentation qualifiée. Les titres qui n’ont pas de
Titres
intermédiés
qualifiée ne sont pas Titres
nominatifs
valeurs mais
Droits
réels ne
Bénéficiaire
nommément
Droits
réels ne
sont des
instruments
de preuve.
Ca va aider
le créancier à prouver que la créance existe en sa faveur, mais ce n’est pas un papier-valeur.
!
Ces documents qui portent sur une créance qui ne sont pas un papier-valeur peuvent-ils avoir une propriété séparée de
celle du créancier ? Est-ce que le document peut valablement appartenir à une tierce personne qu’au créancier ? La loi
ne dit rien. La doctrine considère qu’automatiquement le document qui est un corps matériel suit la titularité de la
créance. C’est un accessoire juridique de la créance. Tous les créanciers deviennent automatiquement, dès la cession,
titulaires du papier. Même si l’objet est chez un tiers, on peut aller le rechercher si on est créancier. Le document ne
peut donc pas appartenir à une tierce personne qu’au créancier.
!
29
2014-2015
C’est, par exemple, le jeton de vestiaire que l’on reçoit en échange du manteau qu’on dépose. C’est un instrument de
preuve.
!
Si on perd le vrai papier-valeur et qu’on ne peut plus exercer le droit (car la clause de représentation exige la
présentation du papier-valeur), il faut annuler le papier-valeur qui va séparer le papier de la valeur. Une fois la valeur
récupérée, on peut la réinscrire dans un autre papier qui deviendra un papier-valeur.
!
!
Chap. III
Les animaux
Il faut distinguer le sujet de droit de l’objet de droit. L’art. 641a CC prévoit que les animaux ne sont pas des choses (al.
1) mais à moins que la loi prévoie autre chose, les animaux sont traités comme des choses (al. 2). Cet article est plus
déclaratoire que juridique.
!
En droit civil, il n’y a pas de différence entre la chose et l’animal. La loi introduit cependant quelques articles où
certains animaux ont un régime spécial différent des autres animaux qui sont des choses. Mais on ne peut pas dire que
l’animal est un sujet de droit malgré ces quelques dispositions spéciales. L’animal est un objet de droit.
!
L’art. 651a CC traite du partage de la copropriété d’un animal. Les objets matrimoniaux sont présumés être en
copropriété. Cette copropriété prend fin au moment de la dissolution du mariage. Il faut déterminer qui devra obtenir
l’animal. L’art. 651a CC est une règle spéciale pour les animaux. On attribue l’animal à l’un des deux copropriétaires
(al. 1), avec éventuellement un dédommagement pour l’autre (al. 2). Des MP sont possibles (al. 3).
!
Seuls les animaux vivant en milieu domestique sont visés par l’art. 651a CC et de plus, il ne doit pas y avoir de but de
profit à avoir cet animal (al. 1). Si on élève des chatons pour les vendre à des tiers, ils ne sont pas visés par l’art. 651a
CC. C’est discriminatoire car si ces chatons ne sont pas élevés dans un but de gain, ils sont visés par cet article.
!
L’al. 1 prévoit que l’attribution se fait selon les critères de la loi sur la protection des animaux. On regarde quelle
personne a la niche par exemple. Mais les copropriétaires peuvent prévoir un autre régime par une convention.
!
On voit que l’exercice des droits est lié au propriétaire de l’animal, ce qui prouve que l’animal n’est pas un sujet de
droit mais un objet de droit.
!
!
!
TITRE III – ACQUISITION ET PERTE DE LA PROPRIETE MOBILIERE
Chap. Ier
Introduction
Le droit de propriété se définit comme une liberté par rapport à une chose. La propriété sur un objet mobilier fait l’objet
de restrictions. C’est d’ailleurs prévu à l’art. 641 CC qui prévoit « dans les limites de la loi ». La liberté est restreinte.
Ces restrictions peuvent venir :
!
•
•
!
!
!
Du droit privé. C’est le cas l’abus de droit, de l’art. 52 CO (si on dépasse la légitime défense), du fait d’utiliser
l’objet d’autrui pour aller sauver quelqu’un. A part ces restrictions, il n’y a pas d’autres cas de droit privé où le
droit d’autrui vient restreindre la propriété.
!
Du droit administratif. Une petite partie de ces restrictions concernent l’utilisation des objets mobiliers (loi sur la
protection des animaux par exemple). Autrement, on restreint plutôt le droit d’aliéner l’objet en vue de protéger
des intérêts publics (loi sur les explosifs, loi sur les produits thérapeutiques, loi sur les stupéfiants, etc.).
Il y a aussi du droit administratif cantonal. L’art. 6 CC laisse une compétence aux cantons. Par exemple des règles
qui protègent des objets historiques du canton.
Il faut distinguer l’acquisition à titre particulier de l’acquisition à titre universel.
-
Acquisition à titre universel. Seule la loi peut prévoir une acquisition à titre universel. La loi opère le transfert
pour une universalité d’objets. Tout passe d’un coup à l’acquéreur. L’acquisition à titre universel est
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!
-
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!
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!
l’exception. Il y a acquisition à titre universel pour la succession des héritiers, dans la communauté de biens
(art. 221 ss CC) et dans le droit commercial (les fusions, absorptions, transferts de patrimoines entre sociétés
commerciales.
Acquisition à titre particulier. La règle est qu’on acquiert à titre particulier. C’est un objet et le titre permet de
transférer la propriété de cet objet. On ne va regarder que les acquisitions à titre particulier. Il y a 2 types
d’acquisition à titre particulier :
-
A titre originaire (chapitre II). C’est l’acquisition dont la validité ne dépend pas du droit de l’ancien
propriétaire. On devient propriétaire sans égard à l’ancien droit de propriété. Ce sont des cas
d’exceptions.
-
A titre dérivé (chapitre III). La propriété dépend de la propriété de l’aliénateur. On ne devient
propriétaire que parce que celui qui nous transfère l’objet en est propriétaire.
Chap. II
§ 1er
Modes originaires d’acquisition de la propriété mobilière
L’occupation des choses sans maître
On devient propriétaire d’une chose qui n’avait jusque là pas de maître. C’est prévu à l’art. 718 CC. On parle
d’occupation d’une chose sans maître. On prend la possession d’un objet en ayant la volonté d’être propriétaire de
l’objet. L’occupation repose sur 2 éléments :
!
1)
2)
!
On devient possesseur de l’objet (élément objectif).
On a la volonté d’être propriétaire de l’objet (élément subjectif).
Il faut que l’objet soit sans maître, c’est-à-dire qu’il n’avait aucun propriétaire, qu’il n’appartenait à personne. Il y a 2
types d’objet qui n’appartiennent à personne :
!
!
a)
L’objet qui n’a jamais appartenu à personne. Par exemple, un fragment de météorite ou les animaux sauvages.
b)
L’objet qui a eu un propriétaire mais l’ancien propriétaire a abandonné son droit de propriété. L’abandon de la
propriété s’appelle la déréliction. La déréliction est un acte juridique unilatéral du propriétaire qui renonce à sa
propriété. Il faut 2 éléments :
1)
Abandon de la possession (élément objectif).
2)
Volonté que la propriété prenne fin (élément subjectif).
!
!
C’est le cas de celui qui lit un journal et qui le laisse ensuite dans le train. Si l’objet a fait l’objet d’une
déréliction, il devient une chose sans maître.
L’occupation est le fait d’acquérir un droit. Il suffit d’avoir le discernement pour occuper. Lorsqu’on fait déréliction,
qu’on abandonne un droit, il faut le discernement mais comme on va perdre un actif il faut le consentement du
représentant légal si on est mineur ou sous curatelle restreignant l’exercice de ce droit (art. 19a CC).
!
!
Le cas de l’occupation des animaux est prévu à l’art. 719 CC. Il y a différentes hypothèses :
-
!
-
!
L’animal sauvage (al. 1). On vise l’animal sauvage qui s’est échappé. Par exemple, l’animal s’est échappé du
zoo. Pour que l’animal reste propriété privée, il faut des recherches ininterrompues et immédiates. Dès qu’on
interrompt les recherches durablement, il n’y a plus de droit de propriété sur l’animal. L’animal est sans maître.
L’animal apprivoisé (al. 2). Il est censé être occupé par celui qui l’a apprivoisé. Cette propriété privée disparaît
dès que l’animal perd l’esprit de retour. L’animal ne vient plus manger régulièrement par exemple.
31
2014-2015
-
!
L’animal domestique/familier. Ca vise le bétail aussi. La loi n’en parle pas. La propriété privée subsiste même
si l’animal s’est échappé. Si notre hamster s’est échappé et qu’on ne fait pas de recherche, on reste propriétaire.
Cette catégorie ne crée pas de choses sans maître.
Si on appliquait l’art. 718 CC à la lettre, le braconnier qui tirerait sur un animal sans permis de chasse (il tire
illégalement) pourrait dire qu’il est propriétaire de l’animal mort car il a la possession de l’animal et la volonté d’en
devenir propriétaire. Ce serait choquant qu’on puisse contourner les dispositions du droit public de la chasse si la
personne remplit les éléments objectif et subjectif de l’art. 718 CC.
!
L’animal, avant d’entrer dans le circuit du droit privé, est d’abord dans le circuit du droit public. La régale de la chasse
est une régale cantonale historique : les cantons selon leur propre législation décident eux-mêmes qui peut chasser sur
leur territoire et à quelles conditions. Pour entrer dans le droit privé, l’animal est d’abord soumis au droit public. Pour
s’approprier un animal sauvage il faut certes remplir les conditions de droit privé, mais aussi remplir les conditions du
droit public !
!
Les abeilles sont un cas particulier prévu à l’art. 719 al. 3 CC. Ce n’est pas parce que l’essaim part qu’on en perd la
propriété. L’art. 725 al. 2 CC précise le cas des abeilles. Une fois que l’essaim est entré dans une ruche, l’essaim est
propriété du propriétaire du terrain ou de la ruche dans laquelle se sont réfugiées les abeilles.
!
L’art. 722 al. 1ter CC vise l’animal abandonné (dont on fait déréliction). Si on trouve un animal abandonné et qu’on le
confie à un refuge, on renonce à l’occupation car on n’a pas la volonté d’avoir la propriété de l’animal. On transfère le
droit de disposer de l’animal au refuge. Ce refuge peut, au bout de 2 mois, placer l’animal en pleine propriété chez celui
qui accepte de l’avoir chez lui. C’est aussi un mode originaire d’acquisition.
!
Pour les autres objets, il n’y a pas de régale cantonale, donc c’est plus simple : il n’y a pas de droit public à respecter. Il
faut prouver l’abandon de l’objet par l’ancien propriétaire. La déréliction ne se présume jamais ! Celui qui dit que la
chose a fait l’objet d’une déréliction doit le prouver.
!
On met des vieux habits dans un sac et on le met dans un conteneur de récupération. Une personne va se servir dans ce
conteneur. C’est un vol. Elle ne peut pas dire que le propriétaire avait fait abandon des habits. Le propriétaire, en
mettant les habits dans le sac pour qu’ils soient donnés à une entreprise de ramassage, ne fait pas un abandon mais un
transfert des objets.
!
!
§2
Acquisition de la propriété d’une chose perdue
Ce sont les art. 720 à 722 CC. Une chose perdue est un objet dont le propriétaire n’a plus la possession et cette perte de
possession est involontaire. De plus il n’y a pas eu de vol. Celui qui trouve l’objet est appelé l’inventeur.
!
Précis : Un bien perdu est un bien mobilier au sens de l’art. 713 CC dont le propriétaire ou celui à qui il avait été confié
a été dessaisi dans sa volonté et qui n’est actuellement en possession de personne. Un bien perdu n’a pas de possesseur,
mais il a un propriétaire ; en cela il se distingue des biens sans maître qui peuvent faire l’objet d’une occupation. Un
bien n’est pas perdu lorsqu’il a été volé et qu’il est encore en possession du voleur ou que celui-ci en a transféré la
possession à un tiers.
!
!
Pour devenir propriétaire d’un objet perdu, c’est-à-dire pour être inventeur, il faut remplir 3 conditions :
1)
2)
!
!
3)
Prendre la possession de l’objet. Pour devenir propriétaire d’un objet perdu, il faut trouver l’objet. On dit que la
personne qui trouve l’objet est l’inventeur de l’objet. L’inventeur de l’objet est celui qui prend possession de
l’objet perdu.
L’inventeur considère l’objet comme perdu. Si dans son esprit il se rend compte que l’objet est perdu, il est un
inventeur. S’il pense que l’objet est abandonné, il n’a pas la qualité de l’inventeur.
L’inventaire doit en plus prendre la possession de l’objet sans commettre d’acte illicite.
32
2014-2015
L’inventeur doit conserver l’objet avec objectif de le remettre à son propriétaire dès que le propriétaire est découvert. Ce
n’est que si l’inventeur ne peut pas remettre l’objet au propriétaire au bout de 5 ans (art. 722 al. 1 CC), qu’il peut
devenir propriétaire de l’objet perdu.
!
L’art. 720 al. 3 CC prévoit des objets dont on ne peut pas avoir la propriété directement après 5 ans. Si on trouve à
l’UNIL un objet, il faut le remettre au service des objets perdus. On ne peut pas devenir propriétaire après 5 ans. C’est
une exception au principe général.
!
Il y a des exceptions qui ressortent des lois sur les transport, notamment de la LF sur le transport public avec
l’ordonnance y relative : on règle le sort des objets perdus dans les transports publics. On déroge au CC ; on prévoit des
délais plus courts notamment. La LF sur la navigation aérienne et la LF sur la Poste prévoient aussi des exceptions. On
y trouve des règles spéciales aux règles du CC.
!
L’art. 725 al. 1 CC prévoit le cas de l’épave. Le vent a emporté notre chapeau. C’est une épave, c’est comme si la chose
était perdue. Si le propriétaire du terrain trouve notre épave, il est inventeur.
!
Le TF avait une interprétation extensive de la notion de chose perdue. Dans un arrêt, des objets cachés dans un wagon
ont été considérés comme perdus alors même que le propriétaire savait que les objets étaient là. C’est un peu contraire
au système légal car si le propriétaire sait où est son objet, il en reste propriétaire. Puis dans un autre arrêt, le TF est
revenu en arrière et considère que si le propriétaire sait toujours où est l’objet, ce n’est pas une chose perdue. Si le
propriétaire a juste caché des objets, ces objets ne sont pas perdus.
!
!
Les devoirs de l’inventeur (art. 720 CC) :
Il y a un devoir de recherche du propriétaire de l’objet perdu (art. 720 al. 1 CC), sauf si la valeur de l’objet est inférieure
à 10 francs (art. 720 al. 2 CC). Il faut signaler à la police qu’il a trouvé l’objet.
!
C’est précisé par l’art. 76 CDPJ dans le canton de Vaud : si on remet l’objet de valeur trouvé à la police ou dans un lieu
officiel, en principe, on est censé avoir renoncé à notre droit de propriétaire. Si on veut garder le droit de pouvoir
acquérir l’objet après 5 ans, il faut le dire à la police. Dans ce cas, la police va nous dire de garder la chose. Et après 5
ans, on en devient propriétaire. Si le propriétaire n’est pas trouvé après 5 ans, on devient propriétaire.
!
Si le propriétaire est trouvé dans les 5 ans dès l’avis à la police, il faut lui rendre l’objet sitôt qu’il est prouvé qu’il est
bel et bien propriétaire. Dans ce cas, l’inventeur a le droit de se faire rembourser tous ses frais et il a droit en plus à une
gratification équitable (art. 722 al. 2 CC).
!
SJ 1993 186 : Un client, dans la salle des coffres d’une banque, trouve un bijou précieux perdu par un autre client. On
ne lui a pas donné de gratification car la chose a été trouvée dans un maison habitée/locaux et installations affectés à un
service public. Le TF a refusé la gratification dans ce cas au motif que de toute façon quelqu’un d’autre aurait trouvé
l’objet.
!
Il se peut que la conservation de l’objet soit onéreuse ou alors que l’objet ne se prête pas à la conservation. Par exemple,
on trouve une tonne de bananes qui vont pourrir si on attend 5 ans. Si l’objet risque de dépérir ou que la garde est très
coûteuse (on trouve un éléphant), on peut mettre l’objet en vente mais il faut une autorisation officielle (art. 721 CC).
Le prix de vente remplace la chose (art. 721 al. 3 CC). Dans le canton de Vaud, l’art. 80 CDPJ prévoit que le juge
compétent est le juge de paix. Si le propriétaire apparaît dans les 5 ans, il a droit au prix de vente, sous déduction des
frais.
!
Si au bout de 5 ans, on ne trouve pas le propriétaire, l’inventeur devient automatiquement et légalement propriétaire de
l’objet trouvé (art. 722 al. 1 CC). Il y a une exception pour les animaux (art. 722 al. 1bis CC) : pour les animaux vivant
en milieu domestique, le délai est de 2 mois et non de 5 ans. Ca ne vaut que pour les animaux domestiques et pas pour
le bétail par exemple.
!
L’art. 722 al. 3 CC prévoit que si on trouve la chose dans une maison habitée ou dans des locaux et installations affectés
à un service public, on n’a pas de droit à devenir propriétaire après 5 ans. Celui qui trouve un objet à l’université et qui
33
2014-2015
le remet aux objets perdus n’a pas le droit de devenir propriétaire après 5 ans. Ils peuvent toutefois demander une
gratification.
!
Précis sur le droit à une gratification : L’inventeur qui a respecté les règles des art. 720 et 720a a droit à une
gratification équitable (art. 722 al. 2), sauf s’il s’agit du maître de maison d’un locataire ou du personnel de
surveillance (art. 722 al. 3 CC). Rappelons que celui qui a trouvé un objet dans une maison habitée ou dans des locaux
ou installations affectés à un service public n’est pas un inventeur au sens de l’art. 722 al. 2 et n’a donc pas droit à une
gratification (SJ 1993 186 : l’arrêt où la gratification a été refusée) !
!
!
Le statut de celui qui conserve l’objet dans les 5 ans pendant la période de recherche du propriétaire
On trouve un objet précieux, on le déclare à la police, mais on nous le vole. On n’est pas encore propriétaire car les 5
ans ne se sont pas écoulés. On n’a donc pas de droit opposable au tiers. Du point de vue pétitoire, on n’a pas d’action.
Cette solution n’est pas heureuse.
!
La doctrine considère que l’inventeur a déjà une expectative de propriété, un droit de propriété en formation, sous
condition résolutoire que celui qui est propriétaire de l’objet se présente. L’inventeur a déjà un petit bout de droit réel et
il peut déjà invoquer ce bout de droit réel contre le tiers. Donc on peut attaquer le voleur si on nous dérobe l’objet.
!
!
!
§3
Acquisition d’un trésor
C’est prévu par l’art. 723 CC. Les conditions pour qu’un objet soit un trésor :
1)
Le trésor est un objet mobilier qui est caché dans un autre objet. L’objet qui cache le trésor peut être un objet
mobilier (dans un tiroir secret dans une commode) ou un objet immobilier (dans un arbre).
!
!
2)
L’objet mobilier qu’est le trésor doit être précieux, il doit avoir de la valeur (des pièces d’or par exemple).
3)
Pour qu’il y ait trésor, l’objet mobilier ne doit pas être une partie intégrante du contenant. On a une paire de
chaise Louis XV. On se rend compte que sur les pieds de la chaise il y a des bouts d’or. Etant donné que cet or
fait partie de la chaise, même si on ne savait pas qu’il y avait de l’or, ce n’est pas un trésor car c’est une partie
intégrante de la chaise.
!
4)
On ne peut plus identifier le légitime propriétaire. Si les recherches du vrai propriétaire coûteraient trop cher,
on peut considérer que l’objet est un trésor même sans recherche concrète.
L’art. 723 al. 2 CC prévoit que la propriété du trésor revient au propriétaire du contenant. Si on trouve de l’or dans une
commode, c’est le propriétaire de la commode qui est propriétaire de l’or. JdT 1974 I 576 : on trouve des pièces d’or
dans une poutre, le propriétaire de l’or est alors le propriétaire de la poutre.
!
Le propriétaire du contenant qui est propriétaire du trésor n’est pas forcément celui qui a trouvé le trésor. Dans ce cas,
celui qui a trouvé le trésor a droit à une gratification équitable qui ne peut pas excéder la moitié de la valeur de la chose
(art. 723 al. 3 CC).
!
!
L’art. 724 CC prévoit le régime pour les biens culturels :
•
•
!
•
Art. 724 al. 1 CC. Il prévoit que les valeurs naturelles et les antiquités qui n’appartiennent à personne sont la
propriété du canton.
!
Art. 724 al. 2 CC. Le propriétaire du fond où est trouvé la valeur est obligé de permettre les fouilles nécessaires.
Quand le CC nous dit à l’art. 724 al. 2 CC que les fouilles doivent être permises par le propriétaire, on applique le
droit public qui règle la protection des monuments et des sites.
Art. 724 al. 3 CC. L’objet qui a une valeur culturelle ou historique précieuse est trouvé. L’inventeur de la
découverte et le propriétaire du trésor qui revient au canton ont droit à une indemnité équitable (art. 724 al. 3 CC)
car l’objet revient au canton. Le canton devient propriétaire.
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!
•
!
2014-2015
Art. 724 al. 1bis CC. On a un régime spécial pour les objets mobiliers à valeur culturelle (art. 724 al. 1bis CC).
Dans le système de restitution internationale, il y a un délai pour que l’Etat d’origine puisse récupérer l’objet
initial. Ce délai est prévu dans une convention internationale qui prévoit un délai de 30 ans à partir du moment où
l’objet a été enlevé illicitement. L’art. 724 al. 1bis CC a été adopté en même temps que cette convention
internationale.
Cette convention a des conséquences notamment en droit civil pour la prescription acquisitive. C’est la raison pour
laquelle l’alinéa 1bis dit bien que l’action en revendication est imprescriptible et surtout on ne peut pas acquérir
l’objet par l’écoulement du temps (usucapion) et il n’y a pas de protection de l’acquéreur de bonne foi.
!
ATF 131 III 418 : le cas à trancher était antérieur à l’application de la convention (avant 2005) et dit que la
convention n’a pas d’effet rétroactif.
!
!
Précis : Le nouvel art. 724 al. 1bis, introduit le 1er juin 2005, améliore la protection des curiosités naturelles et des
antiquités en précisant que celles-ci ne peuvent être valablement aliénées sans l’autorisation des autorités
cantonales compétentes et que, à défaut, ni la bonne foi de l’acquéreur, ni l’écoulement du temps (prescription
acquisitive) ne peuvent conduire à l’acquisition de la chose. Ces règles ne s’appliquent pas aux choses pour
lesquelles le canton a renoncé à sa propriété car il a par là implicitement autorisé leur aliénation.
Dans les cantons, pour les objets classés ou détenus par l’Etat comme biens publics de l’histoire du pays, des régimes
particuliers du droit public cantonal prévoient des règles, comme par exemple l’interdiction de mettre en vente de tels
biens.
!
!
§4
L’usucapion ou prescription acquisitive
Usucapion et prescription acquisitive sont des termes synonymes. C’est une usucapion et pas un usucapion. C’est prévu
par l’art. 728 CC. C’est l’acquisition par le cumul du temps et de la possession du droit de propriété. On devient
propriétaire car on a possédé pendant un certain délai fixé par la loi. C’est le contraire de la prescription extinctive.
!
!
L’usucapion vient du droit romain et les conditions sont presque les mêmes. Il y a 5 conditions à l’usucapion :
1)
!
2)
!
3)
!
!
!
4)
L’objet est dans le commerce. C’est une res habilis, un objet aliénable. L’objet doit être cessible. Un stupéfiant
n’est en principe pas un objet dans le commerce.
Un titre juridique. Le titre juridique n’existe pas dans la réalité, mais dans notre esprit on est convaincu qu’on a
un titre sur l’objet. Ce titre doit être un titre de propriété. C’est prévu par l’art. 728 CC. On possède la chose
d’autrui mais on se croit propriétaire de l’objet. On parle de titre putatif : il n’existe pas mais on croit qu’il
existe.
La bonne foi (fides). Pour acquérir par usucapion, il faut être de bonne foi. On croit avoir un titre et on le croit
de bonne foi. La bonne foi est celle de l’art. 3 CC.
La bonne foi doit exister juste au début ou doit-elle durer pendant toute la durée de la prescription acquisitive ?
En France et en Italie, il suffit qu’on soit de bonne foi au début. En droit suisse, c’est différent : l’usucapion
suppose la bonne foi tout au long de l’usucapion.
La possession. Cette possession a des caractéristiques :
a)
b)
c)
d)
Paisible. A aucun moment quelqu’un ne vient mettre en doute la légitimité de la possession.
Ininterrompue. Si quelqu’un prend l’objet de celui qui usucape, il doit reprendre l’objet, ouvrir un
procès possessoire pour éviter que l’usucapion s’arrête. C’est l’interruption définitive de la possession
qui met un terme à l’usucapion.
Ne doit pas avoir d’origine dans la force, la violence ou la clandestinité.
La possession ne doit pas être équivoque.
35
5)
!
!
!
!
2014-2015
!
L’écoulement du temps. Le délai ordinaire pour les objets mobiliers est de 5 ans. Ca signifie que pendant 5 ans
les 5 conditions doivent être réunies. On devient propriétaire au terme des 5 ans. L’ancien propriétaire perd
alors son droit de propriété.
L’art. 728 al. 3 CC prévoit comment calculer le délai de 5 ans. On nous renvoie aux règles de prescription du
CO : art. 134 CO pour la suspension et 135 ss CO pour l’interruption. Si l’usucapant possède l’objet de son
conjoint, la prescription ne court pas car la prescription ne court pas pendant le mariage. On reprend les mêmes
motifs mutatis mutandis.
L’art. 941 CC concerne aussi le temps. Si on possède pendant moins que 5 ans, qu’on décède et que notre
héritier remplit les conditions de l’usucapion pendant le temps restant jusqu’aux 5 ans, il devient propriétaire.
On ajoute les durées d’usucapion entre plusieurs possesseurs successifs.
L’usucapion a un délai différent dans 2 situations :
1)
2)
!
Pour les animaux en milieu domestique (art. 728 al. 1bis CC), le délai est de 2 mois.
Pour les valeurs culturels (art. 728 al. 1ter CC), le délai est de 30 ans.
Dans quels cas applique-t-on l’usucapion en matière mobilière ? On verra plus tard que celui qui acquière l’objet de
bonne foi, devient propriétaire de l’objet. Ca enlève un grand champ d’application à l’usucapion. Ca ne peut pas être
non plus un objet volé car il y a un autre délai de 5 ans qui court depuis le vol à l’art. 934 CC, ce délai courant plus vite
que le délai de 728 CC car il n’y a pas besoin de remplir les autres conditions de l’art. 728 CC. Les cas restant où
l’usucapion est possible :
!
-
!
-
!
-
!
L’acte de transfert nul (JdT 1970 I 176). On vend un objet à quelqu’un et on se rend compte après 6 ans qu’on a
été victime d’un vice de la volonté. L’acheteur a cru être propriétaire de bonne foi. Il a usucapé l’objet, même
si le contrat n’était pas valable.
L’objet qui est pris par un autre objet très ressemblant. Dans un vestiaire, on se trompe de manteau et on prend
un manteau qui ressemble au nôtre. Au bout de 5 ans, on peut devenir propriétaire par usucapion.
Autres hypothèses. Par exemple celui qui trouve un objet perdu, l’inventeur qui le considère comme
abandonné. Il croit que l’ancien propriétaire a fait déréliction. L’occupation n’est pas possible car l’objet a
toujours un propriétaire. Il n’est pas un inventeur non plus. C’est un cas d’usucapion.
Précis : Comme en matière immobilière (art. 661 ss), la possession paisible et prolongée d’une chose mobilière ou d’un
animal permet d’en acquérir la propriété. L’art. 728 CC impose pour cela une durée moins longue que celle requise
pour les immeubles, mais exige que le possesseur soit de bonne foi. De ce fait, le champ d’application de la prescription
acquisitive en matière mobilière n’est pas très étendu. L’acquéreur et possesseur de bonne foi deviendra en effet
souvent propriétaire par l’effet d’autres règles : les art. 714 al. 2, 933 et 935 si le bien acquis était un bien confié, de la
monnaie ou des titres au porteur ; les art. 714 al. 2 et 934 s’il s’agit d’un bien volé ou perdu et que le délai pour ouvrir
l’action mobilière est échu. Rappelons que, dans ce dernier cas, l’acquisition par le possesseur de bonne foi à
l’échéance du délai de péremption de l’art. 934 al. 1 aura toujours lieu avant une acquisition fondée sur l’écoulement
du délai de prescription prévu à l’art. 728, car celui qui, le premier, prend possession d’un bien volé ou perdu ne peut
pas être de bonne foi au sens de l’art. 728.
!
Si on devient propriétaire de l’objet par usucapion, doit-on rendre notre enrichissement à l’ancien propriétaire ? Doit-on
indemniser l’ancien propriétaire de cette perte de droit de propriété ? Le transfert en droit suisse suppose une cause
valable. L’usucapion est sa propre cause. L’usucapion remplace une cause qui n’est pas efficace. Si le contrat est nul
mais que le vendeur a été victime d’un vice de la volonté, ce n’est pas grave, l’usucapion remplace la nullité du contrat.
Ca implique qu’on ne peut pas récupérer l’enrichissement car comme il y a une cause valable, les conditions de
l’enrichissement illégitime ne sont pas remplies.
!
§5
La spécification, l’adjonction et le mélange
36
2014-2015
!
•
La spécification. C’est la confection d’un nouvel objet à partir d’un objet d’origine différente. On prend une
matière solide et à partir de cette matière on confectionne un objet. Par exemple, on prend de la terre cuite et on
en fait un vase. Ce processus de transformation de l’objet en un nouvel objet s’appelle la spécification.
!
La spécification résulte d’un contrat souvent. On demande à un potier de nous faire un vase avec de la terre cuite.
Dans ce cas, le transfert de propriété se fait sur la base d’un contrat. C’est un cas d’acquisition dérivée si la
spécification résulte d’un contrat.
!
!
Il y a par contre acquisition originaire dans les cas où la spécification se fait sans contrat. Il y a 2 situations :
1) L’acte illicite. On n’a pas le droit de prendre de la matière première mais on travaille cette matière et on crée un
objet nouveau. Le contrat ne dit pas qui est le propriétaire car il n’y a pas de contrat.
!
2) La personne travaille la matière en croyant avoir un contrat mais en réalité il est nul ou invalidé. La personne
croit avoir travaillé de bonne foi sur la base d’un contrat alors que ce n’est pas le cas.
!
Le CC ne règle que les cas où il n’y a pas de contrat qui règle la situation. L’art. 726 al. 1 CC régit cette situation.
Si l’objet nouveau a une valeur due au travail, l’ouvrier devient propriétaire de l’objet nouveau. Si la matière garde
plus de valeur que le travail, le propriétaire de la matière reste propriétaire. Le critère est la valeur prépondérante
entre la valeur de la matière et la valeur du travail. Si c’est le travail qui a plus de valeur que la matière, l’ouvrier
devient propriétaire originaire.
!
L’art. 726 al. 2 CC vise le cas où l’ouvrier est de mauvaise foi. Peu importe la valeur, quand l’ouvrier est de
mauvaise foi, le juge peut dire que la propriété de l’objet revient au propriétaire de la matière. Ce jugement est ex
nunc ! Le propriétaire de la matière première est propriétaire, puis l’ouvrier fait un travail sur l’objet et devient
propriétaire si la valeur du travail dépasse celle de la matière, s’il y a jugement, le propriétaire de la matière
devient propriétaire de l’objet créé.
!
•
L’art. 726 al. 3 CC vise l’indemnisation. Celui qui n’est pas propriétaire (l’ouvrier dont la valeur de son travail est
inférieure à la valeur de la matière ou le propriétaire de la matière dont la valeur est inférieure à la valeur du travail
de l’ouvrier) peut demander une indemnisation sur la base de 41 ss CO ou sur la base de l’enrichissement
illégitime.
L’adjonction et le mélange. C’est l’art. 727 CC. L’art. 727 CC traite de ces 2 institutions qui n’ont pas le même
mécanisme.
!
!
-
!
!
-
!
L’adjonction est le fait d’ajouter une partie intégrante à un objet préexistant.
L’adjonction ne vise que la situation où il n’y a pas de contrat également. On ajoute une partie intégrante sans
qu’il y ait un contrat valable. La partie ajoutée est à A et l’objet principal est à B. Qui devient propriétaire de
l’objet complet ? L’art. 727 al. 2 CC prévoit qu’en principe le propriétaire de l’objet principal est propriétaire
de l’objet entier avec la chose ajoutée. Le régime de propriété principal s’étend à ce qui a été ajouté.
L’al. 1 prévoit une exception : si les 2 objets mis ensemble ont la même valeur. C’est l’exemple du couteau où
le manche et la lame ont la même valeur. Dans ce cas, il y a un régime de copropriété.
Le mélange vise les choses fongibles, choses qui se pèsent, se mesurent, se comptent. Lorsque des choses
fongibles appartenant à des propriétaires différents sont mises ensemble sans pouvoir les séparer (mélanger des
clous, diverses huiles), c’est un mélange. Par contre si on mélange de l’eau et de l’huile il n’y a pas de
mélange.
L’art. 727 al. 2 CC ne s’applique pas car il n’y a pas d’objet qui peut être considéré comme accessoire. On
applique toujours l’art. 727 al. 1 CC. Il y a toujours une attribution en copropriété entre les propriétaires des
choses fongibles mélangées. Quelle que soit l’importance des éléments mélangés, il y a un régime de
copropriété (que A ait mis 10% et que B ait mis 90%, il y a copropriété). Ce n’est pas la valeur des objets
37
2014-2015
!
!
mélangés qui compte pour l’attribution mais la quantité. Il n’importe pas que du bon vin soit mélangé avec du
mauvais vin.
Celui qui se trouve appauvri car son objet mélangé a une plus grande qualité que l’objet de l’autre peut se faire
indemniser. Le propriétaire du bon vin peut demander une indemnisation. C’est prévu par l’art. 727 al. 3 CC.
Il y a un régime exceptionnel pour des mélanges spéciaux :
-
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-
!
!
!
Chap. III
L’argent liquide. L’argent liquide est une chose fongible. Il est donc visé par l’art. 727 CC. Lorsqu’un
voleur prend de l’argent liquide et le met dans son portemonnaie, y a-t-il un régime de copropriété ? Si
on appliquait 727 CC à la lettre, on devrait partager le portemonnaie du voleur en copropriété. Le TF
dans un ATF 47 II 267 dit que l’art. 727 al. 1 CC ne s’applique pas en cas d’argent liquide. Le
mélangeur devient seul propriétaire du tout. Le voleur est propriétaire de tous les billets. Mais le
voleur doit nous indemniser du dommage. La restitution se fait par le biais des art. 41 ss CO.
Un entrepôt professionnel de choses fongibles. Les paysans viennent amener du blé dans le silo de
l’entrepositaire. Cette situation est réglée dans le contrat d’entrepôt dans le CO aux art. 482 ss CO.
L’art. 484 CO règle la situation. Il y a une relation contractuelle entre le propriétaire du silo et celui
qui dépose le blé, mais entre les déposants il n’y a pas de relation contractuelle. En principe, on est
dans un mélange car il n’y a pas de contrat qui régit la situation. Donc ce sont des parts de
copropriété. Mais c’est une copropriété spéciale avec l’art. 484 CO car il n’y a pas besoin de partage.
Chacun peut reprendre ce qu’il a déposé sans le concours des autres (art. 484 al. 3 CO).
Modes dérivés d’acquisition de la propriété mobilière
Introduction
L’acquisition à titre dérivé dépend du droit de propriété antérieur. Cette acquisition à titre dérivé vise toutes les
acquisitions à titre particulier. On ne parle pas des acquisitions à titre universel ici.
!
!
Il y a 4 conditions nécessaires à l’acquisition dérivée du droit de propriété :
1)
2)
3)
4)
!
Une chose aliénable, une res habilis.
Un titre valable, une cause.
Un mode : un transfert de la publicité.
Un droit de disposition sur l’objet : l’aliénateur doit être un verus auctor, c’est-à-dire qu’il doit avoir un droit
de disposition sur l’objet.
Pour que le transfert de la propriété à titre dérivé soit possible, il faut que ces 4 conditions soient remplies. On va voir
ces 4 conditions à partir de maintenant.
!
!
!
§ 1er
Aliénabilité de la chose
a.
Interdiction d’aliéner
L’art. 641 CC prévoit que le droit de disposer est un des éléments contenus par le droit de propriété. Le propriétaire a le
droit d’aliéner sa propriété. Mais l’art. 641 CC prévoit « dans les limites de la loi ». On a vu plus haut que plusieurs
dispositions notamment de droit public limitent la propriété et rendent l’objet inaliénable.
La condition de l’aliénabilité de la chose suppose qu’il ne doit pas y avoir d’interdiction d’aliénation, notamment
prévue par le droit public ! L’art. 724 al. 1bis CO est un cas d’interdiction d’aliénation : la collectivité ne peut pas
disposer de l’objet culturel ou historique.
!
!
b.
Indisponibilité et incapacité de disposer
Il faut distinguer l’inaliénabilité de l’indisponibilité et de l’incapacité de disposer.
38
!
•
•
2014-2015
Incapacité de disposer. L’art. 169 CC prévoit qu’un des effets généraux du mariage est d’empêcher un conjoint
propriétaire du logement conjugal de disposer de ce logement sans l’accord de l’autre. Est-ce un cas
d’inaliénabilité lorsque la loi prévoit une telle restriction de disposer ? Ce n’est pas le cas. C’est une incapacité
restreinte d’exercer un droit civil. C’est un effet du mariage sur le droit de propriété. Ce n’est pas une situation
liée aux droits réels mais c’est une situation liée à la situation de la personne. C’est une incapacité civile et pas
une inaliénabilité réelle.
!
Indisponibilité. Lorsqu’une personne tombe en faillite ou fait l’objet d’une saisie par ses créanciers, elle ne peut
plus aliéner le bien. La LP prévoit que la personne en saisie ou faillite perd le droit d’aliéner les biens dont elle est
propriétaire. Seuls les créanciers peuvent le faire. Ce blocage n’est pas une inaliénabilité, ce n’est pas un statut de
l’objet régi par le droit public, mais c’est un objet frappé par des droits de tiers. L’objet est l’objet des droits des
créanciers du propriétaire. Ces créanciers se substituent au propriétaire pour le droit de vente de l’objet.
!
Le bien est indisponible à cause de la présence sur ce bien des droits des créanciers Tant que la faillite ou la saisie
n’a pas abouti, le débiteur ne peut pas exercer lui-même son droit d’aliéner. Ce sont les droits des tiers qui rendent
l’objet indisponible.
En résumé :
!
-
Inaliénabilité ➔ restriction par droits réels ou droit public
Incapacité ➔ restriction de l’exercice des droits civils
Indisponbilité ➔ restriction par droits de tiers
c.
Exclusion de principe des inaliénabilités conventionnelles
!
!
Peut-on créer une inaliénabilité par acte juridique ? Je m’interdis de vendre un objet alors que la loi ne prévoit pas
d’inaliénabilité. C’est tout à fait possible car il y a la liberté contractuelle.
!
Le problème est la sanction. Si je romps l’engagement de ne pas vendre en vendant l’objet, notre créancier peut-il
s’adresser à l’acheteur pour réclamer l’objet ? Ce n’est pas possible. Le créancier n’a qu’une créance en respect de
l’engagement et n’a pas de prétention contre le tiers acquéreur. L’acte de disposition est valable. Celui qui a violé son
obligation devra des d-i au créancier, mais l’acte de disposition reste valable.
!
Pour que l’engagement contractuel soit opposable aux tiers, il faudrait créer un droit réel ad hoc, un droit réel sui
generis. On prévoit un droit réel selon lequel X a le droit d’empêcher à tout le monde d’être propriétaire de l’objet. Ca
viole le numerus clausus des droits réels, donc ce n’est pas possible.
!
En résumé : la condition de la chose aliénable ne se concentre que sur les vrais inaliénabilités prévues par le droit
administratif surtout.
!
!
!
!
§2
Le titre d’acquisition et son rôle dans le transfert de la propriété
a.
Raison de la distinction entre titre et mode
En droit romain, il y a 2 grandes conceptions :
1)
!
2)
!
Conception qui se contente du titre pour assurer l’efficacité de l’acquisition à titre dérivé. C’est la conception
française. L’acheteur devient propriétaire au moment de la conclusion du contrat, peu importe où se trouve
l’objet. On peut parler de système consensuel : la cause suffit pour rendre le transfert de la propriété efficace.
Conception qui estime que le titre ne suffit pas et qu’il faut encore le mode, c’est-à-dire le transfert de la
possession. C’est la conception qu’on a en droit suisse. Il faut le titre, mais en plus un mode.
39
2014-2015
!
En droit suisse, on peut s’engager à vendre à un acheteur un objet qui ne nous appartient pas. La vente est
valable. En revanche, en droit français ce n’est pas possible car au moment de la conclusion du contrat le
transfert de la propriété a lieu. La vente est impossible juridiquement en droit français.
La conception selon laquelle il faut un titre et le transfert de la possession résulte de l’art. 714 al. 1 CC. Le titre est
nécessaire mais il ne suffit pas à transférer le droit de propriété.
!
!
!
b.
Différentes sortes de titres d’acquisition
Il peut y avoir plusieurs titres :
•
•
•
!
!
!
c.
Contrat entre vifs. Ca peut être un échange, une vente, une donation, un prêt à la consommation, des contrats
innommés.
Acte à cause de mort. Le légataire acquiert à titre particulier sur la base d’un testament.
La loi. La loi peut prévoir une obligation de transférer l’objet. La loi est le titre. L’auteur d’un acte illicite peut
être obligé de par la loi à transférer des valeurs à la victime. C’est un transfert légal qui a pour cause l’art. 41 CO.
Rapports entre le titre et le mode
En droit suisse, les exigences du titre valable et du mode (les conditions 2 et 3) doivent être cumulées.
Certains auteurs de doctrine suisse reprennent une exigence du droit allemand qui veut qu’il y a plusieurs accords de
volonté lors d’un transfert de droit réel. Selon eux, il y a un accord de volonté qui porte sur le titre et un accord de
volonté qui porte sur le mode de transfert de la possession. Le contrat qui porte sur les modalités, sur le mode est
appelé « contrat réel ».
!
Si on suit cette théorie, le contrat principal a une vie juridique pour lui-même et le contrat réel a aussi une vie juridique
qui ne vise que l’accomplissement du mode. Le contrat réel reste valable si le titre principal n’est pas valable. Ca n’a
pas de sens. C’est inutile car en droit suisse on a des modalités de transfert de la possession qui se suffisent à ellemême : il n’y a pas besoin d’accord de volonté pour transférer la possession.
!
!
Reprise du cours
Avec l’art. 714 al. 1 CC, le législateur fédéral s’est démarqué du système consensuel où le seul titre valable suffit au
transfert du droit réel. On y ajoute un mode. Il y a 2 traditions :
!
1)
!
!
2)
!
!
Système abstrait. C’est le système du droit allemand. Le titre tout seul ne suffit pas au transfert de la propriété.
Il faut encore le transfert de la publicité. Si la cause est viciée, ce qui compte est le transfert de la possession,
de la publicité. En d’autres termes, dans un contrat de vente mobilière, si la possession de l’objet est transférée
mais que le contrat est nul, la propriété a quand même passé à l’acquéreur. Le seul transfert de la possession
suffit pour transférer la propriété.
Le propriétaire devient propriétaire sans cause valable. Donc en droit allemand il y a une action en
enrichissement illégitime qui peut être ouverte par l’ancien propriétaire. Cette action est exercée de façon à
obtenir l’objet en nature lui-même.
Système causal. C’est le système suisse. Il faut cumuler le titre et l’accomplissement du mode. En cas de vice
de l’un des deux, le transfert ne s’opère pas. La différence est que dans le système causal la restitution se fait
sur un objet dont l’aliénateur est resté propriétaire. L’aliénateur a donc une action réelle qui est la revendication
pour reprendre l’objet.
En revanche, dans le système abstrait, l’aliénateur n’est plus propriétaire et n’a donc qu’un droit personnel.
Exemple : Une vente mobilière a lieu mais elle est affectée d’un vice de la volonté. La possession a été transférée. Le
contrat est inefficace dès le début : il n’est pas un titre valable.
40
!
!
2014-2015
Quid si l’acquéreur tombe en faillite ?
•
•
!
!
Si on est en Allemagne dans le système abstrait et que l’acquéreur tombe en faillite, il devra rendre l’objet à
l’aliénateur car il a été enrichi sans cause valable. Mais la créance de l’aliénateur est un droit personnel, un droit
relatif. Il est un créancier comme les autres créanciers dans la faillite. L’aliénateur ne pourra pas reprendre son
bien car il n’a pas d’action réelle.
!
Si on est en Suisse dans le système causal, étant donné que le titre n’est pas valable, la propriété ne passe pas.
Donc l’aliénateur est resté propriétaire de l’objet même si la possession a passé. L’acquéreur n’est pas propriétaire
donc il doit rendre le bien à l’aliénateur. L’aliénateur est propriétaire du bien et peut exercer une action en
revendication pour récupérer son objet. L’objet ne va pas entrer dans la masse en faillite.
Quid si l’acquéreur se fait voler l’objet ?
•
!
•
!
Dans le système abstrait, comme l’acquéreur est devenu propriétaire de l’objet, c’est lui qui est victime du vol.
C’est donc lui qui a l’action réelle pour récupérer l’objet des mains du voleur. Le propriétaire d’origine a perdu la
propriété, donc il n’a qu’une créance contre l’acquéreur. Il n’y a pas de droit de suite.
Dans le système causal, l’aliénateur est toujours propriétaire donc il a un droit de suite. Il peut donc aller
rechercher l’objet des mains du voleur.
En droit suisse, l’aliénateur reste propriétaire et a donc à sa disposition les actions réelles. En droit allemand,
l’aliénateur n’est plus propriétaire et n’a qu’une créance contre l’acquéreur. Il n’a aucun droit contre des tiers. Le
système suisse est donc favorable au propriétaire légitime.
!
L’art. 714 CC ne dit pas quelles conditions doivent être réalisées pour le transfert de la propriété. On nous dit que
l’accord de volonté ne suffit pas. Cette problématique remonte à l’ancien Code fédéral des obligations. En 1881, le
législateur avait voulu s’écarter du système français (système où seul le titre suffit), d’où l’art. 714 CC actuel mais il n’a
pas choisi entre le système abstrait et causal. Dans la jurisprudence du TF, avant 1912, on trouve les 2 systèmes. Le TF
ne s’était pas fixé de manière claire sur la manière de raisonner.
!
Puis, le TF prend position dans l’ATF 55 II 302 = JdT 1930 I 535 dans lequel il dit que le système suisse se base sur le
système causal. L’arrêt dit qu’il faut les 2 conditions cumulatives, c’est-à-dire le titre et le mode.
!
!
De quoi tire le TF cette idée de causalité ? Il y a des arguments pour et contre :
-
!
-
!
!
!
§3
Argument favorable. En matière d’immeubles, l’art. 974 CC prévoit qu’il y a causalité : il faut le titre et le
mode valables. Le système juridique doit être cohérent, donc il faut le même mécanisme. Donc on dit qu’il faut
aussi la causalité pour les meubles.
Argument défavorable. Il concerne le droit de l’enrichissement illégitime. Dans le système abstrait, on n’a
qu’une créance en restitution en nature de l’objet. Le droit suisse, dans l’enrichissement illégitime, connaît une
créance en restitution en nature. C’est le cas de l’art. 65 CO. En suivant la théorie causale, cette règle ne
s’appliquera jamais. Car si l’aliénateur reste propriétaire, il utilisera l’action en revendication.
Aujourd’hui, il reste quand même un champ d’application mais très résiduel pour la restitution en nature sur la
base de l’enrichissement illégitime.
Le mode, la mise en possession de l’acquéreur
En principe, le signe de publicité pour les meubles est le transfert de la possession, mais on verra que pour certains
meubles le signe de publicité est une inscription dans un registre public.
!
41
2014-2015
On a vu que pour le titre, en principe, il y a la liberté contractuelle. Dans le domaine des contrats, les parties peuvent
choisir le rapport de droit même s’il n’est pas codifié. En revanche, pour le mode, pour le transfert de la possession, il
n’y a plus de liberté contractuelle. Comme ce sont les tiers qui doivent reconnaître que le transfert a eu lieu, on a une
liste exhaustive des modes possibles. Il y a un numerus clausus.
!
!
!
a.
La tradition simple
Le terme de tradition désigne le transfert.
La tradition simple est prévue à l’art. 922 al. 1 CC (« la possession se transfère par la remise à l’acquéreur de la chose
même »). On remet l’objet de la main à la main.
!
!
b.
Le transfert des moyens de possession
C’est prévu aussi à l’art. 922 al. 1 CC (« la possession se transfère par les moyens qui la font passer en sa puissance »).
On vend une voiture. On ne peut pas la remettre de main à la main. On a un moyen de posséder la voiture : la clé de la
voiture. En remettant le moyen de posséder la voiture à l’acheteur, c’est-à-dire en lui remettant la clé, on remet le
moyen de posséder la voiture.
!
Il suffit de transférer un moyen de posséder. S’il y a 2 clés et que l’acquéreur n’en reçoit qu’une, il y a transfert de la
possession quand même.
!
!
c.
Transfert par contrat de possession
On parle de traditio longa manu. C’est l’art. 922 al. 2 CC. On désigne l’endroit où on pourra prendre l’objet qu’on a
acquis. L’aliénateur dit qu’il déposera le bois commandé à tel endroit dans la forêt et l’acquéreur est d’accord d’aller
chercher l’objet sur place. Ca suffit pour que la possession passe et donc qu’il devienne propriétaire.
!
L’acquéreur n’a pas besoin d’avoir mis la main sur l’objet pour devenir propriétaire. La seule possibilité de mettre la
main sur l’objet est déjà un transfert de la propriété. ATF 132 III 155 = JdT 2006 I 107.
!
L’art. 922 al. 2 CC donne lieu à des discussions sur le mécanisme. On avait parlé du contrat réel. Pour les partisans du
contrat réel, le transfert par contrat de possession est la preuve d’un accord séparé qui porte sur le mode et non sur le
titre.
!
Précis : L’art. 922 al. 2 CC vise le transfert de la possession ouverte. Le transfert de la possession ouverte permet
l’acquisition dérivée de la possession lorsque l’acquéreur est en mesure d’exercer la maîtrise de fait sur la chose, mais
ne veut pas le faire immédiatement (cas d’un bien-fonds non bâti, d’un tas de bois entassé dans une forêt, etc.). Ce
mode d’acquisition ne présente ainsi d’intérêt qu’aussi longtemps que l’acquéreur n’exerce pas la maîtrise de fait sur
la chose : dès ce moment, il y a acquisition de la possession selon l’art. 922 al. 1, indépendamment de la validité du
transfert de possession ouverte.
!
!
d.
Tradition entre absents
C’est l’art. 923 CC. Il y a un représentant qui prend livraison de l’objet ou du moyen. Ca peut être un représentant de
l’aliénateur (« par la remise de la chose à l’acquéreur ») ou un représentant de l’acquéreur (« par la remise de la chose à
son représentant »).
!
-
!
S’il y a un représentant de l’aliénateur, le transfert se fait dès que le représentant transfère la possession à
l’acquéreur.
S’il y a un représentant de l’acquéreur, le transfert se fait dès que le représentant reçoit la possession de l’objet.
Il est possible que le représentant soit à la fois représentant du vendeur et à la fois représentant de l’acheteur. Il peut
avoir un double mandat. Il suffit que le représentant prenne possession de l’objet au nom de l’acquéreur pour que la
propriété passe.
42
2014-2015
!
Le simple auxiliaire de possession n’est pas un représentant au sens de cet article. Le garçon de course qui ne fait que la
livraison limitée dans le temps est un simple auxiliaire qui ne veut pas posséder et donc il n’est pas représentant.
!
!
e.
Assignation possessoire ou délégation de possession
C’est l’art. 924 CC (« lorsqu’un tiers demeure en possession de la chose à un titre spécial »). Le législateur admet un
mode de transfert de la possession qui est indépendant du transfert physique de l’objet. L’objet reste dans les mêmes
mains mais la propriété passe quand même.
!
Un vendeur remet l’objet à un emprunteur. Le vendeur conclut à côté un contrat de vente sur l’objet avec un acheteur
portant sur l’objet remis à l’emprunteur. L’art. 924 CC prévoit qu’il n’y a pas besoin que la possession de l’objet
revienne chez le vendeur pour que le vendeur la fasse passer ensuite vers l’acheteur pour que la propriété passe. L’objet
reste chez l’emprunteur mais la propriété passe quand même.
V
Contrat de vente
A
Contrat de prêt
E
!
!
!
La possession qui passe à l’acheteur depuis le vendeur est la possession médiate/indirecte. C’est cette
possession qu’avait le vendeur. Et c’est cette possession médiate qui est transférée à l’acheteur pour que le transfert soit
valable. L’objet est en possession immédiate de l’emprunteur. Comme l’emprunteur reconnaît qu’il tient la possession
du vendeur, la possession médiate est transférée à l’acheteur. Ce n’est que la possession indirecte qu’on transfère.
!
Tant que l’emprunteur n’est pas avisé de la vente, il n’est pas censé connaître l’existence du transfert de propriété. Tant
qu’il n’est pas informé qu’il y a un nouveau propriétaire, il peut se comporter comme si le vendeur est toujours
propriétaire. Ca implique qu’il pourra se libérer en rendant l’objet au vendeur. Mais dès qu’il est informé, il ne peut plus
rendre l’objet au vendeur mais il devra rendre l’objet au nouveau propriétaire qu’est l’acheteur. C’est prévu à l’art. 924
al. 2 CC.
!
L’art. 924 al. 3 CC vise la situation suivante. L’emprunteur a emprunté l’objet au vendeur pour 6 mois. Au bout de 2
mois le vendeur a transféré la propriété de l’objet à l’acheteur. L’acheteur se présente chez l’emprunteur et lui demande
de rendre l’objet. L’emprunteur dit qu’il lui reste encore 4 mois. Si l’emprunteur avait encore le droit à 4 mois, il
pourrait l’opposer à l’acquéreur. Le contrat de prêt crée une créance dont le débiteur est le propriétaire et pas les tiers.
En principe, le nouvel acheteur est extérieur à la relation et la durée du contrat ne lui est pas opposable. La lettre de
l’art. 924 al. 3 CC prévoit que lorsque le tiers possesseur direct n’a qu’un droit personnel sur l’objet, ce droit personnel
est opposable au tiers acheteur.
!
Comment expliquer ce phénomène ? Il ressort des travaux préparatoires qu’on n’envisageait en réalité que seuls les
droits absolus sont visés à l’al. 3. Si l’emprunteur est un usufruitier, ce droit vaudra envers l’ancien propriétaire (le
vendeur) mais aussi envers le nouveau propriétaire (l’acheteur). Mais ça ne vaut pas pour les droits personnels !
L’emprunteur devra alors donner l’objet à l’acheteur.
!
Il y a une grande exception à ce système selon lequel tous les rapports de droits personnels ne lient pas le tiers
acquéreur. C’est l’art. 261 al. 1 CO qui traite du contrat de bail. Cet article prévoit que tout acquéreur de l’objet loué est
tenu par le contrat de bail existant sur cet objet au moment où il acquiert l’objet. S’il y a un bail, le bail passe à
l’acheteur. Il y a un transfert du contrat par la loi. Ca concerne le bail sur les objets mobiliers mais aussi sur les objets
immobiliers.
!
!
f.
La tradition en mains du possesseur dérivé
43
2014-2015
C’est aussi un mode où il y a transfert de la possession sans que l’objet ne change de place. On parle de tradition brevi
manu. Il y a un transfert de la propriété lorsque l’acquéreur était déjà en possession de l’objet au moment du transfert de
la possession indirecte (médiate).
!
Un objet est prêté à une personne. Cette personne est intéressée par l’objet et veut l’acheter. Si le contrat de vente est
conclu, on change le titre (on passe d’un prêt à un contrat de vente) et si le vendeur transfère la possession indirecte,
l’acheteur devient propriétaire. L’acheteur avait une possession immédiate et il garde sa possession immédiate.
!
!
!
L’art. 924 CC ne prévoit pas explicitement cette tradition mais c’est admis par tout le monde.
g.
Constitut possessoire
C’est prévu à l’art. 924 al. 1 in fine CC (« l’aliénateur lui même demeure en possession de la chose à un titre spécial »).
C’est l’inverse de la brevi manu. Avec la brevi manu, l’objet reste chez l’acquéreur.
!
Avec le constitut possessoire, il y a un transfert de propriété mais l’objet ne bouge pas : il reste chez l’aliénateur avec un
titre spécial. J’accepte de vendre un objet à condition que je puisse le louer pour les 6 prochains mois. L’acquéreur est
propriétaire mais ne reçoit qu’une possession indirecte. L’aliénateur garde l’objet, il garde une possession directe/
immédiate sur l’objet.
!
Le constitut possessoire n’a pas très bonne réputation et pose des problèmes de publicité. Aux yeux des tiers, rien ne
change : l’objet reste chez le propriétaire d’origine. La propriété n’a pas visuellement passé sur une autre tête.
!
ATF 70 II 199 = JdT 1945 I 69 : la donation est-elle possible avec constitut possessoire ? Le TF a dit que c’était
possible.
!
L’art. 717 CC prévoit une restriction. Le constitut possessoire est inopposable lorsque le transfert avait pour but de léser
des tiers. On a beaucoup de créanciers à nos trousses, on sent une saisie sur nos biens. On se dépêche de transférer la
propriété de nos derniers biens à nos amis pour pouvoir continuer à utiliser ces biens. On fraude les droits de nos
créanciers. Normalement, dans ce cas, on est sanctionné de l’action révocatoire de la LP qui est limitée dans le temps.
Avec l’art. 717 CC, il n’y a aucune limite dans le temps. C’est une lex specialis.
!
!
L’art. 717 CC suppose la réalisation de conditions :
1)
2)
Une intention de fraude de l’aliénateur.
L’intention de fraude est reconnaissable par l’autre partie, par l’acquéreur.
h.
Transfert de la propriété d’une chose par le transfert d’un papier-valeur
!
!
C’est l’art. 925 al. 1 CC. Ce transfert a de l’importance dans le domaine du commerce international, domaine dans
lequel le papier-valeur a encore de l’importance.
!
Il est possible que le papier-valeur soit un titre représentatif de marchandise. A la place de transférer physiquement la
marchandise sur la base des art. 922 à 924 CC, il est possible de transférer un titre qui est censé la représenter. Ces
papiers-valeurs sont régis par les art. 1153 et 1154 CO.
!
Le papier-valeur « incorpore » la créance en livraison de la marchandise. Il y a une créance contractuelle ancrée dans le
papier-valeur. Cette créance dérive soit d’un contrat d’entrepôt soit d’un contrat de transport (« voiturier » dans le texte
légal) comme le dit l’art. 925 CC :
!
•
Contrat d’entrepôt. C’est prévu par l’art. 482 CO.
•
Contrat de transport. Pour le transport, ce n’est pas prévu par le CO, mais on a une réglementation qui traite du
connaissement maritime (LF sur la navigation maritime sous pavillon suisse). En anglais, on parle de bill of
lading pour désigner le connaissement maritime.
44
2014-2015
!
!
Ces papiers-valeurs sont des papiers-valeurs qui servent au transport par navigation maritime. Si le navire navigue
sous pavillon suisse, on appliquera la loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse. ATF 122 III 73.
Le transfert d’un papier-valeur est plus facile que le transfert de 2 tonnes de marchandises en mer. Il est donc utile
d’avoir un titre représentatif : on n’a pas besoin d’attendre que la marchandise arrive au port.
!
Le risque avec le titre représentatif de marchandise est qu’il peut y avoir 2 acquéreurs : celui qui acquiert la
marchandise et celui qui acquiert le papier-valeur. L’art. 925 al. 2 CC règle la situation. Si une personne est de bonne foi
et que l’autre est de mauvaise foi, c’est celui qui est de bonne foi qui est propriétaire. Si les deux sont de bonne foi,
celui qui est propriétaire est celui qui acquiert la marchandise concrètement et celui qui a acquis le papier-valeur est
évincé.
i.
Transfert de propriété par l’adjudication de meubles
!
C’est prévu à l’art. 235 CO. Il concerne la vente aux enchères publique. En cas de vente aux enchères publique
volontaire, on est propriétaire dès qu’on nous adjuge l’objet. Il n’y a pas besoin d’avoir mis la main sur l’objet. On
considère que dans la vente aux enchères publique, tous les intéressés sont là, donc la publicité a lieu par le fait qu’on
nous adjuge l’objet.
!
•
•
!
!
!
•
Quid de la vente aux enchères en ligne/sur internet ? Selon Piotet, l’art. 235 CO ne s’applique pas. L’adjudication
« par clic » n’est pas nécessairement un processus public que tout le monde peut voir. On n’assiste pas
visuellement à l’adjudication. Donc la publicité n’est pas assurée. On applique alors les règles ordinaires : il faut
un transfert de la possession.
!
Quid de la vente aux enchères forcée ? Ca vise le cas du débiteur saisi ou mis en faillite ou toute autre vente aux
enchères qui n’est pas faite avec l’accord du propriétaire. Dans ce cas, on admet que le transfert de propriété se
fait au moment de l’adjudication. Il n’importe pas que l’acquéreur possède l’objet ou non : c’est l’adjudication
qui est décisive. La seule chose exigée est qu’au moment de la mise en enchère, l’aliénateur ait été possesseur de
l’objet (ATF 61 III 150 = JdT 1936 II 45).
Quid des enchères privée ? On applique les règles ordinaires car il n’y a pas de publicité.
§4
Pouvoir de disposition de l’aliénateur
L’aliénateur doit avoir le droit de disposer de l’objet. Il doit être un verus auctor. C’est la 4ème condition pour le transfert
dérivé de la propriété.
!
!
a.
Droit de disposition du propriétaire
Le droit de propriété inclut le droit de disposer. Donc le propriétaire a un droit de disposition sur l’objet. En principe, le
propriétaire peut disposer librement de ses biens. La plupart du temps, cette condition est assurée par le fait que
l’aliénateur est le propriétaire de l’objet.
!
!
!
Parfois, ce droit de disposer fait l’objet de restrictions. Par exemple, l’indisponibilité ou l’incapacité de disposer.
b.
Droit de disposition de non-propriétaires
Il est possible d’avoir le droit de disposer d’une propriété qui n’est pas la nôtre. La loi peut désigner un non propriétaire
ayant le droit de vendre l’objet d’autrui :
!
•
•
L’art. 722 al. 1ter CC prévoit qu’après 2 mois, le refuge peut disposer des animaux, alors même qu’il n’est pas
propriétaire de ces animaux.
!
L’art. 6a al. 2 CO. Sous réserve de l’al. 3, si on reçoit un objet qu’on n’a pas commandé on n’est pas obligé de
rendre l’objet à celui qui nous l’a envoyé. Comme on n’a pas l’obligation de rendre l’objet, on peut en faire ce
45
2014-2015
qu’on veut, on en a la libre disposition. On peut vendre la bouteille de vin qu’on a reçu. Mais on en est pas
propriétaire pour autant car il n’y a pas de titre (il n’y a aucun contrat).
•
•
•
!
!
!
L’usufruit de disposition permet dans certaines hypothèses à l’usufruitier qui n’a qu’un droit à l’usage de la chose
de vendre la propriété de la chose (art. 772 CC).
!
Le représentant du propriétaire peut exercer le droit de propriété de son représenté. Le curateur peut aliéner la
propriété du pupille.
La représentation pour une catégorie d’acte. L’art. 166 CC prévoit que les 2 conjoints représentent l’union
conjugale. Les actes peuvent être faits par l’un ou l’autre conjoint seuls. Monsieur peut vendre la voiture du
couple.
c.
Ratification et validation de l’acte fait sans pouvoir
Lorsque l’objet est vendu par un non propriétaire qui n’a pas de droit de disposition, la condition du pouvoir de
disposition de l’aliénateur n’est pas réalisée. Il y a une hypothèse de sauvetage : la ratification l’ayant droit.
!
Il est possible de sauver rétroactivement un acte d’aliénation inefficace si celui qui a un vrai droit de disposition ratifie
l’acte invalide.
!
!
§5
Le pacte de réserve de propriété
Le pacte de réserve de propriété est l’adjonction d’une 5ème condition aux 4 conditions qu’on vient de voir. On
subordonne le transfert de la propriété à l’accomplissement d’une contreprestation.
!
Dans les 4 conditions qu’on a vues, aucune d’elle ne se réfère au paiement d’un prix ou d’une autre contreprestation. Le
prix n’influe pas sur le transfert de propriété. Cette 5ème condition ajoute aux 4 conditions la condition que le prix soit
payé. L’acquéreur ne sera propriétaire que quand le prix sera entièrement payé.
!
Pratiquement, ça ne vise que le contrat de vente. Théoriquement, ça peut viser d’autres contrats mais ça ne va pas nous
intéresser. C’est la vente qui va nous intéresser.
!
Précis : Lorsque les conditions de la tradition sont remplies, le transfert de la possession à l’acquéreur fait de celui-ci
le nouveau propriétaire de la chose. Il est toutefois possible, en particulier en cas de vente à crédit, que l’aliénateur
souhaite que la propriété ne passe pas à ce moment-là, mais ultérieurement seulement, lorsque le prix de vente aura été
payé. Il conserve de cette façon la possibilité d’exercer une prétention de nature réelle sur la chose et ne doit pas se
contenter des droits personnels qu’il peut déduire de la vente. Pour répondre à ce besoin, les art. 715 et 716 offrent aux
parties la possibilité de convenir que, malgré le transfert de la possession à l’acquéreur, l’aliénateur « se réserve la
propriété » de la chose. Le but de la réserve de propriété est ainsi analogue à celui d’un droit de gage mais seulement
pour servir de garantie au paiement du prix de l’objet aliéné. Elle ne permet donc pas d’obtenir une garantie pour
d’autres créances que l’aliénateur aurait contre l’acquéreur.
!
!
!
a.
Le pacte de réserve de propriété et le pacte commissoire
Le pacte de réserve de propriété n’est pas la même chose que le pacte commissoire :
•
Le pacte commissoire est le pacte prévu à l’art. 214 al. 3 CO. Lorsqu’on est dans une vente à crédit (le prix n’est
pas encore payé au moment de la prise de possession) et que l’acheteur est en demeure de s’acquitter du solde, le
vendeur ne peut se départir du contrat et réclamer la chose que s’il s’en est expressément réservé le droit.
!
!
Cette clause spéciale est le pacte commissoire. C’est une clause qui prévoit que le vendeur peut se départir du
contrat et réclamer l’objet. S’il n’y a pas de pacte commissoire, il ne peut demander que des d-i s’il résilie le
contrat.
46
2014-2015
•
!
Ce pacte commissoire est une convention de droit des obligations. Si l’acheteur tombe en faillite, le vendeur n’a
qu’une créance en restitution. Elle n’est pas opposable aux créanciers de l’acheteur. Ce pacte ne crée que des
droits relatifs.
La réserve de propriété au sens des droits réels est en revanche absolue : elle a des effets à l’égard de tiers. La
réserve de propriété aura des effets dans la faillite de l’acheteur : l’objet échappe à la faillite et le vendeur peut
revendiquer l’objet car la propriété est restée sur la tête du vendeur tant que le prix n’a pas été payé. La réserve de
propriété va plus loin que le pacte commissoire du droit de la vente.
Si on veut une réserve de propriété dans un contrat de vente, on peut l’ajouter à la clause commissoire. En plus du droit
contractuel de la clause commissoire, le droit de propriété reste sur la tête du vendeur et donc il pourra revendiquer. On
peut superposer dans le contrat de vente une clause commissoire et un pacte de réserve de propriété.
!
!
b.
•
•
Utilités et inconvénients de la réserve de propriété
Avantages : faciliter les achats à crédit. Si on n’a pas les moyens de payer le prix complet, on peut payer par
acomptes tout en ayant déjà l’objet. Le vendeur va accepter ce mode de paiement car il sait qu’il pourra reprendre
l’objet si on ne le paie pas.
!
!
Inconvénients :
o
!
!
c.
o
Comme on facilite les achats à crédits, on risque de faciliter les endettements. C’est le revers de la médaille.
On risque de faire trop d’achats à crédit sans jamais pouvoir payer le tout.
!
On a en notre possession un objet qui ne nous appartient pas et ça peut être trompeur pour les tiers.
Les limites fixées par le législateur au pacte de réserve de propriété
Dans le Code fédéral des obligations, la réserve de propriété n’était possible que pour le bétail. En 1907, on a rompu
avec ce système. On a empêché la réserve de propriété sur le bétail et on l’a admis pour tous les autres biens meubles
(art. 715 CC).
!
Il n’y a de réserve de propriété qu’une fois inscrite dans un registre public spécial : le registre public de réserve de
propriété. Le défaut d’inscription empêche d’avoir des effets à l’égard des tiers.
!
!
!
d.
Spécialement l’objet du pacte de réserve de propriété
Il n’est pas possible de faire un pacte de réserve de propriété sur :
•
!
•
!
Le bétail (art. 715 al. 2 CC). Mais on a un mécanisme de remplacement : il est possible d’acheter à crédit du
bétail avec un gage selon l’art. 885 CC. L’art. 198 CO définit le bétail.
Les bateaux et les aéronefs (avions immatriculés). Ce n’est pas possible car ils sont inscrits dans un registre
spécial. Il y a aussi un mécanisme de remplacement.
Précis : Seuls les meubles peuvent faire l’objet d’une réserve de propriété, à l’exclusion des immeubles et des droits. La
réserve de propriété n’est toutefois pas possible pour tous les meubles : elle est exclue pour le bétail ainsi que pour les
bateaux et les aéronefs immatriculés dans les registres spéciaux. S’agissant du bétail, il est en revanche possible, aux
conditions de l’art. 885, de constituer une hypothèque mobilière. Pour les bateaux et les aéronefs immatriculés dans les
registres spéciaux, la réserve de propriété peut être remplacée par une hypothèque, qui est alors analogue à un droit de
gage immobilier.
!
!
e.
L’interdiction de la clause de déchéance
En principe, l’essentiel de la protection en matière de vente à crédit est prévu dans la LCC. Il ne reste qu’une règle
prévue dans le CC : l’interdiction de la clause de déchéance (art. 716 CC).
47
2014-2015
!
Le vendeur fait une vente à crédit. On veut lutter contre une institution qui était la clause de déchéance. La clause de
déchéance est une clause léonine d’un contrat de vente à tempérament qui permet si l’acheteur à crédit est en retard,
d’une part d’annuler le contrat et reprendre la chose (c’est les règles habituelles d’inexécution des art. 97 ss CO) et
d’autre part elle permet de garder tous les acomptes reçus.
!
Non seulement, le contrat est annulé et la réserve de propriété permet au vendeur de garder l’objet, mais grâce à la
clause de déchéance, l’acheteur peut garder tous les acomptes reçus : il n’a pas besoin de les rendre à l’acheteur à crédit.
!
L’art. 716 CC interdit la clause de déchéance : il n’est pas possible de garder l’objet et les acomptes. Si le vendeur veut
garder l’objet, il doit rendre les acomptes. En revanche, il peut quand même réclamer quelque chose : une indemnité
d’usure et un loyer équitable. Pendant tout le temps où l’acheteur a utilisé le véhicule, il l’a usé. Il y a une valeur
moindre par rapport au prix convenu au moment de la vente. Le vendeur peut bien avoir quelque chose à ce titre. Le
loyer équitable et l’indemnité d’usure sont les 2 seuls postes que le vendeur peut réclamer.
!
Est-ce que les 2 postes peuvent dépasser le prix de la vente ? Le TF a laissé la question ouverte. La question était
auparavant réglée dans le CO à l’art. 226i aCO qui prévoyait que le cumul des 2 postes ne pouvait pas dépasser le prix
de vente. Maintenant, on a supprimé cet article et on a transféré dans la LCC, mais on n’a pas repris cette règle. On ne
sait donc pas la réponse.
!
f.
Le mécanisme juridique du pacte de réserve de propriété
Pas vu en cours.
!
!
g.
L’inscription au registre des pactes de réserve de propriété
L’art. 715 CC prévoit que la réserve de propriété doit être inscrite dans un registre public au domicile actuel du débiteur,
c’est-à-dire de l’acheteur. Ce registre public des pactes de réserve de propriété contient des inscriptions constitutives.
Tant qu’il n’y a pas l’inscription, il n’y a aucun effet à l’égard des tiers.
!
JdT 1933 I 402 : lorsqu’on inscrit la réserve de propriété dans le pacte, on a une condition suspensive : le transfert de la
propriété n’est accompli qu’avec le paiement du prix. Une partie de la doctrine considère cependant que c’est une
condition résolutoire : les 4 conditions habituelles sont remplies, l’acheteur est propriétaire de l’objet, et avec la réserve
de propriété, ce n’est que s’il ne paie pas l’entier du prix que tout s’effondre : rétroactivement il perd la propriété et la
propriété reste sur la tête de l’aliénateur. Au final, dans les 2 cas, on admet que les 2 parties ont un droit réel opposable
aux tiers. On considère que l’acheteur a déjà une expectative de droit réel.
!
Précis : Le pacte de réserve de propriété ne produit ses effets que s’il a été inscrit dans le registre des pactes de réserve
de propriété. Le registre est tenu par l’office des poursuites. L’inscription au registre des pactes de réserve de propriété
a un effet constitutif, en ce sens qu’avant l’inscription, le pacte ne produit aucun effet réel, ni entre les parties, ni envers
les tiers. Par contre, le pacte produit entre les parties des effets personnels, savoir que l’acquéreur est obligé de prêter
son concours à l’inscription.
!
!
h.
Moment de la conclusion du pacte, effets de l’inscription au registre
Il résulte de l’art. 715 CC que l’inscription est constitutive. Tant que la réserve de propriété n’est pas inscrite, elle ne
déploie pas d’effet réel. Elle n’a d’effet à l’égard des tiers que depuis l’inscription au registre des pactes de réserve de
propriété.
!
Cette inscription pose un problème chronologique. Souvent, le vendeur à crédit qui veut une réserve de propriété ne va
pas faire des frais inutiles en faisant l’inscription au registre. Il n’inscrit souvent le pacte dans le registre qu’au moment
où des problèmes commencent à survenir, où l’acheteur ne le paie pas.
!
D’abord, la propriété est chez le vendeur au moment de la vente. Le vendeur n’inscrit pas la réserve de propriété au
registre car il n’a pas de raison de s’inquiéter. Puis, il y a le transfert de la possession. L’acheteur devient propriétaire à
ce moment car l’acheteur a rempli les 4 conditions, faute d’inscription au registre. Le vendeur ne garde donc pas sa
48
2014-2015
propriété s’il n’inscrit pas au registre la réserve de propriété. Si par la suite l’acheteur ne paie pas les acomptes, le
vendeur va s’inquiéter et va décider à ce moment d’inscrire la réserve de propriété au registre. A ce moment, la
propriété revient sur la tête du vendeur. La propriété passe du vendeur, puis à l’acheteur, puis elle revient sur le vendeur.
JdT 1968 II 10.
!
Le registre est non informatisé pour l’instant. Le CC ne contient pas de règles particulières sur le registre. L’art. 715 CC
prévoit que le registre compétent à raison du lieu est le registre du domicile actuel de l’acquéreur. C’est l’office des
poursuites (le préposé aux poursuites) qui tient le registre. Le détail de la tenue du registre dépend des ordonnances
d’applications du droit des poursuites. Il y a notamment l’ordonnance concernant l'inscription des pactes de réserve de
propriété (OIPR).
!
La loi dit que l’inscription doit se faire au domicile actuel de l’acquéreur. Quid si l’acquéreur change de domicile ?
C’est au créancier de faire inscrire la réserve de propriété au nouveau domicile de l’acquéreur. Il doit suivre l’acquéreur.
Si après 3 mois le changement de domicile le créancier n’a pas inscrit la réserve au registre du nouveau domicile, la
réserve de propriété tombe, n’est plus valable (art. 3 al. 3 OIPR).
!
La demande d’inscription peut être faite par écrit ou par oral. Lorsque la créance en paiement du prix liée à la réserve de
propriété est cédée (lorsque le vendeur cède sa créance à un tiers), la réserve de propriété passe sur la tête du tiers s’il
est mentionné au registre.
!
Le registre est public. Il faut révéler à toute personne qui le consulte que le possesseur n’est pas le propriétaire de l’objet
qu’il utilise, qu’il a dans les mains. Tout le monde peut consulter le registre. Mais dans l’ATF 93 III 96 = JdT 1968 II
10, le TF dit que ça ne signifie pas que le registre bénéficie de la foi publique. Le registre n’est pas censé connu par
tous. Si le vendeur à crédit nous vend un objet en cachant la réserve de propriété, on est acquéreur de bonne foi si on ne
consulte pas le registre des pactes de propriété. On ne peut pas nous dire qu’on devait savoir qu’il y avait un pacte de
réserve de propriété.
!
Précis : L’inscription peut être requise aussi longtemps que la chose concernée n’a pas fait l’objet d’une saisie ou d’un
séquestre ou que l’acquéreur n’a pas été déclaré en faillite ; plus précisément, si l’inscription a lieu ultérieurement, elle
ne peut pas produire d’effets pour la procédure en cours.
!
!
i.
Position de l’aliénateur et de l’acquéreur avant le transfert de propriété
On est dans la phase postérieure à l’inscription au pacte de réserve de propriété, mais antérieure au transfert de
propriété.
!
L’inscription étant constitutive, l’acheteur et le vendeur ont des droits réels qui se chevauchent : le vendeur a un droit de
propriété mais il n’est plus entier (c’est un accessoire de la créance en paiement du prix) et l’acheteur n’a pas qu’une
créance mais a une expectative de droit de propriété, voire un début de droit de propriété. Les droits de chacun se
chevauchent.
!
Cette construction est importante si l’objet est volé. L’acheteur et le vendeur ont un droit de suite et peuvent réclamer
l’objet au voleur. C’est pareil en cas de faillite.
!
!
j.
Exercice des droits de l’aliénateur
L’intérêt pratique du pacte de réserve de propriété pour le vendeur est de bénéficier du droit de suite. S’il exerce son
droit de propriété par le biais de la réserve de propriété, il peut saisir le bien de l’acheteur en cas de faillite par exemple.
Pour que ce droit de suite puisse s’exercer, l’inscription doit avoir eu lieu avant la faillite ou la saisie. Si la saisie/faillite
intervient avant l’inscription, l’objet tombe dans la faillite de l’acheteur et les créanciers réaliseront l’objet. Le vendeur
doit donc faire l’inscription avant la saisie/faillite. ATF 96 III 51 = JdT 1972 II 53.
!
•
En cas de saisie :
!
49
2014-2015
o
!
Saisie par le vendeur. Si l’écriture est faite avant la saisie et que le débiteur (acheteur) est saisi par le
vendeur, comment le vendeur peut-il exercer la réserve de propriété ? Face à un débiteur en demeure, il y a 3
possibilités :
1)
2)
3)
!
Maintenir le contrat et demander l’exécution de la prestation (exécution en nature).
Maintenir le contrat et demander la compensation avec des d-i positifs.
Résilier le contrat en demandant le cas échéant des d-i négatifs.
Dans la 3ème hypothèse, la réserve de propriété fonctionne. Cependant, dans les 2 premières hypothèses, le
contrat n’est pas résilié, donc le transfert reste efficace. Après avoir choisi une des 2 premières voies, la
réserve de propriété va disparaître. Précis : C’est interprété comme une renonciation tacite à la réserve de
propriété, de sorte que l’aliénateur devra éventuellement partager avec d’autres créanciers le prix de
réalisation de la chose vendue.
!
En revanche, dans la 3ème hypothèse, la réserve de propriété est efficace car on peut reprendre l’objet des
mains du créanciers de l’acheteur et on ne doit à l’acheteur que la restitution des acomptes déjà payés, sous
déduction de l’indemnité d’usure et de l’indemnité équitable au sens de l’art. 716 CC.
!
!
!
•
k.
!
•
!
Quand faire le choix entre les 3 possibilités ? C’est au moment de la saisie. On le verra au cours de LP. JdT
1973 II 48.
Si le vendeur demande la saisie de l’objet de son débiteur qu’il a lui-même inscrit au registre, c’est qu’il
renonce à la réserve de propriété.
o
Saisie par un tiers. Ce n’est pas le vendeur qui demande la saisie de l’objet mais que c’est un tiers qui
demande la saisie. Le vendeur pourrait en principe empêcher cette saisie car il a un droit de préférence grâce
à la réserve de propriété. La jurisprudence assoupli la situation (ATF 64 III 116 = JdT 1938 II 90) : on
autorise la saisie par le tiers et donc la vente de l’objet, mais le prix va servir à payer d’abord celui qui a
l’inscription de la réserve de propriété, et s’il reste quelque chose, ce solde ira chez le créancier saisissant.
En cas de faillite. Si l’acheteur tombe en faillite, applique-t-on les mêmes règles qu’en cas de saisie ? Lorsque
l’acheteur tombe en faillite et qu’il y a une réserve de propriété inscrite au registre, il y a un droit de préférence
du vendeur. Le vendeur a des options aussi mais l’exécution en nature n’est plus possible. Il n’y a plus que 2
solutions : le vendeur maintient le contrat et demande des d-i positifs (et donc il renonce à la réserve de propriété)
ou alors il résilie le contrat (il peut faire valoir la réserve de propriété).
!
Pacte de réserve de propriété et fraude à la loi
Constitut possessoire. Le pacte de réserve de Exercice des
propriété peut servir de fraude à la loi avec le
droits de
mécanisme du constitut possessoire.
Quand on est un aliénateur de
l’objet, qu’on transfère la
propriété et qu’on garde
l’objet à titre spécial, ça Saisie
pose problème car on risque
Faillite
de porter atteinte à des tiers.
Ce genre de fraude
est réprimé à l’art. 717 CC.
JdT 1952 I 541.
L
e
Par le
vendeur
Par
Exécution en
nature pas
débiteur vend à son
créancier
un objet qui est vendu pour
le prix qu’il devait à titre de
sûreté.
Puis,
le
même
créancier revend le même
Vente de
Maintient
Maintient
Résolution du
objet
au
même
débiteur
avec une réserve de
l'objet mais
contrat et
contrat et d-i +
contrat et d-i
propriété inscrite au registre. Le débiteur ne
paiera pas le prix de l’objet et le créancier
conserve la propriété de l’objet. Le débiteur a l’objet mais le créancier a une sorte de droit de gage sans qu’il soit
possesseur de l’objet. Ca tombe sous le coup de l’art. 717 CC. Un créancier gagiste doit toujours conserver l’objet
(art. 884 al. 3 CC), et dans une telle situation, on contourne cette règle.
un tiers
!
50
2014-2015
•
Leasing de consommation. On additionne des éléments de location avec des éléments de vente. Il y a d’abord une
location, puis une possibilité d’achat d’une voiture par exemple. Normalement, il n’y a pas besoin de réserve de
propriété si on est bailleur car le bail ne transfère pas la propriété de l’objet.
!
!
!
Dans l’ancien droit de la vente à prépaiement (à tempérament), un art. 226m aCO soumettait aux règles sur la
vente les cas où économiquement il y avait achat de la propriété même si juridiquement ça restait un bail. Cette
règle a disparu et le leasing de consommation est réglé par la LCC. On n’y trouve pas de telle règle : est-ce une
lacune ou non, en lien avec l’art. 716 CC ?
Chap. IV
L’acquisition de bonne foi d’une chose mobilière aliénée sans droit
§ 1er
Introduction à la protection du tiers acquéreur de bonne foi
La publicité du droit réel a 3 volets : 1) présomption de droit, 2) le mode de transfert suppose l’accomplissement de la
publicité sur la tête de l’acquéreur, 3) la protection de l’apparence efficace.
!
Le 3ème cas vise le cas où on peut devenir propriétaire de l’objet en se fondant sur l’apparence de propriété de notre
aliénateur. L’objet nous est vendu mais l’aliénateur n’avait pas le droit de nous le transférer. Il manque le pouvoir de
disposition de l’aliénateur, qui est la 4ème condition pour acquérir la propriété à titre dérivé. Dans certains cas, malgré
l’absence de réalisation de la 4ème condition, la propriété peut passer.
!
Pourquoi dans certaines situations préfère-t-on protéger une personne qui acquiert d’un non propriétaire plutôt que de
protéger le vrai propriétaire qui va perdre la propriété de l’objet ? Il y a 2 raisons :
!
!
-
La sécurité des transactions.
-
Les cas où on admet la protection du tiers acquéreur de bonne foi sont les cas où un risque a été pris. Le
propriétaire confie la chose à l’aliénateur et ce dernier trahit cette confiance en transférant l’objet à un tiers. Si
on prend un risque et qu’on est trompé dans notre confiance, c’est de notre faute car on a pris un risque.
!
!
Cette règle se trouve à l’art. 933 CC. Il y a 4 éléments :
1)
2)
3)
4)
!
!
Un tiers est acquéreur.
Le vrai propriétaire confie la chose à l’aliénateur.
L’aliénateur n’a pas de droit de disposition.
Le tiers acquéreur est de bonne foi.
On va voir ces éléments dans les § suivants.
Il y a des débats en doctrine pour savoir si l’art. 933 CC est un mode d’acquisition originaire ou dérivé. Il est des 2, il
est un peu sui generis. Le droit de l’acquéreur ne dépend pas du droit de l’aliénateur (aspect acquisition originaire) mais
on garde les conditions de l’acquisition dérivée (aspect acquisition dérivée).
!
!
!
§2
Notion de tiers acquéreur
Il faut exclure des tiers pouvant acquérir à titre universel. On exclut les successeurs.
Il faut être acquéreur d’un droit réel. Le texte légal le dit clairement. Si on n’acquiert qu’un droit relatif sur l’objet (un
contrat de bail), on n’est pas visé par l’art. 933 CC.
!
!
§3
Distinction entre les choses confiées et les choses non confiées
Il faut que la chose soit confiée. Il faut distinguer la chose confiée de la chose non confiée. La chose non confiée est
souvent appelée une chose adirée. Une chose adirée signifie que la chose est soit volée, soit perdue. Soit l’objet est
confié, soit l’objet est perdu ou volé. Il n’y a pas d’autres alternatives.
!
51
2014-2015
La règle de l’art. 933 CC se trouve aussi à l’art. 714 al. 2 CC. Quelqu’un n’a pas de droit de disposer, il y a un
acquéreur, il est de bonne foi et la chose est confiée. La réserve à la fin de l’al. 2 (« la propriété lui est acquise dès qu’il
est protégé selon les règles de la possession ») renvoie à la différence entre chose confiée et non confiée. L’art. 933 et
l’art. 714 al. 2 CC sont en réalité exactement la même règle.
!
!
Confier un objet est un acte volontaire qui suppose :
1)
2)
!
Elément objectif : le transfert de la possession.
Elément subjectif : l’intention, qui suppose le discernement (art. 16 CC).
Confier un objet n’est pas un acte juridique mais un acte matériel à effets juridiques. Le risque est pris et s’il y a
aliénation, l’acquéreur de bonne foi sera protégé. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un titre valable, un acte juridique
valable. Le titre en vertu duquel l’objet est confié volontairement n’a pas besoin d’être forcément valable. Le
propriétaire passe un contrat de dépôt avec l’aliénateur et le contrat est annulé par la suite pour vice du consentement
par exemple. Dans un tel cas, la chose a été confiée. Si l’aliénateur vend la chose sans droit, l’acquéreur de bonne foi
sera protégé.
!
Quand il y a un dol, c’est plus compliqué. Le dol justifie une invalidation du contrat, en particulier lorsqu’il y a
escroquerie. Lorsque la personne à qui on fait confiance nous a trompé, la chose est-elle quand même confiée à
l’escroc ? Ce qui compte est l’acte matériel, donc on devrait dire que la chose est confiée. Cependant, le TF dans un
ATF 121 III 345 = JdT 1997 I 39 a tempéré cette situation :
!
-
!
!
Lorsque la tromperie porte sur le fait de remettre la chose, la chose n’est pas confiée.
Si l’escroquerie porte sur d’autres éléments (sur le prix par exemple), alors la chose est confiée.
ATF 77 II 127 = JdT 1952 I 541 : en cas de simulation, l’objet est quand même confié ?
-
!
Si la simulation porte sur le fait de remettre l’objet (on fait semblant de vouloir remettre l’objet), l’objet n’est
pas confié.
Si la simulation porte sur un autre fait, l’objet est confié.
Celui qui confie l’objet est celui qui prend le risque. C’est celui qui risque d’être sanctionné par l’acquisition du tiers de
bonne foi : il risque de perdre son droit réel car le tiers de bonne foi va devenir propriétaire.
!
!
Quelques situations/exemples :
•
!
•
!
•
!
Un objet est remis du propriétaire à un usufruitier. Le propriétaire vient reprendre l’objet de l’usufruitier et le
revend à un tiers de bonne foi. Dans un tel cas, l’usufruitier n’a pas confié l’objet au propriétaire. Donc le tiers
acquéreur de bonne foi se verra opposer l’usufruit : il n’est pas protégé par l’art. 933 CC.
Si à la place du vol du propriétaire, l’usufruitier prête l’objet au propriétaire, c’est un acte matériel qui est
volontaire. Si le propriétaire qui est emprunteur vend la chose au tiers de bonne foi, ce tiers sera protégé car la
chose a été confiée par l’usufruitier au propriétaire.
Le propriétaire confie l’objet à un usufruitier. L’usufruitier le remet à un locataire. Un voleur vole l’objet au
locataire et le voleur vend l’objet à un tiers de bonne foi. Au moment du vol, il y a une rupture de la chaîne.
Jusque là, la chose a été confiée (du propriétaire à l’usufruitier et de l’usufruitier au locataire), mais le voleur ne
se voit pas confier la chose. Donc il n’y a pas de protection par l’art. 933 CC. Il ne faut pas que la chaîne soit
rompue pour pouvoir appliquer l’art. 933 CC.
A quel moment intervient le transfert de propriété ? Il intervient au moment où le transfert de propriété aurait dû se faire
normalement. C’est le moment où le transfert de propriété aurait dû avoir lieu.
!
L’aliénateur doit être un vrai possesseur. S’il n’est qu’un auxiliaire de possession, il n’est pas aliénateur et donc le tiers
de bonne foi ne sera pas protégé. Par exemple, si un ouvrier vend un outil, le tiers de bonne foi ne sera pas protégé car
52
2014-2015
l’ouvrier n’est pas possesseur mais simplement auxiliaire de possession. La possession doit remplir les qualités des art.
930 et 931 CC !
!
L’objet doit voir sa publicité assurée par la possession. Certains gros objets mobiliers comme les bateaux et avions sont
portés dans des registres publics. Il n’y a pas de protection du tiers de bonne foi pour ces objets. On n’applique pas l’art.
933 CC.
!
!
§4
L’acquisition fondée sur l’apparence du droit de disposition de l’aliénateur
Dans l’art. 933 CC, on ne corrige que l’absence de droit de disposer. Il faut que les 3 autres conditions de l’acquisition
de la propriété à titre dérivé soient remplies.
!
!
!
§5
La bonne foi de l’acquéreur
C’est la bonne foi de l’art. 3 CC :
•
•
Al. 1. La loi présume la bonne foi de l’acquéreur. C’est celui qui conteste la bonne foi de l’acquéreur qui doit
prouver le renversement de la présomption. N’est pas de bonne foi celui qui savait que l’aliénateur n’avait pas le
droit de disposition.
!
Al. 2. N’est pas non plus de bonne foi celui qui aurait dû savoir que l’aliénateur n’avait pas le droit de disposition
selon les circonstances objectives. Ces éléments objectifs peuvent être :
!
o
o
o
!
!
!
L’acquéreur doit tenir compte des éléments qu’il connaît. Pour l’acquisition d’un manuscrit très rare,
l’acquéreur doit se renseigner sur la provenance de cet objet par exemple.
Les éléments que l’on ne peut pas ignorer selon un minimum d’attention. Si le prix est très inférieur à la
valeur du marché, ça doit éveiller des soupçons.
Chaque fois qu’un doute survient dans l’esprit de l’acquéreur, il ne reste de bonne foi que s’il procède à des
investigations supplémentaires.
Le TF oblige le professionnel pour des objets d’occasion à faire preuve d’un degré d’attention plus important que
le simple particulier (ATF 122 III 1 = JdT 1997 I 157). Le droit administratif peut prévoir des règles sur l’attention
qui sont plus lourdes.
Quid si l’acquéreur est représenté pour l’opération d’acquisition ?
-
!
!
Si le représentant est de mauvaise foi, l’acquéreur l’est aussi. On impute la mauvaise foi du représentant au
représenté.
Si le représentant est de bonne foi mais que l’acquéreur est de mauvaise foi, l’acquéreur est de mauvaise foi.
Dès que le représentant ou le représenté est de mauvaise foi, l’art. 933 CC ne s’applique donc pas.
Pour les personnes morales, lorsqu’une société acquiert un objet, si un organe est de mauvaise foi et que les autres
organes sont de bonne foi, on considère que la société est de mauvaise foi, et donc l’art. 933 CC ne s’applique pas (SJ
1996 226).
!
A quel moment la bonne foi doit exister ? La bonne foi doit exister au moment où l’acquisition aurait dû avoir lieu s’il y
avait le droit de disposition, au moment où les 3 autres conditions sont remplies. La mauvaise foi subséquente est
possible, on peut être de mauvaise foi après coup.
!
Le tiers acquéreur de bonne foi peut-il refuser d’acquérir la propriété et donc renoncer à la protection de l’art. 933 CC ?
Ce n’est pas possible. Mais il y a un moyen d’arriver au résultat de renoncer à la propriété. Pour que la propriété soit
possible, il faut que les 3 autres conditions de l’acquisition à titre dérivé de la propriété soient remplies, et donc le tiers
acquéreur de bonne foi peut rendre le titre nul en invoquant une erreur essentielle (ATF 109 II 319 = JdT 1984 I 139).
!
53
2014-2015
§6
!
Protection de la bonne foi de l’acquéreur de choses non confiées
En cas de chose non confiée, en principe l’acquéreur de bonne foi n’est pas protégé, car le propriétaire n’a pas pris de
risque. On vise le cas où la chose est volée ou perdue, c’est-à-dire la chose non confiée.
!
L’art. 934 al. 1 CC prévoit que la victime du vol ou de la perte continue à garder sa propriété et peut la revendiquer
pendant 5 ans. L’acquéreur de bonne foi ne sera donc propriétaire qu’après les 5 ans.
!
L’art. 934 al. 2 CC prévoit une restriction à l’al. 1. Dans certains cas (chose acquise aux enchères publiques, dans un
marché d’un marchand d’objets de même espèce), la victime du vol ou de la perte ne peut récupérer l’objet contre
l’acquéreur de bonne foi que si celui-ci lui rembourse le prix qu’il a payé. Le légitime propriétaire doit rembourser
l’acquéreur de bonne foi de son prix d’acquisition alors que la chose n’avait pas été confiée. Le légitime propriétaire a
donc payé 2 fois le prix de l’objet : quand il a acheté l’objet à la base et quand il veut récupérer l’objet auprès de
l’acquéreur de bonne foi.
!
!
La bonne foi est la même que celle de l’art. 933 CC. On peut renvoyer à ce qu’on a vu plus haut.
Le propriétaire qui paie 2 fois le prix de vente est-il subrogé dans les droits de celui qu’il indemnise ? Peut-il reprendre
les droits que l’acquéreur de bonne foi a contre le voleur ? La réponse est non (JdT 1984 I 139). La subrogation n’existe
que si elle est prévue par la loi. Comme l’art. 934 CC ne prévoit pas de subrogation, il ne peut pas y avoir de
subrogation. Le propriétaire ne pourra donc agir contre le voleur que sur la base de la responsabilité civile (art. 41 ss
CO), mais il faudra donc prouver la faute.
!
!
§7
L’acquisition de bonne foi de monnaie ou de titres au porteur
C’est l’art. 935 CC. Il y a une protection de l’acquéreur de bonne foi quoi qu’il arrive : que la chose soit volée, perdue
ou confiée, l’acquéreur de bonne foi reste protégé pour la monnaie et les titres au porteur. L’acquéreur de bonne foi est
protégé même si le titre au porteur ou la monnaie sont volés ou perdus. C’est dû à la sécurité des transactions.
!
Le champ d’application de la règle est restreint pour l’argent liquide. Pour l’argent liquide qui a cours légal, le mélange
de l’art. 727 al. 1 CC va s’appliquer. Ainsi, par le seul effet que l’argent liquide est mélangé, celui qui mélange devient
propriétaire du tout. Il est donc presque inutile d’avoir l’art. 935 CC pour la monnaie.
!
!
Pour les titres au porteur, cette règle a par contre un champ d’application. Les conditions sont les suivantes :
1)
2)
3)
!
Une acquisition régulière
Une acquisition stipulée au porteur.
Acquéreur de bonne foi
Chap. VLa perte de la propriété mobilière (pro memoria)
La propriété disparaît au moment où le nouvel acquéreur obtient la propriété. Il y a des cas où le droit de propriété
disparaît sans qu’il y ait un nouveau droit de propriété :
La déréliction. On abandonne unilatéralement la propriété. Il n’y a pas de nouveau droit de propriété constitué.
Les animaux (art. 719 CC). Dès que les recherches sont interrompues, l’animal sauvage n’est plus en notre
propriété par exemple.
!
!
!
La perte du droit de propriété est traité à l’art. 729 CC.
TITRE IV – LES ACTIONS REELLES MOBILIERES
On avait vu les actions possessoires des art. 927 et 928 CC. Ces actions protègent une situation de fait. Ici, les actions
réelles sont des actions qui protègent le droit réel. Ce sont des actions pétitoires, fondées sur le droit et pas sur la simple
protection provisoire des faits.
!
Chap. Ier
Les deux formes de revendications
54
!
!
!
§ 1er
2014-2015
La revendication de l’art. 641 CC
Cette action est prévue à l’art. 641 al. 2 CC.
Le propriétaire peut revendiquer l’objet et repousser toute usurpation. Dans l’action en revendication, il y a 2 types
d’actions :
!
1)
2)
!
L’action en revendication qui permet de revendiquer l’objet.
L’action négatoire qui permet de repousser toute usurpation, c’est-à-dire qui permet de mettre fin au trouble à
notre droit de propriété.
On parle de droit de propriété déduit en justice. La revendication est la sanction par excellence du droit de propriété.
L’action est dirigée contre tout fauteur de trouble car le droit de propriété est un droit absolu.
!
Comme l’action de l’art. 641 CC est la déduction en justice du droit de propriété, cette action est possible tant qu’existe
le droit de propriété. Il n’y a pas de délai de prescription. La revendication n’est pas limitée dans le temps. ATF 48 II
38 = JdT 1922 I 354 : l’art. 127 CO prévoit une prescription de 10 mais elle ne vaut que pour les créances et pas pour
les droits réels.
!
ATF 119 II 114 = JdT 1995 I 347 : la revendication est possible même si une autre action est possible. S’il y a une
action en pétition d’hérédité qui est possible mais que le délai de prescription est périmé, l’action de l’art. 641 CC reste
possible.
!
L’action en revendication ne peut pas se séparer du propriétaire. On ne peut pas rester propriétaire et céder l’action en
revendication à quelqu’un. L’action n’est que le droit subjectif déduit en justice. On ne peut pas la dissocier du droit
matériel. Le demandeur est donc toujours le propriétaire.
!
Les titulaires de droits réels limités ont aussi une action en revendication sur la base de l’art. 641 CC qui permet de
revendiquer leur droit réel limité. Ce qu’on va voir vaudra aussi pour les droits réels limités et pas seulement pour la
propriété.
!
!
Le défendeur au procès est soit l’usurpateur, soit le fauteur de trouble.
La principale difficulté de l’action en revendication tient à la preuve du droit de propriété. La preuve du droit de
propriété est à la charge du propriétaire (art. 8 CC). Si on nous vole notre objet, on doit prouver le vol mais il faut aussi
prouver qu’on était propriétaire avant le vol. On va voir qu’avec l’action pétitoire fondée sur la possession, la preuve est
facilitée.
!
!
§2
L’action pétitoire fondée sur la possession
On parle aussi de l’action réelle mobilière ou de l’action mobilière. Le fondement est pétitoire : c’est un droit déduit en
justice. Mais ce n’est pas le même fondement que pour la revendication. Avec l’action réelle mobilière, c’est celui qui a
le meilleur droit à avoir l’objet.
!
L’action pétitoire fondée sur la possession repose sur les mécanismes de présomption des art. 930 et 931 CC. En
principe, la présomption dont bénéficie le possesseur actuel (art. 930 al. 1 et 931 CC) l’emporte sur celle du possesseur
antérieur (art. 930 al. 2 CC). Ainsi le possesseur actuel peut opposer à l’action en restitution que dirige contre lui un
possesseur antérieur la présomption qu’il est au bénéfice d’un droit préférable (art. 932 CC).
!
Dans 2 cas cependant (les 2 cas où l’action mobilière sert), la présomption qui s’attache à la possession antérieure est
plus forte que celle que confère la possession actuelle. L’action mobilière (= l’action pétitoire fondée sur la possession)
du possesseur antérieur est possible dans les 2 cas suivants :
!
55
2014-2015
1)
Art. 934 al. 1 CC : le possesseur antérieur a été dessaisi sans sa volonté. Ca vise le cas de l’objet volé ou perdu
en main du possesseur de bonne foi, avec la limite de 5 ans.
!
2)
Art. 936 al. 1 CC : le possesseur actuel était de mauvaise foi lorsqu’il a acquis la possession. Face au
possesseur de mauvaise foi, il n’y a pas de limite dans le temps.
!
Avec l’art. 934 al. 1 CC, il y a une limite dans le temps de 5 ans alors qu’avec l’art. 936 al. 1 CC, il n’y a aucune limite
de temps.
!
ATF 139 III 305 : Un tableau d’un maître russe a été volé en union soviétique dans les années 1970 et a été vendu à
Zurich à un acquéreur. L’acquéreur plaidait la bonne foi. Le vrai propriétaire disait qu’il était de mauvaise foi. On était
après les 5 ans, donc tout reposait sur la question de savoir si l’acquéreur était de bonne ou de mauvaise foi. Le TF ne
tranche pas et renvoie à l’autorité cantonale.
!
Avec cette action, le demandeur doit renverser la présomption qui parle en faveur du défendeur qui est possesseur. Si on
prouve un vol ou une perte (art. 934 al. 1 CC) ou une acquisition de mauvaise foi (art. 936 al. 1 CC), on casse la
présomption du défendeur.
!
Mais ça ne prouve pas encore qu’on est propriétaire : il faut ensuite prouver notre droit à posséder. Ce droit à posséder
résulte de la présomption de l’art. 930 al. 2 CC. On présume que pendant le laps de temps, on était présumé propriétaire
de l’objet. Une fois avoir cassé la présomption en faveur du défendeur, on ne doit rien prouver d’autre si ce n’est qu’on
possédait l’objet avant le vol, la perte ou l’acquisition de mauvaise foi.
!
En réalité, les 2 actions sont exercées spontanément : on exerce l’action de 934 ou 936 CC et celle de l’art. 930 al. 2 CC
en même temps.
!
•
•
!
Qualité pour agir pour l’action de 934 et 936 CC : c’est celui qui a le meilleur droit à la possession. Ce n’est pas
forcément le propriétaire. Ca peut être un usufruitier, mais aussi le titulaire d’un droit personnel (contrat de prêt,
de bail sur l’objet par exemple). En effet, l’art. 931 al. 1 CC permet au titulaire d’un droit personnel de se
prévaloir de la présomption de celui qui tient la chose.
!
Qualité pour défendre pour l’action de 934 ou 936 CC : celui qui possède ou celui qui trouble.
Que peut dire le défendeur pour se défendre ? Si le demandeur prouve le vol ou la perte (art. 934 CC) ou l’acquisition
de la mauvaise foi (art. 936 CC), le défendeur a-t-il un moyen de ne pas rendre l’objet ? Il a plusieurs arguments
invocables :
!
!
!
a)
Il peut essayer de prouver qu’il y a une acquisition originaire en sa faveur. Exemple : un mélange.
b)
Il peut dire que le délai de l’action de l’art. 934 CC est dépassé.
c)
L’art. 936 al. 2 CC traduit l’adage suivant : « à égalité de mauvaise foi, la cause la meilleure est celle de celui
qui possède la chose ». Si le demandeur et le défendeur sont de mauvaise foi, le défendeur peut dire que le
demandeur est de mauvaise foi, donc il ne rend pas l’objet alors même que le défendeur est de mauvaise foi.
!
!
Cet art. 936 al. 2 CC ne dit pas si le défendeur de mauvaise foi peut quand même invoquer le fait que le
demandeur même de bonne foi n’est pas propriétaire. Par exemple, que le contrat de vente qu’il avait conclu et
qui lui avait transféré la propriété n’était pas efficace. Ce n’est pas un cas visé par l’art. 936 al. 2 CC. ATF 84 II
253 = JdT 1959 I 115 : le TF a laissé la question ouverte. Piotet pense que c’est un moyen admissible : l’action
mobilière est une action fondée sur le droit et donc si le défendeur peut prouver que le demandeur n’a aucun
droit, l’action ne peut pas aboutir.
Précis : Quant à savoir si le défendeur peut, sans prétendre avoir lui-même un droit sur l’objet, établir que le
demandeur n’en a pas non plus et refuser la restitution pour ce motif, la question est controversée. Si le
demandeur est un acquéreur de mauvaise foi, il est cependant admis que le défendeur peut refuser la
56
2014-2015
!
•
restitution en se fondant sur le principe de l’art. 936 al. 2 CC. Si en revanche le demandeur a acquis l’objet de
bonne foi, les avis des auteurs sont partagés et le TF a laissé la question ouverte.
La preuve :
o
Pour le demandeur. Le demandeur doit prouver le vol ou la perte pour l’art. 934 CC, et prouver la mauvaise
foi pour l’art. 936 CC, ainsi que son droit de propriété.
!
o
!
!
§3
Pour le défendeur. Est-ce que le défendeur doit prouver quelque chose ? ATF 119 II 114 = JdT 1995 I 347 :
le défendeur ne peut pas rester purement passif. Il doit fournir une explication à sa possession. Il ne doit pas
prouver que la possession existe mais simplement dire pourquoi il est en possession de l’objet.
Le délai quinquennal de l’art. 934 al. 1 CC
Ce délai quinquennal est propre au possesseur de bonne foi d’un objet volé ou perdu. Quand la personne n’a plus la
possession, on a vu que l’objet est soit adiré (volé ou perdu) soit confié. Ici, on ne vise que l’objet adiré. Si l’objet est
confié, on se base sur l’art. 933 CC et on permet au tiers acquéreur d’être plein propriétaire s’il acquiert de bonne foi
l’objet. L’art. 934 al. 1 CC prévoit un délai de 5 ans.
!
L’art. 934 CC a été révisé en 2003 avec l’al. 1bis. Pour les valeurs culturelles visées par la LF de 2003, le délai n’est pas
de 5 ans mais d’1 an relatif et de 30 ans absolu. D’après la Convention de l’UNESCO, la réclamation d’un Etat à
l’égard d’un autre Etat où se trouve l’objet culturel est aussi éteinte après 30 ans. On reprend le DI dans cet alinéa.
!
A l’art. 934 al. 1 CC, on nous dit que l’art. 722 CC est réservé. L’art. 722 CC est le délai de 5 ans au terme duquel
l’inventeur d’une chose perdue devient propriétaire de la chose perdue. Ca suppose que l’inventeur soit de bonne foi,
mais c’est faux car l’inventeur d’une chose perdue doit savoir que la chose est perdue et donc il n’ignore pas de bonne
foi que la chose est perdue. Donc cette réserve de l’art. 722 CC doit être considérée comme non écrite.
!
L’art. 728 CC prévoit l’usucapion d’une chose mobilière. Le délai est de 5 ans aussi. L’usucapion suppose la réunion de
5 conditions sans interruption pendant 5 ans. Avec l’art. 934 al. 1 CC c’est différent : le point de départ du délai est le
vol ou la perte. Donc il arrive beaucoup plus vite échéance que le délai de l’usucapion. L’art. 934 al. 1 CC exclut donc
toute application de l’usucapion mobilière en cas de chose volée ou perdue : la personne deviendra propriétaire toujours
plus vite sur la base de l’art. 934 al. 1 CC que sur la base de l’art. 728 CC. Il y a cependant une exception car l’art. 728
CC prévoit un délai de 2 mois pour les animaux : c’est donc plus rapide que l’art. 934 CC.
!
❖
!
Comment compter le délai de 5 ans de l’art. 934 al. 1 CC ? Il court depuis le vol ou la perte. Le délai est de
déchéance, c’est-à-dire qu’il fait tomber la propriété de la victime du vol ou de la perte.
Exemple : Il y a un vol :
!
•
!
•
Un acquéreur de mauvaise foi acquiert l’objet au bout de 5 ans. Il l’acquiert après 6 ans par exemple. Dans
ce cas, c’est l’art. 936 CC qui s’applique car il est de mauvaise foi et l’art. 936 CC n’a pas de limite de
temps. Pour que l’art. 934 CC fonctionne, il faut donc qu’au terme des 5 ans, l’acquéreur soit de bonne foi.
S’il devient de mauvaise foi, on applique l’art. 936 CC.
Un acquéreur de bonne foi acquiert l’objet au bout de 5 ans. Tout acquéreur de bonne foi après les 5 ans
depuis le vol ou la perte acquiert la chose. Si par exemple au bout de 6 ans depuis le vol, l’objet est acheté
par un acheteur de bonne foi alors que le vendeur qui a acquis la chose était de mauvaise foi, l’acquéreur de
bonne foi devient propriétaire.
!
!
Dès qu’un acquéreur de bonne foi acquiert l’objet et que le délai de 5 ans depuis le vol ou la perte est passé,
l’action mobilière est éteinte et l’acquéreur devient propriétaire.
Si l’objet est racheté après que quelqu’un ait acquis l’objet de bonne foi, ça ne fait pas revivre l’action
mobilière. L’action est éteinte dès qu’une personne a été de bonne foi après les 5 ans depuis le vol. L’ancien
propriétaire perd sa propriété après le délai de 5 ans.
57
2014-2015
!
Est-ce que ça fait aussi tomber l’action en revendication de l’art. 641 CC ? Ca la fait tomber car étant donné que la
propriété s’est éteinte, la revendication est aussi éteinte.
!
!
Il y a 3 différences entre l’action mobilière de l’art. 934 CC et la revendication :
1)
La revendication est possible de tout temps alors que l’action contre le possesseur de bonne foi doit être faite
dans les 5 ans. Mais le délai de 5 ans de l’action contre le possesseur de bonne foi vaut donc aussi pour l’action
en revendication.
!
2)
L’action mobilière est plus large que la revendication car elle permet au titulaire d’un droit personnel d’agir
alors que ce n’est pas le cas de la revendication.
!
3)
Si la chose est confiée, le propriétaire doit agir sur la base de l’art. 641 CC et pas sur la base de l’art. 934 CC
car l’art. 934 CC ne vise que les choses volées ou perdues.
!
!
Chap. II
§ 1er
a.
La responsabilité du possesseur obligé à restituer dans l’action réelle
Principes et fondements des art. 938 à 940 CC
Domaine d’application des art. 938 à 940 CC
!
Quelqu’un doit rendre un objet qui ne lui appartient pas à son véritable propriétaire. La personne est défenderesse et
condamnée à restitution soit sur la base de l’art. 641 CC soit sur la base de l’action mobilière des art. 934 ou 936 CC.
!
-
Si le défendeur a utilisé, détruit, endommagé, aliéné la chose, est-ce que le défendeur doit quelque chose au
demandeur et si oui pour combien ?
A l’inverse, si le défendeur a fais des frais sur l’objet, peut-il se faire rembourser ? Il a fait des frais sur la
voiture qu’il doit rendre par exemple.
-
!
Les art. 938 à 940 CC ne visent que celui qui doit rendre face à une action réelle et pas face à une action personnelle. Si
le locataire doit rendre la chose louée au bailleur, ce ne sera pas réglé par ces articles mais sur la base du contrat.
!
Les art. 938 à 940 CC sont des règles spéciales par rapport au régime général du droit des obligations. Si ces articles
n’existaient pas, on appliquerait au possesseur illégitime de mauvaise foi la responsabilité délictuelle des art. 41 ss CO
et on appliquerait au possesseur illégitime de bonne foi les règles sur l’enrichissement illégitime (art. 62 ss CO).
!
En dehors des art. 938 à 940 CC, il faut réserver le cas où il y a un gérant d’affaires sans mandat (art. 419 CO) où on
n’exclut pas totalement l’application des art. 938-940 CC. ATF 129 III 422 sur cette question.
!
!
!
b.
La distinction entre possesseur de bonne foi et possesseur de mauvaise foi
Les art. 938-940 CC distinguent selon si le possesseur est de bonne foi ou de mauvaise foi.
•
Le possesseur de bonne foi doit être traité juridiquement comme s’il avait réellement son droit putatif. On doit le
traiter comme si le droit qu’il croyait avoir de bonne foi existait en réalité. L’art. 938 al. 1 CC pose ce principe.
!
!
Le possesseur de bonne foi d’une voiture qui s’avère ne pas être la sienne doit la rendre. S’il a grillé un feu rouge
et que la voiture est endommagée et qu’il doit rendre la voiture, l’art. 938 al. 1 CC prévoit qu’il ne doit aucune
indemnité au demandeur. Le propriétaire qui casse son objet ne doit rien à soi-même donc il n’y a pas d’indemnité
pour le demandeur car on fait comme s’il est propriétaire.
C’est différent si le possesseur de bonne foi croit avoir un droit personnel. Par exemple, une voiture en leasing. Si
le contrat de leasing n’est pas valable mais qu’il croit de bonne foi qu’il est valable, si l’objet est endommagé, il
doit réparation. Si le droit putatif est la location, on va le traiter comme s’il était locataire de la voiture. Et comme
le locataire doit toujours rendre la chose en bon état, on doit lui imputer le dommage causé.
58
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!
!
!
!
!
•
Le possesseur de mauvaise doit réparer tout le dommage (art. 940 al. 1 CC).
§2
La responsabilité du possesseur
a.
Destruction ou détérioration de la chose
Quid de la responsabilité du possesseur en cas de destruction ou de détérioration de la chose ?
•
•
!
Possesseur de bonne foi. L’art. 938 al. 1 CC prévoit qu’il ne doit aucune indemnité. L’art. 938 al. 2 CC prévoit
qu’il ne répond ni des pertes ni des détériorations si le droit putatif lui permet de ne pas en répondre.
!
Possesseur de mauvaise foi. L’art. 940 al. 1 CC prévoit qu’il répond de l’entier du dommage. Il y a 2 types de
possesseurs de mauvaise foi prévus à l’art. 940 al. 3 CC :
-
!
-
!
!
!
!
Celui qui sait qu’il n’est pas propriétaire mais qui ne sait pas à qui la chose appartient. Ce possesseur ne répond
pas du cas fortuit mais que du dommage causé par sa faute. Ce possesseur de mauvaise foi est dans la même
situation que le débiteur en demeure de l’art. 103 CO : il ne répond pas du cas fortuit.
Celui qui sait qu’il n’est pas propriétaire et qui sait à qui il doit rendre l’objet et qui ne l’a pas rendu. Ce
possesseur répond du cas fortuit et pas seulement du dommage causé par sa faute. Il répond de tout dommage
même s’il n’a pas commis de faute.
Conclusion : on ne répond du cas fortuit que si on est vraiment de très mauvaise foi. Si on est dans une mauvaise
foi « légère », on ne répond pas du cas fortuit.
b.
Fruits et profits de la chose
Quid de la responsabilité du possesseur en cas de fruits et profits sur la chose ?
•
Possesseur de bonne foi. L’art. 938 al. 1 CC prévoit que le possesseur de bonne foi qui a joui de l’objet ne doit
aucune indemnité. Il n’a pas à restituer la valeur de jouissance de l’objet. Si le possesseur de bonne foi d’une
voiture a utilisé la voiture et que ça lui a permis de ne pas prendre le taxi pour se déplacer, il n’a pas à payer au
propriétaire le prix de la jouissance.
!
Cet article permet aussi de ne pas rendre les fruits perçus. Le possesseur de bonne foi a acheté un cheval qui a
accouché d’un poulain. Si le contrat de vente est annulé, il faut rendre le cheval au propriétaire mais il peut garder
le poulain.
!
!
•
!
!
c.
Il y a une restriction au fait de pouvoir garder la valeur de la jouissance et les fruits à l’art. 939 al. 3 CC : si le
possesseur a fait des dépenses/impenses et qu’il a droit à être remboursé, les fruits perçus sont imputés à ce qui lui
est dû en raison de ses dépenses/impenses.
Possesseur de mauvaise foi. L’art. 940 al. 1 CC prévoit qu’il n’a pas droit à la propriété des fruits (il doit rendre le
poulain) et rembourser la valeur de jouissance (payer ce qu’il n’a pas payé en frais de taxi grâce à l’utilisation de
la voiture).
La responsabilité du possesseur qui a aliéné la chose
Quid si le possesseur a aliéné l’objet ? Si l’objet est volé ou perdu, l’acquéreur ne peut pas devenir propriétaire avant
l’échéance des 5 ans de l’art. 934 CC. Donc le propriétaire peut aller rechercher la chose. Pourquoi alors pouvoir
engager la responsabilité du possesseur si le propriétaire peut reprendre la chose ?
!
59
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JdT 1954 I 45 : Il y a eu beaucoup d’aliénations et on ne sait plus où est l’objet. Il y a une impossibilité pratique de
pouvoir reprendre l’objet. Donc il y a une utilité à engager la responsabilité du possesseur qui a aliéné la chose car le
propriétaire ne peut plus aller reprendre la chose.
!
•
Aliénation de mauvaise foi. Si l’aliénation est faite de mauvaise foi, c’est un acte illicite donc on applique les art.
41 ss CO.
Aliénation de bonne foi. Si l’aliénateur qui devait rendre l’objet l’a aliéné alors qu’il était de bonne foi, l’ATF 71
II 90 = JdT 1945 I 521 dit qu’on applique l’art. 938 al. 1 CC par extension/analogie. Si le possesseur est de bonne
foi, il n’a pas besoin de rendre quoi que ce soit au propriétaire.
•
!
!
!
C’est critiqué par une partie de la doctrine. Si le possesseur de bonne foi a fait un bénéfice en vendant la chose, il
faudrait qu’il rende ce bénéfice au propriétaire.
Responsabili
§3
Le remboursement des impenses du
possesseur
Destruction/
Fruits et
Ce sont les
BF : rien à
rembourser
MF
Grave :
répond du
•
MF : tout
rembourser
BF : rien
(938 CC par
!
!
qui vont dans l’autre sens : c’est
le possesseur illégitime
qui veut être remboursé.
MF : 41 ss
CO
Il y a 3 catégories
d’impenses :
1)
Nécessaires : celles qui servent à maintenir la chose en bon état.
2)
Utiles : celles qui ne sont pas nécessaires mais améliorent l’objet.
Somptuaires : celles qui ne font que d’augmenter la valeur de l’objet.
3)
!
prétentions
BF : rien,
sauf 939 al.
Légère : ne
répond que
Aliénation
Possesseur de bonne foi. L’art. 939 al. 1 CC prévoit qu’il peut demander au demandeur le remboursement des
impenses nécessaires et utiles.
!
!
•
Les impenses somptuaires sont réglées à l’art. 939 al. 2 CC : elles ne sont en principe pas remboursées mais il peut
retirer ce qu’il a ajouté la chose si c’est possible sans trop de dommage. Par exemple, s’il a mis des pare-chocs en
or à la voiture, il peut reprendre ces pare-chocs.
Mais il s’agit d’une créance. Si le demandeur est en faillite, il ne sera qu’un créancier parmi les autres. Comme
c’est une créance, le demandeur peut aussi dire qu’il garde l’impense somptuaire en nature et qu’il lui donne
l’équivalent du prix en argent.
!
Possesseur de mauvaise foi. L’art. 940 al. 2 CC prévoit qu’il n’a droit qu’au remboursement des impenses
nécessaires. C’est une règle de sanction de la mauvaise foi.
!
!
!
!
Dans l’enrichissement illégitime, l’art. 65 CO prévoit qu’il a droit au remboursement des impenses utiles. Il y a
donc une différence entre ces 2 régimes.
TITRE V – L’USUFRUIT
Chap. Ier
Généralités
L’usufruit est la seule servitude, c’est-à-dire le seul droit réel restreint d’usage, qu’on peut avoir sur un droit mobilier.
L’usufruit est possible pour les meubles et pour les immeubles. Dans ce titre V, on va voir l’usufruit pour les meubles et
les immeubles.
!
L’art. 745 al. 2 CC définit le droit d’usufruit. Il confère un droit de jouissance complet sur la chose. Ce droit de
jouissance inclut la possession de l’objet (usage : usus) et le pouvoir de retirer tout profit possible licite que peut
rapporter l’objet (jouissance : fructus).
60
2014-2015
!
Précis : En tant que servitude, l’usufruit confère à son titulaire le droit d’utiliser l’objet grevé ; il bénéficie aussi des
droits de suite et de préférence, comme tout droit réel ; il fonde un rapport de possession dérivée. Toutefois, sur
l’usufruit comme droit réel, se greffe un rapport d’obligation légal entre le propriétaire actuel de l’objet grevé (appelé
« nu-propriétaire » et l’usufruitier : des droits et des obligations réciproques naissent pour l’un et pour l’autre
(obligations propter rem du côté actif comme du côté passif). Le nu-propriétaire n’est donc pas seulement l’un des
destinataires du droit absolu qu’est l’usufruit ; il est encore titulaire et destinataire de droits personnels (relatifs)
découlant de sa relation avec l’usufruitier. L’usufruit peut être constitué en faveur d’une seule personne (physique ou
morale) ou en faveur de plusieurs personnes déterminées. Lorsque plusieurs personnes sont titulaires de l’usufruit, on
leur applique par analogie les règles sur la copropriété (co-usufruit) ou sur la propriété commune (usufruit commun).
!
!
!
!
§ 1er
Définition et notion de « fruits »
Il y a les fruits naturels et les fruits civils :
•
Fruits naturels Ils comprennent 2 types de fruits :
o
Fruits naturels (au sens étroit) : les fruits produits d’une chose principale. Ca peut être des végétaux (des
pommes, des bananes) mais aussi un poulain. Le poulain est un fruit produit d’une chose principale qu’est le
cheval.
Produits. Ce ne sont pas des matières générées par une chose principale mais des choses usuellement
prélevées sur une chose principale : il est usuel de faire ce prélèvement sur ce genre d’objet. L’agneau de la
brebis est un fruit naturel mais la laine est un produit car il est d’habitude de tondre les moutons pour en
faire de la laine.
o
!
•
Fruits civils. Ce sont tous les droits immatériels que produit la chose. Un immeuble constitué en appartements
locatifs produit des loyers pour le propriétaire. Ces loyers sont des fruits civils.
!
!
Précis : Les fruits civils sont le revenu que l’usufruitier perçoit en vertu d’un rapport juridique spécial concernant
la chose : loyers et fermages, intérêts de capitaux, dividendes, etc.
L’usufruitier a le droit d’être propriétaire du fruit : on a un usufruit sur le mouton mais on acquiert un droit de propriété
sur l’agneau, on n’a qu’un usufruit sur l’immeuble locatif mais on encaisse les loyers.
!
!
§2
L’acquisition des fruits
•
Pour les fruits civils, on applique les règles ordinaires sur les créances. Le propriétaire doit mettre l’usufruitier en
position de pouvoir encaisser les loyers.
!
Précis : La répartition des fruits civils entre l’usufruitier et le nu-propriétaire est régie par l’art. 757 CC : ces
fruits sont « acquis à l’usufruitier du jour où son droit commence et jusqu’à celui où il prend fin, même s’ils ne
sont exigibles que plus tard ».
•
!
Pour les fruits naturels, il faut prendre possession de l’objet.
!
-
!
En droit romain, il fallait cueillir la pomme pour devenir propriétaire de la pomme.
En droit moderne, la possession est seule exigée, donc il suffit que la pomme tombe sur le verger dont on a
l’usufruit pour qu’on en devienne propriétaire. En effet, on a la possession du sol du verger. Il suffit que le fruit
se détache.
Si quelqu’un vole les pommes sur l’arbre, celui qui peut agir contre le voleur est le propriétaire car l’usufruitier
n’est pas encore propriétaire. Si quelqu’un vole les pommes qui sont tombées sur le sol, l’usufruitier peut agir
car il est devenu propriétaire.
!
61
2014-2015
Précis : L’usufruitier ne devient propriétaire des fruits naturels qu’à leur séparation. L’usufruitier n’acquiert la
propriété des fruits dès leur séparation que s’il a la possession (immédiate ou médiate) de la chose. Dans le
cas contraire, c’est le nu-propriétaire qui devient propriétaire des fruits jusqu’au moment où l’usufruitier
prend possession de ceux-ci.
!
L’art. 756 CC vise les fruits naturels. En cas d’entretien ou de préparation à une récolte, il faut faire des travaux toute
l’année pour que les vignes puissent faire des fruits. Ca coûte de l’argent à l’usufruitier. Il y a 2 situations
différentes visées à l’art. 756 CC :
!
-
Si l’usufruit s’arrête avant la récolte et que le fruit n’est pas encore parvenu à maturité, l’usufruitier peut se
faire rembourser une indemnité équitable (al. 2).
Si l’usufruit s’arrête avant la récolte et que le fruit est parvenu à maturité, il peut garder les fruits (al. 1).
-
!
Précis : Conformément à l’art. 643 al. 3 CC, l’usufruitier ne devrait acquérir la propriété des fruits naturels que s’ils
sont séparés pendant la durée de l’usufruit. L’art. 756 al. 1 CC déroge toutefois à ce principe en prévoyant que les
fruits (végétaux) appartiennent à l’usufruitier s’ils sont parvenus à maturité pendant la durée de l’usufruit (même s’ils
ne sont séparés qu’après l’extinction de l’usufruit).
!
!
§3
Caractère personnel de l’usufruit
L’usufruitier n’a pas l’entière propriété de l’objet. En d’autres termes, même si l’usufruit est la servitude la plus
complète par l’ampleur de la jouissance conférée au titulaire, elle n’équivaut pas la propriété. On avait vu la théorie de
la charge : le matelas du propriétaire est comprimé et avec l’usufruit il est très comprimé car l’usufruit confère
beaucoup de prérogatives.
!
L’usufruit doit alors être limité et on le limite à la personne du titulaire pour ne pas comprimer de manière trop forte le
matelas du propriétaire. Il y a alors des limitations liées au caractère personnel de l’usufruit :
!
•
!
•
!
L’usufruit disparaît avec la disparition du titulaire (art. 749 CC). L’usufruit est lié à l’existence de son titulaire. Au
décès de l’usufruitier, la propriété se reconstitue, le matelas reprend sa forme. L’usufruit est donc un droit réel
limité car il est limité dans le temps. Il est viager.
L’usufruit est incessible. Pendant l’existence de l’usufruit, l’usufruit ne peut pas être cédé. Il est lié à la personne
du titulaire. Ce droit est inaliénable. On ne peut pas non plus saisir l’usufruit : il ne peut pas être vendu aux
enchères à la demande des créanciers de l’usufruitier.
L’art. 758 CC parle de cession de l’usufruit dans sa note marginale, mais il ne vise pas une cession de l’usufruit.
Cet article vise la cession de l’exercice de l’usufruit. L’usufruitier peut céder des prérogatives de l’usufruit mais
pas céder l’usufruit lui-même. Il peut déléguer l’exercice du droit réel mais ne peut pas déléguer le droit réel luimême.
Par exemple, l’usufruitier peut louer l’objet à un locataire. Il devient bailleur et le locataire va utiliser l’objet et
donc le locataire exercera à la place de l’usufruitier les droits de l’usufruitier (il pourra utiliser la chose).
!
Vis-à-vis du locataire de l’usufruitier, le propriétaire est un peu dans la même situation que le bailleur face à un
sous-locataire. L’art. 758 al. 2 CC prévoit que si le locataire de l’usufruitier fait des dégâts, le propriétaire et pas
seulement l’usufruitier bailleur peut agir directement contre le locataire pour empêcher de faire des dégâts.
!
!
!
§4
L’art. 758 al. 1 CC vise l’usufruitier dont le droit « n’est pas éminemment personnel ». Un droit éminemment
personnel visait sous l’ancien droit le droit dont la jouissance ne pouvait pas être déléguée à un tiers. Par exemple,
sous le régime de l’union des biens, le droit du mari sur les apports de la femme. Mais ça a disparu aujourd’hui : il
n’y a plus de droit d’usufruit éminemment personnel ! On a simplement oublié de changer le texte de l’art. 758 al.
1 CC.
L’objet de l’usufruit
62
2014-2015
L’art. 745 al. 1 CC prévoit sur quoi un usufruit peut être constitué : meuble, immeuble, droit, patrimoine. Il prévoit qu’il
est possible de constituer un usufruit sur un patrimoine, mais on avait vu qu’il y a en réalité autant de droits réels que
d’objets séparés. Il n’est pas possible d’avoir un seul droit sur un ensemble de choses.
!
!
Selon le type d’objet, le type usufruit varie (on les reverra précisément dans les chapitres suivants) :
•
•
!
•
!
!
!
!
!
•
Usufruit proprement dit (ch. III). Ce qu’on a vu est l’usufruit proprement dit, c’est-à-dire l’usufruit ordinaire.
Quasi-usufruit (ch. IV). Le quasi-usufruit est prévu à l’art. 772 al. 1 CC. On dit qu’on est usufruitier alors qu’on
devient propriétaire d’un objet consomptible. On appelle usufruit ce qui est en réalité un transfert de propriété.
Usufruit de disposition (ch. IV) (art. 772 al. 2 CC). C’est un usufruit mixte : il est entre l’usufruit proprement dit
et le quasi-usufruit. C’est un usufruit proprement dit mais quand il y a un inventaire estimatif, l’usufruitier peut
vendre les biens. En principe seul le propriétaire peut vendre les biens. Ici, c’est une exception. L’usufruitier peut
vendre avec l’usufruit de disposition. Il devient simplement redevable de la valeur de l’objet vendu vis-à-vis du
propriétaire.
Usufruit sur des droits (ch. V). Il peut être proprement dit ou de disposition.
Chap. II
Naissance et extinction de l’usufruit
§ 1er
Acquisition de l’usufruit
a.
Acquisition originaire et dérivée de l’usufruit
•
!
!
!
•
Acquisition dérivée. L’art. 746 al. 1 CC rappelle qu’il y a le principe de publicité : la remise de la possession pour
les meubles et l’inscription au RF pour les immeubles. Il faut respecter le mode pour constituer un usufruit.
L’art. 746 al. 2 CC prévoit que les autres conditions de l’acquisition dérivée sont applicables et doivent être
remplies. Il faut donc :
1) Une chose aliénable,
2) Le titre valable. Dans la pratique c’est très souvent un acte à cause de mort (testament ou pacte successoral).
Mais ça peut se faire par acte entre vif aussi (contrat). Si le contrat porte sur une chose immobilière, il faut
respecter la forme authentique.
3) Un mode
4) Pouvoir d’aliénation.
Acquisition originaire. L’art. 746 al. 2 CC renvoie au surplus aux règles de la propriété. On peut se poser la
question de l’acquisition originaire. Le seul cas envisageable est l’usucapion. Le contrat n’est pas valable mais on
le croit valable et on possède pendant 5 ans : on devient propriétaire par usucapion.
!
On peut devenir usufruitier de bonne foi aux conditions de l’art. 933 CC. Celui qui a créé l’usufruit n’avait pas le droit
de le faire alors qu’on lui avait confié l’objet.
!
b.
La constitution des usufruits du droit de la famille et des successions
!
L’usufruit peut être constitué non pas sur la base d’un contrat mais sur la base de la loi. On parle d’usufruits légaux.
C’est le cas en droit des successions et en droit de la famille :
!
•
•
Droit des successions. C’est l’art. 612a CC : l’usufruit sur l’ancien logement conjugal. La valeur de l’usufruit est
déduite de la part successorale.
!
!
Droit de la famille :
63
2014-2015
o
o
Dans le droit des RM. C’est l’art. 219 al. 1 CC ainsi que l’art. 244 al. 2 CC. La valeur de l’usufruit est
déduite de la créance en liquidation du RM qui revient au conjoint survivant alors que dans le droit des
successions, la valeur de l’usufruit est déduite de la part successorale. Mais le principe est le même.
!
Dans le droit du divorce. C’est l’art. 121 al. 3 CC et l’art. 32 LPart. Le titre est légal mais il faut un jugement
ou une convention sur les effets accessoires du divorce acceptée par le juge du divorce.
!
Dans tous ces cas, il y a un droit légal à la création d’un usufruit. Le titre est légal : il n’y a pas besoin de faire un
contrat avec le propriétaire. En revanche, les autres conditions doivent être remplies : il faut le mode notamment. Il faut
concrétiser le titre par l’accomplissement de la publicité (transfert de la possession si meuble, inscription au RF si
immeuble). Tant que la publicité n’est pas accomplie, il n’y a pas de droit réel créé. On peut parler d’usufruits légaux
indirects. La loi ne crée pas elle-même l’usufruit, il faut encore l’accomplissement de la publicité.
!
!
!
§ 2 Extinction de l’usufruit
Il y a différentes causes d’extinction de l’usufruit :
1)
2)
3)
Par décès/dissolution. L’art. 749 CC prévoit que l’usufruit disparaît au plus tard au décès du titulaire ou à la
dissolution de la personnel morale (mais 100 ans au maximum).
!
!
!
Par déréliction.
Les cas de l’art. 748 CC :
o
Perte totale de la chose ou la chose est détruite (al. 1). Il faut lire cette règle en lien avec l’art. 750 CC qui a
3 alinéas :
!
-
!
-
!
-
!
Al. 1. En principe, si la chose est détruite, l’usufruit s’éteint. Le propriétaire n’est pas obligé de
reconstituer un objet équivalent pour l’usufruitier.
Al. 2. En revanche, s’il décide de reconstituer un objet, l’usufruit « renaît ». Ca signifie qu’un usufruit
est créé avec les mêmes caractéristiques que l’usufruit éteint.
Al. 3. S’il y a un responsable qui doit répondre de la destruction de l’objet, la loi prévoit que l’usufruit
s’étend à la créance contre ce responsable. La créance en d-i est grevée d’usufruit. Il n’y a plus d’objet
physique car il est détruit mais l’usufruitier a un droit d’usufruit sur la créance en réparation du
dommage. C’est un cas de subrogation réelle : l’objet sur lequel porte l’usufruit change.
Ca vise surtout les assurances dommages (contre les dégâts d’eau par exemple). Les assurances
dommages sont responsables contractuellement du dommage ou de la disparition de l’objet.
L’usufruitier a un droit d’usufruit sur la créance en réparation du dommage de l’assurance. C’est
confirmé à l’art. 57 LCA.
!
o
o
!
Précis : Il arrive souvent qu’une compensation soit versée au propriétaire par suite de la destruction
totale ou partielle de la chose (somme versée par un assureur-choses, d-i payés par le tiers
responsable). Cette contre-valeur devient alors objet de l’usufruit. Le droit de l’usufruit se reporte de
plein droit sur ces sommes, et même déjà sur la créance du propriétaire contre le débiteur (assureur,
tiers responsable). Il s’opère dans ce cas une subrogation réelle qui donne lieu à un usufruit légal.
Si c’est un immeuble, par radiation de l’inscription au RF (al. 1). L’inscription au RF est constitutive. Donc
la radiation est constitutive de l’extinction.
!
L’usufruit légal s’éteint avec la cause qui lui a donné naissance. Ca ne vise pas l’usufruit légal vu plus haut.
Les usufruits légaux de cet al. 3 visent en réalité les usufruits qui n’existent plus aujourd’hui (ceux qui
étaient éminemment personnels). Donc ça ne vaut plus aujourd’hui.
64
2014-2015
4)
Par consolidation. C’est l’équivalent de la confusion pour les créances. Dans la confusion (art. 118 CO), lorsque le
débiteur se retrouve être le créancier du même rapport d’obligations, l’obligation s’éteint par confusion.
!
C’est la même chose pour les droits réels : lorsque le titulaire d’un droit réel limité (l’usufruitier en l’occurrence)
se retrouve propriétaire de l’objet sur lequel porte l’usufruit, l’usufruit disparaît et il devient propriétaire de l’objet.
Par exemple, l’usufruitier hérite du propriétaire.
!
Selon le système romain qui existe en Suisse, même si ce n’est pas prévu expressément par la loi, l’usufruit
s’éteint.
!
!
La particularité de la consolidation est que la disparition du droit réel limité peut intéresser des tiers (=/ confusion).
On peut avoir sur le même objet en 1er rang un usufruit et en 2ème rang un gage sur le même objet. Si l’usufruitier
hérite du propriétaire, il y a disparition de l’usufruit. Donc le créancier gagiste qui était en 2ème rang qui va
demander la vente de l’objet et cette vente de l’objet sera sans l’usufruit car il a disparu. Il pourra vendre la chose
sans que l’usufruit vienne restreindre la valeur de l’objet. Mais ça ne se passe pas ainsi. Dans ce cas, on fait
comme si l’usufruit subsiste à l’égard du créancier gagiste. Le jour où le créancier gagiste veut vendre l’objet pour
satisfaire ses créanciers, on fait comme si l’usufruit existait encore.
Extinction de
l'usufruit
Décès/dissolution
du titulaire
!
!
!
!
Chap. III
Déréliction
Les cas de 748
CC
Consolidation
Perte totale de la
chose
Radiation de
l'IRF si
immeuble
Usufruit légal
s'éteint avec la
cause qui lui a
L’usufruit proprement dit
C’est l’usufruit typique. Il peut porter sur des objets mobiliers et immobiliers.
§ 1er
•
•
Les droits de l’usufruitier
Le droit à la possession (art. 755 CC). L’usufruitier a droit à la jouissance de l’objet donc il a droit de le posséder.
!
Le droit aux fruits de la chose. Il peut s’approprier les fruits naturels et civils que génère l’objet grevé de
l’usufruit.
!
o
o
Les fruits naturels sont régis par l’art. 756 CC.
!
Les fruits civils sont prévus à l’art. 757 CC. Le critère pour répartir dans le temps les fruits civils (intérêts
d’un droit, loyer d’un locatif) est une pure règle de pro rata.
!
!
Exemple : Dans l’immeuble, le locataire paie son loyer 6 mois d’avance. L’usufruit s’arrête le 1er septembre,
mais le locataire a déjà payé les mois de juillet à décembre. Il y a alors 2 mois de loyer que l’usufruitier peut
conserver (juillet et août). En revanche, de septembre à décembre, même s’il a encaissé les loyers, il doit les
rendre. C’est au pro rata.
L’art. 756 al. 3 CC fait un rappel : ce qui n’est pas un fruit mais la chose elle-même est toujours propriété du nupropriétaire. Si l’usufruitier ne cueille pas les pommiers mais abat l’arbre, il doit restituer la contre-valeur de
l’arbre au propriétaire car le propriétaire est resté propriétaire. C’est un acte illicite et il doit des d-i.
!
65
2014-2015
L’art. 770 CC traite des forets et l’art. 771 CC traite des mines :
!
- Art. 770 CC. La coupe du bois fait partie des produits qui doivent revenir à l’usufruitier. Mais il y a des
situations extraordinaires où il faut abattre plus d’arbres. Dans ce cas, l’usufruitier doit faire en sorte de ne pas
détruire la nature de l’objet. Ca doit rester une foret : il ne doit pas tout couper. L’objet doit être à même de
continuer à produire même après la fin de l’usufruit.
!
!
!
!
- Art. 771 CC. C’est pareil pour les mines, on renvoie à l’art. 770 CC.
§2
Les devoirs de l’usufruitier
On a une séparation entre les devoirs réels et les devoirs contractuels que l’usufruitier a à l’égard du propriétaire :
•
!
!
•
!
Les devoirs de nature réelle sont les devoirs qui tiennent au régime des droits réels (entre droits de l’usufruitier et
droits du propriétaire). C’est le devoir de respecter l’objet pour l’usufruitier et le devoir de respecter l’usufruit
pour le propriétaire.
➢
En cas de non respect de ces devoirs réels : responsabilité civile ! Si l’usufruitier va trop loin en violant un
devoir réel et cause un dommage, il doit répondre de son acte illicite. Par exemple, s’il fait disparaître la
chose. C’est régi par les art. 41 ss CO.
Les devoirs contractuels ou quasi contractuels entre le propriétaire et l’usufruitier. Lorsque l’usufruit naît d’un
acte juridique, il y a des devoirs contractuels entre l’usufruitier et le propriétaire. Si le titre de l’usufruit est la loi,
le régime est quasi contractuel et il y a aussi des devoirs.
➢
En cas de non respect de ces devoirs contractuels ou quasi contractuels : responsabilité contractuelle !
L’usufruitier qui ne respecte pas ses obligations contractuelles ou quasi contractuelles est responsable
contractuellement sur la base des art. 97 ss CO.
!
Les devoirs de nature réelle (et engagent une responsabilité civile au sens de 41 ss CO en cas de violation) sont les
suivants :
!
1)
2)
3)
!
L’art. 768 CC prévoit que si la jouissance dépasse ce qui est permis par la loi, on atteint la propriété et donc il y
a une responsabilité.
L’art. 769 CC contient aussi des devoirs de nature réelle. Il concerne la destination de l’immeuble.
L’art. 756 al. 3 CC est aussi un devoir de nature réelle.
Toutes les autres obligations énumérées dans la loi sont de nature contractuelle (et engagent une responsabilité
contractuelle en cas de violation) :
1)
!
!
!
Administration de la chose (art. 764 CC). L’usufruitier a l’obligation d’administrer la chose (art. 764 CC).
L’usufruitier doit veiller au maintien de l’objet, à sa conservation.
Quid des réparations ? Si l’objet est endommagé, qui doit prendre en charge la réparation de l’objet ? L’art. 764
al. 1 CC prévoit que l’usufruitier est tenu de s’en occuper si c’est de l’entretien ordinaire.
L’art. 764 al. 2 CC prévoit ce qui se passe en cas d’entretien plus important. L’usufruitier n’a pas à financer en
principe ces frais. C’est au propriétaire de les prendre en charge. L’usufruitier doit aviser le propriétaire de faire
cet entretien plus important que l’entretien ordinaire. Ensuite, le propriétaire décide s’il veut faire les travaux
ou s’il refuse de les faire. Le propriétaire n’a pas l’obligation de payer un objet soumis à usufruit ! C’est
différent du bail. Que faire si le propriétaire ne veut pas faire les réparations ? Il y a une solution : l’usufruitier
peut décider de faire lui-même les réparations à ses frais. Il avance les frais et se retourne ensuite contre le
propriétaire (art. 764 al. 3 CC).
!
Le propriétaire qui décide de faire des travaux a 2 droits contre l’usufruitier :
66
!
1)
!
2)
!
!
!
2)
!
!
3)
!
2014-2015
L’usufruitier ne peut pas se plaindre d’une perte de jouissance (art. 764 al. 2 CC). S’il faut refaire
l’appartement, l’usufruitier ne pourra pas vivre dans l’appartement et va perdre de la jouissance.
Le propriétaire peut demander à l’usufruitier de lui prêter l’argent sans intérêt pour faire les travaux ou
alors il peut réaliser un autre objet soumis à usufruit pour financer les travaux de l’objet à réparer
grevé d’usufruit (art. 765 al. 3 CC).
Plusieurs biens sont assujettis à un usufruit. L’usufruitier doit supporter que le nu-propriétaire vende
un bien et qu’avec le produit de cette vente il finance les travaux sur un autre bien dont la personne est
aussi usufruitière. C’est le mécanisme de l’art. 765 al. 3 CC.
Précis : Pour les travaux plus importants, l’usufruitier n’a pas le devoir de les entreprendre. Mais il est tenu
d’aviser le propriétaire de la nécessité ou de l’opportunité de faire ces travaux et, le cas échéant d’en souffrir
l’exécution (art. 764 al. 2 CC). Le nu-propriétaire n’est pas tenu de faire ces travaux ; il n’est pas dans la
situation d’un bailleur qui doit entretenir la chose dans un état approprié à l’usage pour lequel elle a été louée
(art. 256 al. 1 CO). S’il les entreprend, il doit en supporter les frais. S’il ne les entreprend pas, l’usufruitier
peut y pourvoir lui-même. L’art. 764 al. 3 permet alors à l’usufruitier d’en demander le remboursement au nupropriétaire.
Les charges de l’objet grevé d’usufruit (765 al. 1 et 2 CC). L’usufruit donne droit à une jouissance nette : les
intérêts passifs liés à l’objet sont à charge de l’usufruitier. A part les frais ordinaires d’entretien de l’art. 764 al.
1 CC, les intérêts des dettes de l’objet soumis à usufruit (intérêt hypothécaire dû au créancier gagiste par
exemple) est dû par l’usufruitier.
Les dettes de droit public, telles que les impôts sur l’objet soumis à usufruit sont aussi à charge de l’usufruitier.
On vise ici les impôts liés à l’objet et pas l’impôt sur la fortune par exemple. On vise notamment l’impôt Réels
foncier à l’art. 765 al. 1 CC.
Devoirs
Assurances (art. 767 CC). Les primes d’assurance sont à charge de l’usufruitier. On vise les assurances
dommages, c’est-à-dire celles qui portent sur la perte de valeur ou sur la disparition de
l’objet. Les assurances privées relèvent de l’art. 767 CC mais les assurances publiques ne 768 CC
769 CC
sont pas visées par cet article. Ainsi, toutes les assurances dommages obligatoires qui sont
donc de droit public ne sont pas visées par l’art. 767 CC.
Les obligations contractuelles peuvent se transmettre avec l’usufruit à un nouveau propriétaire. Si le propriétaire mais
non l’usufruit change, le nouveau propriétaire sera lié par ces obligations de nature contractuelle. Elles passent propter
rem (elles sont attachées à l’objet de l’usufruit). Les obligations réelles passent évidemment toujours en cas de
changement de propriétaire.
!
ATF 130 III 302 sur ces devoirs réels et contractuels.
§3
Protection du propriétaire
!
Le propriétaire de l’objet grevé d’usufruit n’a pas la possession. Il ne peut pas vérifier comment l’usufruitier s’occupe
de la chose. La loi donne alors au propriétaire quelques moyens de protection vu sa situation matériellement éloignée de
l’objet :
!
1)
!
!
Droit d’opposition. Le propriétaire a l’action en revendication de l’art. 641 CC. Ca inclut l’action négatoire.
C’est une action réelle en défense de la propriété qui permet de repousser les actes de l’usufruitier qui violent
la nue-propriété.
L’art. 759 CC prévoit que le propriétaire peut s’opposer à tout acte d’usage illicite ou non conforme à la nature
de la chose (droit de veto). On admet que le propriétaire a sur la base de l’art. 759 CC le droit d’être informé en
tout temps de l’état de l’objet.
67
Sanctio
756 al.
2014-2015
2)
!
!
!
!
!
Droit à des sûretés (art. 760 ss CC). L’art. 760 CC prévoit le droit à des sûretés, au dépôt d’une garantie. Sous
réserve des consomptibles et des papiers-valeurs, le propriétaire ne bénéfice d’un droit à des sûretés que s’il
prouve une mise en danger de ses droits. Il doit rendre vraisemblable que l’usufruitier se comporte mal/néglige
ses devoirs.
S’il arrive à apporter cette preuve, il peut donner un délai à l’usufruitier pour qu’il dépose des sûretés (art. 762
CC). La valeur du dépôt doit correspondre au dommage possible. Si un dommage de 1000 risque d’être subi, il
faut des sûretés de 1000.
Cette prétention n’existe pas dans les cas de l’art. 761 CC :
-
Al. 1 qui vise les donations. Un parent fait un cadeau à son enfant, mais se garde l’usufruit jusqu’à la
fin de sa vie sur l’objet qui appartient à l’enfant. On dispense le donateur de déposer des sûretés pour
protéger l’usufruitier qui est le donataire.
-
Al. 2 qui vise les usufruits légaux. Cette règle aurait dû être supprimée. Il n’y a plus d’usufruitiers
légaux au sens de cet article (les droits éminemment personnels que l’on a déjà vu).
Tout le monde est d’accord pour dire que le droit à des sûretés peut être supprimé par l’acte qui crée l’usufruit.
Si on donne un usufruit à notre conjoint par testament, on peut le dispenser de déposer des sûretés.
!
Quid si l’usufruitier ne dépose pas les sûretés demandées dans le délai utile ou s’il continue à menacer l’objet
du propriétaire ? L’art. 762 CC prévoit une sanction. On ne va pas obtenir la réalisation des sûretés mais on
enlève la possession de l’objet de l’usufruitier et on remet l’objet à un curateur. Le curateur va administrer
l’objet pour le compte de l’usufruitier et sous réserve des frais d’administration (il faut payer le curateur), le
produit net de l’administration revient quand même à l’usufruitier.
!
!
3)
Le juge compétent dans le canton de Vaud est le Président du TA (art. 6 ch. 46 CDPJ).
L’inventaire authentique (art. 763 CC). On déduit des mots « en tout temps » que la règle est impérative.
L’inventaire authentique a pour but lorsqu’il y a beaucoup d’objets mobiliers grevés d’usufruit de faire la liste
des objets mobiliers grevés d’usufruit. On aura toujours une liste présumée exacte (car authentique) et
estimative (car il porte sur les valeurs des objets aussi).
S’il y a une contestation, par exemple on ne sait pas si un objet était soumis à l’usufruit ou non, on vérifie dans
l’inventaire si l’objet est soumis à usufruit ou non et on vérifie aussi sa valeur.
!
!
!
§4
La procédure est gracieuse. C’est confié au juge de paix (art. 5 ch. 20 CDPJ).
Restitution et règlement de comptes à la fin de l’usufruit
A la fin de l’usufruit, le droit à la possession de l’usufruitier disparaît et l’objet doit être restitué au propriétaire actuel
(art. 751 CC). Il y a 2 actions :
!
1)
!
2)
!
Une action réelle en restitution de l’objet à la fin de l’usufruit. Cette action a un fondement réel : c’est le droit
de propriété qui est reconstitué (le matelas se gonfle à nouveau). C’est une action en revendication qui vaut
aussi à l’égard des tiers.
Une action personnelle sur la base des art. 97 ss CO. On a vu qu’il y a un rapport contractuel ou quasi
contractuel entre usufruitier et propriétaire. Le TF l’a dit dans l’ATF 60 II 172. Si les enfants de l’usufruitier ne
rendent pas l’objet au propriétaire, la responsabilité est contractuelle sur la base des art. 97 ss CO.
Précis : A la fin de l’usufruit, le propriétaire peut naturellement, en se fondant sur son droit réel, agir contre
l’usufruitier en revendication de la chose. L’art. 751 ajoute cependant à cette prétention réelle un droit personnel à la
restitution. Cette créance est fondée sur le rapport d’obligation légal créé par l’usufruit. Elle est régie par les art. 97 ss
CO, en particulier en ce qui concerne la demeure du débiteur ; la prescription est de dix ans (art. 127 CO).
68
2014-2015
!
Quid si l’objet est rendu dans un mauvais état, et quid pour les impenses faites par l’usufruitier ?
•
Détériorations. L’art. 752 CC régit les détériorations. L’al. 3 prévoit que la perte de valeur liée à l’usage normal
n’a pas à être indemnisée. En revanche, si l’objet est détruit ou cassé, l’al. 1 prévoit une responsabilité
contractuelle/quasi contractuelle car la faute de l’usufruitier est présumée.
!
•
Impenses. L’art. 753 CC régit les impenses. Il s’agit des dépenses faites sur la chose pendant la durée de
l’usufruit. Si les dépenses ont été faites après la fin de l’usufruit, et que l’ancien usufruitier reste possesseur, c’est
régi par les art. 938-940 CC car l’usufruitier est alors possesseur illégitime.
!
Si les dépenses sont faites pendant la durée de l’usufruit, il y a indemnisation pour les impenses nécessaires et
utiles, mais pas pour les impenses somptuaires (art. 753 al. 1 CC « selon les règles de la gestion d’affaires » qui
prévoient le remboursement des ces impenses là).
!
!
Les dépenses somptuaires ne sont pas remboursées, mais il peut demander l’enlèvement des installations
somptuaires si ça n’endommage pas l’objet (art. 753 al. 2 CC). C’est un droit de créance comme à l’art. 939 CC.
Il faut vite régler les comptes. L’art. 754 CC prévoit un délai court de prescription : 1 année dès restitution. Si le
propriétaire n’est pas content depuis qu’il a récupéré l’objet, il a 1 année pour agir en responsabilité pour les
détériorations et impenses. Ce délai remplace le délai de l’art. 127 CO.
!
!
!
Chap. IV
a.
L’usufruit de disposition et le quasi-usufruit
Le quasi-usufruit
C’est un usufruit qui porte sur un consomptible (art. 772 al. 1 CC). Un consomptible est une chose qui va disparaître
matériellement car on l’utilise. Par exemple un fruit naturel que l’on consomme, de l’argent.
!
Quand l’usufruit porte sur un tel objet consomptible, l’usufruit n’a pas de sens car l’usufruitier doit toujours respecter la
substance de la chose mais un consomptible disparaît si on en jouit (et la jouissance étant le propre de l’usufruit). C’est
antinomique.
!
La loi dit qu’en principe, il n’y a pas d’usufruit, mais il y a un transfert de propriété. L’usufruitier du consomptible va
devenir propriétaire de l’objet. Le quasi-usufruit n’est donc pas un usufruit.
!
Le consomptible a une contre-valeur et cette contre-valeur est due en remboursement à l’ancien propriétaire à la fin de
l’usufruit. A la fin de l’usufruit (au décès de l’ « usufruitier » qui devient propriétaire), il faut rendre la contre-valeur à
l’ancien propriétaire du consomptible. Exemple : Un cageot de pomme vaut 20 francs. Si on devient usufruitier de ce
cageot, on en devient propriétaire. Quand on décède, il faudra rendre 20 francs au propriétaire originaire.
!
Le nu-propriétaire n’a donc qu’un droit de créance et n’a plus de droit réel sur la chose. La prescription est de 10 ans
dès la fin de l’usufruit (art. 127 CO).
!
En principe la contre-valeur est rendue en argent, mais l’art. 772 al. 3 CC prévoit une autre alternative : rendre en nature
avec des objets de même qualité et de même nature.
!
On n’applique pas les règles de l’usufruit proprement dit pour le quasi-usufruit, sauf peut-être celles sur les sûretés ou
sur l’inventaire.
!
Ce quasi-usufruit ressemble beaucoup à un prêt de consommation (art. 312 CO). La différence est que le
remboursement à l’échéance viagère de l’usufruit au propriétaire originaire existe pour le quasi-usufruit mais pas pour
le prêt de consommation.
!
Précis : En cas de quasi-usufruit, il n’y a pas de constitution d’un droit réel limité. Le quasi-usufruitier acquiert
purement et simplement la propriété des choses consomptibles. En contrepartie de la propriété qu’il a acquise, le quasi-
69
2014-2015
usufruitier est tenu de rembourser à l’ex-propriétaire la valeur que les choses avaient au début de l’usufruit (art. 772
al. 1 in fine).
!
!
b.
L’usufruit de disposition
C’est le mélange entre un usufruit proprement dit et un quasi-usufruit. On a un usufruit proprement dit, c’est-à-dire un
droit réel limité de jouissance sur le bien d’autrui, mais on y ajoute un droit de disposition. En principe, l’usufruitier ne
peut pas disposer de la propriété de l’objet. Avec l’usufruit de disposition, on a un droit réel limité avec en plus un droit
de disposer de la propriété d’autrui. L’usufruitier peut vendre l’objet sans l’accord du nu-propriétaire.
!
Si l’usufruitier décide de vendre l’objet, la vente est valable. Il doit alors la contre-valeur de l’objet vendu au nupropriétaire qui est devenu l’ancien propriétaire de l’objet par l’aliénation.
!
Les cas dans lesquels l’usufruit de disposition est possible sont prévus à l’art. 772 al. 2 CC : la loi présume un quasiusufruit sur les objets mobiliers (et pas immobiliers) qui ont été inventoriés avec leur valeur estimative. Lorsqu’il y a
une liste des objets de l’usufruit avec une estimation qui est faite au début de l’usufruit, le propriétaire est présumé avoir
donné à l’usufruitier le droit de disposer des objets.
!
C’est une présomption réfragable. On peut l’exclure mais aussi l’étendre. Il est donc possible de créer par convention un
usufruit de disposition pour des immeubles ou pour des meubles non inventoriés.
Le montant qui doit être payé à l’ancien propriétaire peut être en argent ou en nature.
!
!
Chap. VL’usufruit des droits, spécialement des créances
En principe, l’objet des droits réels est des droits matériels (mobiliers ou immobiliers). Mais on va voir qu’il est
possible d’y avoir un usufruit sur des droits immatériels.
!
!
§ 1er
Quasi-usufruit des droits
Il est possible de prévoir un usufruit sur une créance et cet usufruit va transférer la propriété à l’usufruitier. A la place
d’une servitude sur un droit, on transfère le droit. C’est visé à l’art. 775 CC.
!
Lorsque l’usufruit porte sur des créances, la loi donne directement le droit à l’usufruitier dans les 3 mois dès le début de
l’usufruit au transfert de la pleine titularité de la créance (art. 775 al. 1 CC). Ce délai de 3 mois est péremptoire : on ne
peut pas le prolonger ou le suspendre. Si on laisse passer le délai, on n’a qu’un usufruit proprement dit sur le droit.
!
Si ce droit est exercé, le propriétaire qui doit créer l’usufruit va simplement transférer la titularité du droit. Mais il doit
recevoir des sûretés (art. 775 al. 2 et 3 CC) : l’usufruitier doit payer la contre-valeur de la créance au moment du
transfert de propriété de la créance.
!
L’usufruitier devient plein titulaire de la créance. C’est une cession de créance, moyennant le paiement de la contrevaleur de la créance au propriétaire au moment de la cession.
!
Précis : L’art. 775 permet à l’usufruitier d’imposer au titulaire du droit la conversion de l’usufruit en quasi-usufruit.
L’usufruitier acquerra ainsi purement et simplement le droit grevé et deviendra comptable de sa valeur au moment du
transfert (art. 772 al. 1 et 775 al. 2). Le droit de l’usufruitier d’obtenir cette conversion est toutefois subordonnée à 2
conditions : 1) L’usufruitier doit en faire la demande dans les 3 mois à compter du début de l’usufruit, 2) il doit fournir
des sûretés pour garantie le paiement de la contre-valeur des créances ou des papiers-valeurs, à moins que le titulaire
du droit n’y ait renoncé. ; lorsqu’elles sont dues, ces sûretés doivent être versées avant l’acquisition des créances ou
des papiers-valeurs par l’usufruitier.
!
!
!
§2
Usufruit proprement dit et usufruit de disposition
a.
Fondement théorique
70
2014-2015
La question qui se pose : peut-on avoir un droit réel limité sur une créance ?
!
La loi prévoit à l’art. 773 CC qu’un usufruit peut porter sur une créance : l’usufruitier peut en percevoir les intérêts. Le
droit réel est un droit absolu : tout le monde doit le respecter. Or, la créance est un droit relatif. C’est un peu
contradictoire d’avoir un droit réel sur un droit relatif.
!
Le législateur procède par analogie. Il traite l’usufruit sur une créance un peu comme un droit réel limité sur un corps
matériel, mais c’est seulement une analogie. Même si la loi lie les 2 formes dans le même chapitre, lorsque l’objet est
un droit relatif, l’usufruit est également un droit relatif ! Lorsque l’objet de l’usufruit est une créance, l’usufruitier a un
droit de créance à percevoir les revenus de la créance.
!
Lorsqu’il y a une créance grevée d’usufruit, il n’y a pas de publicité des droits réels. Toutes les règles de publicité qu’on
a vues ne s’appliquent pas en cas d’usufruit sur une créance. Comme il n’y a pas de publicité, il n’y a pas de protection
du tiers de bonne foi (art. 933 CC), il n’y a pas d’action pétitoire fondée sur la possession, il n’y a pas de présomptions
de droit liées à la possession. Tout un pan des règles de droits réels tombe.
!
Si l’usufruit porte sur un droit relatif, sa nature est aussi relative. Si l’usufruit porte sur un droit absolu (un droit de
brevet, une servitude ; un usufruit sur une servitude est possible, nous le verrons), l’usufruit est aussi absolu. Tout
dépend de la nature de l’objet.
!
!
!
b.
Constitution de l’usufruit grevant un droit
Il faut distinguer si l’usufruit porte sur un droit de créance ou sur un droit réel :
•
Usufruit sur des droits de créance. L’art. 773 al. 1 CC prévoit que l’usufruit d’une créance donne le droit d’en
percevoir les revenus et uniquement les revenus. C’est précisé par l’art. 746 CC.
!
L’usufruit grevant un droit de créance se fait par cession de créance. C’est donc une cession partielle : le créancier
a droit à un capital et à un intérêt et s’il constitue un usufruit sur sa créance, il ne cède que l’intérêt et garde le droit
au capital. L’usufruitier n’acquiert que le droit à l’intérêt. On applique l’art. 164 CO pour la cession du droit à
l’intérêt.
•
!
!
Usufruit sur des droits réels. Souvent, ça se fait avec une inscription dans un registre. Mais il est aussi possible
d’appliquer l’art. 164 CO.
La créance doit être aliénable pour pouvoir la grever d’usufruit. Il faut en plus que la créance rapporte des fruits. Si la
créance ne rapporte aucun fruit civil, l’usufruit sur la créance n’est pas possible.
!
!
!
c.
Administration et gestion
Comment administrer la créance pendant la durée de l’usufruit ? C’est prévu à l’art. 773 al. 2 et 3 CC :
-
!
-
!
!
!
Al. 2. Le principe est l’administration conjointe de la créance. S’il faut interrompre la prescription par exemple,
il faut l’accord de l’usufruitier et du nu-propriétaire.
Al. 3. Si un des deux refuse de donner son accord, l’autre peut l’y contraindre selon l’al. 3. Le nu-titulaire peut
obliger l’usufruitier à consentir à un acte nécessaire pour maintenir le droit à l’égard du débiteur.
Cette règle est dispositive : ils peuvent choisir qu’un seul des deux s’occupe de l’administration tout seul.
S’agissant des actes que le débiteur peut faire, il doit envoyer sa décision aux 2 sinon ce ne sera pas valable.
Précis : Alors que, normalement, l’usufruitier gère seul l’objet de son droit, l’administration des créances doit être faite
conjointement par le créancier et l’usufruitier, dans la mesure où les actes effectués pourraient supprimer ou diminuer
les droits de l’un d’eux envers le débiteur ; c’est le seul moyen de préserver les droits du « nu-propriétaire », titulaire
71
2014-2015
de la créance. Ainsi, le droit du créancier de dénoncer la créance en remboursement doit être exercé conjointement par
le « nu-propriétaire » et l’usufruitier (art. 773 al. 2). Inversement, le débiteur doit dénoncer le remboursement au
créancier et à l’usufruitier (art. 773 al. 2 in fine). Les autres actes d’administration (par exemple, l’encaissement des
revenus de la créance) restent de la compétence de l’usufruitier, conformément à la règle ordinaire de l’art. 755 al. 2
CC.
!
!
d.
Le paiement des produits et du capital de la créance grevée
Le droit grevé par l’usufruit donne droit à une prestation et la prestation est payée par le débiteur. Le débiteur doit faire
une prestation sur la base de la créance grevée d’usufruit. Il n’est libéré que par l’exécution de la créance.
!
L’art. 774 CC prévoit la règle de l’administration conjointe pour le paiement : le débiteur doit payer sur un compte qui
est aux 2 personnes (créancier et usufruitier). Si le créancier et l’usufruitier ne se mettent pas d’accord et qu’aucun
compte n’est ouvert à leurs 2 noms, il y a demeure du créancier.
!
Précis : Si le paiement conjoint ne peut pas se faire et si l’un des ayants droits n’autorise pas l’autre à le recevoir, ils
encourent tous deux la demeure du créancier, et le débiteur peut se libérer en consignant.
!
Si la prestation est valablement reçue par le propriétaire de la créance et l’usufruitier, il y a subrogation réelle :
l’usufruit qui portait sur des créances sera transporté sur l’objet de la prestation du débiteur qui se libère de cette dette
(art. 774 al. 2 CC).
!
!
!
e.
Spécialement, l’usufruit sur des actions
Ce qu’on va voir vaut pour la SA et pour la Sàrl.
L’art. 690 al. 2 CO prévoit que les droits sociaux liés à l’actionnariat (droit de participer à l’assemblée) sont des droits
exercés par l’usufruitier. Si on appliquait la règle ordinaire, ce serait l’administration conjointe mais dans ce cas, les
droits sont exercés par l’usufruitier tout seul. Cependant, à titre interne, l’usufruitier ne doit pas voter contre les intérêts
du propriétaire.
!
!
2 cas ne sont pas prévus par la loi :
1)
Actions gratuites. De nouvelles actions peuvent être émises pour les actionnaires qui existent déjà dans une SA.
Ces actions gratuites doivent-elles être considérées comme des fruits civils qui reviennent à l’usufruitier ou
comme des éléments du capital qui reviennent au propriétaire ? Le TF dit que ce ne sont pas des fruits civils
mais sont des éléments du capital. Donc ça revient au nu-propriétaire. Mais les dividendes que rapporte l’action
gratuite reviennent à l’usufruitier.
!
2)
Droits de souscription préférentiels. Les actionnaires existants peuvent avoir de tels droits de souscription
préférentiels. Ces droits sont un fruit ou non ? On raisonne comme pour les action gratuites : c’est un élément
du capital qui revient au propriétaire mais l’usufruitier a droit au produit des actions acquises par ces droits.
!
!
Chap. VI
L’usufruit d’un patrimoine ou d’une entreprise
L’art. 745 CC parle d’un usufruit sur un patrimoine, mais on a vu qu’il n’est pas possible de prévoir un seul droit
d’usufruit sur un ensemble de biens. Un patrimoine successoral ou un patrimoine d’une entreprise ne peuvent pas être
soumis à un seul droit d’usufruit.
!
La loi traite cet usufruit comme autant d’usufruits distincts, mais il y a 2 cas où la loi parle réellement d’un usufruit sur
un patrimoine :
!
•
Art. 765 al. 3 CC. Il y a une pluralité d’objets assujettis au même usufruit. Cet article permet au propriétaire de
vendre un objet soumis à usufruit pour réparer un autre objet soumis à usufruit. On l’a vu plus haut.
!
72
2014-2015
•
!
!
!
!
!
Art. 766 CC. L’usufruitier a droit à la valeur nette de rendement. S’il est à craindre qu’il n’y ait pas de profit net
car il y a trop de charges passives, l’usufruitier peut s’adresser au juge pour être libéré de la gestion. Le juge va
alors nommer un curateur qui va gérer l’ensemble du patrimoine et ce curateur va payer les charges passives et ne
rendra à l’usufruitier que l’éventuel solde actif net. Dans le canton de Vaud, c’est confié au Président du TA (art. 6
ch. 57 CDPJ). La procédure est en principe gracieuse.
TITRE VI – LE GAGE EN GENERAL, LE GAGE MOBILIER ET LE GAGE GREVANT DES DROITS
Chap. Ier
a.
Les sûretés réelles en général
Généralités
Parmi les sûretés réelles, il y a le droit de gage. Une sûreté réelle s’oppose à une sûreté personnelle :
•
Sûreté personnelle. De manière générale, lorsqu’un débiteur doit quelque chose à son créancier, il a une
responsabilité sur tous ses biens s’il ne s’exécute pas. Quand il y a une obligation, le débiteur répond sur tous ses
biens. Le créancier insatisfait pourra faire vendre tous les biens de son débiteur.
!
!
•
Avec une sûreté personnelle, on ajoute en plus du patrimoine du débiteur, un autre patrimoine. C’est le cas de la
caution. La caution s’engage à payer le créancier lorsque le débiteur ne peut pas s’exécuter. Le créancier pourra se
satisfaire sur les biens du débiteur et sur les biens de la caution. On ajoute un autre patrimoine à celui du débiteur.
Sûreté réelle. On ajoute à la responsabilité du débiteur sur son patrimoine un objet sur lequel le créancier a un
droit préférentiel de disposition. Le créancier peut s’attaquer au patrimoine du débiteur et en plus il peut faire
réaliser l’objet grevé du gage pour être sûr d’être payé. Avec le droit de gage, on ajoute un droit de disposition
préférentiel à la garantie que donne déjà le patrimoine du débiteur à son créancier.
!
!
!
Le droit de gage est un accessoire à la créance.
b.
Histoire du droit de gage
Le droit de gage qu’on connaît aujourd’hui n’existait pas en droit romain classique. Il y a eu plusieurs méthodes qui se
sont succédées dans le temps pour assurer le paiement d’une créance. L’évolution est la suivante :
!
1)
La vente avec réméré. C’est une vente à fins de garantie : le créancier réclame la propriété d’un objet du
débiteur et quand le débiteur paie, le créancier lui rend son objet. Le défaut de la vente avec réméré est que le
droit du débiteur de reprendre l’objet lorsqu’il paie est un droit de créance. Donc si le créancier tombe en
faillite c’est problématique, car il n’est qu’un créancier parmi d’autres.
!
2)
3)
!
!
Pignus. C’est un vrai droit réel limité qui permet de conserver la possession d’un objet du débiteur tant qu’il ne
paie pas. Ici, le débiteur reste propriétaire de l’objet. Le problème du pignus est que le créancier non payé ne
peut pas réaliser l’objet et doit le garder éternellement.
Ius Distrahendi. On ajoute au pignus un droit de disposition. Le créancier non payé peut faire vendre l’objet et
ainsi se faire payer sur le prix de cette vente. On parle de ius distrahendi : droit de disposer de l’objet.
Cette formule du ius distrahendi n’est pas exclusive. On connaissait aussi les hypothèques en droit romain. Le créancier
gagiste ne possède pas l’objet : le débiteur continue à posséder l’objet. Le problème de l’hypothèque est l’absence de
publicité. S’il n’y a pas de registre et pas de possession visible du créancier gagiste, rien ne permet aux tiers de savoir
s’il y a une hypothèque sur un objet.
!
!
Le système de l’hypothèque et du pignus avec droit de disposition (ius distrahendi) coexistent aujourd’hui :
73
2014-2015
-
!
-
!
!
!
!
!
Le pignus avec droit de disposition est devenu le nantissement aujourd’hui. Avec le nantissement, comme avec
le pignus, le créancier possède l’objet et peut le faire vendre. Le nantissement n’est possible que pour les
meubles.
L’hypothèque existe aussi aujourd’hui. Mais en droit suisse, pour parer le défaut de publicité, on ne l’admet
que moyennant une publicité visible : une inscription dans un registre.
Chap. II
Principes généraux applicables aux gages mobiliers et immobiliers
On va voir une liste de principes qui valent pour le gage mobilier et immobilier.
§ 1er
La spécialité du gage
a.
Objets susceptibles d’être grevés de gage
Tout objet ne peut pas être grevé de gage : les objets en dehors du commerce ne peuvent pas faire l’objet d’un gage. Le
droit de gage permet de faire vendre l’objet, donc si l’objet n’est pas aliénable car pas dans le commerce par exemple,
l’objet ne peut pas faire l’objet d’un gage.
!
Le principe de la spécialité est en réalité 2 principes : spécialité quant à l’objet et spécialité quant à la créance garantie.
b.
Principes de la spécialité quant à l’objet
Le principe de spécialité signifie qu’il y a un droit réel de gage pour un objet corporel mobilier donné en garantie. Il y a
autant de droits réels que d’objets. Un seul droit de gage ne peut pas porter sur plusieurs objets.
!
Il y a une exception dans la LF de 1917 sur la constitution de gages sur les entreprises de chemin de fer et de navigation
et la liquidation forcée de ces entreprises (RS 742.211). Ces entreprises peuvent avoir des gages généraux qui portent
sur tous leurs actifs. Une compagnie de chemin de fer privée peut avoir un seul droit de gage général sur les rails, les
bureaux, etc.
!
!
c.
Principes de la spécialité quant à la créance garantie
La créance garantie par l’objet doit être déterminée. Ca doit être une créance déterminée. S’il y a plusieurs créances qui
sont toutes garanties par le même objet, il faudra constituer autant de droits de gages qu’il y a de créances à garantir. Le
droit de gage est l’accessoire juridique du créancier. Donc il doit être rattaché à une créance définie.
Ca exclut le « gage général », c’est-à-dire les clauses qu’on trouve souvent dans les CG des banques : en cas de
demande de crédit, la banque prévoit dans ses CG qu’elle aura un droit de gage pour toutes les valeurs déposées à la
banque par le débiteur. Toutes les prétentions qu’a la banque seront garanties par les valeurs déposées à la banque. C’est
interdit, car il n’y a pas de créance déterminée. C’est contraire au principe de spécialité quant à la créance garantie.
!
!
Si la banque veut exercer son droit de gage, elle doit désigner quelle créance est garantie par quelle valeur.
ATF 108 II 47 = JdT 1984 II 92 : le TF considère que ces engagements par gage général est nul au sens de l’art. 27 al. 2
CC. Piotet estime que le résultat est juste mais ce n’est pas nul sur la base de l’art. 27 al. 2 CC.
!
!
§2
L’accessoriété du gage
Le gage est une sûreté réelle : le droit de gage vient augmenter la surface financière à disposition du créancier. Le
créancier peut s’en prendre au patrimoine du débiteur plus à un bien déterminé.
!
Le gage est un accessoire d’une créance principale. Le droit de gage est toujours l’accessoire d’une créance. Le principe
de l’accessoriété a 3 conséquences :
!
1)
S’agissant de la naissance : le droit de gage ne peut pas naître que si la créance existe.
74
2014-2015
2)
S’agissant de l’extinction : lorsque la créance s’éteint, le droit de gage s’éteint. L’accessoire ne peut pas
survivre au principal.
S’agissant de la cession : lorsque la créance est cédée, le droit de gage est transféré en même temps. S’il y a
cession de créance à une certaine date, à la même date le droit de gage passe en même temps.
3)
!
!
Il y a des exceptions à ces conséquences :
•
S’agissant de la naissance du droit de gage. La question se pose pour la créance conditionnelle, c’est-à-dire celle
qui n’est pas encore car elle est subordonnée à une condition ultérieure (suspensive). Tout le monde est d’accord
sur la solution : une créance future peut déjà être garantie par gage aujourd’hui. C’est une exception au principe
de l’accessoriété : on peut créer un droit de gage alors que le principal n’existe pas encore.
!
!
•
Mais ce n’est pas vraiment une exception. Les art. 151 ss CO traitent des conditions. La créance conditionnelle est
en réalité déjà un droit subjectif même si la condition n’est pas encore survenue. La créance existe, est née, mais
elle ne peut simplement pas encore déployer ses effets. Le droit subjectif est conditionnel mais il existe. Il peut
être cédé par exemple. C’est prévu spécialement à l’art. 152 CO.
S’agissant de l’extinction. En principe, le gage ne peut pas survivre au principal, mais il y a ou aurait des
exceptions :
!
o
!
!
o
L’art. 117 CO traite du compte courant. C’est un compte où les 2 parties mettent des droits l’un contre
l’autre en balance et il y a un bouclement périodique du compte avec une novation au terme convenu.
L’art. 117 al. 3 CO présume la survivance du gage. Dans le compte courant, il y a une novation à chaque
terme convenu. Le solde est une nouvelle créance. En principe, la novation devrait éteindre les anciennes
créances et donc éteindre le gage sur une ancienne créance. Mais la loi fait une exception : on reporte le gage
sur la créance novée, sur la nouvelle créance qui remplace l’ancienne.
La créance atteinte par la prescription. Peut-on encore exercer le gage alors que le créancier a laissé passer
le délai de prescription pour attaquer son débiteur ? Pour les gages mobiliers, c’est régi à l’art. 140 CO.
Alors même que le créancier ne peut plus agir contre son débiteur sur tout son patrimoine, il a toujours le
droit de gage pour encaisser sa créance. C’est logique car la prescription ne fait pas disparaître la créance :
seul le droit d’agir du débiteur est atteint.
!
A part ces 2 cas, l’extinction de la créance entraîne toujours l’extinction du droit de gage. La seule vraie exception
est celle de l’art. 117 al. 3 CO car avec l’art. 140 CO, la créance ne tombe pas/n’est pas éteinte.
!
Il arrive que plusieurs objets soient donnés en gage pour la même créance. Si une créance est payée en partie, estce que le créancier doit rendre une partie des objets ? L’art. 889 CC donne la réponse : tant qu’il reste une partie
de la créance non payée, le créancier gagiste n’a pas à rendre partiellement certains objets donnés en gage. Le
gage continue à exister sur tous les objets remis en gage sur la même créance, même si c’est les intérêts ou
quelques francs qui restent à être payés. On attend la disparition complète de la dette.
Exceptions au
principe de
l'accessoriété
Naissance
Créance
conditionnelle : ✖
Extinction
Compte courant : ✔
Cession : pas
d'exception
Prescription :✖
75
2014-2015
!
!
La publicité du gage
!
!
L’étendue du gage
§3
Le principe de la publicité a 3 volets : 1) Présomption d’existence du droit réel, 2) Nécessité d’accomplir la publicité
chaque fois qu’on crée le droit réel, 3) Protection de l’acquéreur de bonne foi. On retrouve ces mêmes principes avec le
droit de gage.
§4
Sur quoi porte le droit réel de gage, quel est son objet ? On sait que c’est un objet, mais quelle est l’emprise du gage ?
C’est prévu à l’art. 892 CC :
!
•
!
•
L’art. 892 al. 1 CC prévoit que la chose est grevée du gage mais les accessoires sont aussi grevés du gage. Les
accessoires peuvent être physiquement distincts du gage.
L’art. 892 al. 2 CC traite des fruits. Quid s’il y a des fruits : si une jument fait un poulain, à qui va le poulain ?
L’art. 892 al. 2 CC prévoit que le créancier gagiste doit rendre le fruit dès qu’il a cessé d’en faire partie intégrante
et l’al. 3 prévoit que le gage s’étend aux fruits qui, lors de la réalisation, font partie intégrante de la chose.
!
!
!
Donc si le poulain est né avant la réalisation du gage, le poulain revient au propriétaire et si le poulain est né après
la réalisation du gage, il revient au créancier gagiste.
§5
•
•
Extinction du gage
Le droit de gage disparaît quand le principal/la créance disparaît.
!
!
Le droit de gage peut aussi disparaître alors que la créance existe toujours :
o
o
o
o
!
!
Quid si l’objet donné en gage est détruit/disparaît matériellement ? Avec l’usufruit, l’art. 750 CC prévoit une
subrogation réelle, on l’a vu. C’est la même chose avec le droit de gage : le droit de gage qui portait sur un
objet détruit va être transporté sur la créance contre l’assureur. C’est aussi confirmé par l’art. 57 LCA.
!
Quid en cas de consolidation ? Une personne se retrouve créancier gagiste et propriétaire du même objet. On
applique la même règle que celle vue avec l’usufruit : la consolidation conduit à l’extinction du droit réel
limité. La propriété est reconstituée, sauf si ça permet de faire profiter un tiers.
!
Dans le cas où un tiers de bonne foi acquiert la propriété de l’objet selon l’art. 933 CC, s’il n’a pas
connaissance du droit de gage et que le créancier gagiste avait confié l’objet, le créancier gagiste risque de
perdre son droit de gage.
o
o
!
Abandon volontaire (déréliction). On peut toujours renoncer unilatéralement à son droit réel. Donc le
créancier gagiste peut renoncer à son droit de gage.
Le gage peut être soumis à un terme ou à une condition. Quand on atteint le terme ou la condition
résolutoire, le droit de gage tombe.
!
L’art. 178 al. 2 CO vise une extinction légale du droit de gage en cas de reprise de dette. Le changement de
débiteur ne fait pas disparaître le droit de gage.
-
!
Normalement, avec la reprise de dette, il y a, entre un débiteur et un créancier gagiste, une créance
plus un droit de gage.
C
Obligation
D
76
2014-2015
-
Avec l’art. 178 al. 2 CO, on est dans un cas particulier : entre le débiteur et le créancier gagiste, il y a
une créance et entre le tiers et le créancier gagiste il y a un gage.
Obligation
C
!
!
!
o
!
▪
Chap. III
§ 1er
Gage
T
Un parent (T) voit que
son enfant (D) a besoin d’un crédit. L’enfant obtient un crédit
à la banque (C) mais la banque exige une garantie. Comme l’enfant n’a pas d’argent il demande à son
parent une garantie pour la banque. Le parent remet un objet en gage. Le parent n’est pas le débiteur
du crédit : c’est l’enfant qui est débiteur du crédit. Le parent est un tiers grevé du gage et s’est engagé
pour la dette d’autrui. Si la banque rend l’objet à l’enfant et que l’enfant veut garantir une autre dette
avec ce bien, le parent peut s’opposer à ceci avec l’art. 178 al. 2 CO.
La réalisation forcée :
!
▪
!
!
!
D
Saisie. Si le débiteur ne paie pas à l’échéance, le créancier gagiste exerce son droit de gage. L’objet est
mis en vente. Une fois la vente faite, le gage s’éteint.
Souvent, la vente ne permet pas de satisfaire complétement le créancier. Tant pis pour le créancier
gagiste. Le droit de gage ne peut être exercé qu’une seule fois : tant pis pour le créancier gagiste.
!
Faillite. Le gage s’éteint s’il n’est pas annoncé dans la faillite (art. 252 LP).
L’hypothèque mobilière
Sa prohibition de principe
Avec l’hypothèque, on l’avait vu en introduction, le propriétaire continue à garder l’objet. L’hypothèque mobilière
présente le défaut qu’il n’y a pas de publicité : rien ne permet de savoir si un objet est grevé d’hypothèque ou pas. En
droit privé, on a alors en principe exclu l’hypothèque mobilière. Par contre, on connaît un tel droit de gage en droit
public.
!
L’art. 884 al. 1 CC prévoit que le droit de gage n’existe pas tant que le constituant garde la maitrise effective de la chose
(le nantissement qui est un gage mobilier nécessite que le créancier gagiste possède l’objet). Pour que le gage existe, le
créancier doit avoir une possession qualifiée de l’objet grevé du gage. Donc l’hypothèque mobilière n’est pas possible.
L’art. 884 al. 1 CC réserve cependant des cas où l’hypothèque mobilière est admise en droit privé. Il y a 3 cas où
l’hypothèque mobilière est admise :
!
1)
2)
3)
!
Le gage sur le bétail (art. 885 CC).
Le gage sur les aéronefs.
Les bateaux immatriculés dans les registres publics.
Dans ces 3 cas, il y a un registre public qui permet de respecter le principe de publicité. On va les voir dans les chapitres
suivants.
!
L’interdiction de l’hypothèque mobilière peut poser un problème au propriétaire et n’est pas favorable au commerce.
Imaginons qu’une industrie a besoin de crédits et pour ce faire, elle doit constituer des droits de gage sur ses objets
mobiliers. A part les 3 exceptions (bétail, aéronefs, bateaux), l’hypothèque mobilière n’est pas possible. Il reste alors le
nantissement, mais comme le nantissement suppose le transfert de la possession, l’industrie ne constituera pas un tel
droit de gage. En effet, si elle donne ses stocks, elle ne tournera plus. Donc l’interdiction de l’hypothèque mobilière
n’est pas favorable au commerce car l’industrie ne donnera pas ses objets en gage sinon elle ne tournera pas.
!
77
2014-2015
Précis : Par l’expression hypothèque mobilière, on désigne toutes les formes de droits de gage mobiliers qui n’exigent
pas que le propriétaire se dessaisisse de l’objet grevé.
!
!
§2
L’engagement du bétail
C’est prévu à l’art. 885 CC. La réserve de propriété, on l’a vu, n’est pas possible sur le bétail (art. 715 al. 2 CC). On ne
peut pas se réserver la propriété d’un animal aliéné jusqu’au paiement du prix. Le moyen pour y arriver
économiquement est l’hypothèque sur le bétail : on a un gage sur l’objet tout en laissant la possession de l’objet au
vendeur.
L’art. 198 CO donne la liste des animaux qui sont considérés comme du bétail.
!
❖
❖
!
!
Le registre. Ce registre est régi par l’ordonnance sur l’engagement de bétail (RS 211.423.1). Le registre est tenu
par écrit. On y trouve l’identité de l’animal, le montant du gage et l’identité du créancier gagiste. Dans le canton
de Vaud, c’est le préposé aux poursuites qui est l’autorité qui gère ce registre. Le registre est celui du lieu de
stationnement normal du
.
La personne du créancier doit être un établissement autorisé par le canton. Le TF a dit que la personne autorisée
devait être créancière autorisée au début du gage, mais ensuite, il est possible de céder la créance à un tiers qui
n’est pas légitimité à être le créancier d’origine.
•
!
•
!
!
!
§3
Effets de l’inscription. Le registre est présumé exact. L’inscription est constitutive. L’inscription ne bénéficie
pas de l’effet de foi publique, au contraire du RF.
Y a-t-il un risque que le propriétaire du bétail grevé de gage vende le bétail en cachant l’existence de
l’hypothèque, ce qui pourrait être désavantageux pour les tiers ? En principe non, car les transferts de
propriété doivent passer par un inspecteur du bétail en lien avec l’office des poursuites, donc on sait
directement si le bétail est sous gage ou non.
L’hypothèque sur les bateaux immatriculés
C’est régi par la loi fédérale sur le registre des bateaux (RS 747.11). Il y a 3 sortes de bateaux prévus dans cette loi :
1)
2)
3)
Bateaux dont l’immatriculation est obligatoire. Ca vise les gros bateaux.
Bateaux dont l’immatriculation est facultative. Ca vise les bateaux de taille moyenne.
Bateaux dont l’immatriculation n’est pas possible. Ca vise les petits bateaux.
!
Le créancier gagiste n’a pas forcément la possession du bateau, le nantissement n’est pas forcément souhaité. Il faut que
ça reste en possession du propriétaire. On a alors un système d’hypothèque inscrit dans le registre des bateaux.
!
❖
Le registre des bateaux. C’est une sorte de petit RF qui a les mêmes effets que le RF. Par exemple, il y a un effet
de foi publique. Le préposé au registre des bateaux est désigné dans chaque canton. Ce préposé est celui qui tient
le RF.
!
L’effet de l’inscription est constitutif. Il bénéficie de l’effet de foi publique. Il faut un titre produit au RF pour
constituer une telle hypothèque.
!
!
!
§4
Le seul gage possible sur les bateaux est l’hypothèque. Le nantissement du bateau n’est pas possible. Par contre,
pour le bétail, d’autres droits de gages sont possibles.
L’hypothèque aérienne
Elle porte sur les aéronefs/avions. C’est régi par la loi fédérale sur le registre des aéronefs (RS 748.217.1). Cette loi
copie la loi sur les bateaux.
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!
❖
!
!
!
!
2014-2015
Le registre. C’est le même système que pour les bateaux, avec 2 exceptions : 1) Le registre est unique en Suisse,
il n’y a pas un registre par canton, 2) Les aéronefs sont tous facultativement inscriptibles (il n’y a pas de
différence selon la taille des aéronefs).
L’hypothèque aérienne doit se faire par un contrat en la forme écrite.
Chap. IV
Le gage par nantissement
Introduction
Le gage par nantissement est réglé aux art. 884 ss CC. Le droit de gage par nantissement comme tout droit réel répond
au principe de l’acquisition dérivée d’un droit réel. Pour être créancier gagiste, il faut alors :
!
1)
2)
3)
4)
!
Un objet aliénable
Un titre valable. En principe c’est un contrat de gage. On applique les règles du contrat de vente au contrat de
gage car c’est une sorte de vente partielle. Mais le titre peut aussi être la loi : c’est le cas du droit de rétention.
Un mode.
Droit de disposition chez le constituant du gage.
Si celui qui a constitué le gage l’a constitué sur un objet qui lui a été confié, l’acquisition de bonne foi joue en faveur du
créancier gagiste (art. 884 al. 2 CC). C’est une simple répétition des art. 933 à 935 CC.
!
Quid d’une acquisition originaire d’un droit de gage ? La spécification, le mélange ne sont évidemment pas possibles.
Le seul cas possible serait l’usucapion : on croit avoir un droit de gage alors qu’il pas valable et on possède pendant 5
ans. La doctrine est divisée.
!
!
§ 1er
Le nantissement
a.
La possession qualifiée du créancier-gagiste et son acquisition
Le mode/la publicité est une possession mais elle doit être qualifiée. L’art. 884 al. 3 CC prévoit qu’il faut nantir le
créancier gagiste (= lui donner la possession de l’objet) mais il faut en plus que le constituant du gage ne puisse plus
posséder l’objet exclusivement ! Tant que le constituant du gage peut posséder l’objet exclusivement, le nantissement
n’existe pas.
!
Précis : Selon l’art. 884 al. 3, le législateur exige un transfert de possession qualifié. Ce qui est décisif n’est pas que le
créancier acquière la maîtrise exclusive de l’objet grevé, mais bien que le constituant perde cette maîtrise exclusive : la
maîtrise directe sur l’objet peut ainsi être confiée à un tiers ou être exercée en commun par le constituant ou le
créancier.
On va regarder les modes que l’on a déjà vu (art. 922 ss CC) pour voir si ça marche ou non avec un droit de gage :
!
!
1)
La tradition simple : ✔. C’est le transfert de l’objet lui-même (art. 922 al. 1 CC). Le nantissement est possible.
2)
Le transfert des moyens de possession (art. 922 al. 1 CC) : ✔. C’est le cas où on remet les clés de la voiture. Si
le constituant garde un jeu de clés qui lui permet de conduire la voiture tout seul, il peut y avoir possession
unique/exclusive du constituant et donc dans ce cas, il n’y a pas nantissement. Il faut que tous les jeux de clés
soient remis au créancier gagiste. C’est donc différent du transfert de la propriété.
!
3)
!
!
4)
Tradition longa manu (= transfert par contrat de possession, art. 922 al. 2 CC) : ✖. C’est le cas où on désigne
l’endroit où on pourra prendre l’objet. Ca ne marche pas pour le nantissement. Le créancier gagiste n’a pas
encore l’objet dans les mains donc ça ne fonctionne pas.
Transfert de la possession entre absents (art. 923 CC) : ✔. C’est possible pour le nantissement.
79
2014-2015
!
5)
!
6)
7)
!
8)
!
Il peut y avoir un problème : si une personne est représentante du créancier gagiste et du propriétaire, on
considère que le propriétaire garde la possession et donc dans ce cas, le nantissement n’est pas possible.
La délégation de possession (art. 924 CC) : ✔. Ca marche pour le droit de gage dans la mesure où le tiers qui
possède l’objet n’a pas la double casquette (double représentation).
Traditio brevi manu : ✔. Il n’y a pas de problème car la possession exclusive du créancier gagiste est déjà
acquise.
Constitut possessoire : ✖. Si le constituant continue de posséder l’objet à un autre titre alors qu’il a constitué le
gage en faveur du créancier gagiste, le nantissement n’est pas possible car le propriétaire reste en possession de
l’objet, ce qui est interdit par l’art. 884 al. 3 CC. Le nantissement n’est pas possible avec le constitut
possessoire.
Le connaissement maritime (art. 925 CC) : ✔. On vise le papier-valeur représentatif de marchandises. Il y a 2
méthodes pour remettre les marchandises en gage (art. 902 CC) :
a)
!
b)
!
!
!
!
Al. 1 : On remet en gage le papier-valeur à la place des marchandises. Ca vaut pour un droit de gage
sur les marchandises. En grevant de gage le papier-valeur, il y a un droit de gage sur les marchandises.
Si c’est un titre au porteur, il suffit de la possession qualifiée de l’art. 884 al. 3 CC.
Al. 2 : Une autre manière de procéder est de créer un warrant. Il s’agit d’un deuxième titre
représentatif des mêmes marchandises destiné à être mis en gage. La constitution du droit de gage
peut alors avoir lieu moyennant le seul transfert de la possession du warrant, à la condition toutefois
qu’il soit fait mention sur le titre principal de l’existence du warrant ainsi que de la somme garantie et
de l’échéance.
Le propriétaire des marchandises conserve ainsi la faculté de disposer de celles-ci à l’aide du titre
principal, tandis que la mention sur ce titre de l’existence du warrant interdit au voiturier ou à
l’entrepositaire de restituer la marchandise au titulaire du titre principal sans l’accord du créancier
gagiste.
Si la règle de l’al. 2 n’est pas respectée, il faut respecter l’art. 884 al. 3 CC, c’est-à-dire la possession
qualifiée.
Si une personne acquiert un droit de gage sur les marchandises par possession qualifiée et qu’une
autre a le papier-valeur pour le gage (le warrant), il y a une collision : tous les 2 peuvent prétendre à
un droit de gage sur les marchandises. On applique les règles ordinaires de collision (celle de l’art 925
al. 2 CC qu’on a vue plus haut): celui qui acquiert le droit de gage sur les marchandises a le droit de
gage.
Quid si plusieurs possesseurs acquièrent l’objet ? Il y a 2 types de possession multiples : copossession possession
commune. Dans la copossession, chaque copossesseur peut tout seul utiliser l’objet. Dans la possession commune, tous
les possesseurs doivent agir ensemble pour posséder l’objet.
-
-
!
!
b.
!
En cas de possession commune, le créancier gagiste devient possesseur collectif et le débiteur ne peut plus
utiliser l’objet tout seul sans l’accord du créancier. Par exemple dans le coffre d’une banque, le créancier
gagiste a une clé et le débiteur a une autre clé et il faut les 2 clés pour ouvrir le coffre. Le débiteur ne peut plus
posséder exclusivement, donc on remplit la condition de l’art. 884 al. 3 CC.
!
En cas de copossession, chaque possesseur peut agir seul donc ça ne va pas. Si chaque possesseur a une clé de
la voiture tout seul, ça ne va pas. Le débiteur peut posséder exclusivement, donc on ne remplit pas la condition
de l’art. 884 al. 3 CC.
Le nantissement du créancier-gagiste de deuxième rang
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2014-2015
En principe, le rang/la priorité dans le temps définit qui peut réaliser l’objet, mais le fait qu’il y ait déjà un gage sur
l’objet n’empêche pas de créer d’autres gages sur le même objet.
!
L’art. 886 CC prévoit que le propriétaire peut constituer un droit de gage subséquent. C’est possible à la condition que
le deuxième créancier gagiste notifie par écrit au créancier de premier rang qu’après son droit vient un autre créancier
gagiste, et que quand il sera payé (et donc le gage sera éteint), il doit remettre l’objet au créancier deuxième et pas au
propriétaire.
!
JdT 1956 I 174 : Le créancier gagiste possède pour lui-même, pour son propre droit de gage. Mais il possède aussi
indirectement l’objet pour le créancier de deuxième rang.
!
!
§2
Actes destinés à éluder le nantissement
On avait déjà vu cette règle plus haut. Tout procédé qui permet au débiteur de l’objet de garder la possession tout en
donnant une sûreté réelle au créancier est contraire à l’art. 717 CC. C’est une manière de contourner les règles du
nantissement.
!
!
!
ATF 72 II 240 et 88 III 73 = JdT 1962 I 6.
§3
Perte de sa possession qualifiée par le créancier-gagiste
Le gage est vraiment constitué, le nantissement a eu lieu, mais le créancier a perdu la possession. La situation est réglée
à l’art. 888 CC :
!
•
!
!
•
Al. 1. De manière générale, lorsqu’on est titulaire d’un droit réel et qu’on perd la possession, le droit réel ne
s’éteint pas. Ici, le législateur est plus sévère : comme il faut une possession qualifiée, si le créancier n’a plus la
possession qualifiée, le gage s’éteint !
Cependant, le droit de gage ne s’éteint qu’après l’extinction des actions du créancier gagiste. Par exemple, si le
créancier gagiste s’est fait voler l’objet, le gage ne s’éteint pas tant qu’il a des actions.
Al. 2. Le nantissement crée le droit de gage mais si en cours du gage, le créancier gagiste remet l’objet au
propriétaire, il y a suspension du gage. Tant que le propriétaire retrouve la possession de l’objet car le créancier
gagiste le lui a remis volontairement, les effets du nantissement sont suspendus. Tout se passe comme si le gage
n’existait pas pendant cette période.
!
C’est un risque que le créancier gagiste prend en remettant l’objet au propriétaire car on fait comme si le droit de
gage n’existe pas pendant que le propriétaire possède. Donc si un tiers acquiert un autre droit réel sur l’objet
pendant que le propriétaire a la possession, il aura un droit préférable sur le droit du créancier gagiste. On fait
comme si le nantissement n’existe pas.
!
!
!
Si ensuite, le propriétaire remet l’objet au créancier gagiste, comme c’est une suspension, on admet que le même
gage reprend effet. Tout se passe comme si le gage n’avait pas quitté le créancier gagiste.
§4
Effets du gage avant l’échéance
Le droit de gage est un droit de réalisation forcée. Si le débiteur ne s’exécute pas, le créancier gagiste peut se satisfaire
sur le produit de la vente de l’objet grevé du gage. Le droit de gage a cependant déjà des effets avant que le droit soit
exercé. En principe, c’est le contrat de gage qui détermine les droits et obligations des parties. A défaut de convention,
la loi prévoit les effets du gage qui sont les suivants :
!
•
Le créancier gagiste est nanti donc c’est lui qui a droit à la possession pour toute la durée du droit de gage. C’est
donc lui qui a, à titre de possesseur direct, les actions réelles fondées sur la possession ou l’action en
revendication du droit de gage.
!
81
2014-2015
•
•
Le créancier gagiste n’a normalement pas le droit de disposer de la chose. Il ne peut pas vendre l’objet ou le
réengager pour son propre compte à un tiers (art. 887 CC). L’art. 890 al. 2 CC concrétise ceci : il ne peut pas
vendre lui-même l’objet remis en gage, sous peine des d-i.
!
Les frais d’entretien/de conservation incombent au créancier gagiste. Le créancier a intérêt à bien entretenir
l’objet. Si l’objet est endommagé, il est responsable du dommage envers le propriétaire et en plus l’objet a moins
de valeur et donc il sera vendu moins cher. Si le créancier gagiste est négligeant, quelle est la protection du
propriétaire ?
!
-
!
-
!
!
§5
D-i. La loi ne dit rien, on a juste la règle de l’art. 890 al. 1 CC : le créancier gagiste doit répondre du dommage.
Cette règle est la même que celle pour l’usufruit (art. 752 CC). La faute est présumée. C’est un régime de
responsabilité contractuelle ou quasi-contractuelle vis-à-vis du propriétaire.
Veto et sûretés. Comme pour l’usufruit, il y a aussi une protection analogue du propriétaire. Le propriétaire a
aussi un droit de veto comme à l’art. 759 CC et un droit à des sûretés comme aux art. 760 à 762 CC. On
applique ces articles par analogie.
Effets du gage après l’échéance
Ce sont les effets principaux du droit de gage. Ce sont les effets du droit de gage au moment où le débiteur doit
s’exécuter et qu’il ne s’exécute pas (il est en demeure).
!
a.
Réalisation du gage
Le gage peut se réaliser de 2 manières :
!
•
!
•
Par l’autorité. Le gage se réalise par l’entremise de l’autorité publique/étatique. Le ius distrahendi (faire vendre
l’objet du propriétaire) n’est possible qu’avec l’entremise de l’office des poursuites ou des faillites.
Par le créancier gagiste. Pourrait-on imaginer que le créancier gagiste puisse réaliser tout seul l’objet du gage sans
passer par l’office des poursuites ou des faillites ? La doctrine et la jurisprudence disent que c’est possible. La
vente privée peut être stipulée. C’est une dérogation conventionnelle à l’obligation de saisir l’autorité. En droit
français, on parle de voie parée pour désigner une telle clause.
!
Selon la jurisprudence, il faut cependant que l’objet mobilier ne soit pas déjà saisi par un tiers. Dans ce cas, c’est
l’office qui doit le faire.
!
La clause de voie parée présente des risques pour le propriétaire car il doit faire confiance au créancier gagiste. Si
l’objet vaut 100 et qu’on doit 50 à la banque, et qu’on ne peut pas payer, la banque fait réaliser l’objet. La banque
a besoin de 50 donc elle risque de ne pas faire d’efforts pour que la vente dépasse 50 francs. Donc le propriétaire
touchera au final moins.
!
!
!
Le TF dit que la clause de voie parée est un contrat de mandat : le créancier gagiste est un mandataire dans la
vente privée. La responsabilité est celle du mandataire au sens de l’art. 398 CO.
L’art. 894 CC prévoit l’interdiction de la clause commissoire : est nulle toute clause selon laquelle le créancier
gagiste devient propriétaire de l’objet si le débiteur ne paie pas. La clause de vente privée est possible si elle
autorise le créancier gagiste à mettre en vente l’objet, mais elle ne peut pas permettre au créancier gagiste de
s’approprier l’objet si le débiteur ne s’exécute pas.
Précis : Si la créance est exigible et que le créancier n’est pas désintéressé, il a le droit de se payer sur le prix
provenant de la réalisation du gage (art. 891 al. 1). En principe, il déclenchera dans ce but une procédure de
réalisation forcée. Les parties peuvent néanmoins convenir, dans le contrat de gage ou ultérieurement, que le créancier
est autorisé à vendre l’objet grevé de gré à gré ou par la voie d’enchères volontaires publiques ou privées (réalisation
privée). Par contre, une convention qui autorise le créancier à s’approprier purement et simplement l’objet nanti à
82
2014-2015
défaut de paiement (pacte commissoire) est nulle (art. 894, confirmant l’art. 891 al. 1 [« prix provenant de la
réalisation »].
!
!
!
!
!
b.
Réalisation forcée et vente privée
C’est la réalisation du gage par le créancier gagiste qu’on vient de voir.
c.
Le bénéfice de discussion réelle
On parle aussi de bénéfice d’exécution réelle. Cette institution se trouve dans la LP à l’art. 41 al. 1bis et non dans le CC.
Par le bénéfice de discussion réelle, le débiteur peut exiger que le créancier gagiste réalise déjà l’objet du gage avant
que ce créancier ne s’attaque à tous ses biens. Cette règle est dispositive : le créancier gagiste et le propriétaire peuvent
déroger à cette règle.
!
Il y a des restrictions apportées par la jurisprudence à cette règle. Cette règle de l’art. 41 LP ne vaut pas dans certains
cas :
!
-
Le gage doit exister au moment où la poursuite est commencée.
Elle ne s’applique pas aux gages légaux (art. 60 LCA, en cas d’assurance).
Ca ne vaut pas pour les intérêts. S’il y a une poursuite du débiteur que pour des intérêts de la créance garantie,
cette règle ne vaut pas.
!
Le bénéfice de discussion réelle est un moyen que le poursuivi/débiteur peut soulever en cours de procédure,
notamment au moment de la saisie. Il peut dire « veuillez ne pas saisir, mais réaliser le gage ». Si le créancier gagiste ne
respecte pas cette règle, il y a un recours à l’autorité de surveillance.
!
!
d.
Le droit de gage dans la réalisation forcée
•
Les droits réels se répartissent selon le rang et le rang est déterminé par la date de la constitution des gages (art.
893 CC) : le premier dans le temps sera satisfait en premier. Le premier gage doit être entièrement couvert pour
que l’éventuel solde restant puisse servir au créancier de deuxième rang.
!
!
La règle du rang vaut aussi pour les servitudes. 2 situations peuvent se présenter :
o
!
o
!
!
!
Sur un objet, il y a un droit de gage et un usufruit. L’objet vaut 100, mais avec l’usufruit, il ne vaut plus que
20. L’usufruit fait baisser la valeur de l’objet. L’objet est grevé d’un gage pour 50. Le créancier gagiste met en
vente l’objet grevé d’usufruit. Il n’aura que 20. Il lui manquera 30. Cette situation est normale s’il y a d’abord
l’usufruit, puis le gage.
Cette situation est par contre injuste si l’usufruit est plus récent que le gage : s’il y a d’abord le gage, puis
l’usufruit, ce serait injuste pour le créancier gagiste. En effet, le créancier gagiste premier dans le temps
devrait avoir la priorité sur l’usufruitier deuxième dans le temps. Ce conflit est tranché dans la LP à l’art. 142
(on parle de double mise à prix). Ces règles valent pour les immeubles mais aussi pour les meubles.
La double mise à prix signifie que l’objet va d’abord être mis en vente avec la servitude : on met en vente
l’objet avec l’usufruit. La vente récolte 20 francs. Le créancier gagiste a encore 30 de découvert. Il a ensuite le
droit d’avoir une seconde mise à prix. Il peut demander à revendre l’objet mais cette deuxième vente se fera
sans la servitude (sans l’usufruit). Il obtiendra 100 et donc il sera payé car il a une créance de 50. Ces 100
francs servent à payer le créancier gagiste. Les 50 francs restants reviennent à titre d’indemnité à l’usufruitier
dont le droit a disparu.
La première vente est en fait un essai. Le premier « acheteur » n’existe en fait pas car il n’y a pas eu de vraie
vente.
83
2014-2015
•
Quand il y a une faillite, tous les gages deviennent exigibles sur l’objet. Mais dans la saisie, il arrive qu’un seul
objet soit grevé de plusieurs gages et que le gage de premier rang ne soit pas encore exigible alors que le gage de
deuxième rang l’est déjà.
!
Exemple : L’objet vaut 100. Sur cet objet, il y a un gage de 1er rang et un gage de 2ème rang. Le gage de 1er rang est
exigible dans 2 ans et le gage de 2ème rang est exigible aujourd’hui. La créance du premier créancier est de 80, la
créance du deuxième créancier est de 50. Si le créancier de 2ème rang n’est pas payé, peut-il réaliser son gage ? Il
faut respecter 2 principes :
!
-
!
-
!
!
!
Principe de couverture. La réponse est le principe de la couverture (art. 135 LP) : on a le droit de mettre en
vente l’objet d’un gage subséquent lorsque la valeur présumée couvre le gage de premier rang. Si l’office
estime que l’objet vaut 100, on couvre la créance de 80 du créancier gagiste de 1er rang. Donc la vente est
possible par le créancier de 2ème rang. Par contre si l’objet est estimé à 50, le créancier gagiste 2ème ne pourra
pas demander la vente car l’estimation ne couvre pas la créance du 1er créancier gagiste de 80.
Principe de délégation. Si le créancier gagiste de 2ème rang fait vendre la chose, on applique le principe de
délégation : on met l’objet en vente avec le gage de 1er rang. Celui qui achète l’objet reprend à sa charge le
gage de 1er rang. Le gage non exigible aujourd’hui est délégué à l’adjudicataire. La charge de 80 est déléguée.
Chap. VLe prêt sur gage
Le prêt sur gage est réglé aux art. 907 à 915 CC.
Un prêt sur gage est un prêt où l’objet remis en nantissement au créancier gagiste l’est sur la base d’un reçu qui n’est
pas nominatif (qui ne mentionne pas le nom du propriétaire qui remet en gage) mais qui est juste un numéro (art. 909
CC). C’est donc anonyme : on ne sait pas qui est le propriétaire qui remis l’objet en gage.
!
!
La restitution de l’objet s’opère à celui qui présente le numéro (art. 912 al. 1 CC).
Une des caractéristiques du prêt sur gage est qu’il n’y a pas de responsabilité du débiteur sur tous ses biens. Le débiteur
ne répond pas de la dette qu’il contracte. Seul l’objet peut être réalisé par le créancier gagiste. Il n’y a pas de
responsabilité du débiteur sur l’ensemble de ses biens. L’art. 910 CC consacre cette idée. Il n’y a pas d’action
personnelle en paiement de la dette : il n’y a que l’objet qui peut être vendu. On nous dit que la sommation du débiteur
(le propriétaire qui a engagé son objet) est publique car on ne sait pas qui c’est (c’est anonyme).
!
L’art. 907 al. 1 CC prévoit qu’on ne peut pas pratiquer le prêt sur gage sans autorisation cantonale. Le prêt sur gage fait
sans autorisation cantonale est nul civilement. Le créancier gagiste n’a alors aucun droit sur l’objet qu’il réalise. Son
gage n’est pas valable.
!
L’art. 907 al. 2 CC prévoit que les cantons peuvent prévoir des monopoles cantonaux en matière de prêt sur gage. L’al.
3 prévoit que le droit cantonal peut soumettre les prêteurs sur gage au paiement d’une taxe.
!
L’art. 914 CC ne vise pas seulement le vrai nantissement du prêt sur gage mais vise aussi celui qui à titre professionnel
achète des objets à fins de garanties et qui les restitue quand il y a paiement. On assimile ce cas au prêteur sur gage.
Donc il doit avoir une autorisation selon l’art. 907 CC. S’il n’a pas l’autorisation, son acte est nul civilement (JdT 2000
I 315).
!
L’art. 915 CC prévoit que le droit cantonal peut prévoir d’autres règles sur l’exercice de la profession de prêteur sur
gages. Selon la loi vaudoise, le taux d’intérêt est de 12% maximum et n’est pas le taux maximum de 15% prévu par la
LCC.
!
Précis : Le prêt sur gage est une institution permettant à une personne de se procurer de l’argent par la mise en gage
d’objets mobiliers quelconques, sans que son crédit personnel ne joue de rôle. Il n’a guère d’importance pratique
puisque seuls deux établissements y procèdent encore.
!
84
2014-2015
Chap. VI
!
!
!
!
!
Le gage grevant des créances et autres droits
§ 1er
Introduction
a.
Nature du gage grevant un droit
Ce sont les art. 899 ss CC.
L’art. 899 al. 1 CC prévoit que des créances/droits immatériels peuvent être engagés selon les art. 899 ss CC.
Pour le gage grevant une créance, on retrouve la difficulté qu’on avait déjà vue avec l’usufruit sur des droits et créances
(art. 773 ss CC). On s’était demandé : est-ce qu’un usufruit sur une créance est vraiment un droit réel ?
!
On se pose la même question avec le droit de gage : est-ce qu’un gage sur une créance est vraiment un droit réel ? La
réponse est non. Le CC procède simplement à une analogie : la créance reste sur la tête du créancier mais un tiers a le
droit de la mettre en vente. Intrinsèquement, ça reste un droit relatif : si la créance est un droit relatif, le gage sur la
créance est un droit relatif !
!
-
Si l’objet est un droit absolu, le gage sur ce droit est absolu.
Si l’objet est un droit relatif, le gage sur ce droit est relatif.
!
Le problème est qu’il n’y a pas de publicité avec le gage sur un droit donc les règles sur l’acquisition de bonne ainsi que
toutes les présomptions de bonne foi ne s’appliquent pas.
!
!
❖
Avec le gage sur les créances, il peut y avoir 4 personnes :
-
!
!
Le débiteur cédé.
Le créancier constituant.
Le créancier gagiste.
Le débiteur principal.
Débiteur
cédé
!
Créancier
gagiste
Gage
Créancier
constituant
L’objet du gage est une créance :
la créance entre le débiteur cédé et le créancier
constituant. Cette créance met en relation 2 personnes : un débiteur (appelé débiteur cédé) et un créancier (appelé
constituant). Par exemple, le débiteur cédé doit de l’argent au créancier constituant. C’est ce rapport de droit qui
sera donné en gage. Le créancier constituant va mettre en gage ce rapport juridique à un créancier gagiste pour
garantir le paiement d’une dette principale qu’il a avec un débiteur (appelé débiteur principal)
!
Un débiteur (débiteur cédé) doit de l’argent à un créancier. C’est ce rapport de droit qu’on va donner en gage. Le
créancier (le créancier constituant) va remettre ce rapport de droit à un créancier gagiste pour garantir le paiement
d’une dette principale qu’il a avec un débiteur (débiteur principal).
!
Exemple : Un enfant (débiteur principal) a besoin d’un crédit bancaire mais la banque (créancier gagiste) exige
une garantie. L’enfant s’adresse à un de ses parents (constituant du gage). Ce parent a une créance contre un
débiteur (le débiteur cédé). Le parent dit à la banque qu’elle doit d’accepter le prêt et remet la créance qu’il a
contre le débiteur cédé en gage.
Précis : Le droit de gage sur les créances et autres droits permet à un débiteur d’utiliser comme garantie des éléments
de son patrimoine qui ne sont pas des objets mobiliers, mais qui présentent néanmoins une valeur économique. Ainsi,
une personne qui a vendu à crédit un certain bien peut profiter de la valeur représentée par sa créance contre
85
2014-2015
l’acheteur pour garantir un emprunt qu’elle souhaite faire. Le droit engagé joue alors le rôle de l’objet mobilier dans le
nantissement.
!
b. Les droits susceptibles d’être grevés d’un gage
Débiteur
principal
!
!
Pour qu’un droit puisse être grevé d’un gage, le droit doit être cessible (art. 899 al. 2 CC). La créance
doit être aliénable.
Certaines servitudes personnelles sur des immeubles peuvent être cédées, donc on peut les donner en gage. Or, d’autres
servitudes comme l’usufruit sont incessibles, donc un usufruitier ne peut pas donner en gage son usufruit.
!
!
c.
Application par analogie des règles sur le gage mobilier
C’est ce qui est dit à l’art. 899 al. 2 CC. Les principes qui s’appliquent par analogie au gage sur les créances sont les
suivants :
!
•
•
•
•
!
!
Droit de réalisation forcée (art. 891 CC).
Principe du rang (art. 893 CC).
Interdiction du pacte commissoire (art. 894 CC).
Les règles ordinaires sur l’acquisition dérivée des droits réels s’appliquent : il faut remplir les 4 conditions :
1) Droit aliénable.
2) Titre valable. C’est souvent une convention, mais la loi prévoit parfois des gages légaux sur des créances (art.
60 LCA par exemple).
3) Mode. On va voir ça dans le § 2 ci-après.
4) Droit de disposition.
Par contre, des règles ne s’appliquent pas par analogie :
•
•
!
!
!
Il n’y a pas d’acquisition originaire possible. Même l’usucapion n’est pas possible. En effet, on ne peut pas
posséder une créance donc il n’y a pas d’usucapion possible.
!
Il n’y a pas de protection de l’acquéreur de bonne foi. C’est dû au caractère immatériel du droit : il n’y a pas
d’apparence trompeuse qui permet la protection de l’acquéreur de bonne foi.
§2
Modes de constitution du gage grevant des droits
La loi distingue 2 situations :
1)
2)
Les titres intermédiés (art. 901 CC). C’est le cas spécial : créer un gage dans un papier-valeur.
Le cas ordinaire (art. 900 CC).
a.
Droits incorporés dans un papier-valeur
!
!
!
C’est l’art. 901 CC. L’al. 1 vise le titre au porteur et l’al. 2 vise les autres papiers-valeurs :
•
Al. 1. Il vise le titre au porteur. On avait vu que le titre au porteur est un papier-valeur dont le titulaire se légitime
par la possession du papier-valeur. Le possesseur du papier-valeur est présumé être le titulaire du droit incorporé.
!
Pour le titre au porteur, on renvoie à la règle du nantissement : l’engagement des titres au porteur s’opère par la
remise au créancier gagiste. On renvoie au nantissement puisqu’est légitimé celui qui possède le titre au porteur. Il
suffit d’une possession qualifiée du créancier gagiste sur le titre au porteur (art. 884 al. 3 CC).
•
!
Al. 2. Pour les autres papiers-valeurs (titre à ordre et titre nominatif), la loi renvoie aux règles habituelles :
o
Pour le titre nominatif, on renvoit aux règles sur la cession de créance (art. 164 ss CO).
o
Pour les titres à ordre, on renvoit aux règles du droit commercial (art. 1009 CO).
86
!
!
!
2014-2015
L’al. 3 prévoit que l’engagement des titres intermédiés est régi exclusivement par la loi sur les titres intermédiés.
b.
Droits non incorporés dans un papier-valeur
C’est l’art. 900 CC. Cet article vise les droits non incorporés dans un papier-valeur. Il résulte de l’art. 900 al. 1 CC, pour
les droits non incorporés dans un papier-valeur, qu’il faut respecter la forme écrite de la cession de créance. Créer un
droit de gage sur une créance est céder partiellement la créance au créancier gagiste. Comme c’est une cession partielle,
on applique alors la forme écrite de l’art. 165 CO.
!
L’al. 1 règle un cas spécial : le cas où la créance remise en gage justifie une reconnaissance de dette du débiteur. Le
débiteur a reconnu par écrit ce qu’il devait. Cette reconnaissance de dette écrite est un peu le signe visible de la créance.
Il y a une sorte de publicité exigée par l’art. 900 CC : s’il y a une reconnaissance de dette de la créance en gage, il faut
que la reconnaissance de dette passe en possession du créancier gagiste pour constituer un droit de gage sur la créance.
!
!
c.
Formes spéciales
L’art. 900 al. 3 CC prévoit que pour les autres droits qui ne sont ni des créances ni des papiers-valeurs, les formes de la
loi spéciale sont réservées. Comme loi spéciale, ça peut être :
!
-
!
!
!
!
d.
Les lois sur les polices d’assurance, par exemple l’art. 73 LCA qui prévoit que la cession n’est valable que si
elle est notifiée à l’assureur.
L’art. 30b LPP auquel renvoie l’art. 331 al. 3 CO qui prévoit qu’il faut aussi notifier à l’institution de
prévoyance pour que la cession soit valable.
Titres intermédiés
L’art. 25 de la loi sur les titres intermédiés déroge aux règles du CC (art. 901 al. 3 CC).
e.
Constitution d’un gage de rang postérieur
Pour les objets corporels, on a vu qu’il est possible de créer un gage de rang subséquent en donnant un avis écrit à
l’ancien créancier gagiste comme quoi un nouveau créancier gagiste a un gage sur l’objet. L’art. 903 CC prévoit la
même solution pour le gage sur une créance.
!
Pour les objets corporels, c’est le créancier gagiste qui doit notifier. Avec l’art. 903 CC, ça peut être le propriétaire ou le
créancier gagiste subséquent. C’est la seule différence.
!
La question qui s’est posée est de savoir si l’art. 903 CC s’applique aux papiers-valeurs ou si on considère que le
papier-valeur est un objet corporel et donc on doit appliquer l’art. 886 CC. JdT 1941 I 386 : le TF dit que c’est l’art. 903
CC qui doit s’appliquer.
!
!
§3
Effets du gage avant l’échéance
La créance contre le débiteur principal est peut-être exigible en 2018 alors que la créance grevée de gage (celle remise à
titre de gage) est peut-être exigible en 2015. Le débiteur cédé (de la créance donnée en gage) va devoir payer ce qu’il
doit au constituant avant que la dette principale soit exigible.
!
Comment gérer le paiement alors que le gage devrait toujours exister sur cette créance pour garantir la créance
principale exigible en 2018 ? On parle à cet égard d’administration de la créance donnée en gage. L’art. 906 CC répond
à cette question. Cet article est la règle qui doit être appliquée à défaut de convention particulière ou de règle
particulière.
!
Selon l’art. 906 al. 1 CC, c’est le propriétaire qui administre la créance grevée du gage et le créancier gagiste ne peut l’y
contraindre que si c’est commandé par l’intérêt d’une bonne gestion.
87
2014-2015
!
JdT 2002 I 554 : le TF a remis à l’ordre une banque qui estimait que c’était à elle d’administrer la créance remise en
garantie. Le TF a dit que c’est le propriétaire qui doit administrer la créance et pas la banque. L’administration dépend
du créancier constituant.
!
C’est différent de l’usufruit. On avait vu que pour l’usufruit l’administration est conjointe. Ici, seul le constituant
administre la créance. Par exemple, seul lui peut interrompre la prescription. Mais le créancier gagiste peut le
contraindre à bien administrer.
!
Il y a une règle spéciale à l’art. 905 CC pour les actions. Le titulaire qui vote/qui exerce les droits sociaux est celui qui
administre et non le créancier gagiste.
!
Le propriétaire de la créance n’a pas le droit de faire des actes qui éteignent la créance. Ca résulte de l’art. 906 al. 2 CC.
Il ne peut pas faire une remise de dette ou faire une compensation. Il faut l’accord du créancier gagiste. Il ne faut pas
porter atteinte aux intérêts du créancier gagiste. Le paiement lui-même est le remboursement du capital. Il faut l’accord
du créancier gagiste et du constituant. S’ils ne se mettent pas d’accord, le débiteur (débiteur cédé) qui veut se libérer
peut consigner (art. 906 al. 3 CC).
!
❖
Fruits civils. L’art. 906 CC ne règle pas le problème des fruits civils. Quid si la créance porte des intérêts ? Entre
le moment où le gage est constitué et le moment où le paiement doit intervenir, il y a des fruits qui doivent être
perçus. Quel est le régime pour ces fruits ?
!
L’art. 904 al. 1 CC prévoit que le gage ne s’étend qu’aux prestations courantes et pas aux autres prestations.
Lorsque le gage est réalisé et qu’un intérêt est en train de courir, l’intérêt en cours est grevé du gage (c’est ce que
signifie le terme « prestation courante »). Par contre, tous les intérêts antérieurs sont acquis au constituant.
!
Précis : Le droit du créancier ne s’étend qu’aux prestations courantes (art. 904 al. 1) ; par prestations courantes,
il faut entendre les revenus non échus au moment de la réalisation.
!
L’art. 904 al. 1 CC est une règle dispositive. Il est possible d’y déroger et dire que le créancier gagiste peut
s’attribuer les intérêts de la créance engagée (et ne pas seulement avoir un droit de gage sur les intérêts). Cette
convention contraire doit prendre la forme d’antichrèse : gage où le créancier gagiste peut posséder l’objet et
s’approprier des fruits. L’antichrèse peut prendre 2 formes :
!
-
!
!
-
Vif-gage : le créancier peut comptabiliser tous les intérêts y compris échus et il va les déduire de l’intérêt que
lui doit son débiteur. On met en balance les 2 types d’intérêts. Celui qui doit de l’argent à l’autre devra ensuite
rendre à l’autre le solde perçu en trop.
Note personnelle : si le créancier gagiste arrive à percevoir des fruits de 100 sur la chose et que le débiteur
principal lui doit des intérêts pour 70, on met en balance les 2 types d’intérêts et au final, le créancier gagiste
doit rendre 30 au constituant (100 – 70 = 30).
Mort-gage : il y a un forfait. Peu importe qu’on encaisse plus avec les intérêts de la créance ou que ce que nous
doit le débiteur, ou l’inverse, c’est forfaitairement jugé équivalent. Par forfait, les fruits perçus par l’objet
vaudront le paiement des intérêts par le débiteur.
S’il y a un doute, on présume le vif-
!
!
§4
gage.
Intérêts
Lorsque le débiteur paie ce qu’il
prestation étant donné que la
reporté sur l’argent versé, sur Principe
même règle que celle qu’on a
doit être payée mais va porter sur
Extinction
du
gage
doit au constituant en 2015, que faire avec le produit de la
créance principale n’est exigible qu’en 2018 ? Le gage est
Excepti le paiement (ça résulte de l’art. 906 al. 2 CC). C’est la
vue avec l’usufruit. Le gage ne porte plus sur la créance qui
Antichrè
l’argent versé par le débiteur (débiteur cédé).
par Vif gage
Mort
88
réalisation
2014-2015
!
Le droit à la réalisation forcée est le principe même du gage. L’art. 891 CC s’applique aussi aux gages sur les droits. A
l’échéance, si le débiteur ne s’exécute pas envers le créancier, le droit à la réalisation forcée peut être exercé. Il y a le
choix aussi entre :
!
1)
La vente par l’office des poursuites/faillites. C’est la voie étatique de réalisation forcée. Le créancier gagiste
impayé va demander la mise en vente de l’objet de son gage à l’office des poursuites. On va mettre en vente la
créance qui est celle du constituant contre son débiteur. Le produit de la créance servira à payer le créancier
gagiste qui a demandé la mise en vente forcée.
!
2)
Si c’est prévu conventionnellement, la vente privée est possible. Il faut une convention expresse. Le créancier
gagiste dans ce cas est intéressé au produit de la réalisation et est en plus mandataire du constituant.
!
On peut renvoyer pour le reste à ce qu’on a vu sur le nantissement : on applique la double mise à prix, le principe de
couverture, le principe de délégation.
!
!
!
§5
Autres causes d’extinction du gage grevant un droit
Il y a 3 causes d’extinction :
•
•
•
Les causes indirectes. Le gage est l’accessoire de la créance. Lorsque la créance s’éteint, le gage s’éteint au même
moment. C’est le principe de l’accessoriété.
!
Les causes directes. La créance principale continue à exister mais le droit gage s’éteint. Par exemple, le créancier
gagiste garde sa créance contre le débiteur principal mais fait déréliction du droit de gage.
!
Confusion/consolidation. La règle générale est qu’en cas de consolidation, le droit réel limité disparaît et le droit
de propriété est reconstitué tant que ça ne profite pas à un tiers.
!
!
Quid lorsqu’une des 4 parties devient héritière d’une des autres parties ?
-
!
-
!
-
!
-
!
-
!
Le constituant hérite du débiteur principal ou l’inverse. Souvent le constituant est aussi le débiteur principal.
Dans la plupart des cas, le constituant est le débiteur principal. Dans un tel cas, ça ne change rien : aucun
rapport de droit n’est modifié.
Le créancier gagiste hérite du débiteur principal ou l’inverse. Ici, la créance principale est éteinte. Donc le droit
de gage s’éteint. Le droit de gage s’éteint car la créance principale est éteinte par confusion. Ce qui reste est ce
que doit le débiteur cédé au constituant.
Le débiteur cédé hérite du constituant ou l’inverse. Le rapport de droit qu’est la créance donnée en gage devrait
en principe disparaitrait par confusion. Mais ça nuirait au créancier gagiste. Le créancier gagiste a un droit de
gage sur cette relation. C’est une confusion partielle : le rapport de droit disparaît, mais il existe quand même
pour le créancier gagiste ! Le créancier gagiste garde l’entier de ses droits envers le débiteur cédé qui est aussi
le constituant.
Le constituant hérite du créancier gagiste ou l’inverse. Il y a consolidation : le créancier gagiste devient
propriétaire de la créance, donc le gage s’éteint. Par contre, le rapport de droit entre le créancier gagiste et le
débiteur principal continue à exister naturellement.
Le débiteur principal hérite du débiteur cédé ou l’inverse. Le créancier gagiste a toujours sa créance contre le
débiteur principal. Le gage existe toujours aussi sur la créance. Donc rien ne change.
C’est juste embêtant pour le créancier gagiste : jusque là, il avait tout le patrimoine du débiteur principal et en
plus le patrimoine du débiteur cédé et là, il n’a plus qu’un seul patrimoine car il est à la fois débiteur principal
et à la fois débiteur cédé.
89
!
-
!
!
!
!
2014-2015
Le créancier gagiste hérite du débiteur cédé, ou l’inverse. Ca ne change rien à ce que doit le débiteur principal.
Le créancier gagiste peut demander la vente forcée de la créance engagée mais la créance sera mise en vente
contre lui-même. Ce n’est pas une vraie compensation mais économiquement c’est un peu comme une
compensation. Le créancier gagiste ne va pas faire vendre car s’il demande la vente, ça va l’amener à payer de
l’argent qui devra revenir à lui-même.
Chap. VII
Le droit de rétention
Le droit de rétention porte sur des objets matériels.
§ 1er
Nature du droit de rétention
Le droit de rétention est un droit de gage légal. Son titre est la loi : il naît en vertu de la loi. Il est prévu à l’art. 895 CC.
Les conditions sont prévues à l’art. 895 CC (voir § 2).
!
Le droit de rétention est un droit réel. C’est un vrai droit de réalisation forcée. Souvent, on nous parle de « rétention »
dans d’autres domaines où on ne vise pas le droit réel :
!
•
•
!
Par exemple à l’art. 82 CO, on nous dit qu’on peut retenir notre prestation tant que l’autre n’est pas prêt à
s’exécuter. Mais on ne vise pas le droit réel de rétention.
L’art. 434 CO, l’art. 418o CO qui visent des contrats prévoient aussi un droit de rétention qui ne vise pas un droit
réel. C’est un droit relatif à ces articles.
Précis : Le droit de rétention est le droit que le créancier a, en vertu de la loi et en certaines circonstances, de retenir
une chose mobilière dont il a la possession de par le consentement du débiteur et, au besoin, de faire réaliser cette
chose à son profit. Au contraire du nantissement, le droit de rétention n’a pas sa source dans la volonté du débiteur : la
chose n’a en effet pas été remise au créancier aux fins de garantie, mais pour une autre cause (il s’agit par exemple
d’une voiture remise à un garagiste pour qu’il la répare ou d’un titre confié à une banque pour qu’elle en assure la
gestion) ; c’est ensuite seulement que la chose est grevée du droit de gage de par la loi.
!
!
!
!
§2
Conditions du droit de rétention
Le droit de rétention prend naissance aux conditions suivantes prévues à l’art. 895 al. 1 CC :
1)
!
!
!
2)
!
Le créancier doit être en possession de l’objet par la volonté du débiteur. On va reprendre ces 2 éléments :
a)
Le créancier doit être en possession de l’objet. L’objet doit être mobilier. Le droit de rétention n’existe
pas pour les immeubles. Il faut même que l’objet mobilier ait une publicité garantie par la possession.
En d’autres termes les bateaux et aéronefs qui sont dans les registres spéciaux ne sont pas visés par le
droit de rétention.
b)
Par la volonté du débiteur. Le débiteur a remis la possession de l’objet au créancier. Si le créancier a
volé l’objet au débiteur, il ne peut pas y avoir de droit de rétention. Par remise volontaire, on vise les
mêmes critères que ceux de l’art. 933 CC : c’est un acte matériel à effet juridique qui nécessite le
discernement. Il n’est pas nécessaire que le titre qui remet l’objet au créancier soit valable.
Le débiteur pour remettre l’objet doit être un réel possesseur et pas un auxiliaire de la possession. Le
créancier doit lui aussi acquérir une réelle possession. L’ouvrier qui reçoit des outils pour effectuer
son travail est un auxiliaire et ne peut pas avoir de droit de rétention sur les outils.
La créance du possesseur contre le débiteur doit être exigible. Si la créance n’est pas encore exigible, le
créancier ne peut pas garder l’objet et doit le rendre. L’art. 895 CC le dit clairement.
90
2014-2015
Il y a une exception prévue à l’art. 897 al. 1 CC : en cas d’insolvabilité du débiteur, le créancier peut exercer
son droit de rétention même si la créance n’est pas encore exigible.
3)
!
!
4)
!
!
L’objet est propriété du débiteur (« appartenant à ce dernier » dans le texte légal).
L’art. 895 al. 3 CC prévoit une exception : si le débiteur remet volontairement au créancier un objet qui ne lui
appartient pas et que le créancier ignore de bonne foi que l’objet n’appartient pas au débiteur. C’est un cas
d’application de la protection de la bonne foi. Il y a un droit légal de gage acquis de bonne foi.
Il y a un rapport naturel de connexité. On ne peut pas expliquer ce qu’est un rapport naturel. Qu’est-ce qui est
naturel ? On ne sait pas, il n’y a pas de théorie. Il faut un rapport de connexité entre la créance par sa nature/
son objet et l’objet lui-même. La seule façon de cerner cette notion est de faire de la casuistique. Il y a un
rapport naturel de connexité dans les cas suivants :
-
!
!
-
!
!
-
!
-
!
!
Lorsqu’il y a une créance en d-i et que c’est l’objet qui a créé le dommage.
Exemple : Le débiteur prête un objet au créancier mais l’objet explose chez le créancier. Ca lui cause
un dommage. Si l’objet a encore de la valeur, le créancier peut la retenir jusqu’à ce qu’il soit payé des
dégâts. Pareil si c’est un animal qui a fait des dégâts chez le créancier.
Lorsque la possession de l’objet entraîne une créance. On avait déjà vu ça avec l’art. 939 CC : le
possesseur illégitime qui fait des impenses et qui doit rendre la chose au propriétaire, il doit être
remboursé. Ce droit au remboursement des dépenses l’autorise à retenir l’objet. Il ne rendra pas l’objet
tant qu’il ne sera pas payé de ses dépenses. L’art. 939 CC est un cas de l’art. 895 CC.
Lorsqu’un acte juridique est nul et qu’il porte sur un objet.
Exemple : Il y a une vente d’un objet mais la vente est nulle. Il faut rendre l’objet au propriétaire
légitime mais l’acheteur aimerait bien qu’on lui rembourse le prix de vente qu’il a payé. Tant que
l’acheteur n’a pas reçu le prix qu’il a payé, il peut garder l’objet et avoir un droit de rétention.
Plusieurs rapports juridiques sont en rapport les uns avec les autres et l’objet est visé par un des
rapports de droit.
Exemple : Notre ordinateur ne fonctionne pas. On retourne vers le vendeur et il dit qu’il va le réparer.
Pendant la durée de la réparation, le vendeur me donne un autre ordinateur en remplacement. Le
vendeur finalement ne répare pas l’ordinateur : il ne respecte pas la garantie en raison des défauts. On
peut dire qu’on a une créance : tant que le vendeur ne diminue pas le prix (droit tiré de la garantie des
défauts), on garde l’ordinateur. Il y a 2 contrats en lien (le contrat de vente et le contrat de prêt).
Cette condition du rapport naturel de connexité n’est pas exigée dans le cadre de l’art. 895 al. 2 CC. Pour les
commerçant entre eux, il suffit qu’ils soient en relations d’affaires. Un commerçant selon cet article est la
personne qui est obligée de s’inscrire au RC selon les règles de l’ORC. Un simple fondé de procuration n’est
pas un commerçant au sens de cet alinéa (JdT 1982 II 106).
Conditions
droit de
1) Créancier
en
!
2) Créance
exigible
3) Objet
propriété du
Créance en
d-i et l'objet
4) Rapport
naturel de
La
possession
Acte
juridique nul
Plusieurs
rapports
Lorsque ces conditions sont remplies, normalement, le créancier peut mettre en vente l’objet retenu en exerçant ce gage
légal sur l’objet. Des exceptions figurent à l’art. 896 CC :
91
!
!
2014-2015
1)
Al. 1. Le droit de rétention ne peut s’exercer sur des choses qui de par leur nature ne sont pas réalisables.
2)
Al. 2. Il n’y a pas de droit de rétention si ce droit est incompatible avec une obligation assumée par le
créancier, avec des instructions données par le débiteur ou avec l’ordre public. Une instruction/convention
assumée par le créancier peut faire obstacle au droit de rétention.
!
!
!
Exemple : Je vais faire un grand voyage en voiture. Je vais la faire réviser par le garage pour être sûre qu’elle
marche bien. Le lendemain matin je vais partir faire mon grand voyage, et le garagiste le sait. Le garagiste dans
ce cas ne peut pas dire qu’il retient la voiture tant que je ne le paie pas.
Cette exception ne vaut pas pour l’art. 897 al. 2 CC : le droit de rétention peut être exercé. Si le garagiste se
rend compte après coup qu’on est insolvable, malgré les instructions, il peut exercer son droit de rétention.
En principe, la rétention permet de faire une réalisation forcée de l’objet. Si ces conditions sont remplies, le créancier
peut retenir la chose jusqu’au paiement (art. 895 al. 1 CC). Et s’il ne reçoit pas le paiement, il peut faire réaliser la chose
après un avertissement donné au débiteur (art. 898 al. 1 CC). Mais il y a des restrictions :
!
-
!
-
!
!
!
!
§3
S’il y a plusieurs objets, le droit de rétention doit être exercé que dans la mesure nécessaire. S’il y a 3000
francs de créance contre le débiteur et que le garagiste qui est créancier retient une voiture et un vélomoteur, le
garagiste doit rendre le vélomoteur car la voiture suffit pour garantir les 3000 francs. Le créancier ne peut
garder comme droit de rétention que les objets nécessaires à la couverture de sa prétention.
Les sûretés suffisantes (art. 898 CC). La réalisation forcée n’a pas lieu s’il y a des sûretés suffisantes (art. 898
al. 1 CC). L’idée est que la plus petite des deux valeurs (soit la créance contre le débiteur, soit l’objet retenu par
le créancier) doit être retenue. Si le débiteur a une dette de 1000 francs contre le créancier et que le créancier
retient un véhicule pour 500 francs, l’objet retenu de 500 francs est la moitié des 1000 francs, donc les sûretés
sont suffisantes. Car l’objet engagé ne vaut jamais autant que le montant le plus haut.
C’est la plus faible des 2 valeurs qui doit être couverte par les sûretés.
JdT 1953 II 56 : le TF dit que c’est la plus haute des deux valeurs, mais Piotet n’est pas d’accord avec cette
jurisprudence.
Droits de rétention spéciaux
Il y a 2 catégories de droits de rétention spéciaux :
1)
2)
Droits de rétention spéciaux.
Droit de rétention improprement dits (ce sont des droits de rétention anciens).
a.
Les droits de rétention spéciaux
!
!
Ces droits de rétentions spéciaux sont des vrais droits de rétention légaux, mais le créancier n’a pas la possession de
l’objet. C’est une sorte d’hypothèque mobilière. Il y a 3 cas :
!
1)
Le droit de rétention du bailleur en garantie de son loyer commercial (art. 268 ss CO). Dans le bail commercial,
en garantie du paiement du loyer, les objets qui garnissent le local loué servent de garantie de paiement de ce
loyer. Le bailleur peut mettre en vente le mobilier commercial de son locataire.
!
!
!
Ca peut poser des problèmes :
-
Quid si les objets dans le local commercial appartiennent à des tiers ? Peut-il les faire vendre ? La loi
dit oui, comme à l’art. 895 al. 3 CC (art. 268b CO) : si le bailleur est de bonne foi il peut faire vendre
les objets même s’il n’appartiennent pas au locataire.
92
2014-2015
-
2)
3)
!
!
b.
!
Si le locataire quitte les lieux avec ses objets, le bailleur risque de perdre son droit de rétention. Le
bailleur a alors un droit de faire un inventaire des objets du local commercial pour ensuite pouvoir
faire réaliser ces biens (art. 283 LP).
Le droit de rétention dans la PPE. C’est un droit de rétention de la communauté des propriétaires d’étages sur
les meubles qui garnissent les locaux d’un copropriétaire, en garantie de son droit aux contributions aux frais
communs. Les meubles d’une PPE peuvent être vendus (art. 712k CC).
!
Le droit de rétention de l’hôtelier (art. 491 CO). C’est un droit de rétention des aubergistes et hôteliers sur les
choses apportées par le voyageur, en garantie de leurs créances pour les frais d’hôtel ou de garde. La
jurisprudence a dit que ça ne vaut pas pour les voitures dans les garages.
Les droits de rétention improprement dits
Ce n’est pas un vrai droit de rétention car il n’y a pas le ius distrahendi (il n’y a pas de droit à la réalisation forcée).
C’est un droit de rétention ancien. On peut garder la chose mais on ne peut pas la faire vendre. Il n’y en a que 2 :
!
1)
!
2)
!
Le droit de rétention du possesseur d’un immeuble sur les animaux qui y ont parvenus, en garantie de
l’indemnité due pour les dommages causés par ces animaux (art. 57 CO). On peut retenir l’animal.
Le droit de rétention du propriétaire foncier sur les épaves parvenues sur son immeuble, en garantie de
l’indemnité due pour le dommage causé par leur recherche (art. 700 al. 2 CC). On a le droit de retenir l’épave
jusqu’à ce que le dommage causé soit réparé.
§4
Effets du droit de rétention
Le droit de rétention est un gage légal. Si le débiteur ne s’exécute pas, le créancier peut faire vendre l’objet. La voie de
réalisation forcée est celle de la LP. Il n’y a pas la possibilité d’une vente privée. La réalisation forcée est prévue à l’art.
898 CC. C’est un renvoi aux art. 891 à 893 CC.
!
!
Chap. VIII
La lettre de gage
La lettre de gage n’est plus dans le CC depuis 1930. Il y a aujourd’hui une LF sur l’émission des lettres de gage (RS.
211.423.4) qui traite de la lettre de gage.
!
La lettre de gage est une créance qui résulte d’un prêt et elle fait l’objet de droits réels légaux sur d’autres créances. Elle
naît avec un récépissé, un papier, qui est appelé lettre de gage. Le but est d’avoir un instrument qui permet d’investir
globalement, de façon collective dans l’immobilier.
!
Il y a plusieurs investisseurs et ils prêtent de l’argent à une centrale d’émission des lettres de gage. Il existe 2 de ces
centrales : une qui regroupe toutes les banques privées et une qui regroupe toute les banques cantonales. Donc entre
l’investisseur et la centrale, il y a un prêt. En échange du prêt, la centrale nous donne une lettre de gage. La somme
prêtée à la centrale par l’investisseur va être prêtée ensuite aux membres de la centrale d’émission. Les membres vont
ensuite eux-mêmes utiliser cet argent prêté pour ouvrir des crédits hypothécaires. Il y a 3 contrats de prêts : investisseur
-> centrale, centrale -> membres, membres -> particuliers.
!
La lettre de gage crée pour l’investisseur un droit de gage sur la créance que la centrale d’émission a envers les
membres. L’investisseur a donc, par la lettre de gage, un droit de gage sur la créance en remboursement que la centrale
a contre les membres. Les membres doivent rembourser le prêt que la centrale leur a fait et sur cette créance qu’a la
centrale, il y a un droit de gage en faveur des investisseurs.
!
De plus, il y a un autre droit de gage mais qui est en faveur cette fois de la centrale d’émission. Ce gage porte sur la
créance que les membres ont envers les particuliers.
!
Centrale d’émission
93
Particuliers
2014-2015
!
Prêt
Investisseurs
!
!
!
!
Prêt
Membres
L’utilisation du terme de
-
!
-
!
!
Prêt hypo.
« gage » est malheureuse car :
Il n’y a pas de spécialité. Le gage que la centrale a en garantie du remboursement (le deuxième gage, celui que
la centrale a) porte sur toutes les créances que doivent les particuliers aux membres. C’est une sûreté collective.
Le gage ne peut être réalisé qu’en cas de faillite. En dehors d’une faillite, il n’est jamais possible de mettre en
œuvre le gage.
Ce ne sont donc pas vraiment des gages mais plutôt des privilèges d’exécution forcée.
Précis : A des conditions fixées par la loi, les établissements bancaires souhaitant faire des prêts garantis par des droits
de gage immobiliers peuvent devenir membres d’une centrale d’émission de lettres de gage ; cette centrale emprunte
des fonds auprès du public, avec cette particularité que le bailleur de fonds reçoit, au moment du prêt, un titre spécial,
appelé « lettre de gage » et bénéficiant d’une excellente garantie ; les fonds ainsi obtenus sont mis par la centrale à
disposition de ses membres, qui les prêtent à leur tour à des propriétaires immobiliers, moyennant constitution d’une
garantie hypothécaire. La lettre de gage peut ainsi être définie comme une obligation spécialement émise par l’une des
deux centrales autorisées à cet effet par la loi ; cette obligation bénéficie d’une garantie de grande qualité et son but est
de procurer des fonds à des propriétaires immobiliers.
!
!
!
!
Chap. IX
Principales sûretés réelles non réglées par le CCS
Le gage n’est pas le seul moyen de garantir le paiement d’une créance.
§1
La fiducie avec un créancier
Le débiteur remet en pleine propriété un objet au créancier et cette remise de l’objet sert de garantie au paiement de la
dette. A la place de conférer un droit réel restreint, le débiteur transfère complétement la propriété au créancier. Il y a
une convention de fiducie et celle-ci prévoit que le créancier, quand il sera payé, doit rendre la propriété. Tant que le
créancier n’est pas payé, il a un vrai droit réel à opposer aux tiers.
!
Contrairement au droit de gage, la position du débiteur n’est pas très sûre car l’obligation du créancier de rendre l’objet
n’est que contractuelle :
!
-
!
-
!
-
!
Si l’objet est volé pendant la fiducie, le débiteur n’a pas de droit de suite donc il ne peut pas aller chercher
l’objet. Seul le créancier qui est propriétaire peut le faire.
Si le créancier vend l’objet en fiducie, le débiteur ne peut pas aller rechercher l’objet et ne peut que demander
des d-i au créancier qui a violé son obligation contractuelle.
Si le créancier tombe en faillite, le débiteur n’est qu’un créancier parmi d’autres et ne peut pas être satisfait en
premier.
C’est n’est pas un pacte commissoire qui est interdit et c’est donc une institution licite car le créancier non satisfait ne
peut pas s’approprier l’objet en cas d’inexécution car il en est déjà propriétaire.
!
!
§2
La vente à réméré
94
2014-2015
Le débiteur vend un objet au créancier et le débiteur le rachète en exécutant son obligation envers le créancier. C’est un
transfert au créancier avec un droit de racheter. Le débiteur ne peut racheter l’objet et redevenir propriétaire de son objet
que s’il s’exécute. Pendant tout le temps où le débiteur n’a pas payé son dû, le créancier est propriétaire.
!
Il n’y a presque pas de différence avec la fiducie. La seule différence est la construction juridique : dans la fiducie, le
débiteur retrouve sa propriété car c’est prévu dans le contrat alors que dans la vente à réméré, le débiteur retrouve la
propriété uniquement s’il exerce un droit formateur.
!
!
§3
Le gage irrégulier
Un gage irrégulier est un gage qui porte sur des fongibles. Lorsque le débiteur remet des fongibles à titre de gage, le
créancier n’a pas besoin de rendre les mêmes fongibles mais seulement des fongibles équivalents. Si le débiteur remet
une tonne de céréales en gage à son créancier, le créancier n’a pas besoin de restituer les mêmes graines mais doit
restituer une tonne de céréales équivalentes.
!
Il y a transfert de la propriété des fongibles et le créancier ne doit rendre que des fongibles de quantité et qualité
équivalentes.
!
!
Le créancier n’a qu’une obligation contractuelle de rendre des fongibles à l’échéance quand il est payé.
Précis : Le droit de gage irrégulier consiste en ce que le débiteur (ou un tiers) remet au créancier de l’argent ou
d’autres biens fongibles en garantie d’une créance, le créancier devenant propriétaire de ces biens et étant tenu, en cas
d’extinction de la créance, de restituer, non pas les objets mêmes qui lui ont été remis, mais une quantité égale d’objets
de même genre. Rien n’empêche naturellement les parties de convenir qu’une chose fongible est remise en garantie de
telle façon que le créancier doive au besoin restituer la chose même qui lui a été remise (par exemple, de l’argent dans
un enveloppe) ; il s’agit alors d’un nantissement ordinaire.
!
!
§4
La consignation à titre de sûreté
On parle aussi de dépôt à fin de sûreté. Le débiteur remet un objet à une personne (le consignataire) à titre de
consignation. Le consignataire garde l’objet pour le compte du débiteur (consignant). Il y a un contrat entre eux avec
stipulation pour autrui (art. 112 CO) en disant que tant que le créancier n’est pas payé, le consignataire doit conserver
l’objet. L’objet ne peut pas revenir chez le débiteur tant que le débiteur ne s’est pas exécuté envers le créancier. Pendant
ce temps, l’objet doit rester chez le consignataire.
!
C’est une stipulation pour autrui parfaite : le créancier peut exiger du consignataire qu’il garde l’objet tant que le
débiteur ne s’est pas exécuté.
!
Précis : La consignation à titre de sûreté consiste en ce que le propriétaire d’une chose mobilière (le consignant)
remette celle-ci à une personne (le consignataire) en vue de garantir une créance, en ce sens que, en cas d’inexécution
de la créance, le consignataire doit remettre la chose au créancier ou la tenir à disposition en vue d’une réalisation
forcée.
!
❖
!
!
!
Quid en cas de faillite du débiteur ? L’objet appartient au débiteur même s’il est chez le consignataire. Malgré la
stipulation pour autrui, l’objet va entrer dans la faillite du débiteur et il sera vendu pour satisfaire les créanciers du
débiteur. Pour éviter cette conséquence fâcheuse pour le créancier, on a construit l’idée que les parties ont voulu
donner au créancier un gage sur la créance en restitution de l’objet. Le créancier a une stipulation pour autrui en
sa faveur et en plus un droit de gage sur la créance que le débiteur a contre le consignataire qui doit rendre l’objet.
ATF 102 Ia 229 = JdT 1978 II 49.
SECTION TROISIEME : LES DROITS REELS IMMOBILIERS
TITRE IER - LE REGIME GENERAL DES DROITS REELS IMMOBILIERS
Chap. Ier
Les immeubles distingués des meubles
95
2014-2015
!
!
La distinction est faite à l’art. 713 CC. Le critère est la faculté de déplacer l’objet sans causer de dommage :
-
Si la chose peut être déplacée sans dommage, c’est un objet mobilier.
Si la chose ne peut pas être déplacée sans dommage, c’est un objet immobilier.
!
Un garage préfabriqué que l’on peut déplacer sans le casser est un meuble. Par contre, si le garage est fixé dans le sol,
on ne peut pas le déplacer sans le casser, donc c’est un immeuble.
!
Les immeubles entre eux se distinguent par une opération intellectuelle qui est la mensuration officielle. L’immeuble
n’a comme délimitation, que celle fixée par un plan, document officiel présumé exact inscrit au RF. Les exigences sur la
mensuration qui exécutent les art. 950 ss CC se trouvent dans l’ordonnance sur les mensurations officielles.
!
!
!
Chap. II
Conséquence de la nature des immeubles
La nature immobilière de l’immeuble a des effets qui n’existent pas pour les objets mobiliers :
•
•
Il y a des conséquences sur les modes d’acquisition. Certains modes d’acquisitions de la propriété ne valent que
pour la propriété mobilière : le mélange, la spécification. Ca ne va pas pour les immeubles.
!
!
Il y a des restrictions à la propriété sur les immeubles différentes que pour les meubles :
o
En matière mobilière, les restrictions à la propriété viennent surtout du droit public et sont surtout restreintes
aux choses qui ne sont pas dans le commerce ou des choses qui nécessitent une autorisation pour être dans le
commerce.
!
!
o
Dans le domaine des immeubles, c’est différent. Il y a des restrictions beaucoup plus nombreuses :
▪
Il y a des restrictions de droit public. C’est par exemple le cas pour les restrictions concernant
l’affectation des immeubles. Le CC réserve les restrictions de droit public à l’art. 702 CC. Cette liste
n’est pas exhaustive, il y a beaucoup d’autres exceptions prévues par le droit public.
!
Les restrictions de droit public touchent surtout à l’affectation des immeubles mais aussi aux
aliénations. Dans certains cas, la vente peut être interdite, notamment dans le cadre de la LFAIE ou de la
LDFR.
▪
•
!
!
!
Il y a également des restrictions de droit privé à la propriété immobilière qui n’existent pas en matière
mobilière. La raison est que comme les immeubles ne peuvent pas se déplacer, il faut régler les
rapports de voisinage : il faut définir ce que chaque propriétaire immobilier peut faire avec son terrain
sans nuire aux autres propriétaires immobiliers.
!
S’agissant de la publicité, ce n’est pas la possession qui est importante mais une écriture au RF. L’écriture au RF
est le signe de publicité. Comme il y a inscription au RF, ça permet plus facilement d’avoir des possibilités quant
au contenu réel des droits réels limités. C’est la raison pour laquelle on a beaucoup plus de droits réels restreints
que pour les objets mobiliers. Pour les meubles, il n’y a qu’une seule servitude possible (l’usufruit) alors que pour
les immeubles il y a plusieurs autres servitudes possibles.
Chap. III
§ 1er
!
Les droits et obligations propter rem
Définition et régime général des droits et obligations propter rem
« Propter rem » signifie « à raison de la chose ». Un droit ou une obligation propter rem est un droit ou une obligation
attachée à l’immeuble. Il peut s’agir d’une obligation propter rem (entre un créancier et un débiteur) ou d’un droit
propter rem.
!
96
2014-2015
Ce n’est pas une obligation propre au domaine des immeubles, ça existe aussi avec les meubles. L’art. 649 CC qui
prévoit la charge de copropriété prévoit une obligation propter rem.
!
Exemple : la servitude prédiale. C’est une servitude attachée à un fond dominant. Il y a un fond 1 et un fond 2. Le fond
1 a le droit de passer sur le fond 2. Le fond 1 (dominant) est le titulaire de la servitude qui grève le fond 2 (servant). La
servitude, une fois qu’elle est constituée, est un droit réel propter rem car il est attaché à la propriété d’une parcelle.
!
!
!
!
Ce qui est intéressant est de savoir qui est le débiteur de l’obligation propter rem. C’est ce qu’on va voir au § 2.
§2
Spécialement, l’obligation propter rem volontaire
L’obligation propter rem peut être légale (c’est le cas de l’art. 689 CC) ou volontaire.
Le problème qui se pose : si une servitude est rattachée à un immeuble, comment s’assurer que lorsque le droit réel sur
l’immeuble (la propriété par exemple) est transféré l’obligation le sera aussi ? Je conviens que mon voisin doit balayer
et déneiger devant chez moi. Si un nouveau voisin acquiert le droit de propriété de mon voisin, ce nouveau voisin ne
devrait en principe pas balayer devant chez moi. Pourquoi ? Tout simplement car la servitude est prévue
contractuellement. C’est une res inter alios acta qui ne devrait pas lier le nouveau propriétaire.
!
Une servitude conventionnelle ne lierait donc pas les tiers. L’ordre juridique est alors à la recherche de moyens de
publicité qui pourraient lier l’acquéreur à la convention :
!
➢
!
!
!
Dans le système du CC, il y a un moyen d’attacher une créance au droit réel immobilier et de le rendre opposable
au tiers acquéreur. Celui qui acquiert sera lié par la convention. Ce mécanisme s’appelle l’annotation (art. 959 à
961a CC). C’est une écriture au RF. Le tiers acquéreur devra reprendre l’obligation contractée par l’ancien
propriétaire. Mais ce moyen de publicité n’existe que si la loi l’a prévu ! Il y a un numerus clausus des cas
d’annotation possibles.
On va voir qu’il est possible d’attacher sur un terrain un droit d’emption (droit de vente préférable). Cet
engagement peut être annoté. C’est prévu donc on peut l’annoter au RF, et donc tout nouveau propriétaire sera lié
par le droit d’emption annoté. Par contre, si un autre contrat qu’un droit d’emption est prévu et que ce contrat n’est
pas prévu par la loi comme pouvant être annoté, on est hors du numerus clausus, donc le mécanisme de publicité
n’est pas possible.
§3
•
!
•
L’extinction des obligations propter rem légales ou volontaires
Le principe est que l’extinction suit les règles ordinaires du CO. Le fait que l’obligation soit rattachée à un
immeuble ne change rien par exemple sur les règles concernant la prescription (on applique l’art. 127 CO). C’est
une obligation, donc on applique le CO.
Mais il y a une particularité. Ce qui est particulier est que l’obligation propter rem devrait normalement
disparaître avec l’abandon du droit réel. Si le propriétaire renonce à son droit de propriété, l’obligation qui a été
stipulée par rapport à cette propriété n’a plus de débiteur. En principe, l’obligation propter rem devrait s’éteindre.
!
Le TF est de cet avis, sauf s’il y a abus de droit ! Dans cette affaire, un promoteur avait une grande parcelle divisée
en plusieurs parcelles. Chacun des acheteurs des différentes parcelles construit une habitation sur sa propre
parcelle. Et le promoteur s’est gardé un petit chemin et dit qu’il reste propriétaire du petit chemin. Il dit aussi qu’il
se charge de l’entretien du chemin. Après avoir vendu les parcelles, le promoteur abandonne la propriété sur le
chemin pour éviter de devoir se charger de l’entretien. C’est un abus de droit, donc l’abandon de la propriété par le
propriétaire ne fait pas tomber l’obligation propter rem.
!
!
Le TF dit qu’en principe, sauf abus de droit, l’abandon fait disparaître l’existence du débiteur, donc ça met fin à
l’existence de la créance.
TITRE II – LE REGISTRE FONCIER
97
!
!
!
2014-2015
Chap. Ier
§ 1er
Les systèmes sans enregistrement des droits réels immobiliers
Régimes sans aucune publicité artificielle
Dans le système romain, il n’y avait aucune publicité propre au droit réel immobilier. Il n’y avait pas de registre foncier.
Seule la possession faisait foi.
!
!
§2
Publicité des actes de transfert
Par la suite, on a estimé qu’il fallait une publicité plus spécifique aux immeubles. On voulait laisser une trace. On a tout
d’abord trouvé plusieurs moyens rudimentaires de publicité : on réunissait tout le village et on tirait les oreilles des
enfants comme ça tout le monde se rappelait qu’on avait fait un transfert de propriété de l’immeuble. Quand il y avait
un transfert d’immeuble, on tirait les oreilles des enfants pour faire rappeler aux gens qu’il y avait eu ce transfert.
!
A la Renaissance, on voit apparaître des registres de propriété qui servent au transfert. Ce système se développe
parallèlement à d’autres systèmes. Ces autres systèmes sont les suivants :
!
-
!
-
!
Homologation : passer devant une autorité lorsqu’on transfère un immeuble. L’autorité homologue l’acte et ça
marque la publicité du transfert. Ce système a duré dans les cantons alémaniques jusqu’à l’entrée en vigueur du
CC.
Transcription : on passe devant une autorité qui marque de son approbation l’acte en question, mais en plus on
le note dans un registre. C’était ainsi en France. Ce système a été ensuite généralisé en France à tous les
transferts immobiliers. Ca a abouti au RF français. Ce système est incomplet car même si le RF en France est
public, ce registre ne jouit pas de la foi publique dans le système français. Il y a publicité mais sans effet de foi
publique.
Le registre de propriété de la Renaissance sera développé en droit allemand. Ce système du RF va inspirer le législateur
suisse dans le CC de 1907. Seuls 3 cantons avaient adopté un véritable RF avec effet de foi publique et écriture
complète pour tous les droits réels : Bâle-Ville, puis Vaud, puis Soleure. Le législateur fédéral a décidé ensuite de
généraliser le système du RF dans toute la Suisse.
!
Histoire du RF
Système
romain : pas
Moyens
rudimentaires
!
!
!
!
Chap. II
Publicité des
actes de
Renaissance :
tenir un
Homologation
Transcription
(France)
Le registre foncier suisse
§ 1er
Les principes fondamentaux
a.
Le principe dit de la légalité
La personne qui tient le RF est un fonctionnaire qui est tenu par le principe de la légalité : il ne porte dans le RF que ce
que la loi prévoit et n’a aucun pouvoir de décision en opportunité sur les inscriptions. Il ne doit que contrôler la légalité
et pas l’opportunité. Par exemple, il doit regarder si les conditions légales sont remplir et ne peut pas dire « à votre place
je n’aurais pas acheté cet immeuble ».
!
98
2014-2015
b.
L’obligation d’immatriculer les immeubles et la notion d’immeuble
!
C’est le principe d’immatriculation. L’inscription est le fait d’écrire dans le registre, mais l’immatriculation est
l’ouverture du support au registre. L’immatriculation se fait dans un feuillet, dans une page ouverte dans le registre pour
chaque immeuble. L’immeuble doit être immatriculé : il faut ouvrir une page où on va inscrire les éléments concernant
l’immeuble.
!
!
Le principe général est que tout immeuble privé doit être immatriculé au RF.
Il y a un plan officiel. Chaque parcelle d’un plan doit se voir ouvrir une page, un feuillet au RF. La parcelle 1 a un
feuillet qui porte le numéro 1. Ca permet de retrouver les inscriptions de droits réels à partir du numéro de la parcelle
sur le plan.
!
!
Le contenu du feuillet :
-
!
!
!
Le propriétaire.
Les servitudes/charges foncières.
Gages.
Le feuillet est une vue d’ensemble de l’immeuble.
Il y a des exceptions au principe de l’immatriculation :
❖
!
L’art. 944 CC vise les immeubles publics, c’est-à-dire les biens du patrimoine administratif et les biens du
domaine public. Le CC n’oblige pas à ouvrir un feuillet pour les immeubles publics, sauf s’il y a un droit réel
privé sur ce bien. Par contre, à l’al. 1 in fine, on nous dit qu’il peut y avoir une immatriculation prévue par la
législation cantonale. Mais le CC lui-même ne prévoit aucune obligation d’immatriculation, sauf s’il y a un droit
réel privé sur l’immeuble public.
Quid en cas de division et de réunion d’immeuble ? Si l’immeuble est divisé ou si plusieurs immeubles sont réunis,
faut-il ouvrir un nouveau feuillet ? L’art. 945 al. 2 CC régit cette question et renvoit à l’ordonnance sur le registre
foncier (ORF) :
Si l’immeuble est divisé, l’ORF dit que soit on ouvre un nouveau feuillet pour la nouvelle parcelle, soit on fait
deux nouveaux feuillets (art. 153 ORF).
!
-
Si l’immeuble est réuni (il y a 2 parcelles mais on veut en faire qu’une seule), l’ORF dit qu’en principe on
maintient un des feuillets et on supprime l’autre (art. 158 ORF).
!
Les art. 974a (pour la division) et 974b (pour la réunion) CC prévoient qu’en cas de division ou réunion d’immeuble, le
propriétaire ne peut pas porter atteinte aux servitudes et gages existant sur les immeubles divisés ou réunis. On
maintient les droits réels dans l’état antérieur.
!
Dans le CC, des dispositions assimilent aux immeubles parcelles (= terrains) d’autres choses. L’art. 943 CC prévoit que
sont immatriculés au RF les biens-fonds (ce qu’on a vu) mais aussi d’autres choses. Il faut ouvrir des feuillets au RF
pour d’autres choses que les biens-fonds. On trouve cette même liste à l’art. 655 al. 2 CC. Ces éléments
supplémentaires sont les suivants :
!
•
Les parts de copropriété d’un immeuble. On a vu que celui qui a une part de copropriété est plein propriétaire sur
un objet (sous réserve des droits des autres copropriétaires). Le droit de copropriété est un droit de propriété.
Donc si la propriété immobilière doit être inscrite au RF, la copropriété immobilière doit être inscrite au RF.
!
La parcelle 1 est en copropriété entre A et B. On a un feuillet de base pour la parcelle 1. Le feuillet va indiquer les
propriétaires A et B, les servitudes et les gages (les 3 éléments). En plus de cette page informatisée (feuillet de
base) qu’on a que pour la parcelle 1, on va avoir en plus 2 feuillets qui correspondent aux parts des 2
copropriétaires. Dans 1 de ces 2 feuillets, il y aura inscrit comme propriétaire ½ de A et dans le 2ème feuillet, il y a
99
2014-2015
aura inscrit comme propriétaire ½ de B. Il y a donc 3 feuillets : 1 feuillet de base, 1 feuillet pour le copropriétaire
A et 1 feuillet pour le copropriétaire B.
!
Les indications qui ne concernent que la part de A ne seront inscrites que sur le feuillet de A. Si la part de A est en
gage, le feuillet spécifique de A contiendra l’indication que la part est en gage mais dans le feuillet principal ce ne
sera pas indiqué.
!
!
•
Ca ne vaut pas pour la propriété commune. Avec la propriété commune, il n’y a qu’un seul feuillet principal et pas
des feuillets spécifiques aux propriétaires en main commune. C’est logique car le propriétaire en main commune
ne peut pas disposer de la chose donc ça ne sert à rien de pouvoir indiquer dans un feuillet spécial qu’un
propriétaire en main commune a un gage sur sa part tout simplement car ce n’est pas possible.
Les droits distincts et permanents (DDP), immatriculés au RF. A l’art. 655 al. 3 CC, on nous dit qu’une servitude
sur un immeuble peut être immatriculée comme DDP si 2 conditions sont remplies. Avec cet al. 3, le DDP est en
réalité une servitude personnelle qui présente des caractéristiques (al. 3 ch. 1 et 2) :
!
1) Elle est personnelle et cessible. C’est l’idée du droit distinct. La servitude n’est pas rattachée à un fond
dominant. La servitude doit être au nom d’une personne (personnelle) et en plus la servitude doit être cessible.
L’usufruit est incessible donc ça ne peut pas être un DDP même si c’est une servitude.
!
!
2) Elle doit durer au moins 30 ans ou pour une durée indéterminée. C’est l’idée du droit permanent.
Si ces 2 conditions sont remplies, l’immatriculation n’est pas obligatoire mais seulement possible. C’est une
possibilité pour le titulaire d’une servitude.
!
Pourquoi prévoir ce régime pour la servitude ? C’est pour la faire entrer dans le circuit des affaires immobilières.
Si la servitude n’est pas immatriculée comme immeuble, on ne peut pas l’hypothéquer. Les banques préfèrent
avoir une vraie hypothèque sur un immeuble. L’immatriculation est alors un moyen pour le titulaire d’une
servitude de l’immatriculer pour pouvoir y mettre une vraie hypothèque.
!
Il y a aura le feuillet de l’immeuble et en plus il y a aura un feuillet pour la servitude immatriculée au RF. On
trouve dans ce feuillet pour la servitude les mêmes rubriques : propriétaires, servitudes, gages. On assimile le DDP
à un immeuble.
!
Il y a assimilation à l’immeuble uniquement pour y mettre une hypothèque ! Pour tout le reste, la servitude reste
une servitude. On ne l’assimile à une parcelle de terrain que pour pouvoir y mettre une hypothèque. Par exemple,
l’extinction de la servitude se fait selon les règles sur les servitudes.
!
!
•
Dans un ATF : Un droit de superficie a été immatriculé comme DDP au RF. Le droit de superficie a fait l’objet
d’une déréliction. Une personne a occupé l’immeuble sur lequel se trouvait le droit de superficie. Il dit qu’il a
occupé l’immeuble, donc il devient propriétaire de la servitude aussi. Le TF dit que ce n’est pas le cas. La
servitude s’est éteinte lorsque son titulaire en fait déréliction.
Les mines. Il s’agit d’une concession des mines de droit public. Ca dépend d’une régale historique appartenant
aux cantons. Les cantons connaissent la régale des mines : le canton peut s’approprier exclusivement les
substances métallifères (le sel par exemple) qui sont dans le sous-sol.
!
!
!
Cette régale des mines permet une concession de ces mines à des particuliers. Si un concessionnaire a un intérêt à
ce que la mine soit traitée comme un immeuble, il peut en requérir l’immatriculation au RF. On y ouvrira un
feuillet. Ca suppose que la mine soit cessible.
Il y a encore d’autres choses qui peuvent être immatriculées au RF :
100
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-
!
!
!
On a une LF sur les forces hydrauliques qui aboutit au même résultat pour les concessions de forces
hydrauliques. Les barrages sont soumis au régime de cette LF qui permet l’immatriculation comme immeuble
d’une concession d’une force hydraulique.
-
Droits anciens relevant de l’Ancien Régime : les droits de pêche. Ils sont assimilés à des DDP
c.
Le principe de la publicité
En matière immobilière, c’est les écritures du RF qui fournissent la publicité du droit réel immobilier. On retrouve les 3
volets :
!
1)
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2)
!
3)
!
!
d.
Une présomption d’existence du droit réel immobilier (art. 937 CC). Il correspond aux art. 930 et 931 CC qui
valent pour les meubles.
La publicité est nécessaire pour la constitution du droit réel. C’est par l’écriture que se transfère la propriété
immobilière (art. 656 al. 1 CC). Créer un gage ou une servitude sur un immeuble nécessite aussi une écriture.
La protection du tiers de bonne foi. Il existe aussi une protection de l’acquéreur de bonne foi. C’est l’effet de
foi publique du RF : on peut se fier aux écritures et acquérir en conséquence des droits réels immobiliers. C’est
prévu à l’art. 973 CC.
Le principe de l’inscription causale au registre foncier
L’écriture, la publicité, doit reposer sur un titre valable. C’est comme on l’avait vu en matière mobilière : le transfert de
la possession ne suffit pas, il faut en plus un titre efficace à l’accomplissement du mode. On retrouve toutes les règles
vues sur l’acquisition dérivée des meubles : ça s’applique aux immeubles : 1) Chose aliénable, 2) Titre, 3) Mode, 4)
Pouvoir de disposition de l’aliénateur.
!
On trouve la notion de titre valable à l’art. 974 CC qui exige que le droit réel ne soit pas inscrit indûment au RC. On la
trouve aussi à l’art. 975 CC qui parle de « sans cause légitime ».
!
!
e.
Responsabilité de l’Etat pour le dommage résultant d’inexactitudes du registre foncier
Le RF jouit de la foi publique : les tiers de bonne foi peuvent s’appuyer sur son contenu pour en déduire des droits.
L’Etat est tenu d’une tenue exacte du RF. S’il manque à cette responsabilité, que le RF est inexact et que des tiers
acquièrent des droits au détriment d’autres personnes, il est juste qu’il y ait une responsabilité aggravée de l’Etat.
!
L’art. 955 al. 1 CC prévoit que les cantons sont responsables de tout dommage résultant de la tenue du RF. C’est une
responsabilité objective : le lésé n’a pas à prouver de faute du fonctionnaire. Il suffit de prouver le manquement. Il faut
prouver le dommage, la causalité mais pas la faute.
!
JdT 1981 I 542 : Il s’agissait d’une une erreur de mensuration. Par exemple, le RF dit la parcelle fait telle taille alors
que ce n’est pas le cas. L’indication de la surface d’une parcelle n’est pas un droit réel indiqué mais une pure mesure
indicative. Il n’y a pas de foi publique attachée à la fausse indication d’une mesure indicative.
!
Le procès en réparation se déroule devant les tribunaux civils, ils sont compétents (JdT 1948 I 265). Ce n’est pas une
action de droit administratif.
!
Le TF, pour la prescription, applique le délai de l’art. 60 CO. Le délai est alors d’1 an relatif et 10 ans absolu. Le délai
de 10 ans peut être critiquable car le dommage pourrait survenir plus de 10 ans après.
!
L’art. 955 al. 2 CC prévoit un droit de recours de l’Etat contre le fonctionnaire qui a commis une faute. Souvent, le droit
cantonal prévoit que le fonctionnaire doit avoir commis une faute grave pour que l’Etat puisse se retourner contre lui.
!
f.
Rôle résiduel de la possession
101
2014-2015
!
Le RF exprime l’idée de publicité. Cette idée veut que toute la publicité du droit réel limité sur un immeuble soit dans le
RF. La possession n’a alors plus qu’un rôle limité.
!
Dans certains cas où l’immeuble n’est pas encore immatriculé, la possession de l’immeuble peut encore jouer un rôle. Il
y a quelques cas comme celui-ci où la possession a encore un certain rôle, mais ça devient très rare.
!
!
La possession n’est en principe plus utile, sauf pour les actions possessoires des art. 927 à 929 CC !
g.
La publicité du registre foncier
Le RF est la publicité des droits réels immobiliers. Ce sont des écritures faites dans un registre public. Le RF a un effet
de foi publique. C’est le seul registre de droit suisse pour les droits réels où il existe un effet de foi publique (le registre
du bétail n’a pas d’effet de foi publique par exemple). Il y a un effet de foi publique positif (art. 973 CC) et négatif (art.
970 al. 4 CC) !
!
Comme on est censé savoir ce qui se trouve inscrit dans le RF, il faut pouvoir accéder aux éléments en question. L’art.
970 al. 1 CC prévoit que celui qui fait valoir un intérêt a le droit de consulter le RF ou s’en faire délivrer des extraits.
Un simple intérêt digne de protection permet de consulter le RF.
!
!
Exemples de cas jurisprudentiels sur l’intérêt digne de protection admis ou non :
-
!
!
Une personne écartée d’une succession alors qu’elle est réservataire aimerait savoir s’il y a eu des donations
inscrites au RF par le défunt. Elle a un intérêt digne de protection (ATF 132 III 603)
-
Un généalogiste qui fait des recherches sur un terrain a un intérêt digne de protection à consulter le RF.
-
Un journaliste qui fait une enquête sur des terrains agricoles n’a pas d’intérêt digne de protection à consulter le
RF.
!
-
!
Un exproprié, dans le cadre de la procédure d’expropriation, qui veut connaître le prix au m2 pour demander la
valeur en l’échange de l’expropriation n’a pas d’intérêt digne de protection à consulter le RF.
JdT 1989 I 249 : Le TF dit que les règles cantonales ne peuvent pas modifier la règle de l’art. 970 CC.
L’art. 970a CC, adopté en 1991, est une innovation sur 2 points :
!
1)
!
!
2)
L’accès au droit de propriété est ouvert librement, même aux personnes n’ayant aucun intérêt à le connaître.
Tout le monde peut connaître qui est propriétaire de quel terrain.
Les transferts immobiliers devaient être publiés dans une publication officielle du canton.
On a greffé dans le CC un souci de politique économique (la lutte contre spéculation foncière) alors que ce n’est pas
réellement du droit privé. Les art. 970 et 970a CC sont des règles de droit public qui se trouvent dans le CC.
!
L’art. 970 al. 1 CC prévoit que celui qui a un intérêt digne de protection peut consulter le RF. L’al. 2 prévoit que toute
personne a accès à certaines informations du grand livre listées à cet alinéa. L’al. 3 prévoit que le Conseil fédéral
détermine quelles autres indications peuvent être mises à dispositions du public sans justification d’un intérêt particulier.
L’art. 26 ORF prévoit que les annotations et la majeure partie des mentions sont librement accessibles à chacun. On a
donc une très grande ouverture à la consultation du RF. En principe, le prix de vente n’est pas librement accessible, sous
réserve de l’utilisation par les cantons de l’art. 970a CC.
!
Dans le canton de Vaud, c’est la loi vaudoise sur le RF de 2012 qui s’applique. Elle exécute la publicité et utilise la
possibilité de l’art. 970a CC. Sauf les cas spéciaux de l’art. 970a al. 2 CC, les cantons peuvent prévoir une publication
officielle des prix. La loi vaudoise ne prévoit pas la publication officielle du prix.
!
§2
Organisation du registre foncier fédéral
102
!
a.
•
!
!
!
•
2014-2015
Système réel de publicité
D’abord classement personnel. Il y a 200 ans, le classement se faisait par noms des propriétaires. C’était nominal
avec les noms des propriétaires. C’est un classement personnel et non pas réel. Le classement personnel est
pénible à utiliser car pour un même immeuble s’il faut faire des recherches, il faut aller chercher séparément tous
les propriétaires.
Puis, classement réel. On a alors passé à un classement réel : on classe selon les immeubles.
b.
Composition du registre foncier
Quels sont les éléments qui composent le RF ? Ce sont les art. 942 ss CC. Les éléments sont prévus à l’art. 942 al. 2
CC :
!
•
Le grand livre (art. 945 et 946 al. 1CC). La photographie juridique de l’immeuble est donnée par les feuillets des
grands livres. Chaque immeuble a une feuille et l’addition de ces feuilles compose le grand livre.
!
L’art. 942 al. 3 CC prévoit que le RF peut être tenu par écrit mais aussi de manière électronique. L’électronification
s’est réalisée progressivement. Chaque canton décide ou non de passer au moyen électronique. L’art. 949a al. 1
CC prévoit que le canton qui veut passer au moyen électronique doit obtenir une autorisation du DFJP. Dans le
canton de Vaud, on est en train de terminer l’électronification. Il n’y a presque plus de feuillets papiers.
!
Avec l’art. 947 CC, on voulait admettre qu’un gage puisse porter sur plusieurs objets en même temps. On a alors
imaginé un feuillet collectif : plusieurs immeubles, même non contigus, sont réunis sur la même fiche. C’est en
train de disparaître.
!
!
•
Précis : Le grand livre est l’élément essentiel du RF. Il est conçu selon le système réel : chaque immeuble y reçoit
en principe un feuillet et un numéro distincts (art. 945 al. 1 CC et 2 lit. c ORF) ; sur le feuillet d’un immeuble sont
reportées les indications de fait relatives à l’immeuble (emplacement, surface, etc.), ainsi que tous les droits qui
existent sur (ou en relation avec) lui, notamment la propriété et d’éventuels servitudes ou droit de gages.
Le journal (art. 948 al. 1 CC). Le journal, en vertu de l’art. 948 al. 1 CC, est un répertoire chronologique des
demandes d’écritures. C’est une sorte de procès verbal des réquisitions demandées et elles sont tenues dans un
ordre chronologique dans le journal.
!
Le journal a une grande portée juridique. En principe, on a le principe général selon lequel les réquisitions au RF
sont constitutives (art. 972 al. 1 CC). Le droit réel est constitué au moment où il est écrit dans le grand livre. Pour
éviter que ceux qui acquièrent des droits réels acquièrent des droits réels à des moments différents car la durée de
la procédure au RF est plus longue, l’art. 972 al. 2 CC prévoit que l’inscription constitutive se fait rétroactivement
au moment où l’inscription est faite dans le journal.
!
C’est au moment de l’inscription au grand livre que le droit réel sera constitué (al. 1), mais il existera ensuite de
manière rétroactive depuis le moment de l’inscription au journal (al. 2).
!
!
•
Le journal, comme le grand livre, jouit de la foi publique : on peut en déduire des droits et surtout nul ne peut
ignorer le journal. C’est particulier car le journal est difficilement consultable : seuls les gens du RF peuvent
connaître le contenu du journal mais on est quand même tous censé le connaître.
Le plan (art. 950 CC). Ce qui jouit de la foi publique est l’endroit où passe la limite du terrain. Or, toutes les
indications autres que le passage de la limite sont descriptives et ne jouissent pas de la foi publique. Par exemple,
si, dans les limites du terrain, une maison est désignée, l’indication de cette maison est purement informative et il
n’y a pas de foi publique sur cette maison. Pareil s’il est indiqué qu’une rivière passe sur le terrain : ça ne jouit
pas de la foi publique. Seules les limites du terrain jouissent de la foi publique.
!
103
2014-2015
Le plan est un préalable au RF : on ne peut pas faire de grand livre si le grand livre ne se base pas sur le plan. Pour
pouvoir ouvrir un feuillet, on est bien obligé de savoir où passe la limite du terrain qu’on veut inscrire au RF.
!
!
•
Précis : Les plans sont le fruit de la mensuration officielle (art. 950 CC). Ils représentent géométriquement les
biens-fonds et les droits distincts et permanents portant sur une surface déterminée, en indiquant notamment leur
situation et leurs limites.
Le registre des pièces justificatives. C’est la collection des causes juridiques de toutes les écritures faites au RF.
L’art. 948 al. 2 et 3 CC traite de ceci. L’al. 3 ne s’applique que dans les cantons où le notaire est conservateur du
RF. Ca ne vaut pas dans le canton de Vaud.
!
Ce registre est le dernier élément qui jouit de la foi publique, mais cette foi publique est moins forte que pour le
grand livre car ce registre ne peut pas contrarier les indications du grand livre. Par contre, elle peut donner plus
d’informations que ce qui est dit par le grand livre, et ce surplus bénéficie de la foi publique. Par exemple, le fait
qu’il est permis de passer à pied mais pas en voiture sur tel terrain sera inscrit dans le registre des pièces
justificatives et pas dans le grand journal et ça jouira de la foi publique.
!
!
Précis : Les pièces justificatives sont les documents qui constatent les faits juridiques sur lesquels l’office du RF
s’est fondé pour porter au registre un radier un droit. La fonction des pièces justificatives est notamment de
préciser, dans les limites de l’inscription, l’étendue des droits.
Ce sont les 4 registres qui se trouvent dans le RF. On vient de voir qu’ils bénéficient tous de la foi publique. Les cantons
peuvent prévoir d’autres registres mais ils ne peuvent être qu’utilitaires et ne peuvent pas avoir la foi publique.
!
!
c.
•
!
!
!
!
•
Autorités compétentes en matière de registre foncier
Autorité qui s’occupe de tenir le RF. Le RF est tenu à la charge des cantons. Le CC oblige les cantons d’assumer
un RF.
Les cantons définissent selon l’art. 951 CC l’organisation dans le cadre du droit fédéral assez lâche sur ce point. Il
prévoit à l’al. 1 que des arrondissements doivent être formés pour la tenue du RF. L’al. 2 prévoit que les
immeubles sont immatriculés au RF de l’arrondissement dans lequel ils sont situés. A l’intérieur des frontières
cantonales, il est possible d’y avoir plusieurs RF en vertu de l’art. 951 al. 1 CC. Dans le canton de Vaud, l’art. 3 de
la loi vaudoise sur le RF prévoit 6 arrondissements et donc 6 RF. D’autres cantons ont un seul arrondissement pour
le RF et donc un seul RF.
L’art. 952 CC traite des immeubles à cheval sur plusieurs arrondissements.
L’art. 953 CC régit les bureaux de RF. Tout ce qui relève du statut du conservateur (celui qui tient le RF de son
arrondissement) est régi par le droit cantonal de la fonction publique.
Autorité de surveillance. La surveillance du RF est régie par l’art. 953 et l’art. 956 CC. Les cantons ont
l’obligation d’avoir une autorité de surveillance de la tenue des différents RF. Dans le canton de Vaud, c’est en
principe le département des finances qui s’occupe de la surveillance des RF vaudois. Les art. 956a et 956b CC
prévoient que l’autorité de surveillance a la qualité pour recourir dans les litiges concernant le RF. Il est possible
de recourir au TC et au TF dans le recours en matière civile du TF (art. 72 LTF). C’est bien le recours en matière
civile qui est ouvert et pas le recours en matière de droit public.
!
!
!
§3
L’art. 956 al. 2 CC prévoit que la Confédération exerce la haute surveillance.
Conditions de l’inscription et de la radiation au registre foncier
On va regarder toutes les conditions pour pouvoir faire une écriture dans le grand livre. Cette écriture s’appelle
l’inscription. Selon l’art. 958 CC, l’inscription porte sur la propriété, les servitudes et charges foncières et les droits de
gage.
104
2014-2015
!
!
a.
La réquisition écrite
L’art. 963 CC prévoit qu’il faut demander au RF de procéder à une écriture pour faire une inscription. On parle de
réquisition. L’art. 964 CC traite de la radiation, c’est le même principe.
La réquisition, qu’elle soit pour une inscription ou une radiation, doit être écrite. L’ORF permet d’avoir une réquisition
électronique avec signature électronique reconnue.
!
!
Quel est le contenu de cette requête ?
•
L’ORF à son art. 47 nous dit que la réquisition doit être pure et simple. Ca veut dire qu’il ne peut pas y avoir de
conditions, de termes, de modalités particulières imposées à la demande d’écriture.
!
!
•
Pourquoi ne pas pouvoir soumettre notre demande à une condition ? Parce qu’en disposant de notre propriété
immobilière, on exerce un des éléments de la propriété (le droit de disposer de la chose) et cet exercice est un
exercice d’un droit formateur. En effet, il y a l’effet rétroactif selon lequel l’inscription est faite au moment de
l’inscription au journal. Comme les droits formateurs ne peuvent pas être exercés sous condition, la réquisition au
RF qui est l’exercice d’un droit formateur ne peut donc pas être accompagnée d’une condition !
La réquisition elle-même ne peut pas être conditionnelle mais le contenu du droit réel peut parfois être affecté
d’une condition. Le droit réel peut être parfois modalisé par une condition. La condition est opposable au tiers car
elle est attachée au droit réel.
!
o
Ce n’est pas possible pour la conditions suspensive, car si la condition suspensive ne s’est pas réalisée, le
droit réel ne peut pas déployer d’effet juridique et donc on ne voit pas pourquoi on pourrait l’inscrire au RF
si le droit réel ne peut pas déployer d’effet.
!
La jurisprudence est juste pour toute condition suspensive : le droit réel n’existe pas tant que l’événement ne
s’est pas produit. Quel que soit le droit réel, on ne peut pas créer une condition suspensive.
o
!
En revanche, une condition résolutoire (l’événement met un terme au droit réel) peut être un élément du
droit réel. Le TF dit que la condition résolutoire doit être facilement reconnaissable pour le conservateur. Par
exemple, le droit d’habitation disparaît en cas de remariage.
!
!
C’est valable mais pas pour la propriété. On peut soumettre un droit réel restreint à une condition résolutoire,
mais on ne peut pas soumettre la propriété à une condition résolutoire. Si on prévoit une condition pour la
propriété, il faut une règle contractuelle et pas une règle qui modalise le droit réel. Ce n’est pas non plus
possible pour la cédule hypothécaire.
La réquisition peut-elle être révoquée ? C’est l’exercice d’un droit formateur. Les droits formateurs, une fois exercés, ne
peuvent pas être retirés, sauf vice de la volonté. Donc en principe, il n’est pas possible de révoquer notre réquisition au
RF, sauf s’il y a un vice de la volonté.
!
La réquisition peut être faite par la personne désignée par la loi (art. 963 et 964 CC) mais aussi par son représentant. On
peut donner procuration à quelqu’un pour faire une réquisition en notre nom au RF. Il est même fréquent que dans les
ventes immobilières le vendeur donne procuration à l’acheteur de faire la réquisition au RF.
!
La procuration pose un problème. En cas d’incapacité ou de décès, la procuration s’éteint selon les règles générales du
CO (art. 35 CO). Si le vendeur d’un immeuble vend et décède juste avant que sa vente ne soit au RF, la procuration
qu’il a pu donner va s’éteindre. On ne peut plus représenter le vendeur décédé. ATF 111 II 39 = JdT 1986 I 124 : c’est la
personne nouvellement légitimée à l’exécution du contrat passé par le défunt qui peut faire la réquisition (donc
l’héritier). Selon le TF, l’héritier doit avoir un certificat d’héritier pour pouvoir être représentant du défunt.
!
105
2014-2015
L’art. 963 al. 3 CC est une réserve donnée aux cantons qui peuvent créer un mandat légal de représentation des parties
au RF. Chaque fois qu’un notaire fait un acte authentique dans les cantons latins, la loi cantonale donne pouvoir au
notaire de faire une réquisition au RF. Il n’a pas besoin d’avoir une procuration, la loi cantonale prévoit que le notaire
est compétent pour requérir au RF. C’est comme ça dans tous les cantons latins.
!
L’art. 17 de la loi vaudoise sur le RF prévoit un délai de 14 jours pour déposer l’acte sans avoir de procuration pour le
notaire. Si le notaire dépasse les 14 jours, le mandataire qu’est le notaire peut déposer l’acte mais il devra avoir une
procuration. Ce mandat de droit cantonal reste un mandat. Si la personne décède pendant la période de mandat légal, le
mandat disparaît et c’est alors aux héritiers d’aller demander un certificat d’héritier pour pouvoir faire la réquisition.
!
❖
!
Avec le dépôt de la réquisition, il faut le titre de l’écriture. Il faut joindre à notre demande l’acte authentique de
vente immobilière si on veut inscrire une vente immobilière au RF. Le conservateur va vérifier si le titre est
valable. Ce document doit être joint à la réquisition. S’il n’est pas joint à la réquisition, elle sera rejetée.
Dans de rares cas, le droit réel n’a pas un titre fondé sur un acte juridique, mais a un titre légal. Cette situation est
visée à l’art. 963 al. 2 CC. La loi peut créer le fondement de l’écriture. Par exemple, l’hypothèque légale est un
gage prévu par la loi. Dans un tel cas, dans la réquisition, on va demander l’écriture que la loi prévoit.
L’inscription reste constitutive. Dans ce cas, on ne peut pas joindre le titre juridique (un contrat) qui serait le
fondement du droit réel.
!
!
Il faut alors joindre une pièce justificative qui prouve qu’on remplit les conditions légales de constitution du droit
réel légal (un jugement). C’est toujours un jugement qui permet de prouver. Parfois, la loi prévoit que le droit réel
légal peut être prouvé par un autre document, comme par exemple un certificat d’héritier.
b.
Le droit de disposition du requérant
Qui peut demander l’écriture au RF ?
!
!
Celui qui concède un droit réel ou qui diminue son droit réel a la qualité pour déposer la réquisition. Exemples :
-
Dans une donation immobilière, c’est le donateur qui peut requérir.
Pour une servitude, c’est celui qui crée la servitude sur son terrain qui peut requérir.
Pour le gage, c’est le propriétaire qui crée le gage qui peut requérir.
!
L’art. 963 al. 1 CC prévoit cette solution pour l’inscription au sens positif, c’est-à-dire pour inscrire un nouveau droit ou
un transfert de droit. L’art. 964 CC régit la même situation mais pour la modification ou la radiation de droits.
!
❖
L’art. 964 CC parle de celui qui « confère des droits ». Ca va même plus loin que ce qu’on vient de voir (celui qui
concède ou diminue son droit réel).
!
Exemple : Il y a un fond 1 qui est dominant d’une servitude de passage sur le fond servant 2. Le propriétaire 1 et le
propriétaire 2 se mettent d’accord pour biffer la servitude de passage dans le grand livre. Sur le fond 1, il y a un
usufruit et deux gages immobiliers.
!
1
!
!
2
!
!
L
e
propriétaire 1 ne peut pas signer tout seul la réquisition car l’art. 964 CC exige que doivent
ê t r e
d’accord tout ceux à qui l’inscription confère des droits. Comme l’usufruitier se voit conférer
des droits par l’inscription (il jouit du passage), donc l’usufruitier doit signer la radiation.
Les créanciers gagistes doivent aussi signer car si on supprime la servitude, la valeur du fond dominant sur lequel
ils ont un gage va avoir moins de valeur car la servitude n’existera plus sur le fond servant, ce qui abaissera la
valeur de leur gage sur le fond dominant.
106
2014-2015
!
!
!
Précis : La radiation peut affecter les droits d’autres personnes que le titulaire du droit à éteindre ; ces personnes
doivent alors consentir à la radiation (art. 964 al. 1). Par exemple, la radiation d’une servitude foncière peut léser
les créanciers ayant acquis un droit de gage sur le fonds dominant après la constitution de la servitude.
c.
1)
2)
3)
4)
!
!
!
§4
Les autres conditions
!
!
!
Déposer le titre, on l’a vu.
Les éléments graphiques. Il peut y avoir des plans, des indications graphiques dans certains cas. Par exemple,
si on divise une parcelle, il faut fournir les plans.
Avoir l’exercice des droits civils.
L’art. 954 CC prévoit que comme toute inscription au RF demande du travail, il faut payer une taxe causale
tarifiée par les cantons. Les cantons peuvent exiger le règlement de l’émolument avant de faire l’écriture.
Quid de l’extension de cette règle à d’autres contributions publiques que l’émolument prévu à l’art. 954 CC ?
Certains cantons ont voulu étendre cette règle aux droits de mutation (= un impôt indirect réglé par le droit
cantonal). Le TF l’a admis dans le JdT 1958 I 16. Mais dans l’ATF 106 II 81, pour les biens immobiliers qui
apportent un revenu, on ne peut pas percevoir un impôt sur ces revenus.
La décision du conservateur et le recours
Jusqu’ici on a vu le problème du côté de la partie qui demande l’écriture. Maintenant, on regarde le problème du côté
du conservateur qui reçoit la demande de l’écriture. Toute demande qui arrive doit être traitée par le conservateur. Il a
un examen à opérer et on va regarder ici l’examen fait par le conservateur.
!
!
!
!
a.
Les vérifications du conservateur du registre foncier
Le conservateur doit vérifier les éléments suivants :
1)
Le conservateur doit vérifier sa compétence. Il faut regarder si l’immeuble est dans son arrondissement ou non.
2)
Le numerus clausus. Le conservateur doit d’office toujours vérifier si le droit qu’on lui demande d’inscrire
entre dans le numerus clausus. Il doit rejeter d’office s’il voit que ce n’est pas le cas. Ca se fait d’office et il a
un plein pouvoir d’examen.
!
3)
!
Le requérant doit avoir l’exercice des droits civils tout comme son représentant. Le conservateur peut-il
enquêter sur la question ? Ca dépend de la restriction de la capacité civile :
-
!
-
!
4)
!
5)
!
Si c’est une mesure de protection de l’adulte, en principe le conservateur peut aller se renseigner
auprès de l’autorité de protection de l’adulte.
Si c’est le discernement qui pose problème, le conservateur n’a pas de pouvoir d’examen. Il ne peut
pas imposer une expertise médicale ou psychiatrique au requérant.
Il doit vérifier l’identité de la personne qui écrit. Il y a signature mais est-ce vraiment la signature de la bonne
personne ? S’il n’est pas convaincu que c’est la bonne personne, l’ORC prévoit qu’il peut exiger une
authentification de la signature.
Le titre. L’essentiel du travail du conservateur porte sur le titre. Comme l’écriture n’est justifiée que si le titre
est efficace, le conservateur doit examiner l’efficacité du titre. Il y a 2 aspects dans cet examen :
107
2014-2015
!
-
Examen de la forme de l’acte. La forme pour les inscriptions au RF est en principe la forme
authentique. Le conservateur va vérifier si la forme authentique est respectée. Si la loi prévoit qu’il
faut la forme authentique pour tel acte et que ça n’a pas été fait, il ne doit pas l’inscrire.
-
Examen du contenu matériel. Le pouvoir du conservateur est restreint pour le contenu. Il ne peut
refuser un acte dont il pense que le contenu est illicite que si c’est manifestement illicite. Si quelqu’un
se plaint en disant qu’il était dans l’erreur, le conservateur n’a pas à regarder s’il y a vraiment un vice
qui justifierait une annulation. Même une lésion qui peut être flagrante ne peut pas être examinée par
le conservateur.
!
Il ne faut pas confondre ce qui relève du contenu de l’acte de ce qui relève des justificatifs de la réquisition.
L’examen pour le contrôle des justificatifs de la réquisition est complet ! S’il manque une pièce, le
conservateur a un pouvoir complet.
!
!
b.
Le recours
Il est prévu aux art. 956a et 956b CC. Le principe est qu’on va d’abord devant l’autorité de surveillance de l’art. 956
CC.
!
L’art. 956b al. 1 CC prévoit que le délai de recours devant l’instance cantonale est de 30 jours. Les délais différents qui
existent au niveau cantonal en matière administrative s’effacent car le CC prévoit un délai de 30 jours. Par contre, la
procédure de recours est régie par le droit cantonal de la juridiction administrative et pour le recours au TF, c’est la LTF
qui s’applique.
!
❖
La qualité pour recourir. Elle est prévue à l’art. 956a al. 2 CC :
!
1) Les personnes. Il faut un intérêt digne de protection. Ca correspond à la qualité pour recourir devant le TF car
on retrouve l’exigence de l’intérêt digne de protection à l’art. 76 LTF dans le recours en matière civile.
!
!
Qui a un intérêt digne de protection à recourir ?
Le requérant.
Le partenaire contractuel qui voit l’acte non inscrit car pas valable. C’est par exemple l’acheteur qui
ne peut pas devenir propriétaire, même si c’est le vendeur qui est requérant.
Le TF a admis que le notaire qui a fait l’acte refusé peut personnellement recourir (pas comme
mandataire mais en son propre nom) (JdT 1991 I 553). Ca va pour les vices de forme mais aussi pour
les vices de contenu de l’acte.
2) L’autorité cantonale de surveillance cantonale.
!
!
!
-
3) La Confédération peut recourir jusqu’au TF si elle n’est pas contente du travail fait par l’office du RF cantonal.
❖
Les actes attaquables :
-
!
!
La plupart des recours portent sur le refus de l’inscription d’un acte. Le conservateur refuse l’acte car il pense
qu’il y a un vice.
-
Les décisions sur la consultation du RF.
-
L’art. 969 CC prévoit que le conservateur doit faire des communications officielles. S’il décide de ne pas les
faire, c’est une décision susceptible de recours selon l’art. 956a CC.
!
En revanche, l’art. 956a al. 3 CC exclut le recours quand l’inscription a été faite au grand livre. La décision selon
laquelle le conservateur accepte d’inscrire l’acte au RC n’est pas susceptible de recours. La seule manière de
corriger le RF si le conservateur s’est trompé est de faire une action en correction du RF au sens des art. 975 à 977
CC. Seul le juge peut être saisi de ce recours.
108
2014-2015
!
!
Donc en principe, seul le refus d’inscription peut être attaqué.
Précis : La surveillance juridictionnelle s’exerce par l’intermédiaire des recours qui peuvent être faits contre les
décisions des offices de RF (art. 956a ss CC). Selon l’art. 956a al. 1, les cantons doivent mettre en place une autorité
cantonale de recours. Selon l’art. 956a, les décisions de l’Office du RC peuvent faire l’objet d’un recours (al. 1), à
l’exclusion de celles par lesquelles l’office a procédé à une inscription ou à une annotation au grand livre, ou à leur
modification ou radiation (al. 3). Toutes les décisions de l’office du RF, à l’exclusion de celles par lesquelles il admet
une réquisition tendant à une opération au grand livre sont susceptibles d’être attaquées par la voie d’un recours.
!
!
§5
Le droit réel immobilier sans titulaire connu ou atteignable
Il arrive que le RF ne puisse pas communiquer avec le titulaire d’un droit réel pour plusieurs sortes de raisons : le
titulaire du droit réel n’est pas connu (par exemple, les héritiers veulent faire une inscription au RF, mais le défunt était
un petit cousin au Canada qu’ils ne connaissent pas), le titulaire a disparu, on ne peut pas le joindre, etc. Il y a des
situations où le RF doit atteindre le titulaire et on n’arrive pas à avoir une réponse de lui.
!
On a alors créé des cas de représentation en vertu des droits réels pour trouver une solution à cette situation. On a les
art. 666a et 666b CC pour le droit de propriété, l’art. 781a CC pour les servitudes, l’art. 823 CC pour les gages
mobiliers. Il y a une possibilité de désignation judiciaire d’un représentant pour représenter le titulaire qu’on ne peut pas
joindre.
!
La procédure est gracieuse. Elle est aussi sommaire. C’est le lieu de situation de l’immeuble (art. 20 CPC) qui est le for
déterminant.
!
Ces dispositions font un peu double emploi. Pour les personnes physiques, on a dans le droit de la protection de
l’adulte, des curatelles de coopération et de gestion. Il est difficile de coordonner les compétences du curateur avec
celles du représentant désigné par ces articles.
!
!
!
§6
L’introduction du registre foncier en Suisse
a.
La mensuration officielle
On a vu que le plan est un élément préalable à l’inscription au RF. Faute d’avoir un plan performent, il ne peut pas y
avoir de vrai RF. Les art. 40 et 41 titre final CC prévoient qu’en principe le RF suppose d’abord l’élaboration de plans
selon la loi sur la géoinformation au sens de l’art. 950 CC. Avant de pouvoir introduire un RF en Suisse, il a fallu faire
les plans.
!
Ces plans nécessitent un grand travail de mensuration. La révision des plans qui existaient auparavant demande en plus
un investissement financier important et c’est à la charge des cantons.
!
!
b.
L’établissement du registre foncier
Pour que le RF soit introduit, il faut un plan répondant aux exigences du droit fédéral mais il faut en plus une opération
de transcription (art. 43 et 44 titre final CC). Il y a une double opération :
!
1)
!
2)
!
Dans les anciens RF cantonaux, les droits réels qui y étaient inscrits doivent être transposés dans le nouveau
registre fédéral (art. 43 al. 1 titre final CC).
Il faut encore une sommation publique adressée à tout intéressé qui prétendrait avoir un droit réel sur le terrain
pour qu’il s’adresse dans un délai péremptoire (art. 43 al. 2 titre final CC).
Si on ne s’annonce pas dans le délai, on risque l’art. 44 al. 1 titre final CC qui prévoit qu’il y a un risque de
perdre le droit réel ancien face à un acquéreur de bonne foi. L’art. 44 al. 2 titre final CC prévoit que les cantons
peuvent aller plus loin. Les cantons peuvent prévoir que tous les vieux droits réels d’avant 1912 seront abolis.
109
2014-2015
!
Précis : En principe, l’introduction du RF ne peut avoir lieu qu’après mensuration officielle du sol ; toutefois, avec
l’assentiment du Conseil fédéral, il est possible d’introduire le RF auparavant, s’il existe un état des immeubles
suffisamment exact (art. 40 T.f.). La procédure d’établissement du RF fédéral est déterminée par le droit cantonal ;
l’art. 43 T.f. précise toutefois que les droits figurant dans les anciens registres publics (cadastres cantonaux) doivent
être reportés d’office et que, pour le reste, tous les intéressés doivent être invités, par sommation publique, à faire
connaître les droits qui ne seraient pas inscrits dans les anciens registres.
!
!
Les territoires sans registre foncier fédéral
!
!
1)
Ceux qui ont entièrement réalisé l’application du RF fédéral. C’est comme ça dans le canton de Vaud.
2)
Ceux qui ont encore des territoires où il y a un vieux registre cantonal mais ces vieux registres sont
suffisamment bons pour être considérés comme le RF fédéral (art. 46 titre final CC). C’est ainsi à Neuchâtel et
Fribourg. On applique les règles du CC au RF fédéral mais aussi au registre cantonal qui est considéré comme
le RF fédéral.
c.
Plusieurs cantons n’ont toujours pas de RF fédéral. La raison est que dans certains cantons notamment à montagnes, les
mensurations sont très coûteuses et ça prend beaucoup de temps. Il y a 3 catégories de cantons dans le droit transitoire :
!
!
3)
!
!
!
§7
Précis : Dans quelques cantons, les institutions de publicité foncière étaient suffisamment sûres, précises et
complètes pour être jugées équivalentes au RC fédéral. Les cantons concernés ont alors pu, conformément à
l’art. 46 T.f. définir les formalités exactes qui produisent tous les effets du RF fédéral.
Ceux qui n’ont ni le RF fédéral, ni des formes de publicité cantonale suffisamment bonnes pour être
considérées comme un RF fédéral. Dans ce cas, l’art. 48 al. 3 titre final CC prévoit que l’acquéreur de bonne
foi ne peut pas se fier au registre cantonal ancien. Il n’y a pas de protection de l’acquéreur de bonne foi de l’art.
973 CC pour les registres cantonaux anciens qui ne sont pas considérés comme un RF fédéral. Il n’y a pas de
foi publique de ces registres cantonaux.
Même si on a à faire à cette troisième catégorie, le CC s’applique quand même. Ca tient lieu de RF pour tous
les autres points sauf la foi publique. On applique toutes les règles du CC aux registres cantonaux sauf les
règles sur la protection de l’acquéreur de bonne foi.
Le registre foncier vaudois
Le canton de Vaud a introduit un vrai RF en 1882. C’était un vrai RF avec effet de foi publique positif et négatif. Il y
avait protection de l’acquéreur de bonne foi. Lorsqu’Eugen Huber a dû choisir entre les différents systèmes, il a choisi
le modèle de Bâle-Ville, proche du système vaudois. La différence entre le système vaudois et bâlois est que dans le
système vaudois il fallait se référer dans l’intitulé à un numéro, alors que ce n’était pas le cas dans le système bâlois.
!
Lorsqu’on a formellement introduit le RF fédéral fondé sur le modèle de Bâle-Ville on a dû modifier un peu notre
système vaudois pour le rendre compatible avec le RF fédéral.
!
!
!
TITRE III – LES DIFFRENTES ECRITURES AU REGISTRE FONCIER
Chap. Ier
Les inscriptions (pro memoria)
Les inscriptions sont ce qu’on a déjà traité dans le titre II chap. II §§ 3 et 4 quand on a vu les conditions d’inscription au
RF. L’art. 958 CC est la disposition pertinente. Tout ce qui concerne la propriété, les servitudes et les charges foncières
et les droits de gage font l’objet d’une inscription au sens technique.
!
Il y a 3 types d’écriture : inscription, annotation et mention. On va voir les annotations et les mentions dans les chapitres
suivants. On peut déjà dire qu’une mention ne bénéficie pas de la foi publique. En revanche, les annotations bénéficient
de la foi publique. On peut s’y fier de bonne foi pour en déduire des droits et des obligations.
110
2014-2015
!
Le CC parle des annotations dans 3 articles : art. 959, 960 et 961 CC. On y a ajouté un art. 961a CC qui prévoit que
l’annotation n’empêche pas l’inscription d’un droit de rang postérieur, on y reviendra.
!
Le système de classification n’est pas bon du point de vue systématique. L’annotation déclarative se trouve dans
plusieurs de ces dispositions, tout comme l’annotation constitutive. La classification entre ces 3 articles ne se fait pas
selon l’annotation déclarative et selon l’annotation constitutive : les 2 types d’annotation sont mélangés dans ces 3
articles. On aurait pu imaginer un article qui traite de l’annotation déclarative et un article qui traite de l’annotation
constitutive, mais ce n’est pas le cas.
!
Le point commun est qu’on veut faire apparaître un rapport de droit lié à l’immeuble dans le RF. Ce rapport de droit
peut être :
!
-
!
Inscription déclarative. L’inscription est déclarative lorsque le droit absolu existe déjà avant l’inscription (on ne
fait que de rendre visible ce qui lie déjà tout le monde).
Inscription constitutive : l’effet ne lie le tiers que depuis l’annotation. Avant l’annotation, il n’y a pas encore de
droit absolu.
Chap. II
Les annotations déclaratives
§ 1er
Classification
L’annotation déclarative ne fait que de rendre visible un rapport de droit déjà opposable au tiers avant l’écriture. Le
droit réel existe déjà avant l’écriture.
!
C’est utile car dans certains cas le droit absolu n’est pas opposable au tiers de bonne foi s’il n’est pas inscrit au RF. Un
tiers de bonne foi peut être protégé au dépit d’un rapport de droit absolu. Pour que ce rapport de droit soit opposable au
tiers de bonne foi, il faut qu’il soit annoté au RF. L’annotation supprime la bonne foi du tiers : personne ne peut ignorer
ce qui se trouve dans le RF. L’inscription déclarative sert à exclure une acquisition de bonne foi au préjudice d’un
rapport de droit.
!
Il y a 3 types d’annotation : droit de réalisation forcée (art. 960 al. 1 ch. 2 CC), inscription provisoire d’un droit réel
allégué (art. 961 al. 1 ch. 1 CC), annotation d’une inscription provisoire pour complément de légitimation (art. 961 al. 1
ch. 2 CC). Dans les 3 cas, il y a un rapport de droit absolu déjà avant l’annotation.
!
Quand le créancier saisit un bien du débiteur, la saisie est opposable aux tiers en vertu de la LP. C’est déjà un droit
absolu. Ce n’est pas un droit réel mais une mainmise par l’office qui est opposable au tiers.
!
Dans l’art. 960 al. 1 ch. 1 CC, celui qui allègue avoir un droit réel et qui veut le faire inscrire, si le droit réel existe
comme il le prétend, le droit est absolu et est opposable aux tiers. C’est pareil pour le cas de l’art. 960 al. 1 ch. 2 CC.
§2
!
!
!
Annotation d’un droit de réalisation forcée
C’est l’art. 960 al. 1 ch. 2 CC.
Dans l’ancien droit, la faillite et pas seulement la saisie était prévue à cet article. Mais ça a été supprimé. Pourquoi ?
Lorsqu’une faillite est prononcée, c’est fait par jugement. Le tribunal de la faillite rend une décision qui est censée être
universellement connue. C’est possible car ce sera publié dans la FOSC, il y a une publicité. Mais dès le moment où le
jugement est rendu, elle est censée connue de tous. L’annotation était donc inutile : aucun tiers de bonne foi pourra
acquérir l’objet. Donc la faillite a disparu du ch. 2. La faillite fait cependant l’objet d’une mention au RF.
!
!
On admet qu’un séquestre (art. 271 ss LP) peut aussi être annoté en vertu de l’art. 960 al. 1 ch. 2 CC.
Cet art. 960 al. 1 ch. 2 CC permet aux créanciers qui ont saisi l’immeuble du débiteur d’être mis à l’abri du risque de
voir un tiers acquérir de bonne foi l’immeuble. C’est pareil en cas de séquestre on vient de le voir.
!
111
2014-2015
§3
Inscription provisoire d’un droit réel allégué
!
!
C’est l’art. 961 al. 1 ch. 1 CC.
Ca vise le cas d’un droit réel qui n’est pas au RF mais qui existe quand même en dehors du RF. C’est bizarre car le droit
réel immobilier en principe doit être inscrit au RF pour exister. Mais on verra qu’il y a des droits réels qui ne nécessitent
pas d’inscription. Il y a des cas où le droit réel existe mais n’apparaît pas dans le RF.
!
Celui qui prétend avoir un droit réel qui n’est pas indiqué au RF doit corriger le RF. C’est une action en rectification au
sens des art. 975 ss CC. Cette action est dirigée contre celui qui a l’objet sur lequel se trouvera le droit réel allégué.
!
❖
!
Pendant la durée du procès, il y a un risque que le droit réel allégué disparaisse par une acquisition d’un tiers de
bonne foi. Par exemple, le propriétaire de l’objet vend l’objet pendant le procès à un tiers de bonne foi (il ne
savait pas qu’un droit existait). Donc pendant le procès, on obtient dès le début une annotation provisoire.
L’annotation indique qu’une personne prétend avoir un droit réel sur l’immeuble mais il n’est pas indiqué qu’il y
a concrètement un droit réel sur l’immeuble. C’est une MP ! Ca empêche toute personne qui achèterait
l’immeuble pendant le procès d’être de bonne foi car ils doivent savoir qu’une personne allègue avoir un droit
réel sur l’immeuble.
Pour obtenir cette annotation, il faut que le droit allégué soit un droit réel. Si le droit n’est pas absolu, cette annotation
n’est pas possible.
!
Comment obtenir cette annotation ? En principe, c’est la personne qui prend le droit réel à sa charge qui doit faire
l’annotation. C’est en principe au propriétaire de l’immeuble de faire l’annotation. C’est la personne obligée/qui perd le
droit qui doit demander l’écriture au RF. Ici, c’est le jugement provisionnel qui va durer pendant toute la durée du
procès qui va permettre de faire l’écriture si les parties ne sont pas d’accord. Ca résulte de l’art. 961 al. 2 1ère phrase CC.
!
L’art. 961 al. 2 2ème phrase CC prévoit que l’annotation provisoire a un effet rétroactif. Une annotation est faite sur la
base d’un jugement provisionnel. Puis, on inscrit un gage, puis une servitude. Puis intervient le jugement définitif qui
dit que le droit réel allégué existe bien. Le rang du droit réel allégué constitué définitivement au moment du jugement
définitif rétroagit au moment du jugement provisoire. Il aura un rang préférable au gage et à la servitude qui ont été
inscrits pendant la durée du procès. On passe devant les autres écritures faites pendant la durée du procès. L’art. 961a
CC confirme cette solution.
!
Lorsque le jugement est définitif et que le demandeur gagne, il faut faire une inscription au sens strict.
Jugement
provisionnel qui
permet
l’annotation
❖
Inscription
d’un gage
Inscription
d’une
servitude
Jugement définitif
constant ou non le
Rétroagit
!
!
!
!
Procédure. L’art. 961 al. 3 CC régit la procédure.
En principe, le jugement
définitif doit mettre un terme à l’annotation (si le demandeur perd le procès) ou alors on remplace l’écriture par
une inscription avec effet rétroactif (si le demandeur gagne le procès).
!
Quand on obtient l’annotation par MP avec le jugement provisoire, l’al. 3 prévoit qu’il faut ouvrir le procès au
fond contre le défendeur dans un certain délai. C’est un délai judiciaire, c’est-à-dire fixé par le juge.
!
!
§4
Avant le CPC, on se demandait si les cantons pouvaient fixer une prolongation de délai. Avec le CPC, la question
est toujours ouverte. JdT 2014 III 16 : cet arrêt cantonal a tendance a dire que le CPC permet de combler les
lacunes de l’art. 961 al. 3 CC.
L’annotation d’une inscription provisoire pour complément de légitimation
112
2014-2015
!
!
C’est l’art. 961 al. 1 ch. 2 CC. On a une règle complémentaire à l’art. 966 CC.
On vise le cas où on présente une demande d’écriture au RF mais il nous manque qu’un seul document. Le conservateur
ne va pas faire du formalisme excessif et tout refuser mais va juste mettre en suspend le temps que le demandeur
apporte le document manquant.
!
La question qui se pose : quid de l’immeuble pendant le laps de temps entre la mise en suspension et l’apport du
document manquant si d’autres droits réels se créent pendant cette période ? Le législateur estime qu’il y a un besoin de
protection nécessaire contre l’acquisition de bonne foi. Il faut trouver un mécanisme de protection qui rend la demande
d’écriture visible pour les tiers.
!
A l’art. 961 al. 1 ch. 2 CC, la protection est inutile. On a vu avec l’art. 948 CC que le journal contient une liste
chronologique qui a la foi publique. Quand un tiers achète l’immeuble ou acquiert un droit sur l’immeuble, il est censé
connaître les demandes d’écritures faites sur l’immeuble en question. Donc le risque qu’un tiers de bonne foi acquière
un droit sur l’immeuble n’existe pas. Il ne peut plus y avoir de tiers de bonne foi. C’est déjà opposable aux tiers.
!
!
!
!
!
!
Donc en pratique l’annotation de l’art. 961 al. 1 ch. 2 CC ne s’applique pas.
Chap. III
Les annotations constitutives
§1
Classification et effets généraux
a.
Les cas d’annotation constitutive en général
Les cas d’annotations constitutives sont les suivantes :
-
!
L’art. 960 al. 1 ch. 1 CC.
L’art. 960 al. 1 ch. 3 CC.
L’art. 959 CC.
Il n’y a pas un rapport de droit absolu avant l’annotation. Le rapport de droit absolu est créé avec l’annotation.
L’écriture a un effet d’opposabilité aux tiers.
!
!
b.
Analyse des effets juridiques communs
L’art. 959 al. 2 CC prévoit l’effet de l’annotation constitutive : les droits personnels deviennent opposables à tout droit
postérieurement acquis sur l’immeuble. Il y a un effet d’opposabilité à l’égard des tiers.
!
!
Comment un droit personnel peut, par une inscription au RF, avoir des effets absolus ? Il y a plusieurs théories :
-
!
-
!
!
Ancienne théorie. Il y a un mélange d’éléments personnels et réels. Il y a un peu de contrat et un peu de droit réel.
Les 2 sont fusionnés grâce à l’écriture. Un droit absolu qui est aussi relatif ne peut pas se concevoir donc cette
théorie n’est pas valable.
La bonne construction juridique est celle qu’a retenu le TF à l’ATF 104 II 170 = JdT 1979 I 68. Avec l’annotation,
le droit relatif reste un droit relatif. Il ne change pas de nature après l’écriture. Un bail à loyer reste un bail à loyer
après l’annotation. L’annotation par contre ajoute au droit personnel un droit réel accessoire : en plus du rapport
conventionnel qui ne crée que des créances, une des créance est doublée d’un effet réel.
Exemple : On a un bail à loyer et on peut occuper une certaine surface. Si le bail est annoté, on a toujours une
créance contre le bailleur. Mais cette créance est doublée d’un effet réel : vis-à-vis d’autres personnes, le droit est
considéré comme un droit réel (droit d’usage par exemple). Les tiers doivent s’effacer devant notre droit. Aucun
tiers ne peut nous chasser de notre bail.
113
2014-2015
Cette construction a des conséquences dans la réalisation forcée. Comme l’annotation constitutive crée un droit
réel accessoire, ce droit réel accessoire va être opposable aux créanciers du propriétaire. C’est un droit de
préférence. Si l’immeuble est annoté, le droit réel l’emporte sur la saisie ou la faillite.
!
On avait vu que lorsqu’un droit de gage est plus ancien qu’une servitude, la servitude qui vient après lui peut
disparaître par une double mise à prix. L’annotation est traitée comme une servitude, comme une charge réelle sur
l’immeuble. L’annotation doit aussi faire l’objet d’une double mise à prix (ATF 111 III 26 = JdT 1987 I 136).
Il peut y avoir protection de la bonne foi par la publicité qu’est l’annotation. Un contrat de bail entre un locataire et un
bailleur est annoté au RF. Le contrat est doublé d’une annotation au RF. Le locataire cède son contrat à un nouveau
locataire (possible pour les baux commerciaux). Le contrat passe au nouveau locataire. Imaginons qu’il y a une erreur
au RF : l’annotation a été mal portée au RF. L’annotation n’aurait pas dû être faite mais malgré le vice, l’annotation va
protéger le tiers de bonne foi, c’est-à-dire le nouveau locataire ici. Donc le nouveau locataire aura en plus du contrat
avec le bailleur une annotation au RF. Le droit réel accessoire qui n’aurait pas dû être inscrit existera quand même avec
le nouveau locataire.
Par contre si le vice porte sur un vice du consentement, le RF ne donne aucune indication sur la conclusion et la validité
du contrat, donc dans ce cas aucun tiers de bonne foi ne pourrait être protégé.
!
!
On va voir maintenant les cas d’annotation constitutive.
§2
!
!
Annotation d’une décision officielle rendue pour la conservation de droits litigieux ou de prétentions
exécutoires
C’est prévu à l’art. 960 al. 1 ch. 1 CC.
Les droits litigieux et prétentions exécutoires ne sont pas définis dans la loi, mais tout le monde est d’accord de dire que
ce sont des droits personnels/de créance. Ce sont des droits personnels qui tendent à l’obtention de l’écriture au RF. On
ne va pas différencier ces 2 types de droits (droits litigieux et prétentions exécutoires). C’est une créance qui tend à
obtenir une écriture mais qui ne peut pas être aujourd’hui exécutée.
!
Exemple : le contrat de vente immobilière permet à l’acheteur d’obtenir la propriété de l’immeuble et donc ça confère à
l’acheteur une créance exécutoire au transfert de la propriété. Il y a un engagement et l’engagement donne droit à une
partie de faire une écriture au RF.
Lorsque l’exécution ne se fait pas aux conditions prévues, il y a un risque que l’immeuble vendu à l’acheteur A sera
vendu peut-être ensuite à un acheteur B à des conditions plus intéressantes pour le vendeur. Il y a un risque qu’un
acquéreur vienne empêcher l’exécution du contrat. La différence avec les cas d’annotation déclarative est que le risque
d’acquisition par un tiers n’est pas seulement par un tiers de bonne foi mais aussi par un tiers de mauvaise foi. Si
l’acheteur B est de mauvaise foi, il acquerra la propriété du terrain car il n’est pas parti à la convention ! La prétention à
l’écriture risque d’être entravée.
!
➔
!
Le législateur a alors prévu cette possibilité d’annotation. L’annotation va constituer un droit réel accessoire
qui va doubler la prétention de l’acheteur en transfert de la propriété d’un droit réel accessoire.
Ce droit réel accessoire n’est là qu’à titre provisoire, il n’a pas une durée éternelle. Comme il s’agit d’une prétention
litigieuse, le droit réel accessoire n’est possible que jusqu’à droit connu, c’est-à-dire jusqu’au règlement du différend.
On obtient ce droit réel accessoire par MP selon les art. 261 ss CPC.
!
A l’art. 960 al. 1 ch. 1 CC, on obtient l’annotation par jugement provisionnel. Puis, d’autres droits peuvent être inscrits
sur l’immeuble pendant la durée du procès. Mais lorsque le jugement définitif donne raison au demandeur, le droit va
rétroagir avec effet rétroactif au moment du jugement provisoire. C’est la même chose que ce qu’on a vu plus haut.
Dans notre exemple avec l’acheteur, le droit qui va rétroagir sera un droit de propriété sur l’immeuble. Le droit de
propriété est accordé au moment du jugement définitif mais il va rétroagir jusqu’au moment du jugement provisoire.
Donc tous les droits réels constitués pendant la durée du procès vont tomber. C’est ce que dit l’art. 960 al. 2 CC.
114
!
❖
2014-2015
Une question non tranchée : peut-on obtenir la protection de l’art. 960 al. 1 ch. 1 CC non pas pour obtenir une
écriture en vertu d’un contrat mais pour empêcher une écriture en vertu du contrat ? Un propriétaire promet qu’il
ne vendra pas l’immeuble pendant 10 ans à un intéressé. Pour garantir la promesse, l’intéressé peut-il obtenir une
annotation ? Ce serait une prétention exécutoire.
!
!
❖
La doctrine majoritaire estime que ce n’est pas possible. L’écriture positive est possible (inscrire quelque chose de
nouveau), mais l’écriture négative n’est pas possible.
Le vrai blocage du RF. Le juge, par MP, ne dit pas qu’il annote telle parcelle mais dit qu’il interdit toute
annotation sur telle parcelle. On dit au conservateur qu’il ne peut plus rien annoter sur une parcelle. C’est un
mécanisme plus grave que l’annotation car avec l’annotation on peut toujours inscrire alors qu’avec le blocage
c’est interdit. Le CPC à l’art. 262 prévoit ce mécanisme mais en réalité il n’a une vocation que subsidiairement
par rapport à l’annotation.
!
!
!
!
§3
L’art. 178 CPC prévoit un mécanisme qui va presque toujours primer l’art. 262 CPC donc il n’y a presque plus de
cas possible de vrai blocage.
L’annotation d’une substitution fidéicommissaire
C’est l’art. 960 al. 1 ch. 3 CC.
La substitution fidéicommissaire est prévue aux art. 488 ss CC. C’est une succession différée dans le temps : un premier
successeur hérite par testament, puis vient un appelé. Ici, on vise le cas où le bien substitué est un immeuble. Par contre,
l’annotation ne s’applique pas aux cas où dans le patrimoine successoral l’argent de la succession a servi à acheter un
immeuble par le grevé. Il faut que l’immeuble soit dès le début dans le patrimoine du de cujus.
!
Ce mécanisme de la substitution fidéicommissaire donne lieu à une controverse qui affecte l’application de l’art. 960 al.
1 ch. 3 CC :
!
1)
!
!
2)
!
L’appelé, pendant la propriété du grevé, a déjà un droit réel expectatif opposable aux tiers. L’immeuble va au
grevé au décès du de cujus et avant que la substitution ne s’ouvre, l’appelé a déjà un droit sur le bien et ce droit
serait déjà un droit absolu. C’est particulier car l’appelé peut ne pas exister et il aurait déjà un droit réel alors
qu’il n’existe pas. Cette théorie ne marche pas.
Si on appliquait cette théorie, l’annotation serait déclarative car le droit est absolu.
Le droit de l’appelé est un droit personnel qui porte sur les valeurs qu’il ne retrouve pas au moment de
l’ouverture de la substitution. C’est une créance en restitution contre tout propriétaire des biens et l’annotation
portée sur l’immeuble va faire que tout propriétaire de l’immeuble devra le rendre à l’appelé. L’appelé a un
droit personnel en restitution de l’immeuble contre celui qui a acquis l’immeuble car la créance est annotée au
RF. C’est la bonne théorie.
En appliquant cette théorie, l’annotation est constitutive car le droit n’est pas absolu mais relatif.
Selon la 2ème théorie qui est la bonne, comme c’est une créance en restitution, l’annotation est donc bien constitutive. Si
on adoptait la première théorie, l’annotation serait déclarative car le droit est absolu (il a déjà une expectative de droit
réel).
!
!
!
§4
L’annotation de droits personnels selon l’art. 959 CC
a.
Numerus clausus
115
2014-2015
L’art. 959 al. 1 CC énumère un certain nombre de cas d’annotations de droits personnels (annotation constitutive) mais
la liste de cet article est exemplative : il y a d’autres cas. En effet, il réserve les cas expressément prévu par la loi. Si on
fait la liste des cas expressément prévus par la loi, on arrive à un numerus clausus.
!
!
Il y a un numerus clausus des annotations de droits personnels :
1)
!
2)
!
3)
!
4)
!
5)
!
6)
!
7)
!
8)
!
9)
!
Les droits d’emption, de préemption et de réméré (art. 959 al. 1 CC). C’est précisé aux art. 216 et 216a CO. Le
droit d’emption est le droit d’acheter à des conditions préfixées. Le droit de préemption est le droit de se porter
acheteur de l’immeuble par préférence. Le droit de réméré est le droit de racheter l’immeuble à des conditions
préfixées.
Le droit d’annotation pour un bail à loyer ou à ferme (art. 959 al. 1 CC). C’est précisé à l’art. 261b CO, et dont
l’art. 290 CO y renvoit.
Le droit de retour de l’immeuble donné (art. 247 CO). C’est un droit de retour prévu par le donateur. Le donateur
fait une donation mais dit que si jamais le donataire meurt avant lui, il veut redevenir propriétaire de l’immeuble.
C’est possible et on peut annoter cette clause au RF. Donc si un tiers a acheté l’immeuble au donataire, le tiers
devra le rendre au donateur.
Le droit de profiter des cases libres (art. 814 al. 3 CC). C’est une institution qui se rapporte aux gages immobiliers.
On verra cette institution plus loin dans le cours.
L’annotation de communauté d’ayants droits à une servitude (art. 740a al. 2 CC). Il y a une servitude par laquelle
on peut obtenir du chauffage. La chaufferie est commune à tous les bénéficiaires de la servitude. Il y a une sorte de
communauté d’ayants droits à une servitude. L’al. 2 prévoit qu’on peut bloquer le droit de se débarrasser de la
charge d’entretien de la chaufferie pendant 30 ans. On peut obliger pendant 30 ans aux ayants droits à s’occuper de
l’installation commune. Cette convention peut être annotée au RF.
Le cas de l’art. 650 al. 2 CC. C’est le droit de demander le partage qu’on se prive à exercer par convention entre
copropriétaires. On renonce à exercer le droit au partage. Ce sera annoté sur les parts de copropriété qui se
trouvent au RF.
Le cas de l’art. 850 al. 3 CO. C’est un cas spécial de coopérative. On peut annoter l’obligation d’être membre de la
coopérative. Il y a une possibilité d’attacher une qualité de membre d’une coopérative à un immeuble. Il faut que
ce soit prévu par les statuts.
Le cas de l’art. 39 LDFR. En cours de droit des successions, on avait qu’il y a une attribution préférentielle pour
l’exploitant ayant les capacités et la volonté de reprendre une entreprise en cas de successions. On retrouve aussi
une attribution préférentielle aux art. 36 ss LDFR en dehors d’une succession. On peut le faire annoter en vertu de
l’art. 39 LDFR.
Le cas de l’art. 779b al. 2 CC. La servitude de superficie donne la propriété d’un bâtiment sur le sol d’autrui. Elle
fait l’objet de plusieurs cas d’annotations regroupés à l’art. 779b al. 2 CC.
10) Le cas de l’art. 681b CC. On renonce par avance à un droit de préemption légal sur un terrain. La loi prévoit
directement, à la place du contrat, le droit d’être acheteur préférentiel en cas de vente d’un terrain (par exemple le
cas de l’art. 682 CC). Ca doit être annoté sinon ce ne sera pas opposable à l’acquéreur de la part.
!
!
!
11) Le cas de l’art. 712c CC. C’est ce qu’on appelle le droit d’opposition.
b.
Le rattachement propter rem du droit annoté
Dans tous ces cas, y compris dans ceux de l’art. 960 CC, il y a un rattachement propter rem créé par l’annotation de la
qualité du débiteur avec l’immeuble sur lequel l’écriture est faite.
!
116
2014-2015
Quand on a un droit d’emption et qu’il est annoté sur l’immeuble, cet effet propter rem fait que le débiteur du droit
d’emption (celui qui doit transférer l’immeuble à des conditions préfixées) sera toujours le propriétaire actuel de
l’immeuble. A partir du moment où l’immeuble est transféré en propriété, l’ancien débiteur est libéré et substitue par le
seul effet de l’annotation le nouveau propriétaire.
!
Raisonnement personnel : Le propriétaire 1 et un acheteur passent un contrat d’emption par lequel l’acheteur peut
acheter l’immeuble à des conditions préfixées. Tant que le contrat de vente n’est pas conclu, le propriétaire 1 peut
vendre son immeuble à un propriétaire 2. Selon le droit général des contrats, la créance du contrat d’emption qu’a
l’acheteur envers le propriétaire 1 est relative, mais comme l’obligation est propter rem étant donnée que c’est annoté,
l’obligation est liée à l’immeuble et donc ce sera le propriétaire 2 qui sera par le contrat d’emption.
!
JdT 1965 I 597 : c’est l’arrêt qui prévoit le rattachement propter rem. Si A a vendu le terrain à B, l’acheteur doit aller
vers B alors qu’auparavant il devait aller vers A. A est complétement libéré et c’est B qui est le débiteur.
!
Pour les 11 cas vus, il y a un rattachement propter rem. Par contre, la construction selon laquelle un droit réel accessoire
porte sur un droit personnel ne vaut pas pour tous les cas vus :
!
-
!
-
!
Pour les cas de l’art. 959 al. 1 CC (droits de préemption, emption et réméré et baux à ferme et à loyer), le droit du
retour du donateur (art. 247 CO) et le droit de profiter des cases libres (art. 814 al. 3 CC), on admet la construction
du droit réel accessoire.
Par contre, pour les 7 autres cas vus, ce sont tous des cas où il y a un effet propter rem. Par exemple à l’art. 650 al.
2 CC, si quelqu’un achète ma part alors qu’elle est annotée, l’acheteur devient propriétaire de ma part avec effet
propter rem. Il n’y a donc pas besoin de la construction du droit réel accessoire.
c.
Le titre de l’annotation
Le titre de l’annotation est toujours un acte juridique, en principe un contrat. Il y a une obligation, par contrat, d’aller
déposer la réquisition d’annotation. C’est celui qui diminue ses droits qui doit le faire. S’il ne le fait, il viole une
obligation contractuelle et peut y être forcé par jugement.
!
Le contrat est en principe toujours fait au moins par écrit. C’est une règle générale pour le RF. Il faut au moins un
document écrit pour faire une annotation. Dans la plupart des cas, la forme authentique est exigée. Dans tous les cas
vus, le document est toujours au moins écrit, à part le bail. Le bail pose problème car le bail est valable sans forme. S’il
y un bail oral qui doit être annoté, il faut aller en justice pour obliger le bailleur à reconnaître l’obligation d’annoter et
ensuite faire l’annotation.
!
!
!
!
!
!
!
d.
La procédure d’annotation
Elle est identique à celle qu’on a vue pour l’inscription.
§5
Les différents cas d’annotation de droits personnels selon l’art. 959 CC
a.
Généralités
On va voir les cas les plus importants d’annotations de droits personnels.
b.
Le droit d’emption
C’est le droit de se porter acheteur d’un immeuble à des conditions préfixées. Le titre de l’annotation est une convention
qui est passée en la forme authentique pour les immeubles selon l’art. 216 CO. Cette convention confère le droit de se
porter acheteur. La nature de cette convention est discutée dans la doctrine :
C’est une vente immobilière sous condition suspensive et potestative. La condition est suspensive car il n’y a
vente qu’avec l’exercice du droit d’emption et elle est potestative car c’est le bénéficiaire qui décide s’il y a vente
ou non.
!
117
2014-2015
-
!
C’est une convention qui confère un droit formateur à devenir propriétaire. On exerce un droit formateur avec le
droit d’emption.
La construction théorique est intéressante mais n’a pas d’incidence pratique à part dans le cas où il faut savoir si on peut
céder un droit d’emption :
!
-
!
Si on dit que c’est un droit formateur, c’est cessible car on peut tout à fait céder des droits.
Si on dit que c’est une vente sous condition suspensive et potestative, c’est un contrat et la cession n’est
possible qu’avec l’accord de l’autre partie, donc la cession ne serait pas possible.
Aujourd’hui, l’art. 216b CO résout le problème : le principe est que le droit d’emption est transmissible à cause de mort
mais incessible entre vifs.
!
La forme du droit d’emption est la forme authentique selon l’art. 216 CO. Une fois avoir signé le pacte d’emption, on
ne repasse pas devant un notaire pour l’exécution lorsque le contrat de vente sera conclu. Ca explique pourquoi la forme
authentique est exigée.
!
Avec l’art. 959 CC, le droit d’emption est propter rem et se transfère avec la propriété de l’immeuble. Chaque fois que
l’immeuble est transféré, la qualité de débiteur passe au nouveau propriétaire.
!
L’annotation du droit d’emption crée un droit réel accessoire on l’a vu. Ca a une incidence en exécution forcée. Un
immeuble faisait l’objet d’une exécution forcée. L’annotation était déjà là au moment où l’office des poursuites a mis la
main sur l’immeuble. Comme c’est un droit réel accessoire avec un droit de préférence, la prétention de l’empteur passe
devant les créanciers du propriétaire. Donc ça peut être exercé contre la masse en faillite du propriétaire.
!
L’ancien droit limitait dans le temps à 10 ans les effets de l’annotation d’emption et la durée du pacte n’était pas limitée
dans le temps. Dans le JdT 1977 II 558, le TF disait que le pacte d’emption peut être de durée indéterminée. La seule
limite possible est l’art. 27 CC quant à la durée.
!
Le nouveau droit a reporté le système dans le CO. L’art. 216a CO prévoit la durée de 10 ans aussi. La nouveauté
consiste en ce que cette durée vaut pour l’annotation mais aussi pour la convention. La différence est, qu’avant, la
convention pouvait être de durée indéterminée et qu’aujourd’hui elle ne peut pas dépasser 10 ans.
!
Il y a des droits d’emption particuliers. Ici, on a visé le droit d’emption personnel. Mais il y a aussi des droits d’emption
légaux : la loi crée l’obligation de transférer le terrain et les effets à l’égard des tiers. Ces droits existent en droit public
et en droit privé aux art. 25 ss LDFR qui prévoit un droit d’emption légal pour les parents sur des entreprises agricoles.
!
!
c.
Le droit de réméré
C’est un droit d’emption en faveur de l’ancien vendeur. On vend un terrain contre un prix mais on se réserve sur ce
terrain le droit de le racheter à certaines conditions.
!
Ce droit de rachat/réméré est configuré sur le droit d’emption, sauf que le titulaire est déterminé : l’ancien propriétaire.
Tout ce qu’on a vu sur le droit d’emption vaut exactement pour le droit de réméré.
!
La seule différence avec le droit d’emption est la durée. L’art. 216a CO prévoit que le plafond n’est pas de 10 ans mais
de 25 ans. L’engagement peut durer plus longtemps pour le droit de réméré que pour le droit d’emption.
!
!
!
Il y a aussi des droits de réméré légaux à l’art. 55 LDFR.
d.
Le droit de préemption
C’est le droit de se porter acheteur par préférence à l’acquéreur envisagé pour le vendeur. On prend la place de celui qui
aurait dû normalement acquérir le terrain. Ce droit de préemption a la même construction que le droit d’emption : on
retrouve les 2 constructions possibles.
118
2014-2015
!
Le droit de préemption pose le problème du cas de préemption. C’est l’hypothèse de la vente d’un immeuble. Qu’est-ce
qui est un cas de préemption et qu’est-ce qui ne l’est pas ? L’art. 216c CO codifie l’ancienne jurisprudence pour définir
ce qu’est une préemption. Exemples dans la jurisprudence :
!
-
L’échange de terrain (contrat d’échange) n’est pas un cas de préemption.
Le transfert d’immeubles en cas de liquidation d’une société n’est pas un cas de préemption.
La donation n’est pas un cas de préemption.
!
La loi parle à l’art. 216c CO de cas qui équivalent économiquement à une vente. Exemple : A la place de vendre son
terrain, le débiteur du droit de préemption a constitué un droit de superficie. Economiquement, ce droit de superficie
prenait toute la parcelle. On a considéré que c’est un cas de préemption, même si techniquement ce n’est pas une vente.
!
Il faut donc un cas de préemption, c’est-à-dire une vente de l’immeuble ou tout autre acte juridique qui équivaut
économiquement à une vente.
!
Si le cas de préemption survient, le propriétaire doit en informer le titulaire. C’est le propriétaire qui veut vendre qui
doit indiquer au préempteur qu’il envisage de conclure avec un autre acquéreur. C’est prévu à l’art. 216d al. 1 CO. Ce
devoir d’information est un devoir contractuel découlant du contrat d’emption. S’il est annoté au RF, le devoir
d’information est doublé par un avis du conservateur du RF qui doit aviser le préempteur. C’est prévu à l’art. 969 CC.
!
Cet avis fait partir un délai péremptoire pour exercer le droit de préemption. Ce délai est de 3 mois (art. 216e CO). Le
délai est péremptoire : si on laisse passer les 3 mois, on ne peut plus exercer le droit de préemption. Le délai part dès
que le préempteur sait que le vendeur veut vendre le terrain.
!
Pour que le droit de préemption soit exercé, il faut un contrat valable d’aliénation entre le propriétaire et le tiers. Si le
contrat n’est pas valable, il n’y a pas de cas de préemption. L’art. 216d al. 2 CO prévoit que le cas de préemption doit
être valable. On vise le cas où une partie ne fait pas sa prestation et l’autre résilie, le contrat est valable, donc il y a cas
préemption car il n’est simplement pas exécuté. Pareil si une autorisation administrative nécessaire a été refusée pour
des motifs tenant à la personne de l’acheteur. Le contrat reste valable.
!
L’art. 216d al. 2 CO ne prévoit pas ce qui se passe en cas de vice de la volonté. Selon Piotet, il n’y a pas de cas de
préemption car l’annulation du contrat est ex tunc. Le contrat n’est pas valable.
!
!
2 types de préemption sont prévus par la loi (art. 216d al. 3 CC) et la forme varie :
1)
Droit de préemption illimité. Les conditions du droit de préemption se fixent sur les conditions faites à
l’acquéreur. Le préempteur devra payer le prix convenu entre l’acquéreur et le propriétaire.
!
!
L’art. 216 al. 3 CO prévoit qu’il faut la forme écrite.
2)
Droit de préemption limité. On a prévu par avance les conditions d’exercice du droit de préemption. Le
préempteur et le propriétaire ont prévu le prix de vente. Donc peu importe le prix prévu entre l’acquéreur et le
propriétaire, si le préempteur exerce son droit de préemption, il paiera le prix qu’il a convenu avec le
propriétaire au préalable.
!
!
!
L’art. 216 al. 2 CO prévoit qu’il faut la forme authentique.
La durée est de 25 ans (art. 216a CO). Le plafond vaut pour la convention et pour l’annotation au RF.
❖
!
Il y a des droits de préemption légaux. La loi donne un droit à l’acquisition par préférence en cas de vente du
terrain à une personne qu’elle détermine. En droit public cantonal, ces droits de préemption sont assez fréquents.
En droit privé, il y a aussi des droits de préemptions légaux :
-
L’art. 682 al. 1 CC.
119
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!
!
!
-
L’art. 682 al. 2 CC.
Pour les droits de préemption légaux, on applique les règles générales sous réserve de ce qui est prévu à l’art. 681
CC. L’art. 681 al. 1 CC prévoit plus de cas de préemption qu’en cas de préemption prévus contractuellement. En
effet, ce n’est pas limité à la vente et aux opérations économiquement équivalentes à une vente. L’al. 3 prévoit que
les droits de préemption légaux ont un rang : ils priment les droits de préemption volontaires. Les droits de
préemption légaux priment les droits de préemption conventionnels.
L’exercice est calqué sur le régime conventionnel (art. 681a CO). L’al. 1 prévoit la même chose que pour le droit
conventionnel. L’al. 2 prévoit un délai de 3 mois dès la connaissance comme avec le droit conventionnel. Mais cet
al. 2 prévoit un autre délai qui est absolu : 2 ans dès l’inscription du nouveau propriétaire au RF. Il y a un délai
absolu qui n’existe pas avec le droit de préemption conventionnel.
Peut-on renoncer par avance au droit légal de préemption ? C’est possible mais l’art. 681b CC prévoit qu’il faut
respecter la forme authentique. On peut rattacher la renonciation à notre droit par une annotation. Exemple : le
copropriétaire renonce par avance à son droit de préemption légal aux autres parts. On peut annoter cette
renonciation au RF et ainsi tout acquéreur de la part du copropriétaire sera lié par la renonciation.
!
L’art. 681b al. 2 CC prévoit qu’il est possible de renoncer par écrit si le préempteur renonce dans un cas concret.
Pour telle vente, le préempteur renonce. Dans ce cas, il faut la forme écrite.
!
!
!
e.
Dans la LDFR, il y a aussi des cas de préemption légaux.
Le droit de retour du donateur
C’est l’art. 247 CO. On est dans le contrat de donation. Le droit de retour vise en principe la donation complète/entière.
Une donation mixte ou avec des charges n’entre pas dans le cadre de l’art. 247 CO.
!
Le droit de retour est le droit contractuellement réservé de reprendre l’objet si le donataire meurt avant le donateur.
C’est l’exercice d’un droit formateur. C’est donc les héritiers du donataire qui doivent rendre l’objet au donateur. Si le
donateur décède, l’exercice du droit ne passe pas à ses héritiers : c’est lié à la personne du donateur.
!
!
f.
Contrat de bail
C’est prévu à l’art. 261b CO. On renvoie depuis l’art. 290 CO à l’art. 261b CO donc ça vaut pour le bail à loyer mais
aussi à ferme. L’annotation est faite sans forme. Mais pour le RF, il faut un document qui permet de justifier le titre. Le
locataire doit dans ce cas aller en justice pour avoir un document écrit.
!
L’annotation du bail est faite à la réquisition du propriétaire de l’immeuble. C’est en principe lié à la durée du contrat de
bail mais le TF dit que le RF ne radie pas si la durée du bail est échue. Il faut demander la radiation pour que
l’annotation tombe.
!
L’art. 261b al. 2 CO prévoit que le nouveau propriétaire devient légalement bailleur même s’il ignore que l’immeuble
était loué. Le texte légal n’est pas clair, mais il faut comprendre que le nouveau propriétaire devient bel et bien bailleur.
!
!
Si le bail n’est pas annoté au RF, il y a une possibilité de résiliation extraordinaire prévue à l’art. 261 al. 2 CO.
L’annotation n’est plus utile aujourd’hui pour simplement obliger le nouveau propriétaire à continuer le bail. La loi
prévoit ce transfert donc l’annotation ne sert plus. Mais l’annotation est utile pour éviter le congé extraordinaire de l’art.
261 al. 2 CO.
!
g.
h.
!
Droit de profiter des cases libres (pro memoria)
Indivision forcée des titulaires de servitude (pro memoria).
On y reviendra plus loin.
120
2014-2015
Chap. IV
!
!
§ 1er
Les mentions
Nature et classification
La mention est la seule écriture portée sur le feuillet qui ne jouit pas de la foi publique du RF (=/ inscription et
annotation). La mention au RF est un rapport de droit indiqué présumé exact de manière réfragable selon l’art. 9 CC
mais personne ne peut s’appuyer sur la mention ou l’absence d’une mention pour en déduire des droits. La mention est
une écriture informative : aucune foi publique n’est attachée.
!
•
!
•
!
!
!
!
Il y a une distinction entre mention déclarative et constitutive. En principe, la mention est déclarative : le rapport
de droit existe avant l’inscription et s’il n’y a plus d’inscription, le rapport de droit continue à exister. Dans
certains cas, la mention est constitutive.
Il y a une distinction entre mention de droit privé et de droit public. La mention de droit public est prévue à l’art.
962 CC. On trouve les termes « durable » et « déterminé », mais ce sont des notions juridiques indéterminées.
Une ordonnance a été adoptée sur la base de l’al. 3, mais ces 2 termes n’y sont pas définis. Pratiquement, c’est
surtout le droit de l’aménagement du territoire qui fait l’objet de mentions de droit public. La mention de droit
public est requise au RF par la collectivité publique. C’est aussi à elle de faire en sorte qu’on enlève les mentions
qui n’ont plus lieu d’être (art. 962 al. 2 CC).
On va voir maintenant les mentions de droit privé.
§2
Les différentes mentions du droit privé
a.
Mention d’accessoires
Elle est prévue à l’art. 946 al. 2 CC. L’accessoire est celui de l’art. 644 CC. C’est un objet distinct mais qui est rattaché
fonctionnellement à la chose principale. Pour un immeuble, ce sont des objets mobiliers rattachés au fonctionnement de
l’immeuble. Par exemple : les machines d’une industrie, le mobilier d’un hôtel.
!
L’utilité de la mention de l’accessoire est de donner une garantie au créancier gagiste que l’immeuble vaut plus que
l’immeuble en tant que tel car il y a en plus les objets mobiliers accessoires. Le créancier gagiste impayé pourra
demander la vente de l’immeuble et en plus la vente des objets mobiliers accessoires.
!
Cette mention est indicative/informative car on peut toujours avoir un accessoire non mentionné. Un objet mobilier non
mentionné peut être quand même être un accessoire. Par exemple, l’hôtel avait mentionné des accessoires mais il a
changé ses meubles sans modifier le RF.
!
!
!
On ne peut radier la mention que de son consentement (art. 946 al. 2 in fine CC).
b.
Propriété immobilière dépendante d’un immeuble
C’est l’immeuble qui est accessoire ici. Un immeuble est affecté directement au service d’un autre immeuble. Je suis
propriétaire d’un immeuble et je dois passer sur l’immeuble de B pour aller dans mon garage, garage qui est un
immeuble. Je veux rattacher l’immeuble qu’est le garage à mon immeuble principal. Chaque fois que je veux vendre
mon immeuble principal, je vais vendre mon garage. Le garage est un accessoire immeuble. Si je grève mon immeuble,
le garage sera grevé aussi.
!
!
L’art. 655a CC prévoit cette situation. L’immeuble accessoire suit le sort de l’immeuble principal.
Si l’immeuble principal est divisé, quid de l’immeuble accessoire ? Le TF dit que chaque part de l’immeuble principal
garde une part sur l’immeuble accessoire.
!
121
2014-2015
❖
!
La difficulté vise le cas où l’immeuble accessoire est en copropriété. Chacun des propriétaires de l’immeuble
principal a une place de parque dans le garage. La place de parque 1 est liée à l’appartement 1, la place de parque
2 est liée à l’appartement 2, etc. L’immeuble de dépendance suit le sort de l’immeuble principal.
La difficulté est que dans le garage en copropriété, il y a un droit de préemption légal selon l’art. 682 CC et chaque
copropriétaire peut demander la réalisation de la copropriété. Le problème intervient si un copropriétaire veut
vendre le garage et qu’un autre copropriétaire exerce son droit de préemption. Le préempteur achètera la place de
parque et l’appartement ne pourra plus être vendu avec la place de parque. Cette situation est visée à l’art. 655a al.
2 CC : le droit de préemption légal des copropriétaires ne peut pas être invoqué si la chose a été affectée à un but
durable. Une ordonnance prévoit qu’il faut renoncer par avance au droit de préemption.
!
Au RF, le feuillet de l’immeuble accessoire renvoit au feuillet de l’immeuble principal. Donc à chaque modification de
la mention sur le feuillet de l’immeuble principal, le feuillet de l’immeuble accessoire est modifié par le renvoi.
!
!
!
!
c.
Droits légaux de passage permanents sur le fonds d’autrui
C’est l’art. 696 CC.
d.
Mention de territoire en glissement permanent
Ce sont les art. 660a et 660b CC.
e.
Règlement de la copropriété (pro memoria)
!
!
!
!
!
C’est l’art. 647 al. 1 CC et 712g al. 3 CC pour la PPE.
f.
Début des travaux d’artisans et d’entrepreneurs (pro memoria)
C’est l’art. 841 CC.
g.
Mentions touchant au droit des poursuites
Seule la saisie et seul le séquestre font l’objet d’une annotation sur l’immeuble pour éviter que des tiers de bonne foi
acquièrent des droits au préjudice des créanciers. Par contre, les autres éléments des poursuites font l’objet d’une
mention seulement car ils n’ont pas besoin d’être au RF pour être opposables aux tiers. Un jugement de faillite est
opposable aux tiers de bonne foi, sans que ce soit nécessaire de l’annoter. Donc la mention suffit.
!
!
!
!
h.
Propriété par étages avant construction du bâtiment (pro memoria)
On y reviendra plus tard.
i.
Gage ou charge foncière sur une part de copropriété (pro memoria)
Dans la copropriété ordinaire, un gage sur une part empêche de créer un gage sur toute la chose (art. 648 al. 3 CC). Pour
informer tous les copropriétaires de l’impossibilité de créer un droit de gage complet sur la chose, on fait une annotation
au RF.
!
j.
Remboursement de la prévoyance professionnelle en cas de vente
C’est une mention qui peut être :
!
-
!
De droit public pour la PP obligatoire (art. 30d à 30f LPP).
De droit privé pour la PP facultative (art. 331e al. 8 CO qui renvoie à la LPP).
Donc le régime est le même pour la mention de droit public et de droit privé. On vise le cas où l’avoir de prévoyance est
utilisé pour le financement du logement de l’assuré, sert à obtenir son logement à des conditions prévues par la LPP. La
122
2014-2015
LPP prévoit que si l’immeuble est vendu, il faut le rembourser dans l’institution de prévoyance. Le TF dit qu’il faut
faire une mention qui est facultative/déclarative.
!
!
Représentants des titulaires de droits réels
!
!
Interdiction de disposer
k.
L’art. 962a CC prévoit qu’une personne listée aux ch. 1-5 peut apparaître au RF par mention car il a un pouvoir de
représentation par rapport à l’immeuble. Par exemple le curateur de gestion qui s’occupe d’un immeuble. La mention
est informative/déclarative : s’il n’y a pas de mention, le représentant a toujours ses pouvoirs.
l.
C’est l’art. 178 al. 3 CC. Il vaut en MPUC mais aussi en MP de divorce par renvoi. La mesure d’interdiction d’aliéner
l’immeuble est mentionnée au RF. C’est une restriction judiciaire à l’exercice des droits civils d’un époux. Ca touche la
personne et pas l’immeuble. Donc la restriction vaut indépendamment de la mention au RF.
!
!
!
La même règle se trouve à l’art. 22 LPart. L’art. 395 al. 4 CC prévoit quelque chose de similaire.
m.
Droit de préaffermage
C’est une institution propre au bail à ferme agricole. C’est régi par la LF sur le bail à ferme agricole, aux art. 5 et 6.
C’est le droit de se porter fermier à la place du fermier que le propriétaire envisageait. La loi prévoit que les
descendants capables d’exploiter l’entreprise ont un droit de préaffermage.
!
L’existence du droit de préaffermage n’est pas obligatoire dans le sens où les cantons sont libres de le prévoir dans leur
droit cantonal ou de ne pas le prévoir. Si un canton prévoit ce droit de préaffermage, la mention est constitutive (art. 5
al. 2 de la LF) !
!
!
Droits abolis par le code civil suisse
!
!
Mentions touchant à la technique cadastrale
n.
Ce sont des droits réels qui étaient autorisés avant 1912 au niveau cantonal mais qui ne sont plus permis depuis l’entrée
en vigueur du CC. Ces droits qui ne sont plus permis continuent d’exister aujourd’hui mais on ne peut plus en créer. Ils
sont exclus du régime de publicité des droits réels. La seule chose permise est de le mentionner au RF (art. 45 titre final
CC).
o.
Une écriture est pendante au journal mais n’est pas encore portée au grand livre. Il y a déjà un effet réel conditionnel
avant l’écriture au grand livre car il y a l’effet rétroactif depuis que c’est porté au journal (art. 972 al. 2 CC). Comme il
y a déjà un effet réel, il y a déjà un rang conditionnel acquis au titulaire du droit réel. Ce rang est censé connu des tiers
car tout le monde est censé connaître le journal. Comme ce n’est pas pratique, on a décidé de mentionner qu’il y a une
écriture pendante.
!
Cette mention n’a plus d’effet pratique car avec l’informatique on peut à tout moment savoir ce qui se trouve dans le
journal.
!
!
Mention de soumission à la LDFR
!
!
Mention d’un trust
p.
Certains terrains sont soumis au droit foncier rural. C’est l’autorité qui décide si tel ou tel terrain est soumis à la LDFR.
C’est l’art. 86 LDFR qui prévoit que c’est l’autorité qui décide s’il y a soumission ou non de la parcelle. Cette décision
de l’autorité fait l’objet d’une mention au RF.
q.
La question qui se pose est celle d’un immeuble affecté à un trust soumis à une loi étrangère. L’art. 149d al. 2 et 3 LDIP
prévoit cette situation. Le trust est toujours un patrimoine séparé de celui du trustee. Ce patrimoine séparé est en
123
2014-2015
principe opposable aux tiers, mais pas aux tiers de bonne foi. Il n’y a pas de présomption de connaissance de la loi
étrangère qui créerait ce patrimoine séparé.
!
La protection du tiers acquéreur de bonne foi relève de la loi désignée par le droit du for selon une Convention
internationale ratifiée par la Suisse. Donc pour un immeuble en Suisse, la protection du tiers de bonne foi est régie par
le droit suisse. La particularité de la Suisse est qu’on a décidé de mentionner le trust et ainsi les tiers de bonne foi ne
sont pas protégés.
!
➔
!
Si le trustee vend un immeuble en violant le trust à un tiers acquéreur de bonne foi, en principe, le tiers serait
protégé. Mais avec la mention, la loi prévoit que le tiers n’est pas de bonne foi. C’est une mention constitutive.
Quelle est la nature du droit du trustee sur les biens du trust ? Il faut se demander s’il a une prétention réelle ou
personnelle :
!
-
!
!
r.
Une partie de la doctrine dit que le trustee a un droit personnel sur les biens du trust mais part de l’idée que la
mention permet d’avoir des effets envers les tiers. Piotet pense que ce n’est pas possible.
Une autre partie de la doctrine suivie par Piotet est de dire qu’il y a une restriction au droit réel lui-même. Le
trustee a un pouvoir de droit réel qui est retreint à l’égard des tiers.
Mentions non expressément consacrées par la loi
La mention n’est pas une écriture de foi publique : il n’y a pas d’effet de foi publique positive ou négative à l’égard des
tiers. On est donc en dehors des droits réels et donc il n’y a pas de numerus clausus des mentions. Il peut y avoir des
mentions qui ne reposent pas sur les LF mais sur le droit cantonal ou des ordonnances fédérales. La condition est qu’il
faut que ce soit pratiqué.
!
ATF 79 I 189 : Le sapin sur la propriété du voisin est trop proche de la limite, mais celui qui est proche du sapin ne s’en
plaint pas. La loi prévoit qu’après 10 ans il ne peut plus s’y opposer. Il peut alors faire mentionner un précaire au RF par
lequel il dit qu’il est provisoirement d’accord avec l’emplacement du sapin mais qu’il se réserve le droit de changer
d’avis.
!
!
!
!
!
TITRE IV – MUTATIONS DES DROITS REELS IMMOBILIERS
Mutation = acquisition, transfert, modification extinction.
Chap. Ier
§ 1er
Mutations opérées par une écriture au registre foncier
Le principe dit absolu de l’inscription
C’est le principe selon lequel une mutation immobilière dépend de l’écriture, prend effet avec l’écriture. Le droit réel
immobilier n’est créé, modifié, transféré et éteint qu’avec l’inscription. C’est le principe général du droit suisse. Ce
principe se trouve à l’art. 656 CC, règle qu’on retrouve aux art. 971 et 972 CC. On parle du « principe absolu de
l’inscription ».
!
!
!
Mais il y a des exceptions qu’on verra dans le chap. II.
§2
Conditions générales de la mutation par écriture au registre foncier
En matière de droits réels immobiliers, les 4 conditions vues pour les meubles pour l’acquisition dérivée valent aussi
pour les immeubles : 1) Objet aliénable, 2) Titre valable, 3) Mode (l’écriture au RF), 4) Pouvoir de disposition.
!
Pour obtenir la mutation, cette écriture doit donc reposer sur un titre valable. Le titre est généralement un acte juridique
qui est souvent un contrat. Mais le titre peut aussi être la loi (droit de préemption par exemple). La loi prévoit des droits
réels limités légaux qui sont inscrits au RF sur la base de la loi.
!
124
2014-2015
Pour la suppression du droit réel, la situation est à peu près la même. Le droit réel peut être supprimé par le titre légal.
Par exemple, le titre légal qui a créé le droit réel prend fin. Mais c’est souvent une convention de suppression entre le
propriétaire et le titulaire du droit réel qui va mettre fin au droit réel.
!
Le contrat qui crée un droit réel immobilier est soumis à la forme authentique. Par contre pour le contrat qui fait
disparaître le droit réel, on applique l’art. 115 CO : la suppression est possible sans forme. Le titre est possible sans
forme et ça pose un problème s’il n’y a pas de forme car il ne peut pas prouver le titre au RF (selon 965 CC). Il doit
dans ce cas aller en justice pour faire reconnaître son titre qui a été conclu oralement. Idéalement, il faudrait au moins la
forme écrite pour des raisons probatoires.
Il n’y a cependant pas de titre exigé au RF lorsqu’on fait déréliction du droit réel. La déréliction est l’abandon unilatéral
du droit réel. C’est un acte de disposition : on renonce au droit. L’intention de perdre la propriété immobilière fait
l’objet d’une réquisition au RF : on demande au RF de radier notre nom du feuillet. C’est une écriture sans titre.
!
Le conservateur qui reçoit une demande de radiation doit essayer de savoir si la radiation se fait sur la base d’une
convention (art. 115 CO) et il doit alors exiger un titre écrit. Par contre si c’est une déréliction, il n’a pas à besoin de
vérifier un titre.
!
ATF 129 III 216 = JdT 2013 I 719 : Une déréliction d’une part de copropriété. Cette part abandonnée va accroitre au pro
rata la part des autres copropriétaires.
!
ATF 85 I 261 = JdT 1960 I 76 (déjà vu) : En principe, la déréliction entraîne la fin de l’obligation propter rem rattachée
à la propriété. Si une obligation est liée au propriétaire et qu’il n’y a plus de propriétaire, l’obligation propter rem
tombe. Mais en l’espèce, il y a eu un abus de droit. Un promoteur immobilier réalise des maisons sur un terrain qu’il
vend les unes après les autres. Mais il garde un chemin en servitude de passage (obligation propter rem) sur le terrain et
dit qu’il va entretenir le chemin. Quand le promoteur a vendu toutes les maisons, il a dit qu’il fait déréliction de la
servitude du chemin. Le TF dit qu’il a commis un abus de droit.
!
!
!
§3
Domaine d’application du principe absolu de l’inscription
Il y a des cas qui échappent au principe absolu de l’inscription, on le verra après. S’agissant des différentes mutations :
•
Transfert du droit réel :
!
o
o
!
!
!
•
•
!
!
Droit de propriété. Pour le transfert de la propriété des droits réels immobiliers, le principe absolu de
l’inscription vaut. C’est prévu à l’art. 656 al. 1 CC.
!
Droits réels limités. Le principe pour les droits réels limités est qu’on n’applique pas le principe absolu de
l’inscription : on peut transférer sans écriture un gage ou une servitude.
Par contre pour la cédule de registre (art. 857 CC) il y a le principe absolu de l’inscription.
Il y a aussi un cas où le transfert d’un droit réel limité doit de toute façon se faire avec une écriture :
l’immeuble juridique. On a vu qu’on peut immatriculer une servitude en tant que DDP (art. 655 ch. 2 CC).
Lorsque la servitude fait l’objet d’un feuillet au RF, elle est soumise aux règles des immeubles. Donc le
transfert de la servitude doit faire l’objet d’une écriture au RF.
Modification du droit réel. Les modifications sont aussi soumises au principe absolu de l’inscription.
!
Extinction du droit réel. Pour l’extinction des droits réels, il y a une liste où on prévoit les cas dans lesquels le
droit réel limité disparaît sans inscription. Une servitude ne peut naître sur un immeuble qu’avec une écriture
mais peut disparaître sans écriture (voir art. 736 al. 1 CC).
§4
Nature et forme du titre de l’écriture
Création
125
2014-2015
!
Le titre de l’écriture se fait en principe avec la forme authentique. On va prendre les droits réels les uns après les
autres pour la forme de la création :
!
a)
!
b)
!
c)
!
d)
!
!
La propriété. La création de la propriété n’existe en principe pas car elle existe déjà (il y a toujours une propriété)
On peut modifier la structure de la propriété (créer une PPE) et ça doit se faire avec la forme authentique.
La servitude. La création est prévue à l’art. 732 CC. La forme authentique est exigée. Avant 2012, on prévoyait la
forme écrite mais depuis on a renforcé l’exigence de forme pour créer des servitudes.
La charge foncière. L’art. 783 al. 3 CC renvoie au droit de propriété immobilier (à l’art. 656 CC). Donc on renvoie
à la forme authentique.
Le gage immobilier. L’art. 799 CC prévoit qu’il faut la forme authentique. Avant 2012, le gage, comme la
servitude, pouvait être créé par écrit, mais depuis il faut la forme authentique.
Transfert
Il faut la forme authentique pour la propriété et pour le DDP immatriculé au RF. Lorsqu’il y a un immeuble réel ou
juridique, le transfert de la propriété doit se faire par la forme authentique.
!
!
Radiation
Rappel : pour la radiation, le titre doit exister sauf en cas de déréliction. Dans les autres cas, on applique l’art. 115 CO
mais l’ORF exige la forme écrite probatoire (art. 70 ss ORF).
!
!
Modification
-
!
!
Si le droit réel est augmenté, on suit la forme requise pour la création : forme authentique.
Si le droit réel est diminué, on suit les règles pour la radiation : forme écrite.
La forme authentique
C’est la forme solennelle la plus lourde du droit privé suisse. Elle ne doit viser que les actes les plus importants. Cette
forme a comme caractéristique de faire intervenir l’autorité de l’Etat : il faut le concours d’une autorité publique pour
l’achèvement de l’acte. C’est un acte qui relève de la juridiction civile gracieuse de l’Etat.
!
Ces officiers publics, selon l’art. 55 titre final CC, sont désignés par les cantons. La majorité des cantons suisses (latins)
connaît comme officier public le notaire.
!
L’acte authentique est exigé par le droit privé fédéral. Lorsque la loi exige la forme authentique, cette forme doit être
respectée pour toutes les clauses essentielles de l’acte. L’exigence de la forme couvre les éléments objectivement
essentiels (immeuble, prix) mais aussi les éléments subjectivement essentiels.
!
Les règles de forme pour la procédure d’intervention du notaire relève du droit cantonal selon l’art. 55 al. 1 titre final
CC. La procédure est gracieuse et donc relève des cantons car seule la procédure contentieuse est régie par le droit
fédéral unifié par la Confédération. Dans la loi sur le notariat du canton VD, il y a des règles précises sur la procédure à
suivre. La jurisprudence dit que la sanction est une sanction de droit cantonal (art. 69 de la loi sur le notariat du canton
VD, LNo).
!
Le TF dit que la notion de forme authentique est une notion implicite du droit fédéral. C’est lui qui définit ce qu’est la
forme authentique. Par exemple, il dit que l’officier public ne doit pas mettre des choses fausses dans l’acte authentique
et les cantons ne doivent pas faire de formalisme excessif.
!
La compétence de l’officier public
126
!
-
!
2014-2015
Pour les droits réels mobiliers, on peut choisir à quel officier public de Suisse s’adresser.
Par contre pour les droits réels immobiliers, il faut que ce soit un officier public du canton où l’immeuble est situé.
Le vice de forme ne signifie pas forcément que le transfert est nul. Il se peut que conservateur du RF ne voie pas le vice
de forme, inscrit l’acte et des mois après une partie dit qu’il y a un vice de forme. Ca peut constituer un abus de droit et
donc l’acte reste valable.
!
!
!
!
Mutations qui ne nécessitent pas la forme authentique
Il y a des mutations qui ne nécessitent pas la forme authentique :
•
On a vu que pour le droit de préemption illimité, le pacte de préemption peut être fait par écrit (art. 216 al. 3 CO).
•
Il peut y avoir des transferts immobiliers liés à un contrat de partage successoral. L’art. 634 CC prévoit que le
contrat de partage peut être fait par écrit.
!
•
La vente aux enchères d’immeubles :
!
-
!
•
•
•
La vente aux enchères forcée selon la LP : s’opère hors RF.
La vente aux enchères privée selon le CO : l’art. 235 al. 1 CO prévoit qu’un simple procès verbal écrit suffit
pour transférer l’immeuble par une vente aux enchères privées. Mais la plupart des cantons se sont basés sur
l’art. 236 CO pour imposer la forme authentique du procès verbal d’enchères.
En cas de liquidation du RM après divorce, il peut y avoir des mutations qui concernent des droits immobiliers.
La jurisprudence prévoit que l’homologation du juge remplace la forme authentique. Le jugement de divorce
remplace l’acte authentique.
!
L’acte de transfert repose sur un acte à cause de mort. Un testament, même olographe, peut prévoir un legs
d’immeuble (usufruit, droit d’habitation) qui a pour titre un testament.
!
La promesse de vente immobilière n’est a priori par une exception. L’art. 22 CO prévoit que la promesse est un
contrat qui contient tous les éléments essentiels du contrat définitif. Donc la forme du contrat définitif doit être
respectée pour la promesse de vente. La promesse de vente n’est pas une exception à la forme authentique.
!
La question qui se pose : une fois qu’on a fait la promesse de vente immobilière en la forme authentique, est-ce
que le contrat définitif doit lui-même être passé ensuite en la forme authentique ? Si le promettant vendeur refuse
de signer le contrat définitif de vente devant le notaire, le promettant acheteur a un droit d’obtenir judiciairement
l’inscription au RF ? Le jugement ne condamne pas la partie récalcitrante à signer l’acte définitif mais vaut
directement titre de l’écriture de la mutation immobilière.
!
!
!
!
La notion de promesse de vente est délicate. En principe, la promesse contient déjà tous les éléments du contrat
définitif avec des incertitudes qui justifient qu’on ne signe pas directement le contrat définitif. Il est difficile de
séparer une promesse de vente immobilière d’un contrat de vente conditionnel de l’immeuble.
Chap. II
§ 1er
Mutations opérées sans écriture au registre foncier
Acquisition ou constitution d’un droit réel sans écriture au registre foncier
On est dans le principe relatif de l’inscription. Ca ne veut pas dire qu’il ne faut pas inscrire au RF la mutation,
l’inscription est seulement déclarative. Le droit est déjà constitué avant l’écriture. C’est prévu aux art. 656 al. 2 et 657
ss CC.
!
!
a.
L’occupation
127
2014-2015
L’occupation en matière d’immeuble est prévue à l’art. 658 CC. L’occupation est la même notion que celle vue avec les
meubles : on prend possession (élément objectif) avec l’intention de devenir propriétaire (élément subjectif). Il faut
encore que l’immeuble soit sans maître/sans propriétaire. Il peut y avoir des servitudes ou gages mais il faut qu’il n’y ait
plus de propriétaire pour pouvoir occuper. Il y a 2 situations :
!
1)
!
2)
!
L’immeuble avait auparavant un propriétaire mais ce propriétaire a fait déréliction de sa propriété. L’art. 658 al. 1
CC vise cette situation.
L’immeuble appartient au domaine public et est immatriculé au RF. Exemple : une rivière, un lac. Il appartient à la
collectivité mais on considère qu’il est sans maître au sens de l’art. 658 al. 2 CC. L’art. 658 al. 2 CC renvoit à l’art.
664 CC. Les choses sans maître de l’al. 2 sont celles qui dépendent du droit public selon l’art. 664 CC et ne sont
pas immatriculés au RF. Ce sont des immeubles qui ne peuvent pas être occupés. Ca vise aussi le patrimoine
administratif.
Précis : L’occupation est l’acquisition de la propriété sur un bien qui n’a pas de propriétaire, soit qu’il n’en ait jamais
eu, soit qu’il n’en ait plus parce que le propriétaire précédent en a fait déréliction. A l’art. 658 al. 1, ces biens sont
appelés « choses sans maître », dans un sens qui ne doit pas être confondu avec celui donné à cette expression à l’art.
664 et à l’art. 658 al. 2. La loi distingue entre les immeubles immatriculés, dont la propriété peut en principe être
acquise, de par le droit fédéral, par celui qui en prend possession (art. 658 al. 1 CC) et les immeubles non immatriculés
dont l’acquisition par occupation n’est possible que si le droit cantonal le permet (art. 658 al. 2, renvoyant à l’art. 664
al. 3).
!
!
Il faut être sûr que le propriétaire ancien a fait déréliction.
Dans un ATF : Le titulaire d’une servitude immatriculée en tant que DDP (immeuble juridique) a fait déréliction de sa
servitude. Une autre personne a décidé d’occuper cet immeuble juridique. Le TF dit que ce n’est pas possible d’occuper
un DDP/immeuble juridique car comme le titulaire de la servitude immatriculée en tant que DDP a fait déréliction, le
droit réel a disparu et donc on ne peut pas l’occuper.
!
!
b.
L’accession immobilière
En principe, les immeubles ne fusionnent pas et ne se mélangent pas entre eux, mais des situations s’apparentent à
l’accession immobilière. Il y a 2 cas d’accession immobilière :
!
1)
!
!
!
!
Les nouvelles terres (art. 659 CC). Ce sont des modifications d’un ou de plusieurs immeubles par rapport aux
biens publics (biens publics naturels en principe : l’eau, les glaciers). Par exemple, le pâturage vient empiéter sur
un glacier qui recule/fond, la rivière sèche et des terres naissent sur l’espace sec.
L’al. 1 prévoit que la nouvelle terre qui apparaît appartient au canton. Sans écriture, le canton est devenu
propriétaire de la nouvelle terre. L’acquisition prévue à l’al. 1 est une acquisition qui renvoit au droit cantonal : les
cantons peuvent dire si la nouvelle terre fait partie du domaine public ou si c’est une propriété privée du canton.
Dans le canton de Vaud, c’est du domaine public.
Exemple typique : De chaque côté d’une rivière il y a des parcelles. Il y a la parcelle A sur la rive gauche et la
parcelle B sur la rive droite. La rivière sèche et au milieu de la rivière il y a une terre qui apparaît. Cette nouvelle
terre appartient au canton et pas au propriétaire A ou B.
❖
L’al. 2 prévoit que les cantons peuvent prévoir d’autres solutions. Les nouvelles terres peuvent être
attribuées aux riverains. C’est le cas des alluvions (nouvelles terres qui se forment par une modification de la
rive). Dans le canton de Vaud, l’alluvion n’appartient pas au canton mais au riverain (art. 67 CDPJ).
Par contre chaque fois que c’est un ouvrage construit qui crée une alluvion, l’art. 70 CDPJ prévoit que ça fait
partie du droit public/appartient au canton. Exemple : un port est construit et du sable va faire pomper l’eau
et la rivière va sécher à cause du sable et une nouvelle terre apparaît. Dans ce cas, ce n’est pas naturel mais ça
vient d’un ouvrage construit, donc ça appartient au canton et pas au riverain.
128
!
2)
!
!
2014-2015
Les glissements de terrain (art. 660 ss CC). L’art. 660 al. 1 CC prévoit que le glissement de terrain ne modifie pas
les limites des immeubles. L’al. 2 est important aussi.
On a complété cet art. 660 CC avec les art. 660a et 660b CC qui permettent de modifier les limites des immeubles
en cas de glissements de terrain. On va au-delà de l’art. 660 al. 1 CC qui n’était plus suffisant :
•
•
Art. 660b CC. On vise le cas où il y a un déplacement important des terres. Les propriétaires touchés
peuvent demander au juge de réadapter la limite au nouvel état des lieux. Le juge va fixer une nouvelle
limite pour le terrain A et le terrain B par exemple sera amputé de quelques m2. Le terrain B qui perd de sa
surface devra être indemnisé selon l’al. 2.
!
Art. 660a CC. Certaines parties du territoire suisse sont en mouvements permanents. Ca révèle une situation
physique du terrain qui ne correspond pas aux plans qui se trouvent au RF. En principe, la limite est celle
prévue au RF avec les mensurations officielles et il y a un effet de foi publique. Mais on introduit ici une
dérogation pour ces terrains particuliers.
!
Les cantons peuvent alors prévoir des limites du plan qui ne jouissent plus de la foi publique. La limite de
parcelle va suivre non plus le plan au RF mais l’évolution physique du terrain. Il n’y a pas de protection de la
bonne foi : l’art. 973 al. 2 CC prévoit que l’effet de foi publique ne s’applique pas dans le cas des terrains en
mouvements permanents désignés par les cantons.
!
!
En droit vaudois, les art. 72-74 CDPJ précisent l’art. 660a CC.
❖
!
!
c.
Si la publicité du RF disparaît pour ces terrains, qu’est-ce qui donnerait lieu à publicité du droit réel ?
Comme la loi ne prévoit rien, on en reviendrait à des éléments rudimentaires : la possession. Si le
terrain se déplace sur la droite et donc que la limite physique se déplace sur la droite et que le
propriétaire de ce terrain garde la possession du terrain de base qui pourtant s’est déplacé, quid ? Ce
n’est pas tranché.
Successions à titre universel
L’acquisition à titre universel est une acquisition exceptionnelle fondée sur la loi. Pour tous les biens compris dans
l’universalité, la loi prévoit un mode de transfert unique au même moment. Dans ces situations exceptionnelles, il n’y a
pas besoin, pour transférer, de respecter pour chaque type de bien la règle applicable : il n’y a pas besoin de transférer la
possession pour les meubles et pas besoin de faire une inscription au RF pour les immeubles. Tout se fait d’un coup.
!
!
L’acquisition à titre universel existe dans 3 domaines :
1)
Dans le droit des successions.
2)
Dans la communauté de biens. Celui qui n’est pas propriétaire des biens avant le contrat de mariage devient
propriétaire en main commun de l’ensemble des biens. C’est une acquisition à titre universel. Et s’il y a des
immeubles, ces immeubles sont acquis à titre universel également. Ce sont les art. 221 ss CC. On en reparle à l’art.
665 al. 3 CC.
3)
!
!
!
Dans le droit commercial. Ca relève surtout de la LFus qui prévoit des cas de transfert à titre universel.
Ce sont des situations où il n’y a pas besoin d’une inscription pour acquérir un immeuble. L’inscription n’est que
déclarative.
!
!
d.
Expropriation
L’expropriation est un mode de transfert d’immeubles de droit public. On parle ici d’expropriation formelle : on prive
quelqu’un contre sa volonté de sa propriété immobilière. Cette procédure est régie par le droit public. Le transfert de
129
2014-2015
l’immeuble se fait hors RF mais selon les règles de droit public. Il y a un régime indépendant de l’écriture au RF. C’est
le paiement de l’indemnité à l’exproprié qui crée le transfert de l’immeuble.
!
Une question se pose : lorsque l’expropriation est conclue à titre amiable (sans jugement : la commune et le propriétaire
s’entendent), la convention d’expropriation est soumise au droit public ou privé ? La jurisprudence considère que le
droit public régit aussi les conventions amiables. Donc une convention amiable est valable en la forme écrite. Si c’était
régi par le droit privé, la convention amiable devrait être faite en la forme authentique.
!
!
e.
Réalisation forcée
On vise la réalisation forcée d’un droit réel immobilier par l’autorité de poursuite (selon la LP). La LP régit le cas
ordinaire de la vente aux enchères publiques par l’autorité de poursuite mais ça peut aussi viser la vente de gré-à-gré (on
trouve l’acheteur idéal). C’est donc régi par le droit public.
!
Selon la LP, le transfert de l’immeuble se fait au moment où la décision de réalisation forcée est entrée en force. En cas
de vente aux enchères publiques, c’est dès le moment des 3 coups de marteau et que le délai de plainte s’est épuisé.
L’acheteur devient propriétaire sans attendre l’écriture de son nom au RF.
!
❖
!
!
f.
La LP déroge sur un autre point au système du CC pour l’état des charges de l’immeuble. Quand un immeuble est
réalisé par les offices de poursuite, l’office doit lister les droits réels qui grèvent l’immeuble. Cette liste de l’état
des charges est importante car l’acquéreur ne reprend à sa charge que les droits qui sont dans la liste. Cette liste
va l’emporter sur le RF. Si un droit réel ne se trouve pas dans la liste de l’état des charges mais se trouve dans le
RF, l’acquéreur ne va pas reprendre ce droit réel. Donc le titulaire d’un droit réel qui ne se trouve pas dans la liste
de l’état des charges doit contester la liste dans un certain délai et à défaut, son droit ne sera pas repris par
l’acquéreur.
Jugement formateur
C’est l’art. 665 al. 1 CC. Le jugement translatif de propriété transfère directement le droit réel immobilier avant même
qu’il ne soit arrivé au RF. Par jugement, on peut obtenir le transfert d’un droit réel immobilier avant même que ce soit
inscrit au RF. Ca n’existe pas pour les meubles.
On vise toute hypothèse où il y a un acte translatif obligatoire qui n’est pas exécuté. Chaque fois que le contrat ou la loi
exige le transfert d’un immeuble et que celui qui doit s’exécuter ne s’exécute pas, on peut aller en justice et le jugement
va permettre directement de transférer l’immeuble.
!
Dans le contrat, on n’a qu’un droit personnel au transfert de l’immeuble mais dès le jugement on aura un droit réel
doublé d’un droit à obtenir le transfert. L’art. 960 al. 1 ch. 1 CC prévoit la possibilité d’avoir une annotation.
!
!
g.
L’usucapion des droits réels immobiliers
L’usucapion permet l’acquisition d’un droit réel par la possession et par l’écoulement du temps. L’usucapion pour les
immeubles est prévue aux art. 661 à 663 CC. Le législateur a choisi que l’usucapion ne peut pas produire d’effet contre
quelque chose d’inscrit au RF. On ne peut jamais usucaper quelque chose d’inscrit au RF. L’usucapion a donc un rôle
résiduel :
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-
!
-
!
Art. 661 CC : usucapion ordinaire/tabulaire : les cas où le RF est inexact. L’écriture est fausse. Si au bout de 10
ans la personne possède en étant de bonne foi, l’usucapion va corriger l’erreur du RF. On parle d’usucapion
tabulaire/ordinaire. C’est l’usucapion qui corrige l’erreur.
Art. 662 CC : usucapion extraordinaire/extratabulaire : le RF ne donne aucune indication de foi publique. Ca
peut être un immeuble qui n’est pas dans le registre ou une écriture qui ne figure pas dans le RF. On parle
d’usucapion extratabulaire ou extraordinaire, car on est en dehors l’écriture.
On va reprendre ces 2 cas :
130
!
•
2014-2015
L’usucapion ordinaire/tabulaire (art. 661 CC). Les conditions sont les suivantes :
!
1) La chose est aliénable/dans le commerce. L’immeuble doit donc être un immeuble privé. S’il est public, on ne
peut pas usucaper contre la propriété de la collectivité publique.
!
!
Selon un ATF, un lac de montagne des Grisons faisait partie du domaine public. La société d’alpage disait que
ça faisait des années que le bétail venait boire l’eau du lac et donc il aurait usucapé le lac de montagne. Le TF
dit que ça fait partie du domaine public, donc l’usucapion n’est pas possible.
2) Le droit qu’on usucape se prête à la possession. La possession est celle de l’art. 919 CC. Pour la propriété, il
n’y a pas de problème, pareil pour la servitude (art. 919 al. 2 CC). On peut usucaper une propriété et une
servitude. L’art. 731 al. 3 CC confirme qu’on peut usucaper une servitude. On peut aussi usucaper une charge
foncière.
!
!
Par contre, on ne peut pas usucaper un gage immobilier car le créancier gagiste ne possède pas l’immeuble.
Donc si l’hypothèque est inscrite depuis 40 ans au RF, le créancier gagiste ne peut pas dire qu’il a usucapé car
il ne possède pas.
3) La personne qui se prévaut de l’usucapion est celle qui est inscrite à tort. C’est celle qui est l’objet de l’erreur
du RF. Il faut une identité entre le titulaire inscrit à tort et celui qui possède pendant 10 ans.
!
4) La possession doit être existante pendant toute la durée de l’usucapion. Il faut que ce soit une possession
qualifiée : non violente, non clandestine.
!
5) La bonne foi. Cette condition vaut pour l’art. 661 CC mais elle n’existe pas pour l’art. 662 CC. Celui qui
usucape pendant 10 ans doit ignorer sans sa faute qu’il y a une erreur d’écriture. La bonne foi est présumée.
!
6) L’écoulement du temps : 10 ans de réunion de toutes les conditions simultanément. La bonne foi doit durer
pendant les 10 ans. L’art. 663 CC renvoit à l’art. 134 CO pour la suspension et aux art. 135 ss CO pour
l’interruption de la prescription. L’art. 941 CC prévoit que si l’usucapant décède, si ses héritiers continuent à
usucaper, le délai de 10 ans ne s’arrête pas mais continue.
•
!
L’usucapion extraordinaire/extratabulaire (art. 662 CC). On acquiert un droit dont le RF ne fournit pas
d’indication. On est en dehors de la foi publique du RF. On ne peut jamais acquérir un droit contre le RF. Il y a 2
hypothèses :
!
1) L’al. 1 : l’immeuble n’est pas immatriculé au RF. On ne lui a pas ouvert un feuillet, il existe sans apparaître au
RF. C’est une hypothèse presque inexistante car aujourd’hui presque tous les immeubles privés sont
immatriculés au RF. On pourrait imaginer un cas de nouvelle de terre qui n’aurait pas encore été immatriculée.
!
!
Dans les cantons où le RF fédéral n’a pas encore été mis en place et que le RF cantonal n’équivaut pas au RF
fédéral, le RF cantonal n a pas de foi publique. Peut-on dire qu’on est dans un cas où on peut admettre que
l’immeuble n’est pas immatriculé ? Le TF considère que même là où il y a des institutions cantonales de
publicité non équivalentes, c’est une immatriculation. Donc on ne peut pas usucaper un immeuble qui se trouve
dans le RF cantonal non équivalent au RF fédéral.
2) L’al. 2 : l’immeuble est immatriculé au RF mais on ne voit pas le nom du propriétaire dans le feuillet. Par
exemple, le propriétaire est décédé et on ne sait pas qui sont les héritiers. Dans ce cas, on peut usucaper le droit
réel car le RF n’a pas de foi publique si les propriétaires ne sont pas indiqués.
!
Dans un ATF : Les héritiers n’étaient pas indiqués au RF comme propriétaires après le décès de l’ancien
propriétaire (de cujus). Théoriquement, l’al. 2 s’applique. Un héritier occupait le terrain tout seul et après 30
ans, il dit qu’il a acquis la propriété unique au détriment de ses cohéritiers. Le TF dit que ce n’est pas possible.
La raison est que l’usucapant a changé de titre et ce n’est pas permis : on ne permet pas à celui qui usucape de
131
2014-2015
!
!
changer la cause de sa possession. Un héritier qui possède à titre d’héritier ne peut pas changer son titre et dire
qu’il possède à titre individuel par la suite.
Les conditions de l’art. 662 CC :
1) On est dans un cas de l’al. 1 ou de l’al. 2.
2) Une possession ininterrompue pendant 30 ans.
!
!
3) L’immeuble est susceptible d’usucapion.
4) L’art. 662 al. 3 CC prévoit que l’inscription n’a lieu que sur ordre du juge. Pour que l’usucapant devienne
nouveau propriétaire, il faut une autorisation judiciaire. C’est une décision gracieuse en procédure sommaire.
L’usucapant doit saisir le juge et lui rendre vraisemblable que les conditions de l’usucapion sont remplies. Le
juge ne tranche pas au fond mais donne une simple autorisation après publication (« délai fixé par sommation
officielle »). Avec cette publication, on invite d’autres personnes à se manifester dans le délai de publication
auprès du juge :
!
!
!
!
!
-
S’il y a une opposition dans le délai utile, le juge gracieux saisi ne tranche pas. Les parties sont
renvoyées à trancher le contentieux devant le tribunal ordinaire. C’est après le jugement définitif
qu’on dit si l’usucapion est accomplie ou non.
-
S’il n’y a aucune opposition dans le délai, le juge gracieux va autoriser l’inscription.
La bonne foi n’est pas exigée. Le calcul du délai et de sa suspension est fait selon les règles du CO (art. 663 CC).
A quel moment l’usucapant devient propriétaire ? Il y a 3 opinions :
1) Selon la doctrine minoritaire : l’usucapant devient propriétaire dès l’autorisation par le juge gracieux.
2) Selon Piotet : l’usucapant devient propriétaire sans écriture après 30 ans. L’écriture de l’al. 3 n’est que
déclarative.
3) Selon le TF : c’est l’inscription au RF qui est décisive.
!
Le droit des servitudes (art. 731 al. 3 CC) renvoit aux règles de l’usucapion. On ne peut pas acquérir une servitude sur
un immeuble public au détriment de l’affectation de droit public. La difficulté avec l’usucapion des servitudes :
comment avoir une possession sur une servitude qui permet d’usucaper ?
!
-
!
Tout va bien si la servitude est positive (droit de passage par exemple).
Si la servitude est négative (interdiction de construire par exemple), c’est plus compliqué. Le TF a dit que la
servitude négative se possède par le simple fait que rien ne se produise/construise. Si rien ne se construit, on
possède la servitude de non bâtir.
En matière de servitude, on élargit le champ d’application de l’art. 662 CC car le titulaire d’une servitude n’est pas
toujours inscrit au RF. Le titulaire d’une servitude personnelle peut vendre la servitude et l’acquéreur n’est pas inscrit au
RF.
!
L’usucapion contra-tabulaire (contre le RF) n’existe pas : on ne peut pas acquérir contre la publicité du RF. Il n’y a donc
que 2 formes d’usucapion d’immeubles : tabulaire et extratabulaire.
!
❖
!
!
Les art. 661 et 662 CC laissent une lacune dans le cas suivant. On est inscrit à tort au RF comme titulaire d’un
droit réel sur un immeuble immatriculé et on sait qu’on n’est pas titulaire du droit réel. On n’est pas de bonne foi.
On n’est pas dans l’art. 661 CC car on est de mauvaise foi et on n’est pas dans l’art. 662 CC car même si l’art. 662
CC permet d’acquérir en étant de mauvaise foi par 30 ans, l’immeuble doit être non immatriculé au RF, ce qui
n’est pas le cas dans notre exemple. L’art. 662 CC vise l’immeuble non immatriculé au RF.
132
2014-2015
!
!
h.
Pourrait-on de mauvaise foi acquérir un droit réel par 30 ans si on est inscrit au RF ? Le TF dit que ce n’est pas
possible. Selon Piotet c’est discutable car à l’art. 662 CC celui qui est de mauvaise foi peut acquérir de mauvaise
foi un immeuble non immatriculé. Ce serait injuste pour celui qui est dans la même situation et qui est en plus
indiqué au RF comme titulaire (= l’immeuble est immatriculé) de ne pas pouvoir usucaper. Il y a une lacune ici.
Les droits occultes
Ce sont des droits réels qui sont exclus de la publicité du RF. L’écriture de ces droits est interdite au RF. Pourtant ce
sont des vrais droits réels opposables aux tiers. Même étant exclus du RF, ils restent opposables. Personne ne peut
savoir qu’ils existent mais tout le monde peut se voir opposer un droit réel occulte. Les droits occultes sont des droits
réels de droit public cantonal. Exemples :
!
-
!
-
!
!
Les servitudes de droit public cantonal sont des droits réels mais ne sont pas du CC dont on ne peut pas les
inscrire.
Hypothèques légales et charges foncières légales. Une hypothèque naît de par la loi pour garantir une obligation.
Ces droits réels de droit public cantonal sont réservés au droit public (art. 836 et 784 CC).
La publicité de ces droits réels publics a été améliorées car il faut les porter au RF dans un certain délai et si
après ce délai le droit n’est pas inscrit, on ne peut pas les opposer aux tiers.
Il n’y a pas de droits occultes en droit privé sauf dans 3 cas : art. 808 al. 3, 810 al. 2 et 819 CC. Ce sont des hypothèques
légales de droit privé qui fonctionnent comme les hypothèques légales de droit public.
!
!
i.
Les droits objets d’une publicité naturelle
Par publicité naturelle, on vise la délimitation physique du terrain. Le seul cas est celui de l’art. 676 al. 3 CC : la
servitude de conduite apparente. Si la servitude de conduite est apparente (on peut la voir physiquement sur le terrain :
une ligne électrique, une conduite d’eau non enterrée), l’écriture de la servitude n’est pas exigée par la loi. C’est une
servitude qui nait par la simple publicité naturelle du terrain. L’inscription au RF n’est que déclarative.
!
!
!
§2
Transfert et extinction d’un droit sans écriture au registre foncier
a.
Transfert (pro memoria)
•
!
!
!
•
b.
Droit de propriété. On a vu que le principe absolu de l’écriture s’applique lorsque le droit réel qu’est la propriété
est sur un immeuble mais aussi sur un immeuble juridique (DDP). Le transfert de la propriété de ces 2 types
d’immeubles est soumis à une inscription constitutive.
Droits réels limités. Tous les autres droits réels limités se transfèrent sans écriture au RF.
Extinction
On raisonne comme pour la création du droit réel, donc l’inscription est constitutive. Ca va aussi pour la modification
du droit réel qui restreint le droit réel.
!
!
Mais en matière d’extinction, il y a plusieurs cas où le droit réel disparait sans écriture :
-
!
Selon l’art. 666 CC, la perte totale de l’immeuble signifie que l’immeuble disparaît. C’est très rare.
Le jugement formateur de l’art. 665 al. 1 CC qui devient définitif transfère la propriété alors même que le droit
réel n’est pas encore inscrit au RF.
Lorsqu’un droit réel est limité dans le temps par un terme, le droit réel s’éteint avant même qu’on inscrive
l’extinction au RF. Par exemple, la servitude prévue pour 30 ans s’éteint toute seule après 30 ans, l’usufruit
s’éteint à la mort du titulaire et il n’y a pas besoin d’inscription au RF.
133
2014-2015
On verra qu’en cas de consolidation, pour les servitudes et les gages immobiliers, il n’y a pas d’extinction hors écriture :
le droit réel continue à exister en cas de consolidation. C’est une dérogation au régime général.
!
!
§3
Le principe dit relatif de l’inscription
Ce principe est systématisé à l’art. 656 al. 2 CC. La portée du principe relatif de l’inscription n’est pas que l’inscription
est inutile mais que l’inscription est constatatoire/déclarative. Elle reste obligatoire car l’al. 2 prévoit que si on ne fait
pas l’inscription déclarative au RF, on ne peut pas disposer du droit réel.
!
L’inscription déclarative peut être obtenue en prouvant au conservateur du RF de l’acquisition extratabulaire (= hors
RF). Il faut un justificatif qui doit être produit au RF pour obtenir l’inscription déclarative.
!
➔
!
On avait vu que celui qui peut demander l’inscription constitutive est celui qui perd son droit. Pour l’obtention de
l’inscription déclarative c’est différent : elle doit être obtenue par l’ayant droit/le titulaire du droit réel restreint.
Tant que l’écriture déclarative n’est pas faite, on ne peut pas disposer de l’immeuble (art. 656 al. 2 CC). Exemple :
l’héritier ne peut pas vendre l’immeuble de la succession s’il n’arrive pas à prouver son titre d’héritier auprès du
conservateur du RF pour obtenir l’inscription déclarative. Pour prouver son titre d’héritier, il doit montrer un certificat
d’héritier.
!
!
!
Chap. III.
§ 1er
La foi publique attachée au registre foncier
Introduction
On va voir la protection du tiers acquéreur de bonne foi en matière d’immeubles (art. 973 CC). L’art. 973 CC repose sur
la publicité des droits réels (l’écriture au RF) et sur la protection d’un tiers acquéreur de bonne foi.
!
C’est une protection de la bonne foi face à une apparence trompeuse de la publicité du droit réel. Une personne semble
avoir un droit réel selon le RF mais ça ne correspond pas à la réalité. Le tiers qui ignore ce hiatus est protégé dans son
acquisition.
!
Il y a 2 différences entre la protection de l’acquéreur de bonne foi en matière immobilière (art. 973 CC) et la protection
de l’acquéreur de bonne foi en matière mobilière (art. 933 CC) :
!
!
•
1ère différence :
-
!
!
•
2ème différence :
-
-
!
!
!
En matière mobilière (art. 933 CC), on a l’idée d’imputabilité : le propriétaire prend un risque en confiant
volontairement son objet à une personne qui va ensuite tromper la confiance.
En matière immobilière (art. 973 CC), il n’y a pas cette idée d’imputabilité. L’idée est que l’Etat garantit
l’exactitude du RF. C’est l’Etat qui répond de l’inexactitude du RF. Si le conservateur s’est trompé, l’Etat va
devoir répondre.
En matière mobilière, l’acquéreur est protégé uniquement contre l’absence de l’une des 4 conditions de
l’acquisition dérivée qui est l’absence du droit de disposition. Seule cette condition est protégée par l’art. 933
CC.
En matière immobilière, on va plus loin : tout élément du RF inexact entre dans le champ d’application de l’art.
973 CC.
§2
Les conditions d’application de l’art. 973 CC
a.
Inscription, annotation ou limites sur le plan inexactes
134
2014-2015
•
•
•
•
!
➔
!
Inscription. Dans le texte de l’art. 973 CC, on nous parle d’une « inscription » et il faut comprendre l’inscription
au sens technique.
Annotation. On ne parle pas des annotations dans le texte mais la doctrine dit que comme l’annotation jouit de la
foi publique, on peut aussi appliquer l’art. 973 CC.
Mention. Par contre, les mentions, ne jouissant pas de foi publique et donc ne permettent pas la protection du tiers
de bonne foi.
Plan La doctrine est aussi d’accord pour dire que le plan du RF permet aussi la protection de l’acquéreur de bonne
foi car il jouit de la foi publique.
Tout élément du RF qui jouit de la foi publique permet l’application de l’art. 973 CC. Donc comme le journal jouit
de la foi publique, il permet de protéger les tiers de bonne foi.
Pour que la bonne foi fonctionne, il faut que l’écriture soit fausse : il faut une erreur. L’écriture n’aurait pas dû être faite,
le plan n’aurait pas dû être tracé ainsi, etc.
!
L’écriture peut donc se corriger en faveur du tiers de bonne foi, sauf dans 1 cas : l’écriture ne peut corriger que le droit
réel permis. S’il s’agit d’un droit réel hors numerus clausus, il n’y a pas de protection de l’art. 973 CC.
!
L’erreur doit être une erreur d’origine : l’écriture a mal été faite au départ, peu importe que le conservateur ait fait une
erreur lui ou pas :
!
-
!
Le conservateur peut avoir fait une faute lui-même. Il s’est trompé.
Mais le conservateur peut avoir porté l’écriture régulièrement et c’est quand même constitutif d’une erreur. Par
exemple, si la vente a priori valable a été inscrite au RF, mais il s’avère plus tard que la vente était nulle avec
effet rétroactif. Le conservateur n’aurait pas dû inscrire mais il ne savait pas au moment de l’écriture que le
contrat était nul. Il n’a pas commis de faute.
L’écriture peut être valable au moment où elle est faite, mais ensuite une mutation s’opère sans écriture. Des droits réels
peuvent muter sans écriture au RF on l’a vu. Dans ce cas, il peut y avoir protection du tiers de bonne foi.
!
!
b.
L’acquéreur est un tiers de bonne foi
Est protégé celui qui acquiert de bonne foi un droit réel immobilier. L’art. 973 CC s’oppose à l’art. 974 CC. Selon l’art.
974 al. 1 CC, si l’acquéreur savait ou aurait dû savoir l’erreur, il n’est pas possible d’invoquer ce qui se trouve au RF
car il n’est plus de bonne foi.
!
La bonne foi doit exister au moment de l’acquisition par le tiers. Le tiers a les mêmes caractéristiques que ce qu’on
avait vu pour l’art. 933 CC :
!
-
!
Ca doit être un tiers acquéreur à titre particulier et pas à titre universel.
Il faut croire avoir un droit réel/absolu et pas un droit personnel/relatif.
Il y a protection de la bonne foi qu’avec le RF fédéral ou avec les RF cantonaux équivalents au RF fédéral. Par contre,
le RF cantonal non équivalent au RF fédéral ne jouit pas de la foi publique et ne permet pas d’être protégé par l’art. 973
CC.
!
Les limites du domaine public ne ressortent pas du plan mais ressortent des règles du droit public cantonal. Donc
comme on est en dehors du RF, il n’est pas possible d’être protégé par l’art. 973 CC.
!
L’art. 691 CC vise un type de conduite qui doit être inscrite au RF mais son al. 3 2ème phrase prévoit une inscription.
Cependant, la conduite est opposable aux tiers de bonne foi même s’il n’y a rien au RF.
!
§3
Effets de l’application de l’art. 973 CC
Il peut y avoir un effet de création et un effet d’extinction.
135
!
!
a.
2014-2015
Acquisition de droits si l’écriture est plus favorable à l’acquéreur (= effet de création)
Un droit qui n’existait pas peut être acquis par le tiers de bonne foi. On crée un droit réel jusque là inexistant.
Exemples :
!
-
!
-
!
!
b.
La propriété immobilière a été vendue de A à B, puis B étant inscrit, il l’a vendu à C qui était de bonne foi, puis
la vente entre A et B a été invalidée pour vice de la volonté. B a aliéné à C un immeuble dont il n’était pas
propriétaire. C acquiert un droit de propriété complet s’il est de bonne foi. A, qui aurait dû être propriétaire de
l’immeuble, va perdre son droit réel en faveur de C.
Une servitude nulle a été inscrite au RF alors qu’elle n’aurait pas dû être inscrite. L’immeuble dominant est
vendu à un tiers de bonne foi. Il croit avoir acheté un immeuble avec un droit de passage sur le fond servant. La
servitude est nulle mais elle sera constituée sur la tête de l’acquéreur du fond dominant.
Extinction (= effet d’extinction)
L’acquéreur de bonne foi profite des écritures pour obtenir la disparition d’un droit réel. Exemple : une servitude est
radiée du RF mais elle a été radiée à tort. Avant que le titulaire proteste pour corriger le RF, le fond grevé est vendu à un
tiers de bonne foi. Le tiers de bonne foi se fie à l’absence de servitude au RF et va dire au titulaire de la servitude qu’il a
perdu son droit réel car il ignorait son existence de bonne foi.
!
!
!
c.
Postposition
Postposer un droit réel est chasser le droit réel à un rang subséquent/moins favorable.
Exemple : L’art. 973 CC permet de se fier aux indications des feuillets au RF. Une servitude grève une parcelle mais la
servitude radiée à tort. Sur le terrain grevé un droit de gage est créé en faveur d’un créancier gagiste. Le créancier
gagiste acquiert le droit de gage en pensant qu’il a le premier rang des droits réels car il ignore qu’il y a une servitude
avant lui. De bonne foi, il sera protégé. Le tiers de bonne foi qu’est le créancier gagiste va acquérir le premier rang et
l’emporter sur la servitude alors même que la servitude a été créée en premier. Le titulaire de la servitude passera après
le créancier gagiste de bonne foi.
!
❖
!
!
!
!
!
La notion de « rang relatif ». Il y a dans le temps : 1) Servitude, 2) Gage (créancier gagiste 1), 3) Gage (créancier
gagiste 2). La servitude a été radiée à tort. Le créancier gagiste 1, est de mauvaise foi car il sait que la servitude
existe. Le créancier gagiste 2 est de bonne foi car il ignore qu’au premier rang il aurait dû y avoir une servitude.
Ici, il y a un rang relatif. La servitude l’emporte sur le créancier gagiste 1 car il est de mauvaise foi : l’art. 973 CC
ne s’applique pas. Par contre, le créancier gagiste 2 doit passer avant la servitude car il est de bonne foi. Mais en
même temps le créancier gagiste 2 qui passe devant la servitude doit passer après le créancier gagiste 1. Donc par
rapport à la servitude, le créancier gagiste 2 passe devant, mais par rapport au créancier gagiste 1, le créancier
gagiste 2 passe après lui. Le rang est relatif car il change selon quel droit réel on observe. On ne peut pas fixer un
ordre qui vaut de manière définitive.
TITRE V. LES ACTIONS REELLES IMMOBILIERES
Il y a les actions pétitoires et l’action en rectification du RF.
Chap. Ier
§ 1er
Les actions pétitoires des art. 641 al. 2 et 937 al. 1 CCS
L’action réelle fondée sur l’art. 641 al. 2 CCS
L’art. 641 al. 2 CC vaut en matière mobilière et aussi en matière immobilière. L’action en revendication au sens large
comprend :
!
-
Action revendication au sens strict : reprendre l’objet des mains d’un tiers.
136
2014-2015
Action négatoire : faire cesser un trouble sur notre droit.
L’action de l’art. 641 CC est la déduction d’un droit réel en justice. Pour exercer cette action, il faut être titulaire du
droit réel. Cette action vaut pour le droit de propriété mais aussi pour les droits réels limités. Tout titulaire de droit réel,
mobilier ou immobilier, dispose de l’action en revendication au sens large.
!
Cette action ne se prescrit/périme pas : tant qu’on a le droit réel on a l’action en revendication. Ce qui amène la
disparation de l’action est la perte du droit réel.
!
Précis : L’importance pratique de la revendication n’est pas très grande car le demandeur, dont le droit n’est pas
toujours aisé à prouver, chercher à utiliser de préférence les autres voies de droit dont il dispose. En matière
immobilière, le propriétaire inscrit utilisera l’action tirée de l’inscription (art. 937 al. 1), alors que s’il n’est pas inscrit,
l’action en rectification du RF suffira en général à lui permettre de défendre son droit ; dans ce dernier cas, la
restitution même de l’immeuble ne peut cependant être obtenue que par la revendication.
!
!
§2
L’action pétitoire fondée sur l’inscription au registre foncier
Pour les actions pétitoires en matière mobilière, on avait vu l’action réelle mobilière/fondée sur la possession des art.
934 et 936 CC. En matière immobilière, il y a aussi une action qui repose sur la publicité à l’art. 937 CC.
!
En vertu de l’art. 937 CC, la personne inscrite est présumée avoir le droit indiqué au RF et va pouvoir se fonder sur
cette présomption pour agir contre les tiers. Ce sera les tiers qui devront prouver que l’écriture est fausse et que celui
qui a ouvert action n’a pas le droit indiqué au RF. Ils devront renverser la présomption.
!
Le texte de l’art. 937 al. 1 CC est malheureux. Il ne s’agit pas des « actions possessoires » comme indiqué dans le texte,
mais on vise les « actions fondées sur l’écriture au RF ». On vise les actions de droit et pas les actions possessoires qui
protègent le fait. Les vraies actions possessoires sont prévues à l’art. 937 al. 2 CC. L’al. 2 renvoit aux art. 927 à 929 CC.
!
•
!
•
!
La légitimation active est celle du titulaire du droit réel aussi. C’est donc la même chose que pour la
revendication immobilière. Seuls les titulaires de droit réel peuvent agir selon l’art. 937 CC.
La légitimation passive est comme pour la revendication aussi : toute personne qui doit restituer l’objet car il la
possède sans droit ou toute personne qui trouble l’exercice du droit réel.
L’action de 937 CC est en réalité une forme de la revendication de 641 CC mais elle se fonde simplement sur la
présomption d’exactitude du RF.
!
!
!
Chap. II.
§ 1er
L’action en rectification du registre foncier
Les différentes rectifications et les procédures spéciales
Cette action permet de rétablir une écriture correcte au RF. Une écriture est inexacte et avec l’action en rectification, on
va rétablir une écriture conforme à la réalité du droit. Il y a plusieurs moyens de corriger le RF. Les art. 975 à 977 CC
concernent ces moyens.
!
•
•
•
L’action en rectification classique (art. 975 CC). Chaque fois que l’inscription est inexacte, on peut la faire
rectifier selon 975 CC. C’est une action judiciaire, un procès contentieux : un juge est saisi d’une demande de
correction.
!
Les actions en rectification non judiciaires (simplifiées) (art. 976-976b CC). Avec les art. 976 à 976b CC, on sort
des décisions judiciaires. Ce sont des rectifications opérées par le bureau du RF. Ce sont des rectifications
simplifiées où le conservateur et non le juge opère la rectification.
!
L’action en rectification selon le juge gracieux. L’art. 977 CC a pour objet les erreurs du RF. Le RF s’est trompé
dans l’écriture et dans ce cas, il y a une rectification administrative/gracieuse. En cas de litige, le juge gracieux
rectifie l’erreur du RF.
137
!
!
2014-2015
On va voir ces actions plus en détail :
•
•
L’art. 976 CC prévoit que l’office du RF peut radier une inscription d’office. En principe, le RF ne fait une
écriture que si on le lui demande, mais ici il intervient d’office dans les 4 cas prévus.
!
L’art. 976a CC. On est en dehors des 4 cas de 976 CC mais très vraisemblablement le droit est éteint. On n’en est
pas sûr mais c’est très probable. Par exemple, il est inscrit au RF un vieux droit réel qui permet de laisser des
chevaux sur une place à Lausanne. La procédure dépend d’une requête ici pour biffer cette servitude.
!
!
L’al. 2 prévoit que l’office du RF qui pense qu’effectivement le droit est éteint doit donner à l’ayant droit un délai
de 30 jours pour faire opposition et s’il ne fait pas opposition, le droit est radié.
S’il y a opposition de l’ayant droit, on applique l’art. 976b CC. Dans ce cas l’office doit réexaminer la requête en
radiation. Si après cet examen nouveau, l’office pense que le droit est éteint, il communique à l’ayant droit qu’il va
radier si dans un délai de 3 mois aucune action judiciaire n’est ouverte par l’ayant droit (al. 2).
!
!
•
!
•
S’il n’ouvre pas action dans les 3 mois, le droit réel sera radié. Le risque est qu’un tiers de bonne foi viennent
acquérir le droit.
L’art. 976c CC est une règle de droit public. On améliore les écritures au RF. S’il y a plein d’écritures qui ne sont
plus adaptées à la situation actuelle, on va mettre toutes les écritures ensembles pour en faire ressortir quelque
chose de clair. On va épurer les écritures au RF d’un périmètre. L’art. 94 CDPJ prévoit que c’est la commune qui
déclenche cette procédure.
L’art. 977 CC vise la rectification administrative d’une erreur de l’office. Le juge a un rôle administratif/gracieux.
Le recours en matière civile au TF est possible mais ça ne signifie pas que la procédure soit soumise au CPC car
c’est une procédure cantonale gracieuse. Le RF/autorité publique peut saisir le juge et devenir partie à la
procédure (al. 1).
!
!
!
!
§2
La procédure de rectification est précisée aux al. 2 et 3. L’ordonnance du Conseil fédéral de l’al. 3 est l’ORF.
L’ORF prévoit que quand le conservateur clôt l’écriture et remarque son erreur, l’écriture n’est pas encore
publique et il peut alors corriger. Mais dès que l’écriture devient publique et qu’il y a un effet juridique, il ne peut
plus corriger par lui-même. Dans ce cas, le conservateur doit demander au juge la modification. Ce juge est le
Président du TA dans le canton de Vaud. Il n’est saisi qu’en cas d’échec d’une procédure de conciliation prévue
par l’ORF. Le conservateur fait appel aux parties et demande aux parties si elles sont d’accord qu’il corrige :
- Si elles sont d’accord, la forme écrite suffit et le conservateur peut rectifier.
- S’il y a désaccord, c’est le juge seul qui décide de la rectification.
L’action en rectification du registre foncier de l’art. 975 CC
Cette action générale n’est possible que dans 2 cas :
1)
!
2)
!
!
Erreur originaire. Le titre n’est pas valable dès le départ et l’écriture est faite à tort. Dès l’origine, l’écriture est
infondée. C’est ce cas qui arrive dans la pratique.
L’inscription est juste au départ mais devient inexacte par les mutations hors écritures intervenues depuis lors.
Des changements de droits réels hors RF ont eu lieu et le RF devient alors inexact.
Ces cas où c’était exact et que ça devient inexact sont rares car les cas où on est dans une inscription
déclarative on peut demander à corriger le RF en montrant une pièce justificative. Il n’y a pas besoin d’ouvrir
un procès pour faire reconnaître son droit. Une pièce justificative permet de corriger le RF. Donc ce n’est que
s’il n’y a pas de pièce justificative qu’il faut faire un procès en rectification.
Il y a 2 éléments dans cette action :
138
2014-2015
!
1)
La constatation du droit. On demande au juge de constater la réalité juridique. C’est une action en constatation
de droit réel.
Un ordre adressé au RF. Il faut, en plus de la constatation du droit, ordonner au RF de corriger le RF.
2)
!
•
Légitimation active. Si on s’en tient uniquement à la constatation de droit, on devrait dire que toute personne qui
a un intérêt peut agir en justice. Si on s’en tient à l’idée de revendication (art. 641 et 937 CC), c’est le titulaire du
droit qui peut agir et personne d’autres.
!
Le TF a admis que peut agir en rectification non pas seulement qui n’est plus inscrit mais aussi celui qui est inscrit
à tort. Exemple : la vente immobilière est invalidée, l’inscription de l’acheteur est indue car il n’y a pas de cause.
Il faut rectifier le RF. La légitimation active appartient au vendeur qui veut être réinscrit mais aussi l’acheteur qui
ne veut plus être inscrit.
!
Le TF laisse ouverte la question de savoir si d’autres personnes peuvent avoir la légitimation active. Selon Piotet
ce n’est pas possible.
•
!
Légitimation passive. La légitimation passive appartient à la personne attaquée : si le vendeur ouvre action c’est
l’acheteur qui a la légitimation passive et si c’est l’acheteur qui ouvre action c’est le vendeur qui a la légitimation
passive.
!
Cette action ne va plus lorsqu’un tiers de bonne foi a acquis un droit sur la base de l’art. 973 CC ou lorsqu’il y a eu
usucapion.
!
Si le procès est transigé, est-ce que la transaction doit être faite en la forme authentique ? En principe, la transaction
judiciaire remplace l’acte notarié/authentique. Mais il y a un petit risque : les parties peuvent faire semblant d’ouvrir un
procès en rectification pour transférer un immeuble sans passer devant le notaire en transigeant directement. Le TF dit
que dans ce cas ce n’est pas possible. C’est contraire à la bonne foi de l’art. 2 CC. C’est une fraude.
!
TITRE VI.
!
!
!
Chap. Ier
§ 1er
ETENDUE DE LA PROPRIETE FONCIERE, DROIT DE VOISINAGE ET PROPRIETE PAR
ETAGES
L’étendue de la propriété foncière dans l’espace
Limitations horizontales
Le CC parle de limitations horizontales d’une propriété foncière aux art. 668 ss CC. On vise les limites horizontales et
pas verticales qui sont les limites en hauteur et en profondeur.
a.
Mensurations et démarcations
!
!
C’est l’art. 668 CC. Il y a les limites du plan et les limites sur le terrain (al. 1) :
-
!
Limites du plan. Les limites du plan au RF jouissent de la foi publique.
Limites sur le terrain. On nous dit qu’en plus des limites sur le plan, il y a une démarcation sur le terrain. Ce sont
des signes apparents, physiques qui se trouvent sur le terrain. C’est la mise en œuvre des limites du plan. Il y a des
marques officielles qui démarquent le terrain. Ces signes marquent les limites du plan sur le terrain.
Il y a donc 2 signes de la publicité des limites des immeubles : le plan au RF et les marques sur le terrain. L’art. 668 al.
2 CC prévoit qu’en cas de contradiction entre le plan et les bornes sur le terrain, le plan l’emporte sur les bornes.
!
L’al. 3 oblige les cantons à mettre sur pied des zones à risques ou des mouvements permanents de terrains se produisent.
Dans ce cas, il n’y a pas de présomption d’exactitude du plan.
!
139
2014-2015
Les limites sur le plan ne peuvent être modifiées que par acte authentique. Même si c’est pour quelques centimètres, il
faut respecter cette forme. Il y a une seule exception prévue à l’art. 101 de la LF sur l’agriculture : en cas d’amélioration
de limite pour les terrains agricoles, la forme écrite suffit.
!
!
!
b.
L’action en bornage
C’est l’art. 669 CC. C’est une action en justice qui peut tendre à 2 choses :
1)
Préciser les limites des immeubles sur le plan. On sait que la limite passe quelque part mais le plan est
imprécis. Si on veut préciser le plan, qui peut être ancien, on peut ouvrir cette action.
Demander à mettre des bornes sur le terrain. On veut que les limites du plan soient concrétisées sur le terrain.
2)
!
L’action en bornage est différente de la revendication. Quand 2 voisins ne sont pas d’accord sur la limite de l’immeuble,
ce n’est pas l’action en bornage qui est ouverte mais l’action en revendication. L’action en bornage vise le cas où la
limite n’est pas contestée mais nécessite juste d’être précisée. L’action en bornage n’est pas une action contentieuse. Les
voisins veulent juste qu’on précise où passe la limite. On est en procédure gracieuse.
!
L’action en bornage dépend de la procédure cantonale et pas du CPC. Le code rural et foncier prévoit aux art. 68 ss une
procédure sommaire devant le juge de paix.
!
Au lieu de faire une action en bornage, les voisins peuvent décider de passer une convention, ce qui est plus simple pour
eux qu’une action en justice. Mais dans tous les cas, la convention doit être ratifiée par un géomètre.
!
Comme la procédure est gracieuse, les frais sont partagés entre les voisins au prorata. En effet, en procédure gracieuse,
la répartition des frais se fait ainsi. Quand une borne a disparu et qu’il faut la remplacer, celui qui a fait disparaître la
borne doit cependant la payer lui-même tout seul.
!
!
c.
Les murs et clôtures mitoyens
On vise un mur ou une clôture à cheval sur la limite de 2 parcelles. C’est l’art. 670 CC : il y a une présomption de
copropriété sur les ouvrages mitoyens. L’ouvrage qui est contre la limite mais qui ne mord pas la limite n’est pas
mitoyen et n’est donc pas régi par l’art. 670 CC.
!
La copropriété en cas d’ouvrage mitoyen est une copropriété particulière car elle est forcée. Le régime de copropriété
dépend toujours des 2 fonds contigus. Une part appartient à A et l’autre part appartient à B. C’est une part de
copropriété propter rem, liée à la propriété de la parcelle. Ca a plusieurs conséquences :
!
1)
2)
La demande de partage par un copropriétaire n’est pas possible. Il n’y a pas de droit au partage individuel.
Il n’y a pas de droit de préemption. Si A vend son terrain, B ne peut pas acheter la part de copropriété sur
l’ouvrage mitoyen.
!
Dans les cantons latins, il y a une réglementation particulière du droit de la mitoyenneté. On réglemente souvent les
murs mitoyens. La compétence législative cantonale pour les murs mitoyens dépend de l’art. 686 CC.
!
❖
Est-ce que le plan du RF donne des indications sur les ouvrages mitoyens ? Souvent, on voit figurer
graphiquement sur le plan l’ouvrage mitoyen. Quand une construction figure sur le RF, c’est indiqué à titre
informatif et ça ne jouit pas de la foi publique. Toutefois, quand l’ouvrage est mitoyen, le TF dit que le plan du
RF jouit quand même de la foi publique s’agissant de l’ouvrage mitoyen.
!
La présomption de l’art. 670 CC n’a qu’une portée subsidiaire par rapport au plan du RF et par rapport aux lois
cantonales. Ce n’est qu’une présomption valable à défaut d’autres règles.
!
Dans le canton de Vaud, on a des règles particulières sur les clôtures mais pas sur les murs. Donc pour les murs on
applique l’art. 5 CC et donc l’art. 441 du CC vaudois. Il prévoit une présomption horizontale (art. 441 al. 2) et une
présomption verticale (art. 441 al. 1) de la mitoyenneté et de plus des présomptions de non mitoyenneté. L’art. 441 CC
140
2014-2015
s’applique donc encore aujourd’hui. Il vaut comme usage local et a le pas sur l’art. 670 CC. Les règles du CC vaudois
peuvent déroger au CC.
!
On a, de plus, en droit vaudois, la possibilité d’acquérir la mitoyenneté unilatéralement en vertu du code rural et foncier
vaudois. Ce code est du droit positif qu’on ne garde pas à titre de droit vaudois cantonal subsidiaire comme c’est le cas
du CC vaudois. Les art. 7 à 10 du code rural et foncier prévoient des règles sur l’entretien du mur mitoyen. Si on veut
percer le mur mitoyen, il faut s’assurer de la solidité du mur.
!
!
§2
L’étendue verticale de la propriété foncière
On va regarder ce qui se passe sur le plan vertical, c’est-à-dire sur la profondeur et la hauteur de la propriété privée.
C’est l’art. 667 CC. La propriété privée s’étend à l’espace en dessus et en dessous du sol dont on est propriétaire « dans
toute la mesure utile à son exercice ».
!
La difficulté est de cerner la notion d’utilité. Le TF dit que l’utilité doit être une utilité objective : pour ce genre de
terrain, on a intérêt à avoir telle hauteur ou telle profondeur de propriété. On ne se fie pas à la volonté subjective du
propriétaire, à ses caprices mais à l’utilité objective. On regarde ce qui est utile objectivement comme hauteur ou
profondeur pour utiliser sa propriété.
!
•
En profondeur. On descend dans le sous-sol. La jurisprudence tient compte du caractère constructible de la
parcelle :
!
-
!
❖
!
Si ce n’est pas constructible (terrain agricole), on se limitera à quelques mètres. Par exemple, si on veut faire
pousser du blé, on n’a pas besoin de 10 mètres de profondeur.
Si c’est constructible, on permettra d’aller jusqu’à 20 mètres. En effet, si on veut construire, il est nécessaire de
pouvoir être propriétaire assez bas sous le sol.
Les cantons peuvent prévoir un droit exclusif de l’Etat pour les mines à être propriétaire du sous-sol, peu
importe si on est dans la propriété utile ou pas. Dans le canton de Vaud, on applique la loi sur les mines. Peu
importe la profondeur du sol, ça ne peut pas être propriété privée. C’est un droit exclusif de l’Etat, une
régale cantonale.
Les cantons définissent le régime du sous-sol en dessous de la profondeur utile en propriété privée. On sait que la
propriété privée s’étend dans la profondeur utile, mais qu’est-ce que c’est en dessous de la profondeur utile ? Le
TF devait se prononcer sur une régale d’un sous-sol. Nidwald avait voté une loi dans laquelle il fallait une
autorisation cantonale pour être propriétaire du sous-sol en dessous de la propriété privée utile. Le TF a admis
cette loi : dès qu’on dépasse 20 mètres de profondeur, il ne peut plus y avoir de propriété privée. On est dans le
droit public cantonal. Les cantons définissent le régime du sous-sol en dessous de la profondeur en propriété
privée.
!
Dans le canton de Vaud, il y a aussi le régime du domaine public qui s’applique en dessous de la propriété utile
(art. 61 al. 1 ch. 4 CDPJ).
!
!
•
Une question se pose : quid des sondes géothermiques qui permettent aux propriétaires d’utiliser la chaleur du sol
si elles descendent par exemple à 80 mètres ? En principe, les cantons encouragent les privés à utiliser la chaleur
du sol. La question n’est pas tranchée.
En hauteur. La propriété ne peut s’étendre qu’à la hauteur utile à l’exercice du droit de propriété. On se base aussi
sur la hauteur utile objective pour déterminer la limite verticale de la propriété foncière. Si des aéronefs
(hélicoptères, avions, etc.) volent dans notre hauteur utile de la propriété privée, ils violent notre propriété privée.
!
Pour un téléphérique, le TF dit qu’entre 10 et 40 mètres on est dans la hauteur utile. Pour un avion, ce serait 50
mètres environ. Dans un autre arrêt, le TF va un peu plus haut, jusqu’à 60 mètres, voir 100 mètres. Il y a des lois
fédérales sur les règles de l’air (hauteurs minimales à respecter pour ne pas faire d’accidents) mais le TF dit que
les limites prévues dans ces textes ne sont pas déterminantes pour savoir quelle est la hauteur utile.
141
2014-2015
!
!
!
!
Au delà de la hauteur utile, on tombe aussi dans le domaine public. L’espace aérien fait partie du domaine public.
§3
Le principe de l’accession
a.
Fondement
C’est l’art. 667 al. 2 CC. Il fixe une définition du contenu de la propriété en y incluant les constructions, les plantations
et les sources. Ce sont des parties intégrantes (art. 642 CC) légales de la propriété foncière.
!
Ici, c’est un cas particulier de parties intégrantes. En effet, avec l’art. 642 CC, la chose principale est celle qui a le plus
de valeur. Avec l’art. 667 al. 2 CC, le principal est toujours le terrain, peu importe la valeur de la construction, de la
plantation ou de la source. Il se pourrait que la construction ait une valeur plus grande que le terrain.
!
L’art. 667 al. 2 CC est complété :
Pour les constructions mobilières, par l’art. 677 CC a contrario. Les constructions légères mobilières qui
peuvent se déplacer (mobile-home, baraques de chantier) restent des éléments mobiliers et ne sont pas des
parties intégrantes au sens de l’art. 667 al. 2 CC. Le principe de l’accession ne s’applique pas.
!
!
-
!
!
!
b.
Il faut alors distinguer la construction mobilière qui n’est pas une partie intégrante (et donc pas d’accession) de
la construction immobilière qui est une partie intégrante (et donc accession).
Pour les plantations, par l’art. 678 al. 1 CC. Le régime de la plantation suit le régime des constructions dans le
cas visé par l’art. 678 al. 1 CC.
Dans un arrêt, il y avait une plantation de pépinières. Il fallait savoir si elles faisaient partie du terrain ou non.
Le TF dit que même si les racines sont dans le sol, comme elles étaient destinées à la vente, elles étaient là
provisoirement, donc il n’y avait pas d’accession.
Application au cas de constructions faites avec des matériaux n’appartenant pas au propriétaire du fond
Quand une construction est faite avec des matériaux n’appartenant pas au propriétaire du fond, 2 situations peuvent se
présenter :
!
-
!
Quid si la construction est faite par quelqu’un sur un terrain qui n’est pas le sien ?
Quid quand le propriétaire du terrain utilise du matériel qui ne lui appartient pas pour construire sur son terrain ?
L’art. 671 al. 1 CC répète le principe de l’accession. Dans les 2 situations, ce qui est construit devient partie intégrante
de l’immeuble. Si on construit avec le matériel d’autrui, autrui va perdre sa propriété sur le matériel car le matériel
devient partie intégrante du terrain.
!
Ce qu’on va voir vaut pour les constructions mais aussi pour les plantations en vertu de l’art. 678 al. 1 CC. On va voir
les 2 situations mentionnées à l’art. 671 CC :
!
1)
!
Le propriétaire emploie les matériaux d’autrui pour construire sur son propre immeuble. Les art. 671 ss CC ne
s’appliquent qu’à défaut de rapport juridique valable entre le propriétaire des matériaux et le propriétaire du
sol. S’il y a un contrat d’entreprise, on regarde ce qui est prévu dans le contrat d’entreprise. Si le contrat n’est
pas valable ou s’il n’y a pas de contrat, on entre dans les art. 671 ss CC.
❖
Les droits des parties :
!
o
Droit à la restitution des matériaux (art. 671 al. 2 CC). Cette restitution se fait aux frais du
propriétaire qui a construit avec le matériel d’autrui sans l’accord du propriétaire du matériel. Le
propriétaire du matériel a le droit qu’on lui rende son matériel et c’est le propriétaire du terrain qui
142
2014-2015
doit en assumer les frais. Toutefois, s’il y a un risque de dommage excessif à ce que le propriétaire du
terrain rende les matériaux, ce droit à la restitution des matériaux n’existe pas.
!
!
C’est une créance en restitution des matériaux. C’est un droit personnel et pas un droit réel.
o
Droit à une indemnité équitable. S’il n’y a pas de restitution des matériaux possible, l’art. 672 al. 1
CC prévoit des d-i pour le propriétaire des matériaux. Le propriétaire du terrain paie des d-i mais ce
ne sont pas des d-i complets. C’est une indemnité équitable : on modère le montant des d-i selon
l’équité.
!
Par contre, si la construction est faite de mauvaise foi par le propriétaire du terrain, l’al. 2 prévoit que
tout le préjudice subi doit être indemnisé. Donc le propriétaire du matériel aura droit non seulement au
prix des briques et en plus à l’éventuel gain manqué subi. Il pourrait avoir subi un gain manqué par
exemple s’il n’avait plus assez de briques pour conclure un autre contrat d’entreprise parce que les
briques ont été utilisées de mauvaise foi par le propriétaire du fonds.
!
!
2)
!
!
La prescription de l’al. 1 est celle de l’art. 67 CO. La prescription de l’al. 2 est celle de l’art. 60 CO.
➔ Si bonne foi : enrichissement illégitime. Si mauvaise foi : RC.
Le propriétaire des matériaux construit avec ses matériaux sur le terrain d’autrui. S’il y a un contrat entre eux,
on applique le contrat. Sinon, on applique les art. 671 ss CC.
❖
Les droits des parties :
o
o
!
L’art. 671 al. 3 CC prévoit une prétention en enlèvement aussi, mais ici c’est le propriétaire du sol
qui l’exige. Le propriétaire a un droit à l’enlèvement, aux frais du constructeur propriétaire des
matériaux. « Sous cette même réserve » signifie : s’il y a un dommage excessif, ce droit ne peut pas
être exercé.
!
L’art. 672 al. 1 et 3 CC vise l’indemnisation. L’al. 1 vise le constructeur qui utilise ses matériaux de
bonne foi. Dans ce cas, il a droit à une indemnité équitable. La prescription est aussi celle de l’art.
67 CO. L’al. 3 vise le constructeur de mauvaise foi. L’indemnité peut carrément être supprimée.
Dans ce cas, la prescription est aussi celle de l’art. 60 CO.
Certains arrêts du TF semblent dire que la notion de bonne foi n’est pas la même que celle de l’art. 3 CC.
Seule la faute grave serait un cas de mauvaise foi. Ca pose des problèmes car on ne voit pas pourquoi la
bonne foi ne serait pas la même que celle de l’art. 3 CC.
Il y a encore une prétention prévue à l’art. 673 CC. C’est le cas où la valeur de la construction dépasse nettement la
valeur du terrain. La partie de bonne foi (en principe le propriétaire sur le sol duquel on a construit sans droit) peut
forcer l’autre partie à acheter le terrain. Mais ça peut aussi être le constructeur qui est de bonne foi. C’est une sorte de
cession forcée : obligation de vendre la propriété. Le prix à payer est la valeur vénale de l’immeuble construit (ATF 52 I
478).
!
On a vu les 2 cas visés à l’art. 671 CC. Il existe encore un cas : le constructeur construit sur le terrain d’autrui et avec
des matériaux qui ne lui appartiennent pas. Exemple : un locataire décide de faire des transformations dans
l’appartement qu’il loue. Il ordonne des travaux à un entrepreneur. Le propriétaire n’est pas d’accord mais le locataire
ordonne quand même les travaux. Le constructeur est le locataire : il n’a pas la propriété des matériaux, ni la propriété
du sol. Dans cette situation, le TF dit qu’on applique par analogie les art. 671 et 672 CC. Donc si le locataire était de
bonne foi, on applique les règles sur la bonne foi alors que s’il était de mauvaise foi, on applique les règles sur la
mauvaise foi.
!
!
c
Le droit de superficie, dérogation au principe de l’accession
143
2014-2015
On va voir l’application du principe de l’accession vis-à-vis des différentes servitudes qui peuvent toucher à
l’immeuble. Il est possible de déroger au principe de l’accession dans les cas suivants :
!
1)
Le droit de superficie. C’est une servitude qui permet d’être propriétaire d’une construction ou plantation sur le sol
d’autrui. Le propriétaire du sol n’est pas le propriétaire de la plantation ou de la construction. C’est une propriété
dissociée sur la même parcelle. Le droit de superficie rompt donc le principe de l’accession.
!
Il est prévu à l’art. 675 CC. L’al. 1 prévoit qu’il est possible de rompre le principe de l’accession mais il faut une
inscription au RF d’une servitude de superficie. Pour rompre le principe de l’accession, il faut respecter cette
exigence.
2)
3)
!
Le droit de superficie n’est pas le seul cas où il y a rupture du principe de l’accession. Il peut y avoir une servitude
d’empiètement (art. 674 CC). On déborde de la ligne séparative des terrains. Pour éviter une propriété soumise à
l’accession, on peut créer une servitude d’empiètement, inscrite au RF.
!
Les servitudes de conduites/canalisations (art. 676 CC). Lorsqu’un terrain a des conduites (eaux usées, câbles
électriques) qui traversent un autre terrain, ces conduites ne grèvent de droits réels les fonds qu’ils traversent que
s’il y a servitudes de conduites inscrites au RF (al. 2). L’al. 3 prévoit que l’inscription est constitutive sauf si elle
est apparente, on l’avait vu. Pour séparer la conduite du sol, il faut une servitude de conduite. C’est le seul moyen
d’écarter le principe de l’accession.
!
L’al. 1 prévoit une présomption : la conduite appartient au fond qu’elle dessert. Le terme « entreprise » est mal
choisi. S’il y a une servitude de conduite, la servitude est au bénéfice du propriétaire du fond dominant qui a
l’utilité de la conduite qui arrive chez lui. Cette présomption n’est pas utile car le propriétaire est désigné par le
RF. Donc l’al. 1 n’est pas nécessaire. La présomption de l’al. 1 ne sert à rien car il présume qui est propriétaire
alors que le RF nous indique qui est le propriétaire.
!
Toutefois, la présomption de l’al. 1 sert en cas en servitude de conduite personnelle qui ne sont pas rattachées à un
fond mais à une personne. Dans ce cas, le RF ne dit pas qui est titulaire de la servitude, donc la présomption est
utile.
!
!
Des lois de droit public fédéral régissent certains types de conduites qui sont soustraites au régime du CC.
D’autres situations peuvent déroger au principe de l’accession.
!
Lorsque ce sont des biens du domaine public, il n’est pas possible de créer une servitude sur ces biens du domaine
public, sauf si le droit cantonal le permet. Dans le canton de Vaud, l’art. 63 CDPJ prévoit que le domaine public est
inaliénable ce qui a pour conséquence qu’on ne peut pas créer de servitude sur le domaine public. Le seul moyen est de
désaffecter le bien du domaine public pour qu’il devienne un bien du domaine privé et ainsi on pourrait créer une
servitude. C’est le seul moyen de rompre le principe de l’accession sur le domaine public vaudois.
!
!
Chap. II.
Les restrictions immédiates à la propriété foncière du droit de voisinage
Une restriction immédiate/directe est une restriction légale qui s’applique sans qu’il n’y ait besoin d’un acte juridique
pour la mettre en œuvre. Elle s’applique directement au propriétaire. On oppose la restriction immédiate/directe à la
restriction médiate/indirecte où il faut un acte juridique pour la mettre en œuvre.
!
-
!
§ 1er
Exemple de restriction directe : à moins de tant de mètres, le voisin ne peut pas planter un sapin. La loi prévoit
directement cette règle, il n’y a pas besoin d’acte juridique.
Exemple de restriction indirecte : le propriétaire a une parcelle qui n’a pas accès à la route. Il peut demander un
passage nécessaire sur le fond d’autrui pour atteindre la route (art. 694 CC). Tant qu’il n’a pas obtenu le droit
de passage par l’accord du voisin ou le jugement, il ne peut pas le faire. La loi ne laisse qu’une faculté légale
d’obtenir quelque chose mais ne permet pas directement de restreindre le droit d’autrui.
La liberté d’établir des parties intégrantes
144
!
!
!
2014-2015
On est libre en principe de faire ce qu’on veut sur notre terrain, mais le voisin peut avoir certains droits quand même.
a.
Les clôtures
C’est l’art. 697 CC. La seule règle est que le propriétaire de la clôture doit l’entretenir. L’essentiel du droit civil des
clôtures se trouve dans le droit cantonal.
!
❖
!
!
Qu’est-ce qu’est une clôture ? Elle se définit par son affectation. C’est un ouvrage qui sert à la démarcation (art.
670 CC). On l’utilise pour démarquer notre terrain du terrain voisin. Ca peut être un treillis, une palissade, un
mur, une haie.
Il y a 2 aspects des clôtures :
1)
!
2)
!
!
b.
La liberté de les mettre en place. Tout propriétaire a en principe le droit de démarquer par une clôture son terrain,
mais il y a des restrictions (art. 31 ss code rural et foncier vaudois). Si on ne respecte pas les hauteurs et distances
prévus aux art. 31 ss, il y a une action en enlèvement de la clôture à l’art. 40. C’est une sorte d’action négatoire.
Elle est imprescriptible.
La liberté de ne pas les mettre en place. Tout propriétaire peut refuser de mettre des démarcations. Toutefois, il y a
dans certaines situations des obligations de mettre des clôtures. S’il y a un risque de dommage si on ne clôture pas,
le droit de la RC prévoit qu’il faut clôturer. Celui qui a un pâturage avec des animaux (vaches) doit clôturer car si
les vaches partent elles risquent de causer des dommages. L’action est aussi imprescriptible.
Les plantations
C’est régi à l’art. 687 CC. Il règle le problème des racines et branches d’arbre qui dépassent les limites. Cet article
prévoit ce que le propriétaire voisin qui subit ces dépassements peut faire. Si cet article n’existait pas, il devrait faire
une action négatoire et exiger du propriétaire qu’il coupe les branches qui dépassent. Cette action négatoire permet
d’arrêter l’atteinte jusqu’à sa limite de propriété.
!
L’art. 687 CC a voulu essayer d’éviter une action judiciaire. On prévoit alors un acte de justice propre du propriétaire
dont sa propriété est gênée. Les conditions pour faire l’acte de justice propre :
!
1)
2)
3)
!
Les branches et racines causent un préjudice. Le préjudice doit être compris dans le sens où il y a une gêne.
Le propriétaire qui veut exercer l’acte de justice propre doit faire un avis au voisin pour qu’il coupe les
branches et racines dans un délai raisonnable.
Le voisin n’a pas coupé les racines et branches dans le délai raisonnable.
Mais le propriétaire gêné peut toujours faire une action négatoire en justice.
Il y a des règles cantonales de droit public qui protègent les arbres protégés. L’acte de justice propre est exclu dans cette
situation. L’art. 687 al. 2 CC prévoit un droit aux fruits des branches qui dépassent sur notre propriété. L’art. 688 CC
prévoit 2 éléments :
!
1)
2)
!
Deuxième phrase. Les cantons peuvent supprimer pour les arbres fruitiers le droit de justice propre et l’action
en justice et ils peuvent aussi régler le droit aux fruits différemment. L’art. 63 du code rural et foncier vaudois
prévoit que le propriétaire gêné peut obtenir les fruits dont les branches dépassent la limite.
Première phrase. Les cantons peuvent déterminer la distance que les propriétaires sont tenus d’observer dans
leurs plantations. Le canton peut par exemple dire que les grands arbres doivent être plus éloignés de la limite
que les plus petits arbres.
Si les règles de droit cantonal ne sont pas respectées, il y a une action en enlèvement (art. 57 code rural et foncier
vaudois). En droit vaudois, cette action a 2 particularités :
!
1)
On tranche en une seule fois le problème de la distance des arbres et la question des arbres protégés.
145
2014-2015
2)
!
!
c.
Selon le droit fédéral, les cantons peuvent prévoir des délais de prescription et de péremption de l’action. En
droit vaudois, l’action est imprescriptible, mais au bout de 10 ans, il y a une pesée des intérêts.
Fouilles et constructions
Les fouilles et constructions font l’objet d’une réserve du droit cantonal à l’art. 686 CC. Cet article était très utilisé au
moment de son adoption quand le droit de la police des constructions était peu développé. Par la suite, le droit de la
police des constructions a été transféré en droit administratif fédéral. Il reste toutefois encore aujourd'hui quelques
règles de droit cantonal sur les fouilles et les constructions.
L’art. 680 CC
!
L’art. 680 CC s’applique en cas de restriction au droit de construire. Son al. 1 vise toutes les restrictions directes/
immédiates qui résultent de la loi. L’al. 2 prévoit que les restrictions légales ne peuvent être supprimées ou modifiées
que par un acte authentique et une inscription au RF. Pour modifier les règles d’aménagement du sol, il faut faire une
servitude.
!
Toutefois, l’al. 3 prévoit que les restrictions établies dans l’intérêt public ne peuvent pas être modifiées ou supprimées.
Les règles de droit public sont impératives et on ne peut pas les modifier. Comment faire pour savoir si la règle de
voisinage est faite dans l’intérêt public (droit public) ou non (droit privé) ? Il faut regarder si l’autorité qui s’occupe du
respect de la règle est l’autorité administrative ou les tribunaux civils. Dans le canton de Vaud, on n’a pas tellement ce
problème car on a séparé en 2 lois différentes d’une part les règles de droit privé du voisinage et d’autre part les règles
de droit public du voisinage :
!
-
!
Règles de droit public du voisinage : loi d’aménagement du territoire.
Règes de droit privé du voisinage : code de droit rural et foncier.
Les règles de droit privé sont celles du code de droit rural et foncier. On y trouve les fosses, les excavations, les
terrassements. Dans ce texte, on y trouve les règles sur la protection de la sphère privée des voisins, de leur intimité
privée. Par contre si l’intérêt est public, la règle est dans la loi d’aménagement du territoire.
!
Il existe des servitudes de vue. Depuis une fenêtre, on peut avoir une vue illicite sur le fond voisin. Pour que cette vue
sur le terrain d’autrui ne soit pas illicite, il faut faire une servitude de vue.
!
§2
a.
!
L’interdiction de toute « immission excessive »
Notion d’immission
Ce n’est pas une immixtion mais une immission. C’est tiré du latin : « immitere », qui signifie « envoyer sur ». Une
immission est une nuisance qui se déplace d’un fonds sur un autre. La nuisance est prévue à l’art. 684 CC.
!
Dans sa propriété, que peut-on faire sans attenter à la propriété du voisin ? On n’a pas le droit de faire des nuisances
excessives. Les nuisances de notre fonds ne doivent pas atteindre le fonds voisin. Une nuisance excessive est interdite.
La nuisance est le produit d’une activité humaine. Si une tempête emmène des feuilles sur le terrain voisin, ce n’est pas
une immission.
!
❖
!
!
!
ATF 120 II 15 = JdT 1995 I 186 : Un établissement public (disco) ouvert la nuit au bord d’une rue dans une ville
fait beaucoup de bruit et les voisins ne peuvent plus dormir. L’action est dirigée contre le tenancier de
l’établissement et ce dernier dit que ce n’est pas dans l’établissement mais devant l’établissement qu’il y a du
bruit. Le TF dit que c’est parce qu’il exploite l’établissement qu’il y a du bruit. La nuisance est due à
l’exploitation, donc le tenancier est responsable sur la base de l’art. 684 CC.
L’énumération des nuisances à l’al. 2 est exemplative. Il y a plusieurs catégories d’immission :
•
Immissions positives :
146
2014-2015
!
!
!
•
!
•
1) Immissions de particules de matières. Exemple : des suies, des poussières des exploitations industrielles. Ce
sont des dépôts de matières. Ca peut aussi être des animaux nuisibles. Exemple : insectes, rats.
2) Immissions de bruits ou d’odeurs ou d’ondes. Un appareil défectueux du propriétaire voisin perturbe certains
appareils électroniques. Une immission n’est donc pas forcément matérielle mais elle peut être immatérielle.
Ces 2 catégories sont appelées les immissions positives : quelque chose se déplace d’un terrain à un autre.
Immissions psychiques. Il existe aussi les visions désagréables qui proviennent d’un immeuble. La vision est
reçue sur un immeuble voisin. On parle d’immissions psychiques. C’est inclus dans l’art. 684 CC. Exemples
jurisprudentiels :
- Un asile de personnes handicapées. Les voisins s’étaient plaints de la vision très dérangeante. Ca a été
considéré comme une immission psychique.
- Un abattoir d’animaux visible pour les voisins a été considéré comme une immission psychique.
- Un spectacle dit ouvert de la drogue a été considéré comme une immission psychique.
Immissions privatives/négatives. Ici, ce n’est pas quelque chose qui se déplace mais l’aménagement du terrain
voisin retire un avantage au fonds contigu. Notre fonds perd de sa valeur à cause de l’aménagement du voisin.
Exemple : j’ai un capteur solaire sur mon toit, mais mon voisin construit un immeuble de 10 étages et il y a de
l’ombre sur le capteur solaire. L’art. 684 al. 2 CC prévoit que la privation de lumière ou d’ensoleillement est une
immission excessive interdite. L’évolution de la jurisprudence pour les immissions négatives :
!
!
1) Au départ, le TF disait que les immissions négatives ne relevaient pas du droit fédéral.
2) Ensuite, le TF dit qu’il y a une protection minimale de droit fédéral déduite de l’art. 684 CC :
- Il y a cette protection minimale face à des plantations excessives. Dans le cas d’espèce, il y avait de très
hauts arbres de 30 mètres qui gênaient et l’action de droit cantonal était prescrite. Le TF a admis la
protection de l’art. 684 CC.
- Pour les constructions, la jurisprudence dit qu’il n’y a en principe pas de protection fédérale, et il faut
appliquer la protection de police des constructions cantonale.
Le TF admettait la protection minimale pour les plantations mais pas pour les constructions.
!
3) Depuis 2009, l’art. 684 CC prévoit dans son texte une protection contre les immissions négatives, mais il y a
des exceptions, notamment à l’art. 679 al. 2 CC.
!
!
➔ Aujourd’hui, la protection des immissions négatives est protégée par l’art. 684 CC, mais il y a des exceptions,
dont la principale est à l’art. 679 al. 2 CC.
L’immission doit atteindre le terrain voisin. La notion de « terrain voisin » va au-delà du terrain contigu. Les nuisances
excessives peuvent aller plus loin que sur le terrain d’à côté. Dans un arrêt, il y avait eu une émission de fluor en Valais
et des propriétaires de terrains qui avaient des abricots à des km de la source d’émission du fluor avaient recouru et
avaient gagnés.
!
!
b.
Notion d’immission excessive
Toutes les immissions ne sont pas interdites. Il faut que l’immission soit excessive pour être interdite. C’est prévu à
l’art. 684 al. 2 CC « qui ont un effet dommageable… nature des immeubles ». Il y a un devoir général de tolérance et
quand ce devoir est dépassé, on a une action sur la base de l’art. 684 al. 2 CC. Cet article donne 2 critères d’appréciation
pour savoir si l’immission est excessive ou non :
!
1)
2)
!
L’usage local : la façon dont les gens vivent à cet endroit en général.
La situation et la nature des immeubles : l’affectation des immeubles. On regarde à quoi doivent servir les
immeubles. Si on est en zone industrielle, le bruit de machines devra être plus toléré que si on est en zone à
bâtir.
147
2014-2015
Pour déterminer s’il y a excès, on se base sur ces 2 critères. On va voir des précisions du CC annoté :
!
-
!
-
!
!
-
-
!
!
❖
L’excès peut tenir en la violation d’une règle. Cette règle n’appartient pas forcément au droit privé. Comme le CC
renvoit à l’usage local, la règle peut être locale. Exemple : après 22h, on ne doit plus faire du bruit selon le
règlement de commune. Si on fait du bruit à 3h du matin, on viole une règle de droit communal.
ATF 56 II 355 = JdT 1931 I 172 : L’excès s’apprécie sur une moyenne. J’ai une usine et une fois par année il y a
une vidange qui fait beaucoup de bruit. Il ne faut pas se baser que sur ce jour pour dire si l’immission est excessive
ou pas. S’il y a 1 jour de bruit et 359 jours de calme, ce n’est pas excessif.
L’excès s’apprécie au jour de l’ouverture de l’action.
❖
Droit du premier exploitant ? Quelqu’un commence une exploitation qui fait des nuisances dans un lieu où
ça ne gène personne car il n’y a personne aux alentours. 20 ans après, il y a des voisins qui sont arrivés et ils
gênés par l’exploitation. Les nuisances ne sont pas nouvelles mais il y a simplement des nouveaux voisins
qui sont dérangés. Y a-t-il un droit de priorité temporelle ? Si les voisins arrivent après le début de
l’exploitation dérangeante, l’exploitant peut continuer ou pas ? L’excès s’apprécie au jour de l’ouverture de
l’action, donc il n’y a pas de droit du premier exploitant.
!
Le dépassement de valeurs limites dans le droit de la protection de l’environnement est une immission excessive ?
La LF sur la protection de l’environnement (LPE) prévoit que le Conseil fédéral doit faire des ordonnances de
droit administratif (ordonnance sur la protection de l’eau, sur la protection de l’air, etc.). Le dépassement des
limites des ordonnances est toujours une immission excessive au sens de l’art. 684 CC ?
Au départ, le TF avait dit qu’il n’y avait pas de lien entre les ordonnances du Conseil fédéral et l’art. 684 CC.
Aujourd’hui, le TF dit que le juge civil doit tenir compte des ordonnances de droit administratif du Conseil
fédéral :
- Quand on dépasse les normes de l’ordonnance, il y a toujours une immission excessive au sens de l’art. 684
CC.
- Par contre, on peut respecter l’ordonnance de droit public mais quand même être en excès au sens de l’art. 684
CC.
Le champ d’application de l’art. 684 CC : est-ce que les rapports de voisinage entre le domaine public et la
propriété privée du riverain relèvent de l’art. 684 CC ou du droit administratif ? Logiquement, on a envie de dire
que si l’immission vient de la propriété privée, on applique le droit privé alors que si c’est le domaine public qui
crée les nuisances, on applique le droit public. Mais le TF ne va pas en ce sens. Il dit qu’on applique toujours
l’art. 684 CC.
!
!
!
!
Mais le TF atténue sa jurisprudence : si l’excès par le domaine public ne peut pas être facilement évité parce qu’on
poursuit un intérêt public important, on ne fait pas d’action civile mais on applique les règles sur l’expropriation
pour le propriétaire privé. L’individu peut demander une indemnité d’expropriation si les immissions venant du
domaine public sont difficilement évitables. Ca vaut aussi pour le patrimoine administratif.
c.
Sanction et limitation
Il y a 2 régimes de sanctions :
1)
2)
Sanction ordinaire (art. 679 CC). Cette action confère 3 actions possibles : 1) une action en cessation, 2) une
action en empêchement et 3) une action en d-i. C’est la sanction de principe. Le fondement de l’action est la
violation de l’art. 684 CC. On applique l’art. 679 CC s’il y a violation de l’art. 684 CC.
!
Régime spécial de sanction (art. 679a CC). Cette sanction est moindre que celle de l’art. 679 CC. La sanction
normale confère 3 actions. Avec l’art. 679a CC, il n’y a pas d’action en cessation et pas d’action en empêchement.
La victime n’a qu’une action en d-i. Elle ne peut être qu’indemnisée pour son dommage mais ne peut pas
148
2014-2015
!
empêcher la construction. On veut favoriser le constructeur qui est obligé de nuire excessivement aux droits des
voisins, notamment au centre des villes.
Précis : En principe, l’exploitation d’un fonds n’est licite que si elle ne provoque pas d’immissions excessives au
sens de l’art. 684 CC. Il peut toutefois arriver, notamment lors de travaux de construction, qu’une immission en
elle-même excessive, soit licite parce qu’elle est temporaire et inévitable (en ce sens que son interdiction serait
hors de proportion avec l’avantage qu’en retirerait le voisin). L’art. 679a CC prévoit que, comme l’immission doit
être considérée comme licite, une action à raison du trouble est exclue. Toutefois, comme l’immission est tout de
même excessive, le voisin peut exiger le versement de d-i.
!
Plusieurs situations échappent aux sanctions des art. 679 et 679a CC : les immissions résultant de grands travaux/
ouvrages publics. Le premier arrêt concernait la construction de l’autoroute Lausanne-Genève dans les années 1960. Le
TF dit qu’il n’y a pas de protection en vertu du CC lorsqu’on subit des nuisances d’un grand ouvrage public, comme la
construction d’une autoroute. Dans les rapports entre le riverain et le domaine public, on avait vu que le CC s’applique,
mais ici c’est une exception.
!
!
Toutefois, il peut y avoir une indemnisation si 3 conditions sont remplies :
1)
2)
3)
!
!
Gravité et intensité particulière du préjudice.
Atteinte spécifique. Il faut être proche de l’autoroute.
Atteinte imprévisible. Au moment où on devient propriétaire, il n’y avait aucun projet de construction d’autoroute.
Si ces 3 conditions ne sont pas remplies, il n’y a aucune indemnité possible.
Ensuite, cette jurisprudence a été étendue aux chemins de fer et aux aéroports. Ca ne vise pas que les autoroutes, mais
aussi les chemins de fer et les aéroports.
!
Les avions :
- S’ils volent trop bas, dans notre propriété verticale utile, on est dans l’art. 667 CC.
- S’ils volent en dessus de notre propriété utile et dérangent, on est dans la protection contre les grands ouvrages.
!
Si on remplit les 3 conditions mais qu’il y a un plan d’assainissement en cours d’exécution, on ne peut quand même pas
avoir d’indemnité.
!
!
Pour l’indemnité pour les grands ouvrages publics, le juge civil n’est pas compétent.
Les immissions négatives/privatives ne sont pas assujetties complétement à la sanction de l’art. 679 CC car l’art. 679 al.
2 CC prévoit que les immissions négatives ne donnent une sanction que si l’immission viole une règle de droit public.
Si c’est conforme au droit public, il n’y a pas d’action ouverte en vertu de l’art. 679 al. 2 CC.
!
!
!
Chap. III.
§ 1er
Les actions civiles ouvertes contre l’excès du droit de propriété
Domaine d’application de l’art. 679 CCS
Il y a 3 actions :
1) Action en prévention de l’atteinte imminente.
2) Action en cessation du trouble.
3) Action en d-i.
!
Ces 3 actions sanctionnent toujours un comportement humain à l’origine de l’excès. Ce comportement de l’homme est
généralement actif, mais il peut aussi être passif. Exemple : le fait de ne pas prendre certaines précautions.
!
L’excès doit être en rapport de CN et CA avec le dommage subi. L’excès au sens de l’art. 679 CC =/ atteinte directe au
droit de propriété. C’est le distinction entre l’action de 641 CC (négatoire : repousser les atteintes) et l’action de 679
CC.
149
!
➔
!
2014-2015
L’action de 679 CC est ouverte quand il y a atteinte indirecte, c’est-à-dire immission. Si l’atteinte est directe, on
est dans 641 CC.
Exemple : S’il y a un effondrement des mes terres sur celles du voisin, il y a une atteinte directe au droit de propriété du
voisin, donc on est dans 641 CC. Si de la fumée part de mon terrain pour aller chez mon voisin, l’atteinte est indirecte,
donc on est dans 679 CC.
!
La différence pratique :
Si on est dans 641 CC, l’acte est un acte illicite fondé sur une faute du voisin. Il faut prouver la faute du voisin
pour demander des d-i.
Si on est dans 679 al. 1 CC, la responsabilité est causale/objective. Il n’y a pas besoin de faute pour obtenir des d-i.
Il suffit de prouver l’excès.
!
Exemple : si l’avion est dans la hauteur utile de la propriété privée, c’est 641 CC, alors que si le bruit est en dessus de
notre propriété privée, c’est 679 CC.
!
Si 2 voisins se gênent l’un l’autre pour exploiter la même parcelle, on est en dehors de l’art. 679 CC. Exemple : une
personne a un droit de superficie sur une maison sur le sol d’autrui. Si ces 2 personnes se gênent l’une l’autre, les
rapports ne se règlent pas selon l’art. 679 CC. La question sera réglée par le rang du droit réel.
!
L’excès n’est pas défini à l’art. 679 CC. Il doit se référer à une autre norme du droit de voisinage. Dans la grande
majorité des cas, l’excès est une violation de l’art. 684 CC, c’est-à-dire une immission excessive. Mais l’excès peut être
une violation d’une autre règle de voisinage, par exemple :
!
-
L’art. 685 al. 1 CC, qui déroge à l’art. 679a CC. Quand le chantier voisin fait de telles vibrations que notre
maison commence à se fissurer, on est dans l’art. 685 al. 1 CC. On n’est pas dans l’art. 684 CC et pourtant on
bénéficie de l’action de l’art. 679 CC.
L’art. 690 CC prévoit l’écoulement des eaux. Ca peut constituer une source d’illicéité.
Des règles de droit cantonal.
L’art. 679 CC trouve application dans les rapports entre propriété privée riveraine et domaine public ou patrimoine
administratif. Mais s’il y a un intérêt public à la continuation de l’exploitation, le voisin peut obtenir une indemnité
d’expropriation, on l’a vu.
!
!
!
§2
Les actions de l’art. 679 CCS
a.
Qualité pour agir et pour défendre
•
Qualité pour agir. L’art. 679 al. 1 CC prévoit « celui qui est atteint ou menacé d’un dommage ». On vise : le
propriétaire du fonds voisin, le titulaire d’une servitude voisine, le locataire/fermier voisin. Donc un droit
personnel d’usage suffit pour avoir la légitimation active.
!
Pour ouvrir le procès de 679 CC, le TF exige un droit sur l’immeuble touché par l’excès. Le droit peut être réel ou
personnel. Donc le squatter qui n’a pas de droit n’a pas la qualité pour agir, tout comme l’ami du propriétaire
touché qui vient en visite et qui est dérangé. Il faut prouver que notre droit est touché par l’immission.
•
!
Qualité pour défendre. Le texte prévoit « peut actionner ce propriétaire ». On vise le propriétaire qui excède son
droit. Le terme de « propriétaire » est utilisé, mais le TF a élargi cette notion. A la qualité pour défendre : le
propriétaire qui excède son droit, le titulaire d’une servitude de superficie qui excède son droit, le titulaire d’un
droit de source qui excède son droit, le locataire/fermier qui a un comportement excessif.
!
Celui qui a la légitimation passive l’a exclusivement. Exemple : si le locataire fait trop de bruit, il a la légitimation
passive et ça exclut la légitimation passive du propriétaire bailleur. Il est particulier que celui qui a un droit
personnel/relatif peut excéder le droit de propriété.
!
150
2014-2015
❖
!
!
b.
Quand l’excès vient de plusieurs fonds, quid ? Faut-il attaquer tous les responsables ? Le TF dit qu’il n’y a
pas de solidarité entre les responsables car la solidarité n’existe que quand la loi le prévoit. Chaque
responsable est responsable du préjudice causé par sa parcelle et il ne peut pas être responsable de
l’ensemble du préjudice causé par tous les responsables.
Action réelle et personnelle
Il y a 3 actions à l’art. 679 al. 1 CC :
1) Action en interdiction d’une atteinte imminente. On veut empêcher judiciairement que l’atteinte se concrétise.
2) Action en cessation. On demande l’arrêt d’une atteinte en train de se produire.
3) Action en d-i. C’est une responsabilité causale/objective/sans faute.
!
Ces 3 actions sont de nature différente :
- L’action en d-i est une action personnelle. C’est une créance en paiement.
- L’action en prévention et l’action en cessation sont des actions réelles.
!
Le locataire et le fermier ont un droit personnel et pourtant, ils bénéficient des 3 actions, y compris les 2 actions réelles.
La construction juridique pour le justifier : le locataire/fermier invoque le droit réel de celui dont il tient la chose.
!
!
Les différences entre action personnelle et action réelle :
-
!
!
!
!
Faillite. Si le défendeur passe en faillite, les d-i ne sont qu’une créance ordinaire dans la masse en faillite. Par
contre, les actions réelles sont toujours opposables à la masse en faillite.
Prescription. L’action personnelle en d-i est soumise à un délai de prescription prévu à l’art. 60 CO. Les 2 actions
réelles ne se prescrivent pas tant que l’atteinte reste imminente ou continue.
Qualité pour défendre. L’action réelle est dirigée contre celui qui a la maitrise actuelle de l’immeuble alors que les
d-i sont réclamés à la personne qui a causé le dommage.
For. Les actions réelles relèvent du for du lieu de situation de l’immeuble alors que l’action personnelle a pour for
le lieu de l’acte illicite ou le lieu du dommage subi.
Chap. IV.
Quelques restrictions légales à la propriété foncière
§ 1er
Les servitudes légales de passage, de fontaine et de conduites
a.
Distinction entre restrictions légales directes et indirectes
On avait déjà vu cette distinction :
Restriction légale directe : n’a pas besoin d’un acte juridique pour se concrétiser sur le terrain. La loi s’applique
directement.
Restriction légale indirecte : le voisin est obligé, par la loi, à constituer un droit si un voisin le lui demande. La loi
donne une faculté de demander quelque chose. Si le voisin n’utilise/ne réclame pas le droit, rien ne se passe. S’il le
réclame, le droit est constitué.
!
Les restrictions indirectes concernent en particulier les servitudes légales. C’est ce qu’on va voir dans ce § 1. La loi
donne au voisin le droit d’obtenir une servitude sur le terrain contigu, mais tant que le voisin ne réclame rien, la
servitude n’existe pas. Il faut une démarche juridique. Ce n’est qu’à partir de la création de la servitude, en principe au
RF, que la restriction est concrétisée. On voit donc que c’est une restriction indirecte. Ces servitudes sont les suivantes :
!
1)
!
Conduite de voisinage (art. 691 al. 1 CC). On a besoin de conduites pour évacuer les eaux usées par exemple. Si
notre terrain est enclavé, les conduites arrivent chez nous par les fonds des voisins. La loi permet à certaines
conditions (pesée des intérêts) d’obliger le voisin qui subit le « dommage » à céder une servitude de conduite
contre pleine indemnité. C’est une sorte d’expropriation privée.
151
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2)
!
3)
!
!
Passage nécessaire (art. 694 CC). Si on n’a pas d’accès sur la voie publique depuis notre fonds, on peut exiger du
voisin qu’il nous cède une servitude de passage sur son terrain pour accéder de l’immeuble à la voie publique.
C’est aussi contre pleine indemnité.
Fontaine nécessaire (art. 710 CC). Ca a moins d’importance aujourd’hui car les services d’eaux potables sont mis
en œuvre par les services publics. Mais dans des endroits retirés, si notre voisin a bien assez d’eau, on peut utiliser
l’eau privée d’autrui pour l’amener chez nous.
b.
Nature du droit personnel à la constitution d’une servitude légale
Avec ces 3 servitudes, il y a le même système : la loi donne le droit d’obtenir la création d’une servitude. La servitude
naît par l’inscription au RF (inscription constitutive). En attendant la création de la servitude par l’inscription au RF, il
n’y a qu’une créance légale. Le voisin a une créance légale tendant à la création d’un droit réel.
!
Cette créance légale est attachée aux immeubles car elle dérive de la situation des lieux. C’est une obligation propter
rem légale. Ca vaut sur le plan passif et actif (ça va dans les 2 sens) :
- Passif : Si le fonds voisin est vendu, le nouveau propriétaire aura aussi cette dette propter rem.
- Actif : Si notre fonds est vendu, le nouveau propriétaire aura aussi la créance propter rem.
!
!
c.
Conditions de constitution des servitudes
Les conditions matérielles ne sont pas identiques entre les 3 servitudes. A l’art. 691 CC pour la conduite de voisinage, la
loi est moins exigeante que pour le passage et la fontaine nécessaires :
A l’art. 691 CC, la condition pour pouvoir créer une servitude de conduite est qu’il faut faire une pesée des intérêts
et qu’elle soit en faveur du demandeur.
Aux art. 694 al. 1 CC et 710 CC, la condition est que ce soit nécessaire de constituer la servitude. Ce n’est pas une
simple pesée des intérêts mais une nécessité. C’est plus strict.
!
Dans la pratique, la servitude qui conduit à beaucoup de procès est le passage nécessaire car c’est la servitude qui
perturbe le plus le voisin. Exemple : passer en voiture sur le terrain du voisin.
!
!
❖
!
La jurisprudence sur le droit de passage (art. 694 CC) :
•
La notion de « voie publique ». Selon le TF, la notion de voie publique est une notion de droit fédéral. Il
veut dire par là que ça ne peut pas dépendre du droit cantonal des routes.
•
Pour constituer ce droit de passage, il faut au moins une issue « insuffisante » pour accéder de la voie
publique à la parcelle. Le TF dit que le passage doit pouvoir être utilisé toute l’année. Donc si c’est un petit
sentier de montagne où il y a de la neige, ça ne va pas. Dans les agglomérations de ville, on doit pouvoir
accéder avec un véhicule à moteur/automobile sur la parcelle.
La « nécessité ». Il y a nécessité quand une construction est existante ou un projet de construction est
imminent sur notre parcelle. Il faut donc une nécessité actuelle.
•
!
En principe, il faut un permis de construire pour montrer le caractère actuel de la nécessité. Cette exigence
pose problème car dans le droit administratif du permis de construire, on n’obtient le permis de construire
que si on a des accès suffisants. Or, comment peut-on prouver qu’on a les accès suffisants pour avoir un
permis de construire si on n’a pas la servitude de passage ?
!
La nécessité ne fonctionne pas si on veut obtenir que ce que le droit public prévoit dans l’aménagement du
territoire. Il faut d’abord essayer d’obtenir le passage suffisant par les moyens de droit public et ce n’est que
si les moyens de droit public ne vont pas qu’on passe par l’art. 694 CC.
!
Celui qui crée la situation de nécessité lui-même ne peut pas réclamer ensuite le passage nécessaire.
Exemple : on a une grande parcelle qui donne accès à la voie publique. On vend la partie de la parcelle qui
152
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!
!
!
relie à la voie publique et on ne s’est pas réservé un passage jusqu’à la voie publique. Dans ce cas, je ne peux
pas demander aux nouveaux propriétaires un droit de passage.
•
JdT 1981 I 113 : L’art. 694 CC ne donne le passage nécessaire que pour les terrains qui ont un accès
physique insuffisant à la route. Si l’accès est insuffisant, non pas d’un point de vue physique, mais d’un
point de vue juridique, le propriétaire ne peut pas demander un droit de passage. Exemple : le propriétaire a
une parcelle à côté de la route, mais une règle de droit administratif interdit au propriétaire de sortir du côté
de la route car la route est très dangereuse. Il ne pourra pas demander à son voisin un droit de passage pour
accéder à la voie publique.
La jurisprudence du TF est donc sévère.
Il arrive qu’il y ait plusieurs parcelles voisines à qui on peut demander le passage nécessaire. Quand il y a plusieurs
possibilités, l’art. 694 al. 2 CC prévoit quelle parcelle doit être grevée. Le 1er critère est le terrain où le passage se prête
le mieux à l’exercice. Si le 1er critère n’est pas décisif, on grève la parcelle sur laquelle le dommage sera le moindre.
!
Avec les autres servitudes légales, on a aussi des critères (voir art. 710 et 692 CC). L’art. 692 al. 1 CC pose la règle
générale et son al. 2 CC prévoit qu’exceptionnellement celui qui réclame le droit de voisinage peut demander la cession
d’une portion du terrain.
!
Dans les 3 servitudes, on nous parle d’une pleine indemnité. C’est une sorte d’expropriation privée et elle n’est possible
que moyennant une réparation complète. Il faut réparer l’entier du dommage. Ce n’est pas seulement la perte de la
valeur vénale du terrain grevé. En principe, c’est un capital qui est payé, mais les parties peuvent conventionnellement
prévoir des versements de rente.
!
Les servitudes légales ne concernent que les fonds privés et pas le domaine public. Le régime administratif l’emporte
sur les règles du CC. L’art. 691 al. 2 CC prévoit que si le voisin est une commune et qu’elle veut obtenir une conduite
sur le fonds privé, on n’applique pas le CC mais les règles de l’expropriation.
!
❖
Moment de la constitution de la servitude légale. En principe, elle est constituée au moment de l’écriture au RF.
Cette écriture est obtenue selon les règles ordinaires : le propriétaire doit requérir au RF l’inscription de la
servitude légale en faveur du voisin qui la réclame. Le propriétaire grevé doit donc être d’accord de constituer la
servitude. Cet accord n’est pas un contrat de servitude car ici les servitudes sont légales ! L’art. 70 al. 2 ORF
prévoit que c’est un accord légal : il n’y a pas besoin d’acte authentique, il suffit d’une forme écrite.
!
Si le propriétaire ne veut pas grever son terrain, le requérant doit demander au juge ordinaire de la faire. Le juge
devra ordonner l’écriture au RF. Le jugement peut obliger le RF à faire l’écriture mais peut aussi créer directement
le passage nécessaire. Dans ce cas, l’inscription devient déclarative.
!
!
❖
❖
Le principe est donc la constitution de la servitude par l’inscription au RF. Mais il y a une exception pour la
conduite de voisinage à l’art. 691 al. 3 CC : les servitudes de conduite de voisinage existent sans inscription.
Même si les conduites ne sont pas apparentes, elles sont des vrais droits réels déjà constitués sans inscription au
RF. Même de bonne foi, l’acquéreur du terrain grevé doit tolérer cette servitude, alors que la servitude n’est pas
inscrite au RF. Il ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi en vertu de l’art. 973 CC.
Modification de la servitude légale. L’art. 693 CC prévoit cette situation pour la servitude de conduite. Il prévoit
que si la conduite de voisinage gêne un projet de construction, le propriétaire de ce terrain grevé par la servitude
peut exiger le déplacement de la conduite (al. 1). Les frais de ce déplacement sont à la charge du bénéficiaire de la
canalisation (al. 2). Pour les 2 autres servitudes légales, les modifications sont les modifications ordinaires du
droit des servitudes.
!
Suppression de la servitude légale. La servitude peut disparaître lorsqu’il n’y a plus de nécessité ou la pesée des
intérêts a changé. Quand le titre de la loi s’éteint, la doctrine dit qu’il doit y avoir radiation de la servitude légale
au RF. Ce n’est pas une extinction réelle : on a une créance propter rem à l’obtention de la radiation envers notre
153
2014-2015
!
!
!
!
§2
voisin bénéficiaire. Notre voisin est obligé de par la loi à radier la servitude si le titre de la loi s’éteint.
L’indemnité versée au voisin doit nous être rendue en partie (selon la durée de la servitude).
L’obligation légale de créer une servitude d’empiètement ou de céder la propriété du sol empiété
C’est aussi une servitude légale.
a.
Définition de l’empiètement illicite
On a déjà vu l’empiètement quand on a vu l’accession à la propriété foncière. C’est réglé à l’art. 674 CC. Il y a 3 types
d’empiètement :
!
1)
!
2)
!
3)
!
!
On déborde sur le sol d’autrui. La construction du fonds de A dépasse sur le fonds de B. Par exemple, notre
construction mord sur le terrain du voisin. On avait vu cet empiètement qui déroge au principe de l’accession.
Avec une servitude, A peut rester propriétaire de ce qui dépasse sur le fonds de B. Ca permet de déroger à
l’accession.
On déborde au-dessus du sol d’autrui. Par exemple, le toit de A dépasse sur le fonds de B. Le toi ne touche pas le
sol. Ici, il n’y a de toute façon pas de problème d’accession car le toit ne touche pas le sol.
Le cas de l’art. 685 al. 2 CC : l’empiètement concernant la vue. On vise les dispositions du droit cantonal sur les
constructions. Dans le canton de Vaud, on a le système des vues qui exige une certaine distance pour faire une
ouverture (servitude de vue). Si cette distance n’est pas respectée, c’est aussi un empiètement.
Un empiètement peut être licite. Il y a plusieurs moyens de rendre l’empiètement licite :
1)
2)
3)
!
Par une servitude.
Par une convention entre les voisins.
Par précaire : ce n’est pas un engagement du propriétaire de tolérer, mais une déclaration par laquelle il dit que
pour l’instant il ne fait pas de procès. Il tolère pour l’instant mais garde le droit de faire procès.
Dans ces 3 cas, l’empiètement est licite. Quand l’empiètement est illicite, il arrive qu’il soit choquant que le voisin dise
que c’est illicite et amène son trax pour détruire la construction. Le législateur a alors prévu une servitude légale
d’empiètement à l’art. 674 al. 3 CC. Le voisin ne pourra pas demander la démolition de ce qui dépasse, mais devra
tolérer la servitude d’empiètement, voire céder la surface usurpée moyennant indemnité. Mais il y a des conditions à
respecter.
!
!
b.
1)
!
!
2)
!
!
3)
Conditions de l’obligation légale
Le voisin n’a pas protesté en temps utile. Le voisin devrait réagir lorsqu’il a connaissance de l’empiètement.
Quand le voisin voit le projet de construction, il doit aller se plaindre vers le constructeur. S’il ne le fait pas dans
un délai raisonnable, il risque de perdre son droit à se défendre.
La notion « en temps utile » est floue. On peut se baser sur la diligence objective et pas subjective. Si j’étais en
vacances, c’est subjectif, donc ça ne va pas.
Le constructeur est de bonne foi. L’empiètement est réalisé dans l’ignorance non fautive de son illicéité. Le RF est
censé connu de tous, notamment le plan du RF. Le voisin ne peut pas dire qu’il ignorait où passait la limite. La
bonne foi peut être admise quand le voisin pensait que son voisin était d’accord.
Lorsque le constructeur est averti par le voisin qui se plaint du chantier et que le constructeur continue le chantier,
il n’est plus de bonne foi.
Une indemnisation. On prévoit seulement une indemnité équitable : on ne doit pas payer l’entier du dommage, ça
peut être moins selon les circonstances.
154
2014-2015
!
Si ces 3 conditions sont remplies, le propriétaire peut exiger une servitude d’empiètement ou alors une cession du
terrain voisin où il empiète. En principe, c’est la servitude, la cession de terrain n’étant possible que dans la situation 1
où la construction empiète sur le sol du fonds voisin.
!
La création de la servitude se fait par inscription au RF, comme pour toute servitude. Mais si les parties sont en procès,
le jugement peut être formateur et donc c’est le jugement qui va créer la servitude. Dans ce cas, avant l’inscription au
RF, la servitude est créée.
!
❖
Le terrain A a sur le terrain B une servitude d’interdiction de bâtir pour avoir une jolie vue. Le terrain B ne tient
pas compte de la servitude et construit quelque chose qui masque la vue du propriétaire du fonds dominant. Estce que ce dépassement de la servitude peut être assimilé à un empiètement ou non ? Peut-on appliquer l’art. 684
al. 3 CC ?
!
!
!
Le TF dit que ce n’est pas un empiètement. Le propriétaire du fonds dominant pourra exiger la démolition de la
construction. Mais la doctrine est contre l’avis du TF et dit que ça doit être assimilé à un empiètement.
§3
Restrictions légales directes à la propriété foncière autorisant notamment un passage ou un accès
On va faire une liste des dispositions légales qui permettent à un voisin de venir sur notre propriété privée pour y passer
ou y exercer une activité. On vise les restrictions légales directes.
!
!
Abus de droit (pro memoria)
!
!
Etat de nécessité
!
!
Recherche des épaves
a.
Celui qui exerce son droit de propriété de façon abusive n’est pas protégé par la loi, donc ça peut toucher à de petites
atteintes à la propriété qui devraient en principe être tolérées.
b.
L’art. 701 CC traite de l’état de nécessité. Si une personne s’est écrasée sur un terrain privé qui ne nous appartient pas,
on a le droit d’aller sur le terrain privé d’autrui pour aller sauver la personne qui s’est écrasée.
c.
C’est l’art. 700 CC. Les objets mobiliers qui sont déplacés dans la sphère d’autrui par les forces naturelles sont
assimilés à des choses trouvées. Une chose trouvée suppose que le vrai propriétaire a le droit de venir reprendre la
chose. L’art. 700 CC permet d’aller rechercher la chose perdue sur le terrain d’autrui. Exemple : si mon chapeau s’est
envolé sur le terrain d’autrui, je peux aller chercher mon chapeau sur le terrain d’autrui.
!
L’al. 3 prévoit que s’il y a un dommage, le propriétaire touché peut réclamer une indemnité et exercer un droit de
rétention.
!
!
!
d.
Accès et passages du droit cantonal
C’est l’art. 695 CC. C’est une réserve en faveur du droit cantonal. Il y a une double réserve à cet article :
1)
!
Le droit d’accès entre voisins pour les travaux de construction et d’entretien. Il y a un mur chez nous contre la
limite du voisin. Si on doit refaire la peinture du mur du côté du voisin, on doit le faire depuis le fonds du voisin.
C’est nécessaire pour l’entretien du mur. On est dans le droit d’accès entre voisin visé à cet article. On parle de
droit de « tour d’échelle ».
Tous les cantons prévoient ce droit d’accès de voisinage (canton de VD : art. 74 code rural et foncier). Le TF exige
les cantons à ne pas avoir une vision trop extensive de ce « tour d’échelle ». On ne peut pas monopoliser plusieurs
mètres du terrain voisin.
!
155
2014-2015
L’art. 74 code rural et foncier vaudois prévoit ce droit pour l’entretien et les réparations mais aussi pour construire.
!
Dans un arrêt, il fallait savoir si une grue qui a un bras qui passe sur le fonds voisin était un cas d’application du
droit de pouvoir accéder au fonds voisin. C’est le cas.
!
!
2)
➔ Le TF exige une nécessité pour bénéficier de ce droit et une indemnisation complète du dommage du voisin. Il
n’y a pas besoin de faute pour l’indemnisation.
Les droits traditionnels de passage sur le terrain d’autrui. C’est l’art. 73 du code rural et foncier vaudois qui les
prévoit. Exemple de ces droits :
- Droit de charrue : aujourd’hui, on vise les véhicules qui servent à cultiver les champs. Le voisin peut déborder
sur le terrain d’autrui quand il doit labourer la fin de son terrain avec son tracteur.
- Droit de dévalage. Dans une forêt en pente, on peut faire rouler les troncs dans la descente de la forêt jusqu’à la
route qui se trouve en bas de la forêt.
!
!
!
Si ces droits sont permanents, on peut les inscrire au RF.
e.
L’art. 699 CC et le droit cantonal complémentaire
C’est un droit privé populaire, c’est-à-dire ouvert à tous : chacun peut aller se promener sur le pâturage et la forêt privés
d’autrui sans que le propriétaire ne puisse s’y opposer. A l’origine, on voulait conserver un vieil usage où les pauvres de
la commune pouvaient aller dans des terrains (forêts et pâturage). Ce droit a une fonction sociale/de loisir : on va se
promener dans les bois pour se faire du bien, pour faire du sport.
!
Chacun peut aller sur la propriété privée d’autrui. Ce droit peut se déduire en justice, mais ça ne s’est jamais vu.
Personne n’a ouvert un procès pour obtenir le passage dans une forêt. C’est trop lourd de faire un procès pour une
simple promenade.
!
Le TF a dit que cette norme est mixte : c’est une norme de droit privé et de droit public fédéral. Ca permet à une
autorité administrative de veiller aussi à ce que l’accès aux forêts et aux pâturages soit respecté. Il y a un contrôle civil
et un contrôle administratif.
!
!
Précisions sur ce droit
Ce droit ne vise que les forêts et les pâturages. Les forêts sont définies par le droit public fédéral (LF sur les forêts,
LFo), mais les pâturages ne sont pas définis par le droit public fédéral. On considère que le pâturage est un terrain qui
est ouvert toute l’année au bétail.
!
❖
-
!
!
-
Droit de mettre des clôtures ?
Pour les forêts. Les clôtures qui bloquent l’accès aux forêts sont interdites. L’autorité peut décider d’une
autorisation pour mettre une clôture en forêt, mais il faut un intérêt fort. Selon le TF, même le propriétaire privé
qui veut mettre une clôture au bord de la forêt pour empêcher que des gens entrent chez lui est soumis à
autorisation. Le but est notamment que les animaux sauvages puissent librement se déplacer dans la forêt.
Pour les pâturages. Les clôtures ne sont pas interdites car le but du pâturage est que le bétail reste sur le
pâturage. Les clôtures sont admises : il y a même une obligation de l’exploitant du pâturage de clôturer, mais il
doit aménager des accès pour les promeneurs. L’art. 27 du code foncier et rural vaudois le prévoit.
Les promeneurs ont un droit de s’approprier des baies, champignons et autres menus fruits sauvages. C’est une
acquisition originaire de ces biens. On vise uniquement un droit individuel et immédiat ; on ne peut pas ramener des kg
de framboises chez nous.
!
Ce droit d’appropriation et de libre accès des promeneurs peut être restreint par le droit cantonal, notamment par la loi
vaudoise sur la flore et la loi vaudoise sur les forêts. Exemple : on ne peut pas cueillir n’importe quelle fleure, on ne
peut pas cueillir des champignons de n’importe quelle manière.
156
2014-2015
!
L’art. 699 CC ne vise que les promeneurs. Les personnes à VTT ne sont pas visées. Tout véhicule, même non motorisé,
n’est pas autorisé. On ne vise pas non plus le camping, les pique-niques, les feux, etc.
!
Les cantons peuvent ouvrir les droits de l’art. 699 CC à d’autres terrains que les forêts et pâturages. L’art. 78 code
foncier et rural vaudois ouvre ce droit de libre accès aux terrains laissés en friches et les terrains couverts par la neige,
peu importe la nature du terrain.
❖ L’art. 699 al. 2 CC. Les chasseurs et pêcheurs exercent un droit régalien des cantons. Il faut parfois un permis et
parfois pas. Mais dans tous les cas, ils sont délégataires des droits régaliens. Pour exercer ces droits régaliens, les
chasseurs et pêcheurs doivent parfois passer sur un fonds privé, et ils ont ainsi un accès légal sur les fonds privés.
Le CC renvoit cette matière aux cantons car les droits régaliens sont du droit public. C’est un accès administratif.
!
!
§4
Survol des restrictions légales directes au droit de disposer de la propriété foncière
On ne vise plus les restrictions à l’utilisation directe du terrain mais les restrictions au droit de disposer de la propriété
foncière.
!
!
!
!
a.
Droit civil rural
La LDFR prévoit des restrictions au droit de disposer :
1)
Restrictions quant au droit des successions.
2)
Droits de préemption légaux :
!
-
!
!
!
-
3)
!
!
!
Droit de préemption des descendants des propriétaires d’une entreprise agricole pour acheter l’entreprise si les
descendants sont capables d’exploiter l’entreprise que les parents veulent vendre. Ces descendants ont en plus
un privilège de prix : le droit de préemption légal s’exerce non pas au prix prévu dans le contrat de vente mais
à la valeur de rendement.
Ce droit de préemption légal est assorti de garantie. Il y a l’obligation pour le préempteur d’exploiter
l’entreprise pour 10 ans au moins. Si cette garantie n’est pas respectée, l’ancien propriétaire a un droit de
réméré, c’est-à-dire qu’il peut racheter le terrain. De plus, le préempteur a une interdiction d’aliénation pendant
une certaine durée.
Quand celui qui reprend l’entreprise la revend par la suite, il aura un gros gain car il a acheté l’entreprise au
prix de rendement et la revend à la valeur vénale. L’ancien propriétaire aura alors droit à une part sur la
revente.
Droit de préemption du fermier (art. 47 et 48 LDFR). Quand il y a un bail à ferme agricole sur tout ou une
partie de l’entreprise, si le bail atteint sa durée minimale, le fermier devient titulaire d’un droit de préemption
légal. Si le propriétaire de l’entreprise veut la vendre, le fermier peut l’acquérir, mais sans privilège de prix. Ca
peut poser un problème quand le bail ne porte que sur une partie du terrain : le fermier ne pourra acquérir que
la partie affermée et ça peut scinder l’entreprise agricole.
Consentement du conjoint (art. 40 LDFR). L’entreprise agricole ne peut pas être aliénée sans le consentement du
conjoint (c’est le pendant de l’art. 169 CC).
4)
Interdiction de morceler le terrain agricole.
5)
Les art. 61 ss LDFR : toute aliénation d’une entreprise agricole ou de terrains agricoles est soumise à autorisation
administrative préalable. La vente n’est valable que si l’acheteur est un paysan capable d’exploiter lui-même
l’entreprise. On va refuser l’autorisation aux personnes qui ne remplissent pas ces conditions.
!
157
2014-2015
S’il n’y a pas d’autorisation valable et quand même aliénation, la vente est nulle (art. 70 LDFR). C’est une nullité
totale et absolue, analogue à celle de l’art. 20 CO (illicéité). La loi prévoit que, pendant 10 ans, une autorité
administrative cantonale peut rectifier le RF. Toutefois, le tiers de bonne foi selon l’art. 973 CC est protégé et
devient propriétaire même si le vendeur avait un titre nul.
!
!
!
b.
La notion d’ « aliénation » est une notion économique. La vente des actions d’une SA agricole est soumise à ces
restrictions.
L’acquisition d’immeubles par des personnes à l’étranger
C’est la LFAIE, son ordonnance et une loi vaudoise. Le but de cette législation est d’éviter le renchérissement du prix
du sol en Suisse du fait que l’immobilier suisse sert de refuge à des capitaux provenant de l’étranger. Exemple : une
personne à l’étranger investit en Suisse dans un immeuble et ces capitaux étrangers font monter le prix du m2.
!
On a prévu un système de contingentement pour éviter ce renchérissement du prix du sol. Il faut une autorisation
administrative. La LFAIE est fondée sur l’art. 122 Cst féd. mais ce n’est pas du droit civil en réalité. C’est du droit
administratif. C’est donc une loi anticonstitutionnelle car elle n’est pas basée sur un article de la constitution. Mais on
ne peut pas revoir la constitutionnalité des LF.
!
La seule question qui intéresse le droit civil est la sanction. Quand il n’y a pas d’autorisation, les art. 26 et 27 LFAIE
prévoient une nullité complète de l’acquisition de l’immeuble. L’autorité cantonale peut aussi agir pendant 10 ans pour
rectifier le RF.
!
!
!
!
!
La notion d’« acquisition » par des personnes à l’étranger est très large et est aussi économique (voir art. 4 LFAIE).
Chap. V.
Le régime des eaux
Le régime de droit privé des eaux a une portée restreinte par rapport au régime de droit public.
§ 1er
•
•
!
Eaux publiques et privées
Eaux publiques : eaux régies par le droit administratif cantonal.
Eaux privées : eaux régies par le CC.
L’eau, comme telle, n’est pas un objet de droit réel. C’est en principe une chose sans maître. Elle ne devient objet de
droit réel qu’à partir du moment où on la contient, par exemple dans un réservoir ou dans une tasse.
!
En matière de délimitation des choses publiques avec les choses privées, il y a une présomption défavorable aux choses
privées à l’art. 664 al. 2 CC. Ce n’est qu’avec une preuve contraire qu’on peut assujettir les éléments cités au droit
privé. Sinon, c’est du droit public.
!
Les art. 63 et 64 CDPJ précisent les cas où les eaux sont publiques : le lac, les cours d’eau et toutes eaux courantes qui
quittent le fonds où elle a sa source sont du domaine public. On essaie de faire en sorte que le plus d’eaux possibles
soient des eaux publiques. L’art. 64 CDPJ prévoit la limite entre les lacs et les cours d’eaux.
!
Les eaux privées sont ce qui reste :
Les eaux captées par un ayant droit.
Les sources, c’est-à-dire les eaux qui jaillissent dans une parcelle. Ces 2 types d’eau sont des eaux privées.
!
!
!
§ 2 Rapports de voisinage quant aux eaux qui s’écoulent naturellement d’un fonds à l’autre
C’est les art. 689 et 690 CC.
158
2014-2015
L’art. 689 al. 1 CC prévoit que s’il y a un écoulement naturel d’eau qui s’écoule naturellement d’un fonds supérieur sur
le fonds inférieur, le propriétaire du fonds inférieur doit tolérer cette eau et ne peut rien exiger du propriétaire du fonds
supérieur. C’est une tolérance légale imposée au fonds inférieur.
!
L’art. 689 al. 2 CC prévoit que l’écoulement naturel doit être toléré mais si le fonds supérieur modifie sa parcelle et
détourne l’eau sur le fonds inférieur, ce n’est plus permis et ça peut être une atteinte au fonds inférieur. Exemple : si le
propriétaire du fonds supérieur fait une construction sur son fonds et que cette construction détourne l’eau qui coule,
l’eau va peut-être arriver de manière concentrée sur le fonds voisin. C’est interdit : le voisin peut utiliser l’action à l’art.
679 CC.
!
➔
!
La sanction spécifique à cette situation est celle de l’art. 690 CC. On est dans le cas où la construction sur le fonds
supérieur a modifié le cours de l’eau qui va couler de manière différente sur le fonds inférieur. Comme l’eau a été
détournée artificiellement, le propriétaire du fonds inférieur peut exiger que le propriétaire du fonds supérieur
fasse en sorte qu’il ne lui cause pas de dommage. Il peut exiger un ouvrage de drainage, c’est-à-dire un ouvrage
d’évacuation, à la charge du propriétaire du fonds supérieur pour éviter un dommage sur son terrain. C’est une
action en exécution d’un ouvrage.
L’art. 689 al. 3 CC vise l’eau qui n’est pas nuisible/dommageable pour le propriétaire du fonds inférieur mais vise l’eau
utile. Le propriétaire du fonds inférieur a toujours reçu l’eau qui coule depuis le fonds supérieur et cette eau lui est utile,
par exemple pour arroser ses salades. Il a alors un droit à conserver cet écoulement d’eau s’il en a besoin, même si le
propriétaire du fonds supérieur veut la détourner.
!
!
§3
Les eaux de source
Ce sont les art. 704 à 712 CC. L’art. 704 al. 1 CC définit les sources. La source est une partie intégrante légale de
l’immeuble au sens de l’art. 667 al. 2 CC. L’art. 704 al. 2 CC prévoit que pour faire passer la source en propriété
distincte de la propriété du sol, il faut une servitude.
!
La source n’est telle que dans les limites de la parcelle. Dès que l’eau quitte la parcelle, elle fait partie du domaine
public cantonal. Dans le canton de Vaud, le domaine public comprend la source qui sort de la parcelle.
!
❖
!
!
!
La notion de source. Une source est une eau qui apparaît durablement à la surface du sol. Il n’importe pas qu’elle
soit captée artificiellement ou que ce soit naturel. Par contre, n’est pas une source le cours d’eau qui sort du sol :
c’est directement du domaine public.
§4
Restrictions apportées au « propriétaire » de la source
Le propriétaire de l’immeuble dispose en principe librement de sa source, mais il y a des restrictions :
-
!
❖
Fontaine nécessaire (art. 710 CC).
Restrictions de droit privé cantonal (art. 709 CC). Ca renvoit aux art. 84 et 85 code rural et foncier vaudois.
Restrictions de droit public cantonal (art. 705 CC). C’est les art. 86 ss code rural et foncier vaudois.
Les art. 711 et 712 CC qui concernent l’expropriation. On peut exproprier, pour intérêt public, soit le terrain (art.
712 CC) soit la source (art. 711 CC). L’expropriation suit les règles habituelles du droit cantonal de
l’expropriation.
Les eaux souterraines. L’art. 704 al. 3 CC prévoit que les eaux souterraines sont assimilées aux sources. Ca
voudrait dire que s’il y a une eau souterraine dans notre profondeur utile, on est propriétaire de cette eau
souterraine. Le TF a dit qu’il y avait une lacune du CC : on n’a pas réalisé en 1907 en quoi consistait les cycles de
l’eau dans le sous-sol. Donc les grands bassins d’alimentation, même dans la profondeur utile, ne peuvent pas être
considérés comme faisant partie de la propriété privée. On ne vise que les grands bassins.
!
Les cantons peuvent fixer l’importance du bassin pour fixer les limites du domaine public. Dans le canton de Vaud,
c’est précisé par la loi vaudoise sur l’exploitation des eaux souterraines. On a prévu que si on dépasse 300 litres
par minute, c’est une eau publique, même si on est dans la profondeur utile.
159
2014-2015
!
!
§5
Les relations entre les exploitants de sources et leurs voisins
Les art. 706 et 707 CC prévoient le privilège de la source. Ils protègent celui qui exploite une source et dont l’eau va
être coupée ou souillée à cause de travaux de voisins. On vise l’immission négative. Un propriétaire perd un avantage à
cause de la construction licite par un autre propriétaire sur son propre fonds. Ce sont 2 activités licites.
!
L’exploitant de la source ne peut pas exiger du voisin qu’il arrête la construction, raison pour laquelle l’art. 706 CC
prévoit que le rétablissement de l’état antérieur ne peut pas être exigé. Par contre, il doit payer une indemnité. Mais
l’art. 707 CC prévoit que ce rétablissement peut être exigé si c’est justifié par des circonstances spéciales. Les
conditions pour que l’exploitant puisse obtenir la sanction :
!
1)
2)
!
L’exploitation a commencé avant la construction du voisin.
L’exploitant a un droit sur la source. Par exemple, la personne qui exploite la source est propriétaire de la source
ou a une servitude sur la source.
La sanction est différente qu’à l’art. 679 CC. On a une lex specialis ici qui diffère de l’art. 679 CC sur les points
suivants :
L’art. 706 al. 2 CC prévoit que les d-i peuvent être réduits si le constructeur n’a pas commis de faute. Ce n’est pas
la responsabilité causale de l’art. 679 CC.
L’indemnisation est privilégiée par rapport à la remise en l’état à l’art. 706 al. 2 CC, alors qu’à l’art. 679 CC les 3
actions sont mises sur pied d’égalité.
!
L’art. 708 CC concerne la communauté des propriétaires de sources. Plusieurs exploitants travaillent sur un même
bassin souterrain. 2 propriétaires prélèvent de l’eau sur le même bassin. L’art. 708 al. 3 CC prévoit que les captages sur
le même bassin ne donnent pas lieu à protection du 1er exploitant. Le 1er exploitant, qui pourra capter moins d’eau car
un 2ème exploitant vient aussi utiliser l’eau, n’est pas protégé. L’art. 708 al. 1 et 2 CC prévoit qu’ils doivent agir
ensemble dans leur intérêt.
!
!
!
!
Chap. VI.
La propriété par étage
§ 1er
Notion et structure de la propriété par étages
a.
Définition, historique et droit transitoire
•
Définition. La PPE est une copropriété spéciale sur les immeubles. La PPE est une copropriété immobilière où
chacun des copropriétaires a un droit exclusif d’utilisation et d’aménagement intérieur d’une part du bâtiment
(art. 712a al. 1 CC). On vise en principe la propriété sur une construction. Cette construction est divisée en droit
exclusif de chacun. Par exemple, chaque copropriétaire peut utiliser exclusivement un étage du bâtiment.
!
Il y a un lien indissoluble entre la part indivise de copropriété et le droit exclusif d’utilisation et d’aménagement.
On ne peut pas séparer ces 2 éléments. La PPE est d’abord une copropriété, où chacun a une part indivise et il s’y
ajoute ensuite un droit exclusif d’utilisation et d’aménagement de la construction. Exemple : un copropriétaire a
1/6 de part de copropriété, qui est une part indivise sur tout le terrain et la construction et en plus il a l’étage en
question.
•
!
!
Historique. Le droit de la PPE a été introduit en 1965. Dans le CC original, il n’y avait pas de PPE car Eugen
Huber pensait que la PPE était une institution médiévale destinée à disparaître progressivement. De plus, c’était
une grosse source de disputes et de procès. Avant 1912, beaucoup de cantons connaissaient des sortes de PPE.
Quand on a réintroduit la PPE en 1965, on a fait une réflexion. On s’est dit que la Suisse a un petit territoire. Si on
veut favoriser l’accession à la propriété privée d’un grand nombre de citoyens, on s’est dit qu’on allait prévoir un
système de PPE où plusieurs personnes peuvent être propriétaires sur un même terrain.
160
2014-2015
•
!
!
Droit transitoire. Les art. 20bis à 20quater titre final CC prévoient que les anciennes de PPE cantonales d’avant le
CC restées en vigueur et régies par l’ancien droit cantonal sont régies dès lors par le CC.
b.
Parties communes, parties privatives
La PPE est une part de copropriété immobilière à laquelle s’ajoute de façon indissociable un droit d’aménagement
exclusif et d’utilisation sur une partie d’un bâtiment. Ce droit exclusif doit être défini par rapport à ce qui reste l’objet
général de la copropriété de tous. Il y a donc 2 éléments à distinguer :
La partie privative, exclusive.
La partie commune.
!
On trouve cette distinction à l’art. 712b CC. L’al. 1 définit ce qui peut faire l’objet du droit exclusif. Les éléments de
cette définition :
!
!
1)
!
2)
!
Le droit exclusif doit porter sur un ensemble d’espaces construits à l’intérieur du bâtiment. Ca peut être de
l’habitation, un local commercial, ou autre chose (un garage par exemple). Mais il doit toujours y avoir un
ensemble : le droit exclusif doit porter sur un ensemble cohérent qui forme un tout.
De plus, chaque lot doit disposer d’un accès propre : depuis la partie commune, on doit pouvoir aller dans l’endroit
privatif. Par exemple, l’escalier dans l’immeuble permet d’avoir un accès propre. Par contre, si, pour accéder à un
lot, on doit passer par un autre lot, il n’y a pas d’accès propre, donc il ne peut pas y avoir de droit exclusif sur le
lot.
Il peut y avoir des locaux annexes distincts. Exemple : l’appartement 1 peut avoir une cave 1, l’appartement 2 peut
avoir une cave 2, etc. Il est possible d’avoir un droit exclusif sur la cave. Mais ça doit constituer un tout.
!
Il y a plusieurs types de PPE :
- PPE horizontale : c’est ce qu’on voit ; chaque copropriétaire a un étage ou un lot dans les étages. La découpe est
horizontale : chacun a un étage.
- PPE verticale : la découpe ne se fait par tranches posées les unes sur les autres, mais à plat sur un terrain.
Exemple : Sur un terrain il y a 2 maisonnettes. La maison 1 forme 1 lot et la maison 2 forme 2 lots. La séparation
est verticale ici.
!
L’art. 712b al. 2 CC prévoit des éléments qui ne peuvent pas faire l’objet du droit exclusif. C’est une liste minimale
impérative non modifiable par le règlement de ce qui doit absolument constituer une partie commune :
!
-
!
-
Ch. 1. Le terrain, le sol sur lequel est construit le bâtiment est toujours une partie commune. C’est pareil avec le
droit de superficie en vertu duquel le bâtiment a été construit. Le droit de superficie permet d’être propriétaire
d’une construction sur le sol d’autrui. Toute la PPE est autorisée sur le sol grâce à une servitude : le propriétaire du
sol n’est pas un copropriétaire mais est un tiers. La PPE n’existe sur le sol du propriétaire tiers que s’il y a une
servitude de superficie. Tous les propriétaires par étage sont co-titulaires/co-bénéficiaires de la servitude.
Ch. 2. Il prévoit que sont toujours des parties communes :
- Tous les éléments indispensables à la solidité du bâtiment. Exemples : les murs porteurs, les dalles de soutien.
- Les parties importantes pour la forme extérieure et l’aspect du bâtiment. Exemples : le toit, les façades
extérieurs sont des éléments qui donnent la forme et l’aspect du bâtiment. C’est toujours une partie commune.
Il y a des situations compliquées :
!
❖
Le balcon. Le balcon, le mur du balcon qui dépasse de la façade est une partie commune, même s’il est
lié à un lot exclusif. En effet, il donne son aspect extérieur au bâtiment. Mais ce n’est que le mur du
balcon qui est commun. L’aménagement intérieur du balcon fait par contre l’objet d’un droit exclusif :
par exemple, si on veut mettre un carrelage sur le sol du balcon.
!
161
2014-2015
❖
La fenêtre. La fenêtre donne aussi son aspect extérieur au bâtiment. L’encadrement de la fenêtre est une
partie commune, mais le verre ne fait pas partie de la partie commune. Donc si on casse le verre de la
fenêtre, c’est au copropriétaire de le payer tout seul.
Dans la PPE verticale, dans la maison 1 qui est un lot exclusif, est-ce que le toit est une partie commune ou
non ? C’est le cas en vertu de l’art. 712b al. 2 ch. 2 CC. S’il faut réparer le toit de cette maisonnette, il faut une
décision commune.
!
-
Ch. 3. On vise les ouvrages et installations intérieurs et extérieurs. Exemple : un ascenseur, un appareil de
chauffage, une buanderie avec des appareils fixes, etc. C’est des installations qui servent à tout le monde.
!
L’art. 712b al. 3 CC prévoit une présomption qui est défavorable à la partie commune. Tout ce qui sort de la liste de
l’art. 712b al. 2 CC (qui prévoit les parties communes minimales) est considéré comme étant l’objet d’un droit exclusif.
L’acte constitutif de la PPE peut prévoir autre chose, mais à défaut, tout est un lot privatif.
!
❖
Le droit privatif réglementaire d’utiliser une partie commune. La jurisprudence dit qu’on peut donner à un ou à
certains copropriétaires un droit d’usage privatif (qui leur est propre, à l’exclusion des autres) d’utiliser certaines
parties communes.
!
On a vu que le terrain lui-même est toujours une partie commune, donc ça ne peut pas faire l’objet d’un lot
privatif. Pourtant, par règlement (art. 712g CC), on peut attribuer un usage privatif sur une partie commune à un
titulaire d’un des lots. Par exemple, sur une place de parque extérieure. L’art. 649a CC rend le règlement
opposable aux tiers.
!
La nature de ce droit privatif sur une partie commune est discutée. Dans un arrêt, le TF regarde si le titulaire du
droit privatif peut le céder. Il dit que c’est possible mais il ne peut le céder qu’à un autre copropriétaire. On ne peut
céder le droit privatif qu’à un autre copropriétaire. Mais ce droit est personnel ou réel ?
!
-
!
!
!
!
!
!
Si ce droit est relatif, la cession ne peut en principe pas être limitée en droit des obligations. Donc ça ne peut
pas être un droit relatif.
En réalité, ce n’est pas une créance : c’est le droit réel du copropriétaire qui restreint celui des autres. C’est le
condominium plurium in solidum. Ce droit privatif a une nature réelle. C’est donc opposable aux tiers.
L’art. 712g al. 4 CC prévoit qu’une fois qu’on a attribué un droit privatif par règlement, on ne peut plus le retirer à
la majorité. Pour retirer ce droit, il faut l’accord du titulaire du droit privatif.
Il est important de distinguer le lot privatif du droit privatif.
§2
Constitution et extinction de la propriété par étages, fixation et modification des parts
a.
Le titre constitutif
Il y a 2 catégories de titre constitutif :
1)
!
2)
!
L’acte juridique unilatéral (art. 712d al. 2 ch. 2 CC). Le promoteur vient de construire un immeuble et est seul
propriétaire de l’immeuble. Il décide de créer une PPE pour vendre les appartements de son immeuble. Cet acte
juridique unilatéral, en vertu de l’al. 3, doit être fait en la forme authentique, sous réserve du droit successoral lui
aussi régi à cet alinéa.
L’acte bi- ou multilatéral (art. 712d al. 2 ch. 1 CC). L’immeuble est en main de plusieurs propriétaires, par
exemple des copropriétaires ou des propriétaires en main commune. Ils décident de transformer leur propriété
commune en une PPE. C’est fait par un contrat entre eux, qui doit aussi être fait en la forme authentique.
L’acte juridique est nécessaire pour la création de la PPE. Il n’y a pas de PPE légale ou judiciaire. Certains auteurs
pensent que dans un jugement de partage, le juge du partage peut trouver une solution au partage en créant une PPE.
162
2014-2015
Piotet dit que cette solution ne peut pas être imposée aux parties. Le but du partage est de sortir d’une indivision, et il ne
serait pas correct de faire le partage pour sortir d’une indivision pour entrer dans une nouvelle indivision.
!
!
!
b.
Le contenu du titre constitutif
C’est l’art. 712e al. 1 CC. L’acte constitutif doit indiquer plusieurs éléments :
1)
2)
!
La délimitation des lots par un plan d’étages. Ce plan d’étages devra être au RF. Ca n’a pas besoin d’être un plan
de géomètre mais ça peut être un plan d’architecte. Ce plan ne bénéficie pas de la foi publique mais il est présumé
exact.
Il faut le plan et en plus il faut fixer la valeur des étages, « en quotes-parts ayant un dénominateur commun ». Il
faut indiquer que j’ai 1/3 par exemple, comme ça il y a un dénominateur commun. Il faut indiquer la valeur de
notre quote-part. Pour évaluer cette valeur, on tient compte de la valeur vénale de notre part. Cette valeur prend en
compte : le volume à disposition, les environs, etc.
Le plan d’étages au RF l’emporte sur l’aménagement matériel/physique des locaux. Si une paroi dans le bâtiment a
modifié la limite physique des lots, le plan d’étages au RF va primer.
!
!
La création d’une PPE avant la construction du bâtiment
L’art. 69 ORF permet la création d’une PPE avant la construction du bâtiment. Normalement, la PPE selon l’art. 712a
CC n’est possible que sur un immeuble construit. Mais l’ORF prévoit une autre solution. La raison est économique : le
promoteur, pour financer ses travaux de construction, a besoin de vendre les appartements sur plan et donc d’encaisser
les liquidités.
!
Lorsque la PPE est créée pendant les travaux, il faut un plan et une quote-part (art. 712e al. 1 CC). Les appartements
doivent déjà être tracés sur le plan et être estimés. Le problème est que le plan est provisoire et pas définitif. Pour attirer
l’acheteur du futur appartement sur l’aspect provisoire du plan, on va mentionner au RF le fait que la PPE est en
construction (art. 69 al. 1 et 2 ORF).
!
2 situations peuvent se présenter :
1) Quand le bâtiment est construit et respecte le plan, le promoteur doit déposer au RF une attestation de conformité.
C’est la solution quand tout va bien.
2) Quand le bâtiment est construit et ne respecte pas le plan, le conservateur au RF doit obtenir un plan modifié. Pour
faire ce plan modifié, il faut que tous les copropriétaires signent le plan en question. S’il n’y a pas l’accord de tous,
le RF ne peut pas valider le plan. L’ORF prévoit que si dans un certain délai il n’y a pas d’accord de tous, le
conservateur va dissoudre la PPE et former une copropriété ordinaire.
!
!
!
c.
Mutations dans les parts
C’est l’art. 712e al. 2 CC :
-
-
La 1ère phrase. Si on veut élargir son lot et empiéter sur le lot voisin et que le voisin est d’accord, il faut remplir 2
conditions :
1) Accord des parties intéressées. Les parties intéressées sont les propriétaires des lots concernés, mais aussi les
usufruitiers ou créanciers gagistes sur les lots concernés. Le créancier qui a un gage sur la part qui sera réduite
doit donner son accord car la valeur de sa garantie se trouve diminuée.
2) Approbation de l’assemblée des copropriétaires. Il faut l’accord de la majorité de l’ensemble des
copropriétaires. On exige l’approbation de l’assemblée, car en modifiant un lot, un titulaire aura une part plus
grande que les autres et un autre aura une part plus petite. Ca va modifier les rapports communautaires,
notamment la répartition des charges.
!
La 2ème phrase. C’est le cas de la rectification judiciaire à la demande d’un propriétaire par étages. Cette action
peut être exercée dans 2 hypothèses :
1) Erreur d’origine. Dès le départ, il y a une mauvaise fixation des lots. On va alors corriger le RF.
163
2014-2015
2) Erreur subséquente. L’écriture au RF devient inexacte par la suite de modifications apportées au bâtiment ou à
ses alentours. Ca peut être un changement dans l’environnement. Exemple : le 2ème étage avait une belle vue et
avait une valeur plus importante que les autres quotes-parts. Mais par la suite, un immeuble est construit
devant le bâtiment en PPE et ça va cacher la vue du 2ème étage. Dans ce cas, ce lot aura une valeur plus basse.
On peut faire rectifier au RF.
!
Que l’erreur soit originaire ou subséquente, la rectification ne vaut que pour le futur. C’est lié à la sécurité du droit.
On ne peut pas dire que ça a toujours été faux. Si on dit que s’il y a une erreur d’origine, ça a toujours été faux
toutes les décisions prises avec de fausses majorités doivent être revues. Pour des raisons de sécurité du droit, la
rectification ne vaut que pour le futur.
!
!
!
Selon le TF, s’il y a des créanciers gagistes, ils doivent être partie au procès en rectification.
d.
Inscription au registre foncier
C’est l’art. 712d al. 1 CC.
e.
Extinction de la propriété par étages
!
La PPE ne s’éteint pas par le partage (=/ copropriété ordinaire). C’est une copropriété durable. Les causes d’extinction
sont à l’art. 712f CC :
!
!
!
1)
Perte du bien fonds. Exemple : le bien fonds est noyé dans les eaux.
2)
Extinction du droit de superficie. Le droit de superficie peut durer 100 ans au maximum.
3)
Radiation au RF. L’al. 2 précise cette cause d’extinction. Il faut que tout le monde se mette d’accord pour mettre
fin à la PPE. S’il n’y a pas d’accord de tous, un copropriétaire qui a toutes les parts en ses mains peut décider de
mettre fin à la PPE.
!
4)
L’al. 3 prévoit que chaque copropriétaire peut demander la dissolution de la PPE dans 2 cas :
- La destruction du bâtiment. Exemple : un incendie qui détruit le bâtiment.
- Le bâtiment est une PPE depuis plus de 50 ans et ne peut plus être utilisé selon a destination en raison de sa
dégradation.
!
L’al. 4 prévoit que les copropriétaires qui veulent maintenir la PPE peuvent indemniser les autres et garder ainsi le
régime de PPE entre « survivants ».
!
!
§3
Les droits du propriétaire d’étage quant à sa part
La part d’étage est une part de copropriété immobilière. Le copropriétaire dispose librement de sa quote-part. Il peut
aliéner et grever sa part de droits réels restreints sans l’accord des autres. Pour transférer la quote-part, il faut un acte
authentique.
!
❖
Restrictions à la libre disposition de la quote-part. Il y a des restrictions au droit de libre disposition du
copropriétaire quant à sa part, mais elles sont moins importantes que dans la copropriété ordinaire.
!
1) Dans la copropriété ordinaire, il y a un droit de préemption légal quand le copropriétaire ordinaire vend sa part
(art. 682 al. 1 CC). L’art. 712c al. 1 CC prévoit que ce droit de préemption n’existe pas dans la PPE. Mais il
peut toutefois être créé par acte juridique. Pour être opposable aux tiers, ce droit doit être annoté au RF.
!
!
Ce droit de préemption conventionnel est de durée indéterminée : il dure aussi longtemps que la PPE. On
déroge à l’art. 216a CO qui prévoit un plafond de 25 ans. Ce plafond n’existe pas pour le droit de préemption
conventionnel.
164
2014-2015
2) L’art. 712c al. 2 et 3 CC prévoit un droit d’opposition. Il faut que ce soit prévu par acte juridique. On peut
introduire, dans la PPE, un droit d’opposition qui consiste à empêcher le propriétaire d’aliéner, de grever ou de
louer sa quote-part sans l’accord des copropriétaires. Pour exercer le droit d’opposition, il doit être fondé sur
un juste motif.
!
Le but est de maintenir un cercle d’usagers dans le bâtiment qui présente certaines caractéristiques. Exemple :
les copropriétaires sont des vieux qui ont aménagé un système de soin.
!
Ce droit d’opposition est rarement utilisé car la loi prévoit qu’il faut dans les 14 jours réunir tous les
copropriétaires par étage pour prendre une décision à la majorité. Le délai est très court.
!
La présence d’un gage sur une part empêche ensuite l’immeuble entier d’être engagé (art. 648 al. 3 CC par analogie).
❖ Les rapports de voisinage dans le bâtiment. L’art. 712a al. 2 CC prévoit que le copropriétaire peut administrer,
utiliser et aménager ses locaux s’il n’embête pas les autres, tant qu’il n’y a pas d’immission sur les autres lots
privatifs. On est ici plus exigeant dans le devoir d’abstention d’un propriétaire d’étages que pour un propriétaire
ordinaire face à ses voisins car les propriétaires par étage sont en liens plus étroits.
!
Le règlement peut prévoir d’autres restrictions, mais les restrictions doivent être raisonnables. Par exemple, il est
possible d’interdire les animaux dans le bâtiment, ou une garderie.
!
!
!
!
§4
Administration, frais et charges
a.
Administration
C’est l’art. 712g CC.
•
L’al. 1 prévoit un renvoi aux art. 647 ss CC. On reprend les mêmes règles de majorité, unanimité, etc. en fonction
des actes effectués. Comme dans la copropriété ordinaire, le règlement est opposable à l’acquéreur d’une part de
copropriété par étage. Le régime est aussi dispositif, à l’exception de ce qui est prévu à l’art. 647 al. 2 CC.
!
!
!
Les décisions d’administration reposent d’abord sur le règlement de la PPE. La loi n’exige pas ce règlement mais
il est presque toujours utilisé
•
L’al. 2 prévoit que les majorités de l’al. 1 peuvent être remplacées par d’autres règles.
•
L’al. 3 prévoit que le règlement est adopté à la double majorité des têtes et des parts. Même si le règlement est
adopté à l’unanimité, sa modification peut être adoptée à la double majorité des têtes et des parts.
!
!
!
b.
Chacun peut exiger qu’il y ait un règlement. Si les copropriétaires n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un
règlement, on peut aller devant le juge et c’est le juge qui édictera le règlement, à la demande d’un copropriétaire.
Frais et charges communs
Le sort des frais pour les parties communes est déterminé à l’art. 712h CC. L’al. 1 prévoit que les frais sont répartis
proportionnellement aux quotes-parts. L’al. 2 prévoit une liste exemplative de frais communs.
!
L’al. 3 est de droit impératif, le règlement ne peut pas le changer. S’il y a un ascendeur dans le bâtiment, le
copropriétaire du 1er étage ne va pas utiliser l’ascenseur, donc il faut en tenir compte. On va exclure le copropriétaire du
1er étage des frais de réparation et d’entretien de l’ascenseur.
!
L’art. 712m ch. 4 CC prévoit que les décisions sur la répartition des charges sont prises en assemblée.
Comme dans la copropriété ordinaire, la répartition de l’art. 712h CC est une répartition interne. Ca ne vaut qu’entre les
copropriétaires. Vis-à-vis du tiers, par exemple l’entreprise qui vient faire des réparations, la répartition interne ne vaut
pas.
165
!
!
c.
2014-2015
Le fonds de rénovation
Il est cité à l’art. 712l CC et à l’art. 712m al. 1 ch. 5 CC. Dans la pratique, le fonds de rénovation est important quand il
y a de grosses réparations. S’il y a des grosses réparations, on doit en théorie dire aux copropriétaires qu’ils doivent
payer 25'000 chacun par exemple. C’est un montant très important.
!
Avec le fonds de rénovation, on crée alors un compte au nom des copropriétaires par étage qui va servir à financer les
gros travaux. Cette réserve appartient à la communauté. On va demander à chaque copropriétaire de verser de l’argent
sur ce compte chaque année en vue des grosses réparations futures. L’alimentation du fonds de rénovation se fait en
proportion de la part de copropriété (art. 712h al. 1 CC).
!
!
d.
Les garanties de recouvrement des charges
L’ensemble des propriétaires d’étage constitue une communauté, on le verra après. Cette communauté est créancière de
l’encaissement des montants que doit verser chaque copropriétaire d’étage. Cette communauté a des garanties
d’encaissement, qui sont des sûretés réelles légales aux art. 712k et 712i CC :
!
1)
!
2)
!
!
!
!
!
Art. 712k CC : droit de rétention. C’est un droit de rétention sur le mobilier du copropriétaire qui ne paie pas.
L’art. 712k CC renvoit au droit de rétention du bailleur des art. 268 ss CO. C’est un droit de rétention atypique car
le bailleur/la communauté de PPE ne possède pas le mobilier. Il y a un droit de gage et si les charges ne sont pas
payées pendant 3 ans, la communauté peut faire vendre le mobilier du propriétaire d’étages pour encaisser ce qui
est dû.
Art. 712i CC : hypothèque légale. C’est un droit de gage qui grève la part d’étage de celui qui ne paie pas. Ce gage
couvre les 3 dernières échéances annuelles. La communauté peut mettre en vente la part d’étage si elle n’est pas
payée pour les 3 dernières années de contribution. L’hypothèque doit être inscrite au RF. Si le propriétaire d’étage
refuse de l’inscrire, c’est le juge qui va décider de l’inscription.
En principe, c’est à la communauté d’agir pour demander l’inscription, mais à défaut, il est possible que
l’inscription soit faite à la demande d’un copropriétaire s’il y a une décision prise à la majorité des copropriétaires.
L’hypothèque légale est obtenue ou ordonnée judiciairement à charge du copropriétaire actuel récalcitrant. Si la
part de copropriété a été vendue, c’est le nouveau copropriétaire qui doit supporter l’hypothèque légale, y compris
pour les années précédentes.
§5
Organisation de la communauté des propriétaires d’étages
a.
Nature juridique
L’art. 712l CC donne des droits à cette communauté, qui sont des droits qui caractérisent une personne morale :
L’al. 1 prévoit que la communauté a des avoirs qui lui sont propres. Le fonds de rénovation est un avoir de la
communauté. C’est une sorte d’avoir social.
L’al. 2 prévoit que la communauté peut ester en justice.
!
L’art. 712l CC crée une « quasi personne morale ». C’est une forme juridique intermédiaire entre la simple communauté
de plusieurs sujets de droit et la personne morale unique. C’est une quasi personne morale comme la SNC. Les avoirs
vis-à-vis des tiers constituent un avoir social et chaque associé a un droit sur ces avoirs sociaux.
!
La seule différence concrète entre communauté de PPE et SNC concerne la responsabilité civile :
Dans la SNC, les associés sont responsables sur leurs propres biens parallèlement à la société sur les biens sociaux
(art. 567 al. 3 CO).
Dans la communauté de PPE, il n’y a pas de responsabilité délictuelle des organes ou des administrateurs de la
PPE.
➔ La SNC est donc un peu plus proche de la personne morale que la communauté de PPE.
166
2014-2015
!
La communauté a des avoir sociaux, mais l’immeuble n’appartient pas à la communauté, ce n’est pas un bien
communautaire. L’immeuble est en copropriété et donc en propriété des copropriétaires, mais ce n’est pas la
communauté qui en est propriétaire. S’il y a un procès sur l’immeuble, la communauté n’a pas la légitimation active ou
passive : ce sera aux copropriétaires d’agir en justice.
!
Dans un arrêt, le TF a dit que la communauté ne pouvait pas agir en garantie en raison des défauts sur l’immeuble dans
le cadre d’un contrat d’entreprise. Mais il admet que les copropriétaires puissent céder à la communauté leurs
prétentions en réduction de prix. Dans ce cas, la communauté est légitimée à ouvrir le procès.
!
!
b.
Organisation
La loi impose 1 seul organe nécessaire : l’AG (art. 712m CC). Elle regroupe tous les propriétaires d’étage. L’art. 712m
CC prévoit en tout cas 6 attributions de l’AG. La communauté est organisée selon plusieurs principes :
!
!
!
•
Règles propres au droit de la PPE. C’est les art. 712n à 712p CC.
-
L’art. 712n CC prévoit des règles de procédure.
-
L’art. 712o al. 1 CC prévoit qu’il y a une tête par lot. Si le copropriétaire est décédé, l’hoirie complète qui
reprend sa place n’a qu’une voix. Il y a un seul vote par lot. L’al. 2 fixe une règle de partage entre les cas où
l’usufruitier peut voter et les cas où c’est le propriétaire grevé de l’usufruit qui peut voter. C’est une règle qui
vaut à défaut d’entente.
!
-
•
•
!
!
L’art. 712p CC prévoit un quorum pour prendre les décisions. On veut donner un certain poids à l’assemblée ;
on veut éviter qu’un seul membre décide tout.
Règles de la copropriété simple (par renvoi de l’art. 712g CC). Les majorités de décisions sont celles des art. 647
ss CC.
!
L’art. 712m al. 2 CC renvoit aux règles de l’organisation de l’AG de l’association (art. 64 ss CC).
➔ Les règles sur l’organisation ne sont pas simples, car il faut tenir compte de ces 3 types de règle. Dans l’ordre, on
regarde :
1) Les règles de la PPE.
2) Les règles de la copropriété ordinaire pour les décisions d’administration.
3) Ce n’est que quand on sort des règles d’administration qu’on entre dans le droit de l’association.
!
Les règles qu’on pourrait appliquer à l’assemblée des propriétaires par étage sont les suivantes :
Art. 64 al. 3 CC.
Art. 66 CC.
Art. 67 al. 2 CC.
!
L’art. 712m al. 2 CC renvoit au droit de l’association surtout pour permettre la contestation des décisions de la
communauté. C’est un renvoi à l’art. 75 CC. L’art. 75 CC permet à tout membre de l’association d’attaquer dans le mois
les décisions de l’assemblée qui violent la loi ou les statuts. Donc chaque copropriétaire d’étage peut, dans le mois, qui
suit l’assemblée attaquer une décision de l’assemblée qui viole la loi ou le règlement. Il faut saisir les tribunaux civils.
Dans le canton de Vaud, l’art. 7 CDPJ prévoit que c’est le Président du TA qui est compétent.
!
C’est une action formatrice en annulation. Si l’action n’est pas exercée, la décision violant la loi ou le règlement reste
valable. Mais il y a toutefois des cas qui sont des cas de nullité complète : le vice est tellement grave que même si la
décision n’est pas attaquée, la décision ne peut pas déployer d’effets. Il y a 2 critères pour savoir s’il y a nullité :
!
-
Gravité de la violation. Exemple : l’administrateur ne convoque pas tous les copropriétaires d’étage à l’assemblée.
La décision touche des tiers.
167
2014-2015
!
Si c’est un cas de nullité complète, il n’y a pas besoin d’agir dans le mois, on peut agir en tout temps. Sinon, il faut agir
dans le délai d’1 mois pour faire annuler la décision. Exemple de cas de nullité admis par le TF : si un tiers qui n’est pas
copropriétaire intervient dans l’assemblée.
!
!
L’administration de la PEE
L’administrateur, qui est l’organe exécutif, n’est pas un organe obligatoire. Il peut y avoir des PPE sans organe exécutif.
S’il n’y a pas d’organe exécutif, tout ce qu’on va voir appartient à l’AG.
!
L’AG est l’organe qui nomme l’administrateur (art. 712, al. 1 ch. 2 CC). Si l’AG ne nomme pas d’administrateur, tout
intéressé peut exiger de nommer un administrateur et ça se fait en justice (art. 712q al. 1 CC). Des tiers extérieurs
peuvent exiger qu’un organe exécutif soit nommé (art. 712q al. 2 CC). Ce n’est que si l’AG n’arrive pas à prendre de
décision que l’intéressé peut demander au juge qu’il nomme l’administrateur. Cette procédure est gracieuse et
sommaire. C’est le Président du TA qui est compétent dans le canton de Vaud.
!
La communauté de PPE passe un « contrat d’organe », généralement un mandat, entre la communauté et
l’administrateur.
L’art. 712r CC prévoit la fin du mandat de l’administrateur :
!
-
!
-
!
L’al. 1 prévoit la règle générale qui vaut pour l’ensemble des personnes morales : la révocation, par l’AG. La
révocation peut être faite en tout temps ; il n’y a pas besoin d’attendre la fin du mandat. Mais si la révocation
intervient en temps inopportun, des d-i seront dus (= l’art. 404 CO).
Les al. 2 et 3 prévoient un droit de révocation pour justes motifs. Tout copropriétaire d’étage peut tout seul
demander la révocation de l’administrateur pour de justes motifs. C’est le Président du TA qui est compétent. Ici,
on est en procédure contentieuse. Si le juge admet les justes motifs, il va révoquer l’administrateur.
Si l’administrateur avait été nommé par le juge selon l’art. 712q CC, l’al. 3 prévoit que seul le juge peut révoquer
l’administrateur. Sinon ce serait trop facile pour l’assemblée qui n’aime pas l’administrateur nommé par le juge de
le révoquer.
!
!
Exemples de justes motifs :
- Conflits d’intérêts : l’administrateur mélange ses intérêts personnels avec ceux de la communauté.
- Manquements répétés.
L’art. 712s CC régit les attributions de l’administrateur :
1) Exécuter les décisions adoptées par l’AG (art. 712s al. 1 CC).
2) Préserver/conserver la chose. Il doit prendre les mesures urgentes nécessaires (art. 712s al. 1 CC).
3) Gérer les avoirs de la communauté, c’est-à-dire les avoirs résultant des encaissements pour les charges de la PPE
(art. 712s al. 2 CC).
4) Veiller au respect du règlement de copropriété et du règlement de maison (art. 712s al. 3 CC). Il peut donner des
injonctions. Le règlement de maison est le règlement qui régit la vie commune dans la PPE.
c.
Représentation externe
!
!
!
C’est l’art. 712t CC. L’administrateur a une fonction de représentation de la communauté à l’égard des tiers :
-
Al. 1 : il est l’organe représentant la communauté à l’égard des tiers.
-
Al. 2 : cet alinéa fixe la capacité de l’organe pour agir/défendre en justice. En principe, l’AG se prononce
toujours sur les procès qui touchent à la communauté. Dès que la communauté est en cause, c’est l’AG qui
décide de l’ouverture ou de la défense au procès. Mais il y a 2 exceptions :
1)
Les cas d’urgence. Si l’AG ne peut pas prendre de décision immédiatement, l’administrateur peut aller
en justice, notamment demander des MP. En effet, il doit préserver/conserver la chose.
168
2014-2015
2)
!
-
En cas de procédure sommaire. Dès que le CPC dit qu’une affaire est soumise à la procédure
sommaire, l’administrateur peut agir seul sans que l’AG se prononce.
Al. 3 : l’administrateur a une fonction légale qui va au-delà de la simple représentation de la communauté.
Passivement, il reçoit valablement au nom de tous les copropriétaires (pour recevoir des actes officiels, des
mises en demeure, etc.). Ensuite, à titre interne, il doit transmettre les actes reçus aux propriétaires d’étage.
Exemple : un voisin qui écrit à la PPE pour demander de faire moins de bruit le soir : l’administrateur peut
recevoir cette lettre et devra la remettre aux copropriétaires d’étage visés par la lettre.
!
Le règlement peut ajouter encore d’autres organes à ceux exigés par la loi. Exemple : un organe de contrôle, un comité
ou un délégué au sens de l’art. 712m al. 1 ch. 3 CC.
!
!
!
!
!
TITRE VII – LES SERVITUDES IMMOBILIERES
Chap. Ier
Introduction générale
§ 1er
Définition de la servitude
a.
Définition
La servitude immobilière est un droit d’usage ou de jouissance sur un immeuble ou un droit qui restreint l’usage d’un
immeuble. On vise tous les droits réels limités d’usage et de jouissance. Par contre, la servitude ne peut pas avoir pour
objet un droit de disposer de l’objet : elle ne permet jamais de faire vendre la propriété foncière.
!
La servitude est un droit réel mais n’oblige qu’à une abstention. Une obligation de faire quelque chose ne peut pas faire
l’objet d’une servitude. L’art. 730 CC le montre par les termes « souffrir » et « s’abstenir ».
!
!
b.
•
Typologie
La servitude positive et la servitude négative :
!
-
!
-
!
!
Servitude négative : « s’abstenir lui-même d’exercer certains droits inhérents à la propriété » à l’art. 730 al. 1
CC. Par exemple, une servitude qui interdit de construire sur le terrain grevé. Le bénéficiaire de la servitude ne
fait aucun acte positif, mais il peut empêcher le propriétaire du terrain grevé de construire.
Cette distinction n’est pas utilisée dans la systématique du CC.
•
La servitude personnelle et la servitude foncière/prédiale/au sens strict. Le mot prédiale vient de praedium qui
signifie le bien-fonds en latin.
!
-
!
!
Servitude positive : « souffrir certains actes d’usage » à l’art. 730 al. 1 CC. Il y a un acte positif : dans le droit
de passage, le fait d’aller et de venir est un acte positif, donc c’est une servitude positive.
Servitude personnelle : fixée en faveur d’une personne, indépendamment d’un terrain.
Servitude foncière : fixée en faveur d’un terrain. En parlant de fonds dominant à l’art. 730 al. 1 CC, on vise la
servitude prédiale. Par contre, l’usufruit est une servitude personnelle
C’est cette distinction qui est importante dans le CC.
Il y a des servitudes nommées mais d’autres ne sont pas nommées par le législateur. Exemple : le droit d’étendre du
linge chez le voisin est une possibilité de restreindre l’usage d’autrui, mais ce n’est pas prévu dans la loi. Beaucoup de
servitudes ne sont pas prévues dans la loi.
!
Les servitudes nommées :
1) Le droit de superficie (art. 675 CC et art. 779 ss CC).
169
2014-2015
2)
3)
4)
!
La source sur le sol d’autrui (art. 780 CC).
L’usufruit (art. 745 ss CC). On renvoit à ce qu’on a vu pour les meubles, c’est la même chose.
Le droit d’habitation (art. 776 ss CC). Le droit d’habitation ne peut porter que sur les constructions qui peuvent
servir d’habitation.
Toutes les servitudes réglées légalement sont des servitudes personnelles.
Le droit d’habitation
!
L’art. 776 al. 1 CC prévoit que le droit d’habitation s’exerce sur un logement. En plus du logement, il peut y avoir des
locaux secondaires. L’al. 2 prévoit que le droit d’habitation est incessible et intransmissible. C’est comme l’usufruit,
mais le droit d’habitation est encore plus restreint car il n’est pas possible de céder l’exercice du droit d’habitation !
!
L’art. 777 CC prévoit que c’est l’entourage propre du bénéficiaire qui peut bénéficier du droit d’habitation, mais pas des
tiers. Il n’est pas possible de louer des chambres à des tiers. L’art. 776 al. 3 CC renvoit aux règles de l’usufruit, mais ce
renvoi est restreint par le fait qu’il n’est pas possible de céder l’exercice du droit d’habitation.
!
L’art. 778 CC prévoit que comme le droit d’habitation est plus restreint que l’usufruit, on allège la charge d’entretien du
bénéficiaire. Le bénéficiaire ne doit s’occuper que des petites réparations d’entretien. Tous les autres frais sont à la
charge du propriétaire grevé.
!
!
!
§2
•
•
!
!
§3
Classification des servitudes
La loi réglemente d’abord les servitudes prédiales, et ensuite les servitudes personnelles.
Les servitudes ne sont pas liées par leur contenu car des servitudes innommées sont possibles. Seules les
servitudes foncières ne sont pas réglées par la loi. Mais est-il possible de prévoir d’autres servitudes personnelles
innommées ? C’est possible car c’est prévu à l’art. 781 CC. Donc pour tout usage imaginable d’un terrain, on peut
créer des servitudes personnelles. On peut donc avoir une servitude de passage rattachée à un fond dominant
(prédiale) ou rattachée à une personne (personnelle). Ca permet aux communes de créer des servitudes de passage
publiques en leur faveur.
Les servitudes peuvent aussi être classées en fonction de leur cessibilité :
- Les servitudes strictement incessibles. Exemple : droit d’habitation, usufruit
- Les servitudes librement cessibles. Exemple : droit de superficie de l’art. 779 al. 1 CC.
- Les servitudes cessibles mais avec des restrictions :
La servitude prédiale est rattachée à un fond dominant. C’est un droit propter rem : le titulaire de la
servitude est le propriétaire du terrain dominant. Donc la servitude ne peut être cédée qu’avec le fond
dominant.
L’art. 781 al. 2 CC prévoit des servitudes personnelles présumées incessibles. Ce n’est que par convention
qu’on peut décider de pouvoir céder la servitude.
Numerus clausus
Le numerus clausus régit tous les droits absolus, en particulier les droits réels et encore plus particulièrement les
servitudes. Il y a une liberté des servitudes, mais cette liberté est restreinte par des dispositions légales. Le numerus
clausus est aussi une règle qui oblige à respecter les règles impératives de chaque type de servitude. On ne peut pas
prévoir n’importe quoi.
!
Exemples de violation du numerus clausus :
L’art. 675 al. 2 CC prévoit qu’on ne peut pas faire de servitude de superficie sur des parties de bâtiment : il faut
que ça porte sur un bâtiment complet. Le législateur a voulu que si on veut faire des propriétés séparées, il faut
passer par le biais de la PPE. Si on contrevient à cette règle, la servitude est nulle car on viole le numerus clausus.
Une personne a créé une servitude d’usage d’appartement selon l’art. 781 CC. Elle avait prévu que cette servitude
était cessible et transmissible. Le TF a dit que la servitude est nulle car elle a fait une sorte d’usufruit ou de droit
d’habitation cessible, ce qui n’est pas possible.
!
170
2014-2015
Chap. II.
!
!
!
§ 1er
Contenu des servitudes
Les limitations générales fixant le contenu de la servitude
Les art. 730 ss CC reprennent en gros le droit romain, mais pas tout à fait :
-
!
-
!
En droit romain, la servitude prédiale devait respecter la cause perpétuelle (causa perpetua) : exigence d’utilité
pour le fond dominant de l’exercice de la servitude. Si on a une servitude de passage, c’est pour desservir le fond
dominant et il y a une nécessité d’utiliser ce passage.
Dans les travaux préparatoires du CC, on a voulu supprimer cette exigence d’utilité. On ne se base que sur
l’intérêt à la servitude. Cette volonté de s’écarter du droit romain n’est pas transcrite vraiment dans le texte légal,
notamment à l’art. 736 CC où on nous parle encore de l’utilité. On a l’impression qu’on est resté dans le droit
romain, mais il faut comprendre la notion d’utilité de manière large et plutôt lire « intérêt » qu’ « utilité ».
L’intérêt à la servitude peut-il être purement économique ? Il y a une vieille question qui est de savoir si des restrictions
à une activité commerciale peuvent être faites par le biais des servitudes ou non.
La réponse est que c’est possible à condition que la restriction se voie aux yeux des tiers :
!
-
!
!
-
!
!
§2
Exemple refusé : Il y a eu 2 arrêts : sur le fonds grevé, il y a une interdiction de créer une boulangerie (dans le 1er
arrêt) et une interdiction de créer un tabac (dans le 2ème arrêt), pour éviter de faire concurrence.
- Dans le 1er arrêt, sur le fonds, a été construite une grande surface et dans cette grande surface il y avait une
boulangerie.
- Dans le 2ème arrêt, sur le fonds, a été construit un cinéma et dans ce cinéma il y avait un tabac.
On avait prévu une servitude pour éviter que la boulangerie fasse concurrence à une boulangerie proche et pour
éviter que le tabac fasse concurrence à un tabac proche.
Le TF dit que l’exercice de la servitude doit avoir une publicité aux yeux des passants. Or, le fait qu’il y a une
vente de tabac dans le cinéma ou qu’il y a une boulangerie dans une grande surface ça n’a pas une publicité aux
yeux des passants. Il faut que ça se voie aux yeux des tiers.
Exemple admis : servitude d’essence. Par le biais de cette servitude, le concessionnaire doit avoir tous ses
aménagements extérieurs (pancartes, panneaux, etc.) au nom de celui qui fournit l’essence. Ici, c’est visible aux
yeux des tiers, ça modifie l’aspect extérieur du terrain, donc c’est licite.
Le caractère nécessairement partiel de l’usage ou de l’interdiction d’usage du fonds servant
La servitude reste un droit réel limité : elle ne peut pas s’assimiler à une pleine propriété. Si le propriétaire ne peut plus
rien faire d’autre que de supporter la superficie, ce n’est plus un droit réel limité, donc ce n’est plus une servitude. Une
servitude trop lourde est donc interdite par la loi.
!
Exemples :
L’usufruit est la servitude la plus importante qu’on peut avoir sur une chose. Le nu-propriétaire ne peut qu’attendre
la fin de l’usufruit pour exercer son droit de propriété. Mais l’usufruit est limité dans le temps : la lourdeur des
droits de l’usufruitier est compensée par un caractère limité dans le temps. Donc ça reste un droit réel limité.
Quand la servitude est perpétuelle, il faut trouver une limite quelque part. Dans un arrêt, une servitude obligeait le
fond servant à n’avoir qu’une scierie sur le fonds. Le TF a dit que c’était encore tolérable. C’est un cas limite.
!
!
!
§3
Autre limitations
a.
Illicéité, immoralité, impossibilité
-
Illicéité et immoralité : une servitude qui permet d’aller vendre de la drogue sur le fonds grevé n’est pas permise.
Impossibilité : on vise l’impossibilité d’exercer une servitude.
171
2014-2015
-
-
!
❖
L’impossibilité originaire de l’art. 20 CO doit s’appliquer à la servitude. Exemple : on a une servitude de
source sur un terrain, mais le terrain ne contient pas d’eau. La servitude est nulle. Même inscrite, la servitude
est nulle.
L’impossibilité subséquente doit se rapprocher de l’art. 736 CC. Exemple : il y avait de l’eau pour la servitude
de source mais ensuite il n’y en a plus. La servitude devra être radiée, mais ça dépend de l’étendue de la
disparition de la servitude.
Quid s’il faut une autorisation administrative ? Par exemple, une servitude de gravière : servitude qui permet
d’aller exploiter une gravière sur le fond d’autrui. Ce genre de servitude dépend d’une autorisation administrative
d’exploitation. Il faut donc l’autorisation administrative. Tant qu’on n’a pas l’autorisation, on ne peut pas faire de
demande d’écriture au RF.
!
!
b.
L’intérêt raisonnable à la servitude
Dans les travaux préparatoires du CC, on a voulu se baser sur l’intérêt à la servitude et pas sur l’utilité. L’intérêt
raisonnable à la servitude est l’intérêt à pouvoir tirer un profit de l’exercice de la servitude. Dans certains cas, il n’y a
pas cet intérêt.
!
JdT 1981 I 306 : Une servitude qui reproduisait une restriction légale à la propriété. Exemple : le règlement de quartier
prévoit que pour construire, le voisin ne peut pas construire à moins de 3 mètres de la limite et la servitude reprend cette
règle du règlement communal. Y a-t-il un intérêt à cette servitude ? Le TF dit que oui, car on crée une servitude de droit
privé qui coïncide aujourd’hui avec le droit public, et cette servitude va perdurer même si le droit public change.
!
La servitude ne peut pas nous obliger à titre principal à un comportement actif, on l’a vu. Parfois, il y a des servitudes
où les voisins s’arrangent entre eux sur des projets de construction. Par exemple, le voisin s’oblige à ne pas faire
opposition/recours un projet de construction. Ca pose problème car faire recours/opposition est un acte qui ne se
concrétise pas physiquement sur le terrain grevé. On ne voit rien changer sur le fonds grevé. Donc une telle servitude
n’est pas admissible.
!
!
Chap. III.
Obligation accessoire de faire attachée à une servitude
On a vu qu’une servitude ne peut jamais tendre à une obligation de faire (art. 730 al. 1 CC). Cependant, l’art. 730 al. 2
CC prévoit une exception : on peut avoir une obligation accessoire de faire dans une servitude, mais ça ne peut être
qu’un accessoire du droit de servitude. Exemple : j’ai le droit de passer sur le fonds grevé et le propriétaire du fonds
grevé doit ainsi subir mon passage, mais en plus, accessoirement, il doit déneiger le chemin.
!
L’obligation de faire de l’al. 2 est une obligation/créance/droit relatif lié propter rem à la servitude. C’est une vraie
créance, donc l’obligation accessoire se prescrit comme une créance ordinaire par 10 ans (art. 127 CO).
!
➔
!
!
!
!
L’obligation accessoire propter rem n’existe que si elle est portée au registre foncier (art. 730 al. 2 CC). Elle doit
être portée dans la rubrique du grand livre, ça doit figurer dans l’intitulé de la servitude. Cette solution est la
conséquence de l’ATF 124 III 289 : si l’obligation accessoire ne se trouve que dans le registre des pièces
justificatives, ça ne lie pas les tiers de bonne foi. Pour les lier, ça doit figurer dans le grand livre.
On a repris cette jurisprudence à l’art. 730 al. 2 CC mais on la tempère à 2 égards :
-
L’art. 741 al. 2 CC permet que quand il y a des conventions de réparation/entretien/déblayement, il suffit
qu’elles soient dans les pièces justificatives pour qu’elles lient les tiers. Il n’y a pas besoin de les porter au
grand livre.
-
L’art. 21 al. 2 titre final CC prévoit un régime transitoire pour les servitudes créées sous l’ancien droit : c’est
opposable même si c’est uniquement dans les pièces justificatives. La règle nouvelle ne vaut que pour les
nouvelles servitudes.
172
2014-2015
La qualité de débiteur et de créancier est fixée dans la convention. Le débiteur peut être le titulaire de la servitude ou le
propriétaire du fonds grevé. L’art. 741 CC prévoit que l’entretien des installations de servitude est à la charge du
bénéficiaire, mais on peut modifier cette règle dans la convention.
!
L’obligation propter rem accessoire disparait avec le principal, notamment en cas de déréliction de la servitude. A titre
d’exemple, on peut citer l’arrêt déjà vu du promoteur immobilier qui a fait déréliction de la propriété du chemin pour ne
plus s’occuper de l’entretien et donc faire disparaître la servitude. Il y avait un abus de droit.
!
❖
Qu’entend-on par l’obligation « accessoire » ? Il faut distinguer l’obligation principale de l’obligation accessoire.
Une charge foncière est une obligation de faire mais elle est principale. Si on considère qu’une obligation de faire
n’est pas accessoire mais est principale, c’est une charge foncière. Il faut trouver la limite entre l’obligation
accessoire et l’obligation principale.
!
!
Il y a 2 critères cumulatifs pour considérer que l’obligation est accessoire :
1) Accessoriété fonctionnelle : l’obligation accessoire doit rendre plus commode/favoriser l’exercice de la
servitude. Exemple : une servitude de prévoir qu’on ne peut pas avoir un parquet mais qu’une moquette. Ici
c’est un cas limite car il y a une obligation de ne pas faire qui est la servitude et une obligation accessoire
importante qui est de poser la moquette. Le TF a dit que c’était bon.
!
2) Accessoriété financière : la valeur de la servitude doit être plus importante que le coût de
l’accomplissement de l’obligation.
!
!
!
!
Si l’obligation de faire n’est pas accessoire, on pourrait convertir en charge foncière, mais souvent les éléments
de la charge foncière ne seront pas remplis, donc on ne pourra pas convertir, et ce sera nul.
Chap. IV.
§ 1er
Création et transfert des servitudes
Constitution contractuelle d’une servitude
La création des servitudes doit respecter le principe de la causalité : il faut une inscription au RF (art. 731 CC). En
principe, l’inscription est constitutive. Le titre peut être conventionnel ou légal. Mais dans tous les cas, elle n’existe que
par l’inscription au RF.
!
Le titre peut aussi être de droit public et créer une servitude de droit privé. Exemple : la collectivité exproprie un terrain
en créant une servitude. C’est une servitude de droit privé en faveur de la commune, même si c’est dû à une
expropriation de droit public.
!
L’inscription se fait sur le fonds grevé et sur le fonds dominant, s’il y a un fonds dominant (art. 968 CC). Les 2 écritures
doivent coïncider. Si tel n’est pas le cas, on se base sur l’écriture sur le fonds grevé. Le TF dit que seule l’écriture sur le
fonds grevé jouit de la foi publique.
!
!
!
Il peut y avoir des acquisitions originaires de servitude. En réalité, ça ne vise que l’usucapion.
Le contrat de servitude est régi à l’art. 732 CC :
-
!
!
Al. 1 : le contrat doit être passé en la forme authentique. Avant 2012, la forme écrite était possible, mais ce n’est
plus possible maintenant. C’est donc très lourd pour des servitudes peu importantes (servitude permettant
d’étendre le linge sur le fonds d’autrui). Dans le canton de Vaud, pour alléger un peu, on a permis à d’autres
personnes que les notaires d’être compétentes pour créer la servitude.
Le contrat doit indiquer s’il y a une obligation accessoire ou non, le fonds grevé, le fonds dominant.
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2014-2015
-
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Al. 2 : si le texte du contrat n’est pas clair et ne permet pas de savoir où exactement passe la servitude, il faut le
fixer à l’aide d’un plan. Le TF dit qu’un plan d’architecte ne suffit pas : il faut que ce soit un plan fait par un
géomètre.
L’exigence du plan est une exigence quant à l’inscription et pas quant à la validité du contrat. S’il faut un plan et
qu’il n’est pas fait, le contrat est valable, mais l’inscription ne peut pas être faite au RF.
§2
-
!
!
!
!
Transfert contractuel des servitudes et création d’un droit réel limité grevant une servitude
Transfert d’une servitude prédiale (= rattachée à un fonds dominant) : le transfert se fait toujours avec le fonds
dominant.
Transfert d’une servitude personnelle :
- Si elle est incessible : il n’y a pas de transfert possible.
- Si elle est cessible, il faut regarder si elle est cessible comme DDP ou non :
Si c’est un DDP immatriculé comme immeuble au RF, le transfert de la servitude suit les règles du
transfert de la propriété foncière : acte authentique + forme authentique.
Si ce n’est pas un DDP immatriculé comme immeuble au RF, le transfert selon les règles de la cession de
créance. C’est une cession écrite d’un droit ordinaire (art. 165 CO). L’écriture au RF n’est pas nécessaire.
Le transfert se fait hors RF.
Ce régime vaut aussi pour l’engagement et la création d’un usufruit.
Chap. V.
§ 1er
Effets des servitudes
Etendue des servitudes
La servitude prête à interprétation quand le RF ne donne pas de réponse. Par exemple, quand on a un droit de passage,
peut-on mettre un portail ?
!
!
a.
Définition par l’inscription au RF et par l’interprétation
La règle générale est à l’art. 738 CC : il y a une liste de critères d’interprétation. Les critères sont dans un ordre
obligatoire/contraignant pour le juge. Au RF, il faut rechercher la réponse dans l’ordre suivant :
!
!
1)
On commence par regarder le grand livre. On y trouve l’intitulé de la servitude.
2)
Si cet intitulé ne donne pas toute l’information recherchée, il faut aller dans la pièce justificative qui est le contrat
de servitude. Ce contrat peut donner des indications complémentaires. Toutefois les pièces justificatives ne
peuvent pas contredire le contenu du grand livre. Les pièces justificatives ne peuvent que préciser le grand livre
mais pas y déroger :
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-
!
-
!
!
3)
!
Si la pièce justificative va plus loin que l’inscription au RF, le bénéficiaire peut toutefois faire une action en
complément du RF, qui est une action contractuelle. Si la pièce va moins que le grand livre, il est possible de
modifier le grand livre avec cette action. Comme l’action est personnelle, les tiers ne sont pas concernés. Ainsi,
si un tiers acquiert l’immeuble, il ne sera pas lié par la servitude qui ne se trouve pas dans l’inscription.
Si la pièce justificative va moins loin que l’inscription au RF, il y a une action en rectification du RF au sens de
l’art. 975 CC.
Cette distinction n’est pas faite par le TF mais que par Piotet.
Si ni le grand livre, ni les pièces justificatives ne donnent la réponse, on se base sur les critères subsidiaires de l’al.
2. Il y a 2 critères :
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-
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4)
!
5)
!
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!
L’origine de la servitude : le but pour lequel elle a été constituée à l’origine. C’est ce qu’on cherchait à obtenir
quand on a créé la servitude. Exemple : une société bénéficiaire d’une ligne électrique veut faire de la
télécommunication. Le but initial était l’arrivée d’électricité, donc ce n’est pas possible de faire de la
télécommunication.
La façon dont la servitude a été exercée pendant longtemps, paisiblement et de bonne foi. On a l’impression
que c’est une sorte d’usucapion, mais ce n’est pas le cas. C’est un simple critère d’interprétation : si on a
toujours fait comme ça pour exercer cette servitude, c’est que ça correspondait au but d’origine. C’est une
manière de retrouver le but d’origine. « Pendant longtemps » : 10 ans n’est pas suffisant, 30 ans est suffisant,
entre 10 et 30 ans on ne sait pas trop.
Si on n’a toujours pas de solution, il y a encore d’autres solutions. L’art. 740 CC : pour les droits de passage de cet
article, le droit cantonal peut définir le contenu présumé de ces droits. C’est les art. 82 et 83 CDPJ dans le canton
de Vaud.
Si on n’a toujours rien, on se base sur l’art. 8 CC, qui aboutit à une interprétation défavorable au bénéficiaire de la
servitude. On fait primer la liberté du fonds grevé sur l’étendue de la servitude du bénéficiaire. C’est la règle de
l’art. 8 CC : le doute profite au débiteur.
Dans un arrêt, il y avait une interdiction de bâtir mais on construit dans le sous sol. Le bénéficiaire dit que c’est
contraire à l’interdiction de bâtir. Aucun critère n’a été décisif, donc dans le doute, on fait une interprétation
favorable au fonds grevé, au détriment du bénéficiaire de la servitude.
c.
L’interdiction d’une aggravation de la servitude
C’est l’art. 739 CC. Une fois que la servitude est constituée, le fait qu’elle génère un exercice accru pour le bénéficiaire
ne devrait pas peser sur la liberté du propriétaire grevé. Une aggravation est un exercice sensiblement plus lourd à
supporter pour le fonds grevé. Le TF dit que la gêne doit être 1) durable et 2) sensible.
!
Exemple : la servitude permet un droit de passage en voiture. Après quelques temps, 10 camions passent tous les jours
sur le passage. Il y a une aggravation de la servitude.
L’aggravation est interdite. Le propriétaire du fonds grevé dispose d’une action : c’est l’action négatoire de 641 al. 2 CC
qui est ouverte.
!
L’aggravation n’est pas donnée d’emblée. Le critère est le critère du cadre de la servitude. Il y a aggravation quand on
dépasse 1) sensiblement et 2) durablement le cadre de création de la servitude. La servitude est créée pour un objectif et
aujourd'hui cet objectif est dépassé.
!
!
❖
!
!
Quid des vieilles servitudes de droit de passage pour des chars ou des véhicules tractés par des animaux ?
-
Le TF dit que quand aujourd’hui on ne passe plus avec de tels véhicules mais avec des voitures, il n’y a pas
aggravation. C’est juste l’exercice de la servitude actualisé avec la situation d’aujourd’hui. Le but reste le
même et il n’y a pas d’aggravation.
-
Mais il ne faut pas généraliser cette jurisprudence : le but de la servitude ancienne peut quand même empêcher
le passage avec des voitures. Pour savoir s’il y a aggravation, il faut se placer au moment de la création de la
servitude et regarder si dans l’esprit des parties on pouvait prévoir l’évolution ou non.
Exemple : il y a un droit de passage qui permet de passer avec des chars pour labourer un champ. C’était le
seul objectif de la servitude. Aujourd’hui, est-ce que ça peut être un droit de passage pour un véhicule
automobile qui va accéder à de nouveaux bâtiments sur le fonds dominant car il y a de nouvelles constructions
sur le fonds dominant (ces constructions n’existaient pas au moment de la création de la servitude) ? Il faut se
demander : quand on a créé la servitude, pouvait-on prévoir que le fonds dominant allait être construit ?
- Si c’est prévisible, il n’y a pas d’aggravation.
175
2014-2015
!
- Si ce n’est pas prévisible, il y a aggravation.
Une servitude d’empiétement d’un toit : la servitude permet d’empiéter sur le terrain d’autrui avec notre toit. Le voisin
voulait mettre des panneaux solaires sur la partie du toit qui dépasse. Le TF dit que ce n’est pas une aggravation, car ça
ne change rien pour le propriétaire du fonds grevé.
!
!
d.
Exercice et respect des droits des parties conformément aux règles de la bonne foi
C’est l’art. 737 CC. Il y a des obligations réciproques d’abstention qui résultent de l’existence de la servitude. Les al. 1
et 2 obligent le propriétaire grevé à tolérer les actes nécessaires du bénéficiaire à l’exercice de son droit. Les « mesures
nécessaires pour conserver et user la servitude » de l’al. 1 : réparer une fuite de la conduite par exemple. Le propriétaire
grevé doit tolérer ces actes.
!
Mais le bénéficiaire doit faire en sorte de gêner le moins possible le propriétaire. Il y a aussi un devoir d’abstention du
bénéficiaire : il ne doit pas aller au-delà de ce que lui permet la servitude. Le bénéficiaire doit s’abstenir de tout exercice
qui dépasse ce que lui confère la servitude.
!
Le principe est que le propriétaire grevé ne doit tolérer la servitude que pour l’endroit du terrain où il y a la servitude.
S’il y a un droit de passage, le propriétaire ne doit tolérer l’exercice par le bénéficiaire que sur la surface où il y le
passage. Mais c’est toujours le terrain entier qui est grevé de la servitude. Il peut alors arriver que le propriétaire doive
tolérer l’exercice de la servitude sur une surface plus grande que le terrain mis à disposition du bénéficiaire. Par
exemple, le bénéficiaire peut creuser sur une plus grande partie du terrain grevé pour y construire des conduites.
!
❖
!
!
§2
JdT 1963 I 277 : Il y avait une parcelle avec un bâtiment. Dans ce bâtiment, une partie était l’objet d’une
servitude de droit d’habitation. Le terrain est acheté par un promoteur qui veut détruire le bâtiment. Il est embêté
car une personne a un droit d’habitation sur une partie du bâtiment. Il décide de laisser le bâtiment et de créer une
grande baraque devant la maison qui cachera toute la vue du bénéficiaire du droit d’habitation dans le but de faire
partir ce bénéficiaire. Le TF dit que ce n’est pas possible : toute la parcelle est grevée du droit d’habitation. Donc
le promoteur, sur tout son terrain, ne doit pas faire des actes qui rendent l’exercice de la servitude incommode.
L’obligation d’entretien
On vise l’installation de servitude sur le fonds grevé qui est nécessaire à l’exercice du droit de servitude :
Pour un droit de passage, ça peut être un chemin. C’est un ouvrage.
Pour une conduite, c’est la canalisation.
Pour la source, c’est un captage ou un réservoir.
!
Ces ouvrages sont souvent la propriété du bénéficiaire de la servitude. Ca ne suit pas le principe de l’accession. D’une
manière générale, ces ouvrages appartiennent au titulaire de la servitude, même s’ils sont sur le terrain grevé.
!
Ces ouvrages sont à charge du bénéficiaire de la servitude (art. 741 al. 1 CC). « entretien d’un ouvrage » ne signifie pas
construction d’un ouvrage. On ne vise que l’entretien/la réfection. Si c’est la construction d’un ouvrage, on n’est pas
dans l’art. 741 CC : la liberté des parties est entière, aucune règle particulière ne s’applique.
!
La règle de l’art. 741 al. 1 CC est dispositive, mais selon l’art. 730 al. 2 CC il peut y avoir des dérogations (par une
obligation accessoire d’entretien). La convention peut prévoir que c’est le propriétaire du fonds grevé qui doit entretenir
l’ouvrage de la servitude. Mais il faut une convention.
!
L’art. 741 al. 2 CC prévoit que si l’ouvrage est dans l’intérêt des 2 parties, l’entretien incombe aux 2 parties. Exemple :
un chemin d’accès est le chemin d’accès objet d’une servitude pour un fonds dominant mais un bout du chemin est
aussi utilisé par le propriétaire du fonds grevé. Pour la portion commune (utile au fonds grevé et au fonds dominant),
l’entretien incombe les 2 personnes. C’est un partage des frais. Cette règle est aussi dispositive : une convention peut y
déroger par le biais d’une obligation accessoire.
!
176
2014-2015
L’ouvrage est sous la responsabilité de celui qui a l’entretien. S’il y a un défaut d’entretien de l’ouvrage et qu’on risque
l’art. 58 CO, il y a une responsabilité objective pour son « propriétaire ». Le TF dit qu’il y a responsabilité selon 58 CO
même si on n’est pas propriétaire de l’ouvrage : du moment qu’on a l’entretien, on est considéré comme le
« propriétaire » au sens de cet article.
§3
Les actions sanctionnant les droits des parties
!
•
•
Il y a les actions possessoires des art. 927 à 929 CC. C’est une action indépendante du droit : la seule apparence
d’une servitude suffit pour considérer qu’il y a une atteinte à la possession de la servitude. C’est l’art. 919 al. 2
CC qui ouvre la voie aux actions possessoires.
!
Il y a aussi des actions pétitoires. S’il y a une action pétitoire, on se fonde sur le procès pétitoire et pas sur le
procès possessoire. Ces actions pétitoires :
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!
§4
Action de l’art. 737 CC.
Le propriétaire grevé peut défendre ses intérêts par l’action négatoire de l’art. 641 al. 2 CC.
Le titulaire de la servitude peut faire reconnaître l’étendue de son droit par l’action en revendication de l’art.
641 al. 2 CC. On parle d’action confessoire quand le titulaire de la servitude utilise l’action en revendication
pour faire reconnaître l’étendue de son droit.
L’action de l’art. 739 CC. Le propriétaire peut attaquer le bénéficiaire de la servitude en disant qu’il y a
aggravation de la servitude. On peut ouvrir un procès sur la base de l’art. 739 CC.
La communauté des bénéficiaires de servitudes
C’est l’art. 740a CC.
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L’al. 1 reprend une jurisprudence ancienne. Cet arrêt concernait une servitude de canalisation qui passait sur
plusieurs parcelles. Les différents bénéficiaires de la servitude avaient le droit de faire passer une canalisation sur
le fonds servant. Pour l’entretien de la canalisation, le TF dit qu’il y a une communauté de « propriétaires » de
l’installation qui est la conduite. Sur le tronçon du fonds grevé, les titulaires de la servitude ont tous le droit
d’utiliser la conduite. Ils ont des « parts de copropriété » sur la conduite.
Quand la conduite passe sur le fonds A et le fond B, l’entretien incombe A et B, quand la conduite passe sur le
fonds B et C, l’entretien incombe B et C, etc. Le but était de répartir les frais d’entretien de la conduite. Le TF
a appliqué les règles de la copropriété sur l’entretien.
Cette copropriété sur l’ouvrage est une copropriété dépendante : elle dépend de l’endroit où il faut faire l’entretien.
Si l’entretien doit se faire sur la part de la canalisation qui est sur le fonds A et B, c’est A et B qui sont chargés de
l’entretien, mais pas C car la part de conduite qui passe sur le fonds C n’est pas à réparer. A et B forment alors une
communauté des bénéficiaires de servitudes.
L’al. 2. Il arrive que l’installation utile à la servitude représente un coût important. Exemple : s’il y a une servitude
pour utiliser une chaufferie, ça coûte cher. Le but de l’al. 2 est d’empêcher qu’un titulaire de la servitude renonce à
sa servitude pour arrêter de payer. En principe, l’abandon de la servitude entraîne la suppression de l’obligation
d’entretien. On permet alors une convention obligeant, pour 30 ans au plus, à rester lié par la servitude. Cette
convention doit être annotée au RF pour qu’elle déploie des effets envers les tiers.
Chap. VI.
§ 1er
!
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!
Suppression ou modification des servitudes à la suite d’un changement de circonstances
Suppression totale ou partielle de la servitude dont l’intérêt a disparu ou est devenu disproportionné par
rapport à la charge imposée au fonds grevé
C’est les 2 hypothèses de l’art. 736 CC.
L’art. 736 al. 1 CC
177
2014-2015
Selon l’art. 734 CC, la servitude s’éteint selon les règles générales du droit de l’inscription constitutive : elle s’éteint par
la radiation au RF, ou par la perte totale du fonds dominant ou du fonds servant.
!
Peut-on faire déréliction d’une servitude autrement que par ce qui est prévu par l’art. 734 CC, c’est-à-dire autrement
que par la radiation de l’inscription au RF ?
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Le TF dit que le bénéficiaire de la servitude peut faire déréliction sans radiation de l’inscription au RF mais
simplement par déclaration au propriétaire grevé.
Quid d’une déréliction par actes concluants ? Par exemple, le bénéficiaire ne s’occupe plus du tout du chemin. Le
TF dit que c’est possible, mais il ne doit y avoir aucun doute sur la volonté du bénéficiaire. S’il y a un doute, ce
n’est pas une déréliction.
Le simple non usage d’une servitude ne suffit pas à faire disparaître le droit de servitude. Si pendant 30 ans la
servitude n’est pas exercée, ce n’est pas un cas de disparition de la servitude.
Cependant : l’art, 736 al. 1 CC prévoit toutefois que le propriétaire grevé peut exiger la radiation de la
servitude qui a perdu toute utilité pour le fonds dominant. Le simple non usage est alors un indice qui permet
au propriétaire grevé de dire que la servitude n’a plus d’utilité (on vise l’intérêt en fait car on s’écarte de la
conception romaine) pour le bénéficiaire.
Pour admettre l’art. 736 al. 1 CC, il faut qu’il y ait durablement plus d’intérêt réel à l’exercice de la servitude. L’intérêt
ne doit pas exister aujourd’hui, mais dans le futur proche l’intérêt ne devra pas exister non plus. Il faut que cette preuve
soit rapportée par le propriétaire du fonds grevé.
!
Un cas a été admis : 3 parcelles l’unes à côté de l’autre sont grevées d’un droit de passage. La servitude a été radiée sur
la parcelle du milieu (la parcelle 2). Les propriétaires des parcelles 1 et 3 disent que la servitude n’a plus d’intérêt pour
le bénéficiaire. Donc il faut radier la servitude sur les parcelles 1 et 2. Le TF dit qu’aujourd’hui et que dans le futur
proche, la servitude n’a plus d’intérêt pour le bénéficiaire.
!
Lorsque le propriétaire grevé et le bénéficiaire de la servitude ne sont pas d’accord, le juge tranche par le biais d’un
jugement constatatoire : il constate si la servitude existe ou non. Si la servitude est éteinte, elle disparaît hors écriture au
RF.
!
!
L’art. 736 al. 2 CC
On permet une libération judiciaire d’une servitude dont la charge/le poids qu’elle représente pour le fonds grevé est
devenu sans proportion avec l’intérêt qu’elle garde pour le bénéficiaire.
!
Exemple : une servitude permet à une société de tir à l’arc de venir 1x par année faire un jeu de tir à l’arc sur le terrain
grevé. Le propriétaire grevé ne peut pas construire à cause de cette servitude. Pour le propriétaire grevé c’est une grosse
perte économique car il ne peut pas construire. La servitude diminue énormément la valeur vénale du terrain.
!
Il faut que cette différence apparaisse avec le temps : depuis la création de la servitude à aujourd’hui, il faut que la
disproportion se soit développée/apparue. Elle ne devait pas exister au départ. Par exemple, le terrain grevé de la
servitude de tir à l’arc était en zone de non bâtir et est passé ensuite en zone à bâtir.
Il y a 2 situations visées à l’al. 2 :
!
1)
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2)
Le cas prévu par la loi où l’intérêt du bénéficiaire a diminué par rapport à la charge que représente la servitude
pour le propriétaire grevé. Il y avait une servitude de faire paître des moutons. Au début, il y avait beaucoup de
moutons mais maintenant il n’y a plus que 3 moutons. L’intérêt du bénéficiaire a diminué.
La charge que représente la servitude est devenue plus lourde pour le propriétaire grevé par rapport à l’intérêt de la
servitude.
- Au départ, le TF disait que cette situation était régie par l’art. 2 al. 2 CC.
178
2014-2015
!
-
Puis, il a dit que c’était régi aussi par l’art. 736 al. 2 CC.
Pour appliquer l’art. 736 al. 2 CC dans cette 2ème situation, le TF dit qu’il faut 2 conditions :
!
!
1) Le changement de circonstances qui augmente la charge ne doit pas être imputable au propriétaire grevé.
2) Il ne doit pas y avoir d’autre utilisation rationnelle du terrain grevé.
L’al. 2 permet la libération de la servitude que contre indemnité. Le jugement est formateur (=/ al. 1 où le jugement est
constatatoire). Dès que le jugement est exécutoire, la servitude s’éteint en tout ou en partie. Ce jugement formateur est
envoyé au RF et le conservateur va radier la servitude. Le droit peut être supprimé par jugement.
!
!
§2
Changements dans l’assiette de la servitude
L’assiette de la servitude est le lieu où s’exerce la servitude sur le fonds grevé. L’assiette est définie au RF. L’art. 732 al.
2 CC prévoit que dans certains cas il faut définir l’assiette sur un plan. On a vu que la servitude grève toute la parcelle,
mais l’assiette est le lieu où la servitude s’exerce. L’assiette peut viser tout (interdiction de construire) ou une partie
(droit de passage) de la parcelle.
!
❖
!
Quid du déplacement de l’assiette ? Peut-on exiger que la portion soit modifiée/déplacée en cours d’existence de
la servitude ? Un terrain est grevé par une servitude de conduite. Le fonds grevé aimerait construire mais l’endroit
où il veut construire est l’endroit de l’assiette. Peut-il demander au bénéficiaire de la servitude de changer de
place l’assiette ?
L’art. 742 CC régit la situation. C’est possible, mais il faut respecter des conditions :
1) Une demande du propriétaire grevé et le propriétaire grevé a un intérêt au déplacement. L’intérêt doit être
compris de manière large. Un intérêt esthétique est admis.
2) Le déplacement n’est pas préjudiciable au bénéficiaire (« dans un autre endroit … commodément). Si c’est
moins commode/moins pratique pour le bénéficiaire, ce dernier peut refuser le déplacement.
3) Les frais de déplacement des ouvrages de la servitude sont à la charge du propriétaire grevé.
!
L’al. 3 a été supprimé en 2012. Il visait les servitudes conduites et renvoyait à l’art. 693 CC pour déplacer les
servitudes de conduite.
!
!
!
§3
S’il y a déplacement de l’assiette, le plan au RF doit être modifié. Il faut faire une réquisition au RF et c’est le
bénéficiaire qui doit faire la réquisition. S’il ne le fait pas, le propriétaire grevé peut aller en justice et le juge
rendra un jugement formateur.
Division du fonds servant ou du fonds dominant
Une servitude peut disparaître en cas de division du fonds servant ou en cas de division du fonds dominant. C’est régi à
l’art. 743 CC. L’al. 3 renvoit à l’art. 974a CC.
!
-
!
-
L’al. 1. Une parcelle grevée d’une servitude est fractionnée/divisée en 4 parties. La servitude est reportée sur
chacune des 4 parcelles nouvelles. Exemple : s’il y a une servitude d’interdiction de construire. Ca vaut pour les 4
parcelles nouvellement créées. Lorsque la servitude est reportée sur toutes les parcelles, il y a une multiplication
des servitudes. Il y aura 4 servitudes et pas 1 servitude commune.
L’al. 2. Si la servitude ne grevait qu’un petit endroit du terrain, ce n’est que la parcelle qui contient ce petit endroit
qui sera grevée et les 3 autres parcelles seront libérées. Exemple : la servitude de source qui ne vise qu’un petit
endroit.
Ces principes valent aussi pour le fonds dominant qui est divisé. Lorsque le fonds dominant est divisé, chaque nouvelle
parcelle est au bénéfice d’une servitude.
!
Chap. VII. La servitude du propriétaire sur son propre fonds
179
2014-2015
!
C’est la consolidation : on est en même temps propriétaire grevé du droit réel limité et en même temps titulaire du
même droit réel limité. On est propriétaire grevé et bénéficiaire. Ca correspond à la confusion de l’art. 118 CO pour les
créances.
!
-
!
-
!
En général. En cas de consolidation, la règle est qu’il y a disparition du droit réel limité. On a vu aussi que cette
extinction ne peut par contre pas nuire ou profiter à des tiers.
Dans le domaine des servitudes, le législateur suisse s’est écarté de cette solution. L’art. 735 CC permet au droit
réel limité de subsister comme tel, malgré la consolidation. La radiation n’est pas automatique : si le propriétaire
grevé ne veut pas supprimer la servitude, il peut la garder.
Quand on est propriétaire du fonds dominant et du fonds servant, la consolidation devrait aboutir à supprimer le droit
réel sur le fonds grevé. Si ensuite, on vend un terrain et qu’on garde l’autre, il n’y aura plus de servitude et il faudra la
recréer. Avec l’art. 735 CC, ça permet de revendre 1 des 2 terrains avec la servitude qui a subsisté. Exemple : le
propriétaire peut ainsi vendre un terrain en se gardant un droit de passage sur le terrain vendu. C’est pratique.
!
Ca permet aussi à la servitude de garder son rang d’origine ; s’il fallait la recréer, la servitude pourrait se trouver à un
rang postérieur.
!
!
L’art. 735 CC s’applique aux servitudes prédiales et s’applique aussi aux servitudes personnelles par renvoi.
Non seulement l’art. 735 CC permet à la servitude de subsister en tant que droit réel en cas de consolidation, mais de
plus, l’art. 733 CC permet de constituer une servitude sur son propre terrain. La possibilité de créer une servitude sur
son propre terrain est utile notamment pour les promoteurs immobiliers par exemple si on veut vendre des parcelles
avec des droits de passage. Ainsi, dès la vente, la parcelle sera au bénéfice d’une servitude. Le propriétaire peut
aménager à l’avance les droits sur les différentes parcelles qu’il va vendre.
!
❖
!
!
!
En doctrine, il est discuté de savoir si la servitude existe vraiment en cas de consolidation. Piotet dit que la
servitude est déjà un droit réel même pendant la consolidation. La preuve est que le rang qu’elle a au début est le
rang qu’elle va garder tout le temps.
Chap. VIII. Le droit de superficie
§ 1er
Définition et forme du droit de superficie
C’est une servitude personnelle spéciale car elle est régie par la loi (art. 779 à 779l CC). Il y a aussi l’art. 675 CC. Le
droit de superficie est une servitude qui a pour objet de rompre le principe de l’accession : on a la propriété d’un
ouvrage/une construction sur le fonds d’autrui.
!
La superficie a pour but principal la propriété séparée de l’ouvrage. On a vu d’autres que d’autres servitudes
permettaient d’avoir une propriété séparée, mais pour ces servitudes l’effet de propriété séparée est un effet annexe. On
verra à la fin du chapitre que la servitude de superficie des plantations est possible (art. 678 al. 2 CC). On vise les arbres
et pas les salades.
!
La superficie de l’art. 675 CC est une particularité du droit suisse. C’est assez paradoxal d’avoir une servitude dont
l’objet est le droit de propriété d’une chose sur le sol d’autrui. Dans les pays nous entourant, la possibilité d’être
propriétaire d’un ouvrage sur un terrain ne nous appartenant pas n’est pas une servitude.
!
Champ d’application des art. 779 ss CC :
Les art. 779ss CC ne visent pas toutes les servitudes de superficie qui existent mais ne visent que les servitudes de
superficie qui sont personnelles. On ne vise que la superficie rattachée non pas à un fonds dominant mais à une
personne.
Mais il est possible d’avoir un droit de superficie en faveur d’un fonds dominant (prédiale). Si c’est le cas, on n’est
pas dans les art. 779 ss CC car ces articles ne visent que la superficie personnelle.
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!
!
L’art. 779 al. 2 CC présume que le droit de superficie est cessible. On peut déroger à cette règle par convention.
Très souvent, la superficie est un DDP immatriculé au RF au sens de l’art. 655 al. 2 ch. 2 et al. 3 CC. Il sera possible
d’hypothéquer la superficie si elle est immatriculée comme DDP au RF.
!
L’art. 779a al. 1 CC rappelle le principe de la constitution du droit de superficie : l’acte constitutif de la superficie doit
être faite en la forme authentique. C’est un rappel du principe selon lequel toute servitude doit faire l’objet d’un acte en
la forme authentique. La forme authentique vaut aussi quand on crée un droit de superficie sur notre propre terrain.
!
L’art. 779a al. 2 CC vise la rente du droit de superficie. La « rente du droit de superficie » est la rémunération qu’on paie
au propriétaire parce qu’il nous concède la propriété du terrain. C’est une sorte de loyer. S’il y a une telle rente, c’est un
élément essentiel du contrat, et donc la clause doit être faite en la forme authentique.
!
L’art. 779b al. 1 CC est mal rédigé. Les mots qui figurent dans l’article (« dispositions contractuelles », « sont
obligatoires ») donnent l’impression que les clauses sont contractuelles, mais ce n’est pas le cas. Il y a certes un contrat
de superficie qui fixe son contenu mais une fois que c’est inscrit au RF, ça fait partie du droit réel de superficie. Le
contenu est énuméré dans l’al. 1. Ca fait partie de la définition du droit réel et quand c’est au RF, ça va lier les tiers. Ce
n’est donc pas des clauses contractuelles.
!
L’art. 779b al. 2 CC prévoit que les clauses contractuelles du contrat de superficie restent obligatoires. Ce n’est pas des
éléments du droit réel de l’al. 1 mais ces clauses peuvent être des obligations contractuelles qui peuvent être opposables
au tiers par le biais d’une annotation. Si le bénéficiaire change, le nouveau superficiaire va être lié par ces obligations
contractuelles par le biais de l’annotation. Que les obligations annotées soient pour le bénéficiaire ou pour le
propriétaire grevé, ça va lier les tiers.
On avait vu le droit de préemption légal de l’art. 682 al. 2 CC. C’est un droit de préemption réciproque (1ère phrase et
2ème phrase). On peut renoncer par avance à ce droit de préemption légal selon l’art. 681b CC mais il faut une
annotation.
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!
§2
L’indemnité due pour les constructions faites par le superficiaire
L’art. 779c CC rappelle l’art. 667 CC. Quand le droit de superficie expire, le propriétaire grevé devient propriétaire de
l’ouvrage construit. Comme la servitude est personnelle, elle va prendre fin, et à ce moment le propriétaire du fonds
grevé devient propriétaire de la construction.
!
Dans ce cas, l’art. 779d CC prévoit que le propriétaire du fonds grevé doit verser une indemnité équitable au
superficiaire qui n’est plus au bénéfice de la superficie :
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!
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-
!
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L’indemnité est une indemnité équitable : le propriétaire grevé ne va pas forcément payer l’entier. C’est dispositif :
les parties peuvent prévoir d’emblée qu’il n’y aura pas d’indemnité ou alors de prévoir une manière de la calculer.
Pour que ça lie les tiers, il faut faire une annotation selon l’art. 779b CC.
Les parties peuvent prévoir à l’avance qu’à la fin de la superficie, le superficiaire doit rendre le terrain avec une
remise en l’état. Le superficiaire devra enlever l’ouvrage.
L’indemnité profite principalement à l’ancien superficiaire, mais pas seulement. L’al. 1 prévoit que s’il y a des
droits de gage sur le droit de superficie, ces gages vont disparaître avec le droit de superficie lorsque celui-ci
s’éteint. Le créancier gagiste va perdre son gage. Pour compenser cette perte, le créancier gagiste est subrogé. Il y
a une subrogation : le gage sur le droit de superficie se reporte sur la créance en paiement de l’indemnité. Ce gage
acquis par subrogation légale explique pourquoi le paiement de la créance « ne peut intervenir qu’avec le
consentement des créanciers gagistes ».
Les al. 2 et 3 prévoient que le paiement de l’indemnité est garanti par une hypothèque légale. Il y a un gage
immobilier légal qui va garantir le paiement de la créance. Il est inscrit sur le fonds anciennement grevé. Il a le
rang qu’avait le droit de superficie (al. 2). C’est une sorte de privilège de rang.
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!
Ce § 2 vise l’extinction normale du droit de superficie. Le § 3 vise la fin des rapports de superficie avant l’échéance
prévue quand le superficiaire se comporte mal.
!
!
§3
Le droit de retour anticipé du propriétaire foncier
C’est les art. 779f à 779h CC. A la demande du propriétaire grevé, le droit de superficie doit être restitué en cours
d’existence à ce propriétaire. C’est une sanction lourde pour le superficiaire : si le superficiaire fait des grands frais de
construction car il bénéficie d’une superficie pour 80 ans et que le propriétaire utilise le droit de retour anticipé, ça lui
est très préjudiciable.
!
Les art. 779f à 779h CC sont des règles impératives en faveur du superficiaire (art. 779h CC). On voit le caractère
impératif ressortir de l’art. 779h CC. C’est des règles semi impératives en faveur du bénéficiaire.
!
L’art. 779f CC exige une violation grave. Ca peut être une :
- Violation grave du droit réel.
- Violation grave des obligations contractuelles.
N’importe quel non respect des clauses de superficie ne permet pas de mettre un terme au droit de superficie : il faut que
la violation soit grave.
S’il y a une violation grave des clauses de superficie, le propriétaire peut demander le retour. Ce n’est pas une extinction
du droit réel : la superficie est seulement restitué au propriétaire grevé. Le titulaire doit re-transférer sa servitude sur la
tête du propriétaire grevé. Il y a alors consolidation. Le propriétaire grevé pourra ensuite choisir de garder la superficie,
la transférer ou la radier.
!
Il y a une indemnisation prévue de l’ancien bénéficiaire de la superficie tenant compte du fait qu’il a perdu tout
l’investissement perdu par la construction (art. 779g CC). En principe, le superficiaire est indemnisé, mais l’indemnité
n’est qu’équitable. S’il a commis une faute vraiment grave, l’indemnité est réduite en fonction de la faute commise.
!
!
§4
La rente du droit de superficie et sa garantie
On avait vu que la « rente du droit de superficie » est une contreprestation qui a une forme périodique. C’est le prix du
droit de superficie payé de manière régulière par le superficiaire au propriétaire. Tous les droits de superficie n’ont pas
forcément une rente en contreprestation :
Le droit de superficie peut être gratuit.
La contreprestation peut prendre la forme d’une indemnité unique.
La contreprestation peut être payée en nature.
Mais souvent, c’est une rente qui est prévue.
!
La rente est un des points essentiels du contrat. L’art. 779a CC prévoit qu’il faut la forme authentique. Selon le TF, une
erreur essentielle peut porter sur la rente. La rente est un élément contractuel et n’est pas un élément du droit réel. C’est
une simple créance de droit des obligations. Ca n’apparaît pas au RF.
!
La rente a pour débiteur la partie originaire au contrat. Si le droit de superficie est cédé et qu’il y a un nouveau
superficiaire, celui-ci n’est pas automatiquement le débiteur de la rente. C’est l’ancien partenaire contractuel qui doit
payer la rente. Pour que le nouveau superficiaire devienne débiteur de la rente, il doit faire une reprise de dette
(approuvée par le propriétaire). A défaut d’accord du propriétaire, il y a une relation tripartite (propriétaire grevé, ancien
partenaire contractuel débiteur de la rente, et superficiaire).
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!
!
L’art. 779b al. 2 CC autorise une annotation de la rente au RF. De cette manière, tout acquéreur du droit de
superficie va devenir débiteur de la rente. S’il y a annotation, la qualité de débiteur de la rente passe
automatiquement au nouveau superficiaire.
La garantie de la rente
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-
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-
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L’art. 779i CC : garantie de la rente par une hypothèque légale pour les 3 années en cours sur le droit de superficie.
Si la rente n’est pas payée, le propriétaire peut demander la vente forcée de son gage et ainsi réaliser le droit de
superficie pour que la rente soit payée. Ce droit à l’hypothèque légale vise le titulaire actuel du droit de superficie.
L’art. 779k CC :
- L’al. 2 prévoit qu’on renvoit aux règles sur l’hypothèque légale indirecte. Il faut alors une inscription
constitutive au RF.
- L’al. 1 prévoit que le gage n’est pas radié après une 1ère réalisation. C’est quelque chose d’exceptionnel. Quand
le créancier gagiste demande la réalisation du gage, en principe, il ne peut le faire qu’1 fois. Le gage est épuisé
une fois exercé. Ici, c’est une dérogation pour donner un privilège à la garantie de la rente.
Précis sur l’art. 779k al. 1 CC : Le gage est utilisé pour les annuités exigibles. Si le gage tombait après cette réalisation,
le propriétaire serait alors privé de garantie pour l’avenir. Donc on permet au propriétaire de garder son gage et de
pouvoir l’utiliser pour les créances de rente qui viendront à échéance à l’avenir.
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§5
La superficie des plantations
C’est l’art. 678 al. 2 et 3 CC.
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Al. 2. Ca concerne l’arboriculture. On vise les végétaux ayant une valeur vénale indépendante du sol. Celui qui a
un pommier peut avoir la propriété de l’arbre sans être propriétaire du sol. Il peut ainsi hypothéquer le pommier.
Le droit de superficie peut être constitué pour 10 ans au moins et 100 ans au plus.
Ce droit de superficie est réel ou personnel ? Il est possible sous les 2 formes. Les art. 779 ss CC s’appliquent alors
s’il est personnel.
Al. 3 : le couplage de ce droit de superficie avec un bail à ferme agricole. Un fermier a bail sur un terrain agricole
et une superficie sur une autre partie du terrain. L’al. 3 prévoit que quand il y a un couple entre bail à ferme et
superficie, la résiliation du bail à ferme autorise un droit de retour pour le propriétaire grevé du droit de superficie
avant son échéance. En effet, si les parties avaient prévu un bail à ferme et une servitude, il faut partir de l’idée
que ces 2 éléments sont liés.
❖
L’emphytéose : c’est la réunion d’un droit réel emportant superficie et une obligation contractuelle
d’exploitation. Le lien entre le bail à ferme et la superficie de l’art. 678 CC redonne vie à l’emphytéose du
droit byzantin.
TITRE VIII – LES CHARGES FONCIERES
Chap. Ier
§ 1er
Notions générales
Nature et contenu de la charge foncière
La charge foncière est une des 3 formes de droit réel qu’on peut avoir sur un immeuble (propriété, gage, charge
foncière). La charge foncière est un droit réel de garantie. Ce n’est pas une servitude qui confère l’usage. C’est un droit
qui permet de réaliser l’immeuble grevé exactement comme un droit de gage immobilier. La charge foncière est traitée
paradoxalement avec les servitudes dans la loi. C’est les art. 782 à 792 CC. S’il y a des lacunes dans ces articles, on va
plutôt appliquer les règles sur les gages que les règles sur les servitudes.
!
L’art. 782 al. 1 CC définit les charges foncières. La charge foncière a le contenu d’une obligation à accomplir une ou
des prestations. C’est une prestation de faire en principe. Une prestation doit être fournie. La responsabilité pour ces
prestations permet de réaliser l’immeuble. C’est par l’immeuble que le débiteur de la charge foncière répond de
l’exécution de la charge.
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C’est donc un droit réel de garantie, mais il est particulier car l’art. 791 al. 1 CC prévoit que ce droit réel de garantie
existe tout seul : il n’y a plus de créance personnelle en exécution. Il n’y a pas de responsabilité patrimoniale. Seul
l’immeuble répond de l’inexécution de la charge foncière.
!
Ca ressemble au prêt sur gage car seul l’objet remis en prêt sur gage peut faire l’objet d’une réalisation forcée ; il n’y a
pas de créance personnelle.
!
❖
Champ d’application. Les art. 782 à 792 CC vise les charges foncières de droit privé. L’art. 784 CC prévoit le
régime pour les charges foncières de droit public : il y a des charges foncières de droit public mais elles ont la
publicité des hypothèques légales de l’art. 836 CC. L’art. 90 CDPJ prévoit le contenu des charges foncières de
droit public.
L’art. 782 al. 2 CC prévoit que la charge peut être due au propriétaire actuel d’un autre fonds. Il y a donc 2 formes de
charges foncières :
1) Charge foncière personnelle.
2) Charge foncière rattachée à un fonds dominant (prédiale). Exemple : une charge foncière oblige à livrer du bois
pour une scierie. La charge grève un terrain. C’est le propriétaire du terrain qui doit livrer du bois.
!
L’art. 782 al. 3 CC institue une restriction à l’utilisation de la charge foncière. La charge foncière n’est pas n’importe
quelle obligation de faire Il doit y avoir :
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-
!
-
!
!
§2
Soit un lien avec les besoins de l’exploitation du fonds dominant ( si charge foncière réelle). Exemple : si un on
crée une charge foncière de livraison de bois, ça joue car il y a une scierie sur le fonds dominant, donc c’est en
relation avec l’exploitation du fonds dominant. Si le propriétaire du fonds grevé n’arrive pas à fournir du bois, le
bénéficiaire peut demander la vente du terrain.
Soit un lien avec l’économie du fonds grevé ( si charge foncière personnelle). Si la charge foncière est
personnelle, il faut un lien avec l’économie du fonds grevé. Exemple : il doit y avoir une forêt sur le fonds grevé
pour livrer le bois.
Distinction entre charge foncière et obligation accessoire d’une servitude
La prestation en vue à l’art. 782 al. 3 CC reste une prestation indépendante. Cette indépendance fait qu’il faut la
distinguer de la simple obligation accessoire à une servitude de l’art. 730 al. 2 CC :
Obligation accessoire d’une servitude (art. 730 al. 2 CC). S’il y a une accessoriété économique et une accessoriété
fonctionnelle, on peut rattacher une obligation de faire à une servitude. L’obligation est dépendante de la servitude.
La charge foncière est une obligation de faire principale. Elle ne dépend pas d’une servitude. C’est un droit de
garantie.
!
!
S’il y a violation de l’obligation de faire :
Si obligation accessoire : responsabilité sur le patrimoine.
Si charge foncière : réalisation de l’immeuble.
L’art. 788 al. 3 CC prévoit toutefois qu’on peut combiner une charge foncière avec une servitude. Exemple : une
servitude de chauffage couplée avec une charge foncière de livrer le chauffage. Quand on combine la servitude avec la
charge foncière, on échappe à l’obligation d’être soumis à un rachat au bout de 30 ans. Cette règle de la charge foncière
ne s’applique pas et la charge foncière, dans ce cas, peut être perpétuelle.
!
!
§3
Distinction entre rapport juridique de base et droit à chaque prestation
La charge foncière est une obligation, en principe, de faire. Cette obligation se confond avec le droit réel de garantie car
il n’y a pas de responsabilité personnelle du débiteur. Mais ça reste une obligation régie par les règles du droit des
obligations. Les art. 97 ss CO sont applicables, sauf qu’il n’y a pas de d-i payables vu qu’il n’y a pas de responsabilité
personnelle.
!
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La charge foncière est souvent une obligation de faire périodique et non pas unique. Quand la prestation est périodique,
on applique les règles sur les obligations périodiques. Il y a alors 2 niveaux :
1) La charge foncière est le contrat (la souche). C’est la base, la cause générale.
2) A chaque période, il y a une créance qui nait en exécution de la charge.
!
Cette distinction entre le droit souche et le droit à chaque prestation est importante pour la prescription. L’art. 790 CC
distingue :
Le droit souche ne se prescrit pas (al. 1).
Les prestations périodiques se prescrivent isolément (al. 2). Ces prestations périodiques se prescrivent.
!
L’art. 790 al. 2 CC prévoit qu’il y a prescription des prestations périodiques « dès qu’elles sont devenues dette
personnelle du propriétaire grevé ». Il faut coupler avec l’art. 791 al. 2 CC :
Pour une prestation non exécutée, pendant 3 ans cette prestation périodique donne droit de réaliser l’immeuble. On
est encore dans une charge foncière de droit réel.
Si on n’exerce pas le droit à la réalisation dans les 3 ans, la garantie réelle tombe : on ne peut plus demander la
réalisation pour cette prestation périodique-ci. A l’échéance des 3 ans, il n’y a plus de responsabilité sur
l’immeuble mais ça se transforme en responsabilité personnelle. Le débiteur va répondre sur son patrimoine.
Comme c’est une créance périodique ordinaire, ça se prescrit par 5 ans (art. 128 CO).
!
!
!
!
En résumé : 3 ans de garantie réelle, puis 5 ans de garantie personnelle. Donc après 8 ans, la créance en
prestation périodique s’éteint.
Chap. II
§ 1er
Acquisition, transfert, grèvement et extinction des charges foncières
Titres et modes de création des charges foncières
L’art. 783 CC prévoit les modalités de création. L’al. 1 prévoit qu’en principe l’inscription est constitutive. L’al. 3
prévoit que l’inscription constitutive a normalement pour titre un contrat qui prévoit la création de la charge foncière.
Vu le renvoi de l’al. 3, il faut un titre en la forme authentique.
❖ Quid d’une acquisition sans contrat ?
- En droit public, oui, car il y a les charges foncières légales de droit public.
- En droit privé, il n’y a pas d’acquisition sans contrat, à part pour l’usucapion. La possession d’une créance
pourrait faire naître une charge foncière, mais il est difficile d’admettre la possession d’une créance. L’art. 919
al. 2 CC prévoit toutefois que les servitudes et les charges foncières donnent lieu à une possession juridique.
Ca peut donc aboutir à une usucapion. Le seul cas imaginable : la charge foncière est nulle mais est réglée
périodiquement. Le titulaire de bonne foi peut usucaper la charge foncière.
!
L’art. 783 al 2 CC prévoit que l’inscription suppose toujours que le RF voie une valeur de la charge indiquée en francs
suisses à côté de l’objet de la charge foncière. Exemple : livraison de bois, valeur de tant. Il faut indiquer la valeur car
quand l’immeuble est vendu en cas d’inexécution, le montant à payer au titulaire de la charge permet de déterminer le
montant de la prestation périodique.
!
Précis : L’inscription au RF doit indiquer la valeur de la charge (art. 783 al. 2 CC). Cette valeur détermine la somme
que le propriétaire de l’immeuble grevé doit payer pour racheter la charge (art. 789). Elle fixe également le montant
maximum à concurrence duquel la charge prime les servitudes, droits de gage ou charges foncières constitués
ultérieurement sur l’immeuble. La valeur de la charge est indiquée par une somme en monnaie suisse. Comme la
charge tend généralement à des prestations périodiques, les parties fixeront leur valeur globale, en se servant au besoin
des tables de capitalisation des rentes. A défaut d’autre estimation, la valeur de la charge est égale à 20 fois le montant
des prestations annuels (art. 783 al. 2 in fine).
!
§2
Transfert et grèvement des charges foncières
Si charge foncière prédiale : le transfert de l’immeuble dominant entraîne le transfert de la charge foncière.
Si charge foncière personnelle : on suit les règles de la cession de créance. Il faut la forme écrite.
!
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➔
!
Il n’est pas possible d’avoir une charge foncière en DDP car le CC prévoit un droit de rachat au bout de 30 ans et
pour constituer un DDP, ça doit durer 30 ans.
S’agissant du grèvement, on peut remettre une charge foncière en usufruit ou en gage (usufruit sur créance et gage sur
créance). La charge foncière est présumée cessible quand elle est personnelle.
!
!
§3
Extinction de la charge foncière
La charge foncière disparaît en application de l’art. 786 CC :
La radiation est constitutive de la disparition.
Perte totale de l’immeuble.
Déréliction.
Confusion. Si on est débiteur et créancier de l’obligation de faire, il y a confusion.
Exécution.
Etc.
!
!
Le rachat de la charge foncière (art. 787 à 789 CC)
C’est la disparition de la charge foncière moyennant règlement de sa valeur inscrite au RF en cas de la survenance
d’une cause prévue par la loi ou par la convention des parties. L’art. 789 CC prévoit que le rachat se fait pour le montant
inscrit au RF de l’art. 783 al. 2 CC.
!
Les parties peuvent prévoir des cas de rachats supplémentaires à ceux de la loi ou réduire les cas de la loi. C’est
dispositif.
A la demande du créancier : l’art. 787 CC prévoit 3 cas légaux.
A la demande du débiteur : l’art. 788 CC prévoit 2 cas légaux.
Tous les cas sont dispositifs, sauf le cas de l’art. 788 al. 1 ch. 2 CC. Dans tous les cas, c’est le débiteur qui doit payer le
rachat de la charge foncière.
•
!
!
L’art. 787 al. 1 CC, à la demande du créancier :
1) L’immeuble grevé est divisé. Le cas de la division de l’immeuble est aussi prévu à l’art. 792 CC. En principe,
la charge foncière va être répartie sur toutes les parcelles nées de la division. Cette répartition n’est pas
toujours possible car l’art. 782 al. 3 CC prévoit qu’il faut toujours une corrélation entre le fonds dominant et le
fonds grevé.
!
!
Donc la division peut aboutir à la suppression de la charge foncière. Donc si la division est défavorable au
créancier, celui-ci peut demander le rachat de la charge foncière au débiteur. L’al. 2 prévoit un délai pour
exercer le rachat.
2) Le propriétaire diminue la valeur de l’immeuble. Sur l’immeuble grevé, il y a un bâtiment locatif qui rapporte
des loyers. Le propriétaire grevé démolit l’immeuble. Dans ce cas, le propriétaire grevé porte atteinte au droit
de garantie. Le créancier de la charge n’est plus sûr d’être garanti par l’immeuble. Il peut alors demander le
rachat de la charge foncière.
!
!
•
3) Le propriétaire n’a pas exécuté ses obligations de 3 années consécutives. Si le débiteur n’a pas payé les
prestations périodiques pendant 3 ans, le créancier peut racheter la charge foncière.
L’art. 788 al. 1 CC, à la demande du débiteur :
!
1) Le contrat de charge foncière n’est pas observé par le créancier. Dans le contrat qui crée la charge foncière, il y
avait une contreprestation et le créancier de la charge foncière n’a pas exécuté sa prestation. Le débiteur peut
aller racheter la charge foncière.
!
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!
2) C’est une règle impérative. Peu importe ce que les parties ont convenu, il doit y avoir rachat après 30 ans. La
charge foncière ne peut pas durer plus de 30 ans. On veut empêcher le fait qu’un immeuble soit obligé pour
toujours à fournir des prestations à des tiers.
L’al. 2 et l’al. 3 sont importants.
Précis : Le rachat est la suppression de la charge elle-même moyennant paiement de sa valeur à l’ayant droit. Le rachat
s’opère en principe pour la somme inscrite au RF comme valeur de la charge, mais le débiteur peut prouver que la
valeur effective est inférieure à cette somme (art. 789).
!
!
!
TITRE IX – LES GAGES IMMOBILIERS
Chap. Ier
Système général du droit suisse
En droit suisse, il y a un numerus clausus des droits réels, qui vaut aussi pour les gages immobiliers. Comme le droit
réel est typé dans le CC, on ne peut pas prévoir un droit réel non prévu. L’art. 793 al. 1 et 2 (surtout) CC reprend cette
idée. Jusqu’en 2012, il y avait encore la lettre de rente qui ne prévoyait une responsabilité que sur l’immeuble et pas sur
le patrimoine, mais ça n’existe plus aujourd’hui. Il y avait 2 idées/fonctions du gage immobilier :
!
1)
!
!
2)
!
!
La fonction classique du gage est une fonction de garantie : on doit avoir un droit de réalisation de l’objet à côté de
la responsabilité d’un débiteur sur tous ses biens (idée romaine). C’est un accessoire servant de garantie à la
créance principale. Le créancier gagiste peut s’en prendre au débiteur sur tous ses biens et en plus il peut
demander la réalisation forcée de l’objet engagé.
L’hypothèque reprend cette idée de responsabilités personnelle et réelle. Le créancier gagiste n’a pas la
possession de l’immeuble mais a, en cas d’inexécution, le droit de faire vendre l’immeuble. Ce droit de
réalisation forcée (ius distrahendi) rajoute à la responsabilité sur tous les biens, un droit de faire vendre.
L’autre fonction est de mettre en circulation une valeur immobilière sans vendre l’immeuble (idée coutumière/
germanique). L’idée de mettre en circulation une partie de l’immeuble par un gage immobilier est une idée
germanique.
A la base, c’est la lettre de rente qui reprenait cette idée. La lettre de rente : la valeur de l’immeuble inférieure
(gage) à la valeur vénale est mise en circulation, sans responsabilité du débiteur. Dès le Moyen-Age, ça a pris
la forme de papiers. Le CC prévoyait qu’il fallait créer un papier-valeur. Mais la lettre de rente n’existe plus
depuis 2012.
La cédule hypothécaire est un intermédiaire (un bâtard) entre l’hypothèque et la lettre de rente :
Aspect hypothèque : la cédule hypothécaire a une fonction de garantie de la créance principale. Il y a une
responsabilité du débiteur sur tous ses biens + une responsabilité sur le bien engagé.
Aspect lettre de gage : la cédule hypothécaire cherche à mettre en circulation une valeur de l’immeuble (un gage).
C’est un papier-valeur à ordre ou au porteur mis en circulation avec la valeur du gage. Aujourd’hui, il existe aussi
la cédule de registre qui permet de ne pas avoir un papier-valeur mais une inscription au RF.
Chap. II
Spécialité du gage immobilier quant à son objet et quant aux créances garanties
!
!
!
§ 1er
Spécialité du gage quant à son objet
Un droit de gage porte sur un objet immobilier.
Tous les immeubles peuvent être donnés en gage ? L’art. 796 al. 1 CC prévoit que le gage immobilier doit porter sur un
immeuble immatriculé au RF. Sinon, le gage n’est pas concevable. Aujourd’hui, tous les immeubles privés sont au RF.
!
❖
L’art. 796 al. 2 CC règle le cas des immeubles publics (domaine public et patrimoine administratif). En principe,
les immeubles publics ne peuvent pas être donnés en gage :
- Le CDPJ interdit tout gage sur le domaine public.
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!
!
- Il est aussi interdit de créer un gage sur le patrimoine administratif quand c’est contraire à l’affectation.
L’art. 30 de la LF sur la poursuite pour dettes des communes et des cantons prévoit une interdiction de réaliser des
immeubles du domaine public ou du patrimoine administratif.
L’art. 796 al. 2 CC vise aussi les allmends, pâturages. C’est le droit civil cantonal qui régit l’engagement de ces
biens.
Tout immeuble privé immatriculé est susceptible d’être remis en gage. L’idée de la spécialité quant à l’objet est que le
gage porte sur un immeuble déterminé. Un gage général portant sur un nombre indéterminé d’immeuble n’est pas
possible. La seule exception : l’hypothèque générale des compagnies de chemin de fer et de navigation, on l’avait déjà
vu s’agissant du gage mobilier.
!
L’art. 797 CC prévoit qu’il faut pouvoir définir l’objet avec précision : l’immeuble doit être décrit. L’immeuble est
grevé du droit réel limité pour son entier. On ne peut pas avoir un gage sur la fraction nord de la parcelle sans diviser la
parcelle.
!
!
§2
Spécialité du gage quant aux créances garanties et étendue de la garantie
Le droit de gage doit garantir une créance déterminée. Il doit y avoir un gage servant à la garantie de paiement d’une
créance déterminée. Ca peut être 1 créance déterminée, 3 créances déterminées, mais ça doit être fixé.
!
Si la créance n’existe pas, en vertu de l’accessoriété du gage, il n’y a pas de gage immobilier. On avait vu en matière
mobilière, qu’on pouvait prévoir un gage sur une créance future (créance conditionnelle). C’est admis en matière
mobilière, mais l’est-ce en matière immobilière ? L’art. 794 CC donne la réponse :
!
-
!
!
-
!
!
!
!
Al. 1 : il prévoit le principe de la spécialité : la créance doit être déterminée avec un montant chiffré. Il faut
indiquer le montant pour le rang des droits réels au RF. Quand un immeuble a un gage immobilier qui existe déjà,
le montant de ce gage immobilier détermine si ça vaut la peine de créer un gage immobilier postérieur. Si
l’immeuble vaut 1'000'000, qu’il y a déjà un gage pour 800'000, un créancier ne va pas constituer un gage de
500'000 sur ce même immeuble.
On ne peut donc pas, en principe, inscrire aujourd’hui un gage sur le RF pour une créance dont on ne peut pas
encore fixer le montant en francs suisses.
Al. 2. Malgré l’al. 1, l’al. 2 prévoit l’hypothèque maximale. Si la créance est indéterminée (mais qu’on connaît le
prix) car la créance est conditionnelle, les parties indiquent une somme fixe représentant le montant maximum (un
plafond) de la garantie immobilière. On indique au RF un montant maximum.
Précis : Il est possible de garantir par une hypothèque une créance indéterminée, voire une créance future ou une
créance seulement éventuelle. Les parties doivent alors indiquer une somme fixe représentant le maximum de la
garantie immobilière (art. 794 al. 2), sans avoir à déterminer précisément le rapport juridique au règlement
duquel le droit de gage est affecté.
2 précisions :
1) Le plafond doit inclure l’intérêt : il faut inclure le capital et les intérêts.
2) La cédule hypothécaire est toujours un droit qui ne peut pas être conditionnel. Donc il ne peut pas y avoir
d’hypothèque maximale avec la cédule hypothécaire.
Etendue de la garantie
L’art. 818 CC prévoit l’étendue de la garantie :
1) Le capital.
2) Les frais de poursuite et les intérêts moratoires. Les frais de poursuite ne sont pas les frais de justice mais les frais
réclamés par l’OP.
3) Le ch. 3 prévoit que les intérêts des 3 dernières années sont garantis par le gage.
188
2014-2015
On distingue les intérêts moratoires (demeure du débiteur) qui n’ont pas de limite dans le temps et les intérêts
conventionnels qui sont limités aux 3 dernières années.
Le taux de l’intérêt hypothécaire est fixé librement par la convention (art. 795 al. 1 CC). Mais le législatif cantonal peut
plafonner un taux maximum (al. 2). L’art. 85 CDPJ renvoit à un règlement que le Conseil d’Etat peut adopter, mais qu’il
n’a pas adopté pour l’instant.
L’art. 818 al. 2 CC prévoit un taux hypothécaire maximum de 5%. On peut par convention librement fixer un taux
inférieur à 5%, mais si on fixe un taux supérieur à 5%, il faut modifier le RF (indiquer le nouveau taux au RF). La
raison est que la publicité du RF change :
Si le taux est à 5%, on applique le taux à 5% sur un immeuble et si le taux est inférieur, tant mieux pour ceux qui
viennent après car le taux est plus faible et donc ils auront plus.
Si on dépasse les 5%, ça commence à manger la partie de ceux qui viennent après. Dans ce cas, il faut modifier au
RF le plafond du taux.
!
!
!
Chap. III
§ 1er
Etendue du gage
Etendue du gage quant aux parties intégrantes
L’art. 805 al. 1 CC prévoit que le gage immobilier porte sur l’immeuble et sur ses parties intégrantes. Les parties
intégrantes font un seul et même objet avec l’immeuble, donc c’est aussi grevé de gage. Ca explique pourquoi sur un
terrain non bâti grevé de gage sur lequel une maison est construite, le gage porte sur le terrain non bâti et sur la maison
construite.
!
!
§2
Etendue du gage quant aux accessoires
L’art. 805 al. 1 CC in fine prévoit que les accessoires sont aussi grevés du gage. L’accessoire est physiquement distinct
de l’objet principal. Exemple : le mobilier d’un hôtel. L’accessoire peut être mentionné au RF selon l’art. 946 al. 2 CC.
Lorsque l’immeuble grevé de gage est vendu, il est vendu lui, mais les accessoires aussi.
!
❖
!
Dans la LP, les accessoires ne sont pas toujours vendus en même temps que l’immeuble. Si la vente des
accessoires permet de satisfaire les créanciers, on ne vend que les accessoires.
L’art. 805 al. 2 CC prévoit qu’on est libre d’inclure les accessoires ou non dans le gage immobilier. La loi présume que
le gage porte sur la chose et sur les accessoires, mais les parties peuvent prévoir que les accessoires ne sont pas soumis
au gage.
!
L’art. 805 al. 3 CC réserve les droits des tiers sur les accessoires. Une personne est en train de constituer un gage sur
son immeuble mais les accessoires dans l’immeuble appartiennent à un tiers. Le créancier gagiste qui l’ignore acquiert
un droit de gage sur l’immeuble et sur les accessoires. Est-ce que le tiers qui est propriétaire des accessoires a des
droits de protection ?
!
-
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!
!
§3
Si le créancier gagiste est de mauvaise foi, il n’y a pas de gage sur les accessoires du tiers propriétaire des
accessoires.
Si le créancier gagiste est de bonne foi, c’est controversé. Certains auteurs disent que le tiers est à l’abri du gage
alors que d’autres dont Piotet disent que les accessoires sont grevés.
Le TF, dans un arrêt d’avant guerre, dit que les droits du tiers sont toujours préservés, même si le créancier gagiste
est de bonne foi. Selon Piotet c’est faux, car si ce n’est pas un gage mais une vente des accessoires sans droit, l’art.
933 CC s’appliquerait. Pour la propriété il est protégé, mais il n’est pas protégé pour un droit réel limité,
pourquoi ?
Etendue du droit de gage immobilier quant aux loyers et fermage
En matière mobilière, avec le nantissement, le créancier gagiste a la possession de l’objet engagé mais il doit rendre les
fruits au propriétaire, sauf si la convention déroge à cette règle (art. 892 CC).
189
2014-2015
!
En matière immobilière, c’est différent. Les formes autorisées du CC de gage immobilier ne permettent pas au créancier
d’avoir la possession de l’objet. Donc en principe, il n’a droit à aucun fruit même par convention avec effet réel.
Toutefois, une convention de droit des obligations peut le permettre.
!
!
!
❖
Avec l’antichrèse, le créancier gagiste a droit aux fruits. Mais l’antichrèse est interdite en matière immobilière.
Il n’y a pas de droit aux fruits, mais il y a une exception à l’art. 806 CC :
-
!
Al. 1 : le créancier gagiste a un droit à percevoir les fruits civils (loyers et fermages) entre le moment où il
demande la réalisation du gage jusqu’au moment où le terrain est vendu. Du début de la procédure d’exécution
forcée jusqu’à la fin de cette procédure, il est possible d’avoir les fruits.
Ce n’est possible qu’avec le biais de l’OP. Les loyers/fermages doivent être payés à l’OP. L’OP va encaisser les
loyers et fermages, puis elle va les remettre au créancier gagiste.
!
On vise les loyers et fermages, mais on vise en fait tous les fruits civils périodiques de l’immeuble. Exemple : la
rente d’un droit de superficie est compris.
!
Cette règle s’applique à la faillite, à la réalisation de gage et aussi à d’autres procédures de la LP qui aboutissent à
la vente de l’immeuble (concordat).
!
L’art. 806 CC ne permet pas au créancier gagiste d’exiger qu’un immeuble locatif vide soit rempli de locataires
pour qu’il puisse obtenir les loyers. Il n’y a pas de droit à mettre en location. Il ne peut retirer que les loyers de
locataires et fermages de fermiers existants.
-
!
-
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§4
!
Al. 2 : on protège les locataires et fermiers. Le jugement de faillite est censé connu de tous au moment où il est
rendu (c’est une fiction juridique). Ici, on dit que tant que le locataire/fermier n’est pas avisé par les publications
officielles, il peut continuer à payer son loyer/fermage au propriétaire. Par contre, dès qu’il est avisé, il s’expose à
payer 2 fois s’il continue à payer le propriétaire au lieu de payer à l’OP.
Al. 3 : non seulement le créancier gagiste peut être payé par préférence sur les loyers et fermages, mais en plus le
propriétaire bailleur ne peut pas disposer des loyers et fermages sur la période où le créancier gagiste a sa
préférence sur les loyers et fermages. La faillite a pour effet que le créancier gagiste a un droit à l’encaissement
dès le jour de la faillite. Donc si le locataire a versé des avances de loyers pour 6 mois, ces avances de loyers sont
comprises dans le gage et le propriétaire bailleur ne peut pas les remettre au locataire.
Etendue du gage immobilier quant aux indemnités d’assurance
Pour l’usufruit, on avait vu l’art. 750 CC qui prévoit que lorsque l’objet grevé d’usufruit est endommagé, il y a une
subrogation réelle : l’usufruit va porter sur l’indemnité due pour le dommage. La créance contre la compagnie
d’assurance est grevée d’usufruit par subrogation réelle.
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Pour le gage immobilier, on a la même règle à l’art. 822 CC :
-
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-
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Al. 1 : ça signifie qu’on applique l’art. 906 CC. C’est un cas d’application d’un gage sur une créance. L’indemnité
d’assurance est grevée du gage car l’indemnité ne peut être payée qu’avec l’accord du propriétaire et du créancier
gagiste.
Al. 2. C’est une dérogation au principe selon lequel il faut l’accord du créancier et du propriétaire. Si c’est pour
reconstruire l’immeuble, le créancier gagiste ne peut pas s’opposer.
Al. 3. On réserve l’assurance immobilière obligatoire que les cantons peuvent instituer. Dans le canton de Vaud,
c’est une loi sur l’assurance des bâtiments et mobiliers contre les incendies et autres dommages (LAIEN).
190
2014-2015
L’indemnité grevée du gage immobilier est seulement l’indemnité d’assurance. Le TF dit que les autres indemnités
(indemnité en réparation du dommage payée par l’auteur du dommage, 41 CO) ne sont pas touchées par l’art. 822 CC
alors que s’il y avait usufruit, la règle de l’art. 906 CC s’appliquerait. Il y a subrogation réelle sur les autres indemnités
en cas d’usufruit mais pas en cas de gage.
!
!
!
Chap. IV
§ 1er
Constitution, transfert, extinction du gage immobilier
Constitution
On est dans les principes généraux. Le gage immobilier suit toujours le principe absolu de l’inscription (inscription
constitutive). L’écriture crée le droit de gage immobilier. Avant l’écriture, il n’y a qu’une créance en constitution du
gage. Ce principe vaut pour tous les gages conventionnels et vaut aussi en principe pour les gages légaux. Quand il y a
hypothèque légale, la loi donne un droit à constituer un gage : c’est une créance légale. Le gage ne naît qu’avec
l’écriture.
!
!
La seule exception à ce principe absolu de l’inscription : les hypothèques légales directes : les gages où l’écriture
est déclarative ; le droit réel existe avant (principe relatif de l’inscription). C’est la raison du « demeurent réservées
les exceptions prévues par la loi » à l’art. 799 al. 1 CC.
Il n’y a pas de cas d’acquisition hors RF. Les modes originaires d’acquisition ne se conçoivent pas. L’usucapion ne va
pas car il faut une possession, mais le créancier gagiste immobilier ne peut pas posséder l’immeuble car il n’en n’a pas
la possession.
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Les différents titres possibles :
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Le contrat. Le gage immobilier est créé en principe par un acte juridique. Le titre est un contrat. Ce contrat est un
contrat de gage soumis à la forme authentique (art. 799 CC).
L’acte unilatéral. Le contrat de gage immobilier n’est pas le seul moyen de créer un gage volontaire : la cédule
hypothécaire peut être créée par le propriétaire sur son propre terrain par un acte unilatéral (=/ contrat). Dans la
cédule, il y a une créance abstraite au RF et cette créance, on peut en être débiteur et créancier, sans consolidation
et sans confusion. Mais il faut quand même la forme authentique. L’acte unilatéral est soumis à la forme
authentique, même si ce n’est pas un contrat.
L’acte à cause de mort. On peut créer un droit de gage par testament.
§2
Transfert des gages immobiliers
Il n’y a pas de règle uniforme pour le transfert. Il y a 2 modes de transfert selon si c’est une hypothèque ou une cédule
hypothécaire :
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Transfert de l’hypothèque (art. 835 CC). La cession d’une créance garantie par hypothèque se fait hors RF. C’est
une cession de créance ordinaire régie par le CC et le droit de gage passe hors RF au nouveau créancier. Ca
signifie que le RF ne jouit pas de foi publique s’agissant de la personne titulaire de l’hypothèque. En effet, la
cession se fait hors RF.
❖
Remploi ? Lorsque la créance garantie par hypothèque s’éteint, normalement l’hypothèque disparaît (principe
de l’accessoriété). Si l’hypothèque reste inscrite au RF (elle n’a pas été radiée), le propriétaire peut-il
réutiliser l’inscription du gage pour une nouvelle créance garantie par hypothèque (et ainsi le gage garde son
rang) ? Peut-on remployer l’hypothèque de la créance éteinte pour une nouvelle créance et un nouveau
créancier gagiste ? Le TF a laissé la question ouverte.
!
Selon Piotet, en principe, le remploi est contraire aux principes généraux : si le droit de gage est éteint, même
sans qu’il soit radié, il n’existe plus, et ne peut plus être cédé à un nouveau créancier gagiste pour une
nouvelle créance principale. Donc le nouveau gage perd son rang car il faut créer un nouveau droit de gage.
191
!
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2014-2015
Transfert de la cédule hypothécaire. La cédule hypothécaire peut prendre 2 formes :
1) Dématérialisée (cédule de registre) : l’art. 857 CC prévoit qu’il faut une cause valable et une inscription
constitutive. A l’inverse de l’hypothèque, le nom du titulaire au RF jouit de la foi publique !
!
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§3
-
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2) Papier-valeur : la cédule peut être à ordre (avec désignation du bénéficiaire et transfert selon les règles du CO
sur les papiers-valeurs à ordre) ou au porteur (on applique les règles de la possession pour le changement de
titulaire). Avec cette cédule hypothécaire, le titulaire du droit de gage est désigné par les règles générales des
papiers-valeurs et ces règles ne sont pas celles du RF. Le transfert se fait hors RF : le RF ne sait pas qui est
légitimé par le papier-valeur représentant la cédule hypothécaire.
Extinction du gage immobilier
Le principe général est à l’art. 114 CO : les droits accessoires à la créance disparaissent en même temps que la
créance s’éteint. Quand la créance principale disparaît, le droit de gage s’éteint au même instant.
L’art. 801 al. 1 CC prévoit que le gage s’éteint par la radiation et par la perte totale de l’immeuble. On vise la
radiation extinctive/constitutive. Si on convient avec le débiteur propriétaire de l’immeuble de radier un droit de
gage au RF, cette convention est un titre et c’est au moment où la radiation au RF est faite que le gage s’éteindra.
Toutefois, certaines radiations sont déclaratives. Si le débiteur a payé le créancier, la créance disparaît au moment
du paiement. Lorsque plus tard le gage est radié, la radiation est déclarative car le principe de l’accessoriété a
permis d’éteindre le gage sans radiation.
La règle de l’accessoriété ne fonctionne pas avec la cédule hypothécaire. La cédule hypothécaire admet qu’on
puisse être propriétaire de l’immeuble grevé et titulaire du droit de gage. Logiquement, lorsque le paiement
complet intervient, l’art. 853 CC déroge à l’art. 801 CC :
- Ch. 1 : on devient propriétaire grevé et titulaire du droit de gage. On ramène le gage sur la tête du propriétaire
et on ne va non pas éteindre le gage.
- Ch. 2 : le papier-valeur revient sur la tête du propriétaire qui a tout payé.
Le gage ne s’éteint pas mais on fait revenir le tout sur la tête du propriétaire grevé : il est propriétaire de
l’immeuble grevé et titulaire du droit de gage sur cet immeuble.
L’art. 801 al. 2 CC. JdT 1928 I 578 : Un terrain est grevé de gage et une collectivité publique exproprie une partie
du terrain. En cas d’expropriation partielle, l’indemnité d’expropriation est versée au gagiste et pas au propriétaire
et le gage immobilier monte en rang (prend la place des rangs antérieurs).
-
La déréliction est possible et se fait par déclaration unilatérale du créancier gagiste au RF.
-
La réalisation forcée est l’exercice du droit réel de garantie. Une fois que cette sanction est utilisée, même si elle
ne satisfait pas complétement le créancier gagiste, le gage tombe. La réalisation forcée éteint le droit de gage.
!
-
!
-
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La consolidation va éteindre l’hypothèque mais pas la cédule hypothécaire. Lorsque le créancier garanti par une
hypothèque devient propriétaire de l’immeuble hypothéqué, le gage s’éteint.
La purge hypothécaire (art. 828 à 830 CC). Ces articles sont dans le droit de l’hypothèque, mais selon l’art. 845
CC, ces règles valent aussi pour les cédules hypothécaires et aussi pour les charges foncières. Le législateur a
tranché entre 2 systèmes :
1) Système français des cantons latins : quand l’immeuble est aliéné, il y a une purge des gages. Il faut revoir tous
les gages pour savoir quels gages restent.
2) Système germanique qui ne veut pas que les gages ne soient pas remis en question en cas de changement de
propriétaire : il n’y a jamais de purge.
192
2014-2015
!
Le législateur prévoit qu’il n’y a pas de purge en principe, mais les cantons peuvent quand même admettre la
purge hypothécaire quand 2 conditions sont remplies :
1)
2)
!
!
!
!
!
L’immeuble est grevé de gages pour une valeur plus élevée que l’immeuble. La somme des dettes
garanties par des droits de gage excède la valeur de l’immeuble.
Le propriétaire a les gages sur l’immeuble alors qu’il n’est pas titulaire des dettes principales (son
immeuble garantit les dettes d’autrui).
Si ces 2 conditions sont remplies, le canton peut introduire la purge hypothécaire. Selon l’art. 86 CDPJ, le
canton de Vaud a fait usage de cette possibilité.
L’effet de la purge est que le gage est exigible avant l’échéance prévue vu qu’on va épurer les gages sur
l’immeuble. Il y a 2 méthodes pour se débarrasser des gages :
1) L’immeuble est mis en vente (art. 829 al. 1 CC). Cette procédure d’enchère publique est prévue par le CC si les
cantons prévoient la purge hypothécaire.
2) Estimation officielle (art. 830 CC).
Précis : La purge hypothécaire permet à l’acquéreur d’un immeuble grevé de droits de gage de libérer son
immeuble. L’acquéreur peut proposer aux créanciers de « racheter » les droits de gage grevant l’immeuble, en
leur offrant le prix auquel il a acheté l’immeuble (ou s’il l’a acquis à titre gratuit, une somme correspondant à la
valeur de celui-ci). Les créanciers peuvent soit accepter l’offre, soit exiger la vente aux enchères de l’immeuble.
Chap. VLes effets propres au gage immobilier
Le droit de gage est un droit réel de garantie : l’essentiel du droit réel, en cas de non paiement de la créance, d’obtenir la
réalisation forcée de l’immeuble. Ca ne signifie pas pour autant que le droit réel de garantie ne déploie aucun effet avant
la procédure d’exécution forcée. Le droit réel existe avant que la créance ne soit exigible. Le gage a d’autres effets que
le ius distrahendi.
!
!
§ 1er
L’imprescriptibilité de l’obligation garantie
C’est l’art. 807 CC. Le droit réel de garantie, par son existence, va rendre le principal (la créance garantie)
imprescriptible. C’est une dérogation au principe de l’accessoriété. En principe, l’existence du gage dépend de la
créance principale. Ici, l’accessoire « déteint » sur le principal. Le droit réel est en principe imprescriptible et cette
caractéristique est transposée sur la créance principale : tant que l’hypothèque ou la cédule hypothécaire existe, la
créance ne peut pas se prescrire.
!
❖
!
!
!
Lien avec l’art. 790 CC pour les charges foncières : le droit de souche ne se prescrit pas alors que les prestations
périodiques se prescrivent.
L’art. 807 CC ne vaut que pour les gages du CC et en principe pas pour les hypothèques de droit cantonal.
§2
Protection des droits compromis du créancier-gagiste
On est dans le cas où le gage est créé sur l’immeuble mais le capital n’est pas encore payable car pas encore exigible.
Malgré le fait que le capital n’est pas payable, le créancier gagiste a un droit au maintien de la valeur de l’immeuble
engagé.
!
Exemple : L’immeuble va être grevé de gage, le créancier gagiste se rend compte que l’immeuble vaut tant. Il voit que
le gage peut être mis pour 500'000. Le gage est ensuite créé. Si le propriétaire démolit le bâtiment locatif sur lequel
porte le gage, l’immeuble vaut moins. Le créancier gagiste pensait qu’il pouvait avoir un gage pour 500'000 mais
aujourd’hui l’immeuble ne vaut peut-être que 400'000. On veut alors protéger le créancier gagiste contre les
dépréciations de l’immeuble engagé. Il y a 2 types de dépréciations : dépréciation matérielle et dépréciation juridique.
!
193
2014-2015
1)
!
Dépréciation matérielle (art. 808 à 810 CC) : dépréciation par des actes matériels. Par exemple, on pollue
l’immeuble et il faudra décontaminer, destruction de l’immeuble, etc. L’art. 808 al. 1 CC donne une action en
justice au créancier gagiste contre le propriétaire (action hypothécaire) alors même que le gage n’est pas encore
exigible. Cette action tend à faire cesser les actes de dépréciation. Ca peut conduire à un rétablissement des lieux
de l’état antérieur.
!
!
C’est une action réelle car elle découle du droit de gage. C’est une sorte d’action négatoire de l’art. 641 al. 2 CC.
Le défendeur : toute personne qui porte atteinte à la valeur de l’immeuble, malgré la formulation de l’article.
L’art. 808 al. 2 CC prévoit que le créancier gagiste peut même recevoir la permission du juge d’intervenir sur le
chantier pour remettre en état antérieur. Si le propriétaire est en train de démolir l’immeuble, le créancier gagiste
peut intervenir lui-même sur le chantier pour interrompre la démolition.
!
L’art. 808 al. 3 CC prévoit que les frais d’intervention du créancier gagiste sont à la charge du propriétaire et sont
garantis par une hypothèque légale (al. 2 et 3). Cette hypothèque légale est directe : elle prend naissance sans
inscription au RF par le seul effet de la loi. C’est un cas du principe relatif de l’inscription.
!
L’art. 808 al. 4 CC prévoit que si les frais sont de plus de 1000 francs et que dans les 4 mois depuis la fin des
mesures l’hypothèque n’est pas inscrite au RF, c’est inopposable aux tiers de bonne foi. Ca corrige un peu le
caractère occulte de l’hypothèque légale. Si c’est moins de 1000 francs ou moins de 4 mois, ça reste toutefois
occulte.
!
Cette hypothèque légale est privilégiée (art. 808 al. 3 CC) : elle passe avant tous les autres gages existants sur
l’immeuble. Il y a une postposition des autres gages. Le titulaire de cette hypothèque légale sera payé en 1er.
!
❖
L’art. 810 CC vise la situation où le propriétaire a un immeuble déprécié mais sans sa faute. C’est un tiers ou
un cas fortuit qui déprécie l’immeuble. Il y a une hypothèque prévue pour rembourser au créancier les frais
de sauvetage. Elle est privilégiée mais ne double pas une créance principale. En effet, les frais ne sont pas
dus au propriétaire : le propriétaire n’est pas débiteur des frais de sauvetage car il n’est pas responsable du
dommage. Et pourtant, il y a un droit de gage.
!
L’art. 809 CC prévoit qu’indépendamment des frais de sauvetage, le créancier gagiste a droit à des sûretés. On voit
que l’immeuble est déprécié et on demande au propriétaire de déposer des sûretés correspondant au montant qui
risque de ne pas pouvoir être touché par le créancier gagiste. Si le propriétaire ne fournit pas les sûretés, l’al. 3
prévoit que le créancier gagiste peut demander un remboursement partiel suffisant (remboursement à concurrence
de la dépréciation). L’art. 810 al. 1 CC prévoit que si le propriétaire n’y est pour rien, on n’applique pas l’art. 809
CC.
!
!
2)
!
L’art. 819 CC prévoit le même mécanisme. Cet article est une hypothèse générale : chaque fois que le créancier
gagiste fait des dépenses nécessaires, il peut être remboursé.
Dépréciation juridique (art. 812 CC) : dépréciation par actes juridiques. C’est le principe de la double mise à prix
(correspond à l’art. 142 LP). La dépréciation procède d’un acte juridique : il y a déjà un gage immobilier sur
l’immeuble et après le propriétaire crée une servitude/annotation/charge foncière sur l’immeuble. La constitution
de l’usufruit/annotation/charge foncière est un acte juridique qui va déprécier la valeur de l’immeuble.
!
!
Le créancier gagiste dont le droit est plus ancien peut demander dans un 1er temps une vente normale avec la
servitude/annotation/charge foncière pesant sur l’immeuble, et s’il n’est pas couvert par le prix offert, il peut
demander une 2ème enchère sans la servitude/annotation/charge foncière et si cette 2ème enchère permet d’avoir
un meilleur prix, la servitude/annotation/charge foncière tombe.
L’al. 3 prévoit que s’il reste de l’argent, l’argent doit indemniser le titulaire de la servitude/annotation/charge
foncière.
194
2014-2015
❖
Champ d’application de l’art. 812 CC. Des actes juridiques de dépréciation ne sont pas visés textuellement
par l’art. 812 CC :
!
-
!
!
-
!
!
!
§3
Le créancier gagiste a un gage sur le terrain et après le propriétaire vend son droit de bâtir à un voisin. La
vente du droit de bâtir est prévue dans le droit public cantonal. C’est un acte juridique de droit public qui
vient déprécier la valeur de l’immeuble car le terrain n’est plus constructible (le droit de bâtir s’est éteint
par la vente). Le TF dit que cette dépréciation n’entre pas dans l’art. 812 CC.
Selon Piotet, il faudrait que la vente du droit de bâtir soit soumise à une double mise à prix.
L’existence de baux à loyer/ferme sur le terrain grevé du gage. Quand le créancier gagiste n’est pas payé
et menace le propriétaire de réaliser le droit de gage, le propriétaire dit qu’il n’a pas peur et va mettre un
locataire sur le terrain et le terrain ne vaudra plus grand chose. Même en cas de réalisation forcée de
l’immeuble loué, le bail passe à l’acquéreur selon l’art. 261 al. 1 CO. Le nouvel acquéreur n’offrira qu’un
prix bas car il devra attendre la fin du bail.
Le TF s’est demandé si cette situation est visée par l’art. 812 CC. D’abord, le TF a admis l’application de
l’art. 812 CC au bail à loyer dépréciatif, puis il est revenu sur cette jurisprudence et a dit que certes on
applique l’art. 812 CC au cas du bail dépréciatif, mais en cas de 2ème vente, le bail ne va toutefois pas
disparaître (=/ servitude/charge foncière/annotation qui va tomber en cas de 2ème vente) !
Le TF dit que le bail ne disparaît pas mais celui qui achète l’immeuble peut donner un congé
extraordinaire sans explication au locataire.
➔Le bail à loyer qui est un contrat (droit personnel) est alors mieux traité que la servitude/charge
foncière/annotation (droit réel) !
Effets du gage à l’échéance et réalisation
On vise le cas où la créance n’est pas payée et que le créancier gagiste utilise son droit de réalisation forcée. Le ius
distrahendi est consacré à l’art. 816 CC :
!
-
!
-
!
L’al. 1 consacre le droit à la réalisation forcée. Le droit de réalisation forcée entraine une exception en faveur du
débiteur prévue à l’art. 41 LP : le bénéfice de discussion réelle. Le débiteur peut obliger le créancier gagiste à s’en
prendre d’abord à l’objet du gage et subsidiairement seulement à s’en prendre à l’ensemble de ses biens. L’art. 41
LP est dispositif.
L’al. 2 consacre l’interdiction du pacte commissoire (= l’art. 894 CC pour le gage mobilier). Par exemple, on ne
peut pas prévoir qu’en cas de non paiement par le débiteur le créancier peut exercer un droit d’emption sur
l’immeuble. Une telle convention est nulle.
L’art. 817 CC prévoit que le prix de vente est distribué entre les créanciers selon leur rang (al. 1). Si 2 gages sont au
même rang, on les paie en proportion de la créance garantie (al. 2).
!
L’art. 831 CC vise le cas où le créancier gagiste a en face de lui 2 personnes : le débiteur principal A et le propriétaire de
l’immeuble grevé B. Un propriétaire engage son bien pour garantir la dette d’un tiers. L’art. 845 CC rend applicable
cette règle à la cédule hypothécaire. Quand il y a un tiers débiteur du gage, la dénonciation doit être adressée au
débiteur principal et au propriétaire grevé du gage. Le défaut de cette formalité empêche la procédure de réalisation
forcée.
!
Pour le surplus, la procédure est celle de la LP : la procédure en réalisation du gage. Cette procédure n’est utilisable
qu’1 fois : si le créancier gagiste n’est pas satisfait à l’issue de la procédure, le gage est éteint et ne peut pas être
réutilisé.
!
Le créancier gagiste est payé selon son rang (art. 817 CC). Le créancier de 1er rang doit être entièrement couvert pour
que le solde puisse passer au créancier du 2ème rang, on l’avait déjà vu.
195
!
❖
!
❖
2014-2015
L’art. 209 al. 1 LP prévoit qu’en cas de faillite, les intérêts ne courent pas pendant la procédure de faillite. L’al. 2
prévoit une dérogation pour les intérêts garantis par gage immobilier. S’il y a plusieurs droits de gage sur le même
immeuble du failli, le TF dit que le créancier de 1er rang n’a droit au paiement des intérêts que si le créancier de
2ème rang est couvert. Le CG1 ouvre la procédure de réalisation du gage, et le CG2 participe. Pour que CG1
puisse obtenir le paiement des intérêts, il faut non seulement que la créance de CG1 soit couverte, mais il faut en
plus que celle de CG2 soit couverte. Il faut que les 2 créances soient couvertes pour que CG1 puisse demander les
intérêts. Quid s’il y a un créancier de 3ème rang ? On ne sait pas.
La vente privée de l’immeuble en gage. En matière mobilière, on a vu qu’une convention pouvait prévoir que le
créancier gagiste pouvait décider lui-même de mettre en vente l’objet. Est-ce que la vente privée est possible avec
le gage immobilier ? En théorie, oui, mais en pratique c’est très rare. Sur l’immeuble, il peut y avoir beaucoup de
droits de tiers (créances, servitudes, etc.). Dès lors que l’immeuble contient plusieurs droits, la vente privée est
rare.
!
Chap. VI
!
!
§ 1er
Le rang des gages immobiliers
La collision entre droits réels limités sur des immeubles en général
Le principe du rang domine l’ensemble des droits réels : le droit réel limité le plus ancien l’emporte sur le plus récent.
Avec le gage immobilier, il y a un système spécial de rang.
!
-
!
-
!
!
§2
En principe, on a le système du rang flexible. C’est qu’on a vu jusqu’ici. C’est ce système qui domine tout le
système des droits réels limités. Si un droit réel existe avec des droits réels qui sont subséquent, il l’emporte sur les
droits postérieurs. Quand le droit réel antérieur disparaît, les droits réels postérieurs montent en rang au moment de
la disparition. Si je suis au 2ème rang et que le droit de 1er rang disparaît, je passe en 1er rang. Le rang est flexible.
On avait vu que les gages immobiliers reposent sur l’idée d’avoir une mise en circulation d’une valeur déterminée
de l’immeuble de façon durable. Avec cette conception, le rang doit être fixe et non flexible. La valeur mise en
circulation ne doit pas varier en fonction de la disparition de droits réels antérieurs. Cette conception a justifié
l’introduction d’un système spécial pour le rang des gages immobiliers aux art. 813 à 815 CC. C’est le système des
cases hypothécaire.
Le système des cases hypothécaires
On donne un rang stable à un gage immobilier et ce rang ne va pas changer. Le rang va déterminer le taux d’intérêt. Le
taux d’intérêt du gage de 3ème rang sera très élevé car il y a un grand risque qu’il ne soit pas couvert. Le taux sera
beaucoup plus élevé que le taux du demandé par le créancier gagiste de 1er rang Si on est dans le système du rang
flexible, quand le rang passe du 3ème rang au 2ème rang, les risques de ne pas être remboursés diminuent mais le taux
élevé reste, et ça ne va pas. Donc on a créé le système des cases fixes.
!
!
Il y a 3 conséquences avec ce système :
1)
!
2)
!
Si un gage de rang préférable/antérieur disparaît, le gage de rang subséquent ne passe pas dans la case libre (art.
814 al. 1 CC). S’il y a un gage 1, un gage 2 et un gage 3 et que le gage 1 disparaît, le rang du gage 1 est une case
libre : la case est inoccupée. Les gages 2 et 3 restent en rang 2 et 3.
On permet au propriétaire de planifier son engagement hypothécaire pour l’immeuble (art. 813 et 814 al. 2 CC).
Aujourd’hui, le propriétaire doit mettre un gage sur son immeuble mais aimerait garder le 1er rang pour dans 10
ans pour avoir un taux d’intérêt plus faible dans 10 ans. Donc il prévoit un 2ème rang pour le gage d’aujourd’hui et
quand dans 10 ans, il mettra en gage à nouveau son immeuble, ce nouveau gage ira en 1er rang et le taux d’intérêt
sera plus faible pour ce gage.
Il faut indiquer au RF le montant maximum du 1er rang. Par exemple, il faut indiquer « case libre de 50 ». On
prévoit un espace libre en 1er rang pour 50. C’est un plafond/montant maximum.
196
!
3)
!
!
2014-2015
Quid en cas de réalisation forcée quand la case 1 est vide ? Pour que les créanciers de 2ème et 3ème rang puissent
demander la réalisation, il faudrait que le 1er rang soit couvert, et donc comme il n’y a pas de gage, l’argent devrait
logiquement revenir au propriétaire avant de payer les créanciers de 2ème et 3ème rang. C’est la logique du système
de la case hypothécaire.
Mais on n’a pas suivi ce système en droit suisse avec l’art. 815 CC. Au moment de la vente forcée, on fait
abstraction de la case vide : l’argent est directement distribué au créancier de 2ème rang, puis au créancier de 3ème
rang. La case libre n’a plus d’effet dans la réalisation forcée.
La case fixe est réservée aux gages volontaires ! Donc tous les gages immobiliers ne sont pas forcément régis par le
système de la case fixe :
Les hypothèques légales échappent au système de la case fixe. Comme elles ne sont pas volontaires, on n’applique
pas ce système. On ne vise que les gages volontaires. On applique donc le système de rang flexible aux
hypothèques légales.
Les gages pour les améliorations foncières des art. 820 et 821 CC ne sont pas non plus soumis au système de la
case fixe.
!
Avant le CC, il y avait 2 conceptions dans les cantons sur les rangs :
1) Conception latine : système du rang flexible.
2) Conception alémanique : système de la case fixe.
!
!
❖
Le législateur a adopté la conception alémanique, mais le législateur a fait une concession pour la conception
latine à l’art. 814 al. 3 CC : la fixité du rang peut faire l’objet d’une dérogation conventionnelle. Par convention,
on peut prévoir le système du rang flexible ! Il faut une convention et elle doit, pour être opposable aux tiers, être
annotée au RF. C’est une annotation de droit personnel avec droit réel accessoire qui double le droit personnel.
Aujourd’hui, avec la pratique bancaire, on prévoit presque toujours cette convention annotée pour que les gages
puissent profiter des cases libres.
L’annotation du droit de profiter des cases libres peut causer des difficultés :
!
-
!
-
En 1er rang un gage de 20, en 2ème rang un gage de 30 et en 3ème rang un gage de 30. Le gage 3 a le droit de
profiter des cases libres avec l’annotation au RF de la convention, mais le gage 2 n’a pas le droit de profiter des
cases libres. Quand le gage 1 est radié, quid ? En principe, comme le gage 2 ne peut pas avancer, il doit rester
là où il est. Le gage 3 par contre peut avancer dans la case libre, donc il passerait dans la case vide mais la case
vide est pour 20 (plafond à 20). Ce qui va se passer est qu’il va avancer en 1er rang pour 20 et il restera 10 en
3ème rang.
Même situation mais les 3 gages peuvent profiter des cases libres. Le gage 1 disparaît, donc il y a une case vide
de 20. C’est le gage 2 ou le gage 3 qui profite de la case libre ? C’est la date de l’annotation de la convention
au RF qui permet de déterminer qui peut utiliser la case vide. Si l’annotation du gage 3 du droit de profiter des
cases libres a été faite avant l’annotation du gage 2 du droit de profiter des cases libres, c’est le gage 3 qui
passe dans la case libre.
Ce n’est pas la date de création du gage qui compte mais c’est la date de l’annotation de la convention au RF
qui compte !
!
Sur le même immeuble, il peut y avoir des gages régis par la case fixe et il peut y avoir d’autres droits réels qui suivent
la règle générale du rang flexible. Pour le gage immobilier conventionnel annoté, la priorité est donnée par la case fixe
alors que pour les autres droits réels, la priorité est donnée par l’inscription au RF. Exemple : Une case en 1er rang est
créée pour 50 en 1990. Un gage est créé en 2010 et en 2000 une servitude est inscrite. Lequel entre dans la case libre ?
Il y a 2 avis en doctrine :
!
-
On donne la préférence au système de la case fixe et donc c’est le gage qui prime. Dans ce cas, comme la case a
été créée en 1990 et que l’usufruit est créé en 2010, il y a un risque de double mise à prix.
197
2014-2015
-
!
!
!
On donne la préférence au système du rang flexible, on met la priorité à la création du droit réel. Comme le gage
est créé après la servitude, la servitude va primer. Donc il n’y a pas de double mise à prix.
Chap. VII
§ 1er
Pluralité d’immeubles grevés, pluralité de dettes et pluralité de propriétaires
Pluralité d’immeubles grevés
On vise la pluralité d’immeubles grevés pour une même créance. En principe, la spécialité s’applique : l’immeuble doit
toujours être déterminé et il n’y a qu’un droit de gage par immeuble pour la même créance. On avait vu qu’il y avait une
exception avec le gage général pour les chemins de fer, etc.
!
Il y a en fait une autre exception encore : le feuillet collectif (art. 947 CC). Il y a une seule feuille au RF pour plusieurs
immeubles. On réunit plusieurs immeubles sur un seul feuillet et on met le gage sur le feuillet pour tous les gages du
feuillet. L’art. 947 CC est devenu lettre morte.
!
Le créancier gagiste demande un gage immobilier mais un seul immeuble offert en garantie ne suffit pas. L’immeuble
n’a pas assez de valeur pour garantir tout le crédit. Il y a plusieurs solutions :
!
1)
!
2)
!
3)
!
!
La répartition. Il y a 800'000 à couvrir, on met 500'000 sur un immeuble pour une créance et on met 300'000 sur
l’autre immeuble pour une autre créance. On divise la créance de 800'000 en une créance de 500'000 et une
créance de 300'000.
La solidarité. Tous les immeubles sont solidairement responsables du gage. L’immeuble de 500'000 et l’immeuble
de 300'000 répondent pour 800'000 chacun. On peut demander la réalisation de 800'000 sur l’un et l’autre
immeuble. On couvre tout le crédit et pas seulement la part se rapportant à l’immeuble.
La solution de l’art. 798 CC. Les al. 2 et 3 prévoient le principe de la répartition. En principe, on se base sur le
principe de répartition. Le créancier gagiste ne peut pas poursuivre pour 800'000 : il doit poursuivre pour 500'000
sur le 1er immeuble et doit poursuivre pour 300'000 sur le 2ème immeuble.
Mais l’al. 1 prévoit toutefois le principe de solidarité. On peut avoir la solidarité dans 2 cas :
1) Les immeubles appartiennent au même propriétaire : les 2 immeubles appartiennent à la même personne.
2) Les propriétaires sont différents mais chacun des propriétaires est solidairement responsable du crédit
hypothécaire. La dette principale est dans un régime de solidarité passive.
Dans ces 2 cas, on peut avoir un système de solidarité.
Quand le créancier gagiste veut utiliser tous ses droits de gage dans le système de la solidarité (al. 1), l’OP ne va réaliser
que dans la mesure du nécessaire le gage immobilier. Si un seul immeuble suffit à satisfaire le créancier, l’OP choisit
quel immeuble réaliser, même si le créancier gagiste avait demandé la réalisation de l’autre immeuble.
!
La règle de la répartition des art. 798 al. 2 et 3 CC est dispositive. On peut prévoir un ordre de réalisation. On peut
prévoir par convention que si le crédit n’est pas payé, le créancier gagiste doit commencer par faire réaliser l’immeuble
2, puis seulement ensuite l’immeuble 1.
!
!
§2
Sort de la dette en cas d’aliénation totale ou partielle du fond grevé après son parcellement
Quid quand l’immeuble grevé du gage est aliéné ? Il y a 2 traditions on l’a vu :
1) Tradition latine : l’aliénation va entraîner une purge des gages immobiliers.
2) Tradition germanique : le gage reste peu importe s’il y a aliénation ou pas.
L’art. 832 al. 1 CC a suivi la tradition germanique : le gage reste en cas d’aliénation de l’immeuble grevé.
!
Il y a toutefois une situation où le gage est levé : le cas de l’art. 811 CC. C’est le cas où on détache un tout petit
morceau de l’immeuble (moins de 5% de la valeur) et on le donne à un voisin. Ce serait compliqué d’évaluer la valeur
du petit morceau et y mettre une partie du gage. On prévoit alors que le petit morceau est libéré du gage. Mais il faut un
acompte suffisant ou une garantie suffisante. A part ce cas, l’immeuble aliéné gardera toujours le gage.
198
2014-2015
!
L’art. 832 al. 1 CC crée une relation triangulaire en cas d’aliénation du terrain grevé du gage. Il y a un débiteur et un
créancier gagiste liés par le gage. Très souvent, la créance principale existe entre les mêmes personnes : le débiteur
grève son propre immeuble. Il n’y a que 2 personnes. Lorsque l’immeuble est aliéné à l’acheteur, l’art. 832 al. 1 CC dit
qu’il y a statu quo : rien ne bouge.
Ca veut dire que le gage existe toujours sur l’immeuble, mais il ne concerne plus l’ancien propriétaire, mais c’est le
nouveau propriétaire (l’acheteur) qui est grevé du gage. Et le droit de créance reste entre le créancier gagiste et le
débiteur. Il y a alors une relation triangulaire : le débiteur n’est plus le propriétaire grevé du gage. Il y a 3 personnes :
débiteur principal, créancier gagiste et propriétaire grevé du gage.
!
Le législateur a voulu éviter le plus possible cette situation triangulaire en adoptant l’al. 2. C’est complété par l’art. 834
CC. Le législateur veut favoriser la reprise de la dette principale par l’acheteur qui est le nouveau propriétaire de
l’immeuble grevé du gage. En principe, la reprise de dette nécessite l’accord du créancier. Or, ici, on présume la reprise
à 2 conditions :
!
1)
2)
!
!
La reprise est voulue par le débiteur ancien propriétaire et par le nouveau propriétaire. Il faut que les 2 acceptent la
reprise de la créance garantie.
L’accord est efficace si, une fois averti (par le conservateur du RF le cas échéant), le créancier laisse passer 1
année sans s’opposer à la reprise, la reprise est présumée acceptée.
On présume la reprise de dette (=/ régime ordinaire).
L’art. 832 al. 2 CC n’est pas une reprise interne et externe de la dette. Ici, on vise un acte juridique interne : ce n’est pas
une reprise interne (acte juridique 1), puis une reprise externe (acte juridique 2), mais c’est un seul acte juridique qui
permet la reprise interne et la reprise externe.
!
Quid si le créancier gagiste refuse la reprise de dette dans l’année ? On reste alors dans la situation triangulaire. La
reprise a quand même été convenue entre l’acheteur et le vendeur (il y a une reprise de dette interne). Si l’ancien
débiteur libéré est attaqué par le créancier, le débiteur libéré doit quand même payer le créancier gagiste, mais il pourra
se retourner envers l’acheteur. Il y a un droit de recours interne pour se faire rembourser.
!
❖
L’aliénation partielle de l’immeuble grevé :
L’art. 811 CC vise l’aliénation d’une partie du terrain de moins du 20ème de la valeur. Dans ce cas, la partie
aliénée est libérée du gage.
- Dans les autres cas, on applique l’art. 833 CC.
-
!
L’art. 833 al. 1 CC vise le cas où on passe du régime de la solidarité au régime de la répartition. Il y a un seul
propriétaire du tout et le terrain est grevé d’un gage. Ensuite, le propriétaire vend une partie du terrain. Désormais
il y aura plusieurs terrains, quid du droit de gage ? Exemple : une grande parce est divisée en 4 morceaux et
engagée (système de la solidarité). Le propriétaire décide de vendre 1 morceaux. On passe alors de la solidarité
pour les immeubles à la répartition, car il y aura un propriétaire pour 3 morceaux et un autre propriétaire pour 1
morceau. La solution est qu’on répartit la dette en fonction de la valeur des immeubles.
!
L’art. 833 al. 2 CC prévoit que le conservateur du RF va accepter ou non la répartition du gage (art. 974a CC). S’il
accepte cette proposition, la dette va être divisée : il y aura un gage sur une parcelle pour une partie de la créance
et un autre gage sur les autres parcelles pour l’autre partie de la créance. Si le créancier gagiste n’est pas d’accord
avec la répartition, il peut demander le remboursement anticipé du gage dans le mois qui suit. Il peut demander
l’entier du capital dans le mois.
!
!
!
L’art. 833 al. 3 CC prévoit qu’après la répartition, on applique la règle de l’art. 832 al. 2 CC : quand l’acquéreur
obtient une parcelle divisée et ainsi grevée, en cas de reprise de dette avec le débiteur, il y a présomption
d’acceptation du créancier gagiste.
§ 3 Les remaniements parcellaires
199
2014-2015
Il s’agit d’opérations juridiques de l’autorité publique. L’Etat va remanier dans un périmètre défini sur plan plusieurs
parcelles pour les rendre plus aptes à leurs affectations de droit administratif. Par exemple, pour les terrains agricoles on
veut des terrains bien rectangles. Les droits de gage sur ces parcelles vont être modifiés par l’opération de droit public.
!
!
Les art. 802 à 804 CC visent le remaniement parcellaire :
-
!
!
!
!
L’art. 802 CC prévoit, qu’en gros, on fait de son mieux pour re-répartir les terrains avec les gages.
L’art. 803 CC dit que si la créance principale n’est pas exigible, le débiteur peut rembourser les droits de gage.
L’art. 804 CC prévoit que la personne peut se retrouver avec un immeuble de moindre valeur. Elle doit alors être
indemnisée de la valeur vénale perdue. S’il y a un gage, le gage s’éteint par le paiement de l’indemnité
d’expropriation.
Précis : Il peut arriver qu’un propriétaire ne retrouve pas, au terme de la réunion parcellaire, des biens-fonds
ayant une valeur équivalente à ceux qu’il a cédés ; la différence est alors comblée par le versement d’une
indemnité. L’art. 804 al. 1 CC prévoit que l’indemnité doit être distribuée entre les créanciers gagistes, selon leur
rang, ou s’ils sont de même rang, au marc le franc.
Chap. VIII
§ 1er
L’hypothèque
Généralités
L’hypothèque est d’abord un gage conventionnel. Aujourd’hui l’hypothèque n’est presque plus utilisée, on n’utilise que
la cédule hypothécaire car cette dernière donne plus de garantie que l’hypothèque. L’hypothèque est le seul gage
admissible s’il n’y a pas de chiffre pour la créance garantie. En effet, il y a l’hypothèque maximale qui est possible alors
que la cédule n’est pas possible.
!
!
§2
La créance garantie par hypothèque
Ca peut être n’importe quelle créance. En revanche, pour la cédule la créance doit être pure et simple et chiffrée. Pour
l’hypothèque, n’importe quelle créance peut être garantie.
!
Ca peut même être un papier-valeur. On parlait auparavant d’obligation hypothécaire : le gage est l’accessoire du
papier-valeur.
Il ne faut pas la confondre avec la cédule hypothécaire papier valeur car avec la cédule le gage est incorporé dans
le papier-valeur alors que dans l’obligation hypothécaire, le droit de gage n’est pas dans le papier-valeur.
!
!
Les hypothèques légales en général
!
!
Les hypothèques légales de droit public
§3
C’est les hypothèques dont le titre est la loi :
Hypothèque légale directe : la loi crée le gage. Elle est le titre et le mode. L’inscription est déclarative.
Hypothèque légale indirecte : le titre est la loi mais le gage est constitué par l’inscription au RF. L’inscription est
constitutive. C’est un droit à la constitution du gage donné par la loi.
a.
Il y a une réserve en faveur du droit public cantonal (art. 836 CC). L’al. 1 fixe le cadre général de l’hypothèque légale
de droit public : les cantons peuvent créer les gages qu’ils veulent, mais il y a 2 conditions à respecter :
!
1)
2)
!
Le gage de droit cantonal doit être une hypothèque. Il ne faut pas suivre tous les articles sur l’hypothèque mais il
faut respecter le système général.
Les créances doivent être en rapport direct avec l’immeuble grevé. Il faut une corrélation entre le droit qui donne
lieu à l’hypothèque et l’immeuble grevé.
Comme l’hypothèque légale est une restriction à la propriété privée, elle doit se baser sur une base légale. Elle doit être
prévue par le droit cantonal.
200
2014-2015
!
L’al. 2 a pout but de ramener dans la publicité du RF les hypothèques légales car auparavant c’était des gages occultes.
Si le gage est de moins de 1000 francs, il peut rester occulte. Si on dépasse 1000 francs, l’hypothèque légale de droit
public doit être inscrite dans les 4 mois qui suivent l’exigibilité de la créance ou dans les 2 ans dès la décision qui fixe la
créance. Il faut respecter ces 2 délais. Si on ne respecte pas les délais, l’hypothèque légale n’est pas opposable aux tiers
acquéreurs de bonne foi.
!
-
!
L’al. 1 vise le l’hypothèque légale indirecte.
L’al. 2 vise l’hypothèque légale directe.
L’al. 3 prévoit que les cantons peuvent aller plus loin. Dans le canton de Vaud, on est plus sévère : l’al. 2 n’a pas d’effet
car on va plus loin. Dans le canton de Vaud, les règles sur l’hypothèque légale sont doubles :
Il y a des lois spéciales qui disent quand les hypothèques légales sont possibles.
Il y a une partie générale des hypothèques légales qui s’appliquent aux hypothèques légales prévues dans les lois
spéciales (art. 87 ss CDPJ). L’art. 88 al. 2 CDPJ prévoient que si l’hypothèque légale est supérieure à 1000 francs,
il faut l’inscrire au RF tout de suite (il n’y a pas les délais de l’art. 836 al. 2 CC).
L’art. 89 CDPJ prévoit que l’hypothèque légale s’éteint, faute d’exercice, dans les 5 ans, même si le CC dit que
l’hypothèque est imprescriptible.
!
La règle de l’art. 836 CC vaut aussi pour les charges foncières de droit public (art. 784 CC).
b.
!
Les hypothèques légales de droit privé
Il y en a 2 catégories :
Hypothèques légales directes : la loi est le titre et le mode.
Hypothèques légales indirectes : la loi n’est que le titre et pour exister il faut une inscription au RF.
!
Le cas général est les hypothèques légales indirectes. Les hypothèques légales directes sont à l’art. 808 al. 3, 810 al. 2 et
819 CC. On retrouve la règle du délai de 4 mois concernant les tiers de bonne foi.
!
!
On va regarder l’hypothèque légale indirecte. Il y en a 8 :
1)
2)
3)
4)
5)
6)
!
Art. 712i CC : hypothèque légale de la communauté de propriétaires d’étage en encaissement des contributions de
chaque propriétaire.
Art. 779d : hypothèque qui garantit l’indemnité pour la disparition du droit de superficie.
Art. 779i et 779k : hypothèque qui garantit la rente du droit de superficie sur le droit de superficie.
Art. 837 al. 1 ch. 1, 2 et 3 CC qui prévoit 3 cas aux 3 ch. de l’al. 1. Le ch. 2 vise l’hypothèque sur la soulte qui est
garantie par l’immeuble indivis.
Art. 523 CO concernant le contrat d’entretien viager. On cède l’immeuble moyennant que l’acheteur nous fasse un
entretien viager. La garantie de l’entretien est garantie par une hypothèque légale sur l’immeuble aliéné.
Art. 34 LDFR.
Les hypothèques légales de l’art. 837 CC sont limitées dans le temps. Il y a un délai de 4 mois pour les artisans et
entrepreneurs (art. 839 al. 2 CC) et pour les 2 autres hypothèques légales, l’art. 838 CC prévoit un délai de 3 mois.
!
Pendant ce délai de péremption, qu’est-ce qui existe en faveur du bénéficiaire de l’hypothèque légale ? La loi ne donne
qu’une créance à la constitution d’un droit de gage. Avant l’écriture au RF, il n’y a pas encore de gage. Il y a un droit
personnel/créance légal à l’obtention de l’hypothèque légale.
!
Logiquement, c’est une créance comme une autre mais elle a une particularité : elle est attachée propter rem à
l’immeuble. Légalement, la créance en constitution de l’hypothèque légale a pour débiteur le propriétaire actuel de
l’immeuble. Si dans le délai de 3 ou 4 mois, l’immeuble est vendu, la créance doit s’exercer contre le nouveau
propriétaire et pas contre l’ancien propriétaire.
!
201
2014-2015
❖
!
La question controversée : l’acquéreur peut-il être protégé dans sa bonne foi quand il achète l’immeuble quand
l’inscription n’est pas encore faite ? Piotet dit qu’il y a une protection de la bonne foi. Ce serait paradoxal de dire
qu’il y a une protection de l’acquéreur de bonne foi s’il y a un droit réel sur l’immeuble et qu’il n’y a pas de
protection de l’acquéreur de bonne foi s’il y a une créance propter rem sur l’immeuble.
C’est une créance qui va disparaître dans la faillite. Si le propriétaire tombe en faillite, il ne peut plus y avoir
d’hypothèque légale. Mais le TF est d’un autre avis et protège le bénéficiaire de l’hypothèque légale contre les
créanciers du propriétaire.
!
c.
Spécialement la garantie du droit au gain
Dans tous les cas où un immeuble agricole soumis à la LDFR peut être acquis en vertu de la loi à une valeur inférieure à
la valeur vénale (valeur de rendement), il y a un droit légal à participer au bénéfice si l’attributaire revend dans un délai
de 25 ans. En cas de réalisation d’un bénéfice, l’attributaire doit partager le gain avec l’ancien propriétaire.
!
Cette créance en remise du gain est garantie par un gage légal. L’immeuble est grevé d’une hypothèque légale. Le
montant de l’hypothèque ne peut pas être fixé au moment où on crée l’hypothèque car la revente n’a pas encore eu lieu
(le gage est créé en prévision de la revente). On crée une garantie réelle en prévision de la revente mais la revente n’a
pas eu lieu. L’art. 34 LDFR prévoit cette hypothèque légale.
!
!
!
!
!
Particularité : L’hypothèque légale est d’abord annotée de manière provisoire, puis si effectivement il y a un gain
au moment de la vente, c’est chiffré, donc il y a aura une inscription définitive.
Chap. IX
L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs
§ 1er
Les conditions de l’hypothèque légale
a.
La ratio legis
L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs tend à donner une garantie à ceux qui passent un contrat d’entreprise
sur un immeuble. L’usage est que le paiement intervienne après les travaux, et, à l’époque, des personnes ordonnaient
des travaux et disparaissaient sans payer. On a estimé que c’est injuste, donc on a prévu une garantie immobilière aux
artisans et entrepreneurs.
!
!
b.
Les conditions générales de l’inscription
Il y a 6 conditions :
1) Un travail sur l’immeuble en question. Il faut travailler sur un ouvrage immobilier. Si c’est un ouvrage mobilier, il
n’y a pas d’hypothèque légale. Si l’ouvrage est un ouvrage pour une servitude sur un fonds voisin, l’hypothèque
légale sera sur le fonds de celui qui bénéficie de la servitude. On inscrit l’hypothèque légale sur l’immeuble
dominant.
!
!
2)
!
!
Le TF disait dans sa jurisprudence que le montage d’échafaudage n’était pas immobilier. Le législateur s’est écarté
de cette jurisprudence à l’art. 837 al. 1 ch. 3 CC.
Un contrat d’entreprise au sens des art. 363 ss CO. Il faut vraiment que le bénéficiaire soit un entrepreneur au sens
du CO. Le contrat d’entreprise est en principe une condition, mais ça ne suffit pas toujours. Il faut que ce soit lié
au travail sur l’immeuble : il faut une réalisation physique sur l’immeuble. En principe, l’architecte qui conçoit le
projet et dirige les travaux, pour la partie conception, peut être considéré comme un entrepreneur, mais l’architecte
ne réalise pas un ouvrage physique. Le plan est quelque chose d’intellectuel, donc il ne peut pas y avoir
d’hypothèque légale pour les architectes.
Les ouvriers n’ont pas droit à l’hypothèque légale car ils sont liés par un contrat de travail avec l’entrepreneur et
ne sont pas eux-mêmes entrepreneurs.
202
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!
3)
➔ Ca peut être un autre contrat que le contrat d’entreprise dans 1 seul cas : en cas de vente (contrat de vente) d’un
matériel immédiatement utilisé pour la construction. Exemple : le béton frais. C’est un matériel qui est
immédiatement utilisé dès le dépôt sur le chantier. S’il n’est pas utilisé immédiatement, il se solidifie et ne peut
plus être utilisé. On admet que cette livraison qui est une vente doit être au bénéfice de l’hypothèque légale.
La créance de l’entrepreneur doit avoir pour débiteur le propriétaire. Le débiteur peut être le propriétaire foncier
mais il y a aussi hypothèque légale en cas de sous-traitants. Chacun des sous-traitants a aussi droit à une
hypothèque légale sur l’immeuble du propriétaire car il a pour débiteur l’entrepreneur principal qui a lui-même
pour débiteur le propriétaire foncier. Sous-traitant Entrepreneur principal Propriétaire.
!
❖
Quid si le maître de l’ouvrage n’est pas propriétaire ? Un locataire décide de faire travaux et conclut un
contrat d’entreprise avec un entrepreneur. Est-ce que l’entrepreneur peut avoir une hypothèque légale sur le
terrain du propriétaire bailleur ? Le TF disait que c’était possible avec 2 restrictions :
1) Le propriétaire bailleur doit être d’accord.
2) L’hypothèque légale ne porte que sur la plus-value apportée par le travail.
!
La loi règle aujourd’hui la situation clairement : on vise toute personne qui a un droit sur l’immeuble, peu
importe que le droit soit réel ou personnel. La différence avec l’ancienne jurisprudence est que l’hypothèque
légale ne porte pas que sur la plus-value mais sur le tout.
!
!
!
4)
L’immeuble se prête à l’hypothèque légale : il doit être susceptible d’être grevé de gage.
-
!
Immeubles publics ? Comme l’immeuble doit pouvoir être grevé de gage, les immeubles publics ne peuvent
donc pas être grevés par une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Si une entreprise travaille pour
construire une école, il ne peut pas y avoir d’hypothèque légale sur l’école. Certes, l’entrepreneur ne peut avoir
de droit de gage sur l’immeuble public, mais :
-
-
!
5)
!
6)
La condition est donc que le débiteur soit le titulaire d’un droit sur l’immeuble.
!
!
Si l’immeuble fait partie sans aucun doute du patrimoine administratif, l’art. 839 al. 4 CC prévoit qu’il a
quand même droit à un cautionnement simple par la collectivité publique.
Si on ne sait pas trop si l’immeuble fait partie du patrimoine administratif ou pas, l’art. 839 al. 5 et 6 CC
prévoit que l’entrepreneur peut avoir une inscription provisoire de l’hypothèque au RF. Si ensuite, sur la
base du jugement, on arrive à la conclusion que l’immeuble est public, l’hypothèque tombe, mais il y a
toujours le cautionnement.
Immeuble en copropriété ? L’art. 648 al. 3 CC prévoit que quand il y a un gage sur une part, il ne peut plus y
avoir de gage sur l’objet complet. Cet article s’applique aussi à l’hypothèque légale. S’il y a déjà des gages sur
des parts d’étages d’une PPE, l’entrepreneur ne peut plus avoir de gage sur l’immeuble complet. Il doit alors
ventiler/répartir sa créance sur les parts car il ne pourra avoir une hypothèque légale que sur les parts et pas sur
l’objet entier.
De plus, dans la PPE, si l’entrepreneur travaille sur une partie privative, seul l’étage en question est grevé de
l’hypothèque et pas les autres étages.
Pas de sûretés déposées. C’est l’art. 839 al. 3 CC. Le propriétaire peut éviter l’hypothèque légale en déposant des
sûretés suffisantes à l’entrepreneur. Ces sûretés suffisantes doivent couvrir le capital et les intérêts. Les sûretés
suffisantes peuvent même être déposées en cours de l’existence de l’hypothèque, c’est-à-dire même si elle est déjà
inscrite. Dans ce cas, l’hypothèque sera radiée.
Respect des délais pour l’inscription :
- L’art. 839 al. 1 CC prévoit que l’hypothèque ne peut être inscrite qu’à partir du moment de la conclusion du
contrat d’entreprise et pas avant.
203
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-
!
!
!
!
c.
L’art. 839 al. 2 CC prévoit qu’il faut faire l’inscription dans les 4 mois après la fin des travaux. Si on ne le fait
pas dans les 4 mois, il n’y a pas d’hypothèque légale. Le délai part dès le travail effectué par l’entrepreneur et
pas à la fin des travaux généraux s’il y a plusieurs acteurs qui interviennent sur le chantier.
Si l’entrepreneur revient sur l’immeuble après coup pour vérifier que tout va bien, ce n’est pas là que les
travaux prennent fin, mais c’est bien avant.
Le délai s’agissant de la spécialité :
- Spécialité quant à l’objet : en cas de PPE, il y a un délai par part/appartement. Si les travaux sont finis en mai
dans l’appartement 1, le délai part en mai pour cet appartement et si les travaux sont finis en juin dans
l’appartement 2, le délai part en juin pour cet appartement.
- Spécialité quant la créance : si l’entrepreneur a conclu 2 contrats avec le maître, il y a un délai pour le contrat 1
et un délai pour le contrat 2. Il y a un délai qui part pour la réparation de la salle de bain et un délai qui part
pour la pose de vitres dans la chambre à coucher.
La créance des entrepreneurs et artisans sous-traitants
Le texte de l’art. 837 al. 1 ch. 3 CC permet à chaque sous-traitant d’inscrire son hypothèque légale pour sa propre
créance dont est débiteur l’entrepreneur général. C’est pareil s’il y a des sous-sous-traitants.
!
Avec les sous-traitants, il y a le risque du double paiement. Le propriétaire peut avoir payé des acomptes ou tout le prix
à l’entrepreneur général, et l’entrepreneur général n’a pas payé ses sous-traitants. Les sous-traitants vont demander au
propriétaire le gage car ils ne sont pas payés par l’entrepreneur principal. Ils vont demander la réalisation du gage. Donc
le propriétaire va payer 2 fois les mêmes travaux : 1 fois à l’entrepreneur, 1 fois au sous-traitant qui réalise l’objet.
!
!
Pour éviter de payer 2 fois le travail, le propriétaire a des solutions :
1)
!
2)
!
L’art. 827 CC (même principe que l’art. 110 CO). Pour éviter que le propriétaire soit grevé des hypothèques
légales des sous-traitants, le propriétaire peut payer directement les sous-traitants à la place de l’entrepreneur. Il y
a subrogation légale (al. 2) : le propriétaire est subrogé aux droits des sous-traitants.
Mettre en place une surveillance du chantier par le biais d’un contrôle des factures. On envoie un architecte qui va
vérifier que chaque facture va bien dans la caisse des sous-traitants.
L’entrepreneur principal demande une hypothèque légale de 100, le sous-traitant 1 demande une hypothèque de 20 et le
sous-traitant 2 demande une hypothèque de 50. Comme les travaux valent 100, il ne peut pas y avoir d’hypothèque pour
150 (100 + 20 + 50). L’hypothèque de 100 inscrite pour l’entrepreneur principal sera alors diminuée du montant des
hypothèques légales des sous-traitants.
!
!
d.
L’inscription provisoire et l’inscription définitive
L’art. 839 al. 2 CC oblige à inscrire dans les 4 mois dès la fin des travaux. S’il y a un litige sur le montant à payer à
l’entrepreneur, il faut reconnaître en justice le montant de la créance et ça prendra plus que 4 mois. Par exemple, si le
propriétaire dit que l’entrepreneur a mal travaillé et qu’il réduit le prix.
!
On prévoit alors une écriture provisoire de l’hypothèque légale (art. 76 ORF qui renvoit non pas à l’art. 961 mais à l’art.
960 ch. 1 CC) : on annote un droit personnel sous la forme d’une MP (selon art. 261 ss CPC). Le juge ordonne
provisoirement l’annotation provisoire de l’hypothèque légale et renvoit l’entrepreneur à faire constater la créance et le
gage par jugement au fond. Si le procès au fond n’est pas commencé, le juge des MP va inviter l’entrepreneur à ouvrir
action au fond dans un certain délai.
!
Dans le procès au fond :
Si dans le procès au fond, l’entrepreneur n’a en fait pas de droit à l’hypothèque, l’hypothèque légale sera radiée.
S’il a raison, il obtient l’hypothèque légale et l’inscription devient définitive. Le gage aura déjà le rang que lui
confère l’annotation provisoire.
204
2014-2015
!
Tant qu’il y a l’annotation, il n’y a pas de ius distrahendi et donc l’entrepreneur ne peut pas demander la réalisation du
gage.
!
!
e.
Le rang des hypothèques légales des artisans et entrepreneurs
C’est l’art. 840 CC. En principe, les rangs des gages sont régis selon les règles qu’on a vues. Par contre, les
hypothèques légales sont toutes traitées à égalité dans le rang. On fait comme si elles avaient toutes été inscrites en
même temps. Le but est d’éviter une course-poursuite entre les différents entrepreneurs dans le but d’être le 1er en 1er
rang.
!
Le rang dont parle l’art. 840 CC n’est pas vraiment le droit réel. Sur un terrain, il y a un gage conventionnel de 1er rang
de 50, puis une hypothèque légale en 2ème rang de 20, puis une hypothèque légale en 3ème rang de 20. L’immeuble est
vendu pour 60. Sur les 60, 50 vont au créancier gagiste de 1er rang. Il ne reste que 10. Sans l’art. 840 CC, ce serait le
créancier de 2ème rang qui aurait 10 et le créancier de 3ème rang n’aurait rien. L’art. 840 CC vise l’égalité dans la
répartition des deniers : les 10 iront au créancier de 2ème rang pour 5 et au créancier de 3ème rang pour 5. L’égalité ne
vaut que pour la répartition des deniers.
!
!
§2
Le privilège des entrepreneurs ou artisans
C’est une institution qui vise la situation où il y a d’abord un créancier gagiste conventionnel (1er rang), puis viennent
ensuite des entrepreneurs au bénéfice d’une hypothèque légale. Le gage de 1er rang se retrouve entièrement payé grâce
au travail des entrepreneurs. L’immeuble a une plus-value grâce au travail des entrepreneurs de 2ème et 3ème rang et c’est
grâce à cette plus-value que le créancier gagiste de 1er rang (non entrepreneur) est couvert.
!
Le privilège répare l’injustice qui consiste à laisser les entrepreneurs en découvert alors que la plus-value due à leur
travail permet de satisfaire le créancier de 1er rang mais pas les autres créanciers (entrepreneurs). C’est l’art. 841 CC.
!
Le fondement de ce privilège est un acte illicite (au sens large) du créancier gagiste de rang antérieur qui a un droit de
gage. Cet acte illicite est dû au fait qu’il profite de la plus-value alors qu’il sait que les artisans postérieurs risquent de
ne pas être couverts. Il doit répondre de cet acte illicite s’il sait qu’en demandant la réalisation, les entrepreneurs
postérieurs ne seront pas couverts. Il devra alors des d-i pour réparer.
!
!
Comme c’est un acte illicite, la prescription de la créance en indemnisation est celle de l’art. 60 CO.
Jurisprudence sur l’acte illicite du créancier gagiste antérieur :
La banque en 1er rang qui sait qu’il y a des travaux en cours doit faire un contrôle des factures sur l’immeuble,
sans quoi elle commet un acte illicite en cas de découvert des entrepreneurs postérieurs.
De plus, elle doit veiller à une répartition égale des crédits hypothécaires entre les différents entrepreneurs : elle
doit répartir l’indemnisation entre les différents créanciers postérieurs.
!
Le débiteur est le créancier gagiste antérieur. Ca peut être plusieurs créanciers gagistes de rangs antérieurs. C’est tous
les créanciers gagistes avant le créancier titulaire de l’hypothèque légale.
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!
!
L’art. 841 al. 2 CC prévoit que tout acquéreur du droit de gage doit veiller à un contrôle des factures.
Comment chiffrer ce privilège ?
-
!
Maximum absolu. C’est le maximum du montant de toutes les indemnisations. La plus-value des travaux doit
profiter aux artisans. Donc le maximum que devra payer le créancier de rang antérieur est la plus-value qui a eu
lieu. On fait la différence entre la valeur du terrain avant les travaux et la valeur du terrain après travaux.
L’indemnisation ne peut pas être supérieure à la plus-value.
205
2014-2015
-
!
!
Maximum relatif. C’est le maximum que chaque entrepreneur peut réclamer pour lui : son découvert. Il faut
déterminer la part à la plus-value de l’immeuble et reporter cette fraction sur le maximum du montant individuel.
Si le travail de l’entrepreneur a permis une plus-value de 10%, il pourra obtenir 10% de son découvert.
Exemple
Il y a un CG1 pour 250'000, un CG2 pour 250'000, une hypothèque légale de A pour 50'000, puis une hypothèque légale
de B pour 50'000.
!
Le sol nu valait 430'000. Le prix à la réalisation est de 480'000. Il y a une plus-value de 50'000. La jurisprudence admet
que quand il y a une hypothèque légale privilégiée (prévue par le droit cantonal), cette hypothèque diminue la valeur de
la plus-value. Disons qu’il y a une hypothèque légale de 20'000, donc on ampute la plus-value de 50'000 de 20'000,
donc la plus-value est de 30'000.
!
Le gage de 1er rang est couvert ici. Le 2ème gage a 20'000 de découvert sur les 250'000. Les 2 entrepreneurs qui arrivent
après sont complétement découverts et ne touchent rien. Peuvent-ils réclamer les 30'000 complétement ? On fait un
partage de la plus-value au pro rata de la créance pour chaque entrepreneur.
!
A est entrepreneur, tout comme B et ils ont une hypothèque légale. C a aussi travaillé mais n’a pas demandé
d’hypothèque légale :
!
-
!
!
!
!
!
A a une créance de 50'000. 5/12 de 30'000 12'500.
B a une créance de 50'000. 5/12 de 30'000 12'500.
C a une créance de 20'000. 2/12 de 30'000 ( 5000).
Ce sera au CG2 de payer ces montants à A et B.
Chap. X
La cédule hypothécaire
§ 1er
Le contenu légal de la cédule hypothécaire
a.
Généralités
La CH a en principe le même contenu que l’hypothèque (art. 842 al. 1 CC), mais elle a 2 caractéristiques que
l’hypothèque n’a pas :
!
1)
!
2)
!
!
!
Art. 846 al. 1 CC. C’est une créance en chiffre pure et simple. C’est simplement une créance chiffrée, et il ne peut
pas y avoir de conditions résolutoire ou suspensive.
La CH se caractérise par la publicité de sa titularité. Dans le CC d’origine, la CH était, et l’est toujours, un papiervaleur, qui pouvait être au porteur ou à ordre. Si c’est au porteur, le transfert de la CH se fait par transfert de la
possession, et si c’est à ordre, il faut un endossement pour le transfert.
En 2009, les banques en avaient marre de conserver ces titres de gage en leur faveur. On veut dématérialiser ces
papiers-valeurs. Donc depuis 2012, on a alors introduit des CH qui ne sont plus incorporées dans un papiervaleur : les CH de registre. La titularité de la CH résulte de la foi publique du RF. L’inscription du titulaire de la
CH est une inscription constitutive au RF, et l’exactitude du RF fait foi. C’est une écriture qui jouit de la foi
publique.
Ce qui est extraordinaire est que le RF donne aussi une présomption d’exactitude pour la créance garantie par
gage. Il y a une garantie de la créance et de la CH qui résultent du RF.
Aujourd’hui, il y a donc 2 types de CH :
1) CH papier-valeur.
2) CH de registre.
206
2014-2015
!
La CH papier-valeur a pour caractéristique d’avoir le gage incorporé dans le papier-valeur, mais la créance elle-même
est incorporée dans le papier-valeur. Le papier-valeur peut être ordre ou au porteur.
!
!
b.
Créance abstraite, créance causale
C’est l’art. 842 al. 2 CC. La loi présume qu’il y a en même temps une créance de base (créance causale) qui est le crédit
ouvert en faveur de la banque, et en plus il y a une autre dette (dette abstraite/cédulaire) qui est la dette soit incorporée
dans le papier-valeur, soit inscrite au RF.
!
!
!
Il y a 2 obligations à charge du débiteur :
1) L’obligation de base.
2) L’obligation abstraite incorporée dans le papier-valeur ou inscrite au RF.
Cette présomption est réfragable.
Avant 2012, la règle était différente : l’émission de la CH entraînait une novation. Ca veut dire que quand on garantit le
crédit envers la banque, la créance abstraite est présumée novée/remplacée par la dette de remboursement qui résulte du
contrat de prêt.
!
La banque est présumée avoir contre son débiteur une créance en remboursement du crédit ouvert et cette créance est
garantie par la remise fiduciaire à la même banque (la banque devient titulaire) de la créance abstraite de la CH qui est
elle garantie par le droit de gage. Le gage suit comme accessoire la créance cédulaire/abstraite.
!
!
!
c.
Rapports entre créance abstraite et créance causale
En cas de non paiement à l’échéance, la banque a plusieurs possibilités :
1)
!
!
2)
Agir en paiement du remboursement du crédit. C’est l’action du prêteur envers l’emprunteur ordinaire. Il n’y a pas
de gage en jeu.
Demander de réaliser ses sûretés. La banque a 2 sûretés :
-
!
-
!
Elle a en garantie une créance abstraite. Pour le crédit, la banque a reçu une CH sur l’immeuble du débiteur. Si
le crédit n’est pas remboursé, la banque peut agir en paiement de la créance principale (solution 1), mais elle
peut aussi demander de réaliser la fiducie, c’est-à-dire mettre en vente la CH. Elle réalise la garantie fiduciaire
qu’est la CH en la mettant en vente.
Exercer le droit de gage immobilier. Comme la banque est titulaire de la créance abstraite, elle est aussi
titulaire du gage immobilier. Donc elle peut exercer une réalisation de gage immobilier, aux mêmes conditions
que la mise en vente de la CH.
On a vu le bénéfice de l’exécution réelle quant au gage. Peut-on appliquer le bénéfice de l’exécution réelle en matière
de CH ? La jurisprudence dit qu’on peut appliquer par analogie le bénéfice d’exécution réelle. Le débiteur peut dire,
alors que la banque s’en prend à son patrimoine, qu’elle doit d’abord réaliser la CH avant de s’attaquer à tous ses biens.
Mais c’est dispositif.
!
Pour une dette de 200'000 sur l’immeuble, on remet une CH de 300'000. La dette cédulaire est plus importante que le
crédit à rembourser. Si le créancier n’est pas remboursé, il peut réaliser la CH. Imaginons que l’adjudicataire offre
150'000 pour la CH qui vaut 300'000 lors des enchères. Quid ? L’art. 156 LP prévoit que quand il y a réalisation forcée,
le titre acheté à un prix plus bas que la valeur nominale est rabaissé à la valeur d’achat.
!
❖
L’art. 818 al. 1 ch. 3 dernière phrase CC. La limitation de la dernière phrase est impérative et s’applique à toutes
les CH. Ce plafond sert à éviter ce qui se faisait sous l’ancien système : le CG pouvait cumuler pour la réalisation
207
2014-2015
!
du gage les intérêts que portent la dette abstraite et la dette causale/de base. Les intérêts hypothécaires allaient audelà de ce que pourrait demander le CG. Désormais c’est interdit.
§2
Le régime de la créance abstraite
C’est les art. 844 ss CC, qui valent pour les 2 types de CH :
!
-
!
-
!
-
!
!
§3
L’art. 844 CC prévoit un renvoi aux règles sur l’hypothèque. Quand le propriétaire grevé du gage n’est pas le
débiteur principal, on applique les mêmes règles, c’est-à-dire les art. 832 ss CC.
L’art. 847 CC règle la dénonciation. C’est une règle supplétive. C’est le texte de la CH qui dit quand on peut la
dénoncer en principe. L’al. 2 qui est impératif prévoit que le délai de dénonciation ne peut en principe pas être
inférieur à 3 mois. Si le débiteur n’est pas en retard pour les prestations périodiques, il faut au moins 3 mois.
L’art. 849 CC prévoit la protection du créancier hypothécaire. Quand on devient créancier en vertu d’un papiervaleur, dans le CO, les exceptions que le débiteur avait contre le cédant (ancien titulaire du papier-valeur) ne sont
pas opposables au nouveau créancier. On a repris cette règle du CO pour les CH. Celui qui acquiert la CH de bonne
foi ne peut pas se voir opposer les exceptions que le débiteur avait contre son ancien créancier.
Foi publique en matière de cédule hypothécaire
C’est l’art. 862 CC pour la CH papier-valeur. Cet article vaut aussi pour la CH de registre, car l’art. 857 CC prévoit
l’inscription avec foi publique au RF. Quelle que soit la CH, le RF donne foi publique sur l’existence du gage mais
aussi sur l’existence de la créance garantie par gage. C’est extraordinaire par rapport à ce qu’on a vu dans ce cours. On
peut se fier à l’existence de la créance : tous les principes de l’art. 973 CC vont s’appliquer.
!
La CH ne disparaît pas au moment du paiement (art. 853 CC) : au paiement, la case hypothécaire reste occupée et il faut
la rendre au propriétaire, celui-ci devenant titulaire de la CH.
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