H1-1 L’IMPACT DE LA CRISE DE 1929 : DESEQUILIBRES ECONOMIQUES ET SOCIAUX Introduction : Après l’affaiblissement des nations européennes durant la Première Guerre Mondiale, le nouveau moteur de l’économie mondiale, les États-Unis, concentre les échanges commerciaux et la production industrielle. Même si les années 20 voient l’émergence d’une société de consommation de masse, le modèle étatsunien est fragile et les signes de ralentissement se multiplient. Le 24 octobre 1929, les cours de la bourse de New York s’effondrent brutalement. C’est le début d’une crise qui s’étend rapidement au monde entier, avec des conséquences sociales très graves. Problématique : Comment la crise de 1929 bouleverse-t-elle les sociétés aux États-Unis et dans le monde ? I. 1929, une crise qui nait aux États-Unis. A. Le krach boursier de 1929. Les causes du krach : Les années 20 sont marquées par une croissance forte mais qui s’accompagne de déséquilibres importants et d’un système monétaire fragile. Les gains de productivité dans l’industrie ont permis de produire plus vite et moins cher, notamment dans l’automobile (Ford). Face à cet enrichissement, une partie de plus en plus importante de la population investit en bourse, avec l’idée de faire des profits rapides. Mais les premiers signes de ralentissement de l’économie apparaissent aux États-Unis dès 1928. Comme les ventes baissent, les stocks s’accumulent alors que les revenus agricoles ralentissent. Le crédit devient la règle : on emprunte pour acheter des actions, et le cours des actions en bourse continue d’augmenter. Le système se retourne brutalement le 24 octobre 1929 lorsqu’un mouvement de panique pousse les investisseurs à vendre toutes leurs actions, dont les cours s’effondrent. En une journée, l’indice boursier perd 22 % de sa valeur. Une crise qui devient économique : Face à l’accumulation des stocks invendus et à l’effondrement des profits, les entreprises licencient un grand nombre de salariés. En 1933, 25 % de la population active des États-Unis est au chômage, principalement dans les villes industrielles. Avec l’effondrement de la consommation, l’agriculture est elle aussi fortement touchée : les populations consomment moins et les prix des produits agricoles s’effondrent à leur tour. C’est la déflation (diminution profonde des prix qui entraîne une diminution de la consommation et donc de l’activité économique). La réponse protectionniste des États-Unis qui cherche à protéger le marché intérieur (HawleySmoot tariff Act, 1930) fragilise les exportations des États-Unis et accélère la crise. B. La « Grande Dépression ». Le chômage de masse : La naissance du chômage de masse est la conséquence la plus visible de la crise économique de 1929. Alors qu’il touchait environ 3 % de la population active en 1929, le chômage atteint plus de 25 % en 1933 avec environ 12,6 millions de chômeurs. Cette période est surnommée la « Grande Dépression ». A ces chiffres, il faut ajouter le chômage partiel et la baisse de revenus qui touchent des millions d’Américains. Une crise sociale sans précédent : L’absence de protection sociale aggrave les conditions de vie de la population. De nombreux agriculteurs sont expulsés de leurs fermes car ils ne peuvent rembourser leurs crédits alors que dans les villes on assiste au développement de bidonvilles (les « Hoovervilles » du nom du Président Hoover 1929-1933). Face à l’effondrement des prix agricoles, les stocks de nourriture sont détruits (lait) alors que millions d’Américains ne mangent pas à leur faim. Cette paupérisation (appauvrissement continu et durable) profonde de la société est une remise en cause brutale du modèle de développement américain. C’est dans ce contexte que Franklin Delano Roosevelt, le candidat démocrate, accède à la présidence des États-Unis en mars 1933. C. Le New Deal ou la naissance de l’état-providence. Une politique de relance, le New Deal : F.D. Roosevelt est favorable à une intervention plus forte de l’état dans l’économie. Il met en place une politique de relance appelée le New Deal. Il s’agit d’un ensemble de mesures qui donnent à l’état fédéral un rôle économique central : fort soutien à l’agriculture, encadrement des banques. Il favorise la mise en place de syndicats puissants dans l’industrie pour mieux défendre les travailleurs. L’état intervient alors pour surmonter la crise économique. La naissance de l’état-providence : Le New Deal cherche également à venir en aide aux personnes les plus fragiles. Dès 1933, un fonds d’urgence est chargé de venir en aide aux plus pauvres. En 1935, le Social Security Act créé un système d’assurance chômage et de retraites. L’une des mesures phares est la mise en place d’une politique de grands travaux (construction de barrages hydroélectriques, routes, voies ferrées). L’objectif est la baisse du chômage et la protection de la population. C’est l’état-providence, système dans lequel le rôle de l’état est de protéger les populations contre les risques de la vie : maladie, accident, chômage, vieillesse. Des résultats économiques fragiles : Le principal objectif du New Deal, qui est la disparition du chômage de masse n’est pas atteint. En 1939, il y a encore près de 10 millions de chômeurs aux États-Unis qui ne retrouvent le plein emploi qu’avec la Seconde Guerre Mondiale et la production d’armes. Mais le programme de Roosevelt permet de moderniser le pays et de jeter les bases de l’état-providence qui servira de modèle à de nombreux pays. II. Une crise qui devient mondiale. A. Une économie mondiale à l’arrêt. La propagation de la crise : Face aux difficultés financières, les États-Unis rapatrient dès 1929 leurs capitaux investis en Europe, ainsi qu’en Amérique du Sud. Le Royaume Uni fait de même, ce qui aboutit à une crise financière grave qui touche d’abord l’Allemagne et l’Autriche. Les banques font faillite et la défiance gagne tout le continent. Le Royaume Uni, première puissance économique et coloniale, dévalue sa monnaie (diminue sa valeur), créant une crise financière internationale et aboutissant à des dévaluations monétaires en cascade : dollar, franc… Les politiques protectionnistes se généralisent : Chaque pays apporte une réponse nationale et personnelle à une crise mondiale, aboutissant à des mesures protectionnistes. Le Royaume Uni se tourne vers son Empire alors que les États-Unis refusent de maintenir les crédits aux pays producteurs, aboutissant à une contraction spectaculaire du commerce mondial. L’Europe entière se trouve touchée par la crise, même si certains pays comme la France, semblent impactés moins gravement. Avec la généralisation des politiques protectionnistes et la contraction du commerce mondial, la crise se diffuse en Amérique Latine dont l’économie est largement tournée vers l’exportation de produits agricoles en Amérique du Nord et en Europe. L’Asie et l’Afrique, en partie colonisées, sont aussi fortement touchées par la crise financière. B. Les conséquences sociales et politiques de la crise de 1929. Des populations fragilisées : L’ensemble des pays industrialisés est touché par un chômage de masse. Le chômage touche près de 15 % de la population en Allemagne et plus de 20 % dans le Royaume Uni en 1932. Partout, des millions de chômeurs manifestent pour avoir un emploi et de quoi se nourrir. Ce sont les marches de la faim qui touchent les États-Unis, le Royaume Uni et la France et qui protestent contre les difficultés et la misère. Des grèves se multiplient comme en France en 1936. En Amérique Latine, le chômage (difficilement estimable) est aussi très important et entraîne une forte misère. La montée des populismes : Partout dans le monde, la crise aboutit à une remise en cause de l’ordre politique. Si certaines démocraties surmontent les antagonismes, aucune n’échappe à la montée du populisme (mouvement démagogique qui prétend défendre les intérêts du peuple). En Allemagne, la population se tourne vers les partis extrémistes, et en particulier le NSDAP d’Hitler qui apporte des réponses simplistes. En Amérique Latine, des coups d’état se multiplient et aboutissent à des dictatures populistes. Ainsi, au Brésil, Getulio Vargas prend le pouvoir en 1930 suite à un coup d’état. L’Argentine, le Mexique ou encore l’Équateur sont à leur tour touchés par des révolutions et des coups d’état. En France, ces tensions politiques ont pour conséquence l’affirmation des ligues d’extrême droite qui montrent leur puissance et leur rejet de la démocratie le 6 février 1934. Cette situation pousse les communistes et les forces de gauche à s’unir dans une alliance politique, le Front Populaire qui remporte les élections législatives de 1936. C. La lutte contre la crise, des réponses différenciées. En France, les accords Matignon : Face à la victoire du Front Populaire, un grand mouvement de grèves et d’occupation d’usines se met en place en France au printemps 1936. Les syndicats espèrent avoir le soutien du gouvernement face au patronat. Le Président du Conseil du Front Populaire, le socialiste Léon Blum pousse les représentants des syndicats et du patronat à signer les accords Matignon (7-8 juin 1936). Il s’agit d’un ensemble de mesures sociales : • • Augmentation des salaires (15 % pour les plus faibles, 7 %) Réaffirmation des droits syndicaux Dans la foulée, le gouvernement Blum vote la mise en place de deux semaines de congés payés et la réduction du temps de travail à 40 heures hebdomadaires. Il s’agit pour le gouvernement Blum de réduire les effets de la crise et de relancer la consommation du pays. Autarcie et réarmements des régimes totalitaires : Après l’éclatement du système monétaire international, plusieurs états se lancent dans une politique de relance de la demande que ce soit la demande civile (États-Unis, France) ou militaire (Allemagne, Japon, Italie). En Allemagne, Hitler met en place un programme basé sur l’autarcie, la capacité d’un état à assurer ses propres besoins et à isoler son économie. Il met en place une politique de grands travaux (création d’autoroutes). C’est surtout la politique de réarmement et les annexions d’états voisins qui permettent à l’Allemagne de faire baisser le chômage et de relancer son économie. Conclusion : La crise de 1929 est donc une crise boursière qui se transforme en crise économique dans le pays qui est alors la locomotive économique mondiale. Face aux conséquences sociales très graves, le New Deal de Roosevelt cherche alors à mettre en place un interventionnisme étatique plus fort et pose les bases de l’état-providence. Cette crise se diffuse rapidement à l’Europe et à l’Amérique Latine, provoquant une misère sociale sur laquelle le populisme a prospéré. Si la France, avec le Front Populaire, ne bascule pas dans un régime autoritaire, de nombreux pays voient les populations fragilisées par la crise se tourner vers des dictatures comme au Brésil ou en Allemagne.