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2015 livre leucemie myeloide chronique lmc france pp

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www.lmc-france.fr
Conseil éditorial
www.livreblanc.eu
LMC France
LIVRE BLANC
des 1ers Etats Généraux
de la Leucémie Myéloïde Chronique
Avant-propos de Mina Daban
Préface du Professeur François Guilhot
C
omme mes pairs qui ont été invités à enrichir ces pages de leurs avis
professionnels, je suis particulièrement fière d’apporter ma pierre à cet
ouvrage inédit, réalisé par LMC France.
Je remercie sa Présidente de son initiative et du travail accompli. Je remercie
également l’association et les patients qui ont participé à son élaboration. J’espère
que ce livre blanc rencontrera le succès qu’il mérite. Mon souhait le plus vif est que
les propositions formulées ici aboutissent à des réalisations concrètes pour le plus
grand bien des patients et de leurs familles.
Docteur Aude Charbonnier
SOMMAIRE
..........................................................................................................3
Avant-propos
Préface...................................................................................................................5
Introduction..........................................................................................................6
La parole des patients et de leurs proches...........................................................8
Cloé, Liliane, Serge et Séverine...........................................................................32
La parole des experts..........................................................................................42
Les 16 propositions de LMC France....................................................................64
Présentation de LMC France...............................................................................81
Une coccinelle pour Mina ..................................................................................86
Historique de la LMC..........................................................................................88
Glossaire ............................................................................................................90
........................................................................................................93
Remerciements
AVANT-PROPOS
Avant-propos de Mina Daban,
Fondatrice et présidente LMC France
A
près des études de droit à l’Université d’Aix-Marseille, Mina Daban prend
en charge pendant une quinzaine d’années l’organisation régionale de
formation pour adultes de la région PACA. Elle y conçoit et développe des projets de
formation innovants.
Mariée, mère de deux enfants, Mina est diagnostiquée LMC en 2003. Le
premier traitement lui occasionne de graves effets secondaires, à tel point qu’elle
reste clouée au lit six années durant. Cependant, grâce aux progrès de la recherche,
Mina bénéficie de nouveaux traitements qui lui permettent de retrouver une vie
quasi normale. En 2010, elle fonde l’association de patients « LMC France » qu’elle
préside.
L’objectif premier de LMC France est de combler le vide dans lequel sont plongés
les patients, un vide qu’a connu Mina pendant les premières années de sa maladie.
Désormais, elle consacre son temps à informer les patients touchés par la LMC pour
les aider à améliorer leur qualité de vie et celle de leurs proches.
L’association LMC France (« Leucémie Myéloïde Chronique France ») a organisé
en 2013 les premiers États Généraux des malades atteints de la LMC. Des tables
rondes à travers la France ont permis, pour la première fois, de recueillir les
témoignages et les doléances des patients et de leurs proches. Des interviews
d’experts, de patients et de proches ont été réalisées et une contribution écrite a
été lancée pour compléter la démarche.
L’expression fut libre, directe, franche, et si, parfois, elle fut vive ou empreinte
d’émotion, elle resta toujours digne.
Les États Généraux de la LMC se veulent un espace de rencontres et d’échanges
afin de susciter des réflexions de fond, des débats d’idées, des échanges
d’expériences, l’élaboration de projets d’actions, la formulation de propositions.
Les États Généraux de la LMC sont portés par les patients, pour les patients,
mais fédèrent toutes les parties prenantes.
Les États Généraux ont pour but de dresser un état des lieux pluridisciplinaire
sur la réalité de l’existence que mènent les personnes atteintes de LMC et leurs
3
proches, de donner la priorité à la qualité de la prise en charge des patients, de
sensibiliser l’opinion publique sur cette pathologie rare, d’accorder une plus grande
visibilité aux patients touchés par cette maladie et enfin de proposer aux pouvoirs
publics et aux institutions soignantes des actions concrètes à mettre en œuvre
rapidement.
À l’occasion de la 3e Journée Mondiale de sensibilisation à la LMC - lancée par
LMC France en 2011 - paraît ce premier livre blanc. Puisse ce « recueil de parole »
rapprocher les soignés des soignants en accordant aux uns et aux autres la liberté
de s’exprimer et d’être entendu.
Ces dix dernières années, les traitements et techniques de soins de la LMC ont
été révolutionnés grâce aux formidables avancées de la recherche. Si, dans notre
pays, le niveau thérapeutique est de qualité, les soignants compétents et motivés,
les patients atteints de LMC aspirent tous à ce que l’accroissement de la technicité
s’accompagne de plus d’humanisme dans la prise en charge.
En effet, le malade ne veut plus seulement être une personne soignée
physiquement, il souhaite aussi être pris en compte dans sa dimension
psychologique, économique et sociale. Il veut être considéré dans sa globalité par
toutes les personnes qui l’entourent.
La prise de conscience par les patients souffrant de LMC de l’importance de
la recherche médicale pour leur avenir est telle qu’ils souhaitent pouvoir intégrer
davantage encore le système de soins pour l’améliorer. Ils désirent être bien
informés sur les choix thérapeutiques les concernant afin de mieux comprendre
les démarches de la recherche médicale et mieux y prendre part.
Par la publication de ce livre blanc, LMC France se veut une force de proposition
afin d’améliorer le vécu du patient et soutenir toutes les démarches visant à
atteindre cet objectif.
Nombreux sont les soignants à avoir clairement montré leur approbation
de notre action qui se positionne au service du malade et se trouve en parfaite
convergence avec leur propre engagement professionnel. LMC France tient à
faire part de sa plus vive gratitude à l’ensemble des experts qui ont accepté avec
enthousiasme de participer à cet ouvrage.
Nous remercions vivement le professeur François Guilhot, Président du Fi-LMC,
d’avoir accepté de préfacer cet ouvrage.
Nos remerciements chaleureux vont aussi au Docteur Aude Charbonnier,
Présidente du Conseil scientifique de LMC France, pour son soutien sans faille à
nos côtés.
Un merci tout spécial à Stéphane Daban, Vice-président de LMC France, pour
sa formidable implication au sein de l’association et qui porte haut la parole des
proches de patients.
Un immense merci aux participants, femmes et hommes, patients et proches
de patients, qui nous ont dit leur joie de pouvoir prendre part à un tel projet et qui
ont permis, par leur présence et leur témoignage, que cet ouvrage voie le jour.
4
PREFACE
Préface du Professeur Guilhot
Président de France Intergroupe de la Leucémie Myéloïde Chronique (Fi-LMC)
L
a leucémie myéloïde chronique, hémopathie maligne qui appartient au
groupe des syndromes myéloprolifératifs, véritable cancer de la moelle
osseuse, était il y a encore dix ou quinze ans, de mauvais pronostic. Seuls les
patients pouvant bénéficier d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques
pouvaient espérer une longue survie. Néanmoins, les travaux français avaient mis
en évidence l’intérêt de l’interféron permettant chez certains patients d’obtenir des
réponses génétiques complètes durables (disparition des cellules à chromosome
de Philadelphie au niveau de la moelle osseuse).
Mais les progrès sont venus récemment de l’utilisation d’inhibiteurs de
tyrosine kinase, thérapeutiques ciblées remarquablement efficaces, prises par la
bouche avec, par conséquent, un confort de vie particulièrement amélioré pour
nos patients. Ces traitements, dont le chef de file a été l’imatinib, sont maintenant
nombreux puisqu’on dispose de quatre autres molécules elles aussi à prendre par
la bouche. La maladie est donc devenue une affection chronique qu’il faut gérer
sur le long terme. Des effets secondaires liés à ces inhibiteurs de tyrosine kinase
sont possibles.
L’accompagnement du patient sur le long terme est devenu essentiel. Il faut à
cet égard saluer l’importance et le rôle des associations de malades. Les médecins
très spécialisés qui prennent en charge ces maladies doivent le faire dans des
centres dotés de toutes les technologies modernes de surveillance de l’hémopathie
maligne à savoir la biologie moléculaire. Ces praticiens, hématologistes, doivent
appartenir à des groupes coopérateurs pour se tenir informés des développements
de la recherche sur cette maladie. Le temps de l’explication de la maladie au
moment du diagnostic est important et la relation médecin-malade fondamentale.
La confiance doit s’installer réciproquement.
Le malade doit comprendre la nécessité de prendre longtemps son
traitement régulièrement et il doit être informé par l’hématologiste des résultats
des thérapeutiques : la réponse cytogénétique comme le niveau de réponse
moléculaire. Ce climat de confiance et d’interaction entre malade et médecin est
actuellement un élément majeur de la qualité de la prise en charge et donc du
succès thérapeutique. L’éducation et l’information des patients sont renforcées par
l’action des associations auprès desquelles ils trouvent aussi le réconfort et la force
pour combattre la maladie.
En ma qualité de Président du Groupe français de la leucémie myéloïde
chronique, je salue les efforts des associations et leur souhaite de continuer leur
travail d’information et d’accompagnement des patients atteints de cette maladie.
5
INTRODUCTION
L
a leucémie myéloïde chronique (LMC) est une forme de cancer du sang
rare peu connue. Elle se caractérise entre autres par l’augmentation
considérable du nombre de globules blancs présents dans le sang ou la moelle
osseuse qui fabrique les cellules sanguines. Maladie de longue durée, à évolution
lente, cette leucémie est due à une anomalie génétique acquise. Elle n’est donc
ni héréditaire, ni contagieuse, ni transmissible. Sa découverte chez le patient
est souvent fortuite, par exemple à l’occasion d’un banal examen sanguin. La
progression de la maladie peut mettre la vie en danger. Sans traitement, elle évolue
inéluctablement en leucémie aiguë difficile à soigner.
Longtemps restée une maladie de mauvais pronostic, la LMC se traite désormais
grâce aux thérapies ciblées.
De nombreux progrès ont été accomplis, mais le chemin reste long avant de
parvenir, un jour, à l’éradication de la maladie. Le patient doit donc désormais
apprendre à vivre avec cette pathologie chronique et son traitement à long terme.
Avec environ 700 nouvelles personnes diagnostiquées chaque année en France
- chiffre restant stable dans le temps - la LMC est méconnue. Elle n’en constitue
pas moins un problème de santé publique qui mérite toutes les attentions. La LMC
concentre en effet de nombreuses problématiques humaines et sociales. Quelle
place donner aux personnes malades dans la société ? Comment soulager leurs
souffrances ? Comment venir en aide aux accompagnants familiaux ? Comment
assurer une solidarité économique envers les patients et leurs familles ?
Pour la première fois, LMC France interpelle les pouvoirs publics en portant à
leur connaissance les attentes et les demandes des personnes malades et de leurs
proches. L’association agit sans relâche pour que leur situation éprouvante soit
prise en considération dans l’action des pouvoirs publics.
De nombreux experts de la LMC apportent leur soutien et leur éclairage
scientifique dans le domaine.
Lancée par LMC France en 2011, la Journée mondiale LMC du 22 septembre
sera l’occasion cette année de remettre un exemplaire de ce livre blanc à Madame
la Ministre des Affaires sociales et de la Santé. Cette date du 22 septembre est
symbolique pour les patients car elle représente les chromosomes 22 et 9
impliqués dans la maladie. Ce document, porte-parole des patients et de leurs
proches, propose un ensemble de mesures visant à renforcer la prise en charge
de la maladie, à améliorer la vie des patients et à encourager la mise en œuvre de
nouvelles actions thérapeutiques.
6
Lors des tables rondes qui ont précédé la Journée mondiale LMC, les patients et
leurs proches ont eu la possibilité de s’exprimer à propos de leurs expériences et
de leurs interrogations. De ces débats sont nées les propositions suivant quatre
axes essentiels :
•
la quête d’une reconnaissance publique de la LMC ;
•
la recherche d’une amélioration des rapports entre patients et médecins ;
• la nécessité de renforcer l’intégration sociale et économique des patients et
des accompagnants ;
• l’amélioration de la connaissance de la LMC chez les médecins non spécialistes
et les acteurs de la santé.
Ces États Généraux ont facilité les rencontres, apporté des échanges fructueux
et renforcé la réalité du quotidien vécu par les patients touchés par la LMC et leurs
proches.
Notre souhait est que les prochains États Généraux voient ce quotidien amélioré
par des avancées concrètes sur le terrain.
7
LA PAROLE
DES PATIENTS
ET DE LEURS
PROCHES
P
our la première fois, LMC France a souhaité donner
la possibilité aux patients et à leurs proches de
s’exprimer dans un document officiel qui sera remis aux
acteurs de santé et aux institutions nationales. Ils sont
nombreux à avoir profité de la liberté d’expression qui leur
était offerte pour partager leur témoignage sur leur vie
quotidienne face à la maladie. Ils ont tenu également à faire
entendre leur parole dans le combat souvent ignoré qu’ils
mènent au quotidien.
DIAGNOSTIC ET ANNONCE DE LA LMC
R
ien n’est plus bouleversant que d’apprendre la nature de sa maladie.
L’annonce revêt souvent l’aspect d’une condamnation ; on est foudroyé,
anéanti, la vie s’arrête. L’incompréhension s’installe, des patients parlent
d’injustice : « Pourquoi moi ? » La connotation du mot « leucémie » aggrave le
caractère morbide du diagnostic, alors que la LMC a vu son pronostic s’améliorer
grâce aux progrès de la recherche.
Certains patients se plaignent de la brutalité avec laquelle la maladie leur est
annoncée : froideur du médecin, détachement… D’autres avouent leur révolte
du fait que la vérité leur a été cachée pendant de trop longues semaines. Des
médecins appréhendent d’annoncer le diagnostic à leur patient et se montrent
parfois maladroits. D’autres médecins se montrent plus psychologues et savent
réconforter leurs patients désemparés.
À leur tour, les patients, qui annoncent la vérité à leur conjoint, leur compagnon,
leurs enfants ou leurs parents, éprouvent un autre tourment qui plonge la famille
dans le désarroi.
Au départ, la réaction du patient est le déni, on refuse la cruelle réalité. Mais,
les mois passant, le refus se transforme en une lente acceptation. Plus tard, on
commence à voir qu’il est possible de vivre longtemps, et de refaire des projets
même à long terme.
LA VIE QUI S’EFFONDRE
« Mon médecin traitant m’a envoyé consulter un hématologue. Nouvelle prise
de sang, ponction de la moelle ; trois semaines plus tard, les résultats arrivent,
j’apprends la veille de notre anniversaire de mariage que je suis atteint de la LMC. »
« À l’annonce de la LMC, je suis entrée dans la quatrième dimension où plus rien
ne sera comme avant. Mon entourage et moi n’avançons plus au même rythme.
Toutes mes certitudes se sont disloquées. »
« On m’assène le verdict : ‘’vous avez une maladie du sang !’’ Pas d’autres précisions,
je vois ma vie se dérouler devant moi, je pense à mes enfants, mon mari. Bientôt,
je ne serai plus là ! »
« Je ne me suis jamais remis de l’annonce de ma LMC car elle a été très vite
expédiée ; pourtant, elle a eu lieu il y a sept ans. Comme je répondais à
l’hématologue ‘’OK ’’ dans un tunnel brumeux, il a dû prendre ça pour de la force ;
moi, j’étais en mille morceaux ! »
« J’ai été diagnostiqué début 2013 ; j’ai un traitement oral à prendre pour soigner
la LMC. Je ne comprends pas comment on peut soigner une leucémie avec un
9
comprimé ! Du coup, je me demande si je verrai grandir mes enfants. Je suis
désemparé. »
« Bizarrement, c’est très déstabilisant d’entendre dans la même phrase : ’’ vous avez
une leucémie myéloïde chronique’’ et ‘’vous allez rester à la maison’’. Étrangement,
au lieu de me sentir soulagé de ne pas être hospitalisé, j’ai eu l’impression d’être
comme livré à moi-même.»
L’optimisme du médecin décalé par rapport à l’angoisse du patient
« On vous dit : ‘’Vous avez une leucémie.’’ Personnellement, j’ai associé ce mot à
une morbidité très rapprochée. Puis un premier hématologue vous dit :
- ‘’Vous allez vivre longtemps.’’
- ‘’Longtemps, ça veut dire quoi ?’’
- ‘’Eh bien, vous emmènerez vos filles à l’autel.’’
Je change d’hématologue en suivant quelques conseils et là on vous dit : ‘’Vous avez
une espérance de vie qui colle à la population normale’’. Je pense secrètement qu’ils
se foutent de moi. Personnellement je suis en ruine. »
Le sentiment d’être pris au piège
« C’est le diagnostic qui m’a atteint psychologiquement. Cela semble banal puisque
cela se passe entre deux rendez-vous chez le médecin mais cela a été un tournant
de ma vie. Cette étape du prélèvement de moelle a été révélatrice de l’importance
de la maladie. J’avais l’impression d’être pris au piège comme un animal. »
L’ANNONCE PAR LE CONJOINT
Surtout ne pas cacher la vérité
« C’était super dur. C’est moi qui ait annoncé la maladie à mon mari. Je suis
infirmière. Je ne voulais pas de mensonge. Notre fils de quinze ans nous a vus
effondrés, on a dû lui expliquer. À ma fille enceinte aussi. »
« En 2001, le médecin n’a rien dit à ma femme. Je suis sorti comme un zombi de son
cabinet. Que faire? lui dire la vérité? la lui cacher et profiter des derniers instants
au mieux ? J’étais complètement déboussolé. Ce fut très dur pour moi de le lui dire
car je n’étais pas sûr d’avoir les bons mots !»
LA DIFFICULTÉ POUR LES MÉDECINS D’ANNONCER LE DIAGNOSTIC À
LEUR PATIENT
Un médecin qui n’ose pas prononcer le mot fatidique
« Le jour même d’une banale prise de sang, le laboratoire a appelé mon médecin
qui m’a demandé aussitôt de venir le voir. Dans son cabinet, il n’a jamais prononcé
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le mot ‘’leucémie’’, mon propre médecin. Même à l’hôpital où mon médecin m’a
envoyé, le spécialiste n’a jamais prononcé ce mot devant moi. En revenant le voir, il
a commencé à me dire : ‘’Vous avez quelque chose de sérieux.’’ »
Un chirurgien plus bouleversé que sa patiente
« En septembre 2001, prise de sang le jour de la rentrée des classes pour une petite
intervention chirurgicale. Mes fils avaient 10 et 12 ans. Le laboratoire me rappelle :
‘’On a un problème avec un tube, pourriez-vous repasser ?’’ Nouvelle analyse et je
remarque que la laborantine faisait une drôle de tête. Le soir, le labo me demande si
mon chirurgien m’a appelé. Non. À la maison, mon mari, qui a des connaissances, a
mis un nom sur le résultat : LMC. J’ai compris pourquoi j’étais toujours très fatiguée.
C’est moi qui ait rappelé le chirurgien, il était bouleversé plus que moi. »
Un diagnostic annoncé sans tact
« On était en novembre. J’étais de plus en plus essoufflé et le bricolage m’épuisait.
Je suis allé voir mon médecin qui m’a ausculté puis m’a demandé de passer une
échographie de la rate. Ils ont tout de suite diagnostiqué une splénomégalie. On ne
me l’a pas dit mais on m’a donné immédiatement rendez-vous à l’hôpital de Toulon.
Le médecin m’a demandé de rester là et m’a annoncé la leucémie chronique. C’était
trop rapide et ce n’était pas annoncé avec tact. L’annonce du médecin m’a ‘’cassé’’
franchement. »
« On m’a annoncé la maladie de manière très claire en constatant un gonflement
de la rate. Il m’a effrayé, l’annonce était froide, sans précaution. À mon goût,
l’annonce a été mal faite, j’aurais souhaité qu’on m’annonce la LMC avec beaucoup
de psychologie. C’est important, non pas d’être choyé, mais d’être écouté en tant
que personne atteinte. »
La maladie apprise par téléphone
« J’ai consulté un médecin généraliste presque au hasard parce que j’avais des
sueurs nocturnes sévères. On m’a ensuite appelé au bureau en me disant qu’il fallait
venir tout de suite parce que c’était très grave. J’ai demandé ce que cela voulait dire
‘’très grave’’. ‘’Parce que vous avez un cancer’’ m’a-t-il dit au téléphone. »
D’AUTRES MÉDECINS SE MONTRENT PLUS PSYCHOLOGUES ET
SAVENT ÊTRE RÉCONFORTANTS
Des paroles encourageantes
« J’ai développé divers symptômes jour après jour, qui ont commencé par des
sueurs nocturnes, mais je ne m’inquiétais pas trop. Petit à petit, je ressentais de
légères douleurs musculaires puis des coups de fatigue récurrents dans la journée.
Cela durait depuis un mois, alors j’ai consulté un médecin qui ne voyait rien de
spécial. J’avais la rate gonflée. C’est la prise de sang qui a révélé ma maladie. J’ai
tout de suite connu le diagnostic. On m’a hospitalisé directement pour approfondir
les analyses. Le discours du médecin de l’hôpital a été de me rassurer. »
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« L’hématologue a été formidable ! Il m’a demandé mon parcours de vie et il a pris
le temps de m’annoncer la LMC, de me l’expliquer. Il a répondu à mes questions et
même aux questions que je n’osais pas lui poser. Il m’a expliqué que je pouvais faire
appel à différents services si j’en avais besoin (psychologue, assistante sociale). Il
m’a expliqué le chemin que je devrais suivre avec la LMC. Cette annonce, qui a duré
45 minutes, m’enveloppe toujours positivement aujourd’hui ! »
L’ANNONCE AUX PARENTS, À LA FAMILLE
Apprendre à parler à ses enfants
« On a dit clairement aux enfants que Farid était malade, que c’était grave, qu’il
se soignait et qu’ils continueraient à le voir. Il faut être informé sur la manière de
parler aux proches et aux enfants. Les enfants entendent, ils voient. »
« Je ne savais pas comment annoncer ma LMC à mes enfants en bas âge et si je
devais le faire. On se sent perdu et démuni. »
Annoncer à ses parents sa maladie
« Mon fils a été diagnostiqué après avoir perdu la vue d’un œil après un match de
basket. Son généraliste lui a fait faire des examens approfondis. Il a passé Noël avec
sa compagne alors qu’ils connaissaient tous les deux le diagnostic. Ils ont laissé
passer les fêtes de fin d’année pour m’annoncer la nouvelle début janvier avec
beaucoup de précautions. »
« Mes frères et sœurs ont très mal pris l’annonce de ma LMC. Ils se sont éloignés de
moi. Dommage que l’hématologue n’ait pas le temps de rencontrer les familles ! »
TRAITEMENT ET SUIVI MEDICAL
S
i les patients sont satisfaits de la rapidité avec laquelle ils sont pris en
charge, certains souhaitent une meilleure explication du traitement
qui leur est prescrit. En fait, aucun patient ne suit la même thérapie. L’âge, les
antécédents médicaux, l’état de santé, les résultats des analyses, le dosage des
médicaments influencent la décision de l’hématologue. Son expérience joue aussi
un rôle indéniable. Un oncologue spécialiste de la LMC qui suit ses patients depuis
des années adoptera une thérapie plus ajustée qu’un médecin non spécialiste de
la maladie.
À la longue, les patients aspirent à une meilleure qualité de vie. Ils s’interrogent
sur le traitement. « J’ai demandé à changer de molécule… » Ils aimeraient que l’on
prenne en considération, au moment de prescrire tel médicament, leur mode de
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vie, la profession qu’ils exercent, les charges familiales qu’ils assument en dépit de
leur pathologie.
Le traitement, souvent long, est appelé à évoluer en fonction des résultats des
analyses et des progrès thérapeutiques. Au début, il faut à tout prix faire baisser
les marqueurs de la maladie pour sauver le patient. On recourt à des molécules
puissantes qui s’accompagnent d’effets secondaires. La maladie se chronicise, on
change de dosage ou de molécule. À titre d’essai, des patients se voient proposer
un nouveau protocole, tandis que d’autres sont déclarés en phase de rémission.
Dans les coulisses, la recherche se poursuit pour trouver de nouvelles molécules
mieux supportées et plus efficaces.
« À l’époque, on était traité à l’interféron, à l’Hydréa. L’interféron n’étant pas si
efficace, on a essayé de faire une greffe de moelle osseuse, mais on n’avait pas
de donneur compatible. Donc on a décidé de faire une autogreffe. À l’issue de
l’autogreffe, en février 1999, je suis reparti sur un traitement à base d’interféron ;
il n’y avait rien d’autre à l’époque. Ça a duré jusqu’à 2001-2002. Maintenant il y a
d’autres traitements. »
« Depuis le début du traitement, je suis sous Glivec.»
« Je suis passée au Tasigna depuis un an et demi.»
« Face à des mauvais résultats, j’ai été obligé de changer de traitement à plusieurs
reprises. Après trois types de traitements, maintenant je suis sous Bosulif.»
« Je suis sous Iclusig, sous protocole, depuis très peu de temps.»
Des conditions de suivi idéales
« Je respire depuis que je suis suivie dans un grand centre pour ma LMC car les
réponses sont claires, franches et le suivi de la LMC rigoureux. Je sais enfin ce qu’est
une PCR, on me donne mes résultats, on me les explique, je me sens intégrée aux
décisions qui concernent ma santé, je garde mon intégrité! Et ça, ça change tout. »
DES PATIENTS QUI REDOUTENT LES RÉSULTATS DES ANALYSES DE
CONTRÔLE
« Il y a eu une phase de trois semaines avec l’Hydréa. Puis, lorsque les résultats ont
été connus par le médecin qui devait me soigner, je suis passée au Glivec. Après, je
suis passée au Tasigna. Les résultats, par rapport à l’an passé, sont meilleurs. J’ai
rendez-vous à l’hôpital dans dix jours et je vais savoir à quelle sauce je vais être
mangée. »
« Mon mari suit un traitement au Tasigna et il souffre physiquement. Il a aussi eu
une phlébite puis une crise de goutte et il fait de l’hypertension artérielle depuis très
longtemps et on nous a dit qu’il y avait un risque au niveau cardio-vasculaire avec
ce traitement. Une maladie cardiaque s’est installée et il reçoit des chocs électriques
pour stabiliser le cœur. On le savait et il a accepté de suivre le traitement au Tasigna
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qui donnait de meilleurs résultats que le Glivec. Il a 48 ans. L’angoisse, quand on
va voir un médecin, c’est qu’est-ce qu’il va nous dire, qu’est-ce qu’il va trouver ? »
« Dès que je fais une analyse de sang ou une ponction de moelle, je mets ma vie
entre parenthèses jusqu’à l’annonce des résultats. Mon hématologue fait fi de mon
angoisse ; il dit qu’il ne faut pas s’angoisser ! Alors, pourquoi fait-il des analyses ? »
« Je reste suspendu dans le vide en attendant mes résultats. »
REVENDIQUER LA LIBERTÉ DE CHOIX THÉRAPEUTIQUE
« On me refuse le dosage du Glivec. Mon médecin me dit qu’à 400 mg, je suis déjà
sous-dosée car c’est la dose minimale. D’après lui, j’ai de bonnes réponses avec ce
dosage mais il n’accepte pas de le revoir malgré des effets secondaires difficiles. On
me reproche ma fatigue, mes douleurs. »
Des hématologues encore trop « paternalistes »
« Quand ils choisissent un traitement, les hématologues devraient nous expliquer
leur choix. J’ai l’impression qu’ils pensent qu’ils ont un animal devant eux - et
pourtant je suis infirmière - que les patients ne comprendront rien et que ce n’est
pas la peine de leur expliquer. Il y a aussi des médecins humains mais ils ne sont pas
tous comme ça. »
Ne pas tout décider à la place du patient
« Je ne suis pas d’accord avec les protocoles actuels. Les médecins disent : ‘’Quand
vous aurez tels pourcentages avec ce traitement, on arrêtera tout.’’ Or on a le droit
de choisir, c’est notre vie, on devrait nous permettre de choisir le traitement, le droit
d’arrêter ou pas. Il existe un lourd pourcentage de rechute et de risque en passage
aigu quand on arrête. Je pense que chaque patient a une vie personnelle, a une
charge de famille, des enfants à élever. Ce que je reproche aux hématologues que
j’ai rencontrés, c’est qu’ils décident pour moi sans me demander quelle est ma vie ; ils
ne me connaissent pas et ne me demandent rien sur mes charges professionnelles.
Les médecins devraient nous laisser le choix. Bien sûr, après, il faut faire confiance à
son médecin. C’est important aussi de ne pas cacher les risques pour permettre au
patient de choisir son traitement en connaissance de cause. »
« Je prends le même traitement que certains patients mais moi, je suis sous protocole,
je ne sais pas pourquoi ; je croyais que tout le monde était sous protocole ! »
L’ARRÊT DU TRAITEMENT
Retrouver une existence normale
« Lorsque l’hématologue m’a proposé l’arrêt du traitement, j’ai ressenti la
sensation de lâcher la branche à laquelle on s’accroche pour ne pas tomber dans
le vide. Comme quoi, arrêter le traitement, ça se prépare! »
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« Tous les mois, je subissais un prélèvement de moelle, un suivi mensuel très
régulier, et des prélèvements sanguins. Les résultats étant bons, plus de traces
résiduelles de la maladie dans les analyses, on m’a proposé un nouveau protocole
qui est l’arrêt du traitement. J’ai accepté et pris mon dernier comprimé il y aura
bientôt quatre ans. Au bout de quelques mois, les effets secondaires ont disparu
et j’ai repris une vie normale. Je me porte très bien. »
« J’ai accepté d’arrêter, mais je connais une personne qui a refusé, elle se sentait
sécurisée par le traitement. Ce sont de grandes interrogations, de grandes
angoisses, c’est une question de confiance envers les médecins et le traitement. »
« On m’a hospitalisé. Je vivais en Corse où j’étais en train de construire ma maison.
J’étais traité à l’interféron et à l’Hydréa. C’était très lourd comme traitement. Le
médecin m’a proposé un nouveau protocole avec un médicament qui n’avait pas de
nom à l’époque, c’était le Glivec. Le traitement a été très efficace durant plusieurs
années, en rémission assez rapidement. Je ne prends plus aucun traitement pour
la LMC depuis trois ans et demi. »
Avoir confiance en son hématologue
« J’ai arrêté deux fois le traitement car j’ai atteint deux fois la rémission moléculaire
complète assez vite, mais j’ai rechuté les deux fois. Le médecin m’avait expliqué :
on est suivi tous les mois et s’il y a de nouveau un peu le marqueur de la LMC,
même très faible, on attend encore un mois pour être sûr que ce n’est pas un
faux positif, et le mois suivant, si c’est encore positif, on reprend le traitement.
Les deux fois, trois mois après la reprise du traitement, j’étais de nouveau en
rémission moléculaire complète. C’est donc important de savoir que lorsque le
médecin propose quelque chose, il le fait en connaissance de cause et ça marche
bien. »
« Depuis que j’ai changé d’hématologue, je me sens en confiance, je sais pourquoi
je prends mon traitement et ça change tout ! »
«Mes analyses sont encore positives mais le taux de globules blancs est en baisse.
Mon hématologue escompte quelques années de traitement avant l’arrêt total et
un simple contrôle sanguin, sans ponction de la moelle, ce qui représente un futur
soulagement. »
EFFETS SECONDAIRES DES TRAITEMENTS
C
rampes, fatigue, essoufflement, diarrhées, gonflement du visage,
douleurs disséminées dans le corps, nausées, épuisement chronique,
troubles cardiaques… pour la plupart des patients, le traitement est éprouvant.
Si quelques-uns le supportent, nombreux sont les autres à se plaindre de maux
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supplémentaires, dus à la thérapie qu’ils suivent. Ils accentuent la détresse du
malade qui a le sentiment de n’être ni écouté ni soulagé par le corps médical.
Beaucoup tentent d’en parler à leur médecin, mais les rebuffades injustes qu’il
leur arrive d’essuyer leur donnent le sentiment de se heurter à un tabou. On se
sent ridiculisé : « La fatigue, ce n’est pas le traitement, ce doit être la dépression »
s’entend dire une patiente par son hématologue. Comment échapper à ce cercle
infernal, trouver une écoute, un palliatif qui apporterait un peu plus de confort? On
a envie de tout arrêter tant le quotidien peut devenir intolérable.
La problématique est complexe : l’hématologue qui cherche à sauver son
patient adopte un protocole thérapeutique éprouvé, préconisé en fonction des
résultats d’analyse. Son patient, lui, subit dans sa chair les « ravages » des effets
secondaires. Son généraliste ne sait pas toujours quoi lui recommander et craint les
risques d’interaction des antidouleurs avec le traitement. Lorsque le patient arrive
chez l’hématologue pour son rendez-vous de contrôle, les résultats s’avérant plus
ou moins bons, l’espoir renaît et il oublie de dire qu’il est malgré tout épuisé, qu’il
souffre, qu’il n’en peut plus.
Des effets indésirables foudroyants
« Je suis passée au Glivec. Je n’ai pas pu sortir de la maison durant les trois premiers
mois. Je souffrais de diarrhées épouvantables et au bout de trois mois, mon médecin
a baissé les doses, ce qui était plus supportable les trois mois suivants. »
« Je ne suis traité qu’au Glivec 400, mais avec des effets secondaires en permanence :
hémorragie oculaire, urgence chez l’ophtalmo qui me dit : ‘’C’est dû au traitement,
ce n’est pas grave.‘’ J’ai perdu mes cheveux, mes sourcils, du poids, puis des envies
de vomir à la prise du cachet. Deux heures après la prise, je ne tenais plus debout. »
« L’interféron, j’étais anéanti, je souffrais de crampes, de diarrhées et d’autres effets
secondaires. C’était très lourd comme traitement. »
« J’ai 35 ans mais, avec mes douleurs, j’ai l’impression d’en avoir 80 ; je marche
comme un vieux. J’essaie de donner le change tant que je peux avant de m’effondrer
sur une chaise ou le premier fauteuil que je rencontre ! »
« Depuis que je prends mon traitement, j’ai l’impression de pousser un 33 tonnes
tous les jours ! »
« Je suis continuellement fatigué ; une fatigue que le sommeil ne répare pas ! »
« Avec cette fatigue, j’ai l’impression d’avoir 50 kilos de plus à chaque jambe. »
« Mes crampes sont atroces, elles me terrassent, me réveillent la nuit et laissent
mes jambes douloureuses dans la journée. »
« Je suis sportif, je fais des marathons depuis des années ; ce ne sont pas des crampes
de sport, c’est plus une sensation d’écrasement, d’enserrement des jambes, c’est
vraiment terrible! J’ai perdu la moitié de mes performances en quelques mois de
traitement.»
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Les interrogations des patients au sujet des conséquences des effets
secondaires
« L’hématologue affirme ‘’vous ne mourrez pas de LMC’’ mais peut-être qu’on
mourra des effets secondaires du traitement. Ma femme prend du Tasigna depuis
quelques mois seulement, mais que va-t-il se passer dans quelques années ? Il faut
une surveillance, non seulement du côté hématologique, mais aussi sur d’autres
parties du corps comme l’aspect cardio-vasculaire. »
« Mon hémato est démuni face à ma fatigue mais moi, je ne tiendrai pas comme
cela pendant toute une vie ! »
« On ne peut pas avoir une vie sociale avec des diarrhées et des nausées quotidiennes,
c’est comme une ‘’gastro’’, mais qui dure ! »
DES DOSAGES INADAPTÉS DUS AU MANQUE DE RECUL VIS-À-VIS
DU TRAITEMENT
« L’hématologue prescrit un traitement au Glivec dosé à 400 mg. Il rajoute que je
n’ai droit à rien pour pallier les effets secondaires. Pendant six ans, je n’ai eu droit
à aucun antidouleur. Conséquences, je suis restée alitée pendant six ans avec des
tétanies musculaires terribles qui me bloquaient physiquement. On ne connaissait
rien d’autre à l’époque et les médecins craignaient que l’ajout d’autres médicaments
ait des contre-effets sur le traitement. Quand on a pu baisser les doses, jusqu’à
100 mg, ça allait mieux, j’étais dosée normalement ; en fait j’étais en rémission
complète depuis le début, donc l’enjeu, ce sont les effets secondaires : c’était très
dur, je n’arrivais pas à marcher, j’étais dans une chaise roulante. »
« Il a fallu augmenter mon traitement pour que mes analyses soient enfin bonnes ! »
DOULEUR ET EFFETS INDÉSIRABLES
La détresse des patients face aux effets indésirables de la thérapie
« C’est très violent l’interféron. J’étais en aplasie au bout d’un mois. Je n’avais plus
de cheveux, les gestes simples de la vie, lever les bras, étaient impossibles. Et encore,
je n’ai pas eu de douleurs terribles, car j’ai eu la chance d’avoir une infirmière qui
connaissait les effets de l’interféron. Elle m’a dit tout de suite de prendre les doses
maximales de Doliprane, sans attendre quel effet fait l’interféron. Ce n’est pas le
médecin oncologue qui me suivait qui m’a prévenue au sujet de la douleur. »
« On est une larve. On se lève, on est fatigué, on se couche, on n’en peut plus. Pour les
gens qui travaillent, quoi faire quand on est une larve ? Dites ça à votre hémato ! J’ai
demandé des vitamines, on m’a répondu que je n’en avais pas besoin. »
« Problèmes intestinaux, problèmes oculaires, yeux rouges, hémorragie oculaire,
yeux qui brûlent, spasmes musculaires, sensations de coups de bâton dans les
jambes, qui empêchent de marcher, qui durent plus d’une heure, comme des
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contractions musculaires intenses. »
DES MÉDECINS N’ONT RIEN À PROPOSER POUR LES EFFETS
SECONDAIRES
« On n’a pas le sentiment d’être compris. J’ai dit à mon médecin que j’étais devenue
allergique à mes produits de beauté. Il m’a répondu : ’’ C’est psychologique. ‘’ Pour
une femme, c’est difficile de voir son apparence changer, sa peau qui commence à
doubler de volume, le visage qui enfle, avec des rougeurs. Mon esthéticienne m’a
proposé un drainage lymphatique mais m’a confié qu’elle ne sentait pas d’eau. Par
contre les muscles étaient durs. »
« J’avais des crampes si graves dans la nuit que j’ai eu un déchirement musculaire.
Le pharmacien m’a donné du magnésium. L’hématologue, en voyant les effets
secondaires, a arrêté le traitement pendant vingt jours. »
«On ne me propose pas grand chose pour lutter contre mes effets secondaires. J’ai
fini par ne plus dire ma souffrance car elle embarrasse le corps médical.»
«Mes résultats sont bons mais les effets secondaires font leur dégâts. Je suis obligé
de m’auto-médiquer car mon hématologue dit que c’est à mon médecin généraliste
de gérer ça et mon médecin généraliste me renvoie sur l’hématologue. Avec la LMC,
je suis entre deux chaises! »
Un besoin de reconnaissance de ce qu’éprouvent les patients
« Si on reconnaissait notre état, ça irait mieux dans nos têtes. On nous demande
d’être le malade parfait. On n’entre pas dans ce que les hématologues ont prévu.
Étant en rémission, pourquoi je suis fatiguée ? J’ai des douleurs osseuses, on m’a
parlé de spondylarthrite ankylosante, de scléroses en plaque, comme si je n’avais
pas assez d’une leucémie ! Ils ne veulent pas qu’il y ait des effets secondaires, et
aussi, dès lors qu’ils nous traitent, quel que soit le traitement, ils veulent qu’on aille
bien, même si on est fatiguée… »
« Je parle ‘’effets secondaires’’, l’hématologue parle ‘’résultats’’ ! Ce serait bien qu’il
ne voie pas en moi une belle courbe dans un schéma. »
« Mon hématologue aime me rappeler qu’auparavant la LMC ne se traitait pas !
J’aimerais qu’il se souvienne que je vis ici et maintenant ! »
Pouvoir soulager les effets indésirables
« Il y a quand même des médicaments homéopathiques qu’il est possible de
prendre, des antidouleurs… En médicaments de confort, jamais on a été dirigé vers
ces médicaments. C’est une infirmière qui m’en a parlé. Pourquoi ne pas aller voir
un homéopathe ? »
Montrer plus d’égards envers les patients isolés
« Pour mon médecin, les effets secondaires pouvaient venir du stress, pas du
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médicament. J’avais l’impression d’être ridicule en parlant de tel et tel problème.
Qu’un médecin aussi compétent puisse se permettre de ne pas avoir d’écoute et de
ne pas donner de suivi professionnel, c’est problématique, surtout quand on fait
200 km pour aller le voir. »
« Les effets secondaires se réduisent. J’avais peur de perdre mes cheveux et, avec
le temps, on oublie et mes proches oublient aussi. Bien que je sois en rémission, j’ai
perdu ma vivacité, donc ce n’est pas vraiment ça. Avant, j’étais très dynamique et
j’étais vive dans ma tête. »
« J’ai honte de parler de mes effets secondaires au médecin qui me suit ! Je sens
bien qu’il serait mal venu de me plaindre ! »
LE DESIR D’AVOIR DES ENFANTS
E
st-il raisonnable de vouloir être enceinte malgré sa maladie ? Quelle
que soit la réponse, ce désir doit être respecté. Il conviendra pour la
jeune femme de parler de son vœu à son hématologue et de connaître ainsi les
précautions à prendre pendant son traitement. L’hématologue prodiguera les
meilleurs conseils à sa patiente dans son désir de grossesse ou déjà enceinte. Dans
la réalité, cela peut se révéler plus complexe.
Les scientifiques manquant d’études à long terme sur le sujet de la grossesse
des patientes LMC, ils craignent pour la survie de la femme ou du fœtus. Il arrive
que le médecin généraliste ou l’hématologue n’aie pas toutes les informations
nécessaires. Aussi est-il recommandé à la jeune femme de se rapprocher d’un
spécialiste de la LMC pour obtenir toutes les données utiles.
Naturellement, la prise en charge de la patiente doit inclure une collaboration
étroite entre l’hématologue et le gynécologue-obstétricien. En tout état de cause,
la jeune femme souffrant de LMC mérite une grande considération en ce qui
concerne son projet de procréation.
Des drames qui auraient pu être évités
« Ça fait deux ans que je suis soignée pour une LMC ; depuis 2011. Mon hématologue
ne m’a toujours pas dit si je pourrai avoir des enfants ! »
« Mon hémato m’a formellement déconseillé d’avoir des enfants alors que j’ai 27
ans et que nous étions prêts avec mon conjoint. Notre relation s’est dégradée ;
aujourd’hui, il est parti. Je reste seule avec ma LMC. »
« La prise de sang, qui a confirmé ma grossesse tant attendue, m’a aussi apporté le
diagnostic de la LMC… Mon hématologue m’a dit qu’il fallait avorter pour soigner
ma LMC ! La mort dans l’âme, c’est ce que j’ai fait. Lors d’une consultation suivante,
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je lui ai posé la question de la contraception, il m’a répondu que ce n’était pas la
peine car mon traitement me rendait stérile ! Trois mois après, j’étais de nouveau
enceinte. Il m’a expliqué à nouveau qu’il fallait avorter !!! Je suis détruite, c’est
terrible à vivre. »
Des parents heureux de donner la vie
« J’ai une LMC depuis 2005. Je me suis interrogé sur les effets du traitement sur ma
fécondité. Depuis quatre ans, je suis un heureux papa. »
« J’ai été magnifiquement accompagnée dans mon désir de grossesse par mon
hématologue, sous surveillance médicale rapprochée ; tout s’est bien passé. J’ai
accouché d’une magnifique petite fille, j’ai repris mon traitement et j’ai conservé
ma réponse moléculaire complète. »
VIE AVEC LE CONJOINT, LES ENFANTS, LES PROCHES
L
a vie du patient bascule, plongeant la famille dans l’accablement. Les
proches ressentent la même blessure bien qu’ils n’éprouvent pas dans
leur chair ce que vit le patient. Chacun souffre de voir ce qu’endure son conjoint ou
son parent, de savoir que sa vie est en jeu. La famille proche se resserre et s’incarne
dans son désespoir, ses angoisses, ses silences qu’elle veut partager pour tenter
d’alléger son fardeau.
À la longue, là aussi, après une période de détresse ou tout est brutalement remis
en question, apparaît une lueur d’espoir. La vie ne sera plus la même, mais tant que
subsiste une chance de survie grâce au traitement, il faut réorganiser le quotidien,
réinvestir dans l’existence avec des projets mêmes timides, « faire avec ». C’est au
conjoint qu’il incombe de mener ce combat vital. Il va tout faire pour soutenir le
moral du patient, le protéger, toute son énergie est concentrée dans cette lutte
protéiforme car il y a les enfants, la famille, le travail, l’argent, la quête d’une
existence normale.
En coulisse, la deuxième victime psychologique est le conjoint. Pour lui ou elle,
c’est aussi une épreuve : « On ne sait pas comment l’aider », « On ne sait quels mots
trouver… » et pourtant, son dévouement pour le malade et ses propres tourments
semblent ignorés du corps médical et social. Il tait sa solitude personnelle, son
impuissance, l’enfer qu’il éprouve : il doit être fort. L’équilibre conjugal est brisé :
« La vie de couple en prend un coup ». Et puis les enfants, les parents dont il faut
s’occuper. Concernant ces derniers, il préfère leur cacher la vérité s’ils sont âgés.
Quant à l’enfant malade, la douleur des parents est indicible. Enfin, il y a le cas des
patients seuls, sans famille pour leur venir en aide.
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Rompre la solitude
«Face à la souffrance quand on est malade, on est très seul, malgré tout l’amour
qu’il y a dans un couple. La vie au quotidien avec le conjoint, c’est infernal. Par
moment je mène une vie d’enfer à mon mari. La fatigue, c’est très difficile à vivre
pour le malade mais aussi pour les proches immédiats. Je lis les témoignages sur
le site internet, c’est très important, je ne suis plus seule. Des malades réagissent
comme moi et vivent la même chose que moi. Quand je reçois sur mon portable
un petit message, c’est important. »
« L’entourage, mes deux filles sont jeunes. À part ma femme, il n’y a personne…
Ce qui compte, ce sont les analyses. À l’annonce de la maladie, il devrait y avoir
un suivi psychologique du patient et de la famille proche. »
« Ma femme est plus affectée que moi, bien qu’elle ne soit pas malade. Elle se
sent doublement exclue, d’une part parce qu’elle ne sait pas comment m’aborder
et d’autre part parce qu’elle sait que moi, je me sens exclu dans la famille. Elle
se sent mise à l’écart parce que la famille ne sait pas comment m’aborder moi et
l’aborder elle. Quand je ne suis pas bien, c’est elle qui le supporte. Ma femme est
infirmière, elle a porté et porte encore un fardeau très lourd, elle me protège tout
le temps et se sent pénalisée. Le patient et son proche, mari ou femme, se sentent
exclus. »
« D’être malade, ça change le caractère de la personne. Mon mari devient
agressif, difficile à vivre. Je n’ai pas pu confier à qui que ce soit qu’il y a des heurts
entre nous. Il y a une révolte, je ne lui en veux pas, mais c’est une difficulté dans
l’accompagnement. Tout devient une montagne, tous les problèmes du quotidien,
de la maison, il s’en fait une montagne. »
Seule en France avec sa mère malade et sa famille à l’étranger
« Ma maman, il n’y a que moi qui suis en France avec elle. Tous mes frères et
sœurs sont à Madagascar avec mon père. On est donc séparé, ce qui est dur
surtout à leur âge. Je suis médecin et je donne les informations nécessaires à
ma famille qui me demande des nouvelles. Elle ne pouvait pas faire de biologie
moléculaire à Madagascar. Pour elle, le Sprycel marche très bien, elle est en cours
de rémission. »
La vie qui continue
C’est moi qui m’occupe de mon mari. Comme j’ai un tempérament optimiste, je
me raccroche à ce qui représente l’espoir. Cela fait longtemps que ça dure et mon
mari est toujours là! Au quotidien, il y a les effets secondaires, les bobos, mais il
est là, donc tout va bien, donc on avance, donc la vie, c’est la même. Certes, on fait
attention, mais il n’y a pas de pathos, on continue. »
« Je suis mariée avec trois enfants. Au début, je m’accrochais à mon mari car je
savais qu’ainsi je ne mourrais pas. Mais quand il a repris son travail après avoir pris
des congés pour rester avec moi, c’était la catastrophe. Ça va mieux maintenant,
je suis seule à la maison et je m’occupe de mes enfants et j’ai intégré la maladie.
21
Seules mes phases de fatigue et mes rendez-vous avec le spécialiste me rappellent
ma maladie. »
« La perception que l’on a de soi-même change. Nous vivons dans une société
encore sujette à l’influence judéo-chrétienne où l’homme est fort et protecteur. C’est
difficile pour lui, lorsqu’il est malade, d’assumer cette identité, quand il est affaibli
et diminué. Cette perception met en difficulté le malade encore plus. Comment
accepter de devoir passer le relais à sa femme, de lui transférer le poids de ses
responsabilités ? Sa femme l’accepte mais c’est difficile pour lui.»
« C’est très difficile pour une mère de famille d’être malade ou hospitalisée car elle
se soucie constamment de sa maison et de sa famille et comme elle ne peut pas
assumer ses devoirs quotidiens, cela est insupportable.»
Pouvoir parler d’autre chose que de sa maladie
« Avec la famille, j’aimerais pouvoir discuter d’autre chose que de la maladie. On en
revient toujours à ça. Les parents ne savent pas comment t’aborder, on dirait qu’ils
ont peur de… Au début je comprends car je n’avais plus de cheveux, de sourcils, c’est
humain… »
Besoin de reconnaissance de l’accompagnant
« Je suis infirmière, on m’a dit ‘’Tu es forte, tu gères tout’’. J’allais au travail, soigner
mes patients, les larmes dans la voiture… De toute façon, je n’avais pas le choix. On
ne m’a jamais demandé : ‘’Et toi, comment tu vas ?’’ On a vu des regards détournés
et des gens qui n’étaient pas des proches qui étaient très présents. Bien qu’on aide,
on n’a pas notre place, ni auprès des médecins, ni auprès des amis. Le quotidien
n’est pas facile, car ce n’est pas notre maladie mais celle du conjoint et, pendant six
mois, j’étais l’infirmière de mon mari. Maintenant, j’ai compris, je suis sa femme,
plus son infirmière. »
« Je suis aide-soignante à l’hôpital. On nous a donné d’abord le diagnostic de
thrombocytémie aigüe puis, après les prélèvements, c’est devenu LMC. On a essayé
de se dire que la maladie, on s’en ferait notre amie, non notre ennemie. Mon mari a
eu tant de soucis avec ses traitements, ses effets secondaires, sa fatigue et tous les
maux provoqués par ses traitements, il devient nécessaire de faire le point avec le
professeur car ça devient très dur dans la vie quotidienne. Il se replie sur lui-même :
‘’ça ne va plus’’, ‘’ j’ai mal là’’, ‘’pourquoi moi ?’’, problèmes cardiaques, problèmes
toujours présents entre nous. Tout le monde a le regard sur Jo : ‘’Comment il va ?’’,
et moi, en tant qu’épouse ?»
Une éducation thérapeutique nécessaire
« On ne sait pas quoi faire pour aider, pour soulager, on se sent impuissant, même
si on est là. J’aimerais faire plus dans cette fatigue qui le dévore. »
« Cela demande énormément d’effort à la famille. Les proches, il faut les protéger.
Souvent, mon fils appelait sa tante et se plaignait d’avoir mal. Ma sœur, elle le
vivait très mal tant elle avait peur d’avoir mal fait, d’avoir mal parlé. En tant que
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mère, c’est terrible de savoir que son enfant est malade. Je ne suis plus pareille. J’ai
ce poids qui est toujours là. »
« Je ne voulais pas m’effondrer. Maintenant, je sais que c’est quelque chose qu’il
va falloir que je fasse moi-même mais on ne nous propose rien. Ceux qui n’ont pas
les moyens de se payer un psychologue, comment font-ils ? Quand vous avez votre
mari au fond du trou, qui n’arrive plus à se bouger, qu’est-ce qu’on fait ? »
« On ne sait pas quoi dire. Il y a des jours, quand je vois mon fils, je ne lui parle pas
du tout de sa maladie, ‘’comment tu te trouves ?’’, ‘’ comment ça va ?’’ Après, je
culpabilise : qu’aurais-je dû faire ? Si je lui en parle, est-ce que j’en ai trop parlé ?
Est-ce que ça lui plombe le moral ? Comment lui parler ? On ne sait pas comment
aborder la personne. »
« Il ne faut pas compter sur la famille, il faut compter sur les amis. La famille est si
proche du malade qu’elle ne peut pas aider… c’est très sensible. »
« Mais comment apprendre les bonnes attitudes, apprendre l’écoute… Ça n’existe
dans aucune maladie, il n’y a rien. »
LES AMIS, LA VIE SOCIALE
L
es amis, c’est comme sur Facebook, vous en avez plein… » Où sont-ils
au moment où vous avez besoin d’eux ?… Un constat amer que dressent
plusieurs patients et leurs proches, tempéré cependant par la surprise de voir des
relations lointaines offrir un soutien inattendu et désintéressé.
«
On s’étonne, on s’offusque presque de perdre des amis que l’on croyait fidèles.
C’est encore une autre facette des conséquences de la maladie. Des peurs infondées
alimentent des rumeurs ou des croyances stupides : « La maladie s’attrape »… Elles
augmentent l’isolement du patient et du couple. Certains décident de cacher leur
maladie, d’autres, mieux entourés, parviennent à conserver un petit réseau d’amis
avec qui ils partagent leur secret et le bonheur d’être ensemble, d’être comme eux.
La vie sociale prend une importance inattendue. Grâce aux amis, grâce aux
autres, même inconnus, le commerçant, le voisin, on peut vivre comme si de rien
n’était, on se risque à avoir des projets, on sort, on vit. Le conjoint qui souhaite
lui aussi avoir une vie normale, a besoin de parler, d’être écouté, de sortir, de
s’intéresser au monde extérieur, de manière que sa vie ne se limite pas à un rôle
unique, celui de l’« infirmier à domicile ».
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Perdre des amis à cause de sa maladie, en retrouver d’autres
On a fini par compter nos amis sur les doigts d’une main. Combien de temps dure
cette maladie, on ne sait pas ! Alors les amis qui venaient régulièrement le weekend, on ne les voit plus, d’autres qui appellent parfois au téléphone : ‘’Tu vas bien ?
Allez accroche-toi, hein !’’ Mais combien de personnes autour d’un couple ? il n’y a
pas grand monde. »
« Les amis, c’est comme sur Facebook, vous en avez plein. Au boulot, c’est pareil, et
le jour où vous en avez besoin, ne restent que ceux qu’on ne croyait pas proches. Le
plus pénible, ce n’est pas la maladie, c’est ce qu’il y a autour. »
Être bien entouré
« J’ai trois amies au top. Elles prennent la bonne distance, elles n’ignorent pas la
maladie : ‘’Comment tu vas ? ‘’, ‘’ tes résultats ? ‘’, ‘’ tes effets secondaires ? ‘’ et
une fois que c’est dit, on passe à autre chose. Elles sont exactement comme avant.
Je ne voudrais pas qu’on en fasse trop, qu’on me mette à l’écart, qu’on reconnaisse
trop ma maladie, mais j’aimerais un peu qu’on reconnaisse que je suis malade, mais
c’est le propre des maladies chroniques. »
« Il n’a plus de projet de vie. Une fois, il s’est écroulé dans les bras de mon fils.
Il s’accroche au judo et il veut passer son quatrième dan. Le judo où ils sont au
courant, c’est un monde très soudé, très solidaire. Quand il dérape, il appelle ses
amis, il leur parle, l’affectif est très important, ça aide, et cela est dit par quelqu’un
d’autre que des proches. »
« L’entourage est primordial… l’entourage médical et social, mais aussi le boulanger
du coin, les petits commerçants, on peut avoir du recul sur quelque chose de très
complexe à partir du moment où on a une proximité, à moins de vouloir rester
malade, isolé et de refuser l’aide, ce qui a été un peu mon cas. »
RELATIONS PATIENTS - MEDECINS
L
a qualité des relations qui se nouent entre le patient et son hématologue
reflète toute la problématique de la maladie. Deux réalités s’opposent
en filigrane, avec la confiance pour toile de fond et la douleur comme thème de
discordance. Ce contraste peut engendrer des malentendus, parfois des frictions.
Le médecin ne sait pas toujours se mettre à la portée de son patient. Une attitude
trop laconique est interprétée comme de la froideur, suscitant le dépit et la
déception, la détresse aussi : « De retour chez moi, j’étais effondrée car je n’ai pas
eu les réponses à mes questions. »
Il existe des médecins plus « humains », comme l’avouent certains patients
24
qui ont une relation sereine avec leur médecin. Le mot clé est la confiance :
« il faut faire confiance, sans elle, le combat est perdu d’avance ». Les patients et
leurs proches aspirent à une plus grande considération de la part du corps médical
pour lequel ils ont, par ailleurs, une grande admiration. Cela est essentiel dans
l’instauration d’un état d’esprit propice à l’évolution positive de la maladie.
Si des médecins manquent de temps pour écouter leurs nombreux patients,
d’autres les invitent à rester en contact avec eux, mais restent souvent injoignables,
ce qui complique les rapports entre le patient et son médecin. D’autres médecins,
un petit nombre, ont pris pour habitude de donner tort à leur patient. Il apparaît
en général que les acteurs de santé ne soient pas suffisamment conscients de
l’importance de la psychologie dans l’accélération de la guérison, mais cela n’est
pas exclusif à la LMC.
Il importerait donc de trouver un équilibre entre la prise en compte de la gravité
de la maladie et sa dédramatisation, entre la nécessité de traiter le corps du patient
et celle de le soutenir moralement, ne serait-ce qu’en réservant à son égard toute
la considération qu’il est en droit d’attendre. La question cruciale est de trouver la
bonne attitude, le bon discours, la bonne écoute sans quoi le patient risque de se
retrancher dans un isolement peu constructif.
DES PATIENTS ENTHOUSIASTES VIS-À-VIS DE L’ACCUEIL DE LEUR
MÉDECIN
« Nous avons été très bien reçus avec un accueil adorable. Les premiers rendezvous se passaient dans une bulle. Tout ce qui se passait autour, on ne voyait rien,
on ne savait pas. Mais maintenant que nous sommes un peu plus intégrés, nous
avons ouvert les yeux et nous étions dans un service hospitalier à côté du service
d’oncologie avec des pathologies où des gens sont meurtris et on a découvert la
vraie souffrance et cela a été très dur. »
« Je suis très satisfait des médecins que j’ai rencontrés et de l’hématologue.
Depuis la première prise de sang, la responsable du laboratoire m’a préparé
psychologiquement à la lecture du compte rendu de la prise de sang, ensuite ils ont
appelé le médecin traitant puis organisé un rendez-vous avec l’hématologue. Tout
s’est enchaîné sans heurt, j’ai tout de suite été accompagné et mis en confiance par
les personnes que j’ai rencontrées. Je vois mon hématologue tous les trois mois, et
quand j’ai des questions, j’envoie un email et on me répond rapidement. »
UN MANQUE D’ATTENTION ET DE COMPRÉHENSION QUI RISQUE DE
BLESSER
« J’ai passé la nuit aux urgences et on m’a annoncé une maladie du sang. Le
lendemain, j’ai rencontré un hématologue qui était froid, pas à l’écoute. Il m’a
auscultée, m’a rassurée quand même et m’a appris que je devais sans doute avoir
une maladie du sang chronique. J’étais sonnée, dans un état second. Il n’a pas été
très humain. Rentrée chez moi, je pensais que j’allais mourir bientôt, je suis restée
prostrée. D’habitude je suis active mais ça m’a complètement anéantie. »
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« Il faudrait un peu obliger les mentalités à évoluer. Je connais beaucoup de
personnes malades qui n’ont pas la possibilité de se déplacer pour aller voir des
médecins et trouver auprès d’eux un meilleur accueil ou un meilleur suivi. »
Avoir un hématologue accessible et à l’écoute
« L’hémato nous dit, quand il donne un médicament : ‘’S’il y a quelque chose, vous
nous appelez !’’ Essayez de l’avoir au téléphone ! Il a fallu que mon mari se déplace
deux ou trois fois, écrive, pour que ce soit transmis à l’hémato qui nous soigne. On
attendait la réponse. Pendant ce temps, il y a le découragement, on n’arrive pas à
avoir la personne tout de suite. Des fois, on n’a personne au bout du fil et si on a une
secrétaire, elle ne transmet pas. »
« Mon mari se décomposait devant son hématologue. Dans le cabinet, au moment
des résultats de l’analyse, mon mari ne comprenait rien de ce que le médecin lui
disait, alors je prenais tout en notes. Car je savais qu’on ne le verrait que dans trois
mois. »
« J’ai vécu des accueils exécrables. S’il n’y a pas un accueil, un sourire, une protection,
une confiance, on peut partir sur une dépression. »
« J’ai rencontré un hématologue qui était froid, pas à l’écoute. À l’occasion d’un
nouveau contrôle, je voulais en profiter pour lui poser une foule de questions mais
il a expédié le rendez-vous et m’a demandé si j’acceptais d’entrer dans un nouveau
protocole, mais je ne comprenais pas grand chose car il ne se mettait pas à ma
portée. De retour chez moi, j’étais effondrée car je n’ai pas eu les réponses à mes
questions. Aucune écoute de ce monsieur. »
« Quand j’ai revu le médecin, je lui ai dit : ‘’ Vous me donnez un antidépresseur ou
je me fous en l’air ! ‘’ Je n’avais aucune aide psychologique. »
« Le médecin ne savait pas quoi faire. Je suis allée voir un hématologue privé qui
m’a remise au Glivec 400. Elle m’a demandé de l’appeler toutes les semaines. Ce que
je faisais mais je n’arrivais pas à l’avoir au téléphone. Je suis descendue à l’hôpital
en voiture, elle n’était pas là. J’ai fini par trouver un troisième hématologue. On a
perdu du temps. Le premier médecin avait dit à mon mari : ‘’ Il n’y a pas d’urgence,
vivez normalement ‘’ . Ce n’était pas bien, c’était trop long. »
« Pensez-vous que notre parole puisse arriver jusqu’aux hématologues? Ils vous
soignent, il n’y a pas de problème, mais leur dire que vous avez mal partout, que
vous êtes fatigué à mourir, ils ne veulent pas l’entendre! Ils vous soignent, point à
la ligne. »
Des comportements de médecins qui ne sont pas rassurants pour le patient
« Mon médecin m’a dit qu’il n’y avait pas urgence, peut-être était-il optimiste. Il
s’est offusqué du fait que j’avais consulté un hématologue différent de celui qu’il
m’a indiqué. Ces médecins se sont ignorés, au détriment du patient. J’ai commencé
mon traitement deux mois après ma première visite. »
« Comment avoir confiance quand l’hématologue ne répond à aucune de nos
26
questions et se contente de nous donner une feuille de résultats ? »
« A mon premier rendez-vous, on m’a annoncé ma LMC, on m’a donné rendez-vous
six mois après et une ordonnance pour un mois seulement ! Quand j’ai téléphoné à
l’hémato pour lui demander si c’était normal, il y a eu un blanc… »
L’OBSERVANCE DU TRAITEMENT
B
ien que les patients aient conscience de l’enjeu qui les concerne, ils
manifestent une grande variété dans l’observance de leur traitement.
Certains font preuve d’une stricte adhésion à ce qui leur est prescrit (« Je suis d’une
rigueur absolue, presque maladive vis-à-vis du traitement »), d’autres avouent
abandonner occasionnellement leur traitement.
Les hématologues savent détecter les cas de non-observance à la lecture des
marqueurs biologiques révélés dans les analyses. Ce qui est demandé aux patients
est d’avaler un ou deux cachets par jour pendant des mois ou des années. Or le
patient idéal n’existe pas.
Des études menées à ce sujet révèlent que l’on veut prendre le traitement,
mais que l’on oublie la prise malgré tout. L’effet de la routine, prendre deux fois
par jour des médicaments tous les jours… L’injonction « vivez normalement » qui
contribue à banaliser la gravité de la maladie… Toutes les études montrent que
si les patients affirment prendre régulièrement leur médicament, les vérifications
électroniques prouvent le contraire. Cela complique l’obtention de la réponse
moléculaire escomptée.
De nombreux facteurs influent sur l’observance : les effets secondaires, la
relation avec son médecin, les rapports avec les proches, le mode de vie, l’attitude
face à la maladie… Une personne qui vit seule, qui voit peu son hématologue, qui
éprouve des difficultés dans sa vie ou au travail, qui n’est pas accompagnée, aura
plus de mal à adhérer au protocole. Même le sexe joue un rôle : la femme rappelle
plus souvent à l’homme de prendre son médicament que ne le fait l’homme à sa
femme. Ainsi les inégalités sont-elles fortes. L’observance, c’est aussi éviter d’être
trop décalé dans les horaires, adopter un mode de vie conciliable avec la thérapie,
choisir des compléments alimentaires compatibles.
SUIVI DU TRAITEMENT
« J’étais ahurie d’apprendre qu’il n’y a que 15% de patients qui suivent le traitement
correctement. Ce n’est pas facile pour les gens qui travaillent, qui doivent suivre
un horaire, qui partent à 7 h du matin et rentrent à 7 h le soir. Mon mari fait un
programme. Je fais des croix avec les heures pour ne pas oublier. L’hématologue
qui reçoit les résultats de la prise de sang d’un patient l’appelle vite parce que les
27
leucocytes ont augmenté. Il veut savoir pourquoi et interroge le patient qui lui
avoue qu’il a oublié depuis trois jours. »
Une maladie de trop
« J’ai arrêté le traitement le week-end simplement parce que j’en avais assez.
Pourquoi le week-end ? C’était un choix personnel. Je ne voulais pas être malade le
week-end. C’était la maladie de trop. »
« Le Tasigna est très contraignant, il ne faut pas manger deux heures avant, une
heure après. Comment le prendre ? A quelle heure ? Si je m’endors, je risque
d’oublier la prise. Je le prends à 5 h 30 tous les matins, pas le soir parce que, après
je suis décalé. »
Des patients qui jouent avec leur vie
« J’ai arrêté mon traitement pendant trois mois car les effets secondaires étaient
trop lourds. Jusqu’à la consultation suivante. Entre les deux consultations, il n’y a
pas de suivi. »
Une ambiguïté difficilement acceptable
« Quand on nous dit : ‘’prenez le médicament et vivez normalement’’ ou ‘’vous êtes
fatigué, tss, tss’’ on occulte, ce n’est pas grave, on en parle et on oublie, mais c’est
grave pour l’observance de ne pas être écouté sur le plan de la fatigue. On nous dit
de vivre normalement ; ‘’normalement’’ pour moi ça veut dire sans médicaments. »
« L’hématologue me dit d’avoir une vie normale : cette injonction est difficile à
supporter car dans la vraie vie, la vie normale ne rythme pas avec leucémie, ni avec
traitements, ni avec effets secondaires… »
« On me demande de vivre normalement, alors que plus rien ne sera comme avant ! »
Des patients qui comprennent l’enjeu de l’observance
« J’ai dit à mon hématologue, après l’annonce du diagnostic, que j’avais peur
de mourir. Il m’a dit ‘’ça tombe très bien, le principal problème que l’on a avec
les patients est qu’ils ne suivent pas bien leur traitement.’’ Cette peur est encore
très présente en moi. Je suis d’une rigueur absolue, presque maladive vis-à-vis du
traitement. La corrélation avec le traitement, c’est : si je ne le suis pas, pas de vie.
Au cours des quatre derniers mois, je peux citer quatre cas d’inobservance qui ne
sont que des décalages de traitement, de quelques minutes! Il faut garder en tête
l’enjeu et mon enjeu, c’est la vie. »
« Avant, je comptais mes médicaments tous les jours pour être sûre de ne pas
oublier mon traitement car leur conditionnement ne permet pas d’être sûr que l’on
a bien pris son traitement. Maintenant, j’ai acheté un pilulier et je mets une alarme
pour être sûre de ne pas oublier. »
« Mes enfants et mon mari sont mobilisés et, chaque jour, il y a toujours quelqu’un
et des alarmes pour me rappeler la prise du médicament. »
28
LE TRAVAIL
T
ravailler en dépit de sa maladie n’est pas chose facile. Pourra-t-on continuer
d’assumer ses responsabilités professionnelles ? Commet expliquer les
absences inévitables, le changement de son aspect physique, son manque d’entrain
si l’on a décidé de taire sa pathologie ? Le mot « leucémie » impressionne et si on
le prononce, on craint de voir se refermer l’accès aux relations normales et aux
facilités administratives.
Les patients parlent de l’ambiguïté des rapports avec leur hiérarchie et avec
leurs collègues, des jugements parfois blessants prononcés à leur égard, de
l’ostracisme dont ils sont victimes : « Au travail, on vous met au placard. Je ne l’ai
pas supporté. »
Il y a en outre les difficultés à obtenir une reconnaissance officielle de la
maladie ou une pension d’invalidité, les incertitudes au sujet de la poursuite de
sa carrière professionnelle. Si l’on est travailleur indépendant, artisan ou directeur
d’entreprise, il faut faire bonne figure devant ses employés, sa clientèle, ses
associés. Les demandes de congé longue maladie sont parfois rejetées. C’est là aussi
l’occasion de se sentir dévalué par la société. Dans les faits, un nombre insuffisant
de mesures est adopté pour aider les patients dans leur vie professionnelle.
LE SENTIMENT D’OSTRACISME
« Au niveau du travail, tu es catalogué, on te met de côté, au placard. Conclusion, je
fais mon travail mais je ne peux plus avoir de relations avec mes collègues. »
« On vous met la tête sous l’eau, personne ne va vous aider. À la médecine du
travail, on m’a dit : ‘’Avec la pathologie que vous avez, arrêtez-vous’’. Bien sûr, mon
médecin traitant m’a aidé. Mais pas de suivi psychologique. Personne ne donne de
solution. »
« Je suis pris dans un étau. Je veux continuer à travailler normalement mais je perds
mon travail si je m’absente pour aller voir mon hématologue ! Le patron veut que je
sois à 100 % de mes capacités ! »
L’incompréhension des collègues de travail
« Encore plus fatigué, les après-midis au travail, je ne pouvais plus avancer. J’ai
averti mon patron et mon DRH, je ne voulais pas trop que ça s’ébruite. Au fur et à
mesure des semaines, j’étais épuisé, j’allais m’asseoir. Ce qui est pénible, ce sont les
‘’ on dit ‘’ , les jugements de valeur de ceux qui sont autour, du genre : ‘’ Oui, tu ne
veux pas travailler, ce sont les vacances qui approchent…‘’ »
29
NON-RECONNAISSANCE DE LA MALADIE AU TRAVAIL
« Quand on est fatigué, ça déprime, c’est vrai, et quand on voit que ce n’est pas
reconnu… Je ne suis plus la même depuis que je suis sous Glivec. J’étais très active
avant. Quand je vais au bureau, parfois j’ai l’impression de faire juste acte de présence.
Je suis censée faire le même travail que les autres. »
« Il y a plus de vingt ans, pendant deux ans, je traitais tous les jours du bois avec le
benzène. Comme c’est vieux, il y a prescription. Ma demande de reconnaissance de
maladie professionnelle est refusée jusqu’ici. On m’a suggéré un statut de handicapé.
Je ne suis pas d’accord, je ne me sens pas handicapé et je trouve cela blessant. Je
trouve que la médecine du travail fait mal son travail. J’ai été plusieurs fois en arrêt
maladie dans mon entreprise, puis j’ai travaillé à mi-temps. Je tiens à avoir une vie
sociale, travailler, sinon on se retrouve chez soi à ne rien faire et on déprime. Mais
comme il n’y a pas de reconnaissance, ils ont du mal aux ressources humaines avec
la paie du personnel pour suivre mes changements d’horaire et de jours de travail. »
« J’étais l’une des premières patientes à être traitée au Glivec, début 2002. Mon
hématologue ne connaissait pas bien les effets secondaires. Depuis le début de mon
traitement, je vis avec une fatigue chronique. Je travaille à plein temps. Une fois, j’ai
demandé un congé longue maladie fractionné. Je me suis entendue dire par mon
hématologue : ‘’ si je suis fatiguée, c’est de ma faute, que je devrais faire du sport,
qu’il fallait que je me bouge, que la fatigue ce n’est pas le Glivec, que ce doit être la
dépression’’, or je n’étais pas dépressive. C’est l’hématologue qui me suit qui m’a dit ça. »
LE TRAVAIL COMME PALLIATIF
« Mon mari travaille, il n’a pris que deux semaines d’arrêt à l’annonce de la maladie
et pour faire les premiers examens qui étaient nombreux. Il ménage ses horaires
mais il travaille en étant épuisé tout le temps avec des douleurs intempestives.
Globalement, l’entourage professionnel est bien, il a ses copains. »
« Ma maladie, je la mets un peu de côté, je m’occupe de mon travail, ça permet
d’avancer. J’ai des effets secondaires, mais je n’arrête pas de vivre pour autant,
je continue d’avoir des amis, de faire ce que j’ai envie de faire, ma vie est très
confortable. »
« Mon travail est très physique, je manipule de lourdes charges. Je souffre
énormément de passer pour un fainéant avec cette fatigue omniprésente. Je ne
peux pas leur dire que je suis malade car ma paye est le seul revenu de la maison. »
« Je n’ai pas un travail physique et je peux m’arranger pour aller à mes rendez-vous
à l’hôpital, alors je continue. »
ASSUMER SES RESPONSABILITÉS D’ENTREPRENEUR
Poursuivre son travail en dépit de sa maladie
« Je suis cogérant d’un organisme de formation. J’ai accepté ma maladie mais
je suis forcé d’attendre car, pour l’instant, il est difficile de reprendre pleinement
30
mes activités avec les responsabilités qu’elles impliquent. J’ai dû laisser mes
responsabilités à mon associé. Il y a un enjeu économique derrière cela : en tant que
gérant non salarié, il faut que l’argent tombe et je dois retrouver l’enthousiasme.
Par pudeur, je ne voudrais pas demander mes droits. Maintenant, je reprends un
peu le dessus mais j’ai peur de deux choses. L’évolution de la situation économique
et la prise en charge des médicaments ; comment cela va se passer demain, ils
coûtent cher. Pour l’instant je travaille à mi-temps. »
« Je me fait beaucoup de soucis pour mon fils. Il travaille à son compte, il est artisan
électricien, dans un petit village. Il ne faudrait pas qu’on apprenne sa maladie, il
tient à ses clients, il est tout seul. »
« Je dirige un service avec 300 collaborateurs à gérer. Intellectuellement, je suis
apte à diriger mais physiquement, je m’interroge. J’ai aussi un déroulement de
carrière à mener, que va-t-il se passer ? Du point de vue hiérarchique, ils ne sont
pas au courant à part mon supérieur immédiat. En fait, si ça n’impacte pas ma
vie personnelle et professionnelle, ils ne verront pas que je suis malade. Puis il y a
le médecin de l’administration et là j’ai eu peur. Car c’est l’administration et si on
cumule cinq ans de congé maladie même interrompus, c’est la porte. J’en ai parlé à
ce médecin après avoir consulté mon responsable syndical. Il m’a demandé : ‘’ Estce que votre médecin vous arrête professionnellement ?‘’ J’ai dit ‘’ non ‘’ . ‘’ Alors
pas de problème, je ne vous arrête pas. ‘’»
EN QUÊTE D’UNE PENSION D’INVALIDITÉ ÉQUITABLE
« Mon fils, pour préserver son emploi, a fait le choix de faire un mi-temps
thérapeutique. Ça lui permet de se reposer le matin quand il est très fatigué ou
quand il est malade. Ce mi-temps est maintenant terminé. On lui a proposé une
pension d’invalidité à 30%. Comme il est très jeune, ils vont chercher ses salaires
d’il y a dix ans, ils démarrent depuis la période avant le début de la maladie et
remontent dix ans en arrière, à l’époque où il faisait des stages. »
LE CRÉDIT IMMOBILIER
« C’est un problème récurrent, les gens ont du mal à trouver un crédit immobilier car
il engage dans une durée assez longue des sommes importantes. Il faudrait avertir
les médecins conseils des compagnies d’assurance que la LMC est une maladie
chronique, et qu’ils se penchent davantage sur ce sujet pour pouvoir assurer plus
facilement les emprunteurs, au même titre que d’autres maladies. »
« Comme j’ai continué à travailler, je n’ai pas fait valoir ma maladie pour mon crédit
immobilier contracté avant ma LMC ; par contre, lorsque j’ai voulu contracter un
autre crédit, j’ai essuyé un refus du fait de ma LMC. Je me sens coincé ! »
« Les médecins me disaient que la LMC me permettrait de vivre normalement.
Pourtant, tous les crédits que j’ai déposés ont été refusés. Je ne peux ni devenir
propriétaire de mon logement, ni créer ma propre entreprise ! Ma vie est tout sauf
normale ! »
31
CLOE,
LILIANE,
SERGE
ET SEVERINE
Q
uatre témoignages, quatre parcours différents,
quatre existences qui nous offrent un long regard
sur la maladie et nous apprennent l’essentiel : la solidarité,
la patience, l’espoir.
Cloé, la vie devant elle, n’a pas vingt ans ; Liliane,
cinquante ans de plus, partage sa vie avec Serge, son
compagnon qui prend soin d’elle chaque jour ; tandis que
Séverine, maman de Louis, dix ans, souhaite que son enfant
puisse grandir comme tous les enfants du monde.
Cloé
Cloé, 18 ans, vit dans le Pas-de-Calais. En mai
2009, à 14 ans, elle apprend sa LMC. Elle est
suivie au CHU de Lille à 25 km de son domicile.
PATIENTE
Être jeune avec une LMC : le besoin d’une vision d’avenir
De nature mince, Cloé a 14 ans en 2009 quand elle consulte son médecin
traitant car elle supporte mal un abdomen trop volumineux et souffre de maux
d’estomac. Une échographie révèle une splénomégalie.
« Au regard du médecin, j’ai compris qu’il y avait quelque chose qui allait mal ».
Le médecin évoque un lymphome !
Cloé ne comprend pas pourquoi sa maman pleure. « Le visage de maman me
disait que c’était grave ; je lui demandais si j’allais mourir, maman ne me répondait pas.»
À cet instant, Cloé regrette de ne pas avoir consulté plus tôt, de ne pas s’être
inquiétée, d’avoir pris des risques en continuant ses activités sportives, la danse…
elle ne pensait pas être malade.
Elle est admise dans l’unité pédiatrique spécialisée du CHU de Lille. Un
myélogramme est réalisé ainsi qu’un test de compatibilité sur sa famille pour une
éventuelle greffe. Sa maman Cathy, a peur. Les données disponibles sur Internet
en 2009 l’angoissent : « Cloé va mourir ! » Par chance, un médicament peut être
prescrit et fonctionne. Cloé échappe à la greffe.
Elle apprécie de bénéficier d’une chimiothérapie orale et sa prise en charge
à l’hôpital : « on faisait attention à moi. » Puis les effets secondaires deviennent
lourds. Cloé est fatiguée, à tel point qu’elle ne peut plus marcher ; elle perd
confiance en son hématologue qui ne prend pas sa fatigue et ses effets indésirables
en considération.
Juillet 2010, la réponse au traitement devient insuffisante et le médecin de Cloé
choisit une nouvelle option thérapeutique et change de traitement. Les relations
entre Cloé et son hématologue se détériorent : « Les consultations deviennent
chaotiques ; l’hématologue ne m’écoute plus, ne me pose plus de questions ; je fais
la tête et me replie sur moi. »
33
Une rémission moléculaire majeure est obtenue. Pourtant, l’hématologue
évoque alternativement l’essai de nouveaux médicaments et la possibilité d’une
greffe. Sa maman confirme : « L’idée de pratiquer une greffe était évoquée
régulièrement par l’hématologue qui, ensuite, n’en parlait plus du tout. On ne
savait plus où on en était. »
Finalement, la greffe de moelle osseuse est évitée. Cloé et sa maman estiment
n’avoir pas été suffisamment accompagnées et écoutées dans ces moments
difficiles. C’est une période très douloureuse : « on rentre chez soi avec sa valise de
chagrin, avec le sentiment de ne pas être comprise. » Même si les bonnes décisions
thérapeutiques ont été prises, elles auraient apprécié d’être plus écoutées et
associées aux choix thérapeutiques.
Prise en charge par le service d’hématologie adulte du CHU de Lille, Cloé affirme :
« Avec ma nouvelle hématologue, il y a un vrai questionnement concernant mon
âge. Elle est vraiment à mon écoute et tient compte de tout ce que je lui dis.»
Cloé et sa maman estiment que des « consultations de famille » menées par
des professionnels formés à cette démarche seraient parfaitement adaptées car
la famille est bouleversée par la maladie qui met le devenir de chacun entre
parenthèses.
Chaque membre de la famille perçoit la maladie à travers son propre prisme, la
communication devient rapidement difficile. La peur de mal faire, de trop en faire
ou trop peu malmène les proches qui s’interrogent : « Sera-t-on encore une famille
unie dans six mois ? »
Les relations amicales sont mises à mal par le caractère invisible des symptômes
de la LMC. Les douleurs, les souffrances omniprésentes de Cloé restent quasi
imperceptibles pour l’entourage amical qui n’intègre pas la gravité de sa pathologie.
Cette incompréhension participe à l’isolement de Cloé à un âge où le « groupe »
est si important.
Aujourd’hui, Cloé ressent de l’espoir car les nouveaux traitements permettent
de mener une vie quasi « normale » mais elle regrette cependant que le contact
avec les médecins ne se limite qu’aux seules consultations avec un sentiment
d’abandon qui en résulte : « j’aurais aimé plus de lien et de nouvelles de l’hôpital, en
particulier lorsque je restais pendant quatre mois dans l’attente de mes résultats. »
Adolescente à l’annonce de son diagnostic, Cloé s’est sentie isolée et en
décalage par rapport aux autres patients touchés par la LMC, souvent bien plus
âgés qu’elle. Les préoccupations ne sont pas les mêmes, le vécu de la maladie
et des traitements ne sont pas identiques. Elle pense qu’il est nécessaire de
leur « dessiner » une prise en charge et un accompagnement adaptés à leur
âge. « Nous avons envie de vivre normalement. Il faut se dépêcher de faire des
progrès ».
34
Liliane
Liliane, 70 ans, vit à Saint-Étienne. Elle a appris sa
maladie en 2002. « Le cadeau de mes 60 ans » ditelle. Elle a un compagnon très attentif qu’elle a
rencontré au moment du diagnostic.
PATIENTE
Prise en charge médicale mieux acceptée grâce au soutien des proches
Liliane ne prend jamais le temps de se soigner elle-même, elle se consacre à
sa famille, à ses enfants et surtout à ses parents. En raison d’une grande fatigue
qu’elle met sur le compte de la prise en charge de ses parents, puis de leur décès,
elle séjourne dans une maison de repos à Cannes.
L’oncologue du centre, conscient de son état, demande une prise de sang puis
un prélèvement de moelle osseuse. Le verdict tombe, c’est une LMC. « Tout s’est
déroulé très rapidement et l’annonce a été très brutale. J’étais assise devant son
bureau, il tournait autour de moi. J’avais une drôle d’impression, ce n’était pas
rassurant. J’ai posé des questions sur la LMC. Il m’a parlé de moelle osseuse, moi,
je ne voyais que le sang. Il voulait tout faire pour rabaisser le niveau des globules
blancs. Après m’avoir prescrit de l’Hydréa, leur nombre a diminué. »
Liliane ne comprend qu’une chose : c’est une maladie du sang et il y a plusieurs
sortes de leucémies. Elle ignore ce qu’est la LMC, ne connaît ni les traitements
ni comment évolue la maladie. Venue seule à la maison de repos, elle est si
désemparée qu’elle se confie le jour même à un autre résident, Serge, devenu
depuis son conjoint. « J’ai ressenti cette annonce comme une suite de malheurs
après la perte de mes parents où j’avais eu l’impression d’avoir perdu la moitié de
moi-même. Je l’ai vécue comme une fatalité : c’est comme ça, il faut l’affronter.
J’ai pensé à mes enfants, cela m’a aidée à supporter les protocoles et la maladie,
mais on ne l’accepte jamais vraiment. » Et puis il y a Serge qui, depuis onze ans
maintenant, est toujours à ses côtés. « Serge m’a beaucoup aidée. J’étais déphasée,
je me suis confiée à lui. J’ai toujours voulu me battre, je ne devais pas baisser les
bras pour mes parents, mes petits-enfants. Ce qui compte, c’est mon entourage,
pas autre chose. »
Grâce à son traitement qu’elle suit depuis trois ans, la maladie s’améliore
rapidement, mais il était dur à supporter. Puis la maladie est remontée : « j’étais
35
assez mal. » En ce qui concerne sa prise en charge, Liliane dit qu’elle « ne va pas
mal », mais elle éprouve des difficultés à cause de la polypathologie dont elle
souffre. Elle a été opérée à la colonne vertébrale en 2000. « Je ne peux pas faire tout
ce que j’aurais voulu faire dans ma retraite ; pas de sport, c’est contre-indiqué. » Et
puis, la dégénérescence maculaire liée à l’âge : « j’aimais lire et écrire, je ne peux
plus ; j’ai dû pour cela m’équiper de matériels basse vision. Je ne peux pas faire ce
que je veux, je suis limitée, donc, ce qui compte plus que tout, ce sont ma famille et
mes amis. »
Le médicament doit être pris matin et soir. Mais Liliane oublie de le prendre
trois ou quatre fois dans le mois. Ce n’est pas volontaire, elle est occupée ou n’a
pas son traitement avec elle.
« Les hématologues sont très forts et très compétents, ce sont des scientifiques,
mais ils ne voient que la maladie et ne s’intéressent qu’aux résultats. Encore
faudrait-il que l’on connaisse tous les termes médicaux pour bien les comprendre.
C’est difficile, je parle avec mon langage de profane, j’ai du mal à tout intégrer. »
Supportant mal les effets secondaires et connaissant un bon homéopathe,
Liliane recourt aux médecines parallèles pour mieux supporter le traitement.
« Mon foie éclatait. Mon hématologue me disait : ‘’ Voilà Madame avec sa
fatigue ! ‘’ ou ‘’ Voilà Madame avec ses plantes ! ‘’ Ça m’agaçait au plus au point,
mais je n’ai jamais voulu changer de médecin car il était très compétent. J’ai des
compensations car j’ai du soutien dans ma vie. ‘’»
« Le médecin idéal m’expliquerait la maladie et les traitements avec des mots
simples que je comprendrais. Ce serait un médecin avec lequel j’oserais parler de
moi. Comme j’ai peur de me plaindre, je dis souvent ‘’ oui, ça va bien, mon corps
s’est habitué, mais tout de même les traitements ne sont pas anodins ! ‘’»
Liliane a rencontré Mina, la présidente de LMC France, et a fini par se confier
à elle. L’association l’aide à comprendre l’importance de la régularité des prises.
« Depuis, je n’oublie plus les médicaments, je les prépare le soir pour ne pas les
oublier le matin. J’ai compris que ma rémission dépend de ma bonne observance
du traitement.»
Avant, Liliane ne souhaitait rencontrer personne. Elle avait peur d’affronter
d’autres malades et d’être découragée. « Finalement, quand j’ai compris que je
n’étais pas seule à lutter, cela m’a réconfortée : il n’y a pas que moi. J’ai eu les
réponses à toutes mes questions. Tout cela est très rassurant. Je sais que je peux
appeler Mina autant que je veux. Par ailleurs, je suis très bien soutenue par Serge,
mon conjoint. C’est d’ailleurs lui qui m’a poussée à me rapprocher de LMC France
et j’en suis heureuse. Des patients disent que personne dans leur famille n’est au
courant de leur maladie. Comment peut-on vivre ainsi ? J’ai envie de leur envoyer le
nom et l’adresse de l’association. C’est déjà assez dur de supporter la maladie, il est
difficile de supporter seul la souffrance. »
36
Serge
Serge était en rééducation à la maison de repos
à Cannes où séjournait Liliane. Ils partageaient
leurs repas ensemble. Liliane a fini par se
confier à lui lorsqu’on lui a annoncé sa maladie.
Depuis, Serge n’a eu de cesse de soutenir
Liliane et de l’accompagner. Cela fait onze ans
qu’il est son compagnon.
PATIENTE
Le proche colorie la relation patient-médecin
Lorsque Liliane fut convoquée par l’oncologue du centre, « elle avait peur des
résultats de ses examens. » se souvient Serge. Il est la première personne à laquelle
elle se confie. Liliane s’effondre en larmes. Devant son désarroi, il veut la rassurer
mais il se sent « profane. »
Comme Liliane avec la perte de ses parents, Serge se sent désemparé après
la perte de son travail et son divorce. Cela les rapproche et ils vivent maintenant
ensemble. Liliane consulte seule la première fois son hématologue. Elle en revient
si impressionnée que Serge décide de l’accompagner dans toutes les visites.
Depuis onze ans, il accompagne Liliane dans ses consultations. Il questionne
systématiquement l’hématologue. « Il s’est montré très intéressé et m’a toujours
répondu clairement. Nos rapports en ont été modifiés, il est devenu très attentif.
Maintenant, je le connais aussi bien que Liliane et suis au courant de tout ce qui
concerne sa prise en charge. Liliane est toujours intimidée, moi, j’écoute et je pose
les questions nécessaires. En fait, tout s’arrange avec de l’humour car cela change
le contact avec le médecin et l’humanise. Ainsi, on reste à fond dans le domaine
de la maladie mais j’y ajoute quelque chose qui ouvre le contact, c’est mon rôle. »
Serge personnalise aussi les contacts avec le pharmacien de ville, lequel ne
manque jamais de lui demander des nouvelles de Liliane. « Je suis un vecteur
de transmission ; j’aime être le lien, je sollicite l’avis de gens compétents et nous
pouvons ainsi partager les choses ensemble. »
« En tant que proche, je contribue à fleurir le rapport avec les soignants,
à le dédramatiser en l’intégrant dans le domaine de la vie de tous les jours. Le
rapport devient plus humain, on en sort plus léger. Par mon intermédiaire, nous
avons rencontré Mina et Stéphane, des êtres délicieux, adorables, vaillants et
dynamiques. Liliane est heureuse : elle s’est engagée dans divers événements pour
37
soutenir l’association. »
Serge reconnaît : « je dois booster Liliane. Elle supporte mal la prise de ses
médicaments au quotidien car elle a plusieurs maladies. Je dois la soutenir et être
vigilant. » Il dispose les médicaments bien en vue et les lui apporte sur le plateau
du petit déjeuner.
Serge espère « que la recherche avance au-delà de la lutte contre le chromosome
et des causes de la maladie, en particulier pour la diminution des effets secondaires
pénibles afin que les patients aient une meilleure qualité de vie. Il faut éviter que
les patients subissent tous les effets secondaires. Tout le monde n’a pas les mêmes
effets mais les médicaments sont comme des ‘’scuds’’ qui entraînent des dégâts
collatéraux. Il faudrait disposer de plus de traitements complémentaires pour
soulager. »
Serge souhaite que sa compagne « puisse arrêter son traitement et être sous
surveillance adaptée. Il faut prendre en compte l’état général du patient pour qu’il
ait plaisir à vivre. Le statut d’ALD (Affection de longue durée) permet de prendre
en charge 100 % du prix des médicaments de la LMC, mais la prise en charge
n’est pas totale : Il y a un reste à la charge du patient pour certains traitements
complémentaires. Il faudrait une prise en charge correcte. »
Serge aimerait dire aux accompagnants : « Gardez les mêmes sentiments.
Vous êtes un accompagnant : restez fidèle aux sentiments qui vous attachent au
patient. Gardez confiance, votre aide, votre écoute, votre sollicitude est le don le
plus précieux qui soit. »
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Séverine
Séverine, institutrice, est la maman de Louis,
dix ans. Louis a été diagnostiqué en 2005 alors
qu’il n’avait que deux ans et demi. La famille
réside dans l’Yonne, près d’Auxerre. Louis
a connu les hôpitaux d’Auxerre, de Sens et
Robert-Debré à Paris.
PATIENTE
Se battre pour son enfant
En 2005, Louis a deux ans. Séverine remarque qu’il boîte, pleure, tend
les bras pour qu’on le porte et cligne des yeux. Un ophtalmologiste dira « qu’il
s’amuse ». Séverine persiste et consulte un autre médecin qui évoque - malgré
une échographie qui ne montre rien d’anormal - un « rhume de hanche à 99 %».
Séverine s’interroge…
Louis boîte toujours, le médecin traitant de Séverine l’adresse aux urgences
pédiatriques afin de réaliser des analyses sanguines qui ne seront pas effectuées
car, d’après les médecins du service, « le rhume de hanche et les otites sont la cause,
Louis est en pleine forme. » Séverine se souvient encore de ces mots !
Informé du refus, le médecin traitant persiste et les résultats des analyses enfin
effectuées suscitent son inquiétude : 34 000 globules blancs puis 56 000 deux jours
plus tard. De nombreuses analyses sont effectuées mais l’interrogation persiste.
« C’est grave, mais c’est quoi ? »
Louis est hospitalisé près de chez lui ; dès le lendemain, il est transféré dans
un hôpital spécialisé à Paris. Sous le choc, Séverine, alors enceinte de six mois,
accompagne son fils. Elle n’est pas informée que Louis va subir une ponction de
moelle et l’entend hurler. Les médecins annoncent : « on sait que c’est grave mais
on ne sait pas ce qu’a Louis ». Elle rentre en Bourgogne et est invitée à revenir à
l’hôpital à Paris en prévoyant d’y rester peut-être deux mois.
En novembre 2005, Louis subit une nouvelle ponction de moelle osseuse. Le
diagnostic sera posé début 2006, c’est la LMC !
« Louis reçoit d’abord de l’Hydréa puis un ITK, sans que sa maman n’ait
d’explication de la part de l’hématologue sur la maladie et le traitement. Séverine,
qui cherche alors des informations sur internet, découvre les éventuels effets du
traitement sur la digestion. En effet, Louis hurle de douleurs au ventre presque sans
39
arrêt. Il est rapidement constipé et des lavements sont pratiqués pour le soulager.
Quelques mois plus tard, la prise d’une demi-dose d’anxiolytique lui permet de
retrouver le sommeil.
Les produits à base de lait de vache sont stoppés et les douleurs de la digestion
commencent à diminuer. Louis souffre de crampes qui l’empêchent de marcher et
le réveillent au milieu de la nuit ; il hurle des heures durant. Pendant sa première
année scolaire, il souffre toujours de douleurs au moment de la digestion. Avec le
temps, son état s’améliore.
Lorsqu’elle parle des maux de ventre de Louis, Séverine s’entend dire que ce
n’est pas possible et du spasmodique est prescrit. « Ne pas être écouté provoque
une grande anxiété chez les parents. De plus, aucun compte-rendu ne nous a été
remis entre 2005 et 2009. Nous avons dû les réclamer. Nous étions démunis face à
la manière avec laquelle étaient prises en charge ses douleurs.»
Louis change d’hématologue ; le nouveau est très à l’écoute.
À chaque nouvelle ponction de moelle osseuse, en hôpital de jour, Séverine
s’inquiète : « Ce ne sont jamais les mêmes personnes. Il n’y a pas de suivi. Elles sont
gentilles mais souvent, on nous redemande à nous parents, ce qui est administré à
l’enfant. » L’anxiolytique est maintenant administré pour diminuer les souffrances
de Louis. À la séance suivante, un médicament est prescrit mais il faudra deux
heures à Louis pour se réveiller. Il n’y a pas de coordination entre les services.
Aujourd’hui, Séverine avoue ne plus avoir confiance et ne plus « se laisser faire ».
Une recherche de donneur compatible est demandée par le professeur sur les
parents de Louis mais, le jour du rendez-vous, personne ne semble informé de la
programmation de ces prélèvements.
Au bout de deux ans, Louis obtient une rémission moléculaire. Mais il n’a ni
grandi ni grossi. Il faut écraser les comprimés dans de la compote pour qu’il les
accepte. Il accepte et suit bien son traitement mais demande si, un jour, il pourra
l’arrêter. Séverine reste vigilante à propos de son observance.
« Fêter les dix ans de Louis cette année relève du miracle. Les gens ne
comprennent pas que, pour nous, rien ne soit jamais grave dans la vie courante.»
Louis supporte de mieux en mieux son traitement. Le vécu de sa maladie a forgé
son caractère : il a l’esprit de compétition à l’école et ne supporte pas l’échec. Il
croit aussi à la puissance des médicaments qui peuvent tout guérir mais, lorsqu’une
personne est malade autour de lui, il a peur qu’elle meure. Il compatit, incite les
autres à se battre et leur témoigne une grande attention. Il a conscience d’avoir
surmonté une épreuve que la plupart des enfants de son âge ne connaîtront pas.
Le suivi de Louis imposait au début de fréquents déplacements entre la
Bourgogne et Paris. Séverine a dû rapidement modifier son temps de travail pour
l’aménager en mi-temps. Elle fait de son mieux pour réduire ses absences mais doit
se rendre disponible pour les rendez-vous médicaux de Louis et surtout, lorsqu’il
tombe malade. Elle prend toujours la peine de justifier ses absences auprès des
parents d’élèves car elles sont rapidement mal interprétées.
Il arrive parfois que, même les proches ne reconnaissent pas la maladie : « Il
n’est pas chauve, donc il n’est pas malade ! » Il n’est pas rare que Séverine s’entende
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dire par ses collègues de travail : «Arrête d’affabuler, ton enfant n’est pas malade ».
Pourtant, Séverine sait bien que son fils peut être bien puis très mal subitement.
Il devient difficile de communiquer normalement avec les autres membres de la
famille et les amis.
Elle évoque le « mutisme » des équipes soignantes, le manque d’information
et d’explication à toutes les étapes : annonce du diagnostic, mise en œuvre des
traitements et des prélèvements, participation à un essai clinique.
La demande de soutien psychologique pour l’enfant et ses parents doit être
satisfaite. Il a été refusé à Louis au motif « qu’il n’était pas assez atteint. » Recourir
à un deuxième avis médical a été utile pour mieux comprendre. Au-delà des
informations accessibles sur internet, il est précieux de pouvoir bénéficier des
conseils et du soutien d’une association comme LMC France qui lui permet d’être
en relation avec d’autres experts et d’autres enfants du même âge que Louis.
« Grâce à LMC France, Louis a pu faire la connaissance d’un autre enfant touché
par la LMC. Les deux enfants se sont sentis rapidement ‘’jumeaux’’. La rencontre
avec d’autres parents concernés nous fait du bien. Nous parlons le même langage
et échangeons des conseils. »
41
LA PAROLE
DES EXPERTS
D
es hématologistes de renom consacrent leurs
efforts permanents dans la compréhension des
mécanismes de la LMC et dans la recherche du meilleur
traitement possible. Il nous a paru opportun de leur ouvrir
une tribune pour qu’ils puissent exprimer leur point de vue
et transmettre leur message personnel aux patients.
Docteur Aude Charbonnier
Hématologue depuis une vingtaine d’années à
l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille, praticien
hospitalier dans l’unité spécialisée dans le
traitement des leucémies, le Docteur Aude
Charbonnier est responsable de la prise en
charge des LMC. Elle partage son activité
entre les soins et la recherche clinique. Elle
est Présidente du Comité scientifique de LMC
France et membre du Fi-lmc.
Les progrès thérapeutiques ont révolutionné le pronostic de la LMC
EN DIX ANS, QUELLES FURENT LES GRANDES ÉVOLUTIONS DE LA PRISE EN
CHARGE DE LA MALADIE ?
La LMC est une pathologie qui, sans traitement, se transforme inexorablement
en leucémie aiguë après quelques années d’évolution. C’est une maladie rare, on
estime à 700 le nombre de nouveaux cas par an en France, avec une prévalence
d’environ 8000 patients concernés en 2013.
La prise en charge et le pronostic de la LMC ont considérablement évolué
depuis un peu plus de dix ans. Auparavant, le seul traitement « curatif » consistait
en une allogreffe de moelle osseuse, dont seuls les patients de moins de cinquante
ans et possédant un donneur intrafamilial pouvaient bénéficier. Ce traitement
s’accompagnait par ailleurs d’une toxicité pouvant conduire au décès. Les patients
plus âgés ou sans donneur étaient traités avec de l’interféron qui représentait alors
le traitement de référence. Une chimiothérapie pouvait lui être associée. Quoi
qu’il en soit, le pourcentage de patients répondeurs à l’interféron et dont la LMC
n’évoluait pas en leucémie aiguë restait très faible.
La révolution thérapeutique est survenue au début des années 2000 avec la
mise au point d’un traitement spécifique de la maladie, l’imatinib (Glivec). Inhibiteur
ciblé de la tyrosine kinase anormale à l’origine de la LMC, ce traitement bloque ainsi
le mécanisme principal du développement de la maladie, et évite sa transformation
en leucémie aiguë. L’imatinib est le chef de file d’une nouvelle génération de
traitements des cancers, ciblant les mécanismes particuliers anormaux de chaque
cancer, et appelés « thérapeutiques ciblées ». Concernant la LMC, d’autres inhibiteurs
de tyrosine kinase (ITK), dits de deuxième puis de troisième génération, ont ensuite
été développés, plus puissants et possédant d’autres profils de tolérance : nilotinib
(Tasigna), dasatinib (Sprycel), bosutinib (Bosulif), ponatinib (Iclusig). Grâce à ces
thérapeutiques ciblées, le pronostic de la LMC a été transformé, la survie sous
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Glivec étant par exemple estimée à plus de 90 % après dix ans d’évolution.
EN QUOI LES ÉVOLUTIONS THÉRAPEUTIQUES ONT-ELLES MODIFIÉ LE PRONOSTIC
DE LA LMC?
Nous sommes donc passés brutalement d’un faible pourcentage de patients
survivant à cette maladie, à un faible pourcentage de patients décédant de leur
LMC, à la condition d’un traitement par ITK bien conduit.
La LMC est aujourd’hui devenue une maladie de « bon »pronostic grâce
aux thérapeutiques ciblées. C’est actuellement un modèle dans le domaine des
thérapeutiques ciblées en oncologie. Sa prise en charge s’est transformée en
traitement d’une véritable maladie chronique, avec non seulement des enjeux
concernant la réponse mais aussi des enjeux majeurs concernant la tolérance et
la qualité de vie.
Les médecins qui, comme moi, ont connu l’ère « avant imatinib », ont vécu
deux mondes et deux époques opposées.
COMMENT AIDER LES PATIENTS ?
Les objectifs principaux des traitements sont la réponse de la LMC à l’ITK proposé
aux patients, et la tolérance du traitement compatible avec une bonne qualité de
vie et permettant aux patients de prendre régulièrement leur traitement, condition
sine qua non de la réponse. Répondre à de tels objectifs permet d’envisager un
objectif secondaire, qui est l’arrêt de traitement dans le cadre de réponses de très
bonne qualité.
Pour répondre à ces objectifs, l’aide principale à apporter aux patients est une
prise en charge spécialisée afin d’adapter au mieux leur traitement, en fonction
du profil de leur LMC et de leur singularité (traitements en cours, antécédents
médicaux…), de la tolérance, et bien sûr des avancées scientifiques dans le domaine.
Les deux points primordiaux de l’aide apportée aux patients sont, d’une part,
la qualité de la thérapeutique et, d’autre part, l’aide à l’observance au traitement,
c’est-à-dire l’adéquation de la prise médicamenteuse réelle à la prescription.
La qualité de la thérapeutique vise à obtenir la meilleure réponse possible
avec le moins d’effets secondaires possible. Elle implique un suivi d’hématologie
très spécialisé. L’obtention d’une réponse de bonne qualité permet de diminuer le
risque de transformation en leucémie aiguë qui peut persister durant toute la prise
en charge des LMC, et notamment durant les premières années de traitement.
Cette réponse permet par ailleurs d’envisager un arrêt de traitement chez les
patients très bons répondeurs.
L’observance est, quant à elle, capitale. Il existe une relation directe entre la
qualité de l’observance et la qualité des réponses aux traitements par ITK. Audelà de trois oublis par mois, les patients peuvent perdre leurs chances de rester
en réponse stable. Il est donc primordial de les accompagner dans leur quotidien
d’une maladie au long cours, afin de leur procurer les outils permanents d’une
observance indispensable.
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Le mode de relation médecin-patient est très variable, mais cette relation doit
s’appuyer sur certains critères indispensables : confiance, réponse aux questions,
présence, réassurance, aide à l’observance et développement d’un réseau des
autres acteurs de santé et des associations de patients. En conséquence, les
hématologues souhaitent l’implication des autres acteurs de santé de ville à leurs
côtés. L’enjeu est d’améliorer les résultats grâce à l’amélioration de l’observance au
traitement, en prenant en compte les difficultés que représente une thérapeutique
au long cours, souvent non dénuée d’effets secondaires. Les hématologues,
comme les médecins généralistes, les pharmaciens, l’entourage du patient et les
associations ont tous un rôle à jouer dans ce soutien et cet accompagnement.
QUEL IMPACT CES ÉVOLUTIONS ONT-ELLES SUR LES RELATIONS AVEC VOS
PATIENTS ET LEURS PROCHES?
La prise en charge d’une maladie devenue chronique s’appuie sur deux axes :
l’un technique, l’autre d’accompagnement.
L’axe technique est la base de notre profession, et consiste en l’élaboration et
la modification en fonction de la réponse, d’un plan de soin adapté à une situation
précise. Après les consultations d’annonce, voire les hospitalisations initiales
lorsque la LMC se présente initialement de façon bruyante, les consultations de
suivi ont donc cet objectif permanent de réponse.
L’axe d’accompagnement repose sur l’évaluation de la tolérance au traitement,
mais aussi sur une connaissance des patients sur le plan psychologique et social, ce
qui permet d’adapter le discours voire le traitement afin de maintenir les objectifs
de qualité de vie et d’observance.
Les progrès rendent l’annonce de la LMC ambivalente : il s’agit d’une maladie
cancéreuse dont l’évolution spontanée est grave, mais dont le pronostic a été
bouleversé par les progrès thérapeutiques, l’ayant transformée en maladie
chronique. Bien sûr, il ne s’agit pas de banaliser la maladie, ce qui risquerait en
particulier de diminuer l’observance au traitement, et n’instaurerait éventuellement
pas de relation de confiance. Outre leur côté technique, les consultations initiales
permettent de connaître le patient et d’évaluer le contexte psychologique et social
orientant le discours et la prise en charge :
• le patient comprend-il bien la maladie et les enjeux du traitement ?
• quel est son environnement familial, relationnel ? A-t-il besoin d’un soutien
et d’un accompagnement pour l’aider à annoncer sa maladie à son conjoint ou
à ses enfants ?
• s’il est en activité, comment peut-il annoncer son cancer à son employeur?
Le début du traitement nécessite-t-il un arrêt de travail, un mi-temps
thérapeutique, ou l’activité peut-elle être poursuivie ? Le patient craint-il des
difficultés financières ?
La prise en compte de la dimension sociale du patient est incontournable dans
l’initiation d’une prise en charge au long cours. Les hématologues sont peu formés
à cette approche. Ils peuvent alerter les associations afin qu’elles puissent à leur
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tour aider les démarches sociales des patients et faciliter par exemple le maintien
de leur activité professionnelle.
Concernant la poursuite de la prise en charge, lorsque la réponse au traitement
est bonne, la facilité du traitement est un atout car elle optimise la qualité de
vie; cependant elle contribue souvent à minimiser l’enjeu réel du traitement.
L’acceptation et l’observance sont initialement faciles, directement liées à l’absence
d’effets secondaires. Le risque d’une perte d’observance survient à moyen ou long
terme, lorsque les résultats attendus sont obtenus. La vigilance de l’observance
du patient durant le suivi est donc fondamentale et représente un temps
important de la consultation. Les hématologues peuvent s’aider de programmes
d’éducation thérapeutiques. Hélas, à l’heure actuelle, ces programmes, centrés
sur une « formation » initiale du patient, sont peu adaptés à cette situation où
l’aide à l’observance est plus nécessaire dans le suivi à long terme qu’en début de
traitement. L’aide de personnel non médical formé à la pathologie et à l’éducation
thérapeutique (infirmiers, psychothérapeutes…), coûteuse en temps comme
financièrement, doit cependant être imaginée, étant donné la fréquence de la
problématique (un tiers des patients ne sont pas parfaitement observants), le
coût représenté par une perte de réponse consécutive au manque d’observance,
le manque de temps des hématologues et l’efficacité attendue de l’éducation
thérapeutique.
Il existe bien-sûr des situations plus difficiles. Lorsque la tolérance est
médiocre, le risque de non-observance est plus grand, et le suivi nécessite une
aide répétée et centrée sur cette tolérance. Lorsque la réponse au traitement
est moins bonne, l’observance doit bien sûr être vérifiée. Par ailleurs, dans cette
situation en particulier, il est indispensable que le patient lui-même, ou au moins
son dossier, soit suivi par un médecin expert en LMC afin de modifier ou d’adapter
au mieux sa thérapeutique. Les innovations thérapeutiques, les essais cliniques, les
grandes orientations de la recherche, doivent être discutés avec les patients qui le
souhaitent.
COMMENT VOYEZ-VOUS AUJOURD’HUI LA PRISE EN CHARGE DE LA LMC ?
Maladie chronique au bon pronostic à la condition d’un traitement adapté et
suivi, la LMC bénéficie d’une prise en charge particulière au sein des traitements
des hémopathies malignes. Il existe des recommandations internationales de
traitement et de suivi, publiées et remises à jour régulièrement, qui représentent
un guide technique à la prise en charge de la LMC. Les patients doivent pouvoir
s’appuyer sur un accompagnement vigilant d’équipes médicales expertes, dont
les préoccupations concerneront autant la réponse thérapeutique que l’aide à
l’observance et à la conservation d’une bonne qualité de vie. Les essais cliniques
proposés dans les centres de référence lors de l’initiation du traitement, ou en cas
de nécessité de modifications thérapeutiques, visent à élaborer progressivement
les meilleures stratégies thérapeutiques adaptées aux différentes situations et aux
différents traitements disponibles.
Pour les patients bons répondeurs, les médecins experts en LMC doivent
régulièrement évoquer les possibilités d’amélioration de réponse afin de viser
un arrêt thérapeutique éventuel au sein d’essais cliniques. Les dossiers des
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patients moins bons ou non répondeurs doivent être discutés régulièrement au
sein d’équipes pluridisciplinaires ou entre experts de la LMC. Les hématologues
ont l’obligation de pouvoir proposer à ces patients de nouvelles stratégies
thérapeutiques, éventuellement au sein d’essais cliniques, ce qui nécessite leur
prise en charge (ou au minimum la discussion de leur dossier) au sein de structures
spécialisées.
Les progrès dans la prise en charge actuelle de la LMC s’appuient enfin sur
l’amélioration du suivi biologique de la maladie. Les outils calibrés de biologie
moléculaire, grâce à un travail d’homogénéisation des techniques et de
standardisation des résultats, sont une base indispensable à l’évaluation régulière
et interprétable des réponses au traitement. La situation géographique des
laboratoires homologués, à l’instar de celle des médecins experts, peut être un
écueil à une prise en charge idéale.
QU’ENVISAGEZ-VOUS DANS LES CINQ OU DIX PROCHAINES ANNÉES ?
Offrir une possibilité de bonne réponse à tous les patients et s’orienter vers
un arrêt de traitement pour le plus grand nombre, sont à mon avis les deux axes
de travail majeur. Ils se rejoignent dans l’objectif de ciblage de la cellule souche
leucémique, responsable de la persistance de la maladie chez la plupart des
patients.
►► Les questions à résoudre :
• doit-on donner à tous les patients dès le départ de leur prise en charge, le
traitement le plus puissant dont les effets secondaires au long cours ne sont pas
connus, ou bien doit-on individualiser plusieurs groupes à risques différents
et adapter les stratégies thérapeutiques en fonction des risques ? Comment
identifier au mieux les patients à risques, comment améliorer leur détection
précoce ?
• quelles stratégies innovantes développer pour les patients non répondeurs ?
Comment positionner l’allogreffe au sein des stratégies thérapeutiques ?
• comment améliorer la qualité de vie et l’observance des patients ? Comment
homogénéiser les prises en charge et les suivis ?
• comment éradiquer la maladie ?
►► Les pistes à suivre :
La recherche fondamentale sur les cellules souches leucémiques est un axe
majeur de travail dont les objectifs sont l’amélioration des réponses et l’éradication
de la maladie leucémique.
►► En ce qui concerne la grossesse
La LMC est devenue une maladie chronique, concernant de ce fait des femmes
dont le désir de grossesse peut être respecté. Toutes les thérapeutiques utilisées
sont contre-indiquées au premier trimestre de la grossesse. Des recommandations
précises de stratégies thérapeutiques adaptées sont nécessaires.
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QUELS MESSAGES SOUHAITEZ-VOUS TRANSMETTRE ?
Aux patients : soyez vigilants et acteurs de votre prise en charge, soyez
observants. Votre hématologue va vous accompagner tout au long de votre vie,
choisissez-le, renseignez-vous, afin d’établir une relation d’échange où toutes
vos questions seront entendues. Soyez confiants mais vigilants ; de nombreuses
recherches sont en cours et des progrès sont attendus.
Aux médecins traitants, aux pharmaciens d’officine et aux autres acteurs de
santé : maillons clef dans l’observance, la détection des effets secondaires, l’aide à
la tolérance, la surveillance des interactions médicamenteuses… vous contribuez à
l’observance et à la réussite des traitements.
Aux autorités de santé : les hématologues spécialistes de la LMC ont une
importante file active de patients et il leur est difficile de prendre en charge dans
les meilleures conditions souhaitées le suivi de la tolérance et de l’observance au
traitement. Un transfert de tâches vers d’autres acteurs de santé formés serait très
utile dans l’aide au suivi. Par ailleurs des collaborations pourraient être facilitées entre
médecins ou spécialistes des différentes problématiques rencontrées : utilisateurs
d’un médicament partagé par différents spécialistes, spécialistes confrontés à une
même problématique, spécialistes des différents effets secondaires des ITK.
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Docteur Delphine Rea
Praticien hospitalier à l’Hôpital Saint-Louis à
Paris depuis de nombreuses années où elle a
achevé son internat en hématologie, le docteur
Delphine Rea est experte en LMC. Impliquée
dans la recherche clinique, elle a participé à
l’évolution de la prise en charge de la maladie et
des patients au cours des dix dernières années.
La recherche clinique doit bénéficier avant tout au malade
COMMENT SE DÉROULENT L’INCLUSION DES PATIENTS DANS LES ESSAIS
CLINIQUES ET L’ANNONCE DU PROTOCOLE ?
Cette démarche s’effectue la plupart du temps en ambulatoire et elle demande
d’y consacrer du temps pour s’assurer de la bonne compréhension des patients.
Différentes situations sont possibles. Lorsque l’essai s’adresse à des patients
lors de leur diagnostic, la situation est délicate pour le patient car il doit fait face
rapidement à plusieurs annonces : celle de sa LMC et celle de se voir proposer de
participer à un essai.
Lorsque l’essai est proposé à des patients déjà traités, la situation est alors
facilitée car la relation entre le médecin et le patient est déjà bien établie et ce
dernier a déjà acquis des connaissances sur sa maladie.
En ce qui concerne la compréhension du consentement éclairé, c’est une
situation complexe car nous devons nous adapter à différents profils de patients, à
différents types d’essais (randomisés ou non par exemple) et à la qualité variable
des consentements éclairés.
Par exemple, un consentement éclairé trop long ou dont le langage est mal
adapté à celui du patient ne peut être entièrement décortiqué avec le patient en
une seule consultation. Si le patient est ouvert à l’idée de participer à l’essai, nous
lui fournissons alors les informations clés, nous lui remettons le consentement et
lui proposons de le lire chez lui et de souligner ce qu’il n’a pas compris, puis prenons
le temps de lui réexpliquer les points nécessaires lors de la consultation suivante.
Le patient peut alors décider ou non de sa participation en toute sérénité.
De plus, si certains consentements éclairés sont clairement rédigés, donc
moins anxiogènes pour les patients, comme ceux de la plupart des protocoles
académiques, ce n’est pas toujours le cas de ceux des protocoles industriels qui
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sont souvent complexes et anxiogènes du fait d’une longue énumération des effets
secondaires possibles, tels que recensés à toutes les phases du développement du
médicament.
La réponse à nos remarques sur la rédaction des consentements vis-à-vis des
essais à promotion industrielle est souvent décevante. L’implication d’associations
de patients et d’hématologues de terrain en amont de la soumission du protocole
aux autorités de santé pourrait permettre d’améliorer la situation.
►► Définir quel essai pour quel patient
Nous ne pouvons pas inclure 100% des patients dans les essais cliniques comme
le souhaiterait l’INCa pour plusieurs raisons. Ce serait méconnaître la spécificité de
chaque patient ainsi que les différents niveaux de pertinence des essais. Lorsque
le médecin propose un essai clinique à un patient, il doit toujours s’assurer du
bénéfice potentiel pour le patient et de sa compréhension.
Les essais cliniques ne sont pas toujours disponibles pour tous les patients. Les
comorbidités freinent les inclusions : soit nous ne pouvons pas inclure le patient en
raison des nombreux critères d’exclusion, soit nous ne voulons pas lui faire courir
de risques compte tenu de sa fragilité.
Certains patients ne sont pas en situation de comprendre toutes les informations
requises. Dans ce cas nous devons nous-même proposer ou non le protocole. Les
patients diagnostiqués HIV sont exclus d’emblée de tous les essais cliniques. C’est
une hypocrisie.
►► Point de vue sur les essais cliniques
La recherche clinique est un élément crucial pour faire progresser les
traitements. Cependant, le médecin doit s’assurer de la pertinence de l’essai et
du rapport bénéfice/risque avant de le proposer à un patient. C’est une question
d’éthique médicale.
Les essais cliniques doivent être menés dans l’intérêt exclusif du malade. Il faut
savoir refuser un essai qui ne répondrait pas à ce critère.
►► Quel message souhaitez-vous transmettre ?
Les patients doivent savoir qu’ils sont libres de refuser ou d’accepter de
participer à un essai et qu’ils ne seront pas moins bien soignés s’ils n’y participent
pas. S’ils ne sont pas éligibles, si l’essai ne leur convient pas, ou s’ils doivent en
sortir prématurément, tout cela n’affectera en rien leur prise en charge médicale. Il
y a la plupart du temps d’autres choix de traitement.
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Docteur Franck-Emmanuel Nicolini
Praticien hospitalier au CHU de Lyon dans le
Service d’hématologie clinique du Pr Mauricette
Michallet, le Docteur Nicolini est depuis douze
ans responsable du programme LMC. Il a
précédemment exercé au CHU de Grenoble, à
Vancouver (Canada) au Terry Fox Laboratory
(Laboratoire de recherche sur les maladies du
sang) et deux ans au CHU de Bordeaux.
Accompagner les progrès thérapeutiques en toute sécurité
POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DE L’ÉVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE
DE LA LMC ?
J’ai vécu toutes les évolutions de la prise en charge de la LMC depuis 25 ans :
l’allogreffe, l’Interféron, l’autogreffe, les débuts du Glivec dans le cadre de l’essai
IRIS en 2000, et les nouvelles thérapeutiques Tasigna, Sprycel et Ponatinib. Tout
a changé : nous ne disposions que d’un seul traitement en 2003 et nous avons
aujourd’hui accès à cinq médicaments différents. Et tout change encore très vite
depuis deux ans : nous disposions d’ITK uniquement en deuxième ligne il y a deux
ans et, aujourd’hui, nous pouvons prévoir de faire bénéficier certains patients
d’une interruption de traitement. Nous ne pouvions pas l’imaginer il y a seulement
cinq ans.
►► Une contrepartie à l’accélération de ces progrès
La prise en charge se complexifie, mais elle apparaît plus facile pour le patient
car il peut bénéficier de plus de choix de traitements, adaptés à son cas particulier.
Il ne faut pas vouloir néanmoins aller trop vite, mais savoir évaluer et prendre le
recul nécessaire afin de garder une certaine sérénité dans les traitements. Nous
avons une responsabilité primordiale face à nos patients et ne devons pas les
mettre en danger. Nous devons rester très vigilants quant à la surveillance et à
l’évaluation des effets secondaires des nouvelles thérapeutiques à moyen et à long
terme, chez les patients en phase chronique, et aussi chez les patients qui évoluent
en aigu ou ne répondent pas aux traitements.
►► La pharmacovigilance
Les effets indésirables graves sont très bien renseignés lors des essais cliniques
académiques et de l’industrie pharmaceutique. Le lien de suivi des effets indésirables
après l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché est moins étroit. Il se
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fait dans le cadre de déclarations auprès des centres de pharmacovigilance
régionaux, puis sont colligés au niveau national. Les médecins y sont très attentifs
mais sont surchargés. Tous n’ont pas toujours la disponibilité requise pour saisir
les informations et les retransmettre. Le système de pharmacovigilance en France
n’est pas conçu pour faciliter le recueil. Une aide plus importante de la part des
pharmaciens en particulier de ville pourrait être très utile.
►► La tolérance des nouvelles thérapeutiques
Grâce aux treize années de recul avec le Glivec, on peut affirmer qu’il n’y a pas
d’effets indésirables graves à moyen/long terme avec cette molécule. On ne peut
préjuger aujourd’hui de la tolérance des nouvelles thérapeutiques à long terme.
Toutes les observations et données sont régulièrement collectées et analysées au
sein du groupe scientifique académique national. Elles nous permettent d’effectuer
des recherches de facteurs spécifiques et de publier nos observations, ainsi que
de renseigner les bases de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des
produits de santé (ANSM).
Au regard de l’échelle européenne, la France a instauré un niveau élevé de
pharmacovigilance actuellement. Les agences sanitaires, les sociétés scientifiques
et les professionnels de santé sont très impliqués sur cet enjeu et assument leurs
responsabilités en matière de sécurité des patients.
COMMENT SE DÉROULENT LES EXAMENS ET LE SUIVI DE LA LMC AUJOURD’HUI ?
Le diagnostic repose sur les résultats de trois examens, en dehors de l’examen
clinique et de la numération des globules : 1) le myélogramme ; 2) l’analyse
chromosomique ; 3) la biologie moléculaire qui renseignera sur l’anomalie en
cause. Le marqueur moléculaire de la maladie sera suivi tout au long de celle-ci et
permettra de guider la thérapeutique appropriée pour le patient.
Les examens sont renouvelés à 3, 6, 9, 12 et 18 mois de traitement, puis tous
les six mois ensuite quand tout va bien. Nous disposons de clignotants d’efficacité
à chaque point qui nous permettent de juger si le patient se trouve en situation
de réponse optimale ou non. Une fois l’analyse chromosomique de la moelle
normalisée, le suivi moléculaire s’effectuera sur une simple prise de sang. Il devra
être régulier (au minimum tous les 6 mois), pour apporter la certitude que la
maladie est bien stabilisée.
Le traitement est prescrit pour six mois et la biologie moléculaire sera évaluée
à chaque renouvellement du médicament. En cas de signes d’évolution, le rythme
de surveillance sera bien sûr modifié et rapproché avec un bilan tous les trois mois
ou plus si nécessaire, selon les cas.
Le respect précis du calendrier est fondamental pour le suivi optimal de la
maladie et surtout pour dépister précocement les patients qui ne répondent pas
bien ou pas du tout, afin de leur proposer différentes alternatives thérapeutiques
maintenant disponibles.
52
Professeur François-Xavier Mahon
Praticien hospitalier en hématologie au CHU de
Bordeaux, le Professeur Mahon dirige également
le Service du laboratoire d’hématologie
et l’équipe Hématopoïèse leucémique et
cibles thérapeutiques à l’Inserm. Il participe
à de nombreux programmes de recherche
clinique et à de nombreuses communications
internationales sur la thématique de l’arrêt des
traitements de la LMC.
L’arrêt du traitement : un enjeu et une décision partagés
QUELS SONT LES DÉFIS DE L’ARRÊT DU TRAITEMENT ?
La thématique de l’arrêt des traitements prend progressivement de
l’importance. Nous nous engageons dans cette démarche et cet enjeu est aussi
partagé par l’industrie pharmaceutique.
►► Plusieurs études démontrent la faisabilité d’un arrêt des traitements
Une étude pilote menée sur une petite cohorte a démontré la faisabilité de l’arrêt
du traitement par Glivec chez des patients préalablement traités par interféron
(initié à l’époque où le Glivec n’avait pas l’autorisation d’être utilisé en première
ligne), puis par Glivec avec une très bonne réponse. La LMC est un bon modèle
biologique de détection de maladie résiduelle, car elle permet de distinguer les
cellules leucémiques des cellules normales. L’interféron permet une régression de
la maladie avec une diminution du nombre de cellules porteuses du chromosome
Philadelphie. Le Glivec a montré une puissance supérieure avec parfois la capacité
de les éliminer ou de les rendre indétectables, y compris par nos méthodes de
détection les plus fines (PCR, méthode de biologie moléculaire permettant de
détecter l’ARN leucémique). Nous avons suivi le petit nombre de patients bons
répondeurs chez lesquels nous ne décelions plus de cellules leucémiques, et chez
qui nous pouvions tenter d’arrêter le Glivec, avec les outils dont nous disposions.
La maladie a été suivie sur le plan clinique et sur plan biologique notamment par
des biologies moléculaires sur sang. Nous avons constaté chez certains patients
des rechutes moléculaires, mais l’étude pilote a montré qu’il était possible et non
dangereux d’arrêter le traitement chez les patients bons répondeurs.
Ainsi, nous pouvions décider d’arrêter les traitements après plusieurs années
de rémission moléculaire (marqueur PCR indétectable). Un critère de deux ans de
négativité a été proposé, sachant qu’il était associé à un maintien de la réponse
complète après arrêt de traitement chez 50% des patients.
53
Un essai multicentrique français d’arrêt de Glivec (STIM, Stop Imatinib))
supporté par l’INCa a été initié en 2006. Quinze centres y ont participé et cent
patients sont encore suivis à l’heure actuelle. On a observé que, jusqu’à présent,
40% des patients restent en réponse moléculaire après l’arrêt des traitements. Les
patients ont été répartis en deux groupes: 50% traités par Imatinib seul et 50%
prétraités préalablement par interféron. Les résultats ont été identiques dans ces
deux groupes. Les 60% de patients chez lesquels la réponse moléculaire ne s’est
pas maintenue ont reçu à nouveau un traitement par ITK auquel ils ont répondu.
Actuellement, l’étude française STIM2 a pour objectif d’inclure 200 patients n’ayant
été traités que par Glivec. Cent vingt patients ont été inclus à ce jour.
La France illustre son avance en matière de recherche sur cette thématique.
Le Docteur Delphine Rea (Hôpital Saint-Louis, Paris) mène aussi un essai chez
des patients traités par ITK de deuxième génération et observe des résultats
comparables à ceux de l’essai STIM.
La question essentielle aujourd’hui, de ces différents essais, est de définir quels
sont les critères prédictifs de la rechute.
Une étude menée par le Professeur Philippe Rousselot (Centre hospitalier
de Versailles) s’appuie sur d’autres modalités, avec une proposition d’arrêt de
traitement sur des critères moins stricts, et une reprise de traitement uniquement
sur perte de réponse majeure moléculaire. Cette « liberté » est accordée d’après les
observations de fluctuation dans le temps de petits signaux positifs sans nécessité
de reprise de traitement. Bien que des cellules leucémiques puissent donc être
encore présentes, nous n’avons pas observé de transformation vers la phase
aiguë de la maladie, les patients qui perdent leur réponse majeure moléculaire
répondant à nouveau à leur traitement. Cette démarche représente une souplesse
de traitement mais impose un suivi très rigoureux.
►► Trois situations biologiques différentes
Chez les patients en arrêt de traitement, on constate une hétérogénéité
biologique avec trois situations: 1) on ne détecte plus rien ; 2) on détecte un peu de
maladie par biologie moléculaire et la maladie ne redémarre pas ; 3) on détecte une
augmentation franche de la biologie moléculaire, et la maladie « redémarre », tout
au moins sur le plan moléculaire. Il serait nécessaire de mener une étude génétique
pour identifier les mécanismes de ces différentes situations. La LMC reste un modèle
pour cette analyse, les cellules tumorales étant identifiables. Nous n’avons pas la
preuve que les rechutes soient dues à un mauvais contrôle du système immunitaire.
Cependant, si l’immunité intervenait dans cet équilibre, nous pourrions facilement
être interventionnistes en stimulant le système immunitaire ; les travaux concernant
l’immunité après arrêt de traitement doivent donc se poursuivre. Les autres
origines des différentes évolutions après arrêts font bien sûr également l’objet de
recherche.
POUVEZ-VOUS NOUS PARLER DE CES PERSPECTIVES ?
Tous les patients ne sont pas en réponse moléculaire complète et persistante
pendant deux ans. L’objectif est donc d’augmenter le nombre des patients obtenant
54
cette réponse, à qui l’on pourra proposer un arrêt de traitement, sans diminuer
leur qualité de vie par des traitements innovants pour arriver à cet objectif.
►► Pour approfondir la réponse moléculaire, deux possibilités existent:
• traiter en monothérapie avec un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de
deuxième génération mais à la condition que la toxicité ne soit pas supérieure
à celle du Glivec ;
• imaginer des associations thérapeutiques. Par exemple, une association
d’une molécule ciblant la cellule souche (anti-smo) au Tasigna est actuellement
proposée aux patients ;
• mais le plus prometteur pour le moment, ce sont les combinaisons d’ITK à
l’IFN (interféron).
►► Avantages et inconvénients des choix stratégiques : vers une décision
partagée avec le patient
Il est nécessaire d’analyser les avantages et les inconvénients pour pouvoir
choisir entre la prise d’un traitement à vie bien toléré - sachant que l’espérance de
vie avec une LMC est quasi équivalente à la normale - et la volonté absolue d’arrêter
un jour son traitement (être guéri ?) au prix d’un traitement aux nombreux effets
indésirables. La volonté d’arrêt peut facilement être légitimée chez les patients
jeunes, puisqu’on ne connaît pas les effets du Glivec à long terme. Il y a donc un
travail à mener avec chaque patient pour parvenir à une décision partagée. Des
recherches dans le domaine des sciences humaines s’avèrent utiles pour avancer
dans cette réflexion.
L’Université, le CHU et le centre anticancéreux de Bordeaux ont d’ailleurs été
labellisés par l’INCa comme site intégré, et la thématique de guérison de la LMC
fait partie des programmes mis en avant au sein de cette structure de recherche.
►► Le dynamisme de la recherche clinique en France et la chance d’un Plan Cancer
Au cours des années 1990-2000, le gène bcr-abl a été identifié chez les sujets
sains. Nous savons qu’il peut s’éliminer spontanément et avons aussi aujourd’hui
la capacité de l’éradiquer. Nous assistons à une évolution des connaissances de la
maladie résiduelle, sur lesquelles les possibilités d’arrêt de traitement vont pouvoir
s’appuyer.
Les objectifs de la recherche sur la LMC sont aujourd’hui aussi puissants que
ceux de l’oncologie en général. La France, reconnue dans le monde pour la qualité et
le dynamisme de sa recherche clinique, est pilote dans la thématique de l’arrêt des
traitements. Cette supériorité est liée à son système de santé favorisant la qualité
de la prise en charge des patients. Le Plan Cancer et la création de l’INCa associés à
une forte volonté politique ont dynamisé la recherche en onco-hématologie.
Cette dynamisation a été facilitée par un fort investissement des laboratoires
pharmaceutiques dans le domaine. Très impliqués à nos côtés, ils ont accompagné
la réflexion et l’enjeu de l’arrêt des traitements. Nous avons avancé, notamment
avec Novartis Pharma et Bristol-Myers Squibb, sans écueils éthiques, dans cette
démarche d’intérêts partagés.
55
Professeur Régis Costello
Hématologue et docteur en immunologie, le
Professeur Régis Costello est chef du service
d’hématologie au CHU La Conception à Marseille.
Se consacrant à l’hématologie depuis le début
de son internat en 1987, il est impliqué dans la
LMC à travers la prise en charge des patients et
certains aspects de la recherche
Le besoin d’une prise en charge adaptée
QUELLES PERSPECTIVES APPORTE L’ÉVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA
LMC ?
Le traitement de la LMC a été révolutionné par l’introduction des ITK. Leur
emploi a été rendu possible par la connaissance précise de la cause moléculaire de
la maladie, le fameux chromosome Philadelphie, faisant de la LMC l’archétype de la
maladie hématologique bénéficiant d’une thérapie ciblée. Pour les hématologues
séniors qui ont connu les traitements antérieurs, peu efficaces à long terme
(hydroxyurée) ou difficiles à supporter (interféron), les nouvelles thérapies
disponibles constituent un immense bond en avant grâce à leur grande efficacité et
à leurs effets secondaires, certes gênants, mais dans l’ensemble incomparablement
modestes par rapport au passé.
►► Un changement de perspective : évoquer l’arrêt des traitements
Les traitements actuels font disparaître la maladie dans ses manifestations
les plus visibles dans plus de 90% des cas. Mais cette absence de détection de
traces de la maladie – ce que l’on appelle la maladie résiduelle - ne permet pas
d’affirmer que les patients sont guéris, car persistent le plus souvent des cellules
leucémiques, en très petit nombre et peu actives, dont l’expansion est peut-être
limitée par une réponse immunitaire anti-leucémique.
Aujourd’hui, les patients non répondeurs sont peu nombreux et nous suivons
une majorité de patients qui vont bien avec une maladie résiduelle de très faible
niveau voire indétectable. Notre discours a changé en moins d’une dizaine
d’années. Nos patients peuvent se projeter sereinement dans le futur, et justement
avoir des projets. Mais ce succès médical ne doit pas induire d’arrêts spontanés
du traitement, qui seraient préjudiciables à l’évolution de la maladie. A l’heure
actuelle, le traitement ne doit jamais être arrêté, même en cas de disparition
56
complète de la maladie résiduelle, car, dans plus de la moitié des cas, la maladie
va réapparaître dans les six mois. Des essais très contrôlés sont en cours justement
pour déterminer chez quels patients et dans quelles conditions un arrêt de
traitement peut s’envisager.
QUELLES POURRAIENT ÊTRE LES MODALITÉS D’UNE PRISE EN CHARGE
COORDONNÉE ENTRE L’HÔPITAL ET LA MÉDECINE DE VILLE ?
La relation entre le centre expert du CHU et le médecin traitant de ville est un
élément central de la prise en charge du patient. Si, au début de la prise en charge,
le patient est contraint de consulter souvent l’hématologue référent pour ajuster
le traitement et vérifier son efficacité, la prise en charge hospitalière s’espace
dans le temps, même si certains contrôles (PCR, caryotype) nécessitent toujours
des contrôles hospitaliers. Le médecin traitant est néanmoins en première ligne
notamment pour gérer les effets indésirables du traitement, toujours en rapport
étroit avec le référent hématologue car il est utile de rappeler que la LMC est une
maladie rare et que, par conséquent, le médecin traitant a peu de chances d’être
accoutumé à la prise en charge d’une maladie qui, dans la plupart des cas, ne
touche qu’une seule personne au sein de sa patientèle.
Les effets secondaires des ITK tels que la prise de poids, les œdèmes, les
épanchements, les essoufflements, les palpitations, peuvent ainsi être gérés en
ville de façon pluridisciplinaire et avec prudence par le médecin traitant, avec le
recours éventuel aux spécialités de cardiologie ou de pneumologie par exemple,
en fonction de la symptomatologie.
Quelques très rares patients sont réfractaires à tous les ITK disponibles.
La prise en charge de la LMC devient alors problématique. Pour ces raisons, la
possibilité d’induire une réponse immunitaire anti-leucémique fait partie des voies
de recherche actuelles, à travers des vaccinations ou bien des immunostimulants
(comme l’interféron).
L’allogreffe de moelle - ou, le plus souvent maintenant, de cellules souches
du sang périphérique - reste un modèle d’immunothérapie : le greffon détruit les
cellules de la LMC. Cette procédure, qui était le standard de première ligne du sujet
jeune il y a dix ans à peine, est néanmoins à l’heure actuelle réservée aux échecs
des ITK à cause de sa toxicité et de la lourdeur pour le patient.
57
Professeur Philippe Rousselot
Hématologue au Centre hospitalier de Versailles,
le Professeur Philippe Rousselot a vingt années
d’expertise en hématologie. Vice-président du
groupe Fi-LMC, en charge des essais cliniques, il
a récemment coordonné l’essai académique de
dasatinib en première ligne «optim dasatinib».
L’éducation thérapeutique en hématologie : un sujet de recherche
L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE A-T-ELLE UN RÔLE À JOUER DANS LA LMC ?
L’éducation thérapeutique en hématologie reste à ce jour un sujet de recherche.
Il existe une fréquente assimilation entre éducation thérapeutique et consultation
d’annonce. Ces deux démarches sont pourtant bien distinctes :
La consultation d’annonce est menée avec une infirmière dédiée. Elle vise à
apporter au patient des informations sur sa maladie et à lui présenter son parcours
personnalisé de soins. Elle permet d’ouvrir le débat et d’élargir la vision du patient
en lui procurant un nouveau cadre relationnel au-delà de son seul hématologue. Il
s’agit d’une obligation réglementaire de l’INCa pour les spécialités d’oncologie et
d’hématologie, mais qui requiert des moyens organisationnels ; sa mise en œuvre
n’est pas encore systématique.
Si l’éducation thérapeutique (ETP) fait partie de la vie courante dans le
cadre de certaines pathologies, elle reste encore embryonnaire en oncologie et
hématologie. Comme la consultation d’annonce, elle délivre des informations
mais l’ETP répond à d’autres objectifs de formation et d’éducation par l’ajout d’un
programme interactif auquel le patient est invité à participer. L’ETP répond de plus
à un projet qui est établi patient par patient ou par groupes de patients. Elle se
déroule dans le cadre de séances dédiées, en dehors du temps de consultation.
►► L’impact de l’ETP dans la LMC reste à évaluer
La LMC est en soi une maladie candidate pour l’ETP car elle concerne des
patients suivis en ambulatoire en consultation. Le traitement est per os et une
mauvaise compliance peut être responsable d’échecs thérapeutiques, l’espérance
de vie des patients est élevée et les marqueurs moléculaires de réponse aux
traitements sont bien standardisés.
58
Les enjeux sont aussi bien réels : une meilleure gestion des traitements et des
effets secondaires, l’obtention d’une bonne réponse et l’absence de progression de
la médecine.
Cependant, si les bénéfices secondaires de l’ETP dans la LMC semblent
évidents si l’on considère la satisfaction des patients avec une amélioration de leur
compréhension de la maladie voire de leur qualité de vie, l’objectif premier d’un
impact sur l’observance et la qualité de la réponse moléculaire restent à démontrer.
L’Institut de Recherche en Santé Publique (IReSP) s’est d’ailleurs saisi de ce problème
de l’évaluation des programmes d’ETP. Seule cette démonstration d’impact sur le
contrôle de la maladie pourrait argumenter en faveur d’un déploiement large de
l’ETP dans la LMC.
L’ETP n’est aujourd’hui validée par son efficience en santé publique que dans
quelques pathologies tels le diabète, l’asthme ou les coronaropathies. L’ETP en
hématologie et dans le cas précis de la LMC reste donc un sujet de recherche ; elle
doit faire ses preuves en complément de la consultation d’annonce.
►► Un projet d’évaluation de l’ETP
Au vu de ce constat, le Docteur Aude Charbonnier (IPC, Marseille) et moi-même
avons déposé un projet d’évaluation de l’ETP dans la LMC. Il s’agit d’une étude
randomisée comparant après consultation d’annonce, deux groupes de patients
bénéficiant soit d’un programme d’ETP d’emblée au décours du diagnostic, soit
secondairement après 6 à 12 mois de traitement. Les critères d’évaluation portent
sur les différences d’observance et de réponses entre les deux groupes.
Si la consultation d’annonce favorise la rencontre du patient avec l’infirmière
et l’équipe de soins, la prise en charge de la LMC reste encore très centrée sur
l’hématologue.
Nous nous réjouissons que le patient puisse avoir d’autres interlocuteurs non
médicaux comme l’infirmière avec laquelle il peut aborder avec d’autres mots, sa
maladie, son vécu et ses traitements. Cette interactivité favorise sa relation de
confiance avec toute l’équipe.
La LMC doit être désacralisée afin que sa prise en charge devienne plus large et
non assumée par le seul hématologue qui devient en pratique le médecin traitant
du patient. Or l’hématologue doit gérer une augmentation de la prévalence de
cohortes de patients. Un relais avec le médecin de ville est possible, nous devons
faire comprendre qu’il n’y a pas à avoir peur et qu’il est possible de gérer au
quotidien un traitement de la LMC en coordination avec l’hématologue. Un effet
vertueux de l’ETP serait que le patient bien éduqué pourrait tout à fait informer des
enjeux de son traitement et favoriser le lien avec son médecin traitant.
59
Professeur Mauricette Michallet
Professeur des Universités, praticien hospitalier,
le Professeur Mauricette Michallet est chef
de Service d’hématologie clinique au Centre
hospitalier Lyon-Sud. Elle possède une expertise
de plus de trente ans en hématologie
Se projeter dans le futur
QUELLES PERSPECTIVES OUVRENT LES PROGRÈS THÉRAPEUTIQUES ?
Les médicaments actuels procurent ce que l’on pourrait qualifier de perspectives
de guérison, sans que l’on puisse cependant prononcer ce mot de guérison seul
puisque les patients ne sont pas indépendants de leur traitement ni à l’abri d’une
rechute. Mais la publication d’études françaises sur l’arrêt des médicaments
montre qu’un changement de paradigme est réel.
Le suivi des marqueurs moléculaires est essentiel. L’enjeu des traitements
est l’atteinte d’un niveau de réponse élevé signant une réponse complète et une
absence de maladie.
►► Un enjeu à l’avenir : pouvoir prédire quels patients vont rechuter
On observe qu’environ 50% des patients en réponse complète après traitement
par les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) de première génération rechutent. Mais
on ne connaît pas aujourd’hui les facteurs prédictifs. Nous savons que des cellules
souches leucémiques, non quantifiables et quiescentes, peuvent demeurer dans
des sanctuaires que l’on ne sait pas atteindre. Ce sera l’enjeu des thérapeutiques
à venir.
Ce qui doit aider les patients est de savoir que 50 % ne rechuteront pas à l’arrêt
du traitement. Nous restons bien entendu très vigilants, mais le temps passé
sans maladie est le meilleur critère pour conforter la guérison. Il faut rassurer les
patients, les faire vivre le plus normalement possible et profiter de la vie. Nous
constatons malgré tout une évolution psychologique de nos patients, parfois
dominée par des effets secondaires des traitements.
Ces progrès thérapeutiques font aussi évoluer les relations avec les patients.
Nous devons mener une réflexion autour de la notion de guérison. Les avancées
60
récentes apportent de l’espoir aux patients nouvellement diagnostiqués. Mais
n’oublions pas les anciens chez lesquels nous avons exploité toutes les stratégies.
Nous avons un rôle à jouer pour ces cohortes de patients afin de les déchroniciser.
L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques reste un objectif et une attente
forte pour ceux pour lesquels les traitements actuels ne donnent pas de résultats
optimaux. Il y a besoin de travailler sur la notion de guérison en se projetant vers
l’avenir. Certains patients ont une réelle possibilité de guérir mais n’arrivent pourtant
pas à chasser l’idée qu’ils sont et restent des malades.
►► Aller vers une autre façon de gérer la maladie
Les ITK de deuxième et troisième générations apportent une réponse optimale
plus rapide. C’est bien la corrélation de cette réponse complète rapide avec son
maintien à long terme qui valide la perspective d’un arrêt du traitement.
Certains patients savent qu’ils peuvent évoluer vers la chronicité. Ainsi le groupe
Fi-LMC constate que ces patients traités par ITK de première génération peuvent
rester équilibrés sur le long terme ; mais cet inhibiteur, par sa réponse moins rapide,
ne peut rendre envisageable un arrêt de traitement chez tous les patients dans le
futur.
Certains anciens patients parviennent à une réponse moléculaire optimale,
parfois de façon discontinue dans le temps. Ils comprennent qu’ils ne pourront pas
arrêter le traitement mais le vivent bien. D’autres refusent eux-mêmes d’arrêter ;
ayant vécu un miracle avec un ITK de première génération, ils se satisfont tout à fait
de ce bénéfice.
►► Accompagner les patients jeunes
La chronicité est dure à vivre pour les patients jeunes, c’est un vrai problème. Ils
sont obnubilés par les résultats des bilans. Ils demandent si un jour cela va s’arrêter.
Fi-LMC a créé un groupe de travail rassemblant des adolescents, en rapport avec
Jeunes Solidarité Cancer (JSC). L’association doit organiser une Journée nationale des
jeunes touchés par la LMC pour faire remonter leurs attentes et leurs difficultés. Tous
les jeunes ont besoin de guérir et de vivre dans l’indépendance au traitement. Cette
vision est partagée par les cliniciens et les industriels qui s’engagent dans cette voie
de recherche.
►► Prendre soin des patients : l’étude pilote sur la réadaptation
Il s’agit d’une étude menée dans notre centre avec un autre établissement de
santé des Hospices Civils de Lyon (HCL). Elle évalue le bénéfice d’une réadaptation
des patients grâce à une prise en charge spécifique par des kinésithérapeutes experts
et une activité physique adaptée, encadrée par des professeurs de sport. La maladie
crée un besoin qu’il faut prendre en compte. Il ne faut plus ‘’avoir peur de faire’’.
L’image de la LMC a tendance à se banaliser et les traitements paraissent simples.
Il est temps d’aider les patients à prendre soin de leurs corps, notamment, par exemple,
lors de la prise de poids liée à une rétention d’eau dans le cadre d’un traitement par
ITK de première génération. Il faut envisager ces soins d’accompagnement, même si
l’enjeu reste l’arrêt du traitement chez de nombreux patients.
61
►► L’émergence de nouvelles attentes
Nous voyons se manifester chez les nouveaux patients la demande de l’obtention
d’une réponse optimale rapide. Ces patients ne veulent pas envisager quinze
années de traitement ou alors ils accepteraient par défaut un long traitement mais
suivi de façon discontinue. Comment répondre à ces attentes?
Le critère de décision d’arrêt de traitement repose sur la valeur et le suivi
des marqueurs moléculaires. Mais nous ne voulons pas prendre de risques. Hier,
100% des patients évoluaient vers une acutisation en leucémie aigue de leur
maladie, aujourd’hui le taux d’acutisation est de 5%. Nous avons donc progressé
dans la compréhension de la LMC. Mais en attente d’identification des facteurs
déclenchants et de risques réels, il faut savoir mesurer toute la responsabilité que
représente l’arrêt du médicament en cas d’apparition d’une acutisation après l’arrêt
du traitement. Ceci freine la prise de décision d’arrêter. Donc, nous ne l’effectuons
que dans le cadre de protocoles sous haute surveillance.
►► Il y a trois enjeux prioritaires :
•
l’arrêt des traitements pour une majorité de patients ;
• la prise en charge des patients jeunes en leur faisant vivre une réelle
guérison en toute indépendance des traitements. La Journée nationale sera un
événement fort.
• la réhabilitation : cette démarche devrait procurer un nouvel élan vital aux
patients tout en tenant compte de leurs problèmes spécifiques.
QUELS MESSAGES SOUHAITEZ-VOUS TRANSMETTRE AUX PATIENTS, AUX
SOIGNANTS ET AUX DÉCIDEURS DE LA SANTÉ ?
Il faut privilégier la qualité de la relation avec le patient. Le temps de consultation
est court ; pourtant cet espace entre le médecin et son patient est important
et celui-ci en a besoin. La qualité de l’échange est d’autant plus essentielle. Les
infirmiers sont aussi un relais mais les jeunes auraient besoin d’être formés et
accompagnés dans le cadre de groupes de paroles avec les professionnels de santé
afin de pouvoir mieux s’impliquer dans l’accompagnement des patients.
Les patients essaient de montrer qu’ils vont bien, mais si certains franchissent
bien les étapes, d’autres peuvent avoir du mal à faire face à la maladie, décider
eux-mêmes d’arrêter leurs traitements et se fragiliser sur un plan psychologique.
Les médecins veulent les aider mais ils ne peuvent pas tout.
Les nouveaux médicaments ont révolutionné la prise en charge de la LMC et ont
mis en lumière cette pathologie, comparativement à d’autres pathologies aiguës ou
chroniques de la moelle osseuse. Cette mise en avant a bénéficié aux patients mais
ils réclament aujourd’hui encore plus de progrès. Pourtant, nous sommes allés déjà
très loin dans l’information et dans la prise en compte des marqueurs.
Des travaux restent à mener sur des cohortes de patients chroniques et pas
uniquement sur les nouveaux patients. Il faudrait notamment se pencher sur la
culpabilisation à propos de l’observance.
62
Enfin, l’uniformisation des suivis devrait être améliorée (par exemple : la
biologie moléculaire devrait être mieux codifiée.)
On se doit aussi d’interpeller d’autres acteurs de santé, les décideurs, les
payeurs et les politiques sur l’égalité de l’accès aux soins et sur la mise en place de
centres de référence avec accès aux traitements innovants.
63
LES 16
PROPOSITIONS
DE
LMC FRANCE
A
u lendemain des premiers États Généraux
des patients atteints de LMC, et fidèle à ses
engagements envers les participants, LMC France, après
avoir recueilli l’ensemble des propos tenus lors des tables
rondes, ouvre dans les pages suivantes, un espace de
réflexions et de propositions sur l’amélioration de la prise
en charge des personnes atteintes d’une LMC.
RECONNAISSANCE PUBLIQUE DE LA LMC
Proposition 1
Promouvoir la reconnaissance de la LMC
La LMC souffre de la méconnaissance générale du public. La majorité des
médecins n’ont qu’une connaissance partielle et ancienne de cette pathologie,
étant donné sa faible prévalence. Les thérapies ciblées - innovation toute
récente - relèvent d’un domaine de recherche très spécialisé. Enfin, l’usage du
mot « leucémie » renforce le caractère morbide de la maladie. Cela contribue à
fausser dans la société la réalité de la LMC. En dépit de sa gravité, son pronostic
s’est pourtant grandement amélioré ces dernières années grâce aux résultats
de la recherche. Le public assimile malgré tout la LMC à une maladie incurable,
contribuant sans le savoir à une forme d’ostracisme dont sont encore trop souvent
victimes les patients et leurs familles.
Comment appréhender le mot « leucémie » ? Ce terme a un caractère
traumatisant pour les patients et les familles concernées, puisqu’il assimile la
maladie à une courte espérance de vie. La connotation péjorative sur la vie des
patients et sur la sérénité des proches est facile à imaginer. Comment supporter
l’ambivalence qui consiste d’un côté à vivre pratiquement normalement et pendant
longtemps (à condition de suivre régulièrement sa thérapie), et d’un autre à porter
sur ses épaules les effets relatifs d’une stigmatisation sociale engendrés par le mot
« leucémie » ? En l’état actuel des connaissances, la LMC est une leucémie dont le
pronostic est en train d’évoluer de manière positive. Notre espoir est que le terme
« leucémie » acquière un jour un sens nouveau, celui de « guérison possible ».
RECOMMANDATIONS :
LMC France demande de relever le défi médiatique que cette pathologie
représente au plan national, en mettant en œuvre les actions suivantes :
►► organiser la communication sur la LMC destinée, d’une part, à tous les acteurs
de santé, d’autre part, aux autres partenaires impliqués (administration, acteurs
de politique de santé…), concevoir le contenu des messages et un plan de diffusion
adapté ;
►► mettre à jour les informations sur les avancées de la thérapie au moyen de
campagnes médiatiques visant les différents publics concernés.
65
AIDE AUX PATIENTS
Proposition 2
Améliorer les relations entre le patient, ses proches et les
acteurs de santé
En France, pays phare dans la lutte contre le cancer, la LMC est le syndrome
myéloprolifératif le mieux étudié en hématologie. Nous bénéficions d’un niveau
d’excellence inégalé en ce qui concerne la recherche et la prise en charge de la
thérapie. Les infirmiers, médecins et spécialistes oncologues font leur possible pour
prodiguer aux patients les soins les plus qualifiés et pour prendre en considération
leurs attentes et leurs interrogations dans le respect de leur dignité.
Cependant, les patients rapportent de grandes disparités dans l’attitude et
la prise en charge par les praticiens et dans les centres de traitement où ils sont
accueillis. Très souvent sont reprochés l’insuffisance d’explications, le manque
d’écoute et l’emploi de termes techniques en guise de refuge du médecin.
Les patients et leurs proches demandent à bénéficier d’une meilleure qualité
des rapports avec leur médecin généraliste et leur hématologue. Une plus grande
considération à leur égard ne peut que contribuer à une meilleure acceptation
de leur pathologie, une meilleure observance de leur traitement et créer une
disposition d’esprit propice à de bons résultats du traitement.
RECOMMANDATIONS :
►► améliorer la qualité des consultations d’annonce des hématologues ;
►► encourager les hématologues, leurs équipes et les médecins généralistes
chargés d’accueillir et de suivre les patients à adopter une base relationnelle
prenant en considération les interrogations et la personnalité des patients et de
leurs proches ; cette relation amènerait les acteurs de santé à prendre en compte
les patients dans leur globalité dès leur prise en charge (personnalité du sujet, état
civil, engagements socio-économiques, responsabilités professionnelles, mode de
vie, charges de famille qu’il doit assumer, activités culturelles, sportives, etc.) ;
►► faciliter et développer la communication et la rencontre des patients avec les
hématologues spécialistes (aménagement d’horaires, planning, etc.) ;
►► accepter de recevoir en consultation la famille du patient.
66
Proposition 3
Améliorer l’information médicale du patient dans le respect de
la liberté de choix thérapeutique
Dans un grand nombre de cas, l’hématologue expose verbalement à son
patient le type de traitement préconisé à la suite de la confirmation de sa maladie.
Cet exposé oral n’est pas sans soulever des difficultés de compréhension du patient
qui oublie souvent les informations essentielles et ignore les détails des analyses
ou du diagnostic. Il y a cependant des hématologues qui se mettent à la portée
de leurs patients. Ils prennent le temps d’expliquer la nature de leur maladie et
les modalités de mise en œuvre de leur thérapie de manière qu’une relation de
confiance s’instaure entre l’hématologue et le patient.
La loi dispose que la relation médecin-malade intègre l’obligation de
consentement éclairé où le médecin est tenu de présenter clairement au patient
les modalités et les risques de la conduite thérapeutique qu’il préconise, prévisibles
en l’état des connaissances scientifiques. L’information délivrée au patient doit être
complète et compréhensible. La notion du consentement éclairé offre la liberté
au patient de se déterminer à propos du modèle thérapeutique proposé. Il peut
estimer ne pas être suffisamment informé et souhaiter l’obtention d’un autre avis
médical.
Cette notion de consentement éclairé ne saurait souffrir des limites admises
dans le cadre des autres pathologies oncologiques, les procédures thérapeutiques
actuelles de la LMC étant moins lourdes et pouvant être expliquées aux patients
comme n’importe quel autre traitement malgré le caractère technique des
informations. Le concept d’autonomie du malade et de son égalité avec le médecin
devrait opérer pleinement dans le cadre de la LMC.
Nous assistons, avec l’évolution de la chronicité de la LMC, à une mutation du
statut du patient et de celui du spécialiste. L’hématologue est amené à devenir
l’« accompagnateur » de son patient sur plusieurs décennies.
RECOMMANDATIONS :
LMC France recommande :
►► que des dispositions soient prises pour inciter le corps médical à passer, dans
la relation médecin-patient, du modèle « paternaliste » à un modèle respectant
l’autonomie du patient. Dans ce modèle « contractuel », la liberté de décision du
patient, sa capacité de compréhension, son concept personnel de la santé, son
histoire personnelle et sa dignité devraient être respectés ;
►► que soit adopté un protocole d’annonce des résultats d’analyse qui satisfasse
le besoin de compréhension du patient, intégrant des informations détaillées à
propos de l’évolution possible de la maladie, pour lui permettre d’envisager son
avenir sans contrainte et en toute connaissance de cause ;
67
►► que soit adopté et harmonisé au niveau national un livret1 unique à remplir par
le médecin et à remettre au patient, auquel il puisse se référer librement. Ce livret
servirait de parcours de soins, exposant au patient les modalités de sa thérapie.
Il lui permettrait de mettre à jour les informations le concernant sur les divers
aspects de sa thérapie et au médecin de le consulter et de l’enrichir ;
►► rendre disponible la liste des interactions médicamenteuses actualisées,
identifiées par un groupe de travail ad hoc expert de la LMC, constitué de
pharmacologues collaborant avec l’Agence nationale de sécurité du médicament
et des produits de santé (ANSM); ce thesaurus, validé par l’ANSM, serait accessible
à tout médecin et professionnel de santé en rapport avec le patient ;
►► que les moyens mis à la disposition des patients et de leurs proches
(accompagnants) pour communiquer à distance avec leurs médecins traitants
soient plus effectifs (traitement des appels téléphoniques, emails, etc.). Les
demandes d’information des patients devraient être plus rapidement satisfaites.
1. La conception d’un tel livret est actuellement à l’étude dans différents réseaux régionaux de cancérologie.
Sa réalisation sous l’égide d’une instance nationale éviterait toute disparité dans son contenu et son emploi.
Proposition 4
Améliorer le soutien psychologique du patient contre
l’isolement
Alors que la recherche de l’efficacité thérapeutique requiert du médecin toute
son attention d’un point de vue technique, le patient se sent parfois le grand oublié
sur le plan humain.
Si le « savoir écouter » est bien maîtrisé par certains praticiens, il est
malheureusement peu appliqué par de nombreux médecins qui n’accordent pas
assez de temps à un entretien approfondi avec leurs patients, minimisant sans
doute l’importance de la relation médecin-patient. Dans un tel cas, au cabinet ou à
l’hôpital, le dialogue se résume souvent à un double monologue, générant chez le
patient et ses proches un sentiment de frustration, des malentendus, l’isolement
ou le découragement. En prêtant une attention véritable à la détresse du patient,
à ses interrogations, à sa vie, le médecin contribuerait à établir une relation de
confiance durable, propice à une meilleure acceptation du traitement, à une
meilleure qualité de vie, à une meilleure observance pouvant aboutir à un meilleur
traitement de la maladie.
RECOMMANDATIONS :
►► mettre en œuvre auprès des praticiens et des soignants du secteur privé et public
appelés à recevoir et à traiter les patients LMC, une formation psychologique minimale ;
68
►► réduire l’isolement physique et moral du patient pendant son traitement ;
►► fournir un soutien psychologique aux patients lorsque leur hématologue
propose un changement ou un arrêt de leur traitement ; respecter le principe du
consentement éclairé (Proposition 3) ;
►► renforcer l’information des patients et de leurs proches sur l’existence et
l’activité des associations représentatives de leurs intérêts, dont une partie du rôle
consiste à :
• créer et animer des groupes de parole ;
• contribuer à apporter un soutien psychologique à la maison et au travail ;
• aider les patients à rester dans leur cadre de vie ;
• faciliter les rencontres entre patients, par exemple dans des journées
d’information spécifiques à la LMC ;
►► aider les patients à se préparer moralement à leur nouvelle existence après
l’arrêt de leur traitement.
Proposition 5
Améliorer les modalités de la prise en charge, du suivi
thérapeutique, de l’observance, des essais thérapeutiques et
de l’arrêt du traitement du patient
Bien que les avancées obtenues dans les protocoles thérapeutiques de la LMC
apportent de nouvelles perspectives dans le traitement de la maladie, il n’empêche
que la prise en charge du patient reste un acte d’une grande complexité, par la nature
même de cette pathologie. Les décisions thérapeutiques prises dès la confirmation
de la LMC ont des conséquences sur l’évolution de sa santé et de son existence. Il
faut que le patient dispose dès sa prise en charge de la meilleure expertise médicale
possible.
Considérée sous l’angle d’une globalité singulière propre à chaque individu,
la santé de la personne du patient requiert, pour pouvoir bénéficier d’un
traitement efficace, une démarche thérapeutique unique, adaptée à son cas.
Il importe donc d’accorder une attention particulière à chaque sujet qui soit
exempte de tout « stéréotype ».
Il arrive en outre que le patient et son proche (accompagnant) se déplacent en
France ou à l’étranger. Des patients atteints de LMC résident dans les départements
et territoires d’outre-mer. LMC France a constaté un écart important vis-à-vis de la
qualité de l’accueil et des soins en métropole et les autres territoires.
Le domaine des essais thérapeutiques et de l’arrêt du traitement est un autre sujet
délicat et complexe qui exige les garanties de transparence, de sécurité et de qualité.
69
RECOMMANDATIONS :
►► réserver aux patients, dès leur prise en charge et sans délai, l’expertise médicale
la plus qualifiée de la part d’hématologues spécialistes de la LMC, afin de mobiliser
les meilleures conditions de réussite du traitement ; ces experts feraient partie de
ceux qui maintiendraient régulièrement à jour leur niveau de connaissance de la
maladie ;
►► rappeler et renforcer le principe de l’individualisation des soins dans tout le
parcours du patient (voir livret unique du patient, Proposition 3) ;
►► instituer une procédure cohérente de suivi des patients, validée et appliquée
par tous les hématologues (voir livret unique du patient, Proposition 3) ;
►► renforcer la qualité de l’observance des patients et créer des outils pour
l’évaluer ;
►► donner aux patients la possibilité de bénéficier d’essais thérapeutiques où
qu’ils se trouvent sur le territoire français ;
►► veiller à l’application de la règlementation en matière d’essais thérapeutiques ;
►► réduire les inégalités de traitement dues à la disparité géographique des
structures médicales et hospitalières en matière de suivi des patients LMC ;
►► instituer si nécessaire des dispositifs d’accueil et de logement temporaires
facilitant l’accès à une prise en charge de qualité ;
►► mettre en œuvre un système de coordination entre les services sanitaires et
sociaux des départements et territoires d’outre-mer et ceux de la métropole.
Proposition 6
Améliorer le confort de vie du patient avec l’appoint de
thérapeutiques non médicamenteuses
En préambule à son rapport Développement de la prescription de
thérapeutiques non médicamenteuses validées, la Haute autorité de la santé (HAS)
affirme en avril 2011 que « la plupart des autorités scientifiques soulignent les
enjeux de santé publique que représente le suivi de certaines thérapeutiques non
médicamenteuses, en particulier dans le cadre de la prise en charge des maladies
chroniques. »
LMC France connaît chez un certain nombre de patients une demande de
prescriptions complémentaires destinées à soulager leurs souffrances physiques et
morales. Diverses approches thérapeutiques non médicamenteuses pourraient les
aider à faire face à des situations de stress aigu ou chronique, de douleurs physiques
et/ou psychiques ou à des situations sociales éprouvantes. Ces traitements de
support s’avérant complémentaires du traitement médicamenteux, ils pourraient
70
être systématiquement prescrits ou proposés aux patients. Les traitements
incluraient les règles hygiéno-diététiques (régimes diététiques, activités physiques
et sportives, modifications des comportements alimentaires, compléments
alimentaires), les traitements psychologiques, les thérapeutiques physiques
(techniques de rééducation, kinésithérapie, ergothérapie, massothérapie) et
certains autres (kinésiologie, yoga, etc.).
RECOMMANDATIONS :
►► faciliter l’accès à ces thérapies non conventionnelles dans les établissements
de santé publics et privés ; renforcer l’information et l’accès aux soins existants ;
multiplier ces offres en relation avec des professionnels privés accrédités ;
►► donner accès financièrement aux patients à l’offre de soin de certaines
thérapeutiques éprouvées, nécessitant un professionnel spécialisé ;
►► faciliter l’information et l’adhésion des professionnels de santé sur les
thérapeutiques non conventionnelles ;
►► instituer une plateforme de coordination générale qui oriente vers différents
types de soin en fonction des besoins et de la demande des patients LMC.
Proposition 7
Une meilleure prise en compte des effets indésirables des
médicaments
Même si la balance bénéfice/risque est considérée comme favorable, tout
médicament peut provoquer des effets indésirables. Selon l’OMS (Organisation
mondiale de la santé), « les réactions nocives et inattendues aux médicaments
font partie des principales causes de mortalité dans de nombreux pays. » Si des
patients LMC ne souffrent pas d’effets indésirables de leur chimiothérapie ou
les supportent bien, d’autres éprouvent de graves difficultés physiques et/ou
psychologiques imputables à leur traitement. L’importance des effets secondaires
ne peut être négligée. L’authenticité de la plainte des patients à ce sujet ne saurait
être écartée, comme le font un nombre encore trop grand d’hématologues.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de
santé (ANSM) rappelle que les professionnels de santé doivent déclarer
immédiatement tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament
dont ils ont connaissance au Centre régional de pharmacovigilance dont ils
dépendent géographiquement et dont les coordonnées sont disponibles sur le
site internet de l’ANSM1 .
1. Le patient ou ses proches ont la possibilité de leur côté de déclarer un effet indésirable en remplissant un
formulaire disponible sur le site internet de l’ANSM (www.ansm.sante.fr) et en l’envoyant au Centre régional
de pharmacovigilance (CRPV) de leur région. Ce formulaire intitulé « Signalement-patient d’événement(s)
indésirable(s) lié(s) à un médicament » est par ailleurs accessible sur notre site www.lmc-france.fr
71
RECOMMANDATIONS :
►► rappeler le respect de la loi sur le consentement éclairé, permettant l’accès du
patient à une meilleure information de la part de son hématologue sur les risques
des effets indésirables dus au traitement préconisé ;
►► délivrer au patient une brochure informative rappelant les risques des effets
indésirables liés aux médicaments préconisés, les modalités de surveillance et les
règles de leur bonne utilisation, cette brochure pouvant être éditée conjointement
par l’ANSM ;
►► lancer une campagne de sensibilisation des acteurs de santé à propos des effets
indésirables des médicaments entrant dans le traitement de la LMC ;
►► mettre en place un protocole formalisé d’écoute et de recueil des plaintes du
patient ;
►► délivrer aux patients un livret dans lequel ils puissent noter les effets
indésirables ressentis, les informations sur les autres médicaments prescrits par
les autres médecins, les interrogations qu’ils réservent à leur médecin, et tout
autre information susceptible d’intéresser leur hématologue (ce livret fait partie
des recommandations de la Proposition 3) ;
►► offrir une possibilité de surveillance régulière de l’état du patient ;
►► instituer une meilleure coordination entre l’hématologue et les autres médecins
intervenant;
►► demander aux laboratoires de publier à l’intention des praticiens et des patients
une information actualisée et objective des effets indésirables ;
►► renforcer le rôle et la responsabilité des pharmaciens d’officine ;
►► s’orienter sur un système de pharmacovigilance unique en Europe.
Proposition 8
Soutenir la vie professionnelle du patient
Du fait de leur pathologie, les patients atteints de LMC risquent de perdre
leur emploi régulier. Dans le cas où ils ne peuvent plus assumer de responsabilités
professionnelles, ils risquent d’être confrontés à de graves difficultés économiques.
Le patient et son entourage font par ailleurs face à des coûts imprévus : les
accompagnants changent parfois d’activité professionnelle, le patient peut
perdre son autonomie et devoir recourir à des personnels d’accompagnement,
etc. Ces difficultés économiques peuvent s’aggraver si le patient a refusé les
complications administratives et la stigmatisation qui pourraient s’ensuivre d’une
demande d’invalidité. Les patients éprouvent en outre souvent des difficultés à
obtenir une reconnaissance officielle de la maladie ou une pension d’invalidité qui
72
correspondent à une aide financière équitable.
De leur côté, les personnes en rémission de la LMC qui souhaitent reprendre une
vie professionnelle et sociale rencontrent souvent des obstacles. Les informations
prévues par la législation sont souvent méconnues et/ou les dispositions peu
adaptées à leur cas.
RECOMMANDATIONS :
►► inclure dans le programme de soins réservé au patient un volet social prévoyant
un ensemble de mesures d’accompagnement professionnel pour ces personnes,
facilitant l’accès à l’emploi, pendant et après la maladie, la réadaptation et la
réinsertion des patients, en concertation avec les organismes complémentaires
santé et les fonds de prévention des caisses d’assurance maladie ; ce volet social
serait pris en charge en concertation avec la médecine du travail ;
►► adopter des dispositions administratives facilitant la reconnaissance de la LMC
au travail, des aménagements du poste de travail ;
►► adopter des dispositifs de congé longue maladie adapté ; réévaluer le dispositif
de mi-temps thérapeutique pour les patients jeunes, pour leur permettre de
bénéficier d’une pension d’invalidité équitable ;
►► améliorer les dispositifs d’assurance sociale ;
►► améliorer les réponses aux possibles situations de perte d’autonomie
définitives liées à la LMC ; aider les personnes atteintes de LMC et qui présentent
une limitation chronique de leur autonomie à bénéficier des mesures spécifiques
développées pour les personnes handicapées, en fonction de leur âge.
Proposition 9
Améliorer l’accès des patients en rémission aux assurances et
au crédit
Les personnes atteintes de LMC rencontrent des obstacles dans l’accès aux
assurances souvent nécessaires à l’octroi d’un crédit immobilier, professionnel
ou de consommation. Ces difficultés s’opposent à la réalisation des projets de
ces personnes. Les assureurs, qui s’appuient sur des informations obsolètes
au regard des dernières avancées médicales de la LMC, excluent souvent la
pathologie de la garantie exigée par l’établissement de crédit, ou fixent des
surprimes d’un montant élevé. Les patients se voient souvent refuser leur prêt
par l’établissement de crédit.
73
RECOMMANDATIONS :
►► mettre à jour et diffuser auprès des organismes de crédit et d’assurance, et des
médecins conseils des compagnies d’assurance, les informations actualisées sur les
avancées médicales de la LMC ;
►► faciliter l’accès des patients au dispositif de la Convention AERAS (s’Assurer
et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) en assouplissant les modalités
d’acceptation des dossiers (prise en compte du risque invalidité, mutualisation des
surprimes, accès à des garanties alternatives, etc.).
AIDE AUX ACCOMPAGNANTS FAMILIAUX
Proposition 10
Aider les accompagnants par un soutien psychologique
approprié
Le conjoint qui vient en aide au patient peut éprouver autant de difficultés
psychologiques que lui. Étant régulièrement la deuxième victime de la LMC,
il est souvent démuni face au bouleversement de son existence familiale. Les
accompagnants méritent eux-mêmes une aide qui pourrait être étendue à la
famille.
RECOMMANDATIONS :
►► élaborer un dispositif de soutien psychologique des proches (du conjoint, des
enfants et de la famille) et particulièrement de l’accompagnant ;
►► élaborer un dispositif de prise en compte des frais de soutien psychologique ;
►► créer des centres de discussion, d’échanges et de documentation.
74
Proposition 11
Éducation thérapeutique des accompagnants familiaux
Dans la grande majorité des cas, le parent qui prend la responsabilité d’apporter
son aide au malade s’improvise « accompagnant ». Il assume chaque jour un rôle
irremplaçable dans le soutien psychologique du proche, dans l’observance de son
traitement et dans une foule de détails liés de près ou de loin à sa thérapie et à
sa vie. Son dévouement se heurte cependant à un obstacle majeur, ne sachant
pas toujours quels actes accomplir pour se rendre plus efficace. Une éducation
thérapeutique lui permettrait d’acquérir des compétences propres à améliorer la
qualité de son assistance auprès du malade, à réaliser des gestes essentiels liés aux
soins, à prévenir les complications évitables.
RECOMMANDATIONS :
►► élaborer, en concertation avec les autorités de santé en charge de la LMC,
un dispositif d’éducation thérapeutique gratuit des accompagnants ; élaborer un
manuel portant sur cet apprentissage; cette éducation comprendrait aussi les
divers aspects de la vie quotidienne avec le malade ; développer l’aide à l’aidant.
Proposition 12
Valoriser l’engagement des aidants familiaux
Il arrive que l’état physique et/ou psychologique du patient conduise la famille
à prendre des mesures qui sortent de l’ordinaire pour venir en aide au malade. Le
parent peut être amené à mobiliser la majorité de son temps et de son énergie
dans cette responsabilité. Le traitement de la LMC demandant plusieurs années,
l’aidant est confronté à des choix cruciaux qui bouleversent son avenir et celui
de la famille. S’il exerce une activité professionnelle, s’il élève des enfants, il est
parfois contraint de modifier son emploi pour assister le malade. Qu’il soit salarié,
professionnel indépendant, dirigeant de société, il risque en conséquence de
perdre une importante partie de ses revenus, ses droits sociaux (congés, retraites,
chômage, etc.) ainsi que ses opportunités d’évolution de carrière.
RECOMMANDATIONS :
►► qu’une compensation financière soit attribuée à l’aidant ayant modifié son
activité professionnelle, basée sur une partie de son ancienne rémunération ou sur
celle du malade ;
75
►► que les trimestres des aidants qui ont interrompu leur travail pour soutenir un
proche malade soient pris en compte dans le calcul des retraites ;
►► que soient prises des dispositions de soutien économique à l’intention des
parents d’enfants souffrant de LMC, selon le niveau de précarité de la famille.
ACTEURS DE LA SANTE
Proposition 13
Instituer une coordination scientifique pluridisciplinaire et
améliorer la formation des acteurs de santé en LMC
Rares sont les médecins généralistes et les hématologues non spécialistes de
la LMC confrontés à cette maladie. Les spécialistes qui traitent entre plusieurs
dizaines et plusieurs centaines de patients dans l’année possèdent un acquis et
une expérience dont pourraient tirer profit les autres médecins et acteurs de santé
qui ne traitent que quelques cas.
Concernant les patients présentant des polypathologies ou des effets
secondaires graves, les différents acteurs de santé devraient pouvoir se concerter
plus facilement.
Les difficultés rencontrées par les hématologues spécialistes de la LMC
comportent la prise en charge de la maladie réfractaire et celle de très nombreux
effets secondaires.
Chez les patients bons répondeurs, un nouvel objectif thérapeutique est apparu
ces dernières années: l’arrêt du traitement, enjeu individuel et économique de la
prise en charge des LMC.
Un des axes de recherche actuel dans le domaine de la LMC est l’amélioration
des réponses pour atteindre ce but.
RECOMMANDATIONS :
►► harmoniser et améliorer la prise en charge des patients : tous les cas doivent
être discutés et les choix thérapeutiques validés dans la réunion de concertation
multidisciplinaire (RCP) ;
• concernant les choix thérapeutiques des cas difficiles, développer des
réunions entre spécialistes au niveau régional, voire national ;
• concernant la gestion des effets secondaires des traitements, développer
des réunions pluridisciplinaires locales avec, dans chaque ville, des médecins
76
référents dans chaque spécialité ;
►► proposer une formation des acteurs non spécialistes impliqués dans les soins
des patients LMC (médecins généralistes, infirmiers, etc.) et un système de mise à
jour des connaissances ;
►► renforcer le rôle des pharmaciens et encourager leur responsabilisation dans
l’observance au traitement, les éventuelles interactions médicamenteuses et les
séquelles de la LMC ;
►► organiser l’information de référence à l’intention des médecins généralistes,
cadres de santé, infirmiers, pharmaciens, oncologues médicaux, hématologues et
médecins internistes ;
►► sur le plan national, identifier les centres de référence ; leur réseau devrait
couvrir les départements et territoires d’outre mer ;
►► renforcer les échanges d’information entre les acteurs de santé et les
associations de patients LMC.
RECOMMANDATIONS CONCERNANT LES ACTEURS DE SANTE
SPECIALISTES DE LA LMC :
►► développer l’accès à l’éducation thérapeutique du patient ;
►► encourager la formation d’hématologues dans la LMC infantile ; ces pédiatres
spécialistes de la LMC agiraient comme référents auprès de leurs pairs ;
►► créer une délégation ou un transfert des tâches vers les infirmiers pour soulager
la charge des hématologues spécialistes de la LMC qui ont une importante file
active de patients ;
►► coordonner les centres dotés de toutes les technologies modernes de
surveillance de l’hémopathie maligne (biologie moléculaire);
►► faciliter l’intégration aux groupes coopérateurs et/ou faciliter l’information
auprès de ces groupes, afin que les hématologues soient informés des
recommandations de traitements, des développements de la recherche, des essais
cliniques existants ;
►► encourager l’engagement officiel des hématologues
recommandations de l’ELN1 (European LeukemiaNet).
à
suivre
les
1. L’European LeukemiaNet est une organisation subventionnée par l’Union européenne regroupant
des médecins, des scientifiques et des patients concernés par la leucémie. Elle vise à améliorer le
traitement et les connaissances au sujet de la leucémie en Europe et à prôner l’excellence dans ce
domaine.
77
Proposition 14
Désir de grossesse
Le traitement des patientes enceintes souffrant de LMC suscite des débats
dans la communauté scientifique internationale. Des interrogations subsistent à
propos des possibilités d’avoir des enfants lorsqu’une femme est atteinte de LMC,
principalement dues à l’absence d’études prospectives et au manque de recul quant
au devenir des enfants exposés. Par ailleurs, malgré l’absence de toxicités jusqu’à
présent rapportées, l’influence des traitements par ITK sur la spermatogénèse
reste incertaine.
Il est souhaitable, selon le témoignage de plusieurs patientes, de considérer avec
plus de soin la manière avec laquelle les médecins formulent leurs préconisations
aux femmes atteintes de LMC qui attendent un enfant ou qui désirent en avoir un.
On a vu par exemple des généralistes ou des hématologues préconiser l’avortement
à leur patiente alors que des alternatives étaient possibles. LMC France estime que
la jeune femme souffrant de LMC a le droit à une plus grande considération en ce
qui concerne ses projets de procréation.
RECOMMANDATIONS :
►► clarifier d’urgence les recommandations concernant le traitement des patientes
désireuses d’avoir un enfant ou en situation de grossesse.
Proposition 15
Coût du médicament
Le coût du traitement d’un patient s’élève entre 2 000 et 4 000 € par mois
au long cours. Cela pose un réel problème de santé publique, en France où ces
traitements sont pris en charge à 100% par la Sécurité sociale, et dans de nombreux
autres pays où le coût de la thérapie est prohibitif et la rend inaccessible.
Les médicaments génériques sont moins chers que le médicament princeps
(original) mais aucune version générique des ITK de la LMC ne peut être utilisée en
France à l’heure actuelle. Des molécules utilisées dans les thérapies ciblées de la
LMC vont tomber prochainement dans le domaine public. Au nom des patients, LMC
France exercera une vigilance particulière pour que ces médicaments génériques
soient fabriqués selon les règles de l’art.
78
RECOMMANDATIONS :
►► inciter le Comité économique des produits de santé (CEPS), responsable
de la fixation du prix des médicaments remboursables, à réévaluer le prix des
médicaments onéreux liés au traitement de la LMC ;
►► favoriser la production de médicaments génériques à un prix raisonnable pour
la Sécurité sociale ;
►► mener une réflexion à propos de l’équivalence thérapeutique entre la molécule
de référence et la molécule générique de manière à prémunir les patients, non
seulement contre des variations des doses, mais aussi contre d’éventuels effets
indésirables et tout autre risque médicamenteux ; la continuité du même
médicament générique doit être prévue pour éviter les variations de doses lors de
son utilisation ;
►► dans le cas où ne sont pas respectées les règles de bonnes pratiques dans la
fabrication des médicaments génériques anti-LMC, et dans celui où les services de
pharmacovigilance détectent des situations à risques consécutives à la prescription
de ce type de molécules, les autorités de santé devraient aussitôt alerter les
spécialistes de la LMC, les médecins généralistes et les pharmaciens d’officine, et
reconsidérer ce type de prescription.
Proposition 16
Création d’un observatoire de la LMC
Actuellement, les acteurs de santé, les institutions concernées et la société
civile manquent d’informations homogènes sur le plan national relatives à l’état
épidémiologique et à l’évolution de la LMC. Il semble opportun de créer un
observatoire spécialisé dans ce domaine.
Cette structure permettrait de renforcer la surveillance épidémiologique de
ce type de cancer. Les rapports individuels qu’entretiennent quotidiennement
les professionnels de santé avec leurs patients et leurs proches sont de nature
à constituer une source inestimable de données exploitables. L’observatoire
analyserait les conséquences de la maladie sous de nombreux aspects, les
corrélations entre la fréquence de la LMC dans diverses populations et les causes
probables de la pathologie. Il conduirait des études démographiques en relation
avec la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
(Drees), analyserait les difficultés sociales liées à la maladie et suggérerait des
solutions appropriées.
La surveillance épidémiologique de la LMC entrerait dans le cadre plus général
de la surveillance de l’état sanitaire de la population française, confiée à l’Institut
79
de veille sanitaire (InVS). L’observatoire constituerait une aide pour les décideurs
et faciliterait le pilotage et l’évaluation des mesures de prévention et de prise en
charge de la maladie. Il contribuerait à l’élaboration d’un futur « Plan LMC ».
RECOMMANDATIONS :
►► créer un Observatoire de la LMC en s’appuyant sur les données de l’Observatoire
sociétal des cancers créé sous l’égide de la Ligue contre le cancer ;
►► développer les outils permettant à l’Observatoire de se documenter.
80
LMC FRANCE
UNE ASSOCIATION RECONNUE
SUR LE PLAN NATIONAL ET
INTERNATIONAL
A
ssociation reconnue sur le plan national et
international, LMC France a été créée le 5 février
2010 par Mina Daban. Sa vocation est de rassembler les
patients et leurs proches pour les aider dans leur lutte contre
la maladie, de promouvoir l’éducation et la sensibilisation
de tous à la LMC, et de récolter des fonds destinés à soutenir
la recherche et les personnes malades.
LMC France constitue un foyer d’initiatives bénévoles
pour la création d’événements destinés à mieux faire
connaître la LMC. L’Association prend en charge la création
d’œuvres artistiques, la diffusion d’outils d’information,
le recueil de témoignages, l’organisation de réunions
d’information. Elle est à l’origine des États Généraux de la
LMC et de la Journée mondiale de sensibilisation à la LMC.
LES OBJECTIFS DE LMC FRANCE
►► DEVELOPPER
par tous moyens, toutes actions liées à
la leucémie myéloïde chronique.
►► RASSEMBLER
les patients et leurs proches afin de les
aider dans leur lutte contre la maladie à
travers la recherche, l’information et la
formation.
►► PROMOUVOIR l’éducation et la sensibilisation de tous à
la leucémie myéloïde chronique.
►► RECOLTER
des fonds pour le soutien à la recherche
et aux personnes malades.
82
LE CONSEIL SCIENTIFIQUE DE LMC FRANCE
Docteur Aude CHARBONNIER
Département d’Onco-Hématologie,
Institut Paoli Calmettes,
Marseille
Professeur François GUILHOT
Service d’Oncologie hématologique
et de Thérapie cellulaire,
CHU de Poitiers
Professeur François-Xavier MAHON
Laboratoire d’Hématologie,
CHU de Bordeaux
Professeur Mauricette MICHALLET
Service d’Hématologie clinique,
Hôpital Lyon Sud,
Pierre Bénite
Docteur Franck-Emmanuel NICOLINI
Service d’Hématologie clinique,
Hôpital Lyon Sud,
Pierre Bénite
Docteur Delphine REA
Docteur Marie-José ROMERO
Professeur Philippe ROUSSELOT
Hématologue,
Hôpital Saint Louis,
Paris
Médecin généraliste,
Marseille
Service d’Hématologie et d’Oncologie,
Hôpital Mignot,
Versailles
83
UN RESEAU NATIONAL
Plus de 2 000 membres touchés par la leucémie myéloïde chronique et
leurs proches.
La mise en place de relais associatifs dans toute la France.
Un Conseil scientifique de renom qui garantit les informations médicales
diffusées.
Un site internet qui s’est imposé comme une source d’information
fiable et continuellement mis à jour.
Tout au long de l’année, LMC France offre aux personnes atteintes de
LMC et à leurs proches des services de soutien, des groupes de parole
dans toute la France (écoute, droit, social…), un forum.
LMC France crée des outils d’éducation et d’information sur la LMC
destinés aux patients (outils interactifs, vidéos, ouvrage d’information…)
Grâce à la création de manifestations fédératrices, elle soutient et
finance des projets de recherche sur la maladie.
La prise en compte des proches de patients qui sont souvent délaissés.
La mobilisation de ses membres pour la Journée Patients Fi-LMC.
Des partenaires associatifs : Cancer info service, Fi-LMC, Médicalistes,
LMC France fait partie du réseau national CISS, etc.
Des partenaires institutionnels : INSERM, APHM, divers CHU, Institut
Paoli-Calmettes, Le réseau des ERI (Espace Rencontre et d’Information
dédié au cancer) de l’Assistance Publique et de la Ligue contre le cancer,
Cancéropoles, EFS, Réseau Régional de Cancérologie, etc.
LMC France participe à de nombreux meetings, rencontres et
conférences en France et à l’international.
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UN RESEAU EUROPEEN ET INTERNATIONAL
LMC France fait partie de différents groupes d’experts européens.
LMC France fait partie du Comité directeur du réseau international
d’association de patients CML ADVOCATES NETWORK.
En 2011, LMC France lance la «Journée Mondiale de Sensibilisation à la
LMC» et propose la date du 22 Septembre aux pays du monde entier ;
l’engouement général est immédiat.
Cette date est symbolique pour les patients ; elle représente la paire de
chromosomes 22 et 9 impliquée dans le déclenchement de la maladie.
Les associations de patients du monde entier ont répondu présent à
cet appel ; depuis, chaque année, à cette date, des événements voient
le jour sur tous les continents. LMC France coordonne cette action
internationale dans près de 70 pays autour du globe.
En hommage à LMC France, la communauté internationale a adopté
son slogan «Tous unis, tous uniques» dans sa forme Anglophone «All
United, all unique !»
85
Une coccinelle pour Mina
D
e ses propos, on note une inébranlable croyance en l’avenir et une joie
de vivre communicative. Après avoir traversé l’insoutenable, Mina
Daban, Présidente de l’association LMC France, est aujourd’hui pleine d’énergie et
d’enthousiasme.
Le 26 août 2003, le verdict tombe : la fatigue de Mina n’est pas due à son récent
mariage et à sa vie familiale et professionnelle bien remplie, mais à la leucémie
myéloïde chronique.
Son univers bascule brutalement. L’annonce inattendue d’une mort imminente
plonge Mina et ses proches dans l’accablement. Ses projets deviennent obsolètes,
elle ne verra pas grandir ses enfants alors âgés de deux et quatre ans. Elle décide de
leur écrire un livre pour laisser une trace tangible de l’amour qu’elle leur porte, cet
amour qu’ils risquent d’oublier. Elle se prépare tant bien que mal à l’idée de partir.
Mais elle se dit que, par chance, son médecin a vaguement entendu parler d’un
nouveau traitement dont on ne sait encore pas grand-chose. Qu’elle ne risque rien
à essayer de toute façon. Que, par chance toujours, son organisme répond bien au
traitement et qu’elle survit.
A l’entendre parler, on pourrait occulter les prises de sang quotidiennes et les
années de souffrance dues aux effets secondaires du traitement. Elle vit, c’est déjà
beaucoup face à une maladie alors considérée fatale. « Tout le monde s’attendait à
me voir mourir bientôt, et j’ai survécu » ironise-t-elle.
Toutefois, la perplexité et l’incertitude qui planent autour d’elle la poussent à
entreprendre des recherches. Surfer sur internet est l’une des rares choses qu’elle
parvient à faire, clouée sur son lit durant six ans. Mais aucune information sur cette
pathologie si rare et encore si mal connue n’est disponible.
Tout ce qu’elle trouve dans ce qu’elle nomme le « vide sidéral », c’est un
numéro de téléphone, celui d’une association sur la leucémie. Elle appelle un
peu au hasard, faute de mieux. L’association non plus, n’en sait pas davantage sur
la LMC, mais la dirige vers l’Institut Paoli-Calmettes, un centre de lutte contre le
cancer situé à Marseille.
Elle prend rendez-vous, sans y croire. Et pourtant… « J’ai été ressuscitée par les
médecins de l’Institut. On m’accordait des années supplémentaires de vie et mes
questions trouvaient enfin une réponse ! » s’exclame Mina. Elle se souvient avoir
entendu une phrase prononcée par le docteur Aude Charbonnier, son hématologue
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à l’IPC, qui hante encore sa mémoire : « nous allons vieillir ensemble ». Cette phrase
venait de lui redonner un avenir !
Petit à petit, les doses de son traitement ont pu être diminuées, parallèlement
aux effets secondaires. Mais il aura fallu attendre encore quelques années pour
que la recherche découvre une nouvelle molécule, plus efficace et moins délétère.
S’ensuit alors un sentiment étrange. Accepter l’interruption du traitement qui
l’a maintenue en vie toutes ces années a été psychologiquement difficile. « On
finit par lui être attaché, c’est un peu comme le syndrome de Stockholm. On aime
son bourreau sauveur ». Il lui aura fallu six mois pour se résigner à changer de
traitement.
Six mois de réflexion, alors qu’au bout de dix jours de ce nouveau traitement,
elle était debout. Cette ironie lui fera prendre conscience que le « vide sidéral »
doit être comblé. Pour les patients à venir qui, comme elle, vont s’entendre dire
qu’ils vont bientôt mourir, pour les familles qui font le deuil d’un malade qui ne
meurt pas.
C’est ainsi qu’elle crée l’association nationale LMC France en 2010, qui fédère
aujourd’hui plus de 2000 adhérents. Et si elle a choisi une coccinelle comme logo,
c’est parce qu’à l’occasion de sa première sortie, ses enfants lui ont dit : « Regarde
maman, une coccinelle ! Ça te portera chance… »
Dix ans après son diagnostic, Mina suit désormais un protocole d’arrêt du
traitement sous le contrôle de son hématologue.
C’est le formidable message d’espoir de Mina !
« Regarde, maman, une coccinelle !
Ça te portera chance… ».
87
Historique de la LMC
L
,
histoire de la leucémie myéloïde chronique commence en 1845. Cette
année-là, le médecin anglais John Hugues Bennet et le médecin allemand
Rudolph Virchow décrivent, chacun de leur côté, un cas différent de patient
souffrant d’une augmentation anormale de la rate et du foie et présentant un taux
excessif de globules blancs dans le sang. Bennet pense que l’origine de la maladie
est infectieuse. Pour Virchow, le problème se situe au niveau de la moelle osseuse,
siège de la fabrication du sang. Il donne à ce phénomène le nom de « leucémie »,
du grec leukos, « blanc ».
Plus d’un siècle plus tard, en 1960, deux chercheurs américains de l’université
de Philadelphie, Peter Nowell et David Hungerford, découvrent dans la moelle de
patients atteints de maladie du sang la présence d’un chromosome anormal. Leur
découverte est annoncée dans la revue Science.
C’est la première fois qu’une anomalie chromosomique est associée de façon
spécifique à une pathologie hématologique. Mais à cette époque, les techniques de
coloration des chromosomes sont bien moins performantes que celles d’aujourd’hui
et le marquage des chromosomes n’existe pas encore. Il faudra attendre 1970 pour
pouvoir identifier ce chromosome anormal. En attendant, les deux chercheurs le
baptisent « chromosome de Philadelphie ».
En 1973, grâce aux nouvelles techniques de coloration, le Dr Janet Rowley
réussit à Chicago à montrer que cette anomalie résulte d’une « translocation »,
c’est-à-dire d’un échange de fragments génétiques entre un chromosome 9 et un
chromosome 22, lors de la division cellulaire.
Au début des années 1980, les gènes impliqués dans cette translocation sont
identifiés. Sur le chromosome 9, le gène s’appelle « Abelson » et noté « ABL1 » ;
sur le chromosome 22, le gène s’appelle « BCR ». Le gène ABL est très important
puisque c’est sur lui que sera basé le premier traitement ciblé en hématologie. La
protéine produite par le gène ABL est ce que l’on appelle une « protéine tyrosine
kinase », ce qui signifie qu’elle est chargée dans la cellule de capter des groupements
phosphates et de les transférer à d’autres protéines qui en ont besoin pour leur bon
fonctionnement. Pour loger ces groupements phosphates, les tyrosines kinases
possèdent une poche spéciale où se niche le phosphate.
Dans la LMC, l’échange de portions de chromosomes entre les chromosomes
9 et 22 conduit au rapprochement, puis à la fusion des gènes ABL1 et BCR. De ce
fait, la protéine tyrosine kinase ABL1 s’active, s’emballe et capte sans arrêt des
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phosphates, activant à leur tour les autres protéines de façon débridée. C’est le
mécanisme de la LMC.
L’objectif de la recherche est donc d’empêcher cet emballement. En 1998, les
laboratoires Novartis commercialisent un médicament « anti-tyrosine kinase »
qui agit précisément au niveau de la protéine ABL1. En se nichant dans la poche
destinée à recevoir le phosphate, il empêche sa fixation. Ce médicament, l’imatinib
(Glivec), révolutionne le traitement de la LMC. Depuis, d’autres médicaments sont
apparus, en 2006 et 2007 : le dasatinib (Sprycel) des laboratoires Bristol-Myers
Squibb, le nilotinib (Tasigna) des laboratoires Novartis et récemment le bosutinib
(Bosulif) des laboratoires Pfizer ainsi que le ponatinib (Iclusig) des laboratoires
Ariad.
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GLOSSAIRE
Acutisation : passage d’une maladie de l’état chronique à l’état aigu.
Allogreffe de moelle osseuse : prélèvement de moelle osseuse d’un donneur et transplantation
vers la moelle osseuse d’un receveur, le malade. Ce type de greffe nécessite une compatibilité
tissulaire très étroite entre donneur et receveur.
Anomalie génétique acquise : anomalie génétique survenue ou constatée après la
naissance (par opposition à congénitale, transmise par les parents ou survenue au cours du
développement intra-utérin).
Caryotype : examen permettant de repérer les anomalies chromosomiques à partir d’un
échantillon sanguin ou de moelle osseuse.
Cellules souches : les cellules sont les plus petites entités vivantes de l’organisme qui
constituent les tissus et organes du corps humain. Les cellules souches situées dans la moelle
osseuse se multiplient, puis se spécialisent pour former l’ensemble des cellules et éléments
du sang : globules blancs, globules rouges et plaquettes.
Chimiothérapie : traitement à base de médicaments, extraits naturels de végétaux ou de
synthèse. Ils bloquent la multiplication des cellules cancéreuses et entraînent leur destruction.
Une chimiothérapie peut prendre différentes formes : médicaments avalés ou injectés, doses
variables, durée et cycles de prises variables.
Chromosome : support de l’information génétique présent dans toutes les cellules de
l’organisme.
Chromosome Philadelphie 1 ou Ph 1 : petit chromosome de la paire 22 ayant perdu la moitié
de sa substance (délétion de son bras long) ou, le plus souvent, ayant échangé ce segment
contre un autre appartenant au chromosome de la paire 9 (translocation entre les bras longs
des chromosomes des paires 22 et 9). On l’observe dans les cellules de la lignée myéloïde de
la moelle osseuse, au cours de la leucémie myéloïde chronique. Le chromosome Philadelphie
est caractéristique de cette maladie.
Cohorte : groupe d’individus constituant un type particulier d’échantillon statistique, utilisé
notamment dans des études médicales. Cet échantillon consiste en une population choisie
à un moment donné et possédant un caractère particulier (même âge, même pathologie,
même traitement...) et suivie pendant un temps long, en général plusieurs années.
Compliance : voir Observance.
Dormance : phénomène caractérisé par la persistance de cellules leucémiques résiduelles
pendant des périodes prolongées.
Enzyme : protéines particulières qui permettent la réalisation d’un très grand nombre de
réactions chimiques au sein de l’organisme.
Étude (ou essai) multicentrique : essai clinique qui se déroule simultanément dans plusieurs
lieux différents. Ce contexte permet l’étude d’un plus grand échantillon et limite les biais de
sélection géographiques, climatiques ou ethniques.
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Hématologiste : médecin spécialiste qui étudie le sang, les organes hématopoïétiques et
leurs maladies. (Du grec héma, « sang » et logos, « étude de »).
Hémato-oncologie : branche de la médecine consacrée à l’étude et au traitement des
affections hématologiques et des cancers. (Du grec onkos, « masse, tumeur », et -logie,
« étude de »).
Hématopoïétique : adjectif, de hématopoïèse (mécanisme à l’origine de la création et du
renouvellement des cellules sanguines). (Du grec héma, « sang » et poïèse, « action de faire,
création»).
Hémopathie : maladie du sang, qui touche les globules rouges, les leucocytes et les plaquettes.
Imatinib : premier traitement d’un nouveau concept thérapeutique, les thérapies ciblées.
Molécule dont la conformation bloque l’activité de l’enzyme : les cellules malades meurent
car elles étaient devenues dépendantes de l’enzyme, ce qui permet à la moelle osseuse saine
de reprendre son activité de fabrication de globules sains. Ainsi, seules les cellules malades
sont tuées de façon spécifique. Mais les cellules souches « dormantes », malades de la moelle,
ne sont pas sensibles au traitement, et celui-ci doit être donné en continu aux patients pour
éviter une rechute de la LMC. Néanmoins, à lui seul, le traitement permet dans 80% des
cas d’offrir aux patients une espérance de vie semblant identique à celle de la population
générale. Nom : Glivec.
Inhibiteur de tyrosine kinase : la tyrosine est l’un des 20 acides aminés participant à la
synthèse des protéines. Les kinases sont des protéines essentielles à la régulation de la
cellule. Le dysfonctionnement de certaines kinases est à l’origine de nombreux processus de
cancérisation. Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ou ITK) sont de nouveaux médicaments qui
bloquent l’enzyme appelée « tyrosine kinase ». Les ITK utilisés dans le traitement de la LMC
ciblent la tyrosine kinase « bcr-abl » et entraînent la mort des cellules leucémiques.
ITK : voir « Inhibiteur de tyrosine kinase ».
Interféron : protéines produites par les cellules du système immunitaire, en réponse à la
présence d’agents pathogènes et de cellules tumorales. Elles sont utilisées dans le traitement
de maladies virales et en cancérologie. Produit par les leucocytes (globules blancs), l’interféron
alpha est employé dans le traitement de certaines leucémies. (Emprunté à l’anglais interferon,
dérivé du verbe to interfere, « intervenir dans, influencer »).
Interféron pégylé : interféron standard résultant d’une pégylation, c’est-à-dire auquel a été
associé du polyéthylène glycol (PEG) pour le faire durer plus longtemps dans l’organisme.
Lymphome : cancer du système lymphatique qui se développe aux dépens des lymphocytes.
Il est caractérisé par des proliférations cellulaires malignes dans les organes lymphoïdes
secondaires comme la rate, le foie, la moelle osseuse, les ganglions lymphatiques, le thymus
ou les poumons. (Du latin lympha, « eau », suffixe -ome, « pathologie »).
Maladie orpheline : l’appellation « orpheline » traduit l’abandon et le désintérêt dont sont
l’objet des milliers de pathologies en matière de recherche, d’offres thérapeutiques, d’accès
aux soins et aux prises en charge.
Myélogramme : prélèvement et analyse des cellules de la moelle osseuse.
Myéloïde : qui concerne la moelle osseuse ; de la nature de la moelle osseuse. (De myélo-, du
grec muelos « moelle » et -oïde, du grec eïdo « forme, aspect »).
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Observance : façon dont un patient suit les prescriptions médicales et coopère à son
traitement. L’observance est un élément clé du succès d’une thérapie médicamenteuse. Si
la prise rigoureuse des médicaments selon leur horaire établi n’est pas respectée, on parlera
alors d’inobservance, une condition qui peut faire échouer le traitement médicamenteux et
mettre en danger la santé d’un patient.
Oncologie : spécialité médicale s’intéressant aux cancers. Un médecin qui pratique cette
discipline est appelé oncologue (ou cancérologue). (Du grec onkos, « masse, tumeur », et
-logie, « étude de »). Synonymes : carcinologie, cancérologie.
PCR : abréviation de l’expression anglaise « Polymerase Chain Reaction » que l’on traduit
en français par « Réaction en chaîne par polymérase ». C’est une méthode de laboratoire
permettant d’amplifier les gènes pour pouvoir les quantifier. La PCR est un outil de diagnostic
des LMC et un outil de contrôle pour le suivi de leur traitement.
Per os : par voie buccale, relatif à l’administration d’un médicament.
Prévalence : rapport du nombre de cas d’un trouble morbide à l’effectif total d’une population,
sans distinction entre les cas nouveaux et les cas anciens, à un moment ou pendant une
période donnés.
Protéine BCR-ABL : la tyrosine kinase « BCR-ABL » est une protéine anormale issue du
chromosome de Philadelphie qui provoque la production incontrôlée des globules blancs
matures et immatures.
Quiescence : phase durant laquelle la cellule arrête de se diviser et le développement
cellulaire peut s’interrompre. (Du latin quiescens, de quiescere « se reposer, être tranquille »).
Réponse cytogénétique complète (RCgC) : l’analyse cytogénétique ne trouve plus de cellules
porteuses du chromosome Philadelphie dans le sang ou la moelle osseuse.
Réponse hématologique complète (RHC) : la numération formule sanguine est de nouveau
normale et les analyses sanguines montrent qu’il n’y a plus de globules blancs immatures. La
taille de la rate, si elle avait augmenté, est à nouveau normale.
Réponse moléculaire complète (RMC) : le test PCR ne détecte pas de gène BCR-ABL dans le
sang.
Réponse moléculaire majeure (RMM) : le test PCR peut encore détecter le gène BCR-ABL,
mais à un niveau très faible.
Splénomégalie : augmentation du volume de la rate, repérable par palpation.
Thérapie ciblée : traitement ciblant spécifiquement la molécule anormale impliquée dans
la maladie. Dans le cas de la LMC, il s’agit de la tyrosine kinase BCR-ABL. Les inhibiteurs de
tyrosine kinase sont des thérapies ciblées.
Translocation : dans le domaine de la génétique, la translocation de chromosomes est un
échange de matériel chromosomique entre des chromosomes non homologues, c’est-à-dire
n’appartenant pas à la même paire.
92
Remerciements
Danielle C. - Sébastien M. - Brigitte M. - Yves L.
Marie-Paule L. - Marino L. - Hélène L. - Anaïs B. Jérôme A. - Evelyne A. - Marguerite M. Jacques M.
- Fati C. - Mina D. - Stéphane D. - Aurélie D. - Cyril D.
- Nelly C. - Jean-Jacques S. - Joseph G. - Frédérique
G. - Nicole G. - Jean-François G. - Jocelyne G. Julienne R. - Martial G. - Fanjamanara R. - Alain V. Marie-Bénédicte E. - André A. - Odette A. - Sylvette
M. de L. - Catherine M. - Patrick R. - Cloé T. - Cathy
T. - Louis V. - Séverine V. - Liliane B. - Serge R. - Kelly
R. L. - Farid R. L. - Yves C. - Catherine D. - Josette
T. - Angélique A. - Guälord G. - Guillaume de S. A.
- Bernadette M. - Frédéric B. - Marina N. - Tounsia
A. - André D. - Ghislaine Lasseron - Professeur
François Guilhot - Docteur Aude Charbonnier Docteur Delphine Rea - Docteur Franck-Emmanuel
Nicolini - Professeur François-Xavier Mahon Professeur Régis Costello - Professeur Philippe
Rousselot - Professeur Mauricette Michallet -
93
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