Droit des sûretés Dominique Legeais Introduction § 1. Raison d’être des garanties 2. Les risques du crédit. – Un prêteur ne peut se contenter de faire confiance. Il a besoin de garanties car il s’expose à des risques importants. Le premier est celui de l’insolvabilité de son débiteur. Le second risque est celui lié à l’immobilisation de la créance en cas de retard pris par le débiteur pour exécuter son obligation. Avec la crise économique ces risques sont devenus considérables. Or, dans le même temps, il est de plus en plus important pour les particuliers et les entreprises d’avoir accès au crédit. Garanties et crédit forment donc un couple indissociable. Le développement des premières est parallèle à l’essor constant du second. L’utilité des garanties pourrait être moindre si la situation du créancier chirographaire était satisfaisante. Mais tel n’est pas le cas. 3. Sort du créancier chirographaire. – Le sort du créancier chirographaire n’est guère enviable. Il se déduit de l’application de deux dispositions fondamentales : les articles 2284 et 2285 du Code civil. L’article 2284 énonce que « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». Le créancier chirographaire a donc un droit de gage général sur les biens de son débiteur. Il est en droit de saisir tout bien faisant partie du patrimoine pour se faire payer. Mais l’article 2285 énonce que « les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers et [que] le prix s’en distribue entre eux par contribution ». Le créancier chirographaire doit donc subir la loi du « concours » entre les différents créanciers. La situation du créancier chirographaire peut être aggravée si le débiteur est un entrepreneur bénéficiaire de l’insaisissabilité de plein droit de sa résidence principale prévue par l’article L. 526-1 du Code de commerce, s’il a déclaré certains de ses biens insaisissables ou s’il a constitué un patrimoine d’affectation grâce à la fiducie ou au statut de l’EIRL. La protection du créancier chirographaire par le droit commun des obligations est insuffisante. L’action oblique consacrée par l’article 1341-1 du Code civil permet aux créanciers d’exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne. L’action paulienne de l’article 1341-2 du Code civil permet au créancier d’attaquer les actes faits par le débiteur en fraude de ses droits. Si la fraude est établie, l’acte est déclaré inopposable au créancier qui a exercé l’action. Le créancier peut enfin exercer l’action en simulation prévue par l’article 1201 du Code civil. L’action permet de faire rentrer dans le patrimoine du débiteur les biens que ce dernier a fictivement fait sortir de son patrimoine. En aucun cas, ces mécanismes ne confèrent au créancier une cause de préférence. Ils ne font que renforcer son droit de gage général. En raison de ces principes, tout créancier ne peut donc être payé de l’intégralité de sa créance dès lors que la valeur des biens composant le patrimoine de son débiteur est inférieure au montant total de ses engagements. Le créancier normalement diligent a donc intérêt à se faire consentir une garantie s’il n’en bénéficie pas de plein droit. Cependant l’existence de garanties en elle-même est-elle légitime ? 4. Légitimité du droit des garanties. – En apparence tout au moins le droit des garanties semble heurter un principe fondamental de notre droit : celui de l’égalité entre les créanciers. Par hypothèse, en effet, un créancier tente de se faire payer au détriment des autres. Un droit sans garanties pourrait donc sembler plus satisfaisant. Tous les créanciers seraient alors traités également. Cette idée est séduisante mais n’est guère réaliste. Il faudrait en effet que les créanciers qui tirent aujourd’hui le plus grand bénéfice de la situation actuelle (le Trésor, le fisc, l’Urssaf) acceptent de redevenir chirographaires. Les pays qui ont ainsi réussi à faire disparaître les causes de préférence sont peu nombreux. Plus fondamentalement, il a été démontré que le droit des garanties n’est pas véritablement contraire au principe d’égalité entre les créanciers. Ce principe qui sert de justification à beaucoup de règles signifie seulement que les créanciers placés dans la même situation doivent être traités de manière égalitaire. Il n’interdit nullement de réserver un sort différent à des créanciers ayant une situation juridique différente ; il ne s’oppose pas plus à ce que des créanciers soient de simples chirographaires et que d’autres soient titulaires de sûretés. Le recours à des garanties est donc légitime. Encore faut-il que les mécanismes utilisés à cette fin répondent parfaitement aux exigences du crédit. Or, celles-ci sont nombreuses. Toute garantie doit donc être appréciée au regard de différents critères. 5. Critères d’appréciation d’une garantie. – Une garantie n’est pas satisfaisante par le seul fait qu’elle est simple et peu coûteuse à constituer et à mettre en œuvre. Elle ne l’est que si elle préserve les intérêts des créanciers, de leur débiteur et des tiers concernés (qu’il s’agisse d’autres créanciers ou de tiers acquéreurs de biens offerts en garantie). Le droit des sûretés est ainsi toujours à la recherche d’un équilibre délicat à trouver, par exemple entre les intérêts d’une caution et ceux du créancier. La garantie est satisfaisante pour un créancier si elle le protège bien contre le risque d’insolvabilité de son débiteur principal. Le créancier doit donc avoir la certitude de l’emporter sur les autres créanciers susceptibles de venir en concurrence avec lui. La garantie doit aussi le protéger contre le risque d’immobilisation de la créance. Sa mise en œuvre doit donc être rapide. Pour un débiteur, toute garantie est une contrainte. Celle-ci doit cependant demeurer supportable. Le débiteur ne doit donc pas être privé de l’usage des biens nécessaires à son activité professionnelle ou à son habitation. Il est également souhaitable que la constitution de la garantie n’entraîne pour lui aucun gaspillage du crédit. Autrement dit, le propriétaire d’un bien doit pouvoir obtenir un crédit correspondant à la valeur de réalisation de celui-ci. Plusieurs créanciers doivent donc pouvoir se faire consentir des garanties sur un même bien. Les tiers sont également directement concernés par les garanties. En leur qualité de créancier, ils ont tout intérêt à connaître l’existence des garanties consenties par leur débiteur car c’est un indice de sa solvabilité. Lorsqu’ils sont également bénéficiaires de garanties, ils doivent pouvoir connaître l’existence des créanciers ayant des droits concurrents. Aucune garantie ne satisfait l’ensemble de ces exigences. Il faut peut-être y voir l’une des raisons de leur multiplication. Notre droit de garanties reste encore trop marqué par son histoire. Il faut réfléchir à une simplification de notre droit susceptible de le rendre plus efficace, donc plus attractif. § 2. Histoire du droit des garanties 6. Un droit cyclique. – Le droit des garanties s’est développé par strates successives. Il est en effet toujours plus facile pour le législateur de créer de nouvelles garanties que d’en supprimer. Chaque garantie a sa période de gloire. Son utilisation est fonction de la portée qui lui est reconnue à une époque donnée. Des sûretés sont ainsi tombées en désuétude. D’autres connaissent une nouvelle jeunesse. Le droit des garanties est de ce fait en constant renouvellement. La diversité des garanties ne doit cependant pas faire illusion. Les techniques fondamentales permettant à un créancier de se garantir sont en nombre limité. Ces sûretés modèles étaient reconnues en 1804 (A). Le panorama des garanties est par la suite resté longtemps figé avant de connaître un profond bouleversement à l’époque contemporaine (B). A – Les sûretés modèles 7. Importance du droit romain. – Les principales sûretés ont été imaginées ou perfectionnées par les juristes romains. Le constat vaut aussi bien pour les sûretés personnelles que pour les sûretés réelles. Le cautionnement, sûreté personnelle par excellence, est connu du droit romain. La solidarité familiale, très forte à cette époque, permettait de rendre des éléments d’un groupe responsables de la défaillance de l’un d’entre eux. En droit romain, le cautionnement est un service d’ami. Il s’est construit à partir de la fidejussio. Notre droit des sûretés réelles doit également beaucoup au droit romain. Il lui emprunte ses principales institutions. La fiducie semble avoir été la première sûreté réelle à avoir été consacrée. La propriété d’un bien du débiteur est alors transférée à son créancier. Ce dernier s’engage à retransférer la propriété du bien une fois que le débiteur a exécuté son obligation. Cette sûreté présente cependant deux inconvénients majeurs. D’une part, le créancier peut aliéner le bien en méconnaissance des droits du débiteur. D’autre part, la technique du double transfert est assez lourde. Cette garantie primitive allait être remplacée par deux autres sûretés : le gage et l’hypothèque. Le gage, ou « pignus », a été la sûreté la plus utilisée à l’époque romaine. Le débiteur transfère alors à son créancier la simple possession de l’un de ses biens. Il en reste propriétaire. Le débiteur retrouve la possession de son bien une fois qu’il a exécuté son obligation. Le gage peut porter sur un meuble ou un immeuble. Dans ce dernier cas, il est connu sous le nom d’antichrèse. L’exigence de dépossession constitue toutefois une contrainte difficilement supportable lorsque le bien est utile au débiteur. L’hypothèque, à la différence du gage, ne nécessite aucune dépossession. Les juristes romains ont redécouvert cette sûreté d’origine grecque. Elle est utilisée pour les immeubles. Le droit romain a aussi consacré les privilèges qui sont des droits reconnus à certains créanciers en raison de la qualité de leur créance. Le bénéficiaire se voit alors reconnaître un droit de préférence sur l’ensemble des biens de son débiteur ou sur certains d’entre eux. À l’apogée du droit romain, le droit des sûretés, dans ses principales composantes, était donc né. 8. L’Ancien droit. – L’Ancien droit est une période de régression de la technique juridique. Le droit des sûretés n’échappe pas à la règle. Les principales sûretés romaines sont ignorées à l’exception de la plus fruste d’entre elles, la fiducie, qui est à nouveau pratiquée. 9. Le Code civil. – Les rédacteurs du Code civil devaient largement s’inspirer du droit romain, aussi bien pour les dispositions consacrées au cautionnement que pour celles relatives aux sûretés réelles. Seule la fiducie n’est pas consacrée. La technique est en effet considérée comme archaïque. Chacune des sûretés a alors des caractères propres qui en font un modèle. Le cautionnement est la seule sûreté personnelle reconnue. Elle se distingue par le caractère accessoire de l’engagement de la caution. Le nantissement est une sûreté avec dépossession. Lorsqu’il a pour assiette un meuble, il est désigné sous le nom de gage. Lorsqu’il porte sur un immeuble, c’est l’appellation d’antichrèse qui est retenue. L’hypothèque est une sûreté sans dépossession. Elle a pour assiette des immeubles. Enfin, des privilèges sont reconnus par la loi à des créanciers en raison de leur qualité pour la garantie du paiement de certaines créances. B – Évolution contemporaine 10. Tendances contradictoires. – De 1804 à aujourd’hui le droit des garanties s’est profondément transformé. Il est vrai que les facteurs d’évolution sont nombreux. Dans un premier temps, il a fallu tenir compte de l’apparition de nouveaux biens. Puis, des conséquences ont été déduites de l’emprise du droit des procédures collectives sur le droit des sûretés. Aujourd’hui, il apparaît que le système de garanties peut influer sur la distribution du crédit. Ainsi la création de l’hypothèque rechargeable devait favoriser la distribution du crédit à la consommation. Ce fut un échec. Quatre périodes peuvent être distinguées. La première se caractérise par le perfectionnement constant des sûretés modèles consacrées par le Code civil (1). Cette période a semble-t-il pris fin en 1980. À partir de cette date, les sûretés classiques perdirent une part de leurs intérêts pour les créanciers (2) et ceux-ci cherchèrent des garanties de substitution (3). Il en est résulté une régression et un éclatement de notre droit des garanties. À partir de 2006 et en plusieurs étapes, notre droit a été profondément réformé. Il aurait pu et dû l’être encore plus complètement pour le rendre moins complexe et donc plus attractif (4). 1 – Perfectionnement des sûretés modèles 11. Développement des sûretés sans dépossession. – Le perfectionnement des sûretés modèles s’est traduit au cours du xxe siècle par la multiplication des sûretés mobilières sans dépossession. Le législateur a en effet encouragé le développement du crédit nécessaire au financement de biens utilisés par le constituant tel que l’outillage, le matériel ou les véhicules. Des sûretés ont également été créées pour tenir compte de l’apparition des biens incorporels tels le fonds de commerce, ou les droits de propriété industrielle. Les sûretés mobilières qui sont alors créées sont qualifiées par le législateur de gage, d’hypothèque ou de nantissement, ce qui est source de confusion. La qualification retenue ne commande plus nécessairement la soumission à un régime juridique donné. Des hypothèques peuvent ainsi avoir pour assiette des meubles (v. infra, n° 527 et s.). 12. Publicité des sûretés. – La réforme de la publicité foncière intervenue en 1955 a également largement contribué au perfectionnement des sûretés réelles. À cette occasion, le législateur a en effet soumis à publicité des hypothèques et des privilèges qui jusqu’alors étaient occultes. La réforme de la publicité foncière a cependant été une occasion manquée pour refondre l’ensemble de notre droit des sûretés réelles. Le législateur n’a pas soumis l’ensemble des privilèges à publicité. Il n’en a pas profité pour réduire leur nombre. 2 – Phase de déclin des sûretés modèles 13. Crise du cautionnement. – Les années 1980 furent celles d’une désaffection des créanciers pour les sûretés modèles, qu’il s’agisse du cautionnement ou des sûretés réelles classiques. Une crise du cautionnement a ainsi pu être décelée. Pendant une période d’une dizaine d’années, les juges feront en effet preuve d’un excès de bienveillance à l’égard des cautions. Celles-ci s’opposèrent alors quasi systématiquement aux poursuites des créanciers, ce qui était facile en raison des nombreux moyens de défense qui leur étaient reconnus. Les créanciers devaient donc souvent attendre plusieurs années pour obtenir paiement de ce qui leur était dû. Le cautionnement ne les protégeait donc plus du risque d’immobilisation de leurs créances. Par un phénomène de réaction bien compréhensible, les créanciers devaient rechercher des garanties protégeant mieux leurs intérêts. Ils firent alors souscrire par les garants des engagements indépendants leur interdisant par là même de se prévaloir des droits appartenant au débiteur principal (v. infra, n° 333). 14. Le laminage des droits des titulaires de sûretés réelles. – Les sûretés réelles modèles furent quant à elles gravement affectées par l’évolution du droit des procédures collectives. Pendant longtemps, le droit des procédures collectives a eu pour seule fonction un règlement collectif et organisé des créanciers. Mais, depuis 1967, il doit aussi favoriser la survie des entreprises en difficultés. Cette finalité est même clairement affirmée par l’article 1 de la loi du 25 janvier 1985. Pour réaliser cet objectif, le législateur impose des sacrifices aux créanciers, qu’ils soient ou non titulaires de sûretés. Les créanciers doivent accepter des remises, consentir des délais. Ils sont soumis au principe de la suspension des poursuites individuelles, ce qui leur interdit de mettre en jeu leur sûreté. La loi de 1985 a ainsi réalisé une véritable traque des sûretés classiques. Dans une moindre mesure, la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement des particuliers a eu les mêmes effets. Ces lois récentes ne limitaient cependant que les prérogatives des titulaires de sûretés modèles, qu’il s’agisse de gages, d’hypothèques ou de privilèges. Rien n’interdisait donc aux créanciers de rechercher d’autres garanties. Ils n’allaient pas s’en priver. 3 – Recherche de garanties de substitution 15. Foisonnement des garanties. – Qu’il s’agisse de garanties personnelles ou de garanties réelles, la quête de garanties de substitution aux sûretés modèles devait se révéler fort riche . Pour remplacer le cautionnement, les créanciers devaient rechercher ou imaginer des mécanismes leur conférant un droit contre le garant plus fort que celui susceptible d’être exercé contre la caution. La délégation imparfaite, l’engagement solidaire, les garanties indépendantes satisfont cette exigence. Dans tous ces cas, le garant est privé du droit d’opposer au créancier les exceptions dont peut se prévaloir le débiteur principal. Des solutions de substitution aux sûretés réelles classiques furent aussi trouvées grâce au droit de rétention, à la réserve de propriété, et à l’aliénation fiduciaire. Toutes ces garanties ont un point commun. Le créancier se réserve la possession ou la propriété d’un bien, ce qui lui permet d’éviter les conséquences de l’ouverture d’une procédure collective. Il a ainsi l’assurance d’être payé, n’ayant pas à craindre la concurrence avec d’autres créanciers. Cette recherche de mécanismes conférant aux créanciers une situation d’exclusivité est une des caractéristiques majeures de l’évolution contemporaine du droit des garanties. Le droit de propriété peut ainsi apparaître comme la reine des sûretés alors que ce rôle a été dévolu à l’hypothèque puis au cautionnement. Le développement de ces garanties de substitution a largement contribué au renouvellement du droit des sûretés. Il est également un facteur de complexité et d’incertitude. L’apparition d’une garantie nouvelle suscite en effet toujours des difficultés. Il faut rechercher ce qui la distingue des autres sûretés, ce qui pose un problème de qualification. Ensuite, il convient de s’interroger sur la validité de la technique utilisée. Les solutions de substitution sont en effet imaginées dans le seul but de faire échec aux principes gouvernant les sûretés traditionnelles jugés trop protecteurs des intérêts du débiteur. Enfin, le régime même de la garantie doit souvent être précisé. Un tel développement des garanties de substitution ne pouvait cependant se poursuivre sans limites. Toute la politique légale et jurisprudentielle de protection des cautions et des entreprises se trouvait mise en échec. Une réaction légale et jurisprudentielle était donc inévitable pour réhabiliter les sûretés classiques. 4 – Réforme du droit des garanties 16. Processus de réforme. – La réforme du droit des garanties s’imposait. Le droit français était devenu trop complexe, peu lisible. Son éclatement entre divers codes le rendait difficilement accessible. Il ne répondait plus toujours à l’attente des créanciers. La réforme s’est toutefois opérée dans le plus grand désordre et par réformes successives, la dernière en date étant celle du 15 septembre 2021. Une première source d’évolution a été l’importante loi du 26 juillet 2005 réformant le droit des procédures collectives. Ce texte a modifié notablement les règles de poursuite des garants d’une entreprise en difficultés. Il est cependant tout à fait regrettable que le législateur ait choisi de dissocier la réforme du droit des sûretés de celle du droit des procédures collectives. Une occasion unique a ainsi été manquée de conférer une cohérence à l’ensemble du droit français du crédit. Le deuxième facteur d’évolution a été constitué par la réforme du droit des sûretés. Celle-ci ne s’est pas elle non plus réalisée dans les meilleures conditions. Dans un premier temps, par une loi en date du 1er août 2003 dite loi Dutreil, le législateur a profondément réformé le cautionnement en introduisant dans le Code de la consommation un ensemble de dispositions qui constituaient un second droit commun du cautionnement. Une première véritable réforme a été réalisée par l’ordonnance en date du 23 mars 2006 ratifiée par la loi du 20 février 2007 (art. 10). Un groupe d’experts avait alors été constitué sous la présidence de Michel Grimaldi. Il avait pour vocation de réformer l’ensemble des sûretés. Un projet de refonte du Code civil a été présenté. Il était initialement prévu que le gouvernement se fasse habiliter à le transposer par voie d’ordonnance. Le parlement saisi a considéré que le cautionnement et les privilèges étaient des matières qui ne pouvaient être déléguées sans contrôle au gouvernement. La loi d’habilitation en date du 26 juillet 2005 devait ainsi interdire une réforme d’ensemble du droit des sûretés. Comparée au projet initial, la réforme réalisée a un domaine considérablement réduit. Le droit des sûretés personnelles est absent, à l’exception de la définition de la lettre d’intention et de la garantie autonome. Beaucoup des dispositions qui auraient pu constituer un embryon de théorie générale des sûretés ont disparu. Comme il avait été prévu, la réforme ne concerne que le droit civil, ce qui laisse de côté les très nombreuses sûretés spéciales du Code de commerce et des autres codes. La réforme réalisée ne répondait ainsi que partiellement à l’attente des praticiens. Certes, le nouveau droit des sûretés était recodifié et il était présenté de manière plus claire dans le Code civil dans un nouveau livre IV consacré aux sûretés et composé des articles 2284 et suivants. De même, le gage et le nantissement ont été largement perfectionnés. Cependant, le travail de simplification de notre droit des sûretés réelles n’a pas été entrepris. De nouvelles sûretés s’ajoutaient aux précédentes. Comme par le passé, pour connaître le droit français, il fallait consulter au moins quatre codes : le Code civil, le Code de la consommation, le Code de commerce et le Code monétaire et financier. Ainsi réalisée, la réforme ne permettait pas de constituer le modèle de référence pour des systèmes étrangers, alors que telle était pourtant l’ambition initiale. La réforme était dès lors inachevée. Une nouvelle loi était ainsi nécessaire pour réformer le cautionnement, les privilèges, et supprimer beaucoup de gages sans dépossession. Les travaux menés au plan européen pouvaient constituer une nouvelle source d’inspiration. Le nouveau droit OHADA des sûretés pouvait aussi constituer un modèle. Une évolution significative devait résulter de l’introduction de la fiducie-sûreté en droit français. Il a fallu plusieurs textes pour y parvenir dont la loi du 19 février 2007 introduisant la fiducie en droit des biens et l’ordonnance du 30 janvier 2009 précisant le régime de la fiducie-sûreté. 17. La réforme réalisée par l’ordonnance en date du 15 septembre 2021. – La réforme réalisée en 2006 étant partielle, une nouvelle réforme d’envergure a très vite été envisagée. Des propositions ont été formulées par la doctrine. Le Groupe Grimaldi s’est remis au travail et l’Association Capitant a proposé un projet de réforme de grande ampleur. Ce projet a fait l’objet de très nombreux colloques. Toutes les options ont ainsi pu être discutées. C’est la loi Pacte du 22 mai 2019 en son article 60 qui devait donner le coup d’envoi décisif au processus de réforme. La loi autorise en effet le gouvernement à reformer le droit des sûretés par voie d’ordonnance. Une liste très large des sujets susceptibles d’être traités est annexée. Le processus de réforme devait cependant s’avérer plus complexe que prévu. En effet, le législateur a choisi, ce qui est une première historique, de réformer ensemble le droit des sûretés et le droit des procédures collectives. Il est vrai que la réforme du droit des procédures collectives était aussi urgente afin de transposer la directive européenne relative aux procédures d’insolvabilité. Il faut se réjouir d’une telle réforme globale. Mais cela a rendu délicate la réforme dans la mesure où les intérêts des créanciers et ceux de l’entreprise en procédure collective sont souvent contradictoires. La réforme est plus ambitieuse que la précédente dans la mesure où, cette fois, toutes les sûretés sont affectées. Le cautionnement qui n’avait pas été concerné est transformé en profondeur. La réforme du cautionnement faisait l’objet d’un relatif consensus doctrinal. Chacun s’accordait en effet sur la nécessité de la réforme, sur la nécessité d’un retour du droit commun du cautionnement dans le Code civil. Le même consensus doctrinal n’existait pas pour le droit des sûretés réelles. Deux doctrines coexistaient. Pour les uns, il fallait conserver la tradition française de la diversité des sûretés. Ce choix conduit à multiplier les sûretés pour tenir compte de la spécificité de chaque bien. L’autre choix, beaucoup plus radical, consistait à adopter une conception fonctionnelle et unitaire de la sûreté. Une même sûreté pouvait alors avoir pour assiette tout type de bien. Le droit américain et des systèmes juridiques européens consacrent cette option. Comme le suggérait le projet Capitant, la réforme retient la première option, fidèle à la tradition française. À la suite de cette nouvelle réforme, le droit français continue de consacrer un très grand nombre de variétés de sûretés. Elles se distinguent souvent de manière mineure les unes des autres. Le droit des procédures collectives atténue aussi souvent beaucoup les différences existant entre elles. Il eût sans doute été préférable, plutôt que de privilégier la concurrence entre sûretés, de conserver quelques sûretés modèles bien identifiées. Le droit français aurait alors pu espérer redevenir un système exemplaire, un droit modèle. Notre droit des sûretés va donc demeurer aussi complexe, ce qui est de nature à nuire à son attractivité. § 3. Classification des garanties 18. Diversité des classifications. – Il ne peut exister une seule classification des garanties, les critères de distinction étant trop nombreux. Deux distinctions doivent être éclairées. L’une est traditionnelle. Il s’agit de l’opposition entre sûreté personnelle et sûreté réelle. L’autre est plus récente et ses contours sont plus incertains. Il s’agit alors de distinguer la véritable sûreté de la simple garantie. A – Distinction des sûretés personnelles et des sûretés réelles 19. Critère de distinction. – La distinction entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles est fondamentale. Elle fait écho à l’opposition entre le droit personnel et le droit réel. Une sûreté personnelle fait naître au profit du créancier un droit personnel contre au moins une personne autre que le débiteur principal initial. La garantie peut donner naissance à un engagement accessoire. Le cautionnement en est l’exemple parfait. Mais le garant peut aussi souscrire un engagement indépendant de celui du débiteur principal. Il est alors tenu plus rigoureusement que ce dernier. Toute sûreté personnelle est conventionnelle. L’appellation de cautionnement légal ou judiciaire est en effet trompeuse (v. infra, n° 46). Le titulaire d’une sûreté réelle a un droit sur un ou plusieurs biens de son débiteur. Le plus souvent il s’agit d’un droit réel (v. infra, n° 380). Le créancier est titulaire d’un droit de préférence ou d’un droit de propriété qui s’exerce sur la valeur des biens qui lui sont affectés en garantie. Les sûretés réelles peuvent être mobilières ou immobilières selon qu’elles ont pour assiette un meuble ou un immeuble. Elles peuvent être constituées avec ou sans dépossession, être conventionnelles, légales ou judiciaires. Par leurs régimes, sûretés personnelles et sûretés réelles s’opposent également. Les sûretés personnelles sont sous l’influence du droit des contrats alors que les sûretés réelles sont sous l’influence du droit des biens. Il s’en déduisait que les premières, soumises au principe de la liberté contractuelle, laissaient plus de place à la volonté individuelle que les secondes. Traditionnellement en effet, le droit des biens est fortement marqué par l’ordre public. Cependant, l’évolution contemporaine du droit des garanties révèle un inversement de cette tendance (Ph. Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, Thèse Paris II, 2003, sous la direction de M. Grimaldi). La portée de l’opposition entre sûreté personnelle et sûreté réelle ne doit pas être exagérée . Le créancier bénéficie en effet, dans tous les cas, d’une affectation de biens à son profit. Mais lorsque la sûreté est personnelle, les biens affectés appartiennent à un tiers, le garant, et ce dernier ne subit aucune restriction de pouvoirs sur les biens composant son patrimoine. Après, comme avant la réforme, une sûreté conserve une place à part. Il s’agit du droit de rétention. L’article 2286 du Code civil qui le consacre précède les dispositions consacrées aux sûretés personnelles et réelles. B – Distinction des sûretés et des garanties 20. Intérêts de la distinction. – Aussi surprenant que cela puisse paraître, la notion de sûreté ne s’est imposée que récemment. Le Code civil lui-même ne s’y réfère pratiquement pas. Les mécanismes aujourd’hui qualifiés de sûretés sont alors présentés en même temps que la théorie du droit des obligations ou du droit des biens auxquels ils s’intègrent. C’est essentiellement la doctrine qui a forgé le concept de droit des sûretés pour faire apparaître plus complètement la spécificité de ce type de mécanismes et leur fonction. C’est l’une des raisons pour laquelle le concept est si délicat à définir. C’est ce qui explique aussi la difficulté de forger un droit commun à l’ensemble des sûretés. Il est ainsi souvent plus simple de se référer au concept de garantie qui est moins technique. La distinction entre garanties et sûretés est si récente qu’aucun critère de distinction n’est encore unanimement retenu. Les deux termes sont encore souvent pris l’un pour l’autre. C’est le développement des solutions de substitution aux sûretés modèles qui a imposé la distinction. En effet, dans le Code civil, la qualification de sûreté est réservée à un petit nombre d’institutions. Or, aujourd’hui, les créanciers utilisent à des fins de garantie des mécanismes qui n’ont pas été conçus pour cela ou de pures créations de la pratique. Toutes ces techniques ne sauraient pourtant être assimilées. D’une part, le terme de sûreté a un sens juridique précis qu’il convient de lui conserver. D’autre part, des dispositions ne s’appliquent qu’aux sûretés alors que le domaine d’application d’autres règles est plus étendu (Pour une illustration de l’intérêt de la distinction à propos du droit de rétention, CA Pau, 11 oct. 1994 et CA Aix, 2 mars 1995, RTD civ. 1995, 931, obs. P. Crocq : « Si le droit de rétention est une sûreté, il doit être déclaré conformément à l’article 51 de la loi du 25 janv. 1985 ».). Un critère de distinction est donc nécessaire pour dresser une liste des sûretés et des principales garanties. Il est permis d’hésiter entre des définitions techniques et des définitions fonctionnelles. 21. Définition de la sûreté. – Il est difficile d’adopter une définition englobant l’ensemble des sûretés. Dans le projet de réforme, la définition suivante est proposée : « la sûreté garantit l’exécution d’une ou plusieurs obligations, présentes ou futures ». Ce n’est donc pas une définition très technique de la sûreté qui est proposée. Toute sûreté se caractérise en premier lieu par sa finalité particulière. Elle permet à son bénéficiaire d’échapper à la loi du concours entre les créanciers. La sûreté est donc un avantage qui s’ajoute aux droits que le créancier tient normalement de son droit de gage général, avantage résultant de l’adjonction d’une créance ou d’une affectation particulière d’un bien. La garantie, au contraire, ne tend pas directement au recouvrement de la créance. En deuxième lieu, toute sûreté produit un effet particulier. Sa mise en œuvre a toujours un effet satisfaisant pour le créancier, à savoir l’extinction de sa créance (l’exception d’inexécution ne peut être une sûreté au regard de ce critère). Ensuite, la sûreté est une technique particulière. Elle est ainsi définie par P. Crocq : « La technique de constitution d’une sûreté est l’affectation à la satisfaction du créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine, par l’adjonction aux droits résultant normalement pour lui du contrat de base d’un droit d’agir accessoire à son droit de créance ». De cette définition se dégagent trois éléments fondamentaux. La sûreté confère nécessairement un droit d’agir à son bénéficiaire, c’est-à-dire un droit de poursuivre une personne ou un droit de faire vendre ou de se faire attribuer une chose (le droit de rétention n’est pas au regard de ce critère une véritable sûreté). La sûreté suppose une affectation de biens figurant dans le patrimoine du débiteur principal ou d’un tiers. L’affectation peut avoir un caractère préférentiel ou exclusif (cas du droit de rétention ou de l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie). La sûreté s’inscrit dans un rapport d’accessoire à principal avec la créance qu’elle garantit, ce qui a des conséquences s’agissant de la cession de créance (C. civ., art. 1321) ou de la cession de dette (C. civ., art. 1328-1). Sa source est donc distincte de celle donnant naissance à la créance principale. La sûreté ne peut en conséquence être inhérente au rapport d’obligation (le crédit-bail n’est pour ce motif pas une véritable sûreté). Elle doit toujours pouvoir être constituée postérieurement à la naissance de la créance garantie. 22. Liste des véritables sûretés. – L’un des apports majeurs de l’ordonnance en date du 23 mars 2006 consiste dans la codification de certaines garanties. Pour autant, toute difficulté de qualification ne disparaît pas. Le droit de rétention est désormais défini dans le livre IV du Code civil consacré aux sûretés. Il faut en déduire qu’il s’agit d’une véritable sûreté, même s’il conserve son statut de garantie inclassable ne figurant ni parmi les sûretés réelles ni parmi les sûretés personnelles. La liste des sûretés personnelles s’enrichit par la définition donnée dans le Code civil de la garantie autonome et de la lettre d’intention. La qualification de sûreté de la première ne faisait déjà pas de doute. S’agissant de la lettre d’intention, la doctrine opérait des distinctions. Seules celles qui produisaient des effets comparables à un cautionnement étaient considérées comme des sûretés. La nouvelle rédaction invite à qualifier de sûretés l’ensemble des lettres d’intention, même si cette analyse risque de priver ce mécanisme de son intérêt. La liste des sûretés réelles est également enrichie. En effet, la propriété garantie est consacrée comme sûreté et la fiducie de même que la réserve de propriété qui en constituent les principales applications trouvent leur place dans le Code civil. Alors qu’il était permis d’en douter, la propriété garantie est donc une véritable sûreté. 23. Principales garanties. – Les garanties sont tous les avantages spécifiques à un ou plusieurs créanciers dont la finalité est de suppléer à l’exécution régulière d’une obligation ou d’en prévenir l’inexécution. À la différence de celle de sûreté, la notion de la garantie a donc un caractère fonctionnel. Beaucoup d’institutions ont ainsi une fonction de garantie sans pour autant constituer des sûretés. Certaines d’entre elles peuvent constituer de véritables substituts aux sûretés modèles. Elles feront pour cette raison l’objet de développements particuliers. Tel est le cas de la délégation, de la solidarité, de la promesse de porte-fort. Les garanties les plus nombreuses ne peuvent cependant remplacer totalement les sûretés traditionnelles : soit elles n’offrent pas la même sécurité, soit elles ne peuvent jouer que dans des cas bien déterminés. L’ensemble des garanties est donc assez hétéroclite. Certaines de ces garanties ont une source légale. Les actions directes permettent à leurs titulaires d’obtenir un paiement direct de ce qui leur est dû par le débiteur de leur débiteur. Les actions directes ont une source légale, ce qui les rapproche des privilèges. Cependant les actions directes, de par leurs effets, sont également très proches des voies d’exécution. Leur qualification est donc controversée, un courant de la doctrine les assimilant même à des sûretés. Les entrepreneurs de construction bénéficient d’une garantie contre l’insolvabilité du maître d’ouvrage (C. civ. art. 1799). La vente à réméré peut avoir une fonction de sûreté. La compensation permet l’extinction de deux dettes réciproques, certaines, liquides et exigibles. La compensation peut être légale, judiciaire ou conventionnelle. Sa fonction de garantie est incontestable, mais c’est avant tout un mode simplifié d’extinction des obligation. Les garanties les plus nombreuses sont des créations de la pratique. Les engagements pris par une personne de se substituer à une autre comme caution sont des garanties 44. La convention de ducroire est celle par laquelle une personne appelée ducroire se porte garant vis-à-vis de son cocontractant de la bonne fin d’une opération. La clause de domiciliation est celle par laquelle un bailleur ou un salarié prend l’engagement de faire verser ses loyers ou ses salaires sur un compte bancaire déterminé. Les sûretés négatives sont des clauses contractuelles par lesquelles un débiteur prend des engagements de ne pas faire à l’égard de son créancier pour ne pas compromettre la valeur de son droit de gage. Le débiteur peut ainsi prendre l’engagement de ne pas aliéner un bien, de ne pas constituer de sûreté sur un bien donné. Par la clause pari passu, le débiteur s’engage à ne pas accorder à un autre créancier une sûreté sans proposer au créancier garanti le même avantage. Un créancier peut également se voir conférer un droit de regard sur le patrimoine de son débiteur. L’insaisissabilité peut permettre de constituer une garantie au profit d’un créancier déterminé (C. com., art. L. 526-1). Il suffit pour cela qu’un débiteur y renonce en faveur d’un seul des créanciers. L’intérêt du mécanisme est d’autant plus important que la déclaration est parfaitement opposable à la procédure collective. L’ordonnance en date du 12 mars 2014 en a toutefois limité la portée. D’une part, elle est frappée de nullité obligatoire lorsqu’elle est effectuée après la date de cessation des paiements (C. com., art. L. 632-1, I, 12°). D’autre part, elle relève des nullités facultatives lorsqu’elle est effectuée dans les six mois précédant la cessation des paiements (art. L. 632-1, II). La Cour de cassation a aussi admis la possibilité d’une inscription d’hypothèque judiciaire à titre conservatoire sur le bien 49. La clause de subordination est un acte juridique aux termes duquel les créanciers d’un débiteur commun conviennent entre eux de l’ordre suivant lequel leurs créances respectives seront payées, principalement en cas de faillite du débiteur. Il existe alors des créances prioritaires dites seniors et des créances subordonnées, de rang inférieur, les créances juniors. Par la garantie de passif, le cédant de parts sociales s’engage à garantir le bilan de l’entreprise cédée. Il s’agit d’une garantie relative à son propre engagement qui n’est pour cette raison pas soumise à la formalité du « bon pour » de l’article 1326 du Code civil. Par la clause de maintien de l’emprunt à son rang, le souscripteur s’oblige à octroyer au bénéficiaire des garanties similaires à celles qu’il peut consentir à des tiers. Même si la technique utilisée est fondamentalement différente puisqu’il s’agit de conclure un contrat pour se protéger d’un risque, l’assurance a aussi une fonction de garantie. Tel est tout particulièrement le cas de l’assurance-vie. L’assurance-crédit peut quant à elle apparaître comme une véritable sûreté même si la qualification est discutée. Son particularisme tient au fait que le créancier rémunère l’assureur et que ce dernier peut payer à l’assuré une somme supérieure à la dette garantie. Pour ces raisons, le mécanisme ne serait pas accessoire, ce qui interdirait l’assimilation au cautionnement. La qualification de garantie personnelle est incontestable. La Cour de cassation veille cependant à ce que le concept de garantie ne soit pas appliqué à un trop grand nombre d’institutions. C’est ainsi qu’elle a considéré que l’engagement d’une société qui a pour objet la reprise des biens vendus à un tiers par une autre société, en cas de défaillance de celle-ci, n’était pas une garantie (Cass. com., 18 mars 1997). § 4. Principes communs à l’ensemble des sûretés 24. Existence d’une théorie générale. – Le droit des garanties semble rebelle à toute théorie générale. Il existe pourtant un droit commun du droit des sûretés. La réforme du droit des sûretés réalisée par l’ordonnance en date du 23 mars 2006 aurait pu être l’occasion pour en poser les fondements. Le projet Grimaldi s’était engagé timidement dans cette voie en énonçant des définitions. Le texte définitif est malheureusement beaucoup moins ambitieux. La réforme de 2021 l’est tout autant. Il avait été envisagé d’énoncer des principes directeurs mais la loi Pacte d’habilitation ne l’a pas permis. La première difficulté d’identifier le droit commun tient à ce que le droit des garanties est un droit carrefour qui entretient de nombreux liens avec les principales branches du droit. Ceux l’unissant au droit des procédures collectives ont déjà été soulignés. Le droit des garanties est étroitement lié au droit de l’exécution forcée. Les voies d’exécution constituent en effet le prolongement procédural du droit des garanties. L’importante réforme des procédures d’exécution intervenue le 9 juillet 1991 a révélé la communauté unissant ces deux corps de règles. Dans les deux cas, des institutions ont pour but de satisfaire le créancier. Les mesures conservatoires ont même une nature mixte. Le droit des garanties trouve ses racines dans le droit des contrats et le droit des biens. Beaucoup de principes issus du droit patrimonial, du droit bancaire ou du droit des sociétés ont également vocation à s’appliquer. Enfin le droit international privé permet de déterminer la loi applicable aux garanties. Le droit des sûretés se trouve ainsi confronté à d’autres corps de règles. C’est son intérêt. C’est également la cause de sa relative complexité. La multiplication des régimes spéciaux est également un obstacle à l’énoncé de principes communs. Le nombre de garanties ne cesse de croître et le législateur semble aujourd’hui être un adepte du « sur-mesure ». Un facteur de confusion supplémentaire tient au fait que les dispositions applicables au droit des sûretés sont éparpillées dans plusieurs codes : Code civil, Code des marchés financiers, Code de commerce, Code de la construction et de l’habitation, Code de la propriété intellectuelle. Malgré ces obstacles, il apparaît possible de dégager quelques principes inspirant l’ensemble de la matière. 25. Existence des principes directeurs. – Dans le projet proposé par le groupe Grimaldi figuraient quelques principes directeurs qui pouvaient constituer un embryon de droit commun des sûretés. Outre quelques définitions, il s’agissait de préciser que, sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie. Il était précisé que la sûreté ne peut procurer au créancier aucun enrichissement. Enfin, il était affirmé que le créancier choisit librement le mode de réalisation de sa sûreté et que s’il est titulaire de plusieurs sûretés il est libre de l’ordre de leur réalisation. Ces principes n’ont pas été repris car la loi d’habilitation ne le permettait pas. Même s’ils ne sont pas consacrés, ces principes semblent incontestables. 26. Soumission au droit des procédures collectives. – La soumission du droit des sûretés au droit des procédures collectives est une constante du droit contemporain. L’article 2287 du Code civil énonce ainsi que « les dispositions du présent livre ne font pas obstacle à l’application des règles prévues en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou encore en cas d’ouverture d’une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers ». Le principe inverse avait pourtant à juste titre été souhaité par les rédacteurs du projet. Il était au moins permis d’espérer une certaine neutralité de ce droit. Or, force est de constater que le droit des procédures collectives commande aujourd’hui les choix essentiels des créanciers. Les garanties personnelles perdent de leur efficacité lorsque s’ouvrent des mesures de prévention des difficultés. Les sûretés comportant un droit de rétention et la propriété-garantie sont avantagées lorsque s’ouvre une procédure collective même si l’ordonnance en date du 18 décembre 2008 introduit une certaine neutralité du droit des procédures collectives en limitant leur portée lorsque la survie de l’entreprise est en jeu. La réforme du 15 septembre 2021 renforce cette évolution. Le cautionnement consenti par une personne physique est ainsi particulièrement affaibli en cas d’ouverture d’une procédure collective. 27. Part respective de la loi et de la liberté contractuelle. – Avant la réforme, le droit des garanties laissait assez peu de place à la liberté contractuelle. Le droit des sûretés réelles était assez rigide. L’ordonnance renforce le rôle attribué aux parties qui ont la possibilité d’introduire des clauses nouvelles. Des prohibitions traditionnelles telles celles du pacte commissoire disparaissent. Assez paradoxalement, la liberté des parties devient moins importante en matière de sûretés personnelles. Le souci de protection des garants tend à l’emporter. De même, la codification de la lettre d’intention et de la garantie autonome pourrait freiner le développement de ces garanties. Compte tenu de cette évolution, l’ordre public doit s’adapter. La forte évolution de la théorie du patrimoine et plus généralement du droit des biens pourrait cependant être un facteur de liberté nouveau. Ainsi, la théorie du numerus clausus des droits réels a été clairement abandonnée. La consécration du patrimoine d’affectation peut aussi justifier des adaptations. Il en va de même de la prise en compte des sûretés étrangères comme l’a révélé l’arrêt Belvédère. 28. La prise en compte de l’évolution technologique. – L’évolution technologique emporte deux séries de conséquences bien différentes. En premier lieu, la technologie est au service des sûretés existantes en en favorisant la constitution. ou l’opposabilité. Le droit des sûretés est nécessairement marqué par le passage de l’époque du papier à celle de l’électronique. Les adaptations concernant l’ensemble des contrats profitent ainsi aux sûretés telles les règles relatives à la preuve électronique. De même, l’acte authentique peut aujourd’hui avoir une forme électronique. Le système hypothécaire s’adapte aussi aux nouvelles technologies avec la possibilité d’inscrire en ligne les hypothèques. La réforme de 2021, modifiant l’article 1175 du Code civil permet la dématérialisation de l’ensemble des sûretés. Toutes les sûretés peuvent être conclues par voie électronique. Des évolutions nouvelles ne sont pas à exclure. La blockchain, par exemple est une technologie qui peut remplacer les registres traditionnels. Elle est consacrée comme technique de formation du nantissement de titres financiers. En second lieu, la technologie est à l’origine de la création de nouveaux biens tels les logiciels ou plus récemment les actifs numériques. Il faut alors se demander si les sûretés existantes sont adaptées ou adaptables ou s’il est nécessaire de créer une sûreté d’un nouveau type, adaptée à la spécificité du nouveau bien. 29. Exigence de bonne foi. – Comme l’ensemble du droit des contrats, les sûretés sont soumises à l’exigence de bonne foi. La réforme du Code civil renforce cette exigence au stade de la formation et de l’exécution du contrat, mais la jurisprudence avait déjà déduit des conséquences de cette exigence. Le créancier, quand il fait souscrire la garantie ou lorsqu’il la met en œuvre, doit tenir compte des intérêts du garant (Cass. 1ère, 1er juin 2016, n° 15-14.914). Un créancier manque ainsi à son devoir de bonne foi s’il se fait consentir des garanties excessives par rapport au patrimoine de son débiteur et au montant de sa créance. Lorsque le législateur français limite la liberté du créancier de se faire consentir un cautionnement solidaire ou d’obtenir d’une caution d’un crédit à la consommation un engagement qui excède ses ressources, il semble se conformer à un tel principe. Il en va de même lorsque le juge contrôle la sûreté inutile c’est-à-dire « celle qui outrepasse la mesure nécessaire au paiement de la créance » (J. Mestre, E. Putman et M. Billiau, op. cit., n° 199 ; S. Piedelièvre, « Le cautionnement excessif », Defrénois, 1998, art. 36836, p. 849 et s.). Du principe de bonne foi, il est aussi permis de déduire la règle selon laquelle le créancier bénéficiaire d’un cautionnement doit s’efforcer de minimiser le préjudice subi par la caution. Il doit ainsi mettre en œuvre les facultés que lui confère sa sûreté réelle sous peine de se voir opposer le bénéfice de subrogation. Le devoir de mise en garde du créancier envers la caution profane peut aussi être rattaché au devoir de contracter de bonne foi. 30. Défiance à l’égard des garanties. – En principe, un créancier a toute liberté pour se faire consentir les garanties qu’il souhaite obtenir du débiteur et pour les mettre en œuvre en cas de défaillance de ce dernier. De même un créancier ne peut se voir imposer la substitution d’une garantie à celle dont il dispose. Une évolution semble pourtant se dessiner, le législateur et le juge sanctionnant les abus aussi bien dans la phase de constitution des garanties que dans celle de leur mise en œuvre. L’article L. 650-1 du Code de commerce sanctionne ainsi la prise de garanties disproportionnées lorsqu’un créancier consent des crédits à une entreprise en difficultés. La théorie de l’abus du droit aurait ainsi en droit des garanties un rôle équivalent à celui qui lui est aujourd’hui reconnu en droit des contrats et dans le droit de l’exécution forcée. Le juge intervient dès lors qu’il apparaît que le créancier a profité de manière excessive de sa qualité. Le législateur lui-même semble vouloir limiter la prise de garanties. Le cautionnement est par exemple interdit dès lors que le bailleur dispose d’une assurance le garantissant des risques de non-remboursement du loyer. La prise de garanties ne doit pas non plus s’avérer une technique permettant de contourner la volonté du législateur d’offrir aux professionnels la possibilité de limiter leur risque. Pour cette raison, en toute logique, le législateur devrait interdire la prise de garanties par l’établissement de crédit finançant l’EIRL. En l’absence de texte prohibant l’interdiction, il semble cependant difficile d’adopter cette analyse. Un conjoint aurait ainsi le droit de se porter caution. Un créancier pourrait aussi se faire consentir une sûreté sur un bien d’un patrimoine autre de celui qui lui est affecté. Implicitement, le ministère adopte cette solution puisque dans une réponse ministérielle, il est précisé que les chefs d’entreprise ont la possibilité de saisir le médiateur du crédit pour le cas où les garanties sur les actifs affectés à l’activité seraient mal appréciées par les organismes de prêt et conduiraient à des demandes de garanties excessives au regard des prêts sollicités (Rép. Min. n° 81762, JOAN Q, 19 oct. 2010, p. 11390, JCP E 2010, 1960). L’intervention de la BPI impose aussi aux banques de limiter leurs exigences en matière de garanties. Cependant, si les sûretés se trouvaient prohibées, il conviendrait d’envisager par les techniques différentes la prise en charge du risque entrepreneurial. Des pistes ont été évoquées tel le cautionnement mutuel ou la prise en charge du risque par la société via des organismes tels Bpifrance (ex-OSEO) ou la SIAGI, filiale de l’assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (OSEO et la SIAGI ont ainsi pris l’engagement de ne prendre que des garanties sur les actifs affectés à l’activité). 31. Portée de la soumission au droit commun des conventions. – Le droit des sûretés, comme l’ensemble des contrats spéciaux est soumis au droit commun des conventions. Il va de soi que toute modification de ce droit commun a des conséquences directes ou indirectes sur le droit spécial. La réforme réalisée du Code civil devrait ainsi avoir des incidences notables. En renforçant le rôle du juge, en introduisant le droit des clauses abusives dans le Code civil, en développant les obligations d’information du créancier, la réforme peut fragiliser le droit des garanties. La disparition de la cause aura moins de conséquences. D’une part, des règles de substitution sont posées. D’autre part, la cause jouait en droit des garanties un rôle pratique limité. 32. Plan de l’ouvrage. – La distinction des garanties personnelles et des garanties réelles s’impose logiquement. Elle est consacrée par l’ordonnance en date du 23 mars 2006 et reprise par celle en date du 15 septembre 2021. Le droit des garanties personnelles se rattache essentiellement au droit des contrats. Une personne s’engage à l’égard du créancier. Deux questions sont alors essentielles : d’une part, dans quelle mesure faut-il protéger ce garant ? D’autre part, en se prévalant du principe de l’autonomie de la volonté, les créanciers peuvent-ils sans limites créer des garanties nouvelles ? Le droit des garanties réelles fait naître des difficultés d’une autre nature. Ce droit se rattache essentiellement au droit des biens. Or celui-ci est traditionnellement plus rigide que celui des contrats. Leur régime a un caractère impératif car c’est la sécurité du commerce juridique qui est en jeu. Le droit des garanties réelles est également beaucoup plus dépendant du droit des procédures collectives que celui des garanties personnelles. Le droit des garanties réelles a dès lors essentiellement pour but d’organiser le classement des créanciers exerçant leur droit de préférence, de prévenir des conflits. Il n’y parvient qu’imparfaitement, tant les règles du jeu sont aujourd’hui complexes. L’étude des garanties personnelles précédera donc celle des garanties réelles. Première partie – Les garanties personnelles 33. Définition. – Les garanties personnelles sont des conventions conférant à un créancier le droit de réclamer le paiement de sa créance à une ou plusieurs personnes autres que le débiteur principal. Il y a adjonction d’une créance au profit du créancier contre le garant. L’avant-projet Grimaldi avait donné de la sûreté personnelle la définition suivante : c’est l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette. Un mécanisme n’est une garantie que si le garant n’est pas lui-même tenu de contribuer à la dette. La garantie personnelle par excellence est le cautionnement. La caution s’engage alors à payer le créancier en cas de défaillance du débiteur. L’engagement de la caution est accessoire par rapport à celui du débiteur principal. L’essor des garanties personnelles est relativement récent. Pendant très longtemps, le crédit a été garanti par des sûretés réelles considérées comme plus protectrices des intérêts des créanciers. Les sûretés personnelles se sont développées en raison de leur souplesse, de leur facilité de mise en œuvre et de leur moindre coût de constitution. Le cautionnement est la seule sûreté personnelle qui soit expressément consacrée par le Code civil de 1804. Aujourd’hui, depuis 2006, le Code civil définit aussi la garantie autonome et la lettre d’intention, expressément qualifiées de sûreté par l’article 2287-1 du Code civil. 34. Multiplication des garanties personnelles. – En application du principe de l’autonomie de la volonté, les parties sont libres d’imaginer des conventions nouvelles. Ce n’est pourtant que depuis cinquante ans environ que des garanties personnelles sont utilisées en remplacement du cautionnement. Jusqu’alors, celui-ci jouait parfaitement son rôle. La sûreté était simple à constituer. Elle protégeait parfaitement le créancier du risque d’insolvabilité et d’immobilisation de sa créance. Les créanciers devaient pourtant se détourner du cautionnement pour trois raisons. Tout d’abord, en raison du caractère accessoire de son engagement, la caution peut se prévaloir de tous les droits reconnus au débiteur contre son créancier. Ensuite, la caution est surprotégée. Enfin, le cautionnement, lorsqu’il est fourni par une société, est soumis à une réglementation jugée trop contraignante (v. infra, n° 123). Les créanciers ont donc recherché des solutions de substitution en utilisant des techniques connues telles que la solidarité, la délégation de créance imparfaite, la promesse de portefort ou en imaginant de nouvelles figures telles la garantie indépendante ou la lettre d’intention. Ces nouvelles garanties, à la différence du cautionnement, sont plus ou moins autonomes. Le garant n’est plus tenu dans la même mesure que le débiteur principal. Il ne peut plus opposer toutes les exceptions appartenant à ce dernier. La multiplication de ces garanties impose des classifications. Une première distinction s’impose désormais. Trois garanties personnelles sont des sûretés alors que les autres ne sont que de simples garanties. Il s’agit du cautionnement, de la garantie autonome et de la lettre d’intention. La qualification de sûreté est importante dans la mesure où il est permis d’en déduire un régime juridique et des règles communes. Force est de constater que tel n’est pas le cas. La qualification de sûreté conférée à la lettre d’intention est ainsi source d’interrogations. D’autres distinctions sont plus controversées. Un courant de la doctrine adopte une présentation bipartite opposant les garanties accessoires aux garanties indépendantes. D’autres auteurs retiennent une classification tripartite en se référant à une nouvelle qualification, celle de garantie indemnitaire, définie comme étant le contrat par lequel une personne (le garant) s’engage d’une manière indépendante à indemniser une autre personne (le bénéficiaire) pour le cas ou celle-ci ne recevrait pas une prestation qui lui a été promise par un tiers . La lettre d’intention et la promesse de porte-fort se rattacheraient à cette catégorie. Mais pour d’autres auteurs, la qualification de garanties indemnitaires ne s’appliquerait pas aux mêmes garanties. Les lettres d’intention et de porte-fort appartiendraient à la catégorie des obligations de faire qui s’oppose aux garanties de payer. Pour ces auteurs, le débiteur d’une garantie indemnitaire ne s’oblige pas à payer la dette d’autrui, ni à faire payer autrui ; il s’oblige à indemniser le créancier en cas d’impayé. La catégorie des garanties indemnitaires comprendrait alors le mandat de crédit (ancêtre du cautionnement qui pourrait être reconnu) et l’assurance-crédit. Dans ce dernier cas, le créancier contracte une assurance contre le dommage constitué par la défaillance de son débiteur. L’assureur, à la différence d’une caution, doit sa propre dette. Malgré ces différences, un rapprochement demeure possible, tout particulièrement lorsque le cautionnement est rémunéré. Pour un auteur, toutes les sûretés personnelles pourraient se rattacher à la délégation. Ainsi le cautionnement est une forme de délégation imparfaite incertaine et la garantie autonome une forme de délégation imparfaite certaine. Il a aussi été proposé d’opposer les obligations en nature et les obligations de somme d’argent comme nouveau critère de classification. Les sûretés portant sur une obligation en nature seraient la lettre d’intention, la convention de ducroire et la promesse de porte-fort. Un renouvellement plus profond a été proposé par J.-D. Pellier. Après avoir montré les limites des classifications traditionnelles, il fonde une distinction à partir de la notion d’obligation en en retenant une conception ternaire. Partant de la solidarité passive, il oppose la co-obligation parfaite et la co-obligation imparfaite. L’analyse est séduisante. Cependant, elle ne peut prospérer que de lege ferenda. C’est la même idée de rattachement au droit des obligations qui inspire le renouvellement de la présentation proposée par T. Revet et F. Zenati-Castaing. Pour ces auteurs, le concept de sûreté récent est inadapté, car trop restrictif. Il faut en revenir à la tradition civiliste française héritée du droit romain et maintenue par beaucoup de systèmes juridiques. Le droit des garanties personnelles est alors une composante à part entière de la théorie des obligations. Les sûretés personnelles ne sont alors qu’une catégorie particulière d’obligations. Il est ainsi possible de distinguer les garanties de faire comme la lettre d’intention et la promesse de porte-fort, les obligations de garantie à caractère accessoire comme les garanties indemnitaires (mandat de crédit et assurance-crédit) et le cautionnement et les obligations indépendantes de garantie comme le constitut, la garantie autonome et la délégation imparfaite. Ce travail de reconstruction doit être salué. Il a le mérite de montrer que les garanties personnelles ont toujours été soumises à la liberté contractuelle et que les catégories ne sont pas figées. La présentation ne correspond cependant pas à celle du Code civil qui est certes imparfaite, mais qui a le mérite d’énoncer des solutions. Il y a trois mécanismes présentés comme de véritables sûretés, le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d’intention. Les autres mécanismes sont des garanties. La refonte du Code civil qui aurait peut-être permis d’en revenir à la conception traditionnelle ne s’engage pas dans cette voie. Les sûretés personnelles ne sont pas rattachées au droit des obligations, mais conservent leur autonomie conceptuelle. La loi sur les procédures collectives est aussi un facteur de confusion dans la mesure où toutes les sûretés personnelles sont traitées à l’identique. 35. Portée des garanties de substitution. – L’avènement de solutions de substitution au cautionnement a profondément modifié le droit des garanties personnelles. Deux évolutions sont particulièrement significatives. Il apparaît en premier lieu que ces garanties ne peuvent être admises sans réserve. Elles sont en effet utilisées dans l’unique but de faire échec à la protection légale et jurisprudentielle des cautions. Pour cette raison, la jurisprudence ne leur est guère favorable. Cette hostilité se traduit soit par la requalification en cautionnement de nombreuses garanties, soit par leur soumission partielle au régime du cautionnement. Le développement des garanties de substitution est en second lieu à l’origine de la réhabilitation du cautionnement. C’est pour éviter que celui-ci ne soit délaissé par les créanciers que les juges font à nouveau preuve de rigueur à l’égard des cautions dirigeantes. La réforme réalisée a en grande partie pour but de rendre le cautionnement plus attractif pour le créancier. 36. Motifs de la réforme. – La réforme réalisée en 2021 reprend en partie les propositions déjà faites en 2006 et non reprises à l’époque. Elle a en réalité plusieurs buts. Tout d’abord, il s’agit de restaurer un droit commun du cautionnement trouvant légitimement sa place dans le Code civil. Les dispositions qui étaient intégrées dans le Code de la consommation ont disparu. Le devoir de mise en garde, création prétorienne, fait l’objet d’un article nouveau dans le Code civil, l’article 2299. Ensuite, il existe une volonté de mettre fin à l’insécurité juridique liée aux difficultés de mise en œuvre de certaines règles ou principes. C’était le cas pour le cautionnement réel, pour le principe du caractère accessoire du cautionnement, pour la mise en œuvre des dispositions relatives aux mentions manuscrites, aux obligations d’information, au bénéfice de subrogation, pour ne prendre que des cas topiques. Enfin, il existe une volonté de tenir compte de certains acquis jurisprudentiels. La protection des cautions s’en trouve-t-elle renforcée ou affaiblie ? Il est difficile de se prononcer. Le non-respect du formalisme ne pourra que très rarement être invoqué. Tel que réformé, le principe de proportionnalité sera peut-être moins favorable même s’il aura vocation à s’appliquer plus souvent. La réforme du droit des procédures collectives est clairement plus favorable aux intérêts des cautions. Comme la demande en avait été formulée, le degré de protection des cautions semble devoir être équivalent. Le cautionnement reste la garantie personnelle par excellence (première sous-partie). Mais d’autres garanties constituent des alternatives possibles à cette sûreté (deuxième sous-partie). Sous partie I : Le Cautionnement 37. Droit commun et régimes spéciaux. – La qualification de sûreté conférée au cautionnement est récente. Mais le mécanisme lui-même est connu de longue date. Il est le résultat de l’évolution de trois techniques de garantie connues du droit romain. À l’origine, une personne acceptait d’être retenue en otage jusqu’au paiement de la dette. Puis par la « sponsio », un tiers à l’obligation, le sponsor promettait en même temps que le débiteur de désintéresser le créancier. Mais c’est la fidejussio qui est l’ancêtre direct du cautionnement. Le fidéjusseur endossait alors les engagements d’autrui comme s’ils avaient été les siens. Le fidéjusseur était tenu d’une obligation propre. Par la suite, la fidejussio est réapparue au xiie siècle. Le Code civil n’a quant à lui repris que le cautionnement au titre des garanties personnelles abandonnant ainsi la diversité des techniques consacrées auparavant. Le cautionnement n’est pas seulement la sûreté personnelle par excellence. C’est aussi l’un des mécanismes juridiques les plus simples qui puisse se concevoir. Pour cette raison, l’institution a traversé les siècles et les frontières. L’article 2288 (ex-art. 2011 du C. civ.) en donne une définition : « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Il peut être souscrit à la demande du débiteur principal ou sans demande de sa part et même à son insu ». Le régime du cautionnement est fixé par les articles 2288 à 2320 du Code civil. Avant la réforme, le droit commun du cautionnement n’avait plus que très partiellement son siège dans le Code civil. Depuis la loi du 1er août 2003 relative à l’initiative économique, beaucoup de dispositions essentielles figuraient dans le Code de la consommation. Elles constituaient un nouveau droit commun du cautionnement puisqu’elles avaient vocation à s’appliquer à tous les cautionnements souscrits par des cautions personnes physiques au profit de créanciers professionnels. La réforme de 2021 a mis fin à cette anomalie. Des dispositions importantes figurent cependant toujours dans d’autres codes tels le Code de commerce et le Code monétaire et financier. Beaucoup des règles applicables au cautionnement se déduisent de la théorie générale du contrat et de la responsabilité. La jurisprudence joue aussi un rôle essentiel dans l’évolution du régime de la garantie. Il existe ainsi une grande diversité de cautionnements soumis à des règles distinctes. Une telle balkanisation du cautionnement présente plus d’inconvénients que d’avantages. La règle applicable est souvent difficile à déterminer. L’articulation entre le droit commun et les régimes spéciaux est souvent ellemême problématique. 38. Essor du cautionnement. – Il est facile de comprendre l’intérêt des créanciers pour cette garantie. Le cautionnement n’a pas, à la différence de l’hypothèque, à être constaté par acte authentique. Elle peut l’être par voie électronique. La sûreté est donc facile à constituer et est peu coûteuse. Le cautionnement protège efficacement contre le risque d’insolvabilité du débiteur puisque le créancier ajoute à son droit contre le débiteur principal un droit contre un tiers en principe solvable. Ces qualités du cautionnement expliquent son développement constant depuis les années 1950. Le cautionnement est de plus en plus systématiquement exigé. Les prêts consentis aux particuliers et aux entreprises sont ainsi souvent cautionnés. En imposant quasi systématiquement aux dirigeants de cautionner les dettes de leurs entreprises, les banques ont trouvé le moyen de faire échec au principe de la limitation de la responsabilité des associés de SA ou SARL au montant de leurs apports. Le législateur lui-même favorise le développement de l’institution en imposant la fourniture de cautionnements à certains professionnels (v. infra, n° 83). Un dernier facteur de développement tient au rôle de certains établissements, tels Bpifrance, qui fournissent des cautionnements pour le compte de personnes souhaitant obtenir du crédit. Seul, le développement de l’assurance peut constituer un frein. Ce n’est donc pas un hasard si l’assurance-crédit est par exemple qualifiée de sûreté personnelle. En se banalisant, le cautionnement s’est cependant transformé. 39. Évolution contemporaine. – La pratique du cautionnement éclaire son évolution contemporaine. À l’origine, le cautionnement était un service d’ami. Ce n’est plus vrai aujourd’hui dans la majorité des cas. Le dirigeant se porte ainsi caution pour permettre à son entreprise d’obtenir les financements nécessaires. Le cautionnement tend même à devenir un service bancaire comme un autre. De plus en plus souvent, des établissements de crédit ou des établissements spécialisés se portent caution pour le compte de leurs clients ou de leurs adhérents. Le cautionnement est alors rémunéré. Le cautionnement est de plus en plus consenti au profit d’un établissement de crédit. C’est alors un contrat d’adhésion, la caution n’étant pas en mesure d’imposer ses conditions. Cette banalisation de la garantie explique l’évolution jurisprudentielle et légale contemporaine du cautionnement. En premier lieu, en tant que convention, le cautionnement est concerné par les évolutions affectant le droit des contrats en général. Il n’est dès lors pas surprenant de constater la prise en compte croissante du devoir de bonne foi ou la consécration du devoir de mise en garde à la charge du créancier. De même, le cautionnement subit l’influence croissante du droit de la consommation. L’interventionnisme croissant du législateur tend progressivement à réduire la place de la volonté individuelle en ce domaine. En second lieu, une évolution spécifique au droit du cautionnement peut être constatée. Celleci se caractérise par la recherche qui s’avère délicate d’un équilibre entre les intérêts en présence. D’un côté, il apparaît nécessaire que soit assurée la protection des cautions car le cautionnement est un acte particulièrement dangereux. D’un autre côté, il est tout aussi évident qu’un excès de protection des garants conduit les créanciers à se détourner de cette garantie. La protection des cautions doit donc être sélective et correctement dosée. La juste mesure semble difficile à trouver, ce dont témoigne l’évolution jurisprudentielle et légale la plus récente. 40. Plan. – Le cautionnement obéit à deux séries de règles. Les premières s’appliquent quel que soit le dénouement de la garantie. C’est le régime du contrat de cautionnement lui-même qui est alors précisé qu’il s’agisse de sa formation, de son étendue ou de ses causes d’extinction. Les secondes ne s’appliquent que si le débiteur est défaillant. Le cautionnement joue alors véritablement son rôle de sûreté. Des règles précisent dans ce cas à quelles conditions la caution peut être poursuivie, quels sont ses moyens de défense et ses recours. L’étude du contrat de cautionnement (titre 1) précédera donc celle de sa mise en œuvre (titre 2). Titre I – Le contrat de cautionnement 41. Énoncé. – Le cautionnement est une sûreté qui a des caractères principaux qui la distinguent fondamentalement des autres garanties personnelles. La notion de cautionnement doit donc être précisée (chapitre 1). Le cautionnement est soumis à deux séries de dispositions. Celles applicables à l’ensemble des conventions et celles propres à cette garantie. C’est en les combinant qu’il est possible de déterminer quelles sont ses conditions de formation (chapitre 2), et d’extinction (chapitre 3). Chapitre 1 : Notion de cautionnement 42. Définition. – Le cautionnement est défini par l’article 2288 du Code civil : « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Il peut être souscrit à la demande du débiteur principal ou sans demande de sa part ou même à son insu ». Avant la réforme, la définition était la suivante « Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ». La nouvelle définition vise à clarifier la notion en faisant expressément mention du caractère conventionnel du lien qui unit la caution au créancier, du caractère unilatéral de ce contrat et du fait que le débiteur est un tiers à celui-ci. Cette définition permet de dégager les caractères essentiels de cette sûreté (section 1). Tous les cautionnements ne se ressemblent pourtant pas. Les règles énoncées dans le Code civil ont le plus souvent un caractère supplétif et les parties font un large usage de la liberté qui leur est reconnue. La diversité des cautionnements souscrits impose des classifications (section 2). Section I – Caractères essentiels du cautionnement 43. Atténuation des caractères essentiels. – Tout cautionnement est une convention unilatérale (§ 1) et accessoire (§ 2). § 1. Une convention unilatérale 44. Le cautionnement est une convention unissant le créancier à la caution (A). Cette convention a un caractère unilatéral puisque seule la caution s’engage à titre principal (B). A – Le cautionnement est une convention 45. Portée du principe. – Le cautionnement trouve toujours sa source dans une convention unissant la caution et le créancier. L’existence de cautionnements légaux ou judiciaires ne fait pas exception à la règle. Cette convention a un caractère consensuel et elle est dépourvue d’intuitu personae. Ces différents caractères méritent d’être éclairés (1). Pour l’application d’un nombre croissant de règles, il est tenu compte de la qualité et de la compétence des parties au contrat. Une typologie des créanciers et des cautions peut même être présentée (2). Le débiteur principal n’est donc qu’un tiers à la convention. Cependant il est au centre de l’institution. C’est lui qui généralement sollicite la caution. En raison du caractère accessoire de son engagement, la caution est également investie des droits appartenant au débiteur principal. Enfin, pour l’application de certaines règles le législateur tient compte de la qualité de ce tiers intéressé (3). 1 – Caractères de la convention conclue entre le créancier et la caution 46. Caractère conventionnel du cautionnement. – Le principe du caractère conventionnel du cautionnement a une portée absolue. Il ne reçoit aucune exception même si la question peut se poser avec la création de l’EIRL. Ne peut-on pas analyser le cautionnement comme un rapport entre trois patrimoines et non comme un rapport entre trois personnes ? Dans une vision plus objective et moins personnaliste, la sûreté personnelle pourrait être envisagée comme l’affectation d’un autre patrimoine que celui du débiteur à la garantie d’une dette, peu important qu’une seule personne soit titulaire des deux patrimoines en cause. Une telle analyse se heurte cependant à deux obstacles. D’une part, notre droit du cautionnement est conçu comme étant une opération à trois personnes et il serait difficile d’adapter sans nouveau texte le droit du cautionnement à cette nouvelle conception. D’autre part, il faudrait admettre que l’entrepreneur individuel puisse renoncer au cloisonnement des patrimoines en faveur d’un créancier déterminé. La convention unit en principe le créancier et la caution. Pour cette raison, l’engagement pris par le cessionnaire des titres de l’associé-caution de reprendre les garanties souscrites par le cédant n’est pas un cautionnement, faute d’accord avec le créancier (Cass. com., 1er avr. 1997). Cependant, la qualification de cautionnement est souvent artificiellement donnée à des conventions souscrites par le débiteur au profit d’un tiers. Le consentement du débiteur principal n’est pas exigé même si ce dernier est directement concerné puisque le cautionnement est conclu dans son intérêt. C’est ce qu’énonce désormais l’article 2288 al. 2 stipulant que « le cautionnement peut être souscrit à la demande du débiteur ou encore à son insu ». Le cautionnement n’est donc pas une opération triangulaire comme la délégation ou la stipulation pour autrui. Les principes communs à l’ensemble des conventions s’appliquent au cautionnement. Le cautionnement conserve son caractère conventionnel même s’il est légal ou judiciaire. Il est légal lorsque la loi subordonne l’exercice d’un droit à la fourniture d’une caution ( C. civ., art. 2289). Le cautionnement judiciaire est ainsi défini par l’article 2289 : « Lorsque la loi confère au juge le pouvoir de subordonner la satisfaction d’une demande à la fourniture d’une caution, il est dit judiciaire ». Lorsque le législateur ou le juge imposent la fourniture de cautionnements, celui qui y est tenu doit trouver une caution qui souscrit bien alors un contrat de cautionnement. Le domaine du cautionnement légal ou judiciaire ne cesse de s’étendre. Cela est vrai du cautionnement légal. Des dispositions de plus en plus nombreuses imposent la fourniture d’un tel cautionnement. Les articles 601 et 626 du Code civil font ainsi obligation à l’usufruitier ou au bénéficiaire d’un droit d’usage et d’habitation de fournir caution. L’entrepreneur principal doit fournir un cautionnement pour garantir le paiement des sommes dues à ses sous-traitants lorsqu’il entend céder l’intégralité de sa créance contre le débiteur principal. De même, le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues (C. civ., art. 1799-1). La garantie peut être constituée par un cautionnement solidaire fourni par un établissement de crédit ou un organisme d’assurances. Le débiteur qui doit fournir une caution a souvent la possibilité de constituer une autre sûreté. L’article 2301 du Code civil prévoit ainsi que le débiteur puisse substituer au cautionnement légal ou judiciaire une sûreté réelle suffisante. Le contrat conclu pourra le plus souvent être qualifié de contrat d’adhésion au sens du nouvel article 1110 du Code civil. Selon ce texte, en effet, « le contrat d’adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Or, selon l’article 1171 du Code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. Toutefois, l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Ce texte a vocation à s’appliquer au cautionnement alors même que ce dernier est un contrat unilatéral. Il peut en résulter un contrôle par le juge de certaines clauses telle la clause de résiliation à effet limité d’un cautionnement d’un compte courant. Il faut aussi proscrire dans les contrats la clause noire qui aurait pour objet d’imposer au non professionnel ou au consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait incomber normalement à l’autre partie au contrat. Il n’est ainsi pas possible d’introduire une clause renversant la charge de la preuve de l’obligation d’information. 47. Caractère consensuel ou solennel du cautionnement. – Jusqu’à la loi du 1er août 2003, le cautionnement ne dérogeait pas à la règle selon laquelle, en droit français, les contrats sont en principe consensuels. Le cautionnement n’était donc pas soumis à des exigences de forme comme peut l’être par exemple l’hypothèque. Avant la réforme de 2003 quelques exceptions à la règle pouvaient être relevées. Quelques cautionnements sont en effet soumis à des dispositions dérogatoires. Ils ne sont valables que si la caution reproduit une mention dont le contenu est fixé par la loi. Il faut citer les cautionnements d’opérations de crédit à la consommation, les cautionnements des obligations résultant d’un contrat de location. La loi du 1er août 2003 avait cependant transformé le principe en exception. Tous les cautionnements souscrits par acte sous signature privé par des personnes physiques au profit de créanciers professionnels devaient alors être soumis à un formalisme exigé à peine de nullité de l’engagement. L’ordonnance de 2021, même si elle modifie l’exigence relative à la mention, en conserve le principe. Simplement, la caution n’a plus à reproduire un modèle de mention. Le législateur n’a pas été jusqu’à imposer la souscription du cautionnement par acte authentique. L’intervention du notaire est facultative, même si elle présente aujourd’hui plus d’intérêts que par le passé. 48. Rôle de l’intuitu personae. – La caution s’engage presque toujours en considération de la personne du débiteur principal. Ce sont les liens affectifs ou professionnels l’unissant au débiteur qui motivent son engagement. La solvabilité du débiteur principal est également prise en considération par la caution. Pour autant, les motifs qui ont conduit la caution à s’engager ne sont pas pris en compte dans ses rapports avec le créancier. En l’absence de stipulations particulières, les simples changements affectant la personne ou la profession du débiteur n’ont donc pas pour effet de libérer la caution. Une évolution de la jurisprudence est cependant sensible. La Cour de cassation admet en effet l’erreur de la caution sur la personne du débiteur et elle tient compte de la condition tacite résultant de la solvabilité du débiteur principal (v. infra, n° 95). Du caractère intuitu personae du cautionnement, il se déduit également que l’engagement de la caution prend fin en cas de changement de créancier. 2 – Parties au contrat 49. Prise en compte de la compétence des parties. – Longtemps unitaire, le régime du cautionnement tend aujourd’hui à se diversifier. Le législateur multiplie les régimes spéciaux. La jurisprudence contribue également à cet éclatement en appliquant de manière différenciée les principes gouvernant le cautionnement. Des conséquences particulières sont ainsi attachées aux compétences du créancier et de la caution. D’une part, un créancier professionnel va être soumis à des obligations particulières. D’autre part, les cautions profanes et les cautions informées ne sont pas traitées de manière identique. a) Le créancier 50. Prise en considération de la qualité du créancier. – Le créancier peut être un professionnel du crédit, un professionnel ou un profane. Cette qualité peut influer sur le régime applicable à la garantie. Avant la réforme de 2021, la majorité des règles introduites dans le Code de la consommation visaient les créanciers professionnels. Les règles désormais introduites dans le Code civil font également référence à cette distinction, qu’il s’agisse de la proportionnalité, du devoir de mise en garde et du devoir d’information. Le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale. b) La caution 51. Cautions personnes physiques et personnes morales. – Toute personne physique ou morale peut se porter caution sous réserve de l’application des règles relatives à la capacité et au pouvoir de contracter. S’agissant des personnes morales, le principe de spécialité doit être respecté et des règles particulières sont applicables aux personnes morales de droit public. Le cautionnement est ainsi constitué non par l’acte signé par le représentant de la collectivité locale mais par la délibération de l’organe compétent pour en décider. La garantie doit également s’inscrire dans les normes et ratios imposés par la loi sur la décentralisation. Elles sont régies par les articles L. 2252-1 et s., L. 3231-4 et s. et L. 4253-1 et s. du Code général des collectivités territoriales. Les lois récentes conduisent à faire de la distinction entre les cautions personnes physiques et les cautions personnes morales, une summa divisio en matière de cautionnement. Le dispositif très protecteur mis en place s’applique en effet aux seules cautions personnes physiques. La distinction opérée va remplacer en partie celle qui jusqu’alors paraissait essentielle et opposait les cautions profanes et les cautions dirigeantes. 52. Distinction entre les cautions personnes physiques. – Toutes les cautions ont longtemps été soumises aux mêmes principes. Ce n’est plus vrai aujourd’hui. Le législateur et le juge tentent en effet de renforcer la protection des cautions qui ne sont pas en mesure d’apprécier le risque pris en s’engageant. Des solutions spécifiques sont ainsi retenues lorsque la caution est profane. Inversement, les cautions averties et celles qui sont des professionnels du crédit se voient appliquer dans toute leur rigueur les principes gouvernant le cautionnement. La loi du 1er août 2003 va cependant à contre-courant de cette évolution en faisant bénéficier l’ensemble des cautions personnes physiques de la même protection. Il en va de même de l’ordonnance en date du 15 septembre 2021. 53. La caution profane. – La caution profane est celle qui s’engage pour rendre service à un membre de sa famille ou à un proche. Bien souvent, elle ne mesure pas la portée de son engagement. Elle n’est pas non plus à même d’apprécier la solvabilité présente et à venir du débiteur principal. Par le passé, des cautions ont ainsi été ruinées par manque d’information. Le législateur soumet aujourd’hui ces cautionnements à un grand formalisme et oblige les créanciers à informer de telles cautions. Mais la protection légale est insuffisante. La jurisprudence a donc un rôle essentiel. La bienveillance du juge à l’égard de cette catégorie de caution apparaît tout particulièrement dans la mise en œuvre de la théorie des vices du consentement. 54. Les cautions averties. – À la différence des cautions profanes, les cautions averties ou « informées » sont en mesure de bien mesurer le risque pris en s’engageant. Cette aptitude est liée au rôle qui peut leur être dévolu au sein de l’entreprise dont les obligations sont garanties, à leur compétence, à leurs relations entretenues avec le créancier et le débiteur principal, voire aux conseils dont elle dispose même si cet élément n’est pas pris en compte. Dans la majorité des cas, les cautions averties sont des cautions dirigeantes. Plus rarement, il peut s’agir de leurs conjoints. Un dirigeant se porte fréquemment caution des dettes de son entreprise. Le solde du compte courant unissant l’entreprise à sa banque est ainsi souvent cautionné. Cette pratique s’explique par le manque de fonds propres des entreprises. Le capital social des sociétés est d’un montant généralement insuffisant pour remplir sa fonction de gage envers les créanciers. Le cautionnement du dirigeant a progressivement été doté d’un régime juridique spécifique par la jurisprudence. L’engagement du dirigeant caution est apprécié beaucoup plus rigoureusement que celui d’une caution profane par les juridictions. Le dirigeant a ainsi beaucoup de difficultés à faire jouer la théorie des vices du consentement car étant à la direction de son entreprise, il est censé être parfaitement informé des engagements qu’il cautionne (v. infra, n° 98). Le dirigeant a été privé par la jurisprudence du droit d’invoquer le principe de proportionnalité ou d’engager la responsabilité de la banque pour non-respect de son devoir de mise en garde avant que la réforme unifie le régime du cautionnement. Alors que la jurisprudence la plus récente se montre de plus en plus sévère envers cette catégorie de cautions, le législateur fait quant à lui preuve de bienveillance. Beaucoup de dispositions profitent à toutes les cautions personnes physiques sans distinctions. Mais c’est le droit des procédures collectives qui est le plus sensible au sort du dirigeant et de ses proches. La caution-dirigeant social peut ainsi se prévaloir de la dette née de son engagement de caution pour bénéficier de la procédure de rétablissement personnel. Le créancier ne peut pas poursuivre le dirigeant caution lorsque la procédure collective a une fonction de prévention. Cette faveur doit être rapprochée des dispositions permettant aux dirigeants de limiter leurs risques grâce à la déclaration d’insaisissabilité de certains de leurs biens. 55. La caution professionnelle du crédit. – Des cautionnements peuvent être fournis par des établissements de crédit ou des organismes de cautionnement mutuel. Le cautionnement est alors un service bancaire. C’est un crédit par signature. C’est aussi un service financier dont il déduit que la prescription de l’article L. 218-2 (anc. art. L. 137-2) du Code de la consommation lui est applicable. La présence d’une telle caution à la solvabilité incontestable permet à des contractants de passer des marchés importants. La bancarisation du cautionnement est alors totale. Il ne saurait alors être question de permettre à ces cautions de tergiverser en cas de poursuite des créanciers. Il est même concevable d’admettre que dans ces cautionnements puissent figurer des clauses particulières renforçant la valeur de la garantie telles des clauses de paiement à première demande. Le cautionnement bancaire se développe en raison de la surprotection dont bénéficient les cautions personnes physiques. Bpifrance (ex-OSEO) intervient ainsi souvent. Sa présence conforte les autres créanciers et facilite donc l’obtention de crédits. Lorsque Bpifrance s’engage, la banque qui accorde le crédit doit limiter l’étendue du cautionnement du dirigeant qu’elle sollicite par ailleurs. Beaucoup de créanciers veulent contracter avec des banques. Ces dernières exigent alors des sous-cautionnements. Pour un courant de la doctrine, lorsqu’il est rémunéré, le cautionnement se rapproche de l’assurance-crédit. Les techniques sont toutefois différentes. Bpifrance (ex-OSEO) joue un rôle particulier susceptible de créer des confusions dans l’esprit de ses bénéficiaires. Cet établissement de crédit peut accepter d’intervenir en risque, c’est-àdire qu’il accepte de supporter une partie du risque final de la banque prêteuse. Cela permet généralement à une banque d’accepter le dossier de financement. Le prêteur peut solliciter une caution à concurrence d’une partie de la somme prêtée. La présence de Bpifrance peut être une source de confusion pour la caution sur la portée exacte de son engagement. BPI n’est certes pas une caution de la banque mais sa présence et un manque d’explication peuvent semer la confusion dans l’esprit des cautions. En cas de doute, les cautions peuvent se prévaloir du dol ou l’erreur sur la portée de leur engagement (Com. 23 sept. 2014 n°1320.766). La jurisprudence récente est toutefois moins favorable à cette analyse. Le principe de l’interprétation stricte du cautionnement peut aussi être invoqué. Si la banque ne respecte pas les conditions de mise en œuvre de la garantie, la caution, en sa qualité de tiers à un contrat, peut agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle (Com. 24 mai 2017, n°16-14.371). 3 – Le débiteur tiers intéressé 56. Influence de la qualité du débiteur. – Le débiteur n’est pas partie au contrat de cautionnement. C’est pourtant un personnage clef de l’opération. Il sollicite la caution. Le débiteur principal doit être distinct de la caution, ce qui conduit à la conclusion selon laquelle l’entrepreneur ayant opté pour le statut de l’EIRL ne peut pas se porter caution des dettes liées au patrimoine affecté. La création du patrimoine affecté ne donne en effet naissance à aucune personne morale. La solution est différente si l’on admet que le cautionnement n’est pas l’engagement d’une personne envers une autre, mais permet à un créancier d’avoir un second patrimoine qui répond de la dette. C’est aussi parce que le débiteur doit être déterminable qu’une caution ne peut garantir les engagements d’une société en participation ou plus généralement d’une société ou d’un groupement dépourvu de personnalité morale. Seuls les associés peuvent prendre des engagements susceptibles d’être cautionnés. En raison du caractère accessoire de la garantie, la caution ne peut être tenue plus sévèrement que lui. La solution est plus nuancée en cas d’ouverture d’une procédure collective affectant le débiteur principal. B – Caractère unilatéral du cautionnement 57. Obligation principale de la caution. – Le cautionnement ne fait naître qu’une obligation principale : celle de la caution envers le créancier. Il s’agit donc d’un contrat unilatéral. La nouvelle définition du contrat unilatéral issue de la réforme est de nature à renforcer cette qualification dans la mesure où le nouvel article 1106 précise que le contrat est unilatéral dès lors qu’il n’y a pas d’engagement réciproque. Ce caractère unilatéral de la convention n’interdit pourtant pas d’imposer des obligations aux créanciers. Des lois mettent ainsi à la charge de certains d’entre eux une obligation d’information de la caution (v. infra, n° 299). Celle-ci n’est cependant pas la contrepartie de l’obligation de la caution et ne remet donc pas fondamentalement en cause le caractère unilatéral de la convention. Elle ne fait qu’en atténuer la portée. Consacrant cette analyse, la Cour de cassation en a déduit que l’exécution de l’obligation d’information par le créancier ne valait pas commencement d’exécution du cautionnement et ne privait donc pas la caution de son droit d’invoquer la nullité de la sûreté (Com. 8 avr. 2015). L’obligation de mise en garde imposée à certains créanciers et justifiée par la nécessité de conclure les conventions de bonne foi ne justifie pas non plus une remise en cause de l’analyse traditionnelle. Une clause du contrat peut cependant conférer à la garantie un caractère synallagmatique. 58. Conséquences du caractère unilatéral de la convention. – Plusieurs conséquences sont attachées au caractère unilatéral de la garantie. D’une part, le contrat de cautionnement n’a pas à être établi en plusieurs exemplaires (Com. 2 juin 2021, n°20-10.690). La formalité dite du double ne s’applique donc pas. En pratique, les actes de cautionnement sont conservés par les seuls créanciers, ce qui n’est pas sans inconvénient, car il est alors difficile pour les cautions ou leurs héritiers de retrouver la trace de cautionnements souscrits. Aujourd’hui, les établissements de crédit sont incités à remettre un exemplaire du contrat de cautionnement à la caution lors de la signature de la convention. D’autre part, pour sa preuve, le contrat est soumis à l’article 1376 du Code civil. La caution doit ainsi apposer sa signature au bas de l’acte constatant son engagement ainsi qu’une mention écrite de sa main de la somme en toutes lettres et en chiffres. § 2. Caractère accessoire du cautionnement 59. Portée de la règle. – Le caractère accessoire de l’obligation de la caution est traditionnellement considéré comme étant de l’essence du cautionnement. La réforme de 2021 a été l’occasion de réaffirmer la règle en en renforçant même la portée. Le caractère exprime la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Affirmé avec constance depuis Pothier, il a deux fonctions. D’une part, il permet de mesurer l’étendue de l’engagement de la caution. D’autre part, il fournit un critère de distinction du cautionnement et des autres garanties, principalement la garantie indépendante. De très nombreuses règles se déduisent en conséquence de ce principe. 60. Conséquences attachées au principe. – Le principe du caractère accessoire du cautionnement se déduit de l’article 2298 du Code civil (ex-art. 2088) : « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293 ». Ce dernier texte précise en effet que « celui qui se porte caution d’une personne physique dont il savait qu’elle n’avait pas la capacité de contracter est tenu de son engagement ». Cette règle est une conséquence directe de la nouvelle définition retenue du cautionnement : le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. D’autres dispositions tout aussi essentielles déduisent des conséquences du caractère accessoire de la garantie. Certaines d’entre elles concernent la formation du contrat. L’article 2293 énonce que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ». L’article 2296 ajoute que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions moins onéreuses ». Le principe du caractère accessoire gouverne également les effets de la garantie. L’article 2298 du Code civil énonce que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ». Le principe du caractère accessoire du cautionnement signifie donc que l’engagement de la caution se mesure par rapport à celui du débiteur principal. La caution a ainsi les mêmes droits que le débiteur principal ; elle ne peut être tenue plus sévèrement que lui. Le principe ne signifie pas pour autant que l’engagement de la caution soit subsidiaire, tout du moins si l’on considère que lorsque le cautionnement est solidaire, le créancier peut à son choix poursuivre le débiteur principal ou la caution. Le créancier doit seulement attendre que sa créance soit exigible pour poursuivre la caution. Le cautionnement a cependant toujours un caractère subsidiaire dans la mesure où la caution n’est pas un coobligé et qu’elle dispose donc toujours d’un recours contre le débiteur principal. De même, le cautionnement est subsidiaire dès lors que la caution n’est tenue qu’en l’absence de paiement de l’obligation principale. Le nouvel article 2298 du Code civil, en précisant que « la caution peut opposer l’ensemble des exceptions appartenant au débiteur » met fin à une évolution tendant à atténuer, voir à remettre en cause le caractère accessoire du cautionnement. En effet, avant la réforme, certaines décisions avaient une conception large de la notion d’exception purement personnelle au débiteur, que la caution était en droit d’opposer. C’est ainsi que la Cour de cassation avait par exemple refusé à la caution le droit de se prévaloir d’un dol commis envers le débiteur principal. Cette solution avait été affirmée par la chambre mixte dans une décision remarquée et quasi unanimement critiquée (Ch. mixt. 8 juin 2007). Elle a été réaffirmée en 2021 (Com. 27 janv. 2021, n°18-22.541). De même, la caution ne pouvait se prévaloir de la prescription biennale de l’article L. 218-2 du Code de la consommation au motif qu’elle n’affectait la dette qu’en raison de la qualité de consommateur du débiteur (Civ. 1ère, 11 déc. 2019, n°18-16.147). Pour un auteur, il était même permis de se demander si le cautionnement avait encore un caractère accessoire ! Comme la distinction entre exception purement personnelle au débiteur et exception inhérente à la dette est elle-même parfois subtile, il en résultait une incertitude quant au régime juridique du cautionnement. Ces débats sont devenus inutiles. Le principe du caractère accessoire redevient ainsi un élément essentiel de la protection de la caution. Vu du point de vue du créancier, la règle peut apparaître comme le talon d’Achille de cette sûreté. Il peut en résulter, par voie de balancier, une attractivité accrue pour la garantie autonome. Mais cette sûreté a un domaine d’application nécessairement limité, ce qui restreint les risques pour les garants. 61. Le caractère accessoire critère de distinction du cautionnement d’autres sûretés. – Le caractère accessoire est un critère de qualification de la garantie. Le cautionnement se distingue ainsi des garanties indépendantes par lesquelles le garant prend un engagement direct à l’égard du créancier. C’est aussi en raison de son caractère accessoire que le cautionnement se distingue de l’assurance-crédit. Ce mécanisme repose sur la technique de l’assurance. Le créancier conclut un contrat auprès d’une compagnie d’assurances. En contrepartie du versement de primes, l’assureur s’engage à garantir le souscripteur contre les risques liés à l’insolvabilité du débiteur principal. 62. Tempéraments à la règle du caractère accessoire. – Outre le cas de l’incapacité du débiteur principal, la règle du caractère accessoire peut recevoir un tempérament en présence d’une procédure collective. L’article 2298 alinéa 2 du Code civil énonce ainsi que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire ». Le principe est donc celui de l’efficacité du cautionnement, ce qui est un message fort. Cependant, dans certains cas, en présence de cautions personnes physiques dirigeantes, des considérations peuvent justifier la suspension provisoire des droits des créanciers bénéficiaires du cautionnement.