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Fin des actes administratifs

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Acte administratif (II - Régime)
Chapitre 2 - Disparition
494. L'autorité de la chose décidée, à la différence de l'autorité conférée aux décisions juridictionnelles, présente une certaine
précarité. Le droit au maintien des effets de l'acte administratif, dont il a été précédemment souligné qu'il ne s'attache qu'à
certaines décisions, n'est pas absolu, même à l'égard de celles-ci. D'une part, pour tous les actes créateurs de droits
susceptibles d'être acquis, l'acquisition de ceux-ci ne s'opère qu'au terme d'un certain délai au cours duquel l'autorité
compétente peut, sous certaines conditions, décider de faire disparaître l'acte ou certains de ses effets seulement. L'autorité
de chose décidée n'est d'abord que provisionnelle avant d'être définitive. D'autre part, au sein de la catégorie des actes
créateurs de droits susceptibles d'être acquis, certains ne donnent naissance à des droits qui ne s'acquièrent qu'au fur et à
mesure de leur réalisation, les droits futurs étant incertains. Ces deux traits justifient le recours à l'expression d'actes
créateurs de droits susceptibles d'être acquis de préférence à celle d'actes créateurs de droits acquis et, a fortiori, à celle
d'actes créateurs de droits.
495. La disparition de l'autorité de chose décidée peut revêtir deux formes bien distinctes. La première consiste à amputer
l'acte d'une partie de ses effets sans remettre en cause son existence même. Il est alors décidé qu'il ne produira plus d'effets
dans l'avenir mais que ses effets antérieurs sont conservés. La seconde forme de disparition de l'autorité de chose décidée
est plus radicale puisqu'elle découle de la suppression rétroactive de l'acte lui-même. Il est alors censé n'avoir jamais existé et
n'avoir déployé aucun effet. Les conditions du prononcé de la disparition des effets des actes administratifs diffèrent
logiquement selon qu'elle ne porte que sur l'avenir ou inclut également le passé.
Section 1 - Disparition pour l'avenir
4 9 6 . Une autorité administrative dispose de deux moyens de provoquer la disparition pour l'avenir des effets d'un acte
administratif décisoire : il lui est loisible de prévoir d'emblée qu'il cessera de produire des effets à compter d'un certain
événement ou de se laisser libre de le décider au cours de l'exécution de l'acte. Outre ces deux hypothèses qui résultent l'une
et l'autre d'une décision de l'autorité administrative, il convient d'évoquer brièvement une autre hypothèse dans laquelle la
disparition des effets pour l'avenir d'une décision administrative découle indirectement d'une appréciation juridictionnelle.
4 9 7 . Il s'agit de la déclaration d'illégalité que prononce le juge au terme de l'examen de l'exception d'illégalité d'un acte
administratif. À la différence de l'annulation qui provoque la disparition rétroactive de l'acte, la déclaration d'illégalité ne le
supprime pas de l'ordonnancement juridique et se borne à interdire d'en faire application dans l'affaire examinée au principal
par le juge. La déclaration d'illégalité permet seulement de paralyser les effets de l'acte dans cette affaire. Dotée simplement
de l'autorité relative de chose jugée (V. cep. CE 28 déc. 2001, Synd. CNT des PTE de Paris et a., supra, n o 422), elle
n'empêche pas par elle-même l'application ultérieure de l'acte en cause dans d'autres circonstances. La déclaration d'illégalité
ne vaut donc pas disparition pour l'avenir des effets de l'acte. Toutefois, les autorités administratives, qui ne doivent pas
appliquer les actes administratifs illégaux (CE, sect., 14 nov. 1958, Ponard, supra, n o 422), ne sauraient continuer à appliquer
un acte administratif déclaré illégal par un juge. Pour cette raison, la déclaration d'illégalité peut être évoquée comme une
hypothèse indirecte de disparition pour l'avenir de l'autorité de la chose décidée.
Art. 1 - Modalités extinctives
4 9 8 . Deux procédés permettent à l'autorité qui édicte une décision administrative de prévoir d'emblée que ses effets
cesseront à un moment donné de se déployer. Dans le cas du terme extinctif, ce moment est déterminé par un événement
dont la réalisation est certaine ; dans le cas de la condition extinctive, il dépend d'un événement aléatoire qui peut donc ne
jamais se produire (sur la condition extinctive, V. supra, n os 492 s.).
4 9 9 . Beaucoup d'actes administratifs sont assortis d'un terme extinctif, que les textes le prévoient (par exemple, pour la
durée des fonctions des membres d'un organisme, V. CE, ass., 7 juill. 1989, M. Ordonneau, Lebon 161, AJDA 1989. 598, chron.
Honorat et Baptiste), ou non (par exemple, un arrêté de police pris en vue d'assurer le maintien de l'ordre au cours d'une
manifestation déterminée). Le procédé n'est cependant pas compatible avec certaines décisions qui ne sauraient avoir qu'un
caractère définitif (par exemple l'octroi d'une décoration, la titularisation dans un grade de la fonction publique, etc.).
500. Divers événements peuvent servir de référence pour la réalisation du terme. Il s'agit le plus souvent de l'expiration d'un
délai, de l'atteinte d'un âge ou d'une date.
5 0 1 . La seule survenue de l'événement suffit à emporter la cessation des effets de l'acte sans qu'une décision
complémentaire soit nécessaire. Ce point semble distinguer le terme de la condition extinctive dont il est préférable (mais non
obligatoire) de constater la réalisation par un acte exprès, compte tenu de son caractère aléatoire (CE, sect., 12 oct. 1984,
Lafon, Lebon 331 ; CE 8 oct. 1986, GIE Centre de tomo-densitométrie, Lebon 226 ; CE, sect., 22 mars 1996, Sté NRJ SA,
Lebon 91
).
502. Il est parfois possible de prévoir la prorogation des effets de l'acte avant la survenue du terme extinctif, ce qui dispense
de respecter la procédure préalable à l'édiction de l'acte en cause. À l'arrivée du terme en revanche, l'acte initial ayant alors
cessé de déployer ses effets, il n'est plus possible d'en décider la prorogation (CE, sect., 1 er juill. 1983, Min. de l'Industrie c/
Sté minière de Trébas, Lebon 298, AJDA 1983. 620, concl. Robineau ; CE 11 déc. 1987, Daniélou, Lebon 409 ; 22 mars 1999,
Ecoropa , D. 1999. Somm. 342, obs. Galloux
). L'édiction d'une nouvelle décision - au terme d'une nouvelle procédure s'impose alors pour assurer la continuité des effets recherchés. Le juge admet dans des circonstances particulières que les
effets de l'acte initial, pourtant expiré, soient prorogés à titre conservatoire jusqu'à la délivrance du nouvel acte (CE, sect.,
18 avr. 1986, Sté Les mines de potasse d'Alsace, Lebon 115), voire qu'ils puissent être prorogés par un acte postérieur dès
lors que le délai entre la fin des effets du premier et l'édiction du second est resté « raisonnable » (CE 4 févr. 2004, req.
n o 249064, Sté CS Interglas, Lebon 20).
Art. 2 - Abrogation
503. L'abrogation ne diffère du terme extinctif que par le fait qu'elle résulte d'un acte qui, intervenu au cours de l'exécution
d'un autre, interdit à ce dernier de continuer à déployer des effets (sur l'effet de l'abrogation d'une abrogation, V. CE, ass.,
avis, 10 janv. 2008, RD publ. 2009. 1299, note Chauvaux). Le plus souvent, l'abrogation résulte d'une décision explicite. La
terminologie utilisée par les autorités administratives entretient parfois une certaine ambiguïté dans la mesure où un même
verbe (« rapporter ») est indifféremment utilisé pour prononcer tant des abrogations que des retraits. Il convient d'analyser
les effets recherchés par l'auteur de l'acte pour qualifier sa décision. Son régime juridique en découle, du point de vue tant de
la légalité externe (principes du parallélisme des compétences et des procédures, respectivement, V. supra, n os 42 s. et
193 s.) que de la légalité interne.
5 0 4 . Une autre difficulté apparaît lorsque l'abrogation n'est pas prononcée explicitement mais semble impliquée par
l'intervention d'un nouvel acte, dont ce n'est pourtant pas l'objet. Elle est alors implicite, ce que l'ordonnancement juridique ne
peut admettre qu'avec prudence pour d'évidentes raisons de sécurité juridique.
§ 1 - Abrogation explicite
5 0 5 . L'état du droit relatif aux conditions dans lesquelles l'abrogation peut être prononcée dépend du caractère
réglementaire ou non de l'acte visé.
A. - Acte réglementaire
506. Comme la loi, l'acte réglementaire pose une norme générale aux effets impersonnels. Si chacun a droit à son application
tant qu'il est en vigueur, nul n'a droit à son maintien (V. supra, n o 479). L'acte réglementaire ne crée aucun droit susceptible
d'être acquis. Son maintien en vigueur ne saurait être perpétuel tant il est vrai qu'une génération ne peut assujettir à ses lois
les générations futures (Const. du 24 juin 1793, art. 4). L'abrogation d'un acte réglementaire doit pouvoir être décidée
librement par l'autorité compétente (à propos de l'abrogation des lois, V. Décis. Cons. const. n o 89-265 DC du 9 janv. 1990,
Rec. Cons. const., p. 12). La même exigence prévaut au sujet de la modification d'un tel acte puisqu'elle consiste à abroger
certaines de ses dispositions pour les remplacer par d'autres (CE 19 nov. 1986, Sté Smanor, Lebon 260, AJDA 1986. 681,
chron. Azibert et de Boisdeffre ; 30 juill. 2003, Synd. des avocats de France, req. n o 247940
, Lebon 358, JCP Adm. 2003.
1999, note Tchen).
507. La liberté d'abrogation des actes réglementaires se manifeste doublement. L'abrogation d'un acte réglementaire peut,
d'une part, être prononcée à toute époque et, notamment, avant même son entrée en vigueur (CE, sect., 29 mars 2000,
Conféd. nationale des syndicats dentaires, supra, n o 297) ou à une date antérieure à celle qui avait été initialement prévue
pour la cessation de ses effets (CE 25 juin 1954, Synd. national de la meunerie à seigle, supra, n o 479 ; CE, sect., 27 janv.
1961, Vannier, supra, n o 479). Elle peut, d'autre part, être prononcée pour tout motif par l'autorité compétente. Il lui est
loisible de la décider non seulement pour mettre un terme à l'application d'un règlement illégal mais également en raison de
l'inopportunité de cet acte, par exemple du fait de son ancienneté qui le rend inadapté à l'évolution de la situation. Elle n'a
d'ailleurs pas à se justifier sur ce point puisque l'obligation de motivation ne pèse pas sur les actes réglementaires et que
l'abrogation d'un acte réglementaire en constitue elle-même un.
508. La liberté d'abrogation des actes réglementaires ne disparaît qu'en présence d'une disposition législative contraire qui
en interdit l'exercice (CE 23 mai 1960, Conféd. nationale de la boucherie française, Lebon 353 ; V. C. urb., anc. art. L. 123-4-1,
à propos des plans d'occupation des sols et CE 15 avr. 1988, Sté civile Le Tahiti, Lebon 140, LPA 9 déc. 1988, p. 8, note Frier).
509. La liberté d'abroger les actes réglementaires se transforme en une obligation lorsque l'autorité compétente est saisie
d'une demande d'abrogation d'un règlement illégal. Le souci de garantir le respect de la légalité conduit ici le juge à exiger de
l'administration qu'elle procède à l'apurement de l'ordonnancement juridique sollicité. En cas de recours juridictionnel exercé à
son encontre, le refus de faire droit à la demande d'un administré tendant à l'abrogation d'un acte réglementaire illégal est
annulé par le juge administratif.
5 1 0 . Cette annulation ne vise que le refus d'abrogation et non le règlement illégal. En effet, même si ce dernier est
nécessairement déclaré illégal par le juge pour établir l'illégalité du refus de l'abroger, deux raisons interdisent de considérer
que la décision du juge en provoque la disparition. D'une part, le recours n'est pas exercé contre lui mais contre le refus de
l'abroger et son exception d'illégalité constitue une question incidente examinée en tant que motif de la décision. D'autre part,
le délai de recours perdrait toute signification à l'encontre des actes réglementaires s'il suffisait de provoquer le refus de les
abroger pour obtenir leur annulation en même temps que celle de ce refus.
5 1 1 . L'annulation du refus d'abrogation n'est toutefois pas dépourvue d'effets. Par elle-même, elle indique clairement à
l'autorité compétente qu'elle devait abroger le règlement en cause. En outre, le juge administratif dispose aujourd'hui de la
possibilité de prononcer les injonctions nécessaires à l'exécution de ses décisions ce qui, dans l'hypothèse envisagée, se
traduit par l'ordre donné à l'administration d'abroger l'acte réglementaire dans un certain délai, éventuellement sous astreinte
(par ex., V. CE 23 févr. 2000, FNAIM, supra, n o 118 ; 20 mars 2000, GISTI, Lebon 122
, AJDA 2001. 188, note HennetteVauchez
). Dans certaines circonstances, après avoir prononcé l'annulation du refus d'abroger, le juge autorise néanmoins
l'administration à se contenter de purger les actes réglementaires litigieux de leurs illégalités (CE 27 juill. 2001, Titran, AJDA
2001. 1046, chron. Guyomar et Collin
).
5 1 2 . Initialement, la jurisprudence a cru devoir limiter l'obligation d'abroger les actes réglementaires au seul cas où leur
illégalité découlait d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait apparu depuis leur édiction (CE 10 janv. 1930,
Despujol, Lebon 30
, DP 1930. 3. 16, note P.-L. J., S. 1930. 3. 41, note Alibert). Cette restriction trouvait sa justification
dans la volonté, déjà évoquée, d'éviter que le mécanisme de la demande d'abrogation ne rende vain le délai du recours pour
excès de pouvoir. Le juge redoutait qu'en permettant aux administrés de faire valoir, longtemps après l'expiration de ce délai,
l'illégalité initiale d'un acte réglementaire à l'appui du recours dirigé contre le refus de l'abroger, il ne leur rouvre, en fait, une
nouvelle possibilité de contester des actes non susceptibles de recours directs. Limiter les vices invocables aux illégalités
apparues après l'édiction de l'acte présentait l'avantage de bien différencier les deux contestations (puisque chacune reposait
sur des types d'illégalité distincts) et de favoriser le « toilettage » de l'ordonnancement juridique. Ouverte sans condition de
délai à l'égard des changements de circonstances de fait, la possibilité de demander l'abrogation d'un acte réglementaire en
raison d'un changement dans les circonstances de droit devait être mise en oeuvre dans les deux mois de l'édiction de l'acte à
l'origine de ce changement (CE, ass., 10 janv. 1964, Synd. national des cadres des bibliothèques et Simonnet, Lebon 17 et 19,
AJDA 1964. 150, chron. Fourré et Puybasset, D. 1964. 414, note Touscoz, RD publ. 1964. 182, 2 e esp., concl. Braibant, RD publ.
1964. 459, 1 re esp., concl. Questiaux, S. 1964. 3. 234, note Auby).
513. Les réticences jurisprudentielles ont fini par disparaître, sous l'impulsion maladroite du pouvoir réglementaire (V. Décr.
du 28 nov. 1983, art. 3) et après quelques hésitations (CE 12 mai 1976, Leboucher et Tarandon, Lebon 246, AJDA 1977. 261,
note Ceoara, CJEG 1976. 167, note Virole ; CE, sect., 30 janv. 1981, Sté Afrique France Europe transaction, Lebon 32, concl.
Hagelsteen, AJDA 1981. 245, chron. Feffer et Pinault, D. 1981. IR 277, obs. Delvolvé, D. 1982. 37, note Auby). Depuis 1989,
tant les illégalités originelles que celles acquises avec le temps sont susceptibles d'être invoquées à l'appui d'un recours
contre le refus d'abroger un acte réglementaire. « L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un
règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité
résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date » (CE, ass., 3 févr. 1989, Cie Alitalia, Lebon 44, AJDA
1989. 387, note Fouquet, RFDA 1989. 391, concl. Chahid-Nouraï, notes Dubouis et Beaud). La règle bénéficie d'une
consécration législative à l'article 16-1 de la loi n o 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations, inséré par la loi n o 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit.
Lire la mise à jour
5 1 3 . Égalité des sexes et jurisprudence « Alitalia ». - L'autorité administrative saisie d'une demande d'abrogation d'un
règlement illégal est tenue d'y déférer. « Toutefois, cette autorité ne saurait être tenue d'accueillir une telle demande dans le
cas où l'illégalité du règlement a cessé, en raison d'un changement de circonstances, à la date à laquelle elle se prononce (CE
10 oct. 2013, Fédération française de gymnastique, req. n o 359219
, AJDA 2013. 1999, obs. de Montecler
).
514. La demande d'abrogation doit émaner d'une personne ayant un intérêt (CE 5 juill. 2000, M. Tête, RFDA 2000. 1147
:
l'intérêt s'apprécie au regard de l'intérêt à agir contre le refus d'abroger) et être adressée à l'autorité compétente pour
abroger l'acte (CE 6 juin 2001, Cne de Vannes, RFDA 2001. 976
; pour le cas de la demande d'abroger des dispositions
relevant du domaine législatif d'une ordonnance de l'article 38 non ratifiée et postérieurement au délai d'habilitation, V. CE,
ass., 11 déc. 2006, req. n o 279517
, Conseil national de l'Ordre des médecins, Lebon 510, AJDA 2007. 133, chron. Landais
et Lénica
, JCP 2007. I. 120, obs. Plessix). Le juge administratif admet toutefois qu'elle puisse être déposée auprès du
ministre rapporteur d'un décret alors qu'il n'a pas compétence pour prononcer cette abrogation (CE 29 déc. 1997, Féd. des
syndicats généraux de l'Éducation nationale et de la recherche publique, Lebon 637
, Dr. adm. 1998. Comm. 11, obs. R.S.).
5 1 5 . La demande d'abrogation doit porter sur des dispositions réglementaires en vigueur et ne perd son objet que si
l'autorité compétente prononce ultérieurement l'abrogation de ces dispositions et qu'elles n'ont pas été appliquées entretemps (CE 1 er oct. 2001, Assoc. nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, RFDA 2001. 1321
). La
modification ultérieure des dispositions dont l'abrogation était demandée ne permet pas, en revanche, d'opposer un non-lieu
à statuer à la contestation du refus implicite né de la demande (CE 3 déc. 2001, SANP de l'environnement, RFDA 2002. 166
). En ce cas, le juge statue sur la requête en examinant, au regard des moyens soulevés, les textes dont l'abrogation a été
demandée, tels qu'ils ont été modifiés (CE 24 janv. 2007, req. n o 243976
, GISTI, Lebon 17, JCP 2007. I. 120, obs. Plessix).
De la même façon, si la même autorité reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu'elle abroge, sans les modifier
ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme, le recours dirigé contre son refus initial d'abroger l'acte en
cause ne perd pas son objet (CE, sect., 5 oct. 2007, req. n o 282321
, Ordre des avocats du barreau d'Évreux, Lebon 411,
AJDA 2008. 644, note Houillon
, Dr. adm. 2007. Comm. 164, note Melleray, JCP 2007. I. 214, obs. Plessix, LPA 2008, n o 78,
p. 11, concl. Aguila). La mise en oeuvre du pouvoir d'abroger un acte réglementaire ne prive pas les administrés du droit de
demander l'annulation de cet acte dès lors qu'il avait bien été appliqué avant son abrogation (CE 12 nov. 1986, W interstein,
Lebon 338). Le recours ne saurait en effet se voir opposer un non-lieu à statuer dans la mesure où l'abrogation prononcée ne
fait pas disparaître les effets passés de cet acte. La solution est différente lorsque l'administration a décidé de retirer son
acte.
Lire la mise à jour
515. Recours contre des dispositions abrogées et reprises dans un cadre juridique modifié. - Il n'y a pas lieu de statuer sur le
recours contre le refus d'abroger des dispositions réglementaires abrogées mais en partie reprises dans un cadre juridique
profondément modifié (CE 12 juill. 2013, Theron, req. n o 338803
, AJDA 2013. 1484, obs. Pastor
).
5 1 6 . L'invocation d'un changement de circonstances pour établir l'illégalité du règlement postérieurement à son édiction
suppose que soit établie l'impossibilité de le maintenir en vigueur en raison soit du contexte juridique (par ex., V. CE, ass.,
20 déc. 1995, Mme Vedel et Jannot, supra, n o 45 ; CE, sect., 10 juill. 2002, Féd. CFDT Interco, RFDA 2002. 1023
; CE
23 févr. 2000, req. n o 187054
, FNAIM, Lebon 75 : l'instauration d'une procédure de consultation préalablement à l'édiction
d'un acte réglementaire ne rend pas illégaux les actes réglementaires antérieurs), soit du contexte factuel (par ex., V. CE
31 janv. 1996, Féd. synd. unitaire, Lebon 699
; 15 mai 2000, Conféd. française des professionnels en jeux automatiques,
Lebon 173). Le juge administratif se montre plus exigeant quand la demande d'abrogation se rapporte à un acte
réglementaire intervenu en matière économique (CE, ass., 10 janv. 1964, Synd. national des cadres des bibliothèques et
Simonne t, supra, n o 512), fiscale (CE 30 janv. 1987, Gestin, Lebon 22), ou, plus généralement, « dans les matières où
l'administration dispose de pouvoirs étendus pour adapter son action à l'évolution des circonstances de fait » (CE 26 avr.
1985, Entreprises maritimes Léon Vincent, Lebon 125, LPA 30 juill. 1986, p. 24, note Moderne, Rev. adm. 1986. 46, note
Pacteau ; 23 mars 1994, Aymé Jouve, Lebon 156
). Dans ces différentes hypothèses, le refus d'abrogation ne sera annulé
que si le changement de circonstances de fait « a revêtu, pour des causes indépendantes de la volonté des intéressés, le
caractère d'un bouleversement tel qu'il ne pouvait entrer dans les prévisions de l'auteur de la mesure et qu'il a eu pour effet
de retirer à celle-ci son fondement juridique » (outre les arrêts précités, V. CE 12 juin 1998, SARL Cie téléphonique, Lebon
725
, LPA 1999, n o 258, concl. Maugüé ; CE 19 mai 2006, req. n o 274692
, Synd. national des cadres supérieurs des
chemins de fer, Lebon 695, JCP 2006. I. 170, obs. Plessix : arrêt qui ne fait plus référence aux prévisions de l'auteur de l'acte).
517. Il importe de souligner que la possibilité d'invoquer l'illégalité d'un acte réglementaire par suite d'un changement de
circonstances jouit d'un champ d'application plus large que celui jusqu'ici évoqué. En dehors de toute demande d'abrogation,
le changement de circonstances peut être invoqué à l'appui de l'exception d'illégalité d'un acte réglementaire en cause dans
un litige (CE, ass., 22 janv. 1982, Ah Won et Butin, Lebon 27 et 33, AJDA 1982. 440, chron. Tiberghien et Lasserre, D. 1983.
IR 235, obs. Delvolvé, JCP 1983. II. 19968, note Barthélémy, RD publ. 1982. 816, note Drago, concl. Bacquet ; CE, sect.,
11 juin 1999, M. Sadin, Lebon 174
).
518. La faculté ouverte aux administrés d'obtenir l'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire et, indirectement son
abrogation, offre un précieux complément au recours pour excès de pouvoir. Il est vrai que, s'ils invoquent l'illégalité ab initio
de l'acte réglementaire, le mécanisme ouvre une nouvelle voie de recours à des administrés, qui avaient été initialement
négligents. Mais ce léger affaiblissement - purement matériel - du délai du recours pour excès de pouvoir se justifie
amplement au regard des progrès qu'il autorise dans le respect de la légalité.
5 1 9 . L'obligation d'abroger des actes réglementaires n'existe qu'en présence d'une demande en ce sens d'un administré
intéressé. Il convient cependant de mentionner diverses solutions qui nuancent cette affirmation.
5 2 0 . En premier lieu, dans une espèce au moins, le Conseil d'État a fait peser sur l'autorité compétente une obligation
d'abroger spontanément un acte réglementaire (CE, sect., 5 mai 1986, Fontanilles-Laurelli, AJDA 1986. 510, concl.
Latournerie). Faute en ce cas d'être saisi d'un recours contre un refus d'abrogation - qui suppose qu'il y ait eu une demande -,
le juge devait se prononcer sur la responsabilité de l'administration du fait du maintien en vigueur de dispositions
réglementaires suspectées d'être devenues illégales en raison d'un changement de circonstances de fait. En examinant le
recours au fond, il a nécessairement admis que l'administration est tenue d'abroger spontanément les actes réglementaires
devenus illégaux et qu'elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité en n'y procédant pas. Cette obligation
d'abrogation spontanée pourrait toutefois ne concerner que l'hypothèse de l'illégalité liée à un changement de circonstances :
l'illégalité ab initio d'un acte réglementaire est susceptible d'engager d'emblée la responsabilité de l'administration. La faute
consiste alors à l'édicter et non à le maintenir en vigueur.
521. En deuxième lieu, un arrêt du Conseil d'État a consacré une sorte d'extension de la jurisprudence relative à l'abrogation
sur demande en matière de modification spontanée des actes réglementaires. « Lorsque, sans pour autant rendre par ellemême inapplicables des dispositions réglementaires incompatibles avec elle, une loi crée une situation juridique nouvelle, il
appartient au pouvoir réglementaire, afin d'assurer la pleine application de la loi, de tirer toutes les conséquences de cette
situation nouvelle en apportant, dans un délai raisonnable, les modifications à la réglementation applicable qui sont rendues
nécessaires par les exigences inhérentes à la hiérarchie des normes et, en particulier, aux principes généraux du droit tels
que le principe d'égalité » (CE, ass., 28 juin 2002, M. Villemain, AJDA 2002. 586, chron. Donnat et Casas
, RFDA 2002. 723,
concl. Boissard
; pour un cas similaire entre deux actes administratifs, V. CE 19 nov. 2003, req. n o 255439
, Min. de
l'Agriculture).
522. Il s'agit de contraindre le pouvoir réglementaire à faire disparaître spontanément les dispositions devenues illégales par
suite d'une évolution de la législation, tout en lui accordant un délai pour ce faire. Le juge transpose à cet égard sa
jurisprudence classique en matière d'adoption des mesures d'application des lois (V. supra, n os 179 s.), précédemment
étendue au cas d'une loi intervenue dans le domaine réglementaire et incompatible avec une directive communautaire (CE,
sect., 3 déc. 1999, Assoc. ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire, Lebon 379, concl. Lamy
, AJDA 2000. 120,
chron. Guyomar et Collin
, D. 2000. 272, note Toulemonde
, JCP 2000. II. 10319, note Evain, LPA 2000, n o 30, p. 17, note
Romi, RD publ. 2000. 1, obs. Camby, RD publ. 2000. 289, note Cassia et Saulnier, RFDA 2000. 59, concl. Lamy
, RFDA 2000.
664, notes Favoreu
, B. G
. , de Béchillon
et C a rca s s o nne
). Par ailleurs, la transformation de l'obligation
d'abrogation en une obligation de modification paraît être le prolongement logique d'une jurisprudence légèrement antérieure
(CE 27 juill. 2001, Titran, supra, n o 511). La formule très prudente de l'arrêt Villemain permet de ménager une heureuse
marge de manoeuvre à l'autorité réglementaire dans les attributions de laquelle le juge administratif ne saurait s'immiscer.
5 2 3 . En troisième lieu, le législateur a cru opportun d'étendre l'obligation d'abroger les actes réglementaires dans deux
directions non prévues par la jurisprudence Compagnie Alitalia. L'article 16-1 de la loi n o 2000-321 du 12 avril 2000 prévoit
ainsi depuis la loi du 20 décembre 2007 que « l'autorité administrative est tenue, d'office ou à la demande d'une personne
intéressée, d'abroger expressément tout règlement illégal ou sans objet, que cette situation existe depuis la publication du
règlement ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date ». En conséquence, l'administration
doit désormais abroger spontanément - et non plus seulement sur demande - les règlements illégaux. Mais il est aisé de
comprendre que la sanction de cette obligation passant par une saisine du juge laquelle suppose au préalable d'avoir
demandé à l'administration de s'acquitter de son obligation, cette extension du champ de l'obligation d'abroger n'apporte
rien : après elle comme avant elle, le justiciable devra s'adresser au préalable à l'administration… La même observation doit
être formulée à propos de l'obligation faite à l'administration d'abroger les actes réglementaires sans objet (sur ces points, V.
B. SEILLER, Pourquoi ne rien voter lorsqu'on peut adopter une loi inutile ?, AJDA 2008. 402
).
Lire la mise à jour
523. Abrogation d'un règlement illégal par les établissements publics à caractère industriel et commercial. - La loi du 17 mai 2011
de simplification et d'amélioration de la qualité du droit modifie l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 en incluant les
de simplification et d'amélioration de la qualité du droit modifie l'article 16-1 de la loi du 12 avril 2000 en incluant les
établissements publics à caractère industriel et commercial, qui peuvent édicter des actes réglementaires, à la liste des
autorités soumises à obligation des règlements devenus illégaux (L. n o 2011-525 du 17 mai 2011, art. 5).
B. - Acte non réglementaire
524. L'état du droit relatif à l'abrogation des actes non réglementaires conduit à distinguer ceux qui donnent naissance à des
droits susceptibles d'être acquis, des autres.
1° - Acte non créateur de droits susceptibles d'être acquis
525. Les conditions d'abrogation des actes non réglementaires non créateurs de droits susceptibles d'être acquis diffèrent
peu de celles précédemment exposées à propos des actes réglementaires. La similitude ne saurait étonner puisque ces deux
types d'actes ne donnent pas naissance à un droit à leur maintien.
526. Comme pour les actes réglementaires, l'abrogation des actes non réglementaires non créateurs de droits susceptibles
d'être acquis est une faculté qui peut être mise en oeuvre spontanément par l'autorité compétente (CE, sect., 30 sept. 2005,
req. n o 280605
, Ilouane, AJDA 2005. 1870, obs. C. Biget) à toute époque et pour tout motif (CE 28 mai 1986, Min. de
l'Urbanisme, du logement et des transports c/ Conseil régional de l'ordre des architectes, Lebon 385 ; V. égal. CE, ass., 10 mai
1968, Cne de Broves, supra, n o 480, à propos d'une DUP ; CE, ass., 22 déc. 1989, Morin, supra, n o 278, à propos de la
révocation d'un agent dans un emploi à la discrétion du gouvernement ; 29 avr. 1994, Assoc. Unimate 65, Lebon 203
, AJDA
1994. 367, chron. Maugüé et Touvet
, CJEG 1994. 443, concl. Frydman, D. 1995. Somm. 382, obs. Bon
, à propos de
l'abrogation du retrait d'une DUP).
527. La liberté d'abrogation se transforme parfois en une obligation qui, comme pour les actes réglementaires, apparaît en
cas de demande fondée sur l'illégalité de l'acte (CE 5 mars 1986, Min. du Travail c/ Synd. du commerce moderne de
l'équipement de la maison, D. 1988. Somm. 77, obs. Chelle et Prétot : pas d'obligation si la demande porte sur un acte non
illégal). À la différence des actes réglementaires toutefois, l'obligation d'abroger ne concerne que les actes non réglementaires
non créateurs de droits susceptibles d'être acquis devenus illégaux à la suite d'un changement de circonstances de fait ou de
droit (CE 30 nov. 1990, Assoc. Les Verts, et 22 mars 1999, SA Dramont Aménagement, supra, n o 480 ; 19 mars 2003, Mme
Mestre, Dr. adm. 2003. Comm. 110, note M.G. ; 10 janv. 2005, req. n o 265838
, Assoc. Quercy-Périgord contre le projet
d'aéroport de Brive-Souillac et ses nuisances, Lebon 1052, qui précise les hypothèses à propos d'une déclaration d'utilité
publique). En l'absence d'illégalité par suite d'un changement de circonstances - qui peut être entendu très strictement comme
en matière de classement de réserves naturelles (CE 23 juin 2004, req. n o 208297
, Assoc. Les amis de la Bérarde et du
Haut-Vénéon, Lebon 776, AJDA 2004. 2404, note Cans
), aucune obligation d'abroger ne pèse sur l'autorité saisie de la
demande (CE 26 févr. 1996, Assoc. Une Basse-Loire sans nucléaire, Lebon 710
). Par ailleurs si, au moment du refus
d'abroger, l'acte incriminé avait cessé de produire ses effets, le recours juridictionnel dirigé contre le refus est dépourvu
d'objet (CE 26 févr. 1996, Assoc. Stop-Civaux, Lebon 710
; CE 11 janv. 2008, req. n o 298388
, Ville de Nîmes, Lebon
777).
528. L'extension de l'obligation d'abrogation aux vices initiaux de l'acte, consacrée par l'arrêt Cie Alitalia (V. supra, n o 513) à
l'égard des actes réglementaires, n'a pas été transposée aux actes non réglementaires (par ex., V. CE 10 janv. 2005, Assoc.
Quercy-Périgord contre le projet d'aéroport de Brive-Souillac et ses nuisances, supra, n o 527). Cette - unique et subtile différence de régime repose sur le fait que la contestation du refus d'abroger un acte non réglementaire dépend de l'issue de
l'exception d'illégalité de l'acte incriminé : ce n'est que si cet acte est illégal que l'autorité compétente était tenue de l'abroger
sur demande et que son refus encourt l'annulation. Or, l'exception d'illégalité des actes non réglementaires - qu'ils soient ou
non créateurs de droits susceptibles d'être acquis - n'est recevable que tant qu'ils ne sont pas définitifs. Le juge administratif
croit devoir en conclure que la demande d'abrogation mettant en cause l'illégalité initiale de l'acte ne saurait être admise sans
contredire l'irrecevabilité de l'exception (CE 20 févr. 1996, Land de Sarre, CJEG 1996. 215, note Sachs : arrêt liant clairement
les deux questions mais relatif à un acte créateur de droits susceptibles d'être acquis). Il conviendrait donc de n'admettre que
les vices apparus postérieurement à l'édiction de l'acte, lesquels, évidemment, ne pouvaient être invoqués à l'époque où
l'acte n'était pas encore définitif. Si l'exception d'illégalité des actes non réglementaires non créateurs de droits susceptibles
d'être acquis était enfin déclarée recevable à toute époque, comme cela est souhaitable puisque rien en la matière ne les
distingue des actes réglementaires à l'égard desquels la solution est admise depuis longtemps, l'obligation d'abroger ces
actes non réglementaires pourrait être étendue aux vices de légalité les entachant dès leur origine.
5 2 9 . Il faut signaler que quelques arrêts anciens ont énoncé une obligation d'abroger spontanément des actes non
réglementaires non créateurs de droits susceptibles d'être acquis (CE, sect., 17 juill. 1953, Constantin, Lebon 381 ; 17 mai
1957, Boyer, Lebon 320). Il s'agissait toutefois de mesures de police dont l'objet peut expliquer cette solution.
2° - Acte créateur de droits susceptibles d'être acquis
530. Les exigences de la sécurité juridique incitent à restreindre fortement le pouvoir d'abroger les actes non réglementaires
susceptibles de créer des droits acquis. La protection des droits nés s'opère alors au détriment du respect de la légalité :
même illégal, l'acte créateur de droits susceptibles d'être acquis ne peut être abrogé que dans de strictes conditions. L'une
d'entre elles est commune à tous les actes créateurs de droits susceptibles d'être acquis : l'autorité compétente ne peut
décider une abrogation que pour mettre un terme à l'illégalité d'un tel acte et non pour un simple motif d'opportunité. L'autre,
qui se rapporte au délai durant lequel l'abrogation peut être décidée, dépend de la façon dont l'acte en cause déploie ses
effets.
5 3 1 . Les conditions de l'abrogation des actes créateurs de droits susceptibles d'être acquis étaient traditionnellement
alignées sur celles de leur retrait. La remise en cause de ces dernières par un arrêt ne traitant que du retrait (V. infra, n os
561 s.) a ouvert une période de relative incertitude à laquelle le Conseil d'État a souhaité mettre un terme. Il a ainsi de
nouveau réaffirmé l'identité des conditions de retrait et d'abrogation des actes créateurs de droits susceptibles d'être acquis :
« sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du
bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai
de quatre mois suivant l'intervention de cette décision et si elle est illégale » (CE, sect., 6 mars 2009, req. n o 306084
,
Coulibaly, Lebon, à paraître, AJDA 2009. 817, chron. Liéber et Botteghi , RFDA 2009. 215, concl. de Salins
, RFDA 2009.
439, note Eveillard
). Cette formule appelle diverses observations.
Lire la mise à jour
5 3 1 . Abrogation ou retrait d'une décision à la demande du bénéficiaire. Respect du droit des tiers. - Si l'auteur d'une décision
individuelle créatrice de droits peut, faisant droit à une demande du bénéficiaire, la retirer ou l'abroger à tout moment, c'est à
la condition de ne pas porter atteinte aux droits des tiers (CE 2 févr. 2011, Sté TV numéric, req. n o 329254
, AJDA
2011. 251, obs. Grand
).
532. En premier lieu, elle ne vise que le cas de l'abrogation des décisions expresses créatrices de droits susceptibles d'être
acquis. L'arrêt Coulibaly ne règle donc pas les conditions d'abrogation des décisions implicites. Or celles-ci ne sont pas
prévues par l'article 23 de la loi n o 2000-321 du 12 avril 2000, qui ne vise que le retrait des décisions implicites d'acceptation.
Peut-être convient-il de soumettre l'abrogation des décisions implicites créatrices de droits susceptibles d'être acquis au
régime juridique antérieur, qui l'admettait tant que ces actes n'étaient pas devenus définitifs (CE 21 janv. 1991, Pain, Lebon
692). C'est en tout cas par référence au droit antérieur qu'est encore régi le retrait des décisions implicites de refus créatrices
de droits (CE 26 janv. 2007, req. n o 284605
, Sté Kaefer W anner, Lebon 24, AJDA 2007. 537, concl. Struillou
).
533. En deuxième lieu, l'arrêt Coulibaly soumet l'abrogation des actes explicites créateurs de droits suceptibles d'être acquis
aux deux mêmes conditions que leur retrait. Elle ne peut être prononcée qu'en raison d'une illégalité affectant l'acte depuis
l'origine et dans les quatre mois de la signature de l'acte en cause.
534. Mais en troisième lieu, la formule de principe de cet arrêt réserve d'emblée la possibilité qu'il en aille autrement dans
deux hypothèses.
535. Tout d'abord, des dispositions législatives ou réglementaires peuvent organiser une régime d'abrogation différent, par
exemple en identifiant les vices de légalité susceptibles de justifier l'abrogation, en écartant au contraire toute condition
d'illégalité ou en prévoyant un délai d'abrogation différent. L'appréciation de la compatibilité du régime textuel spécifique avec
le régime jurisprudentiel, qui permet de déterminer lequel des deux appliquer, se fait au cas par cas (comp. CE 28 sept. 2005,
Sté Soinne et associés, Lebon 397, et CE Avis 27 juin 2007, Mme Viaud, Lebon 672). Cette hypothèse se distingue mal d'une
autre, classiquement désignée en doctrine comme l'« acte contraire ». L'exemple le plus significatif est fourni par la nomination
des fonctionnaires qui est créatrice de droits auxquels, pourtant, l'autorité compétente est autorisée à mettre fin pour l'avenir
en prononçant, dans les formes voulues, soit une révocation en cas de faute commise par l'intéressé, soit sa mise à la retraite
lorsqu'il atteint la limite d'âge fixée pour l'exercice de ses fonctions. La différence entre les textes dérogeant aux règles
d'abrogation et ceux instituant un mécanisme d'acte contraire tient aux motifs de mise en oeuvre du pouvoir de remise en
cause de l'acte : autant dans le premier cas, ce pouvoir est motivé par des considérations propres à cet acte, autant dans le
second ce pouvoir obéit à des considérations étrangères à cet acte (et, notamment, à son éventuelle illégalité). Par ailleurs,
l'acte contraire est soumis au régime prévu par les textes qui le rendent possible et est donc soustrait, à la différence de
l'abrogation « ordinaire », au respect des principes de parallélisme des procédures et des compétences (CE 10 avr. 1959,
Fourré-Cormeray, Lebon 233, D. 1959. 210, concl. Heumann, RD publ. 1959. 1222, note W aline).
536. Ensuite, le bénéficiaire des droits créés peut demander lui-même l'abrogation de cette décision (notamment parce qu'il
espère en obtenir une nouvelle encore plus favorable). En ce cas, puisqu'il est lui-même d'accord pour perdre le bénéfice de
ses droits, l'abrogation peut être prononcée par l'autorité administrative même si la demande lui parvient plus de quatre mois
après la signature de la décision en cause et même si celle-ci n'est entachée d'aucune illégalité (CE, sect., 29 nov. 1974,
Barras, Lebon 598, RD publ. 1975. 1121, note W aline). L'autorité administrative reste cependant libre d'apprécier l'opportunité
de faire droit à cette demande (CE, sect., 9 janv. 1953, Desfour, Lebon 5 ; CE, sect., 23 juill. 1974, Gay, Lebon 441, AJDA
1974. 534, chron. Franc et Boyon).
537. En quatrième et dernier lieu, l'arrêt Coulibaly ne doit pas être réduit à son seul « considérant de principe ». En effet, le
Conseil d'État admet que l'autorité administrative compétente puisse, postérieurement à l'expiration du délai d'abrogation
« initial », encore prononcer l'abrogation de la décision en cause si, par suite de l'intervention de circonstances postérieures,
son destinataire cesse de remplir les conditions requises pour en bénéficier. Ce n'est alors plus l'illégalité initiale qui motive
l'abrogation mais l'illégalité par suite de changements dans les circonstances de fait (assurément) ou de droit (élément qui
mériterait d'être confirmé). En tout état de cause, cette possibilité d'abroger une décision créatrice de droits susceptibles
d'être acquis postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois ouvert initialement révèle la précarité des droits nés de
cette décision et ne saurait être considérée comme générale.
538. Doit être ici de nouveau mentionnée la distinction à opérer au sein des décisions créatrices de droits susceptibles d'être
acquis. Certaines déploient leurs effets en une opération unique et instantanée. Elles ne sont abrogeables (ou, en réalité,
retirables) que dans les conditions fixées par la formule de principe de l'arrêt Coulibaly. Passé le délai de quatre mois ainsi
ouvert pour tirer les conséquences de leur illégalité initiale, l'autorité administrative ne peut plus les abroger, alors même que
des changements de circonstances feraient que, désormais, une telle décision ne pourrait plus être prise. Le permis de
construire illustre cette catégorie comme l'autorisation d'utilisation de fréquences aux opérateurs de téléphonie mobile (CE
30 juin 2006, req. n o 289564
, Sté Neuf Télécom, Lebon 309, AJDA 2006. 1720, note Sée
) ou l'attribution de la qualité de
rapatrié (CE 20 févr. 2008, req. n o 289850
, Gener, supra, n o 473). D'autres décisions déploient leurs effets de manière
continue et restent en conséquence soumises aux effets des éventuelles évolutions des circonstances. Si, passé le délai de
quatre mois, l'autorité administrative ne peut plus prononcer leur abrogation au motif de leur illégalité initiale, il lui est loisible
de constater que les conditions ayant présidé à leur édiction ne sont plus satisfaites et que, devenues dès lors illégales, elles
doivent être abrogées. De telles décisions sont bien créatrices de droits en ce que les effets qu'elles ont produits ne sauraient
être remis en cause. Mais les droits qu'elles contiennent en puissance, c'est-à-dire pour l'avenir, restent précaires car
subordonnés à l'absence d'évolution des circonstances.
539. Sur ce dernier point, l'arrêt Coulibaly ne parvient pas à dissiper certaines interrogations sur les modalités concrètes de
prise en compte des conditions exigées pour bénéficier de l'acte créateur de droits. Il ressort certes de cet arrêt, rendu à
propos des conditions à satisfaire pour être inscrit au tableau de l'Ordre des chirurgiens-dentistes, que l'autorité compétente
ne pouvait, passé le délai de quatre mois, se fonder sur le fait que les diplômes au vu desquels un dentiste a été inscrit
n'auraient pas été de nature à permettre légalement son inscription. En d'autres termes, l'erreur initiale commise par
l'administration dans l'appréciation des conditions pour bénéficier de la décision créatrice de droits ne saurait être invoquée
ultérieurement pour abroger celle-ci. Seules des circonstances postérieures à l'appréciation initiale permettent de prononcer
une abrogation au-delà du délai de quatre mois. Dans l'espèce en cause, l'analyse ne donne guère lieu à discussion.
540. Mais dans d'autres circonstances, le doute est permis. C'est ainsi que le Conseil d'État avait admis antérieurement que
l'autorité administrative puisse abroger la décision octroyant à un agent public le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire
(NBI), une fois le délai de quatre mois expiré, en se fondant sur le fait que l'intéressé, en position de congé de longue durée,
n'exerçait pas effectivement les fonctions qui lui ouvraient droit au bénéfice de la NBI alors que l'exercice effectif des fonctions
est la seule condition à laquelle le versement de cette prime est subordonné (CE, sect., 6 nov. 2002, Mme Soulier, supra, n o
483). La difficulté résidait dans le fait que l'intéressé était dès l'origine en position de congé de longue durée et que l'octroi
en était donc d'emblée illégal. Considérant le caractère créateur de droits de la décision, le juge a interdit que son retrait soit
prononcé mais a admis que l'abrogation le soit postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois. Ce faisant, il a donc
accepté que le motif qui fondait l'illégalité ab initio de la décision soit invoqué à l'appui d'une abrogation prononcée après
quatre mois et donc en l'absence de changement de circonstances. Il est impossible d'affirmer que la jurisprudence Coulibaly
condamne désormais une telle pratique. Fortement empreinte de pragmatisme, cette jurisprudence pourrait s'accommoder du
maintien de la jurisprudence Soulier. Il reste que cette dernière fait bon marché des droits qu'elle prétend attacher à la
décision en cause puisqu'elle autorise l'administration à l'abroger à toute époque en se prévalant d'un vice initial et donc sans
devoir attendre un éventuel changement de circonstances. Il serait satisfaisant que l'erreur commise au moment de la
signature de la décision créatrice de droits susceptibles d'être acquis ne puisse plus fonder une abrogation une fois le délai de
quatre mois expiré. Seul un motif ultérieur de perte du bénéfice des droits nés d'une telle décision devrait autoriser une
abrogation prononcée après l'expiration du délai initial de quatre mois (pour le cas légèrement différent de l'octroi de la
protection fonctionnelle à un fonctionnaire, V. CE, sect., 14 mars 2008, Portalis, supra, n o 375).
541. L'arrêt Soulier a initialement surtout retenu l'attention en ce qu'il a reconnu qu'une décision administrative accordant un
avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, rompant ainsi avec la solution antérieure (CE, sect., 15 oct.
1976, Buissière, Lebon 419, concl. Labetoulle). Mais il y est affirmé que les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation
de la créance née d'une décision prise antérieurement ne créent pas de droits. En conséquence, le maintien indu du
versement d'un avantage financier à un agent public, alors même que ce dernier a informé l'ordonnateur qu'il ne remplit plus
les conditions de l'octroi de cet avantage, ne constitue pas une nouvelle décision conférant un avantage financier. Simple
erreur de liquidation, elle peut être corrigée par l'administration et donner lieu à une demande de remboursement des
sommes payées à tort (CE, sect., 12 oct. 2009, Fontenille, supra, n o 483, qui revient sur une interprétation extensive de
l'arrêt Soulier opérée par CE Avis 3 mai 2004, Fort, Lebon 194, AJDA 2004. 1530, note Hul ).
542. Une dernière possibilité d'abrogation des actes créateurs de droits susceptibles d'être acquis est parfois évoquée. Elle
permettrait à l'autorité administrative de faire prévaloir la considération de l'intérêt général sur celles de la sécurité juridique.
Le juge administratif a, il est vrai, admis au moins une fois, que l'abrogation d'un acte créateur de droits soit prononcée pour
des motifs d'ordre public (CE 13 juin 2003, Préfet du Jura c/ Mme Cattin, Lebon 648). Ce même arrêt réserve cependant
également la possibilité d'abroger un acte créateur de droits obtenu par la fraude. Or, ainsi qu'il a été précédemment exposé,
un acte obtenu frauduleusement ne crée aucun droit (V. supra, n o 466). Cela ne peut que conduire à émettre des doutes sur
l'autre hypothèse d'abrogation qu'il consacre. Il est sans doute satisfaisant qu'elle n'ait pas été confirmée et qu'elle soit
même contestée (V. C. de SALINS, concl. sur CE, sect., 6 mars 2009, Coulibaly, supra, n o 531).
§ 2 - Abrogation implicite
543. Les auteurs de nouvelles normes, notamment le législateur, ne prennent pas toujours la précaution de préciser celles
des dispositions antérieurement applicables que le nouveau texte abroge. L'absence d'indication ne peut évidemment pas
être interprétée comme la décision implicite de maintenir les dispositions antérieures en vigueur. Elles sont parfois
inconciliables avec l'évolution de l'ordonnancement juridique. L'absence d'abrogation explicite résulte alors clairement d'une
négligence aux conséquences regrettables puisqu'elle rend particulièrement difficile la détermination du droit applicable. Saisi,
à l'occasion d'un litige, de difficultés de ce genre, le juge administratif accepte de s'interroger sur l'abrogation implicite des
textes antérieurs (pour le cas particulier de l'Alsace-Lorraine, par ex., V. CE 6 avr. 2001, Synd. national des enseignements du
second degré, AJDA 2002. 63, note Toulemonde
). L'abrogation implicite découle d'un changement de circonstances de
droit, qui ne se borne pas à provoquer l'illégalité de l'acte visé - auquel cas, une abrogation expresse est nécessaire (CE
3 sept. 2007, req. n o 293283
, Déchelotte, Lebon 656, JCP Adm. 2007. 2302, concl. Keller) - mais, plus radicalement, qui
emporte sa disparition pour l'avenir à compter du changement en cause (CE 2 févr. 2004, req. n o 260100
, Abdallah, Lebon
15, D. 2005. 26, obs. Frier
).
544. Le juge administratif n'admet toutefois cette abrogation implicite qu'avec une grande prudence et en dernier recours. Il
exclut d'abord que l'abrogation implicite puisse résulter d'une évolution des circonstances de fait (CE 26 juill. 2006, req.
n o 290251, Sté Brasserie Heineken), confirmant de la sorte que, sauf texte la prévoyant, la caducité n'est pas un mode
habituel de disparition d'un acte administratif. Il vérifie ensuite si les dispositions anciennes ne peuvent être encore
appliquées, notamment pour éviter de créer un vide juridique (CE, ass., 16 avr. 1943, Lanquetot, Lebon 100, S. 1943. 3. 41,
concl. Léonard ; CE, sect., 12 mars 1971, Sté Schering-France, Lebon 212 ; CE 19 nov. 2003, Min. de l'Agriculture, supra, n o
521 : maintien temporaire en attendant la mise en conformité). Il n'hésite pas également à donner une interprétation des
textes en présence qui neutralisent leur éventuelle contrariété (CE 21 mars 2001, M. Beugnon, RFDA 2001. 777
). Ce n'est
que lorsque l'ancienne et la nouvelle disposition sont « incompatibles » (CE Avis, sect., 23 avr. 1997, Préfet de la Manche c/
Sté nouvelle entreprise Henry, Lebon 153
; V. cep. CE 3 sept. 2007, Déchelotte, supra, n o 543 : incompatible avec la loi
nouvelle, l'acte administratif doit cependant être abrogé expressément), « inconciliables » (CE Avis, sect., 4 févr. 2000,
Mouflin, Lebon 28
), ou lorsque le maintien de la première rendrait la seconde « sans justification » (CE, sect., 7 juill. 1967,
Élect. municipales de Guagno, Lebon 303), qu'il reconnaît l'abrogation implicite.
545. Il constate alors que la première « doit être regardée comme abrogée » (CE 8 mars 1989, Richer, Lebon 475), comme
« caduque » (CE 4 juill. 1986, Synd. général de l'Éducation nationale CFDT, Lebon 188) ou comme « privée d'effet » (CE, ass.,
2 avr. 2003, M. S., AJDA 2003. 932, chron. Donnat et Casas
), ou que la seconde lui a été entièrement substituée (CE
13 avr. 1992, Dpt d'Ille-et-Vilaine, Lebon 725
; CE Avis 7 juin 1999, France Télécom, RFDA 1999. 888
), ou encore qu'elle
l'a « implicitement mais nécessairement abrogée » (CE 18 nov. 1994, Meyfredi, Lebon 775).
Section 2 - Disparition rétroactive
546. La disparition rétroactive des effets de l'autorité de chose décidée équivaut à la disparition de l'acte lui-même. Ses effets
tant futurs que passés sont alors remis en cause. Il est censé n'avoir jamais existé et l'ordonnancement juridique est rétabli
dans son état immédiatement antérieur à l'édiction de cet acte. La disparition rétroactive de l'autorité de chose décidée ne
saurait être admise sans restriction tant elle contredit le principe de non-rétroactivité des actes administratifs (V. supra, n os
384 s.) et, plus largement, celui de la sécurité juridique.
5 4 7 . Plusieurs procédés existent pourtant qui emportent disparition rétroactive des décisions administratives. Deux
n'appellent ici que de succinctes remarques. Le plus souvent, la disparition rétroactive des actes administratifs résulte de leur
annulation par le juge administratif au terme de l'examen des recours dont il est saisi. La portée rétroactive donnée à sa
décision se justifie aisément par le fait qu'elle sanctionne une illégalité qui entache l'acte depuis son édiction : pour l'effacer et
assurer ainsi l'apurement de l'ordonnancement juridique, il est indispensable de considérer que l'acte en cause n'est jamais
intervenu (CE 26 déc. 1925, Rodière, supra, n o 402). L'acte annulé est ainsi censé n'avoir jamais existé et, en conséquence,
la décision à laquelle il s'était éventuellement substitué recommence à déployer elle-même ses effets (pour la remise en cause
exceptionnelle de l'effet rétroactif de l'annulation juridictionnelle, V. CE, ass., 11 mai 2004, Assoc. AC ! et a., supra, n o 132).
La disparition rétroactive des effets des actes administratifs ne découle pas seulement de décisions juridictionnelles. Les
autorités administratives disposent elles-mêmes du pouvoir de la décider. Il peut s'exercer d'emblée par la subordination des
effets de l'acte à une condition résolutoire - à moins que cela ne soit impossible (CE, sect., 14 mars 2008, Portalis, supra, n o
375). Cette dernière, si elle se réalise, supprime tous les effets de l'acte, tant futurs que passés.
5 4 8 . Les autorités administratives disposent également du pouvoir de retirer les décisions qu'elles ont prises par une
nouvelle décision postérieure à celle visée. Cette prérogative, dont l'exercice est imprévisible, porte une évidente atteinte à la
sécurité juridique. Le législateur et la jurisprudence n'en admettent la mise en oeuvre que dans de strictes conditions
lorsqu'elle porte sur un acte créateur de droits susceptibles d'être acquis.
Art. 1 - Acte non créateur de droits susceptibles d'être acquis
549. L'application du principe de non-rétroactivité des actes administratifs devrait empêcher tout retrait de leurs décisions par
les autorités administratives, sans distinction selon qu'elles ont ou non créé des droits. L'état du droit montre cependant que
le retrait des actes administratifs non créateurs de droits susceptibles d'être acquis est admis libéralement. Les inconvénients
du retrait de ce type d'actes paraissent, il est vrai, modestes, notamment au regard du principe de sécurité juridique.
550. Leur retrait s'opère, en effet, dans les mêmes conditions que leur abrogation : ils sont retirables à tout moment et pour
tout motif (CE, sect., 30 juin 1950, Queralt, Lebon 413, D. 1951. 593, note F.M., Dr. soc. 1951. 246, concl. Delvolvé, JCP 1950.
II. 5909, note B.H., S. 1951. 3. 85, note Auby ; CE, ass., 27 mai 2002, SA Guimatho et a., AJDA 2002. 702, concl. Schw artz
;
29 nov. 2002, Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, supra, n o 423 ; CE 23 févr. 2009, req. n o 310277
, Mme A.-B.,
Lebon, à paraître, RFDA 2009. 226, note F. Melleray
).
551. La seule limite au retrait de ces actes est indirecte : ils ne peuvent être retirés librement lorsque des mesures prises sur
leur fondement ont elles-mêmes créé des droits susceptibles d'être acquis. Cette limite ne joue cependant que dans la
mesure où ces actes ont pu servir de fondement à d'autres ; elle semble en conséquence ne devoir concerner que les actes
réglementaires.
552. Il est abusif d'affirmer que leur retrait est totalement impossible s'ils ont reçu application (V. cep. CE 15 avr. 1988, Sté
civile Le Tahiti, supra, n o 508 ; CE 4 déc. 2009, req. n o 315818
, Mme Lavergne, Lebon, à paraître, AJDA 2009. 2318
)
puisqu'une telle interdiction ne vaut même pas pour les actes créateurs de droits. La logique conduit, en revanche, à
n'admettre leur retrait que tant qu'aucun des actes pris sur leur fondement n'a créé de droits acquis. Tant que tous ces actes
d'application sont eux-mêmes retirables, l'acte qui les fonde doit pouvoir l'être également.
553. La jurisprudence n'a pas consacré, comme en matière d'abrogation, une obligation pour les autorités administratives
d'abroger, sur demande, les actes administratifs non créateurs de droits susceptibles d'être acquis entachés d'illégalité.
Saisies d'une telle requête, elles sont tenues de prononcer l'abrogation de l'acte en cause mais non de le retirer.
Art. 2 - Acte créateur de droits susceptibles d'être acquis
554. Initialement organisé par des règles prétoriennes, le retrait des actes administratifs créateurs de droits susceptibles
d'être acquis obéit depuis 2000 à un régime complexe issu de dispositions législatives parcellaires complétées par un
revirement de jurisprudence opéré en 2001 mais dont la combinaison ne suffit pas à exclure le maintien - certes dans un
champ très réduit - de l'état du droit antérieur. Ce dernier comme celui qui lui a succédé tentent de trouver l'équilibre le plus
satisfaisant entre les deux préoccupations contradictoires qui inspirent la matière. Il s'agit de protéger le plus rapidement
possible les droits nés des décisions administratives, en leur assurant une intangibilité source de sécurité juridique, tout en
garantissant le respect du principe de légalité qui incite à favoriser la disparition des actes illégaux.
555. Le système antérieur à 2001 reposait sur le constat que les droits créés par les décisions administratives ne sont pas
définitivement acquis tant que le juge administratif est susceptible de prononcer l'annulation de ces décisions en raison de
leur illégalité. En conséquence, la jurisprudence reconnaissait aux autorités compétentes le pouvoir de retirer leurs décisions
créatrices de droits aussi longtemps qu'elles étaient susceptibles d'être annulées et en raison de leur illégalité (CE 3 nov.
1922, Dame Cachet, supra, n o 470). Le pouvoir de retrait était ainsi couplé au pouvoir d'annulation : il s'exerçait pour le
même motif et durant la même période.
556. Cela signifiait concrètement que le retrait pouvait être décidé tant que le délai de recours contre l'acte n'était pas expiré,
soit parce que, déclenché par des formalités de publicité adéquates, il n'était pas encore parvenu à son terme, soit que, faute
d'opérations de publicité adaptées, ce délai n'avait pas commencé à courir. Par ailleurs, dès lors qu'un recours administratif
(CE, sect., 23 nov. 1962, Assoc. des anciens élèves de l'Institut commercial de Nancy, Lebon 625) ou juridictionnel (CE 10 févr.
1982, Angeletti, Lebon 62) avait été déposé, le retrait de la décision attaquée pouvait être prononcé tant que ce recours
n'avait pas été définitivement examiné.
557. La subordination du retrait à l'illégalité de la décision en cause avait pour conséquence que les droits nés des décisions
créatrices de droits légales étaient immédiatement intangibles. Par ailleurs, si les droits créés par des décisions illégales
pouvaient disparaître rétroactivement tant que le délai de recours juridictionnel n'était pas expiré, ils devenaient intangibles
au terme de ce délai. Le retrait de la décision illégale opéré tardivement encourait l'annulation (CE 7 févr. 1973, Min. de
l'Éducation nationale c/ Nguyen van Nang, Lebon 886) : les droits acquis illégalement jouissaient ainsi - avec un décalage - de
la même protection que les autres.
558. La logique de la jurisprudence Dame Cachet conduisit le juge administratif à admettre le droit de retirer des décisions
administratives dont le délai de recours, expiré à l'égard de leurs destinataires, n'avait pas été déclenché à l'égard des tiers
en l'absence d'une publicité adéquate (CE, ass., 6 mai 1966, Ville de Bagneux, supra, n o 472 ; 29 mars 1968, Sté du
lotissement de la plage de Pampelonne, supra, n o 196). Cette solution, juridiquement cohérente, présentait l'inconvénient de
fragiliser quelque peu la situation des bénéficiaires des actes en cause puisque les droits qu'ils pouvaient légitimement croire
acquis pouvaient disparaître à n'importe quel moment.
559. Conscient des dangers de sa jurisprudence, le juge administratif fut conduit à lui apporter deux limites. D'une part, les
décisions implicites d'acceptation ne pouvaient pas être retirées, afin d'éviter que les droits qu'elles créent le plus souvent
soient indéfiniment sous la menace d'un retrait, rendu possible par le défaut de publicité à l'égard des tiers qui caractérise
souvent ce genre d'actes (CE, sect., 14 nov. 1969, Eve, et 28 févr. 1986, Synd. national des associations et institutions
sociales et médico-sociales, supra, n o 36 ; CE 1 er avr. 1992, Clinique des Maussins, Lebon 144
). D'autre part, le juge fut
amené à refuser que l'administration se prévale de sa négligence à mentionner les délais et voies de recours dans la
notification de sa décision initiale - sanctionnée par l'absence de délai de recours (V. supra, n o 96) - pour procéder à toute
époque à son retrait. Le droit de retrait ne pouvait en ce cas s'exercer que dans les deux mois de la notification incomplète ou
ultérieurement mais sur demande d'un tiers (CE, ass., 24 oct. 1997, Mme de Laubier, Lebon 371
, AJDA 1997. 936, chron.
Girardot et Raynaud
, D. 1998. 202, note Brisson
, LPA 20 févr. 1998, n o 22, p. 6, note Pélissier, RFDA 1998. 527, concl.
Pécresse
; CE 24 oct. 2001, Min. de l'Économie, des finances et de l'industrie c/ Poussin, Dr. adm. 2002. Comm. 33, obs.
C.M.).
560. Ces deux solutions, élaborées pour éviter une remise en cause excessive des droits nés des décisions administratives,
révélaient l'imperfection de la jurisprudence Cachet. En deux temps, par une disposition législative relative aux décisions
implicites d'acceptation puis par un revirement de jurisprudence, l'état du droit a été profondément remanié mais guère
simplifié (A. BA, Le retrait des actes administratifs illégaux créateurs de droits : la complexité croissante du régime, RD publ.
2007. 1617).
§ 1 - Décision explicite
561. « Sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande
du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est irrégulière, que
dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision » (CE, ass., 26 oct. 2001, Ternon, supra, n o 238).
Lire la mise à jour
561. Caractère créateur de droit de l'attribution du FCTVA et reversement des dotations. - La décision attribuant à une collectivité
le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) est créatrice de droit et précise ensuite les
modalités de reversement éventuel d'une telle dotation, notamment si le bien dont la construction a donné lieu au versement
est ensuite mis à disposition d'un tiers (CE 23 déc. 2011, Min. Intérieur, Outre-mer et Collectivités territoriales c/ Communauté
d'agglomération du pays de Montbéliard, req. n o 330013
, supra, Mise à jour, n o 483).
Application dans le temps d'une loi allongeant le délai de retrait d'un acte. - L'allongement du délai de retrait d'une décision est
sans incidence sur l'impossibilité de retirer celle-ci lorsque le délai initialement prévu était expiré à la date d'entrée en vigueur
du texte qui l'allonge (CE 21 oct. 2013, req. n o 361173
, AJDA 2013. 2053, obs. Pastor
).
Décision accordant un congé pour accident de service. Acte créateur de droits. - L'arrêté plaçant un agent en congé pour accident
de service est une décision créatrice de droits au profit de l'agent. Par suite, sous réserve de dispositions législatives ou
réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande de l'agent, l'Administration ne peut retirer un tel
arrêté, s'il est illégal, que dans le délai de quatre mois suivant son adoption (CE 23 juill. 2014, req. n o 371460
).
562. De la jurisprudence Dame Cachet, ne subsiste désormais que l'exigence de ne retirer que les décisions créatrices de
droits susceptibles d'être acquis illégales (sur l'exigence d'illégalité, V. CE 20 nov. 2009, req. n o 315799, Dpt des HautesPyrénées). La période durant laquelle les autorités administratives disposent de ce droit de « repentir » n'est plus aujourd'hui
déterminée au regard de la possibilité d'une annulation prononcée par le juge administratif. Le principe de sécurité juridique,
objet à l'époque contemporaine de toutes les attentions, a conduit le juge administratif à n'autoriser le retrait que dans les
quatre mois de la signature de la décision en cause (CE 26 sept. 2007, req. n o 291695
, Cne de Brest) et ce,
indépendamment de la date à laquelle la décision de retrait est elle-même notifiée à l'intéressé (CE, sect., 21 déc. 2007, Sté
Bré tim, supra, n o 186). Qu'elle ait été ou non convenablement publiée à l'égard de son destinataire ou des tiers, qu'un
recours administratif ou contentieux ait été ou non exercé, le délai de retrait reste invariable. Le retrait cesse d'être possible
alors que, saisi d'un éventuel recours, le juge administratif pourra ultérieurement prononcer l'annulation de l'acte.
563. Le système présente d'indéniables qualités. En premier lieu, il favorise une rapide intangibilité des droits nés des actes
administratifs (sous réserve de l'absence de dépôt d'un recours par un tiers qui peut conduire à une annulation). En deuxième
lieu, par sa rigidité, il permet aux bénéficiaires des décisions créatrices de droits de savoir d'emblée à quelle date ceux-ci leur
seront acquis (sous la même réserve et avec celle tenant à la notification ultérieure d'une décision de retrait). En troisième
lieu, la réduction de la période d'exercice du pouvoir de retrait devrait inciter les autorités administratives à approfondir
encore leur réflexion avant d'édicter leurs décisions. En quatrième et dernier lieu, l'administration se trouve désormais à l'abri
de la tentation d'organiser la « retirabilité » de ses décisions (en négligeant de les publier à l'égard des tiers) mais la
souplesse des conditions de notification de la décision de retrait (CE, sect., 21 déc. 2007, Sté Brétim, supra, n o 186) ne met
pas à l'abri de la tentation d'antidater une décision tardive.
564. La jurisprudence Ternon n'échappe pourtant pas à la critique. Il est tout d'abord regrettable que la modification des
conditions du retrait des actes administratifs créateurs de droits susceptibles d'être acquis résulte d'une initiative prétorienne.
Même si le système antérieur reposait lui-même sur une assise jurisprudentielle, il paraissait souhaitable que le législateur
arbitre lui-même entre la protection de la sécurité juridique et la garantie du respect du principe de légalité. La remarque
prend d'autant plus de relief que la durée adoptée (quatre mois) est le fruit d'un choix purement discrétionnaire du juge
administratif (en ce sens, V. Y. GAUDEMET, Faut-il retirer l'arrêt Ternon ?, AJDA 2002. 738
). Quant au fond, le refus
d'admettre, contrairement à ce que suggérait le commissaire du gouvernement, que l'exercice d'un recours administratif ou
juridictionnel prolonge le droit de retirer un acte administratif, supprime inopportunément une possibilité d'apurer rapidement
l'ordonnancement juridique. Il risque corrélativement de contribuer à l'encombrement des rôles des juridictions
administratives, désormais seules capables, une fois le délai de retrait expiré, de faire disparaître les décisions administratives
illégales.
5 6 5 . Le principe de l'arrêt Ternon appelle d'ailleurs quelques remarques. Il ne vise, tout d'abord, que les décisions
individuelles explicites créatrices de droits. Ce champ apparemment étroit se justifie par le fait que seuls les actes individuels
sont créateurs de droits susceptibles d'être acquis. La portée de l'arrêt n'aurait pas été plus large si le juge avait visé, de
façon plus générale, les actes créateurs de droits. Toutefois et ensuite, le juge prend la peine de limiter son revirement aux
seules décisions explicites, ce qui surprend. En effet, autant le cas des décisions implicites d'acceptation - dont un texte
législatif régit le retrait (V. infra, n os 571 s.) - peut être considéré comme réglé par la réserve des « dispositions législatives
ou réglementaires contraires », autant les conditions du retrait des décisions implicites de rejet restent en dehors du champ
des évolutions textuelles et jurisprudentielles. Le Conseil d'État a effectivement considéré qu'elles restaient assujetties aux
règles de retrait de la jurisprudence Dame Cachet précédemment évoquées (V. supra, n os 555 s. ; CE 26 janv. 2007, Sté
Kaefer Wanner, supra, n o 532). Cette survie de la jurisprudence ancienne peut être diversement appréciée. Tolérable en ce
qu'elle ne vise que des décisions fort rares, elle peut, inversement et pour cette même raison, être jugée inutile.
566. Par ailleurs, l'état du droit reste inchangé lorsque le retrait résulte d'une demande du bénéficiaire de la décision luimême. L'auteur de la décision peut procéder à son retrait, pour lui substituer une décision plus favorable, lorsque le retrait est
sollicité par le bénéficiaire de cette décision et qu'il n'est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers. Lorsque ces
conditions sont réunies, l'auteur de la décision apprécie, sous le contrôle du juge, s'il peut procéder ou non à son retrait,
compte tenu de l'intérêt tant de celui qui l'a saisi que de celui du service (CE 26 sept. 2007, req. n o 290059
, Mme
Labeaume, Lebon 671, BJDU 2007. 178, note Bonichot). Aucune obligation ne pèse alors sur l'administration qui apprécie
l'opportunité de ce retrait non motivé par l'illégalité de l'acte (CE, sect., 9 janv. 1953, Desfour, Lebon 5 ; CE 29 nov. 1974,
Barras, Lebon 598 ; 9 avr. 1999, M. Saunier, Lebon 128
, Dr. adm. 1999. Comm. 244, note G.G.). Le juge s'assure en outre
que la demande de l'intéressé était dépourvue d'ambiguïté (CE, sect., 24 févr. 1967, De Maistre, Lebon 91 ; CE 2 juill. 1999,
Peerzada, Lebon 620
).
567. En outre, le principe posé par l'arrêt Ternon ne vaut que « sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires
contraires ». Inutile en ce qu'elle concerne les normes de valeur législative qui s'imposent, en tout état de cause, aux normes
jurisprudentielles (pour une illustration en la matière, V. CE 12 nov. 2009, req. n o 372451, Sté Comilux et Sté Chavest, Lebon,
à paraître : les dispositions législatives du code de l'urbanisme empêchent le retrait d'une décision explicite de renonciation au
droit de préemption), cette précision surprend en ce qu'elle porte sur les normes réglementaires. Elle signifie, en effet, que le
principe nouvellement posé pourra être écarté par le pouvoir réglementaire, ce qui en fait un principe de portée simplement
supplétive. Par ailleurs, le juge administratif revient sur l'attribution de la compétence exclusive au pouvoir législatif en matière
d'intangibilité des actes administratifs créateurs de droits susceptibles d'être acquis (CE, ass., 29 mars 1968, Manufacture
française des pneumatiques Michelin, supra, n o 485). La compétence ainsi attribuée aux autorités réglementaires pour
déroger au régime du retrait des décisions créatrices de droits, facilitera certes l'application nuancée de ce régime, notamment
par l'allongement ou le raccourcissement du délai de retrait.
5 6 8 . Cette compétence est cependant susceptible de contribuer, par la multiplication des régimes dérogatoires, à la
complexité de l'état du droit. Or les textes spécifiques ne manquent pas, à l'exemple de l'article R. 4363 du code du travail qui
permet au ministre du Travail, sur recours hiérarchique, de retirer une décision d'un inspecteur du travail plus de quatre mois
après la signature de celle-ci (CE 28 sept. 2005, Sté Soinne et associés, supra, n o 535) ou de l'article L. 424-5 du code de
l'urbanisme selon lequel, sauf demande du bénéficiaire, les permis de construire, d'aménager ou de démolir, qu'ils soient
tacites ou explicites, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans un délai de trois mois suivant la date de leur
signature.
Lire la mise à jour
568. Délai de retrait du permis de construire et déféré préfectoral. - Les règles de retrait du permis de construire issues de la loi
du 13 juillet 2006 cèdent devant les dispositions de droit commun relatives au déféré préfectoral. En effet, les dispositions de
l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme qui prohibent le retrait d'un permis de construire au-delà de trois mois ne font pas
obstacle à ce que le préfet présente un recours gracieux qui interrompt le délai de recours contentieux dans les conditions du
droit commun du déféré préfectoral (CE 5 mai 2011, Min. d'État, min. Écologie, req. n o 336893
, AJDA 2011. 927
).
Précision sur le délai de retrait d'un permis de construire. - Le retrait d'un permis de construire doit être notifié dans le délai
prévu à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme (CE 13 févr. 2012, Société protectrice des animaux de Vannes, req.
n o 351617
, AJDA 2012. 297, obs. Brondel
; RDI 2012. 239
).
Pas d'exception à la règle du délai de trois mois pour retirer un permis de construire illégal. - Passé le délai de trois mois, l'autorité
compétente ne peut plus retirer un permis de construire, même si le terrain d'assiette appartient au domaine public maritime
(CAA Marseille, 27 sept. 2012, Cne d'Ajaccio, req. n o 10MA03502, AJDA 2013. 85
).
Compétence des communes en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme. Loi ALUR. - La loi du 24 mars 2014 pour
l'accès au logement et un urbanisme rénové (loi ALUR) modifie l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. Il est ainsi rédigé :
« La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou
explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé
ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire »
(L. n o 2014-366 du 24 mars 2014, art. 134-V, JO 26 mars).
5 6 9 . Enfin, la jurisprudence Ternon ne saurait être appliquée sans nuance lorsque le retrait d'une décision administrative
créatrice de droits est imposé pour assurer la pleine efficacité du droit communautaire. Cela se produit lorsqu'une aide
indûment versée au regard des exigences communautaires doit être récupérée. Il appartient alors au juge administratif de
s'assurer d'abord qu'aucune disposition communautaire ne comporte de règles générales définissant les modalités de
récupération des aides indûment perçues en application d'un texte communautaire. En leur absence, il doit ensuite vérifier
que la règle nationale (législative, réglementaire ou jurisprudentielle) est compatible avec les exigences du droit
communautaire. Elle ne saurait ainsi prévaloir que si le bénéficaire de l'acte créateur de droits était de bonne foi et qu'à la
condition qu'elle n'ait pas pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile la récupération de l'aide indûment versée
(CE 28 oct. 2009, req. n o 302030
, Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture
[VINIFLOHR], Lebon, à paraître).
570. Il convient de souligner que la jurisprudence Ternon ne perturbe en rien l'exercice des recours administratifs facultatifs
dans la mesure où l'autorité saisie dans les deux mois de la publicité de l'acte, a elle-même deux mois pour se prononcer
explicitement depuis la loi du 12 avril 2000 (V. supra, n os 227 s.). Elle devrait donc pouvoir exercer son droit de retrait durant
toute la période dont elle dispose pour se prononcer sur le recours administratif.
§ 2 - Décision implicite
5 7 1 . Le régime du retrait des décisions implicites de rejet a été précédemment exposé (V. supra, n o 565). Les décisions
implicites présentement examinées sont donc uniquement celles qui font droit à la demande de l'administré. Leur retrait était,
pour des raisons déjà évoquées, le plus souvent impossible sous l'empire de la jurisprudence Dame Cachet (V. supra, n o
559). L'article 23 de la loi du 12 avril 2000 (sur le champ d'application de cette loi, V. supra, n os 228 s.), qui régit désormais la
matière, prévoit des conditions de retrait différentes selon que le délai de recours a été déclenché ou non. Cette disposition,
tout en maintenant partiellement la logique de la jurisprudence Dame Cachet, en décide l'abandon sur le point particulier de la
jurisprudence Eve (V. supra, n os 559 s.). L'initiative légale a préfiguré la rupture du lien unissant les délais de recours et de
retrait, décidée par le Conseil d'État un an après.
572. L'alinéa 3 de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 admet le retrait des décisions implicites d'acceptation illégales pendant
la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé. Cette disposition a une portée générale puisqu'elle
s'applique aux décisions implicites d'acceptation rendues publiques ou non (CE Avis 12 oct. 2006, Mme Cavallo, Lebon 426,
AJDA 2006. 2394, concl. Struillou
, JCP 2006. I. 201, obs. Plessix, JCP Adm. 2006. 1277, note Pélissier). Maintenant l'esprit
de la jurisprudence Cachet, cette disposition autorise le retrait pendant une période beaucoup plus longue que ce que prévoit
la jurisprudence Ternon pour les décisions explicites.
573. L'article 23 distingue ensuite les conditions du retrait des décisions implicites d'acceptation créatrices de droits n'ayant
pas été contestées devant le juge. L'alinéa 1 er s'applique à celles d'entre elles qui ont donné lieu à des mesures d'information
des tiers. Leur retrait pour illégalité peut être décidé pendant le délai de recours contentieux. Cela ne remet pas en cause
l'état du droit antérieur, dans la mesure où la jurisprudence Eve ne couvrait que l'hypothèse, certes souvent rencontrée, dans
laquelle la décision implicite d'acceptation n'avait pas fait l'objet de mesures de publication à destination des tiers : le retrait
des décisions implicites d'acceptation publiées obéissait à la jurisprudence Dame Cachet (CE, ass., 1 er juin 1973, Min. de
l'Équipement et du logement c/ Époux Roulin, Lebon 390, AJDA 1973. 478, chron. Cabanes et Léger, AJDA 1973. 492, note Gilli,
JCP 1973. II. 17513, note Liet-Vaux ; CE 31 janv. 1992, SA Réseau téléphonique du Midi, CJEG 1992. 322, concl. Abraham ;
JCP 1973. II. 17513, note Liet-Vaux ; CE 31 janv. 1992, SA Réseau téléphonique du Midi, CJEG 1992. 322, concl. Abraham ;
27 mars 1981, Mme Renaudin, Lebon 599). Au regard du régime auquel est désormais soumis le retrait des décisions
explicites, la disposition ici en cause de la loi du 12 avril 2000 se singularise par le maintien du lien entre le délai du recours et
celui du retrait pour cette première catégorie de décisions implicites d'acceptation.
574. L'originalité du système législatif institué apparaît à l'égard des autres décisions implicites d'acceptation, qui n'entrent
pas dans le champ des deux alinéas précités. Il s'agit des plus nombreuses, celles qu'aucune mesure d'information n'a porté à
la connaissance des tiers. Alors que la jurisprudence Eve en interdisait le retrait, l'alinéa 2 de l'article 23 le rend désormais
possible pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision. Cette solution, qui détache
le délai de retrait du délai de recours et institue un délai de retrait « standard » calculé à compter de l'édiction de la décision
en cause, semble avoir inspiré le juge administratif lorsqu'il a, peu après, élaboré le système de l'arrêt Ternon.
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