Uploaded by shahpohr

Pages from Cantera, Alberto - Vers une édition de la liturgie longue zoroastrienne; Pensées et travaux préliminaires (Cahiers de Studia Iranica 51)

advertisement
140
VERS UNE ÉDITION DE LA LITURGIE LONGUE
L’absence des copies en Iran pourrait être expliquée du fait que Mihrābān
aurait emporté les manuscrits de Rōstām en Inde. Mais alors, on ne
comprend pas bien pourquoi Mihrābān aurait amené en Inde des manuscrits
dont les originaux étaient censés s’y trouver. De plus, on doit noter que
même le Wisperad pehlevi, qui n’a pas été copié par Mihrābān, se trouvait
aussi en Inde à la fin du XIVe siècle, car il fut inclus par Pēšōtan Rām
Kāmdīn dans le manuscrit M51 (= M6 de Geldner).
Malgré les ressemblances entre les voyages de Rōstām et son arrièrepetit-neveu Mihrābān, il y a une différence significative, mais difficile à
juger. Alors que Mihrābān agit commissionné par un tiers, Rōstām copia ces
manuscrits pour son propre usage (Kellens 1998 : 462). Il le dit
explicitement pour le Widēwdād135 :
L dynˈ bwndk lwsthm mtr’ʾpʾnˈ y mlcpʾn’ štrʾydbʾl <ʾylpt MNW PWN
ẔNE bwm hndwkʾnˈ> mt HWE-m AP-m ẔNE pcyn’ npštˈ hwyšyh <y>
NPŠE lʾd ʾpstʾk W znd nwcdhwm mʾlyk y> ytʾhwwylywˈ AYK
drəәgubiiō
Moi, le serviteur de la religion, le hērbad Rōstām Mihrābān Šahryār, qui
est venu en Inde et a copié ce manuscrit pour ma propre possession,
l’abastāg ud zand du dix-neuvième mot de l’Ahuna Vairiia, c’est-à-dire
drəәgubiiō.
La même expression (hwyšyh <y> NPŠE lʾd) apparaît aussi dans le
colophon de K7. Malheureusement, on ne peut que spéculer sur les raisons
de cette conduite de Rōstām.
2.6.1.3. Čāhil Sanjan, la visite de Mihrābān Kayxōsrō en Inde et la
littérature zoroastrienne en sanscrit
Heureusement, nous sommes mieux informés sur les raisons du voyage
de Mihrābān Kayxōsrō. Il est venu en Inde vraisemblablement entre le
18/10/690 AY et le 11/06/691 AY, c’est-à-dire dans la première moitié de
1322136. On ne sait pas non plus combien de temps il est resté en Inde, mais
135
136
Dans le colophon de Rōstām reproduit dans le ms. 4610 (K1).
Mihrābān a copié, peut-être, le manuscrit de l’Ardā Wirāz Nāmag et du Mādayān ī Yōšt ī
Fryān (premier colophon de K20) le 18/10/690 AY (1322) peut-être encore en Iran. Le
colophon ne l’indique pas, mais il n’a pas utilisé comme source le manuscrit de Rōstām
(comme pour les manuscrits copiés en Inde), mais la source iranienne (le manuscrit de
Mihrpānāg Srōšyār). Cela signifierait que le voyage de Mihrābān doit être daté d’entre le
18/10/690 AY et le 11/06/691 AY, c’est-à-dire dans la première moitié de 1322. À la fin
du XVIe s., le manuscrit de l’Ardā Wirāz Nāmag et du Mādayān ī Yōšt ī Fryān était en
LES MANUSCRITS DE LA LITURGIE LONGUE
141
le deuxième colophon du manuscrit K20 (fol. 51r) a été copié à Khambāt en
720 pārsīg (1371). Donc soit il est resté en Inde presque 50 ans, soit il a fait
plusieurs voyages en Inde : il y a signé des colophons en 1323-1324, 1351 et
1371.
Il a copié un bon nombre de manuscrits pehlevis et avestiques du type
exégétique :
- le manuscrit pehlevi MK, en 691 AY (1322) à Thāna, Inde ;
- un manuscrit exégétique du Yasna et un autre du Widēwdād (mss.
500 [J2]137 , 4600 [L4]) en 692 AY (1323 CE) à Navsārī ;
- une copie additionnelle de chaque manuscrit antérieur en 692 AY –
693 AY (1323-1324 ap. J.C.) à Khambāt (mss. 510 [K5] et 4610
[K1]).
À la différence du manuscrit MK qu’un colophon clôture, le manuscrit
K20 est un manuscrit collectif qui inclut quelques manuscrits dont les
colophons assurent qu’ils ont été écrits par Mihrābān (Christensen 1931) :
- l’Ardā Wirāz Nāmag et le Mādayān ī Yōšt ī Fryan, en 690 AY (1321
ap. J.C.), mais la place de la copie n’est pas indiquée (ms. K20,
colophon 1) ;
- le Šāyest-nē-šāyest, en 700 pārsīg (1651 ap. J.C.), mais la place
n’est pas indiquée (ms. K20, colophon 2) ;
_________________
137
Inde, parce qu’il fut inclus plus tard dans le codex K20. Donc soit Mihrābān l’a amené
avec lui, soit il était déjà en Inde avant sa visite et peut-être avant la visite de Rōstām. Si
l’Ardā Wirāz Nāmag et le Mādayān ī Yōšt ī Fryān ont été copiés, par contre, en Inde,
donc le voyage de Mihrābān en Inde doit être antérieur à 1322.
Le ms. 500 (J2) fut copié en Inde, puisque Mihrābān était déjà venu l’année précédente,
mais la place exacte (Thāna ou Navsārī) n’est pas déterminée avec certitude. Il est donc
très vraisemblable qu’il a utilisé le même original que pour le ms. 510. Sinon, cela
signifierait qu’il avait emporté d’Iran ou bien deux manuscrits (le manuscrit de Rōstām et
son original) ou qu’il a amené d’Iran l’original de Rōstām, mais ne l’a pas employé que
pour le ms. 500 (J2). L’absence de la mention du manuscrit de Rōstām dans le colophon
du ms. 500 (J2) ne prouve pas qu’il ne fût pas utilisé comme source. Puisque le ms. 500
(J2) est le premier manuscrit avestique copié en Inde, il peut avoir pris la décision de
mentionner sa source seulement après avoir copié le Widēwdād pehlevi où il a trouvé
plusieurs colophons déjà dans son original et les a reproduits. Cela pourrait avoir éveillé
en lui l’intérêt de citer aussi la source de son Yasna. Malgré la certitude que semble
montrer Geldner (1896 : xxx) à la fin (cf. Geldner 1896a : 13 ; Geldner 1896b : xxiv),
l’analyse des différences que montrent ces deux manuscrits ne permet pas de décider si
elles doivent être attribuées au fait que le manuscrit original du ms. 500 (J2) était la
source de celui de Rōstām Mihrābān et non le manuscrit de Rōstām Mihrābān même. Les
circonstances de la copie parlent plutôt pour une source commune aux deux manuscrits.
142
VERS UNE ÉDITION DE LA LITURGIE LONGUE
-
le Hādōxt Nask en avestique et pehlevi et autres textes pehlevis, en
720 pārsīg (1371 ap. J.C.138) à Khambāt (ms. K20, colophon 3).
Pour le reste des textes inclus dans K20, nous ne sommes pas en mesure
d’affirmer la paternité de Mihrābān. La paléographie montre que le
manuscrit K20 n’a pas été copié par Mihrābān, mais par quelqu’un de
proche (malgré les différences, les similitudes paléographiques sont
évidentes). Donc nous ne savons pas si la compilation de ce manuscrit
collectif est l’œuvre de Mihrābān ou si quelqu’un proche de Mihrābān l’a
compilé. La coïncidence dans les contenus de M51 et K20 semble indiquer
qu’au moins les textes communs aux deux manuscrits ont été copiés d’abord
par Rōstām et après par Mihrābān (ou bien du manuscrit de Rōstām ou de
son original) :
M51 (Bartholomae 1915 : 38 ss.)
M51 a I
1. Ny1-Phl
2. Āfrīn des 30 divinités des jours
3. Caractéristiques des 30 jours
du mois
4. Alphabet avestique
K20
K20 (Christensen 1931)
1. Ardā Wirāz Nāmag
2. Mādayān ī yōšt ī fryān
Colophon 1 (MK, 690)
3a. sur la longueur de l’ombre
d’un homme à midi
3b. sur la longueur de l’ombre
d’un homme l’après-midi
4. Hādōxt Nask : avestique et
pehlevi
5. Ahrēman, instructions à
Xēšm
Colophon 2 (MK, 720)
6. Šāyest nē šāyest
Colophon 3 (MK, 700)
4. Hādōxt Nask :
avestique et pehlevi
7. Frahang ī ōīm
5. Ardā Wirāz Nāmag (1.1-38)
M51 a II
6. Wisperad pehlevi
Colophon (PRK, 29/9/766)
7.
Strophes
gāthiques
en
avestique et pehlevi
8. Hādōxt Nask : avestique et
pehlevi
9. Y1.30-31 (av. et phl.)
10. Šāyest nē šāyest
11. Frahang ī ōīm
Colophon dans la marge (PRK)
12. Pehlevi Rivāyat (fragment)
6. Šāyest nē šāyest
7. Frahang ī ōīm
13. Čim ī gāhān
13. Pehlevi Rivāyat
(fragment)
14. Čim ī gāhān
14. Sur le drōn yašt
15. Sur le drōn yašt
138
8. Bundahišn indien
9. Zand ī Wahman Yašt
10. Handarz ōšnar-ē dānāg
11. Mādayān ī gizistag Abāliš
12. Handarz Ādurbāb ī
Māraspand
13. Yt22.39-42 : avestique et
pehlevi
14. Srōš Yašt Hādōxt (Yt11) :
Nous sommes à nouveau devant le problème de l’interprétation d’une date pārsīg. Pour
cette époque, si on faisait encore la distinction, cela vaudrait pour 1371 ap. J.C. Pourtant,
la date est trop éloignée du plus ancien colophon de Mihrābān, le premier colophon de
K20, qui est daté de 690 AY (1321 ap. J.C.).
LES MANUSCRITS DE LA LITURGIE LONGUE
15. Considération sur les gāh
16. Considération sur
les gāh
16. Patet ī xwad
17. Frašna d’Ohrmazd et Zardušt
18. Classification des péchés
19. Sur la prohibition de manger
de la viande
20. Cinq enseignements en
pehlevi
M51 b
21. Ardā Wirāz Nāmag
22. Mādayān ī Yōšt ī Fryān
17. Patet ī xwad
Colophon a (7/4/618,
Mihrābān < Mihrapānāh
de Nišāpur)
Colophon b (19/11/766
Rōstām Mihrābān)
23. Sur la longueur de
d’un homme à midi
1. Ardā Wirāz Nāmag
2. Mādayān ī yōšt ī
fryān
143
avestique et pehlevi
15. Sélections du Yasna
(Y11.17-18, 12, 13, Y29.6 :
avestique et pehlevi)
13. Pehlevi Rivāyat (fragment)
14. Čim ī gāhān
15. Sur le drōn yašt
16. Sur la récitation de l’Ahuna
Vairiia
17. Considération sur les gāh
18. Patet ī xwad
Rōstām
Srošyār
PRK <
l’ombre
24. Sur la longueur de l’ombre
d’un homme l’après-midi
25. Bundahišn indien
26. Nērang avestique (Yt2.11-14)
27. Yt 4
28. Sur le xwēdōdah
29. Sur la récitation de l’Ahuna
Vairiia
3a. sur la longueur de
l’ombre d’un homme
à midi
3b. sur la longueur de
l’ombre d’un homme
l’après-midi
8. Bundahišn indien
16. Sur la récitation de
l’Ahuna Vairiia
Cette comparaison nous montre clairement que les copistes ne se sont pas
limités à copier un manuscrit collectif préexistant, mais qu’ils ont fait leur
collection avec des critères différents. Donc on ne peut pas conclure que tous
les textes que Mihrābān inclut dans MK apparaissaient déjà dans l’original
de Rōstām ou de Dēnpanāh, de même pour le ms. M51 de Pēšōtan Rām
Kāmdīn.
Les données certaines sont que Mihrābān a copié de Rōstām l’Ayādgār ī
Zarērān de MK, le Widēwdād exégétique (mss. 4600 [L4] et 4610 [K1]) et le
Yasna exégétique (au moins, 510 [K5], mais vraisemblablement aussi 500
[J2]). Il a employé le même original que Rōstām pour l’Ardā Wirāz Nāmag
et le Mādayān ī Yōšt ī Fryān (celui de Mihrpānāg Srōšayār) et pour quelques
textes mineurs de MK (celui de Dēnpanāh Dēnpanāh). Pour le reste, on peut
supposer que les textes communs à K20 et M51 ont aussi une origine
commune. Le programme de Rōstām envers les manuscrits avestiques est
144
VERS UNE ÉDITION DE LA LITURGIE LONGUE
clair : il a produit en Inde des manuscrits exégétiques des principales
variantes de la liturgie longue, sauf le Wištāsp Yašt139 . Mihrābān a omis les
Wisperad liturgique et exégétique de Rōstām140, mais il a ajouté peut-être le
Srōš Yašt Hādōxt (Yt11).
Les circonstances de son voyage sont racontées en détail dans un
colophon sanscrit qui apparaît dans plusieurs manuscrits (v. ci-dessous).
Voilà la traduction du colophon du ms. 510 (K5) (Unvala 1940 : 131) :
In the year Saṁvat 1379, on the 8th of the bright half of the month of
Mārga(śirṣa), on Wednesday, the year Parsī Saṁ(vat) 692, the month Dai,
the day Āsmān, today here, in the auspicious holy place (i.e. in the firetemple), when the Sultān Śrī Gayāsadīn was extending (his) kingdom, at
that time this book Jand Iasnī was written for (augmenting) the
meritorious deed of the trader Cāhila, son of Sāṁgana, the Pārsi trader, by
the priest Mihirvāna, son of Kaikhusrava, the priest pertaining to the Pārsī
caste, who had come from the country of Erānjamīn, having accepted a
written (invitation contained in a) letter couched in very respectful terms.
Whoever protects this book or reads it should perform a specific good
deed for the redeemed souls of the ancestors of Cāhila and for the latter.
Čāhil Sanjan, un marchand de Khambāt a envoyé une lettre à Mihrābān
Kayxōsrō d’invitation à venir en Inde. Si, comme il semble, il est resté en
Inde, l’invitation était de longue durée. Čāhil Sanjan apparaît donc comme
une sorte de mécène de l’activité de Mihrābān en Inde. L’invitation ne vient
pas de la classe sacerdotale préoccupée par la perte des capacités de la
pratique rituelle. Ceci sera le moteur des contacts entre les communautés
indiennes et iraniennes dès le XVIe siècle et, surtout, au XVIIe siècle. Čāhil
Sanjan semble, par contre, avoir eu connaissance de la visite de Rōstām
quelques années auparavant et a engagé Mihrābān à copier de nouveau les
139
140
Cette liturgie n’était pas, pourtant, célébrée en Inde et elle n’arrivera là qu’au XVIIe s. Il
n’y a que de très rares manuscrits exégétiques du Wištāsp Yašt qui datent tous du XIXe
s., s’ils sont datés (Martínez Porro 2013 : 77).
Cette omission pourrait avoir des raisons biographiques. Les Wisperad furent copiés par
Rōstām à Anklesar et après ils sont passés à Bharuch. Mihrābān n’a copié là aucun
manuscrit et, peut-être, il n’y est pas allé. Si l’absence de copie des manuscrits du
Wisperad de Mihrābān s’explique par des raisons géographiques, cela signifierait que
Rōstām a copié les manuscrits du Yasna et du Widēwdād à Navsārī ou qu’ils ont été
envoyés là avant la venue de Mihrābān. Du manuscrit copié à Thāna, seul le premier
colophon (Ayādgār ī Zarērān) mentionne Rōstām et il est possible que l’original soit
venu avec Mihrābān d’Iran. Une autre possibilité est que Čāhil Sanjan ait assemblé pour
lui les manuscrits de Rōstām et lui a fait parvenir les originaux à son arrivée en Inde.
LES MANUSCRITS DE LA LITURGIE LONGUE
145
mêmes manuscrits que Rōstām et peut-être à amener quelques nouveaux
manuscrits d’Iran.
On se demande les raisons du recrutement de Mihrābān, si, comme il
semble, les manuscrits de Rōstām étaient déjà en Inde. Une raison possible
pourrait être la collaboration d’un « expert » iranien dans la production
d’une littérature exégétique indienne en sanscrit. Trois manuscrits de
Mihrābān contiennent, en effet, un colophon en sanscrit (Hodivala 1920 :
259 ss.) similaire à celui qu’on vient de reproduire : le manuscrit MK copié à
Thānā le 19/08/691 (1322 ap. J.C.)141 ; le ms. 4600 (L4) copié à Navsarī le
07/08/692 AY (1323 ap. J.C.)142 et le ms. 510 (K5) copié à Khambāt le
27/10/692 AY (1324)143. Les trois sont presque identiques et seuls les dates
et la place varient. À ma connaissance, ce sont les documents zoroastriens
les plus anciens en langue sanscrite qu’on peut dater avec certitude. Ils ont
été écrits en hommage à Čāhil Sanjan et suivent un rōz-nāmag pour sa
famille. Évidemment, le riche marchand veut participer à l’élite culturelle
qui utilise la langue sanscrite comme langue religieuse et de culture. Le
contexte de ces colophons semble être la production d’une littérature
zoroastrienne en sanscrit144.
La date de la création d’une littérature zoroastrienne en langue sanscrite,
avec la composition de quelques nouveaux ouvrages (comme les Seize
Ślokas) et surtout avec traduction de littérature pehlevie (y compris la
traduction de quelques textes liturgiques avestiques) est incertaine (Kellens
1998 : 463). La tradition attribue les débuts de la littérature sanscrite
zoroastrienne à Nēryosang Dhaval, mais ce n’est qu’une information
légendaire. De plus, sa datation n’est pas connue, car les calculs
généalogiques ne valent presque rien. Par contre, nous savons avec certitude
que les traductions les plus importantes du Khorde Avesta et de quelques
ouvrages pehlevis étaient déjà accomplies à la fin du XIVe siècle ou au début
du XVe siècle. Le manuscrit H2 qui contient un bon nombre des ouvrages
zoroastriens en sanscrit est daté aux alentours de 1415 (Geldner 1896b : iii ;
141
142
143
144
Cf. JamaspAsana (1913 : 7).
Ce colophon est, comme les autres du ms. 4600 (L4), perdu, mais il est reproduit dans le
ms. PB de Sanjana (1895 : xlvii). D’autres copies du ms. 4600 (L4), comme les mss.
4712 et 4713, ne l’incluent pas.
Reproduit et traduit par Unvala (1940 : 131).
On trouve, en effet, là quelques équivalences terminologiques qui apparaissent aussi dans
la littérature sanscrite zoroastrienne comme muktātman- (traduction habituelle
d’aš ̣auuan- dans la traduction du Yasna et ici vraisemblablement pour phl.
anōšagruwān) ou punyarthaṃ (qui traduit ici az bahr ruwān ī xwad).
146
VERS UNE ÉDITION DE LA LITURGIE LONGUE
Bharucha 1906 : l. vi). Le manuscrit J9 pourrait être encore antérieur, peutêtre de la deuxième moitié du XIVe siècle (Geldner 1896b : iv ; Bharucha
1906 : l.vi).
La datation de la version sanscrite du Yasna est obscure, car les premiers
manuscrits datés appartiennent au XVIIIe siècle. Pourtant, la traduction
sanscrite du Yasna fut vraisemblablement composée dans le même cadre
historique que les autres ouvrages sanscrits zoroastriens. Les deux
manuscrits les plus anciens (mss. 671 [J3] et 677 [S1]) n’ont pas de
colophon. La date du manuscrit 677 (S1) ne doit pas être, pourtant, trop
éloignée de celle des manuscrits sanscrits H2 et J9, c’est-à-dire la deuxième
moitié du XIVe siècle ou début du XVe siècle145. Geldner (1896 : iv) a déjà
noté la similitude entre l’écriture avestique de H2, de J9 et d’une des
écritures du ms. 677 (S1)146 . H2 et J9 ne sont pas localisés aujourd’hui147,
mais Mills (1910) reproduit deux pages de J9 et Bharucha (1920 : 77 s.)
deux de H2148. Ce n’est pas l’endroit pour analyser la paléographie, mais je
me permettrai tout de même quelques remarques. Les trois écritures
avestiques sont clairement différentes et on ne peut pas parler d’un même
copiste. Les similitudes les plus grandes correspondent au manuscrit J9 et à
la deuxième main du ms. 677 (S1), bien que la forme de certaines lettres
(comme par ex. le v initial) soit différente. Le manuscrit H2 partage avec eux
la forme très particulière de quelques lettres, mais d’autres (comme le v
initial) sont plus semblables à celles de l’écriture standard. En tout cas, les
trois manuscrits révèlent une série de lettres très particulières (comme h, n,
etc.) qu’on ne trouve pas ailleurs149. Ces manuscrits revèlent une tradition
145
146
147
148
149
Geldner (1896 : xxx) note que le papier de S1 pourrait indiquer une datation au XVe s. ou
même à la fin du XIVe s., mais ce type d’indications est difficile à juger.
Le ms. 677 (S1) combine deux écritures avestiques et deux écritures nagaries qui
alternent dans les manuscrits sans qu’on puisse en découvrir les raisons. Le changement
d’une écriture à l’autre se produit souvent à la mi-mot.
Mills (1910 : xxxiii) mentionne qu’on en a fait une reproduction photographique à la
Bodleiana.
Je remercie L. Goldmann pour cette information.
Malheureusement, on ne peut pas confirmer que les deux folios que nous avons de H2 et
de J9 emploient aussi la lettre ġ, mais je l’attendrais. Pour son usage, v. HoffmannNarten (1989 : 71 s.). Cette lettre n’apparaît régulièrement que dans les manuscrits avec
traduction sanscrite : dans les deux mains du ms. 677 (S1), dans le ms. 671 (J3) et dans le
ms. 672 (K6). Les copies plus tardives l’emploient aussi parfois. On perçoit un emploi
décroissant : elle est plus fréquente dans le ms. 677 (S1) que dans le ms. 671 (J3) et là
encore plus fréquente que dans le ms. 672 (K6). Cette lettre a disparu en Inde avant
l’apparition des premiers manuscrits liturgiques à la moitié du XVIe s. Elle a aussi
LES MANUSCRITS DE LA LITURGIE LONGUE
147
indienne différente de celle de Rōstām et de Mihrābān. La production des
traductions sancrites des ouvrages zoroastriens, surtout de textes avestiques,
est donc antérieure à l’arrivée en Inde de Rōstām et de Mihrābān et s’intègre
dans une tradition paléographique différente. Au XIVe siècle, on a donné un
nouvel élan, non seulement à la copie de manuscrits plus anciens avec
traduction sanscrite, mais aussi à la production de nouvelles traductions. Il
est vraisemblable que la traduction sanscrite du ms. 677 (S1) n’arrivait qu’à
la fin du Y47, où finit la traduction attribuée à Neryōsang (Spiegel 1861 :
12 ; Geldner 1896b : xxx). Dans le ms. 671 (J3), la première main arriva
jusqu’au Y54.1 et deux mains postérieures ont ajouté respectivement la
traduction des chapitres 55-56 et 57. Dans le ms. 672 (K6), elle arrive au
Y57.29 et dans le ms. 674 (P11) au Y65.5. La traduction du Yasna a donc dû
commencer avant la venue de Mihrābān, mais la tâche n’était pas encore
accomplie à son arrivée.
Il est donc sûr que, pendant le XIVe siècle, on a travaillé à la production
d’une littérature sancrite zoroastrienne. L’insistance de Čāhil Sanjan dans la
production de colophons sanscrits pour les manuscrits de Mihrābān peut
révéler une participation active ou même un patronage et fournir ainsi le
contexte du recrutement de Mihrābān. La connexion entre Mihrābān et la
tradition sanscrite est confirmée par la présence d’un fragment de Mihrābān
collé dans le manuscrit 672 (K6) et qui ne cache aucune partie du texte, de
sorte qu’il fut collé avant que le texte fût écrit (v. fig. 14).
La production d’une littérature zoroastrienne en sanscrit a dû combiner
plusieurs processus : l’apprentissage correcte du pehlevi, la compilation
d’ouvrages en pehlevi (et de traductions pehlevies de textes avestiques) et,
finalement, leur traduction en sanscrit. Mihrābān Kayxōsrō aurait été invité
par Čāhil Sanjan comme expert iranien en langue pehlevie. On notera que,
alors que Rōstām avait copié au moins un manuscrit liturgique (ms. 2000
[K7b]), Mihrābān n’a produit que des manuscrits exégétiques ou directement
en pehlevi. Il est évident que les intérêts de Čāhil Sanjan étaient éloignés de
la pratique rituelle.
_________________
disparu des manuscrits iraniens avant les manuscrits du XVIe s. Elle apparaît par contre
dans l’original du Frahang ī ōīm employé par Mihrābān (v. K20 zgəәrəәġnəәm pour
zgəәrəәsnəәm) et dans l’original de son Hādōxt Nask (v. HN2.8 jiġauruua dans K20 et
M51 ; indication de J. Ferrer). On la trouve aussi dans le Yasna combiné de Hōšang
Syāwaxš (v. Y60.1 yəә̄ṇġ). Āsdīn Kāka emploie encore cette lettre : dans F1 (v. Hintze
dans JamaspAsa 1991 : xx) et aussi dans T12 (ġaēθå, fol. 184r ; indication de J. Ferrer).
Download