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Bulot 2010. Le genre Agave aux Etats-Unis

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Le genre
Agave
aux Etats-Unis
Agave lechuguilla
Le genre Agave L. est numériquement le plus important
de la famille des Agavaceae. Son centre de diversité se situe au
Mexique, mais sa répartition géographique inclut aussi le sudouest des Etats-Unis, la Floride, les Caraïbes et l’Amérique centrale
(Gentry, 1982 ; Garcia-Mendoza & Galvan, 1995). Avec 39 taxons
dont quelques hybrides naturels et espèces naturalisées, la flore
des USA arrive au deuxième rang de la diversité du genre (Reveal
& Hodgson, 2002). D’un point de vue ethnobotanique, plusieurs
«espèces» pourraient être des cultivars sélectionnés par les civilisations précolombiennes (Hodgson, 1996, 2001a; Hodgson & Slauson, 1995). L’objet du présent article est de proposer au lecteur une
36 | Cactus & Succulentes
agaves
vue générale sur les Agave nord-américains du point de vue systématique, biogéographique et horticole. L’accent sera tout particulièrement mis sur les espèces rustiques en climat méditerranéen froid.
A. Une classification encore confuse
Dahlgren et al. (1985) considèrent que les Agavaceae doivent être
restreints aux genres Agave Linné, Beschorneria Kunth, Furcraea
Ventenat, Hesperaloe Engelmann, Manfreda Salisbury, Polyanthes
Linné, Prochnyanthes Zuccarini et Yucca Linné [incluant Hesperoyucca (Engelmann) Baker], tandis que Baucarnea Lemaire, Calibanus
Rose, Dasylirion Zuccarini et Nolina Michaux doivent être transférés dans la famille des Nolinaceae. Ainsi conçues, les deux familles
représenteraient potentiellement deux lignées parallèles au sein des
Asparagales du Nouveau Monde. Cette conception a été soutenue
depuis par les travaux sur l’ADN de Bogler et al. (2006). Plus récemment, il a été montré que le genre monotypique Hesperocallis est
phylogénétiquement lié aux Agave et son inclusion dans les Agavaceae a été recommandée (Pires et al., 2004).
Les recherches en biosystématique moléculaire suggèrent que les
Agavaceae devraient être étendus pour accueillir les genres Chlorogalum et Camassia, ainsi que la totalité des Anthericaceae. Une
opinion différente est adoptée par l’Angiosperm Phylogeny Group
(APG II) qui place les Agavaceae, ainsi que de nombreuses autres
familles (dont les Ruscaceae) dans les Asparagaceae. Néanmoins,
cette conception n’a généralement pas été suivie par les botanistes
systématiciens et la plupart des travaux récents considèrent les
Agavaceae (avec un contenu variable) comme une famille distincte
des Asparagaceae (Irish & Irish, 2000 ; Thiede, 2001 ; Reveal &
Hodgson, 2002).
Au niveau spécifique, la classification actuelle dérive du travail magistral de Gentry (1982) A la différence de ces prédécesseurs (Zuccarini, Baker, Berger, Trelease), Gentry a basé sa classification sur
une analyse très détaillés des caractères floraux qui l’ont conduit à
répartir les espèces en deux sous-genres : Littaea (Tagliabue) Baker
et Agave. La distinction entre les deux sous-genres repose sur l’inflorescence qui forme un épi chez Littaea et des panicules chez Agave.
La barrière génétique n’est pas totale comme le montrent Agave x
glomeruliflora (Engelmann) Berger qui est un hybride naturel entre
A. lechuguilla (s.-g. Littaea) et A. havardiana (s.-g. Agave) (Reveal &
Hodgson, 2002). Deux autres hybrides de ce type sont connus : A. x
ajoensis Hodgson (A. deserti var. simplex x A. schottii) et le très rare
A. x arizonica Gentry & Weber (A. chrysantha x A. toumeyana var.
bella). Le groupe de A. utahensis Engelmann (section Urceolatae) est
aussi particulier (voir ci-dessous).
Selon Gentry, Littaea regroupe 54 espèces réparties dans 8 sections,
tandis que 82 espèces et 12 sections appartiennent à Agave. Cette
classification qui a mis de l’ordre dans une taxonomie «chaotique»
est parfois déroutante pour le collectionneur qui n’a généralement
pas la chance d’assister à la floraison de ses plantes avant de longues années. En effet, des espèces montrant des caractères végétatifs très similaires sont très éloignées phylogénétiquement du fait de
leur morphologie florale.
B. Description de quelques espèces
Il m’est impossible de passer en revue l’intégralité des taxons nordaméricains dans ces quelques pages. Je me suis donc concentré sur
les espèces qui se sont avérées rustiques dans mes rocailles exté-
rieures en climat méditerranéen froid. Pour chaque taxon, je présenterai succinctement les caractères morphologiques et les répartitions
biogéographiques. Pour plus de précisions sur les milieux naturels,
le lecteur est invité à se référer à mon article sur la distribution des
Cactaceae (Bulot, 2002). Les dimensions données (D = diamètre,
H = hauteur) correspondent à des individus adultes. La période de
floraison est celle observée dans l’habitat. Toutes les informations de
rusticité sont données à titre indicatif et concernent des plantes installées dans des substrats très drainés (- de 10% de terre végétale)
et sans couverture hivernale.
Sous-genre Littaea
Agave lechuguilla Torrey in W. H. Emory, Rep. U.S.
Mex. Boundary, 2(1): 213. 1859.
Rosettes acaules de taille moyenne (D = 40-70 cm ; H = 25-45 cm)
à nombreux rejets. Feuilles droites, droites ou recourbées vers le
centre de la rosette, à base convexe et sommet concave, de couleur
vert clair et striées. Bordure des feuilles à fibre cornée grisâtre se
détachant aisément. Denticulation irrégulièrement espacée. Epine
terminale brune, conique, et rigide. L’inflorescence en épi atteint
2,50 à 5 m de hauteur. Fleurs jaunes à reflets rouges ou pourpres de
mai à juillet. Des floraisons précoces (plantes de 3-4 ans) ont été
signalées, mais il faut en moyenne 20 ans pour que la hampe florale
se développe. La variabilité de l’espèce inclut des formes à feuilles
bleutées et ondulées (A. nigrescens Hort.).
2
Agave lechuguilla
A. lechuguilla est la plus caractéristique des espèces du Désert de
Chihuahua et son extension géographique est immense. Elle forme
de vastes colonies sur les sols et affleurements calcaires. Gentry
(1982) signale des densités de plus de 50 000 plantes à l’hectare
et des colonies plurimétriques. Elle peut devenir envahissante en
culture. Issue de zones d’altitude moyenne (1200-2000 m), sa répartition géographique inclut l’ouest du Texas et le sud-est du Nouveau
Mexique. Peu exigeante en terme d’habitat (prairies steppiques,
zones arbustives désertiques et lisière des forets), cette espèce très
rustique (températures minimales de l’ordre de -20°C dans l’habitat)
apprécie les expositions de plein soleil. Mon clone testé depuis 1999
provient des Franklin Mountains, Nouveau Mexique.
Source de savon et d’une fibre appelée ixtle ou istle depuis les
époques précolombiennes, l’espèce ne semble pas avoir été consommée par l’homme en dépit de son nom (petite salade en espagnol).
Elle est toxique pour le bétail, mais parfaitement digeste pour les
herbivores sauvages (daim, javelina).
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Agave parviflora subsp. parviflora Torrey in W. H.
Emory, Rep. U.S. Mex. Boundary, 2(1): 214. 1859.
Agave toumeyana var. bella Breitung, Cact. Suc. J.
(Los Angeles), 32: 81. 1960.
Rosettes acaules compactes de petite taille (D = 15-20 cm ; H = 1045 cm) à rejets peu nombreux. Feuilles linéaires à oblongues, de couleur vert sombre marquée de zébrures blanches. Bordure des feuilles
droite à filaments blancs se détachant aisément vers l’extrémité
supérieure. Denticulation insignifiante à la base de la feuille et épine
terminale courte et peu marquée. L’inflorescence en épi atteint 1 à
2 m de hauteur. Fleurs jaune pale en juin et juillet.
A. parviflora est une espèce du Désert de Sonora. Essentiellement mexicaine, son extension au USA est réduite à l’extrême sud
de l’Arizona ou elle affectionne les collines rocheuses sèches. La
sous-espèce flexiflora est par contre strictement mexicaine. Rare en
culture jusqu’aux années 1990, A. parviflora nécessite une exposition très ensoleillée et des arrosages modérés pour conserver sont
port compact. Sa rusticité reste à tester à plus grande échelle mais
les données disponibles suggèrent un seuil moyen de l’ordre de
-12°C dans l’habitat. Mon clone testé depuis 2002 provient de Ruby,
Arizona (graines Mesa Garden).
Rosettes acaules compactes de petite taille (D = 15-20 cm ; H = 1015 cm) à rejets nombreux formant des coussins denses souvent en
forme d’anneau lorsque la rosette mère est morte. Feuilles vert vif,
linéaires et lancéolées, marquée de zébrures blanches sur les deux
faces. Bordure brune, lisse et couverte de fins filaments blancs. Denticulation minuscule et limitée à la base des feuilles. Epine terminale
brune, fine et courte. L’inflorescence en épi atteint 1,50 à 2,50 m de
hauteur. Fleurs jaune pale à jaunâtres concentrées sur la moitié supérieure de la hampe en juin et juillet. La variété type est de plus grande
taille et à feuilles plus nombreuses.
Les deux variétés de A. toumeyana sont des endémiques du centre de
l’Arizona (Pinal, Bradshaw et New River Mountains). Elles poussent
sur escarpements rocheux calcaires et basaltiques à des altitudes de
600 à 1400 m. Plantes de plein soleil et de milieu sec, leur rusticité
reste mal connue mais les données disponibles suggèrent un seuil
moyen de l’ordre de -12°C dans l’habitat. Mon clone testé depuis
2002 provient de Gila County, Arizona (graines Mesa Garden).
Agave schottii Engelmann, Trans. Acad. Sci. St.
Louis 3: 305. 1875.
Agave utahensis subsp. utahensis Engelmann in S.
Watson, Botany (Fortieth Parallel), 497. 1971.
Rosettes acaules compactes de petite taille (D = 30 cm ; H = 25-40 cm)
à rejets nombreux formant une touffe métrique. Feuilles linéaires, de
couleur vert jaune, à bordure brune, lisse et filamenteuse. Denticulation
et épine terminale fines et courtes. L’inflorescence en épi atteint 1,50 à
2,50 m de hauteur. Fleurs jaune terne, concentrées sur la moitié supérieure de la hampe d’avril à août. La variété treleasii est de plus grande
taille et pourrait correspondre à un hybride impliquant A. havardiana
ou A. palmeri.
A. schottii est une espèce d’altitude du Désert de Sonora (au dessus
de 900 m). Essentiellement mexicaine, elle n’occupe aussi que le sud
de l’Arizona où elle affectionne les prairies et la lisière des chênaies.
Elle forme des colonies denses sur sols rocheux et peu profonds. Peu
commune en culture, A. schottii nécessite une exposition légèrement
ombragée et un arrosage régulier en été. Du fait de son habitat,
sa rusticité et sa tolérance à l’humidité sont bonnes avec un seuil
moyen de l’ordre de -12°C. Mon clone testé depuis 2002 provient de
la Snake River, Arizona (graines Mesa Garden).
Rosettes compactes de petite taille (D = 25-40 cm ; H = 20-30 cm)
à courte tige chez les plantes adultes. Rejets nombreux formant de
coussins denses et étalés. Forme et taille des feuilles très variables,
souvent vert gris chez la forme type, se terminant par une longue épine
grise incurvée à son extrémité. Denticulation espacée. La variété eborispina (Hester) Breitung se distingue par son épine papyracée blanc
ivoire. La variété nevadensis Engelmann est nettement plus petite que
la forme type (H = 15-25 cm), les feuilles sont vert glauque, à dents
plus larges et épine terminale plus allongée. Inflorescence de 1,50 à
2,50 m de hauteur en épi, en racème ou faiblement paniculée, y compris au sein de la même population. Fleurs jaune pale en juin et juillet.
Il existe de nombreuses formes de transition entre les trois variétés.
Agave utahensis est le plus septentrional des Agave. Les variétés
eborispina et nevadensis occupent essentiellement les zones montagneuses (1250 à 1850 m) du désert Mohave (sud-ouest du Nevada et
sud-est de la Californie, avec une préférence pour les escarpements
calcaires. La forme type est aussi calcicole et son extension géographique va du centre de l’Arizona jusqu’à l’extrême sud-ouest de
l’Utah. Plantes de plein soleil et de milieu très aride, elles supportent
des températures minimales de -20°C dans l’habitat. Cette rusticité
s’effondre lors d’hivers humides et un drainage quasi-total est nécessaire pour conserver cette espèce en extérieur sous nos climats. Mon
clone testé depuis 2002 provient de la localité bien connue de Peach
Springs, Arizona (graines Mesa Garden, D.J. Ferguson 1521). La pluviométrie annuelle dans cette localité est de 280 mm/an dont plus de
la moitié est concentrée sur les mois de juillet et août.
Agave utahensis subsp. kaibabensis (McKelvey)
Gentry, Agaves Continental N. Amer., 259. 1982.
3
Agave schottii
38 | Cactus & Succulentes
Cette sous-espèce se distingue de la forme type par ses rosettes
solitaires, son port plus compact et ses feuilles vertes, brillantes
souvent pruineuses chez le jeune. La densité de la denticulation est
généralement plus élevée et l’épine terminale blanc gris. L’inflorescence semble toujours faiblement paniculée. Floraison de fin mai à
juillet. Gentry (1982) suggère que les particularités morphologiques
et écologiques de ce taxon mériteraient le rang d’espèce après une
étude plus approfondie de la variabilité des populations.
agaves
4
Bibliographie
Bogler, D. J., Pires J. C. & Francisco-Ortega, J.
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rbcL, and its sequences: implications of molecular data for classification. Aliso 22, 313–328.
Bulot, L. G. 2002. Aperçu sur l’écologie et la biogéographie des Cactaceae nord-américaines :
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Succulentes numéro spécial 2002, pp. 21-41.
Dahlgren, R. M. T., Clifford, H. T. & Yeo, 1985.
The families of the monocotyledons. Structure,
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Verlag, Berlin.
Garcia-Mendoza, A. & Galvan, R. 1995. Riqueza
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Mexico. Boletin de la Sociedad Botanica de
Mexico 56, 7-24.
Agave utahensis subsp. kaibabensis
La sous-espèce kaibabensis est endémique du Colorado Plateau dans le nord-est de
l’Arizona. Son nom fait référence au plateau de Kaibab sur la rive sud du Colorado.
C’est un élément caractéristique des zones steppiques et des associations végétales
boisées à conifères de cette région. Elle possède la même rusticité que la forme type
mais sa résistance à l’humidité est meilleure du fait du régime hydrométrique de son
habitat. Mon clone testé depuis 2002 provient de Cameron, Arizona
Sous-genre Agave
Agave chrysantha Peebles, Proc. Biol. Soc. Wash. 48: 139. 1935.
Rosettes acaules et généralement solitaires (D = 80-180 cm ; H = 50-100 cm). Feuilles
plus longues que larges, jamais pruineuse, bleu gris à vert jaune, à profonde gouttière.
Bordure des feuilles généralement droite à dents courtes et espacées. Epine terminale
souple et brun noisette. L’inflorescence paniculée atteint 4 à 7 m de hauteur. Chaque
ombelle porte de l’ordre de 300 fleurs jaune d’or très nectarifères à odeur de noix de
coco. Floraison de juin à août.
A. chrysantha est endémique du chaparral du centre de l’Arizona. Elle est plus particulièrement fréquente entre 900 et 1800 m d’altitude dans les montagnes de Santa Catalina,
Pinal et Mazatzal. Hybrides naturels connus avec la majorité des espèces qui partagent
sa distribution géographique. Une des moins rustique des espèces présentées ici avec
un seuil moyen de -8°C. Mon clone testé depuis 2002 provient du Nord de Black Canyon
City (graines Mesa Garden).
Agave chrysantha
5
Gentry, H. S. 1982. Agaves of continental North
America. The University of Arizona Press, 670 pp.,
Tucson, AZ.
Hodgson, W. C. 1996. Agaves and humans: the
continuing story of a long connection. Sonoran
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Spraklin, P. 2007. Searching for hardy agave. The
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Ullrich, B. 1992. On the history of Agave asperrima and A. scabra (Agavaceae) as well as some
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endure des températures minimales de l’ordre de -20°C dans l’habitat. Remarquable rusticité y compris lors des hivers humides. Mon
clone testé depuis 2002 provient des Davis Mountains, Texas (semis
Mesa Garden – loc. D.J. Ferguson 1326).
Agave parryi subsp. parryi Engelmann, Trans. Acad.
Sci. St. Louis 3: 311. 1875.
6
Agave deserti var. deserti
Agave deserti var. deserti Engelmann, Trans. Acad.
Sci. St. Louis 3: 310. 1875.
Rosettes acaules de taille moyenne (D = 40-60 cm ; H = 30-50 cm)
produisant d’assez nombreux rejets. Les feuilles, toujours glauques
et épaisses, sont de couleur, de forme et de taille très variables selon les individus. Bordure des feuilles généralement droite, portant
des dents courtes et espacées, formant une gouttière marquée vers
l’extrémité. Epine terminale rigide et brun sombre. L’inflorescence
paniculée atteint 2,5 à 4 m de hauteur. Les ombelles sont concentrées sur le quart supérieur de la hampe. Fleurs jaune vif de mai
à juillet. Les rosettes de la var. simplex Gentry sont généralement
solitaires. Selon Gentry (1982), la répartition géographique des deux
sous-espèces serait différente.
A. deserti occupe une vaste aire de répartition géographique constituée par les plaines arides et les zones rocheuses du désert de
Sonora. Connue depuis 80 jusqu’à 1500 m, c’est une des espèces
les moins exigeantes en terme d’altitude. La rusticité des clones est
bien évidement très variable selon leur origine géographique. Très
sensible à l’humidité hivernale, la tolérance au froid de cette espèce
est de l’ordre de -10°C. Mon clone testé depuis 2002 provient des
environs de Jacumba, Californie (semis Mesa Garden).
Agave havardiana Trelease, Rep. (Annual) Missouri
Bot. Gard. 22: 91, pl. 84-86. 1912.
Rosettes acaules de taille moyenne (D = 50-80 cm ; H = 40-60 cm)
produisant peu de rejets. Feuilles, toujours glauques, de couleur
grise à verdâtre, épaisses à la base, rigides et larges en leur milieu.
Surface supérieure concave, surface inférieure convexe. Bordure des
feuilles droite à faiblement ondulée, portant des dents espacées.
Epine terminale rigide, massive et brun sombre. L’inflorescence paniculée atteint 2 à 5 m de hauteur. Fleurs vert jaune frangées de rouge
pourpre en juin et juillet.
A. havardiana est typique du nord du Désert de Chihuahua (Mexique
et USA). Préférant les zones d’altitude moyenne (1200-2000 m), sa
répartition géographique inclut l’ouest du Texas et le sud-est du
Nouveau Mexique. Peu exigeante en terme d’habitat (prairies steppiques, broussailles désertiques et lisière des forets), cette espèce
Agave havardiana
7
Agave parryi subsp. parryi
La variété couesii (Engelmann) Kearney & Peebles est une forme
miniature. Sedona, Arizona
Rosette acaule et globuleuse de taille moyenne (D = 40-85 cm,
H = 35–75). Feuilles plus ou moins glauques ascendantes à érigées,
lancéolées à nettement ovales. Bordure des feuilles droite à ondulée,
portant des dents relativement espacées. Epine terminale aciculaire
brun foncée à grise. L’inflorescence paniculée atteint 4 à 6 m de hauteur. Fleurs dont le périanthe est rose à rouge, jaune lors de la pleine
floraison. La plupart des variétés de la littérature ont été mises en
synonymie par Ullrich (1992) au sein de l’espèce nominale. Floraison
de la fin du printemps au début de l’été
La forme couesii se distingue par sa morphologie miniature. Du point de
vue horticole elle présente un grand intérêt du fait de sa résistance au
froid. Dans l’habitat, elle affectionne tout particulièrement les sols graveleux des environnements de prairies, chaparral et lisières de forêts
(associations pin-genévrier et chêne) dans l’Arizona (altitude de 1100
à 2100 m). Mon clone provient de Sedona, Arizona (bouture d’un rejet
- collecte LGB). Les hybrides naturels avec A. chrysantha sont connus.
Agave parryi subsp. neomexicana (Wooton & Standley) B. Ullrich, Sida 15: 259. 1992.
Rosettes acaule et sommet aplati de taille modeste (D = 40-60 cm, H =
35–45). Feuilles toujours ascendantes et lancéolées à bordure droite.
Inflorescence paniculée courte par comparaison avec l’espèce nominale
(H = 2 à 4,5 m). Fleurs orange à rouges en bouton, jaune verdâtre à jaune
vif en pleine floraison. Période de floraison identique à la forme type.
Agave parryi subsp. neomexicana
8
agaves
Zones rocheuses et graveleuses des prairies steppiques. Elle se trouve entre 1600 et
2100 m au Nouveau Mexique et au Texas. Les Apaches Mescalero ont été nommés ainsi
du fait de leur utilisation intensive de Agave parryi subsp. neomexicana. Les rosettes
étaient cuites pour obtenir une source de nourriture sucrée. Une surexploitation des populations est probablement responsable de la relative rareté de la sous-espèce dans l’habitat.
C. Hybrides naturels
et « cultivars ethnobotaniques »
Comme je l’ai évoqué plus haut, les hybrides naturels sont fréquents chez les Agave.
Certains on été formellement nommés, tels que Agave x arizonica Gentry & Weber,
Agave x glomeruliflora (Engelmann) Berger et Agave x ajoensis Hodgson, mais la majorité d’entre eux ne porte pas de désignation taxonomique particulière. L’étude biogéographique montre que dès que deux espèces partagent la même aire de répartition des
hybrides existent ainsi que les rétrocroisements qui en découlent. Cela est particulièrement flagrant pour Agave x glomeruliflora (Reveal & Hodgson, 2002). Parmi ces taxons
problématiques, Agave gracilipes Trelease mérite une mention particulière.
Originaire du nord du désert de Chihuahua, cette forme montre dans plusieurs localités des caractères combinés de A. lechuguilla (inflorescence) et de A. parryi subsp.
neomexicana (architecture de la rosette). Néanmoins, aucune population stable de A.
parryi x A. lechugilla n’a jamais été observée alors que les deux espèces co-habitent
fréquemment. Quand aux populations de A. parryi subsp. neomexicana, elles sont totalement séparées des deux taxons précédents par un important gradient d’altitude (de
l’ordre de 600 m). Ces observations ont conduit Gentry (1982) à considérer A. gracilipes
comme une espèce résultant d’une introgression sous contrôle géologique dont l’isolation génétique n’est pas encore totalement achevée (cohabitation avec un des parents).
Ce cas illustre très bien la complexité de l’évolution du genre.
D’un point de vue horticultural, A. gracilipes est une plante de grand intérêt compte tenu
de son caractère calcifuge, de sa tolérance au froid et à l’humidité. Elle affectionne tout
particulièrement les prairies boisées et steppes d’altitude (1250 à 1850 m) du sud-est du
Nouveau Mexique (Guadalupe Mountains) au sud-ouest du Texas (Big Bend). Mon clone
testé depuis 2002 provient des Guadalupe Mountains (semis Mesa Garden).
Actuellement surtout connues pour la production d’alcool (tequila et mescal), et accessoirement de sisal, les Agave ont été une source majeure de nourriture et de matière
première (savon, fibre) pour les civilisations précolombiennes. Cet aspect a été longuement discuté pour les Caraïbes (Rogers, 2000) et s’applique aussi aux USA. Ainsi
certains taxons ont une répartition géographique strictement limitée à la proximité de
sites archéologiques. A titre d’exemple, A. philipsiana Hodgson n’est connu que de
quatre localités du Parc National du Grand Canyon où elle pousse sur des terrasses
alluviales utilisées à des fins agricoles par des peuplements amérindiens (-1150 à
-1000 av. J.C.). Selon Hodgson (2001b), A. philipsiana pourrait être un cultivar ancien
de A. palmeri ou A. colorata Gentry, sélectionné pour sa rosette ouverte, son feuillage
tendre et l’abondance de ses rejets facilitant la récolte des feuilles.
Parmi les autres cultivars anciens, Hodgson cite aussi A. murpheyi Gibson, A. delamateri Hodgson & Slauson et A. decipiens Baker ainsi que la var. expansa de (Jacobi)
Gentry de A. americana Linné. Concernant cette dernière espèce, il est à noter que
quelques populations de la forme type et de sa sous-espèce protamericana Gentry
existent à l’état sauvage dans l’extrême sud du Texas (Starr County en particulier).
D. Perspectives
Cet article n’a pas la prétention d’être exhaustif et au moins deux autres espèces
des USA mériteraient d’être testée pour leur rusticité : A. palmeri Engelmann et A.
mckelveyana Gentry. Toutes deux se sont avérées de très bonne rusticité dans l’est
des USA à hiver humide (Irish & Irish, 2000). Une autre piste d’investigation concerne
les espèces mexicaines les plus septentrionales et/ou d’altitude. J’ai personnellement
testé avec succès A. salmiana var. ferox (Koch) Gentry, A. striata Zuccarini, A. stricta
Salm-Dyck et A. victoriae-reginae Moore. Les expériences conduites par nos collègues américains et synthétisées dans le remarquable livre de Mary et Gary Irish (2000)
ouvrent des perspectives nouvelles. Dans le même registre les expérimentations de
Paul Spracklin (2007) en Grande Bretagne sont prometteuses.
légendes
Photo 1. A. lechuguilla - University of California
at Berkeley Botanical Garden, 2008, photo Zoya
Akulova
Photo 2. A. lechugilla : Sierra San Marcos Pïnos,
Coahuila, 900-1000 m. Matoral à Yucca rostrata,
Grusonia bradtiana, Echinocereus spp., Opuntia
spp., Hechtia scariosa, 23.12.2008, photos JeanLouis Latil.
Photo 3. A. schottii - Sommet Elephant Head,
Santa Rita Mountains, Tucson, Arizona, 1700m,
08.04.2008, photo John & Dorothy Bregar
Photo 4. A. utahensis kaibabensis – Northern
Rim Colorado Canyon, Utah, 2400m, photo Paul
Chafe
Photo 5. A. chrysantha - Agua Fria National
Monument, Arizona, 1200m, June 2009, photo
Donnie Barnett (http://www.zonedcacti.com).
Photo 6. A. deserti deserti - Nolina Wash, AnzaBorrego, Californie, 2005, photo Richard Zmasek -.
Photo 7. A. parryi parryi - University of California
at Berkeley Botanical Garden, 2008, photo Zoya
Akulova
Photo 8. A. parryi neomexicana - Pinos Altos
Range, Nouveau-Mexique, 2100m, 14.10.2007,
photo Russ Kleinman
Remerciements
Je dédie cet article à Mary et Gary Irish pour
avoir guidé mes premiers pas sur la rusticité des
Agave. Un grand merci à Karen H. Clary pour son
aide dans mes recherches bibliographiques. Cet
article n’aurait jamais vu le jour sans les contributions photographiques de Zoya Akulova-Barlow,
James M. Andre, Jean-Louis Latil, Heath McAllister, Dee E. Warenycia, Jason E. Willand et
Richard Zmasek. Qu’ils soient tous remerciés ici
pour leur aide.
Dr. Luc G. Bulot
email: lucgbulot@aol.com
novembre 2010 - Vol 2 - n°2 | 41
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