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Degres ludiques une introduction

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Degrés ludiques: une introduction
C Chalons, A Khélif, JP Ressayre
Université PARIS7
e-mail:ressayre@logique.jussieu.fr
mai 1999 et oct 2011
1
Introduction
Le préordre et les degrés ludiques, introduits dans Christophe Chalons 1999,
sont à la Mécanique Quantique ce que le préordre et les degrés de Tukey sont
à la Topologie: les degrés ludiques classifient les expériences de Mécanique
Quantique comme les degrés de Tukey classifient les espaces topologiques.
Par ailleurs les degrés de Tukey se plongent dans les degrés ludiques, qui
enrichissent encore toute la problématique des premiers. Les résultats de
Chalons 1999 ont été complétés par Anatole Khélif ??? et Chalons ??? . La
présente introduction à ce domaine donne les idées de base, les preuves des
résultats de base, et renvoie aux articles cités pour la suite.
Tout part de la notion de 2-réduction entre des relations à deux arguments
:
définition 1 soient R ⊂ E × E 0 , S ⊂ F × F 0 où E, F, E 0 , F 0 sont des ensembles distingués
une 2-réduction de R à S est un couple de fonctions (h(x), g(x, y)) tel que
∀x∀y [S(h(x), y) ⇒ R(x, g(x, y))]
Les domaines de x, y ainsi que les domaines et co-domaines des fonctions h, g
doivent vérifier les conditions évidentes pour que la définition ait un sens :
puisque x apparait comme premier argument de R, nous voulons x ∈ E ; et
1
puisque x est l’argument de h nous voulons aussi E comme domaine de h.
De proche en proche nous voulons x ∈ E, y ∈ E 0 , r, y 0 ∈ F 0 , h va de E vers
F et g va de E × E 0 vers F 0 .
De telles conditions - à supposer ou à démontrer, suivant les cas - seront
sous-entendues et laissées systématiquement aux soins du lecteur : puisqu’elles
sont évidentes, leur omission aère la lecture.
Une première interprétation intuitive de la 2-réduction sera heuristiquement utile dans le contexte de Chapitre III (degrés de Tukey) et Ch.II (degrés
ludiques) : on suppose disposer de ”téléphones” qui transmettent les messages en les déformant - si on émet un message x ∈ E, le message reçu
y ∈ F peut différer de x. Un tel téléphone T est dit R-garanti si chaque
fois qu’on a donné x et que T a transmis y, on est sûr au moins que R(x, y)
est vrai; par exemple si R est l’identité, T est R-garanti si sa transmission
est toujours exacte... Alors une 2-réduction h, g de R à S donne un moyen
de fabriquer un téléphone T’ qui est R-garanti à partir d’un téléphone T qui
est S-garanti : x étant donné, T’ applique T au message h(x); comme T est
S-garanti, le message reçu y satisfait S(h(x), y). Alors R(x, g(x, y)) est vrai
puisque R < S, de sorte que si g(x, y) est le message transmis par T’, T’ est
R-garanti. La 2-réduction de R à S désigne donc ce moyen de construire des
téléphones R-garantis à partir de téléphones S-garantis.
Une autre interprétation intuitive de cette notion de 2-réduction est la
suivante : pour décider si ∃yR(x, y) est vrai il faut toute une recherche d’un
”témoin de ∃yR(x, y)”, c’est à dire d’un y ∈ E tel que R(x, y) ; la fonction g
dispense de cette recherche, si on dispose d’un témoin r pour ∃y 0 S(h(x), y 0 ).
Car g(x, r) est alors un témoin de ∃yR(x, y). Autrement dit, R ≤ S signifie :
”si on sait trouver des témoins pour ∃y 0 S, alors il s’en déduit des témoins pour
∃yR”. Cette deuxième façon de voir la 2-réduction intervient en Complexité
Algorithmique ; dans ce contexte, la notion primordiale de réduction est
celle de 1-réduction : une 1-réduction de l’ensemble (ou relation unaire)
X a l’ensemble Y est une fonction f telle que X = f −1 (Y ) ; pour que cette
définition fasse sens, il convient que f aille d’un domaine E contenant X vers
un co-domaine E 0 contenant Y : alors l’application f ramène le problème de
décider (pour x ∈ E) si x ∈ X au problème de décider (pour y ∈ E 0 ) si y ∈ Y .
Quand on demande à la fonction f d’être effective, cette notion de 1-réduction
2
est au coeur de la Complexité Algorithmique ; et le coeur de ce coeur est le
cas où on exige que f soit calculable en temps déterministe polynomial : la
1-réduction en temps polynomial amène à distinguer la classe P, la classe NP
et les ensembles NP-complets ; elle nous guide vers les problèmes centraux
de la Complexité Algoritmique tels P=?NP. Mais la 2-réduction s’immisce
par la même occasion dans le sujet ; en effet les mille et un résultats de
NP-complétude qui montrent l’importance pratique du problème P=?NP se
démontrent tous en utilisant la 2-réduction. Car chaque fois qu’on a besoin
de 1-réduire l’un à l’autre deux ensembles X, Y de la classe NP, on met X, Y
sous la forme ∃yR, ∃yS - où R, S sont des relations binaires de la classe P
- et on construit explicitement une 2-réduction (h, g) de R à S en temps
déterministe polynomial, telle que ∃yR(x, y) ⇒ ∃yS(h(x), y) ; on conclut
que h 1-réduit X à Y . En effet, supposons h(x) ∈ Y , d’où un y tel que
S(h(x), y) ; alors R(x, g(x, y)) donc x ∈ X. Inversement supposons x ∈ X
donc ∃yR(x, y), d’où un y tel que S(h(x), y), par hypothèse sur h ; alors
R(x, g(x, y) donc x ∈ X. Par ce biais, la 2-réduction s’est invitée au coeur
de l’Informatique ; mais on peut songer à se passer de ce biais, et étudier la
2-réductibilité en temps polynomial pour elle-même. Toutefois notre intéret
pour cette étude est fugitif : i) certes, elle pose des problèmes mathématiques
et informatiques profonds ; ii) mais ces problèmes ont tendance à être trop
difficiles pour faire l’objet d’une théorie qui avance rapidement.
Fait à l’appui de (i+ii) : notons V rai la relation binaire toujours vraie,
et Div(x, y) la relation ”y est un diviseur de x, non trivial excepté si x est
premier” ; la factorisation des entiers est faisable en temps déterministe polynomial si et seulement si Div est 2-réductible à V rai en temps polynomial.
On touche ainsi à des problèmes fondamentaux en théorie de nombres et
en cryptographie ; et Div n’est qu’une seule des relations binaires de P à
comparer aux autres (pas seulement à V rai) par 2-réductibilité. Ainsi, dans
ce cadre, l’étude de la 2-réductibilité est un peu marginalisée par sa difficulté, puisque un seul cas particulier d’une question parmi beaucoup d’autres
excède déjà les capacités actuelles des matheux. Nous voulons donc définir
d’autres cadres où l’étude de la 2-réductibilité est plus accessible.
Pour définir ces autres cadres on procède comme suit : on se donne
une collection F de fonctions appelées F -réductions ; et on étudie les rela3
tions binaires modulo la 2-réductibilité au moyen uniquement de réductions
h(x), g(x, y) appartenant à F . Plus précisément on appelle F -domaines
les ensembles qui sont domaine ou co-domaine d’une F -réduction, et leurs
produits cartésiens ; c’est évidemment à des relations binaires sur de tels
F -domaines que le cadre fixé par F est restreint. Mais ici se pose la question
si on étudiera toutes les relations binaires sur tous les F -domaines - c’est le
cas dit externe ; ou si on restreint l’attention à une partie de ces relations binaires, alors appelée la collection des F -relations. Ce deuxième cas du cadre
F , dit interne, est naturel quand par exemple F = P comme ci-dessus: on
a alors envie de prendre comme F -relations celles de la classe P ou celles de
la Hiérarchier en temps polynomial, p.ex.
On suppose au minimum quelques propriétés de base de F : ses domaines
sont non vides ; sa collection de réductions est close par composition, et
contient les fonctions constantes, projections, permutations, et les fonctions
d’évaluation :(f, x) 7−→ f (x). Enfin les F -relations comprennent le vrai, le
faux et sont closes par opérations booléennes. Pour R, S deux F -relations on
pose R <F S si et seulement si il existe une 2-réduction (h, g) de R à S avec
h, g ∈ F . <F est un préordre dont la relation d’équivalence associée est notée
≡F ; ses classes d’équivalences sont appelées les degrés de F -réductibilité et
sont munies du préordre induit, noté pareil.
remarque 2 Notons 1F et ∞F les degrés de la relation F aux et de la relation V rai (sur un domaine quelconque) ; ce sont les degrés minimum et maximum du préordre <F - 1F s’appellera aussi le degré trivial. Le degré ∞F est
constitué par toutes les relations non totales S ∈ F (si ∀y¬S(a, y), prendre
pour h la fonction constante a et pour fonction g n’importe quelle fonction
avec les bons domaines et co-domaines permet de construire une 2-réduction
(a,g) de n’importe quelle relation R ∈ F à S. Le degré 1F est constitué par
toutes les relations R ∈ F qui sont totales et possèdent une fonction de choix
(c’est à dire g tel que ∀xR(x, g(x)), qui est une F -réduction.
On écrira <, ∞, 1 pour <C , ∞C , 1C quand il n’y a pas risque de confusion.
3mm Nous passons en revue les divers exemples remarquables de cadre
F pour un préordre <F étudié ici.
3mm Exemple 0 : F est la collection de tous les ensembles (donc aussi
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relations et fonctions) non vides. Alors le préordre associé < a pour degrés
∞, 1 uniquement. Cet exemple pose la question préliminaire de bien choisir
la collection F : de rendre <F non triviale sans que son étude se perde dans
les nuages. Un moyen est d’abandonner toute exigence d’effectivité des F réductions, mais de restreindre celles-ci par des conditions ”algébriques”,
en un sens ou un autre. C’est ce que font les deux les deux Exemples cidessous, dont le premier définit le préordre de Tukey et le second le préordre
ludique.
Exemple du Ch.III : préordre et degrés de Tukey - C’est le préordre
<F qui prend comme fonctions de réductions toutes les fonctions unaires.
Plus précisément, dans une 2-réduction (h, g) de F , la fonction g ne dépend
plus que de son deuxième argument : g = g(y) (le cas g = g(x) n’est guère
intéressant) ; et les F - domaines et relations binaires sont la classe de tous les
ensembles. Ce cas particulier de <F sera noté <T . Le préordre de Tukey est
déjà ancien ; Tukey l’a introduit pour comparer finement les divers espaces
topologiques.
On peut aussi le voir en termes de téléphones R-garantis - comme déjà
décrit pour le cas général de 2-réduction h(x), g(x, y) de R à S : on a un
téléphone R-garanti et un autre S-garanti, et R < S si à partir du second
on peut bricoler le premier ; mais ici il faut tenir compte de la condition de
Tukey g = g(y). Il suffit pour cela de supposer que le récepteur de chaque
téléphone est très éloigné de l’émetteur ; de sorte qu’il n’est pas possible
de disposer en même temps du message émis x et du message reçu y; en
particulier une fonction g(x, y) n’est pas bricolable, seulement g(y) ou h(x).
Cela donne la métaphore suivante : une équipe de 2 joueurs dispose d’un
téléphone S-garanti (un émetteur et un récepteur) séparés par une grande
distance). Alors R <T S si en utilisant son téléphone l’équipe peut gagner à
chaque fois le challenge suivant: on transmet au joueur émetteur un message
x, et le joueur récepteur rend un message z tel que R(x, z). Clairement, le
degré de Tukey de S va mesurer la quantité d’information que permet de
faire passer un téléphone S garanti. Apparemment la réduction de Tukey
n’était pas vue comme ça jusqu’à Chalons 1999.
Sur le préordre de Tukey il y a une structure supplémentaire canonique : opérations de somme et de produits, ainsi que de borne supérieure
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et inférieure d’une famille de degrés. Ces opérations sont des plus naturelles,
et pourtant l’existence des deux dernières n’était pas connue avant Chalons
1999. Le fait tient au point de vue uniquement topologique qui fut longtemps
celui sur les degrés de Tukey ; car la définition des bornes supérieure et
inférieure devient évidente une fois qu’on remplace la perspective topologique
par l’idée de transmission d’information (telle qu’on vient de l’expliquer au
moyen des ”téléphones R-garantis”).
La collection des cardinaux munis de leur ordre et des opérations de
somme et produits se plonge canoniquement dans le préordre de Tukey : le
plongement envoie le cardinal sur le degré de la relation x = y (x, y <). Et
les degrés de Tukey, comme les cardinaux, mesurent des quantités - mais cette
fois des quantités d’information ; c’est le point de vue que développera le
Ch.III.
Il y a aussi une opération de ”dualité” sur les degrés de Tukey, qui est
essentiellement celle de la complémentation (ou négation) d’une relation R :
définition 3 Soit R ⊂ E × F , E et F ensembles quelconques ; on note R−1
et on appellera duale de R la relation {(y, x) : ¬R(x, y)}.
C’est bien la négation, à la permutation des arguments x, y près ; cette
permutation est nécessaire pour que le préordre de Tukey vérifie la propriété ”R < S implique S −1 < R−1 ”. Car si h, g est une 2-réduction de
R à S, grâce à la permutation de x, y et à l’équivalence entre ”A −→ B”
et sa contraposée ”¬B −→ ¬A”, on a (g, h) comme réduction de S −1 à
R−1 : de S(h(x), y) ⇒ R(x, g(y)) se déduit ¬R(x, g(y)) ⇒ ¬S(h(x), y) soit
R−1 (g(x), y) ⇒ ¬S −1 (x, h(y)).
On obtient ainsi que le degré de Tukey de R−1 ne dépend que de celui de
R : R < S < R implique S −1 < R−1 < S −1 .
3mm Exemple du Ch. IV : les degrés ludiques - Le préordre <L des
degrés ludiques va au-delà du préordre de Tukey en permettant à nouveau
des fonctions de réduction g = g(x, y) ; mais en contrepartie il demande à
h, g d’être des fonctions locales (une terminologie empruntée à la Mécanique
quantique, comme expliqué plus loin dans la ”Parenthèse heuristique”). Ce
caractère ”local” est la condition de type algébrique qui sert à restreindre
les fonctions de réduction de manière à donner naissance à un préordre dont
6
l’étude soit ni triviale ni hors de portée. On va considérer des 2-réductions
au moyen de fonctions h(x), g(x, y) qui seront donc unaires ou binaires, mais
dont les arguments x, y sont eux-mêmes des −uplets pour un cardinal fixé
> 0. On dira que est l’uplicité de f, g (pour ne pas confondre avec leur
arité qui est 1 ou 2).
définition 4
Une fonction f : X −→Z sera dite locale s’il existe des fonctionsfi , i < telles
que f (x) = (fi (xi ))i <. Cette notion est étendue à une fonction de deux
variables g : X × Y −→Z en exigeant que g(x, y) = (gi (xi , yi ))i< .
Le préordre ludique < est le préordre <F lorsque les F -domaines sont tous
les ensembles X , les F -réductions sont toutes les fonctions locales entre ces
domaines et lorsque les F -relations sont toutes les relations binaires sur des
F -domaines: supposons R ⊂ E×F, S ⊂ E 0 ×F 0 et de plus E, F, E 0 , F 0 sont de
la forme X pour divers ensembles X ; alors R <S s’il existe une 2-réduction
(h, g) de R à S telle que h, g soient locales. On note ≡ l’équivalence associée
à ce préordre.
est appelé l’uplicité du préordre <, et les degrés ludiques d’uplicité
sont les classes d’équivalences modulo ≡.
<L est le préordre réunion de tous les <, ≡L est l’équivalence associée, dont
les classes d’équivalences sont tous les degrés ludiques.
Les degrés de Tukey se plongent dans ces degrés ludiques, qui enrichissent
les degrés de Tukey d’une manière intéressante pour les topologues et théoriciens
des ensembles, notamment. D’autre part, les degrés ludiques sont des objets
mathématiques naturels dans le cadre de la Mécanique Quantique et constituent un outil pour l’approfondissement de cette dernière.
Si = 1 toute fonction d’uplicité est locale ; alors <= <1 est le préordre
à deux éléments de l’Exemple 0 ci-dessus. Mais < a une classe propre de
degrés, dès que > 1. En effet, on a vu plus haut que les degrés de Tukey
forment une classe propre puisqu’elle étend la classe des Cardinaux ; or on
indique ci-dessous un plongement simple et canonique du préordre de Tukey
dans <2 .
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Plongement des degrés de Tukey dans les degrés ludiques d’uplicité
2 - Il envoie la relation binaire R ⊂ E × F sur la relation R∗ ⊂ E 2 × F 2
définie par : (x0 , x1 )R∗ (y0 , y1 ) si et seulement si (y0 = x0 et R(x0 , y1 )). (Notez
que la variable x1 n’apparaı̂t pas dans la formule qui définit R∗ : x1 ne sert
que formellement, pour mettre la première projection de la relation R∗ sous
la forme requise E 2 et pas simplement E) De cette manière on plonge le
préordre de Tukey dans le préordre <2 , en préservant aussi ses opérations de
somme, produit, borne supérieure et inférieure - si on étend canoniquement
ces opérations.
remarque 5 Le degré trivial 1 dans le cas de Tukey est constitué de toutes
les relations R telles que ∃b∀xR(x, b) ; dans le cas ludique <2 , il comprend toutes les relations R qui admettent une fonction de choix locale :
∀x0 , x1 (x0 , x1 )R(g0 (x0 ), g1 (x1 )). Mais le plongement de Tukey dans <2 envoie bien 1 sur 1, et ∞ sur ∞.
En revanche on a clairement un problème pour préserver les bonnes propriétés de l’opération de dualité R−1 par ce plongement : pour montrer que
R < S implique S −1 < R−1 dans le cas Tukey, en partant d’une réduction
(h(x), g(y)) de R à S il suffisait de prendre (g(x), h(y)) comme réduction de
S −1 à R−1 ; or dans le cas ludique, les deux fonctions h, g d’une réduction de R
à S n’ont pas le même nombre d’arguments donc ne peuvent être permutées
de cette manière. Mais une définition plus astucieuse de R−1 dans le cas
ludique va rétablir la situation: appliquée à <2 , elle permet au plongement
ci-dessus de préserver la dualité. ( Elle préserve donc aussi des opérations
telles que la somme duale, définie par R +−1 S := (R−1 + S −1 )−1 )
La définition qui suit est donnée pour un cadre F au départ quelconque.
définition 6 Soit R ⊂ E × F , E et F deux domaines quelconques ; on note
R−1 et on appellera duale de R la relation {(f, x) : ¬R(x, f (x))} - où x varie
sur E, f sur E F .
Sous des hypothèses naturelles sur F - qui sont vérifiées dans le cas ludique
- on obtient pour <:=<F :
théorème 7 R < S implique S −1 < R−1 , et (R−1 )−1 ≡ R.
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Le plongement ci-dessus : R 7→ R∗ des degrés de Tukey dans les <2 -degrés
préserve la dualité en plus des autres opérations, grâce à cette redéfinition
de R−1 appliquée aux degrés ludiques - mais à la condition supplémentaire
d’opérer une permutation des arguments de R∗ - cf. Ch. IV pour ce détail.
Nous n’avons pas encore parlé du Chapitre II, destiné à introduire la
dualité de Chalons en l’étudiant dans un cadre un peu plus plus simple que
celui des degrés ludiques ; il est temps de réparer cette omission.
Exemples du Ch. II : préordres d’uplicité 1 - Les deux Exemples précédents sont obtenus en mettant des restrictions de type algébrique
sur la collection de toutes les F -réductions ; on a annoncé un autre type
de restriction fructueuse sur F : les restrictions ensemblistes. Elles consistent à se restreindre (pour les F -réductions, domaines et/ou relations) à des
objets finis, ou effectifs, ou définissables en divers sens. Ou à restreindre les
réductions permises plus fortement que les relations permises, comme dans
le premier exemple ci-dessous.
Prenons pour F la collection de toutes les fonctions f ∈ V , où V est un
modèle fixé de ZFC (les F -domaines sont alors tous les ensembles de V ).
Mais on se place dans le cas externe : si par exemple V est dénombrable,
alors F -domaines et F -réductions sont en nombre dénombrable pendant que
le préordre <F , loin d’être trivial comme <1 , a la puissance du continu. On
verra que le théorème de dualité R ≡ (R−1 )−1 est vrai dans ce cadre, pour
la dualité de Chalons.
Une deuxième source d’exemples consiste à employer des conditions de
calculabilité ou définissabilité pour définir F . Pour mémoire, nous l’avons
déjà fait en considérant le cas où F = les fonctions sur ω calculables en
temps polynomial ; nous avions noté que ce cas est plutôt trop difficile. Ici
signalons un autre défaut: la dualité de Chalons ne fait pas bon ménage avec
l’effectivité (des fonctions de réductions) ; certes elle n’est pas incompatible
avec des propriétés de définissabilité, mais celles que nous connaissons sont
très loin de l’effectivité.
ω
Pour examiner cela, prenons ω, ω ω,( ω) ω comme F -domaines ; de par ce
choix, R−1 et (R−1 )−1 sont définis pour toute relation binaire R sur ω. Pour
que de plus R < (R−1 )−1 soit toujours vrai, il suffit que la classe de fonctions
F ait quelques propriétés de cloture simples: par composition, évaluation
9
et opération λ. En effet nous obtiendrons une 2-réduction (H, G) de R à
(R−1 )−1 qui est assez simple et canonique pour exister dans F sous ces seules
conditions.
Mais pour que inversement (R−1 )−1 < R soit toujours vrai, il faut payer
plus cher: nous obtiendrons une 2-réduction (σ, τ ) de (R−1 )−1 à R où (σ, τ )
sont des fonctionnelles Σ12 -définissables ; et à part cela nous n’avons que les
2-réductions basées sur une fonction de choix donc sur l’axiome du même
nom. Or entre définissabilité Σ12 et effectivité, il existe plus qu’une marge
! Cette distance illustre la difficulté de trouver des cadres F qui concilient
intéret théorique avec solubilité pratique. Toutefois ce cas Σ12 de dualité offre
deux consolations pour la non-effectivité ; la première est inattendue : les
réductions (H, G) et σ, τ sont indépendantes de la relation R - ne dépendant
que de son domaine ! La seconde consolation est que ces réductions conservent d’une des conséquences importantes de l’effectivité : leur absoluité au sens du théorème de Schoenfield selon lequel sont absolues les formules
Σ12 d’Arithmétique et formules Σ de théorie des ensembles.
3mm Les trois Exemples précédents fournissent (dans l’ordre inverse) le
sujet des trois Chapitres à venir, et donnent une première motivation pour
les degrés ludiques: enrichir la perspective (topologique et de théorie des
ensembles) fournie par les degrés de Tukey. Mais ceci ne donne pas encore la
motivation principale des degrés ludiques. Pour expliquer cette motivation
il convient de quitter le cadre des maths pures pour celui de la Physique, et
d’utiliser cet autre cadre de manière heuristique.
3mm Parenthèse heuristique : motivation des degrés ludiques par la
Physique quantique. Nous ne regardons que le cas fini des degrés ludiques :
relations binaires sur les domaines ludiques finis. Ci-dessous on se concentre
sur <n pour la valeur n = 3 - cette valeur est retenue pour fixer les idées, mais
i) la partie de la Parenthèse qui ne relève que de la Physique expérimentale
s’étend sans problème aux autres valeurs ”expérimentales” de n ; ii) la partie
”Physique Théorique” s’étend à tout n < ω ; iii) enfin une partie purement
mathématique s’étend à tout cardinal κ à la place de n.
Pour ce cas de <3 , l’image des ”téléphones R-garantis” est utile, à condition de considérer des ”téléphones” constitués de ”trois combinés indépendants”
: supposons pour fixer les idées que R ⊂ E 3 × F 3 où E, F ont chacun
10
deux éléments ; alors chacun des trois combinés d’un téléphone R-garanti
a un clavier émetteur comportant deux touches (disons +, −) et une partie réceptrice constituée de deux ampoules (disons verte et rouge, en posant
E = {+, −}, F := {vert,rouge}). Le ”réseau” du téléphone relie la partie
émettrice de chaque combiné avec sa partie réceptrice, mais il s’en tient là
: il n’y a pas de liaison d’un combiné à un autre, et ils sont arbitrairement
distants les uns des autres ; c’est en cela que constitue l’indépendance des
combinés. On considère qu’un tel dispositif fonctionne s’il allume une lampe
par combiné, à condition qu’une touche + ou − a été appuyée sur chacun des
trois combinés ; et surtout, on demande que l’allumage soit instantané, une
fois les trois touches appuyées. Un tel ”téléphone” est dit R-garanti si R(x, y)
est satisfait chaque fois que x est émis et y est reçu par le téléphone. Cette
matérialisation ”téléphonique” correspond aux réductions locales, qui ellesmêmes correspondent à la Physique Relativiste (sous-entendu: non quantique) : dans ce cadre, si les trois combinés sont indépendants, pour qu’un
message y ∈ F 3 soit transmis par le téléphone à partir d’un message x ∈ E 3 ,
il faut que chaque coordonnée yi ne dépende que de xi . En effet xi est la seule
partie de x accessible pour le i-ème combiné (la Relativité ne permettant pas
les communications instantanées à distance). Heuristiquement on a donc le
”Fait” suivant :
fait 8 Dans le cadre de la Physique Relativiste et pour toute relation binaire
R représentant un degré ludique fini il y a équivalence entre (i) et (ii) :
i) on peut fabriquer un téléphone R-garanti
ii) R admet une fonction de choix locale - c’est à dire g = (g0 (x0 ), g1 (x1 ), g2 (x2 ))
telle que R(x, g(x) est toujours vrai.
Autrement dit le seul degré ludique de téléphones garantissables par la Relativité est le degré trivial 1L (ici, 13 ). On considére ”(ii) implique (i)” comme
allant de soi parce que toute fonction de domaine fini peut être réalisée ou
simulée par un automate à mémoire finie, tout bêtement ; et un tel automate
est toujours physiquement réalisable (dans le monde réel, si son cardinal est
suffisamment petit ; et dans les mondes de la Physique Théorique, sinon c’est dans cet esprit ”heuristique” qu’il faut prendre la Parenthèse... ). Pour
les mêmes raisons on a aussi (au moins heuristiquement) :
11
fait 9 La relation R <3 S signifie que si on dispose de la Physique Relativiste
et d’un téléphone (”à trois combinés indépendants”) S-garanti T, alors à
partir de T on peut ”bricoler” un téléphone T’ qui est R-garanti.
Notez que T n’est pas supposé ”relativiste” : il se peut que la relation S
qu’il garantit soit de degré non trivial ; c’est seulement le bricolage de T’
à partir de T qui est relativiste. (T, lui, peut être comme le ”téléphone
ZFG” ci-dessous ; ou bien au-delà, un téléphone qui garantit une relation
mathématique non effective sur un domaine infini)
3mm Mais que deviennent les faits ci-dessus si la Relativité est remplacée
par la Physique Quantique ?
théorème 10 (...et fait physique théorique et expérimental, en même
temps) Il existe un degré ludique non trivial qui est fabriqué par la Mécanique
Quantique.
Autrement dit, il existe une relation R n’admettant pas de fonction de choix
locale, pour laquelle on peut fabriquer un téléphone R-garanti. Donc un
téléphone qui fonctionne de manière instantanée même si ses combinés sont
loins les uns des autres ; mais qui n’existerait pas dans un monde régi
uniquement par la Relativité ou la Physique Newtonienne... Pour le préordre
<3 (dit préordre d’arité 3) ce ”théorème” a notamment la preuve qui suit.
[GF Z] ont défini un dispositif expérimental que nous appellerons ”téléphone
quantique GFZ”; il est de l’espèce introduite ci-dessus : trois ”combinés”
dont le ”clavier” est constitué de deux touches notées + et -, cependant que
”l’écouteur” relié à ce clavier comporte deux lampes, une rouge une verte ;
et un combiné donné ne réagit en allumant une de ses deux lampes que si
sur chacun des trois combinés une touche a été appuyée (à trois instants qui
n’ont pas besoin d’être simultanés) ; notez qu’alors trois lampes s’allument :
une par combiné.
fait 11 Si les trois touches (du téléphone GFZ) appuyées sont +, alors le
nombre de lampes rouges allumées est pair (0 ou 2) ; si deux touches appuyées
sont + et une est -, alors le nombre de lampes rouges allumées est impair (1
ou 3).
12
Nous admettons ce Fait, qui est à la fois prédit par la Mécanique Quantique à
partir de la nature du dispositif expérimental, et vérifié expérimentalement.
fait 12 Ce ”téléphone” n’est pas local : il n’existe pas de fonctions gi , i <
3 telles que que le i-ème combiné satisfasse à chaque expérience gi (touche
appuyée)= couleur de la lampe qui s’allume.
Ce résultat résulte du Fait précédent si nous démontrons que la relation S
n’est pas de degré trivial, autrement dit n’admet pas cette fonction locale
g = (g0 (x0 ), g1 (x1 ), g2 (x2 )).
3mm Preuve - Sinon, les fonctions gi étant données posons gi = 1 si
gi (+) =vert, gi = −1 si gi (+) =rouge, yi = 1 si gi (−) =vert, yi = −1
si gi (−) =rouge (en somme xi = ”indicatrice” de la couleur qui s’allume
quand on appuie sur la touche + du i-ème combiné, et yi = ”indicatrice”
de la couleur qui s’allume quand on appuie sur la touche -). Appliquons le
Fait précédent, c’est à dire le résultat de l’expérience GFZ, quand celle-ci
est faite avec + + - , c’est à dire touches + appuyées sur les deux premiers
combinés, touche - sur le troisième; de la sorte un nombre impair de lampes
rouges s’allume, et cela entraı̂ne que le produit x0 x1 y2 vaut -1. Pour le même
genre de raisons (mais en invoquant le Fait avec d’autres touches appuyées),
le produit x0 x1 y2 x0 y1 x2 y0 x1 x2 vaut (−1)3 = −1 ; et le produit y0 1y1 y2
vaut 1. Or du simple fait que les nombres xi , yi valent tous 1 ou -1, on a
toujours x0 x1 y2 x0 y1 x2 y0 x1 x2 = x20 x21 x22 y0 y1 y2 = y0 y1 y2 ; donc ”-1=1”,
une contradiction qui prouve le Fait.
remarque 13
• D’autres effets quantiques (Aspect, Conway-Specker, etc.)
donnent lieu de manière similaire à d’autres degrés ludiques non triviaux, pour des ”arités” à partir de n = 2. Et à partir de ces degrés, les
opérations de somme, produits, bornes et dualité déduisent une infinité
d’autres degrés non triviaux.
• Actuellement le seul effet quantique connu qui ne se laisse pas exprimer
par l’existence d’un ”téléphone R-garanti” (où R est de degré ludique
non trivial) est celui de ”l’inspection non explosive d’une bombe”, [ElitziaV aidman].
• Mais il s’en faut de beaucoup que ces degrés ludiques obtenus par la
Mécanique Quantique épuisent tous les degrés ludiques, même en se
13
restreignant à ceux qui sont (d’uplicité et de domaine) finis : par exemple, dès qu’une relation R est le graphe d’une fonction, si cette fonction
n’est pas locale on peut montrer qu’il n’existe pas de téléphone quantique
R-garanti.
• Puisque les degrés ludiques finis vont largement au-delà des effets quantiques, il se pose la question de caractériser parmi les degrés ludiques finis tous les degrés (théoriquement) ”fabricables par la Mécanique Quantique” - qu’on appelle degrés FMQ. Noter que le ”théorème” ci-dessus
de GFZ s’énonce : il existe un 3-degré ludique non trivial et dont le caractère FMQ, en plus d’être démontrable par la Mécanique Quantique,
est un fait expérimental ; et le point (c) ci-dessus dit qu’un graphe de
fonction non locale n’est jamais FMQ. Il se pose aussi la question de
savoir combien de degrés quantiques existent: si un degré quantique est
non trivial - par exemple celui de ZF G - est-ce que par somme et produits de ce degré on obtient tous les autres ? (La réponse est non). Il
y a quantité d’autres questions intuitives et intuitivement intéressantes
sur la Mécanique Quantique qui deviennent formulables rigoureusement
à l’aide du cadre des degrés ludiques (et qui sinon sont floues... ).
Pour conclure cette Introduction il est bon de remarquer que la théorie des
degrés ludiques comprend deux parties de nature et d’esprit différents: une
partie restreinte des degrés finis est liée comme on l’a vu avec la Mécanique
quantique ; et tous les degrés infinis sont en liaison avec les degrés de Tukey,
donc la Topologie et la Théorie des ensembles. Cette partie infinie utilise
toute la force de la Théorie des Ensembles - y compris celle des ”axiomes
de grand cardinal”, qui vont bien au-delà des axiomes usuels de ZermeloFraenkel. A cet égard un parallèle entre la théorie des degrés ludiques et
la détermination des jeux infinis nous paraı̂t donner une intuition convenable : d’un côté les degrés ludiques finis sont dans le même esprit que la
détermination des jeux arbitrés par un automate avec condition d’acceptation
de Buechi ou un automate à compteurs ou à pile (et autres ”machines”
théoriques finies). En effet d’un côté chacun des deux domaines modélise
l’extension jusqu’à l’infini potentiel de choses qui existent matériellement,
dans le monde réel : expériences quantiques dans un cas, processus informa14
tiques dans le deuxième. Et de l’autre côté, l’étude des degrés ludiques infinis
est dans le même esprit que la détermination des jeux boréliens, analytiques
voire projectifs : non seulement la force des axiomes de ZF y est utile, mais
les développements les plus intéressants font même appel à des cardinaux de
plus en plus grands allant au-delà de ZF, par exemple les ”dièzes”.
Malgré la motivation de l’étude des degrés ludiques par la Physique, la
thèse est purement mathématique. C’est pourquoi on a développé les considérations mathématiques bien avant de faire la Parenthèse heuristique. Et
la suite continue dans l’esprit mathématique, sauf pour la Conclusion de la
thèse (ou ”Chapitre V”), qui retourne à l’interprétation Physique.
2
Préordres ludiques d’uplicité
1)
3mm Le préordre ludique <1 est trivial parce qu’on prend pour fonctions de
réduction toutes les fonctions possibles entre les domaines concernés. Cette
trivialisation cesse si F impose aux fonctions de réduction des conditions
restrictives - telles que la définissabilité. D’où divers préordres d’uplicité 1
et cependant non triviaux, intéressants à divers titres ; le chapitre en expose
quelques-uns en les utilisant pour tester la dualité de Chalons.
3mm
2.1
Le lemme de l’étoile
Ce lemme est le coeur de la preuve du théorème de dualité de Chalons :
résultats du type (R−1 )−1 ≡F R dans des cadres F appropriés. Il implique
le théorème diagonal de Cantor : ”pas d’injection de E F dans F ” ; car si
L : E F −→ F , il donne toute une fibre L−1 (a) qui est en bijection avec
F . C’est plus fort que Cantor puisque ce dernier demande seulement à la
fibre L−1 (a) d’avoir au moins deux éléments. Et c’est un résultat d’existence
alors que le théorème de Cantor est un résultat de non existence. Le lemme
de l’étoile peut aussi être vu comme combinant l’axiome du choix avec la
15
détermination des jeux de longueur 2 (laquelle est plus un axiome qu’un
théorème : ∀x∃y R(x, y) ou ∃x∀y ¬R(x, y)).
En fait nous démontrons 3 lemmes: le premier est le lemme de l’étoile sous
axiome du choix qui rend la preuveélémentaire. Le deuxième lemme atteste
qu’en un certain sens, le lemme de l’étoile dit quelque chose de maximal ; le
troisième est une forme du lemme de l’étoile sans axiome du choix.
lemme 14 Soit E, F des ensembles quelconques, et L : (E F ) → E, une
application de E F dans E, où E F est l’ensemble des applications de E dans
F . Alors il existe a ∈ E tel que ∀y ∈ F ∃f ∈E F : L(f ) = a&f (a) = y.
`Dans le cas général, on utilise AC (l’axiome du choix): supposons que la
conclusion soit fausse, et pour chaque x choisissons un g(x) ∈ F qui en
témoigne: ∀f : L(f ) = x → f (x) 6= g(x). Prenant x := L(g) et f := g on
aboutit à une contradictiona
lemme 15 Soit maintenant T ⊆E F vérifiant la conclusion du lemme ie:
∀L : T → E∃a ∈ E∀y ∈ F ∃f ∈ T : L(f ) = a&f (a) = y. Alors T =E F .
`Soit g¬inT . Prendre alors L(f ) :=un x tel que f (x) =
6 g(x) a On peut
ré-énoncer la conclusion du premier lemme comme suit : il existe une famille
de fonctions fy , y ∈ E telle que
∗)∀y[fy (a) = y&L(fy ) = a].
Sous une hypothèse supplémentaire, le troisième lemme renforce les propriétés de cette famille, tout en se passant de l’axiome du choix :
lemme 16 Dans la situation du premier lemme ajoutons la condition que
F est muni d’un bon ordre noté < ; et disons qu’une famille de fonctions
gi ∈E,F où i parcourt un ensemble ordonné (I, <) est nulle part décroissante
si
∗∗)i < jdansIimplique∀x ∈ E : gi (x) ≤ gj (x).
Alors il existe une famille fy , y ∈ F vérifiant (*) et qui est de plus nulle part
décroissante.
16
` Par récurrence sur l’ordinal α, pour tout x ∈ F on définit Aα (x) ⊂
F, gα (x) ∈ F par Aα (x) := {t ∈ F : ∀β < αL(gβ ) = x ⇒ gβ (x) 6= t} et
tant que aucun des ensembles Aα (x) n’est vide, gα (x) := min Aα (x). Remarquez que pour chaque x fixé, Aα (x) est non-décroissant quand α augmente,
et la suite des fonctions gα est nulle part décroissante au sens (**). De plus
si L(gα ) = a et Aα (a) est non vide alors Aα+1 est strictement inclus dans
Aα (a) ; donc tant que les ensembles Aα (x), x ∈ F sont tous non vides, l’un
d’eux décroit strictement quand on passe de α à α + 1. Pour des raisons de
cardinalité il finit par exister un ordinal γ (de même cardinal que F ) et un
a tels que Aγ (a) = ∅. Notez que chaque fois que Aα (a) diminue en passant
de α à α + 1, c’est de son plus petit élément ; de Aγ (a) = ∅ résulte alors
∀y ∈ F ∃β y < γy = gβ y (a). Soit αy le premier ordinal≥ β y tel que L(gαy ) = a
( αy < γ sinon Aγ (a) en serait encore à contenir l’élément y) ; gαy (a) = y et
(*) est satisfait en posant fy := gαy . a
2.2
Application du lemme de l’étoile
à la dualité pour la 2-réduction
Soit V un univers [?] vérifiant les axiomes de ZFC. On s’intéresse ici aux
relations binaires R ⊂ E × F, S ⊂ E 0 × F 0 avec E, F, E 0 , F 0 ∈ V , mais sans
requérir R, S ∈ V . On pose R < S s’il existe une 2-réduction (f, g) de
R à S avec f, g ∈ V , et R ≡ S si R < S < R. C’est le cadre F = V
dans le cas externe. Notez que le cas interne de ce cadre est trivial, car par
axiome du choix dans V le préordre n’a plus que deux classes d’équivalences
: celle constituée par toutes les relations S totales (∀x∃y¬S(x, y)), et qui
est majorée par celle des relations non totales. Dans le cas externe qui est
désormais le notre, la classes d’équivalence de R représente en un sens le
”degré d’externalité de R au-dessus de V ”. En aparticulier, si V est un
modèle transitif de la théorie des ensembles, notez que R ≤ S implique
R ∈ V [S] mais que la réciproque est fausse : le pré-ordre R ≤ S ressemble
à la relation R ∈ V [S] mais en bien plus fin. Nous étudions ce cadre pour
la bonne raison qu’il est parfait pour exposer avec simplicité les preuves et
17
idées de la dualité de Chalons, qui serviront en sous-section 1.3 et Chapitre
suivant.
3mm Voici les principales propriétés (quand R, S varient comme indiqué
ci-dessus) :
proposition 17
R < S est un préordre
R < S ⇐⇒ S −1 < R−1 ; et (R−1 )−1 ≡ R Autrement dit l’opération R ,→ R−1
est partout définie, décroissante et involutive sur les classes de l’équivalence
associée au préordre.
Démonstration – La preuve de chaque énoncé A aura deux étapes ; la première
étape est la preuve de A faite pour le seul cadre F = V . La deuxième étape
se donne un cadre arbitraire F ; elle énonce l’ensemble P de toutes les
propriétés de V qui ont été utilisées par la première étape – de sorte que
l’énoncé A est démontré vrai pour toute collection F vérifiant P .
1. ≤ est un préordre
– Reflexivite : R ≤ R s’obtient en prenant h(x) := x, g(x, y) := y.
Notez que la preuve vaut dans n’importe quel cadre F dès que sa collection
de fonctions de F -réductions (entre produits cartésiens de domaines) contient
les projections. Par la suite, cette propriété de F sera toujours sous-entendue.
Transitivite : supposons R ≤ S ≤ T et soient (h, g), (l, f ) les 2-réductions
correspondantes : nous avons S(h(x), y) −→ R(x, g(x, y))) et T (l(x), y) −→
S(x, f (x, y)), pour toutes valeurs permises de x, y. On obtient T (l(h(x)), y) −→
S(h(x), f (h(x), y)) et S(h(x), f (h(x), y)) −→ R(x, g(x, f (h(x), y))). Ainsi
T ≤ S au moyen des réductions (l(h(x)), g(x, f (h(x), y)).
Notez que la preuve vaut dans F dès que sa collection de fonctions est
close par composition (ce qu’on sous-entend désormais).
2. R ≤ S implique S −1 ≤ R−1 – Supposons ∀x, yS(h(x), y) −→ R(x, g(x, y))
(2-réduction de R à S) ; nous voulons H, G tels que ∀y, f R−1 (H(f ), y) −→
S −1 (f, G(f, y)) (2-réduction de S −1 à R−1 ). Autrement dit, nous voulons
pour toute valeur permise de la variable f que ¬R(y, H(f )(y)) −→ ¬S(G(f, y), f (G(f, y)))
; soit S(G(f, y), f (G(f, y))) −→ R(y, H(f )(y)). En prenant G(f, y) :=
h(y) donc f (G(f, y)) = f (h(y)), et en prenant H(f )(y) := g(y, f (h(y)) cet
18
énoncé souhaité devient S(h(y), f (h(y)) −→ R(y, g(y, f (h(y)), qui résulte de
l’hypothèse ∀x, yS(h(x), y) −→ R(x, g(x, y)).
Notez que la preuve vaut dans F dès que R−1 y est défini et que sa
0 0
collection de fonctions de réduction comporte la fonctionnelle H :E F −→EF
ci-dessus (ce qu’on sous-entend désormais ; notez que la fonctionnelle G est
une projection, donc est dans F par sous-entendu précédent). R−1 est défini
pour tout R ⊂ E × F , pourvu que E F := {f ; f : E −→ F } soit l’un
des domaines de F ; notez qu’il peut s’agir d’un cas aussi bien interne que
externe de la notion E F ; c’est à dire que dans sa définition ci-dessus, on
peut supposer que f varie seulement dans F , mais aussi que f varie sur le
”vrai” ensemble E F .
3. R ≤ (R−1 )−1 – Supposons R ⊂ E × F ; il faut trouver H, G tels
que (R−1 )−1 (H(x), f ) −→ R(x, G(x, f ) pour tous x ∈ E, f ∈E F dans V ;
autrement dit, ¬R−1 (f, H(x)(f )) −→ R(x, G(x, f ), ou encore R(H(x)(f ), f (H(x)(f ))) −→
R(x, G(x, f ). Définissons H, G par H(x)(f ) := x, G(x, f ) := f (x) et c’est
gagné !
Notez que la preuve vaut dans F dès que sa collection de fonctions de
réduction est close par : λ-abstraction : F (x, y) ,→ λyF (x, y) et contient la
fonctionnelle G, c’est à dire l’application d’évaluation : E ×E F −→ F .
4. Reste le point le plus instructif : (R−1 )−1 ≤ R. On doit trouver σ, τ
de sorte que: R(σ(L), y) implique (R−1 )−1 (L, τ (L, y) (pour tous L ∈E F ∩ V
et tout y ∈ F ) ; en appliquant la définition de S −1 pour S = R−1 puis pour
S = R cette implication s’écrit
∗) R(σ(L), y) −→ R(L(τ (L, y)), τ (L, y)(L(τ (L, y))))
On va construire σ, τ qui vérifient même la réciproque de (*), donc l’équivalence
entre les deux formules de cette implication. C’est le lemme de l’étoile qui
permet ce tour de passe-passe – le lemme n’est rien d’autre que ce tour de
passe-passe, en fait. Nous l’appliquons à l’intérieur de V , en utilisant ZFC
: étant donné L ∈E F , choisir a tel que ∀y ∈ E∃fy L(fy ) = a&fy (a) = y (a
existe par le lemme de l’étoile) ; poser σ(L) := a. Choisir ensuite la famille
(fy ), y ∈ E et poser τ (L, y) := fy . Pour vérifier (*) et sa réciproque il suffit
de ramener à la même formule R(a, y) l’hypothèse et la conclusion de cette
implication ; s’agissant de l’hypothèse, c’est immédiat puisque par définition
19
a = σ(L). Reste à ramener à R(a, y) la conclusion de (*) ; en substituant
dedans fy à τ (L, y) on la ramène d’abord à R(L(fy ), fy (L(fy )) ; formule qui
se ramène à R(a, y) en substituant a à L(fy ) et y à fy (a) – ce qui est permis
par définition de σ(L) et τ (L, y) `
Nous avons prouvé tout le lemme de dualité pour F sous les conditions
suivantes:
i) <F contient les projections et fonctions constantes, est clos par composition, évaluation et λ-abstraction.
ii) pour toute fonctionnelle L ∈ C , L :E ,F −→ E , le lemme de l’étoile est
vérifié par une constante a = σ(L) et par des fonctions fy = τ (L, y) où σ, τ
appartiennent tous deux à la collection des F -réductions.
Il est facile de voir que la collection des fonctions locales d’uplicité possède
ces propriétés pour chaque cardinal ; donc la démonstration ci-dessus prouve
en particulier le théorème de dualité pour le préordre ludique < - ce qui nous
servira au ch. III.
Notez finalement que les réductions (H, G), (σ, τ ) des points 3. et 4. sont
toutes deux définies sans faire intervenir R : de R vers (R−1 )−1 , la 2-réduction
fixe (H, G) s’applique à tous les R possibles ; et dans l’autre sens c’est (σ, τ ).
2.3
Dualité et définissabilité
Ecartons d’abord la possibilité d’avoir le résultat (R−1 )−1 ≡ R dans un cadre
effectif tel que F = les fonctions calculables. Un problème est rédhibitoire
: les preuves du lemme de l’étoile ne sont pas effectives, de sorte que les
fonctions qui en résultent ne sont pas calculables même si la fonctionnelle L
l’était.
Dans ces conditions, on va s’occuper seulement d’avoir pour la dualité
un cadre non trivial qui soit non pas effectif, mais du moins définissable.
Ω
crivons Ω pour F défini comme suit : les F -domaines sont Ω Ω et ( Ω) Ω où
Ω est un ordinal infini ; de la sorte (R−1 )−1 est définie pour toute relation R
sur Ω. Et les Ω -réductions sont les fonctions entre ces domaines qui sont Σdéfinissables en le paramètre Ω. Le préordre < Ω est non trivial pour raison
de cardinalité, et Ω vérifie les propriétés (i+ii) énumérées à la fin des preuves
20
de la sous-section précédente ; donc le théorème démontré reste vrai quand Ω
remplace V . Pour les points 1. à 3. de ces preuves, c’est clair : les fonctions
Σ à paramètre Ω sont closes par composition et comprennent les projections,
les λ-abstractions et les fonctions d’évaluation : (f, x) ,→ f (x). Reste le
point 4. ; pour l’appliquer à Ω on utilise la forme II.3 du lemme de l’étoile,
lorsque E = F = Ω muni de son bon ordre, et L est une fonctionnelle (pas
nécessairement définissable) :Ω Ω −→ Ω. Il est clair que la famille gα , α < γ
fournie par la preuve de 1.3 est Σ-définissable en le paramètre Ω (à partir de
L, de manière uniforme). C’est pareillement clair pour l’élément a de cette
preuve, si nous précisons que c’est le premier faisant l’affaire, dans l’ordre
sur Ω ; et alors, la famille (fyL ), y ∈ Ω fournie par la preuve est Σ-définissable
en le paramètre Ω. La 2-réduction (σ, τ ) qui en résulte est donc bien située
dans Ω ` Ainsi la dualité pour la 2-réduction est vérifiée dans ce cadre où les
réductions sont en un sens définissables et absolues. Notez que pour Ω = ω,
la collection des Ω -réductions est celle des fonctions et fonctionnelles ∆12 .
21
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