La régulation du courtage Denis Jacqmin Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité Formation de formateurs, Paris, novembre 2018 Que dit le TCA en matière de courtage ? Article 2 Champ d’application 1. Le présent Traité s’applique à toutes les armes classiques relevant des catégories suivantes : a) Chars de combat ; b) Véhicules blindés de combat ; c) Systèmes d’artillerie de gros calibre ; d) Avions de combat ; e) Hélicoptères de combat ; f) Navires de guerre ; g) Missiles et lanceurs de missile h) Armes légères et armes de petit calibre. 2. Aux fins du présent Traité, les activités de commerce international englobent l’exportation, l’importation, le transit, le transbordement et le courtage, ci-après dénommées « transfert ». 3. Le présent Traité ne s’applique pas au transport international par tout État Partie ou pour son compte d’armes classiques destinées à son usage, pour autant que ces armes restent sa propriété. Article 10 Courtage Chaque État Partie prend, en vertu de sa législation, des mesures pour réglementer les activités de courtage des armes classiques visées par l’article 2 (1) relevant de sa juridiction. Ces mesures peuvent notamment consister à exiger des courtiers leur enregistrement ou l’obtention d’une autorisation écrite avant l’exercice d’activités de courtage. Définition • Les termes « courtier » et « activités de courtage » ne sont pas définis dans le TCA. • Si ces termes ne sont pas encore définis dans la législation nationale, ils devraient l'être (de manière à être compatibles avec les obligations d'autres instruments de l’État). • La définition la plus universelle est celle de la résolution de l’UNGA de 2007 (A/62/163) faisant suite au rapport d’un groupe d'experts gouvernementaux. Cette définition a été formulée dans le cadre du programme d'action et met l'accent sur les armes légères et les armes de petit calibre, mais peut être aisément étendue aux armes qui font l’objet du TCA. Un courtier en armes légères et en armes de petit calibre peut être décrit comme une personne ou une entité agissant comme intermédiaire qui réunit les parties concernées et qui organise et facilite les transactions potentielles d'armes légères et d'armes de petit calibre en retour d'une certaine forme de bénéfice, qu'il soit financier ou autre. 9. Dans le cadre de ces activités d'intermédiaire impliquant des armes légères et des armes de petit calibre, un courtier peut : (a) servir de chercheur d'opportunités commerciales pour une ou plusieurs parties ; (b) mettre les parties concernées en relation ; (c) aide les parties en proposant, en organisant ou en facilitant les accords ou les contrats possibles entre elles ; (d) aide les parties en obtenant la documentation nécessaire ; (e) aide les parties en organisant les paiements nécessaires. Définition (2) • Il existe d'autres définitions dans des instruments régionaux ou multilatéraux. Convention de la CEDEAO sur les armes légères et de petit calibre (art. 1) : COURTAGE : le travail effectué en tant qu’intermédiaire entre tout fabricant ou fournisseur ou distributeur d’armes légères et de petit calibre et tout acheteur ou utilisateur, y compris le soutien financier et le transport des armes légères et de petit calibre ; Position commune 2003/468/PESC sur le contrôle du courtage en armements (art. 2, paragr.3) : 3. Aux fins du paragraphe 1, on entend par « activités de courtage », les activités de personnes et d'entités : – qui négocient ou organisent des transactions pouvant comporter le transfert, d'un pays tiers vers tout autre pays tiers, d'articles figurant sur la liste commune des équipements militaires appliquée par l'UE, ou – qui procèdent à l'achat, à la vente ou au transfert de ces articles qui sont en leur possession, depuis un pays tiers et à destination de tout autre pays tiers. Le présent paragraphe n'empêche pas un État membre d'inclure dans les activités de courtage définies dans sa législation nationale l'exportation des articles visés plus haut à partir de son territoire ou de celui d'un autre État membre. Guide des meilleures pratiques concernant le contrôle national des activités de courtage de l’OSCE, 2003 : « (i) Activités principales de courtage La catégorie des activités principales de courtage devrait englober : • L’acquisition d’ALPC situées dans un pays tiers aux fins d’un transfert vers un autre pays tiers ; • La médiation entre vendeurs et acheteurs d’ALPC en vue de faciliter le transfert de ces armes d’un pays tiers à un autre ; • L’indication de la possibilité d’une telle transaction au vendeur ou à l’acheteur (en particulier, l’introduction d’un vendeur ou d’un acheteur en échange d’une rémunération ou autre contrepartie). » Définitions (3) Groupe des fournisseurs nucléaires, Bonnes pratiques pour la mise en œuvre de la régulation du courtage et du transit ou transbordement, 2014 • Cette définition distingue deux types de définitions : une définition étroite qui se concentre sur les principales activités de courtage et une définition plus large qui inclut les prestations auxiliaires. Ce qui suit pourrait servir d'exemple. « On entend par “Prestations de courtage” : • la négociation ou l'organisation de transactions en vue de l'achat, de la vente ou de l'approvisionnement en articles d'un pays tiers à un autre pays tiers ; • ou la vente ou l'achat d'articles qui sont situés dans des pays tiers en vue de leur transfert vers un autre pays tiers. » Aux fins de la présente réglementation, la seule fourniture de prestations auxiliaires est exclue de cette définition (basique). On entend par « Prestations auxiliaires » le transport, les prestations financières, l'assurance ou la garantie, ainsi que la publicité ou la promotion générale. Selon la législation et les pratiques nationales, une définition élargie pourrait être la suivante. « On entend par “Prestations de courtage” : • la négociation ou l'organisation de transactions en vue de l'achat, de la vente ou de l'approvisionnement en articles d'un pays à tout un autre pays ; • ou la vente ou l'achat d'articles qui sont situés dans un pays en vue de leur transfert vers un autre pays. » En outre, le courtage peut par définition comprendre des prestations auxiliaires (transport, prestations financières, assurance ou garantie, publicité ou promotion générale) et toute autre activité facilitant la fabrication, l'exportation ou l'importation d'un article. Quelles actions les États Parties doivent-ils mener en matière de courtage ? • Les États membres de petite taille qui ne sont pas actifs dans le commerce des armes peuvent interdire absolument tout courtage. • Si les activités de courtage sont autorisées, il est possible : • d’enregistrer les courtiers, ce qui signifie qu’ils doivent être immatriculés (à titre consultatif) ; • de mettre en place un système de licence pour les activités de courtier spécifiques (obligatoire aux termes de l'art. 6) ; • ou de faire les deux en instaurant un système en deux étapes au sein duquel les courtiers ont tout d’abord pour obligation d’être immatriculés (premier contrôle par les autorités pour voir si les courtiers candidats sont fiables) puis de demander une licence pour chaque activité de courtage spécifique. Immatriculation des courtiers • Le TCA impose uniquement de réguler les activités des courtiers et suggère d’exiger l'immatriculation des courtiers. Cependant, il semble difficile de contrôler les activités des courtiers sans connaître leur identité (cas de la Belgique). Par ailleurs, l'immatriculation permet aux autorités publiques de mieux communiquer avec les courtiers en cas de modifications de la législation (embargo, mesures restrictives, etc.). • La procédure d’immatriculation permet au gouvernement de contrôler une première fois les « courtiers candidats ». Sont-ils fiables ? Quel est leur historique de transactions ? • Quels sont les critères pouvant être retenus pour l’octroi d’une licence à un courtier candidat ? • Quelle est la situation financière du demandeur ? • Possède-t-il un casier judiciaire ? • Si le demandeur a déjà été immatriculé comme courtier, a-t-il respecté les conditions qui assortissent la licence ? • Autres conditions ou critères ? • Si les candidats respectent ces conditions, ils obtiennent une licence. Immatriculation des courtiers (2) • Durée de la licence : • Licence renouvelable limitée à X années ; • Licence non limitée dans le temps, mais les courtiers doivent informer les autorités de tout changement. • Le registre des courtiers en armes sera donc utilisé comme liste des courtiers autorisés. La question de la publication de cette liste reste ouverte (transparence vs secret commercial). • La législation doit prévoir la possibilité de révoquer ou de suspendre la licence si : • les renseignements fournis par le courtier pour son immatriculation s'avèrent être faux ; • le courtier est reconnu coupable d’un délit suffisamment grave pour miner sa crédibilité ; • le courtier ne respecte pas les conditions associées à son immatriculation. Octroi de licences pour les activités de courtage • La demande d'une licence pour l’exercice d’activités de courtage spécifiques doit être étudiée sur la base des critères fixés à l’art. 6 (« Interdictions »). • Et l'art. 7 ? Cela semble logique étant donné que des activités de courtage peuvent entraîner des exportations. • L’octroi d’une licence pour une activité de courtage spécifique doit être refusé si : • les documents requis pour étudier la demande sont manquants ou incomplets ; • la transaction enfreindrait les interdictions de l'art. 6 (et l’évaluation visée à l’art. 7) ou présentait un risque élevé de détournement. Quelles sont les armes concernées ? • L’article 10 sur le courtage porte uniquement sur les armes visées à l’article 2, paragr. 1 (pas de munitions, de pièces ou de composants). • Toutefois, les interdictions mentionnées à l’art. 6 comprennent les munitions, les pièces et les composants. Compétence extraterritoriale ? • Cas de Leonid Minin, arrêté par la police italienne pour avoir envoyé des armes à des pays soumis à un embargo (Sierra Leone, Libye). • Cependant, les armes n’ont jamais été physiquement sur le territoire italien, ce qui a causé des problèmes de compétence jusqu'à la Cour constitutionnelle. • Les mesures régulatrices devraient s'appliquer aux activités de ressortissants ou résidents nationaux qui opèrent à l'étranger. Sanctions • Le TCA ne fournit pas de directives concernant les sanctions à appliquer si les courtiers ne respectent pas les conditions fixées pour leurs activités. • Révocation de leur licence ? • Sanctions administratives ou pénales ? Article 14 Exécution du Traité Chaque État Partie adopte les mesures nécessaires pour faire appliquer lois et règlements nationaux mettant en œuvre les dispositions du présent Traité. Conservation de la documentation • Le TCA ne requiert pas expressément que les licences de courtier soient conservées, mais il fait sens : • de conserver un registre des courtiers ; • de conserver les dossiers des licences octroyées pour des activités de courtage. • Documentation à conserver par les autorités compétentes ou les courtiers eux-mêmes. Compatibilité avec d’autres instruments • Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions Article 15 Courtiers et courtage 1. En vue de prévenir et de combattre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, les États Parties qui ne l’ont pas encore fait envisagent d’établir un système de réglementation des activités de ceux qui pratiquent le courtage. Un tel système pourrait inclure une ou plusieurs mesures telles que : a) L’exigence d’un enregistrement des courtiers exerçant sur leur territoire ; b) L’exigence d’une licence ou d’une autorisation de courtage ; ou c) L’exigence de l’indication sur les licences ou autorisations d’importation et d’exportation, ou sur les documents d’accompagnement, du nom et de l’emplacement des courtiers participant à la transaction. Compatibilité avec d’autres instruments (2) • Programme d'action en vue de prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects 14. d'élaborer une législation ou des procédures administratives nationales adéquates afin de réguler les activités de ceux qui exercent une activité de courtage en armes légères et en armes de petit calibre. Ladite procédure ou lesdites procédures doivent inclure des mesures telles que l'immatriculation des courtiers, l'obligation d'obtenir une licence ou une autorisation pour les transactions de courtage et les sanctions appropriées pour toutes les activités de courtage illicites menées qui relèvent du domaine de compétence et du contrôle de l'État ;