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Bulletin paroissial du camp d'Ohrdruf

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Bulletin paroissial du camp
d'Ohrdruf. Rédigé par des
prêtres français
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
. Bulletin paroissial du camp d'Ohrdruf. Rédigé par des prêtres
français. 1915-11-14.
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SOMMAIRE. — Fêtes de la Semaine. — Compte-rendu Tdes fêtes de la Toussaint. — Horaire de nos offices. —
L'Eglise et la Société humaine. — L'aumônerie militaire. — Les fêtes de la Toussaint dans les hôpitaux. —
Pour nos prisonniers. — A l'instar. — Pensées sur la mort. — Carnet nécrologique. — Feuilleton (Confessions d'un Ouvrier).
Fêtes de la Semaine
(Mois de^Novembre)
i
Aussi nombreux furent ceux qui se pressèrent vers
notre modeste chapelle qui connut l'affluence des
grandes fêtes.
A la messe de 7 heures plus de 350 répondirent à l'appel du divin Jésus en s'approchant de
la Sainte-Table ; le si beau et si pénétrant cantique
—
Mardi 16. — Saint Edme.
dans
Le voici l'Agneau si doux les
Mercredi 17. — Saint Grégoire'le Thaumaturge. la communion et les suivit dans accompagna
leurs méditations
Jeudi 18. — Dédicace deslBasiliques de saints et leurs actions de grâces. Combien éloquente fut
Pierre et Paul.
cette manifestation de vive foi et quelles espérances
Vendredi 19. — Sainte Elisabeth. .,,,,
elle promit pour l'avenir.
Samedi 20. — Saint Félix de Valois.
Une seconde messe fut célébrée à 8 heures et
Dimanche 21. — 26° après la Pentecôte.
offrit à d'autres camarades le bonheur de recevoir
la Sainte-Communion.
LES FETESDE Lfl TOUSSANT Bien avant l'heure indiquée pour la grand'messe
une animation inaccoutumée régnait aux abords
de la chapelle ; de nombreux groupes, guidés par
la même pensée, se pressaient..vers ;la tente ; une
au Camp d'Ohrdruf
joie secrète animait tous les coeurs ; une douce
gaieté remplissait l'air et rayonnait de tous côtés.
Les prisonniers, bien que éloignés de leur église, C'était la Fête, à laquelle tous étaient appelés.
de leur ville ou village, n'ont pas failli à la tradiC'est pour se rendre à cette invitation que dès
tion, à leurs sentiments, à leurs devoirs religieux
9 heures beaucoup pénétraient dans la chapelle,
Dimanche 14. — 25° après laiPentecôte.
Lundill5.
Sainte Gertrude*
Bulletin Paroissial du Camp d'Ohrdruf
2 —
poussés par l'ardent désir de ne rien perdre de
la touchante cérémonie. La nombreuse aîîluence ne
put contenir dans la chapelle et plusieurs camarades ne perçurent les chants qu'à travers la tente.
La clochette invita les fidèles à se recueillir et
ce fut au milieu d'un solennel et imposant silence
que le prêtre, M. l'abbé Richard, accompagné du
diacre, M. l'abbé Salendres, et du sous-diacre,
M. l'abbé Sapet, se plaça devant l'autel pour
célébrer la messe solennelle.
La Chorale entonna à pleine voix lé Kyrie. Le
Gloria particulièrement bien interprété plongea
l'assistance dans une heureuse satisfaction et lui
procura une bien douce joie intime.
A l'évangile, M. l'abbé Richard développa le mystère de la fête, et rappela le souvenir du Ciel, des
Saints, nos intercesseurs près de Dieu. A la fin :
de la cérémonie, la foule véritablement impressionnée, se retira lentement, accompagnée par les
joyeuses notes d'une marche entraînante lancées
d'une, main sûre par l'organiste, dont la réputation
n'est plus à faire;
Célébrées à 2 heures, les vêpres réunirent aussi
une nombreuse affluence. La bénédiction du Très
Saint-Sacrement, suivie des prières pour les défunts, nos familles et les soldats tombés au champ
d'honneur, fit sur tous une grande impression.
.
Aux accents du Magnificat, on se retira pour
former la procession d'usage eh pareille circonstance. En tête s'élevait la Croix, une modeste croix
de bois, peinte en noir. De chaque côté de la
route, le cortège fut formé par les différentes délégations des Compagnies, le Comité de Secours,
la Chorale, les anciens du camp venus de Zella
pour prendre part à nos fêtes, de nombreux soldats
catholiques allemands, le R. P. Nicolaus, aumônier
du camp, accompagné des prêtres français et des
séminaristes.
Pendant le parcours, notre Chorale chanta le
Miserere à quatre voix et le De Profundis. Mais,
tout le monde ne pouvant suivre ces chants —
notre procession n'avait pas moins d'un kilomètre
de longueur — soldats français et soldats allemands
récitaient à haute voix le chapelet.
Chacun, pénétré de la gravité du devoir qu'il
allait remplir, se recueillait, et dépouillant tout respect humain, priait sincèrement, priait pour les
vieux parents reposant au cimetière du village,
pour les amis tombés.
Arrivé au cimetière le cortège se rangea autour
de la Croix, placée sur le tertre. M. l'abbé Lafforgue
nous rappela le motif de cette visite à nos chers
morts. C'est parce que la mort n'est pas le néant,
mais le rendez-vous où nous retrouverons nos chers
disparus, que cette démarche a été faite au nom
des camarades du camp, des familles de ceux qui
reposent dans le cimetière, éternellement exilés,
i
L'assistance fut profondément émue et bien des
yeux se mouillèrent pendant cette impressionnante
cérémonie. Les prières de l'absoute et plusieurs
Pater et Ave furent ensuite récités pour les défunts,
les soldats amis et ennemis tombés sur les champs
de bataille. Les soldats allemands prièrent à leur
tour ; la Chorale chanta le cantique Beau Ciel et,
après une dernière invocation^ on se retira en
ordre. Une palme et trois couronnes furent déposées sur les tombes.
Le lendemain 2 Novembre nous célébrâmes la
Commémorationdes Morts. Comme la veille, nombreuses communions à la messe de 7 heures.
La messe de Requiem fut solennellement célébrée à 9 h. 30 par M. le R. P. Nicolaus, avec
diacre et sous-diacre, et chantée par la Chorale
sûrement dirigée par un chef qui, dans ces deux
jours de fête, dut trouver la récompense méritée
de ses efforts incessants.
Par cette messe se termina la double solennité
de la Toussaint et de la Commémoration des Morts
qui laissera dans tous les coeurs un souvenir ineffaçable.
L'Egliseet la Sociétéhumaine
(Suite.)
L'Eglise et les Ouvriers.
est superflu de décrire le mal social qui,
depuis plus de cinquante ans surtout, agite la
classe ouvrière. Quel est celui qui ne connaît pas
les revendications des travailleurs? Augmentation
de salaire, diminution des heures de travail, repos
hebdomadaire, interdiction du travail pour les enfants, réglementation du travail des femmes et des
mères de famille; telles sont les principales et les
plus urgentes. Les Gouvernements ne sont pas
restés sourds à leurs réclamations; et nous pourrions étudier avec intérêt leurs diverses réponses;
mais, outre que la tâche serait un peu lourde, nous
voulons seulement nous borner à l'action de l'Église.
Le Souverain Pontife Léon XIII a mis en pleine
lumière la pensée de l'Eglise et l'a, pour ainsi dire,
codifiée dans son encyclique Rerum Novarum.
Déjà dans une lettre précédente il avait affirmé
que la question sociale était "avant tout une question morale et religieuse ". il ajoutait même " qu'à
moins de faire appel à la religion et à l'Eglise, il
est impossible de lui trouver jamais une solution
Il
efficace.
Dans l'Encyclique sur la condition des ouvriers,
il détermina avec une grande netteté les droits et
Bulletin Paroissial du Camp d'Ohrdruf
les devoirs réciproques des ouvriers et des pa-
trons; avec une connaissance parfaite de son siè;
cle il fit des principes de la morale chrétienne la
plus judicieuse application. Dès lors le chemin était
largement ouvert à l'action ouvrière Catholique et
Léon XIII, après l'avoir sanctionnée et stimulée, en
bénit et encouragea les zélés propagateurs. Il poussa
le clergé lui-même à entrer, avec beaucoup de
précautions, dans ce champ d'activité.
En France, le Comte de Mun traçait les grandes
lignes du programme social des Catholiques,dans
son célèbre discours à Saint-Etienne, le 14 décembre 1892. Il indiquait les deux formes principales qui devaient assurer au peuple ouvrier la
jouissance de ses droits essentiels:, l'organisation
professionnelle et la législation. La première, pour
laquelle il demandait la liberté la plus large, permettra la représentation publique du travail dans
les corps élus de la nation, là fixation du juste
salaire dans chaque profession industrielle ou agricole, la garantie d'indemnité aux victimes d'accidents, de maladies ou de chômages, la création
d'une caisse de retraite pour la vieillesse, l'établissement des conseils permanents d'arbitrage, l'organisation corporative de l'assistance contre la misère.
La deuxième forme — la législation — protégera le foyer et la vie de famille parla restriction
du travail des enfants et des femmes, l'interdiction
du travail de nuit, la limitation de la journée de
travail, l'obligation du repos dominical; dans les
campagnes, en rendant insaisissable la maison et
les champs du cultivateur, les instruments et le bétail de première nécessité. Elle facilitera la vie de
l'ouvrier et du paysan par la diminution et la
réforme des charges fiscales, particulièrement des
impôts qui frappent la subsistance, Elle favorisera
la participation aux bénéfices, la constitution des
sociétés coopératives de production ; dans les campagnes, l'association du métayage.
Tel fut et tel est encore le programme adopté
par les grands chefs de nos oeuvres sociales Catho
iques. Evêques, prêtres et laïques chrétiens se
'sont dbnnés la main pour créer, dans nos centres
industriels et dans nos campagnes, ces cercles
d'ouvriers, ces mutuelles, ces syndicats, ces coopératives, ces instituts populaires, ces caisses rurales, dont les bienfaits incontestés constituent le
meilleur éloge. Les chefs Catholiques n'en ont pas
le monopole; mais leur oeuvre est importante. C'est
une mission toute nouvelle que s'est donnée
l'Eglise. Sans parler de l'action privée, son oeuvre
a donné naissance à une organisation puissante
comprenant divers services, Commissions, Associations, Cours et Conférences. Et c'est aussi toute
une bibliothèque qu'on pourrait former avec les
nombreux ouvrages et publications de sociologie
Catholique.
Comme l'Eglise Catholique de France, celle
d'Angleterre, d'Allemagne, d'Amérique, de Belgique,
— 3
d'Italie ont fait de l'action sociale leur oeuvre de
charité privilégiée;
A côté des noms du Comte de Mun; de M.
Kellefj il faut citer ceux de Manhingj Gibbons,
Keteller, Mercier* Rodinij Tedeschi. Il faudrait aussi,
après avoir nommé les grands organisateurs de
l'action sociale Catholique, demander aux chefs
immédiats de ces diverses associations ouvrières
quelle a été par elles, l'influence bienfaitrice de la
religion. Alors, nous serions, convaincus de l'intime
connexion qui relie la question sociale à la. question religieuse. Mais notre Bulletin n?est pas une
Revue, et nous oblige à résumer.
Toutefois, quand la série de nos articles sur
l'Eglise et la société humaine sera close, nous donnerons, comme supplément à nos courtes études,
quelques pages autorisées sur les associations populaires Catholiques.
L'^umônerie
pilaire
Deux années avant la guerre dans une grande
revue française paraissait un article intéressant sous
ce titre: " Revendication " et était signé d'un officier français.
Il s'agissait du droit absolu qu'ont les soldats
en temps de paix et surtout en temps de guerre
d'avoir à leur service un aumônier.
Comment donc? lorsque des jeunes gens sont
partis pour l'armée afin de maintenir et soutenir...
fut-ce au prix de leur sang... les droits de leur
pays, on leur a donné pour soigner leurs corps
malades ou blessés, des médecins et des infirmiers; c'était justice. Mais les soldats ont-ils seulement un corps périssable? N'ont-ils pas aussi à
sauver, surtout à l'heure du danger et de la mort,
une âme immortelle ?
Ils ont donc également droit d'avoir, près d'eux,
pour les assister, les réconforter, les aider, s'il le
faut à mourir chrétiennement, des médecins spirituels, des prêtres, des aumôniers.
Les ont-ils ? Oui. Comment est réglementée l'aumônerie militaire dans chacun des états belligérants, c'est ce qui nous intéresse ici.
En France.
Avant la guerre il n'y avait point chez nous
d'aumôniers militaires officiels, nommés par le Ministre de la guerre d'accord avec l'autorité religieuse, et rétribués par l'Etat.
En 1912 cependant une aumônerie militaire coloniale avait été créée en vue d'assurer aux soldats
catholiques qui exposaient leurs vies aux colonies
le secours de la religion.
C'est donc en dehors de l'Etat qu'existait depuis plusieurs années, une aumônerie de garnison,
- 4
ftullctln Paroissial du Camp d'Ohrdruf
fondée par un comité catholique sur la demande
des évêques.
Beaucoup ont connu la " Maison du soldat " ;
dans les garnisons, et destinée à offrir aux militaires, pendant les heures inoccupées des soirées
et des dimanches, aux lieu et place des cabarets
où ils sont tentés d'abriter leur oisiveté, un abri
où ils trouveraient d'honnêtes distractions. La Ligue
patriotique des Françaises encourageât cette oeuvre,
et demanda à l'Etat la nomination officielle d'aumôniers.
Des listes de prêtres volontaires et exempts du
service militaire, furent dressées par les évêques.
Au commencement de 1914, pour le temps de
guerre seulement, les aumôniers divisionnaires
furent nommés par l'Etat.
Donc au commencement de la guerre le corps
d'armée possédait deux aumôniers ce qui était naturellement bien insuffisant.
niers militaires volontaires compte plus de 300
prêtres.
Pour la marine l'aumônerie avait été créée par le
décret du 7 août 1914. François Veuillot obtint que
ce même décret fut appliqué aux armées de terre.
Actuellement le nombre des aumôniers désignés
par l'Etat, ayant grade de capitaine, est assez élevé.
Nous apprenons que le frère du R. P. Richard
vient d'être nommé officiellement aumônier d'une
Le Cardinal Amette, archevêque de Paris, délibérait sur ce point avec le Comte Albert de Mun,
et déplorait cet état de chose. Celui-ci consentit
aussitôt au plan de former un corps d'aumôniers,
en dehors même des unités militaires et avec
l'ardeur de sa grand'âme il travailla à la réalisation de cette idée. Pour cela il n'hésita pas à aller
jusqu'au Ministère de la guerre où il obtint gain
En Angleterre.
de cause.
A sa mort François Veuillot exécutait l'idée du
Comte de Mun. Aujourd'hui le corps des aumô-
nouvelle formation.
Mais avant même cette nouvelle organisation,
par suite de l'appel des ecclésiastiques sous les
drapeaux, chaque unité en France, presque chaque
compagnie possédaient un prêtre qui à l'occasion
pouvait exercer son ministère auprès de ces
camarades.
L'aumônerie militaire ou " The army chapelains",
a été de tout temps organisée, pour les protestants
et les catholiques, et possède une véritable hiérarchie.
A la mobilisation un chapelain général, membre
de l'état-major général, indépendamment de l'autorité épiscopale a réglementé le service religieux
dans l'armée.
Pour les catholiques l'aumônier général a sous
ses ordres 30 aumôniers de première classe ayant
Bulletin Paroissial du Camp d'Ohrdruf
le rang de colonel, 13 de deuxième classe avec
le rang de lieutenant-colonel, 6 de troisième classe
avec le rang de major, 68 de quatrième classe
avec le rang de capitaine. Donc l'aumônerie catholique anglaise comprend 118 prêtres, nommés aumôniers par l'Etat d'accord avec l'autorité religieuse'
—. 5
Sainte-Communion ; elle fut également distribuée
après la inesse à ceux que la maladie retenail
encore au lit (1). Que le Bon Dieu rende la santé
à nos chers malades, à nos braves blessés.
et chapelets furent donnés aux malades
offrirent
qui en retour
le produit d'une quête (13 marks 32)
qui seront versé au Comité de Secours.
(1) Des livres
En Russie.
On n'a pas d'aumônerie catholique officiellement
reconnue. Dans les hôpitaux est tolérée la présence
d'un prêtre catholique.
En Italie.
Le journal Italien " Eco di Bergamo " nous
donne quelques renseignements au sujet de l'au-
mônerie durant le temps de guerre.
Depuis quelques années les aumôniers dans les
régiments d'infanterie et cavalerie avaient été supprimés, seuls étaient encore reconnus 60 aumôniers dans les hôpitaux. Pendant la guerre italoturque et surtout pendant les opérations militaires
en Tripolitaine ce nombre de 60 aumôniers d'hôpitaux appelés au service de l'armée en campagne
fut très insuffisant. Un corps d'aumônerie officiellement reconnu fut donc formé; en dehors des hôpitaux par corps d'armée furent nommés 8 aumôniers. Ils eurent tous le rang de capitaine.
A la déclaration de guerre à l'Autriche le Souverain-Pontife désigna un évêque, aumônier-général,
qui officiellement devint membre de l'Etat-major
général.
(A Suivre).
Les Fêles Je la Toussaint
ta les Hôpitaux
Ainsi que nous l'avions annoncé, nos malades
et nos blessés ont eu leur fête de la Toussaint.
Le jour de la solennité il nous fut impossible
d'aller dans les hôpitaux, mais nos malades s'unirent à nos prières, et pendant la belle procession
au cimetière leur pensée était avec nous.
Pendant la semaine qui a suivi la Toussaint,
nous nous sommes donnés tout entiers à nos
blessés. Dans chaque hôpital, dans quatre salles,
une messe a été dite à laquelle tous les malades
ont assisté.
Les infirmiers avaient bien voulu préparer l'autel ;
un prêtre français disait la messe pendant que
M. l'Aumônier lisait les prières à haute voix, et
qu'on chantait des cantiques. Dans chacune des
salles quelques-uns de nos camarades ont reçu la
HORAIRE DE NOS OFFICES
Dimanche : Messe de communion à 7 heures.
Messe solennelle à 9 h. 30.
Pendant la semaine, la messe est dite à 7 h. 30.
En raison des travaux pour la construction de
notre nouvelle chapelle, tous les matins la messe
sera dite au camp B, baraque M B IX.
Le dimanche seulement nos offices auront lieu
comme à l'ordinaire dans la tente.
A
L'INSTAR
Les poilus parisiens ont gardé le cher souvenir
de leur ville. Sur le front, à l'extrême Nord, un
commandant fait les honneurs de son home, abri
de quelques pieds carrés protégé par des sacs de
terre.
— Je suis installé comme à Paris, dit-il. Nos
soldats sont fiers des boyaux de communication
qu'ils ont creusé : on y circule comme dans l'avenue de l'Opéra. Une route s'étend derrière nos
premières lignes, très près de l'ennemi; elle est
spacieuse et protégée contre les balles par le talus
d'un canal ; on peut s'y promener à l'aise dans les
moments de trêve où l'artillerie l'épargne; on y
a apporté des tables, des chaises, enlevées aux
ruines des maisons voisines ; cela s'appelle " Le
Boulevard des Italiens ". Même, un soldat a trouvé
plaisant d'y installer quelques chevaux de bois,
débris d'un manège, " comme à Neuilly ".
Tout près de là, dans la grande rue du village,
on a percé les cloisons mitoyennes des maisons;
on passe ainsi de l'une à l'autre sous une série
d'arcades : " c'est le Palais-Royal ". Mais, il arrive
qu'un projectile détruise l'arcade et défonce les fondations: pour les poilus ce sont " les trous de
Paris".
CARNET NÉCROLOGIQUE
Jean Chappus,
à pied, né le
20 Avril 1890 à Pulvières (Puy-de-Dôme), décédé
14'' chasseurs
le 31 Octobre 1915.
R. I. P.
Bulletin Paroissial du Camp d'Ohrdruf
— 6
PENSEES
" ...Et marchant à la mort, il meurt à chaque pas
11
11
;
meurt dans ses amis, dans son îils, dans son père,
meurt dans ce qu'il pleure et dans ce qu'il espère... "
Pauvre mère, ne pleurez pas !
A qui perd tout, Dieu reste encore,
Dieu là-haut, l'espoir ici-bao.
" —
(A. de M.)
La mort d'une mère est le premier chagrin qu'on
pleure sans elle.
SAINTE-ELISABETH
(1231)
,
Le- 19 de ce mois, l'Eglise célèbre la fête de
Sainte-Elisabeth, patronne de notre paroisse du
Camp d'Ohrdruf. Fille du roi André de Hongrie,
elle fut transportée à l'âge de 4 ans au château de
Wartburg,. près Eisenach, que plusieurs d'entre
nous ont aperçu en venant à Ohrdruf.Selon l'usage
de ce temps, elle fut, la même année, fiancée par
ses parents au. prince Louis, landgrave de Hesse
et de Thuringe. Ils furent élevés ensemble dans la
crainte et l'amour de Dieu. Après son mariage,
Elisabeth se consacra entièrement à ses devoirs
d'épouse et de princesse. Elle s'employait surtout
aux oeuvres de miséricorde, secourant les veuves,
les orphelins, les malades, les indigents. Pendant
une grande famine elle distribua libéralement tous
les produits de ces domaines. Elle donnait l'hospitalité aux lépreux, et allait même, par pénitence,
jusqu'à baiser leurs mains et leurs pieds. Elle
fonda un magnifique hôpital pour les pauvres.
Après la mort de son mari, voulant servir Dieu
plus librement, elle déposa ses parures et ses bijoux pour revêtir la tunique grossière de l'ordre
de la Pénitence Franciscaine et fut la première
soeur en Allemagne.
Dépouillée de ses biens, chassée de sa propre
maison, abandonnée de tout le monde, elle supporta avec un invincible courage les affronts et les
calomnies. Elle rendait aux pauvres les services
les plus humiliants et se contentait pour sa propre
nourriture d'herbes et de légumes. Toute sa vie se
passa dans l'exerciee de ces oeuvres de charité.
Enfin elle annonça à ceux qui l'entouraient que sa
dernière heure approchait; puis, munie des Sacrements, elle mourut les yeux levés au ciel, dans la
contemplation des choses célestes.
De nombreux miracles s'étant accomplis sur son
tombeau, le pape Grégoire IX l'inscrivit au nombre des saints.
Elle est pour nous un excellent exemple de la
souffrance chrétienne vaillamment supportée. Dans
l'amertume de la captivité qui nous sépare de
tous ceux qui nous sont chers, de nos camarades,
frères et amis tombés sur le champ de bataille,
ne désespérons pasl Courage! Répétons avec les
Saints : " Deus dédit. Deus abstulit!... Dieu nous
les avait donnés, il nous les a retirés, que son
nom soit loué „. Les souffrances de ce monde ne
sont rien à côté de la gloire que nous aurons
plus tard: Per crucem adlucem!
KETTELER
(Suite),
Evêque de Mayence.
Revenu à Hopsten, Ketteîer y resta quelques
mois. Bientôt, il était nommé à l'importante paroisse
de Sainte-Edwige, à Berlin. Il y partit à regret, ce
qui ne l'empêcha pas de déployer dans ce milieu
nouveau et difficile une activité qui le mit encore
plus en vue.
Il y demeura peu. L'évêque de Mayence étant
mort, le nom de Ketteîer fut mis en avant pour
ce siège. On n'avait pas oublié ses célèbres sermons sociaux. En vain essaya-Ml de décliner cette
lourde charge ; Pie IX, qui avait écrit au cardinal
de Reisach : " Dans la personne de Ketteîer, je
voudrais donner aux Mayençais. un évêque selon
le coeur de Dieu ", l'obligea d'accepter l'épiscopat.
Ketteîer se mit aussitôt résolument à l'oeuvre,
et ce diocèse de Mayence, " si malade ", suivant
le mot d'un prêtre, revint bientôt à une vie nouvelle.
Les premières paroles de l'évêque furent pour
ceux qui peinent et qui souffrent ; il se donne
tout à eux. Il visite d'abord les hôpitaux, les prisons, puis il se met à parcourir son diocèse. Il
rend au moindre village une visite pastorale. Et ce
n'était point un rapide passage. Il prêchait, entrait
dans les écoles, allait au chevet des malades, organisait des processions au cimetière. " Vos morts
sont mes morts ", disait-il aux paysans ; et sur la
terre encore humide qui recouvrait ces morts,
devenus sa propre famille, Ketteîer parlait encore.
Lorsqu'une mission se donnait dans quelque bourgade, un confesseur survenait pour aider les missionnaires; de cinq heures du matin à neuf heures
du soir, il moissonnait et brûlait l'ivraie des péchés :
et ce confesseur n'était autre que l'évêque Ketteîer.
Le clergé attire spécialement sa sollicitude. Il
institue un grand séminaire modèle à Mayence,
organise des retraites pour ses prêtres, établit des
examens, des concours.
Ce travail d'organisation n'empêche pas Ketteîer
de se prêter à des négociations avec le gouvernement de Hesse. Il obtint de précieuses libertés
(A suivre.)
pour l'Eglise.
Bulletin Paroissial du Camp d'Ohrdruf
fuvrier
Feuilleton du Bulletin Paroissial
Confessions d'un
Jiî 17
par
Emile SOUYESTRE
Le maître maçon retenu depuis plusieurs mois
en Bourgogne, était revenu pour affaires à Paris,
d'où il repartait le soir même. Il me fit entrer chez
le marchand de vin, et, quoique je pusse dire, il
fallut redéjeuner avec lui. La prospérité avait engraissé Mauricet, qui était vêtu d'une superbe
veste d'Elboeuf à petits pans, d'un castor à longs
poils et d'une cravate de soie cerise. Le coeur
était toujours le même, mais le ton avait haussé
d'un cran : Mauricet ne doutait plus de rien depuis qu'il se trouvait à la tête de cinquante ouvriers. Je l'avais toujours vu si raisonnable que
son aplomb me païut seulement la conscience de
sa prospérité.
Dès son arrivée à Paris, il avait vaguement appris ma débâcle, et voulut tout savoir. Quand je
l'eus mis au fait, il frappa la table avec la bouteille de Bordeaux cacheté qu'il avait fait venir
malgré mes objections.
Mille tonnerres1 pourquoi ne m'as-tu pas écrit
la chose? s'écria-t-il ; je t'aurais trouvé assez de
pièces de six livres pour faire marcher ton affaire.
Que fais-tu, maintenant? Voyons, où en es-tu? Ne
peut-on pas mettre un peu de chaux dans ton
mortier?
Je lui fis connaître ma position, en disant un
mot de l'affaire qui se présentait.
Et tu n'aurais besoin que de 500 francs? demanda Mauricet.
Je lui répondis que cette somme me suffirait et
au-delà. Il appela aussitôt; un garçon entra.
Une plume et de l'encre ! cria le maître maçon.
Je regardai avec surprise.
Tu ne comprends pas ce que je veux faire de
ces drogues-là, pas vrai ? me dit-il en riant ; au
fait, je ne suis guère plus partisan du blanc et du
noir que par le passé; mais il faut bien braire
pour les baudets. Quand j'ai vu qu'on ne pouvait
brasser les affaires qu'avec les bouts d'aile et
l'écritoire, ma foi ! j'ai dit: En avant l'arrière-garde!
et aujourd'hui j'en use tout comme un autre.
Vous avez appris à écrire! m'écriai-je.
Tu vas. voirl dit Mauricet en clignant de l'oeil.
Il avait retire d'un portefeuille un papier timbré
sur lequel il me fit rédiger une obligation de 500
francs. Quand j'eus achevé, il signa son nom en
lettres inégales et imitant l'impression.
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Maintenant, me dit-il, quand la pénible opération
fut achevée, présente-moi ça chez Périgeux, et tu
aura ton argent d'aplomb; le seing du père Mauricet est connu dans leur boutique, et je peux
battre monnaie à discrétion. —
On me remit, en effet, les fonds sans aucune
difficulté, et, dès le lendemain, j'avais l'entreprise
à laquelle ils étaient destinés. Tout marcha d'abord
à souhait. Les travaux furent vivement conduits et
achevés avant le terme. J'avais pu, sur les premiers
paiements, rendre à Mauricet son argent ; de nouveaux marchés me ramenèrent dans le îlot et je
commençais à me sentir remonter, quand un procès intenté à notre principal entrepreneur vint tout
arrêter. Mon sort et celui de dix autres était forcément lié au sien; nous nous trouvions les mains
prises, sans aucun moyen d'agir ni de nous retirer. Pendant ce temps, les obligations particulières
de chacun restaient entières ; l'époque du paiement
arrivait pour les marchandises non employées ; les
soldes d'arriérés se succédaient impitoyablement :
il fallait faire face à toutes les attaques, l'arme au
bras, comme on dit ; trouver chaque jour quelque
nouvel expédient ; obtenir des termes, effectuer des
reports, compenser des dettes et des créances!
Mes journées entières étaient employées à ce stérile travail. Je ne gagnais rien, et mes ressources
s'épuisaient de plus en plus: tandis que j'employais
mon temps à me sauver de la faillite, Geneviève
et l'enfant manquaient du nécessaire.
Je me mangeais la cervelle sans pouvoir faire
avancer les choses. Le procès était toujours près
d'être jugé, et reculait sans cesse. Un jour, quelque pièce avait été oubliée ; un autre jour l'avocat se trouvait absent; le tribunal prenait des vacances, ou l'adversaire avait demandé une remise !
Pendant ce temps, les semaines et les mois s'écoulaient. Notre pauvre ménage ressemblait à ces
équipages pris par un calme plat au milieu de la
mer, qui réduisent chaque jour la ration et regardent en vain à l'horizon si les nuages leur annoncent le retour du vent. J'ai eu de rudes épreuves
dans ma vie, mais aucune qui soit comparable à
celle-ci. D'ordinaire, les malheurs qui nous frappent laissent place à l'action ; on peut chercher le
soulagement ou le salut; mais ici tous nos efforts
étaient inutiles ; il n'y avait qu'à se croiser les bras
et à attendre.
A la longue, cette agitation clans l'impuissance
me rendit sombre et hargneux. Ne sachant plus
qui accuser, je m'en prenais à Geneviève; je ne
tenai point compte à la pauvre créature de ses
efforts pour me déguiser notre misère, de son
travail pour l'amoindrir, on eût dit que je lui en
voulais des privations qu'elle supportait. Au fond,
mon irritation était encore de l'amitié : elle venait
de mon chagrin de la voir souffrir. J'aurais donné
mon sang goutte à goutte pour lui acheter de
l'aisance et du repos d'esprit ; mais ma bonne
— 8 —
Bulletin Paroissial du Camp d'Ohrdruf
volonté était de mauvaise humeur faute d'avoir
réussi : c'était comme une haie d'épines à laquelle
je la déchirais, par dépit de n'avoir pu ert. faire
une enveloppe pour la défendre.:
Un jour surtout ' je rentrai plus aigri, j'avais
passé trois heures chez l'avoué qui causait avec
des amis et que j'entendais rire, tandis que je me
rongeais lé coeur. Il avait fallu attendre la fin de
leurs histoires plaisantes ;. puis, quand mon tour
était venu, j'avais trouvé ' un homme qui m'avait
écouté en baillant, qui ne savait rien de mon
affaire, et m'avait renvoyé à son premier clerc alors
absenteJe revenais donc gonflé de rancune contre
les gens dé justice, qui emmagasinent dans leurs
cartons notre fortune, notre repos, notre honneur,
et qui, le plus souvent, ne savent pas même ce
qu'on leur a- donné à garder. Pour m'àchever,
j'avais vu refuser le paiement de mon dernier
billet! — - : .'<[}
'
'
:Comme .si tout. devait irriter, ma tristesse,,je
trouvai à Geneviève un air de fête. Elle rangeait
en chantant, et ' me reçut. par, une exclamation
joyeuse. .Je-lui-demandai brusquement ce qu'il était
arrivé d'heureux depuis mon départ, si nous avions
reçu une '.succession d'Amérique. Elle répondit en
plaisantant, me prit par le cou, et me conduisit en
' face de l'almanach suspendu contre la cheminée,
Eh bien? lui demandais-je. "
Eh bien ! vous ne voyez point la date, monsieur!
dit-elle gaiement : c'est aujourd'hui le 25.
Oui, répliquài-je en me dégageant avec humeur ;
et bientôt ce sera le 30, jour d'échéance. Que l'enfer confonde les billets et les almanachs!
Elle eut un air de douloureux étonnement.
Qu'y a-t-il donc encore, Pierre Henry ? repritelle inquiète; avez-vous appris quelque mauvaise
nouvelle?
Je n'ai rien appris, comme d'habitude.
Alors, reprit-elle en passant un bras sur le mien,
remettons les inquiétudes à demain, et gardons ce
jour-ci pour être heureux.
Je la'regardai de manière à lui prouver que je
ne comprenai pas.
Allons.' vilain homme ! dit-elle d'un ton de bou.
derie amicale, ne savez-vous donc plus que c'est
l'anniversaire de notre mariage?
Je l'avais effectivement oublié. .Les années précédentes, cet anniversaire était pour moi une occasion de réjouissance et d'attendrissement; mais
cette fois il en fut tout autrement. Le souvenir du
bonheur passé me rendirent les souffrances présentes plus amères. La comparaison que j'en fis,
.
dans ma pensée, excita chez moi une sorte de
désespoir, et je me laissai tomber sur une chaise
avec de sourdes malédictions. Geneviève, effrayée,
voulut savoir ce que j'avais.
Fur die Redaktionverantwortlich
:
Ce que j'ai ! m'écriai-je ; Dieu me pardonne ! on
dirait que vous n'en avez jamais entendu parler!
Ce que j'ai ! eh bien, parbleu ! j'ai des- dettes que
je ne puis pas payer, et des créances qui ne rentrent pas ; j'ai un procès qui me ruine en attendant que je le gagne; j'ai trois bouches à nourrir
tous les jours, sans autre ressource que deux bras
qui ne peuvent travailler... Ah ! ce que j'ai, demandez-vous? J'ai le regret de ne pas m'être cassé
les reins le jour où je suis tombé d'un troisième,
parce qu'alors je n'étais qu'un ouvrier sans obligation et sans famille, et qu'une bière de quatre
francs eût réglé mes comptes!
Tout cela était dit avec un emportement qui fit
trembler la chère femme; elle me regarda^ et les
larmes lui vinrent dans les yeux.
Au nom de Dieu ! ne parlez pas ainsi, Pierre
Henri, me dit-elle ; ne me dites jamais que vous
regrettez de vivre, à moins que vous ne vouliez
aussi me faire mourir. Vous avez été tourmenté
tout le jour, pauvre homme, et vous me -revenez
outré; mais oubliez pour aujourd'hui: les affaires,
et ne pensez qu'à ceux qui vous aiment.
.
(SI suivre.)
Arrivée de Blessés Susses aux hôpitaux
Le lundi 8 Novembre ont été transportés dans
nos hôpitaux 300 blessés Russes. Ils viennent du
front ; ils sont restés quelque temps dans les hôpitaux de campagne où ils reçurent les premiers
soins. Nous demandons à nos lecteurs une prière
pour ces braves, et faisons des voeux pour leur
prompte guérison.
Office pour les Polonais
Désormais, tous les dimanches, à 3 heures, à
l'issue des Vêpres, aura lieu un service religieux
pour les Polonais. Après la récitation du chapelet
par l'un d'eux, on donnera la bénédiction du Très
Saint-Sacrement.
Il
est permis d'envoyer
le Bulletin Paroissial
en France et en Belgique.
POUR NOS DISPARUS
Les soldats originaires des départements du
Cher et de l'Indre sont priés de donner leur nom
au sergent Arcadias, 6° compagnie, baraque M 49.
Militarpfarrer J. Nicolaus, zu Ohrdruf. — Druck von H. Lucas. Ohrdruf.
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