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saint-gobain et la laine de verre recardre

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SAINT-GOBAIN
ET LA LAINE DE VERRE
HISTOIRE
D’UNE RÉUSSITE
INTERNATIONALE
Des pionniers d’avant-guerre au leader
mondial d’aujourd’hui, ce livre retrace
l’épopée de la laine de verre chez
Saint-Gobain. Une aventure industrielle
faite de succès technologiques,
de conquête de marchés internationaux
mais aussi de périodes de doutes
et d’erreurs corrigées. Une histoire
d'hommes et de femmes passionnés :
ingénieurs, commerciaux, industriels,
logisticiens… Ce livre montre aussi
combien toute chronique industrielle
rencontre nécessairement l’Histoire
« tout court », comme le prouve ici
l’irruption des guerres mondiales,
des crises au Proche et Moyen-Orient
ou la chute du Rideau de fer.
Aujourd’hui encore, c’est le contexte
global du réchauffement climatique
qui fixe de nouveaux enjeux prioritaires
à l’isolation des bâtiments.
HISTOIRE D’UNE RÉUSSITE INTERNATIONALE
2/09/08
SAINT-GOBAIN ET LA LAINE DE VERRE
DOCOUV-fr-def:Docouv2
SAINT-GOBAIN
ET LA LAINE DE VERRE
HISTOIRE
D’UNE RÉUSSITE
INTERNATIONALE
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SAINT-GOBAIN
ET LA LAINE DE VERRE
HISTOIRE
D’UNE RÉUSSITE
INTERNATIONALE
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SAINT-GOBAIN
ET LA LAINE DE VERRE
HISTOIRE
D’UNE RÉUSSITE
INTERNATIONALE
Saint-Gobain Insulation
18 avenue d’Alsace
Les Miroirs
92096 La Défense
Rédaction et rewriting
Suivi éditorial
Pascale Alix
48 rue Vivienne
75002 Paris
www.editionstextuel.com
Conception et réalisation
Éditions Textuel
Graphisme
Caroline Pauchant
Rédaction et rewriting
Patrick Philipon
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PRÉFACE
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CHAPITRE 1
L’ÈRE DES PIONNIERS
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Les inventeurs
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Saint-Gobain observe
La naissance du Pool
Création d’un outil industriel
Le tournant de la guerre
L’après guerre : espoirs et déconvenues
36
41
43
47
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CHAPITRE 2
L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
Une épopée technologique
Le « TEL » à la conquête du monde
Le nouveau jeu des licences
« Tout va bien »
CHAPITRE 3
LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
Loin des besoins du marché
La réaction
La rentabilité retrouvée
La limite du modèle
Une autre épreuve
CHAPITRE 4
LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
Un monde s’ouvre
Poursuite de la politique clients
Naissance d’une marque mondiale
Le TEL repousse encore ses limites
Nouvelles frontières
Répondre à un problème planétaire
CONCLUSION
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PRÉFACE
Ce livre retrace l’histoire d’une aventure d’hommes et de femmes passionnés.
Saint-Gobain s’est engagé dans la production de laine de verre pour l’isolation dans les
années qui ont précédé la Seconde Guerre mondiale, mais cette aventure a toutefois pris
son véritable essor il y a cinquante ans, lorsque le Groupe a lancé un procédé de fibrage
révolutionnaire : le TEL.
Cette innovation, élément structurant d’une réussite industrielle exemplaire, n’est pas née
soudainement du cerveau d’un génie isolé. L’intuition a eu sa part, certes, mais ce procédé,
fruit du labeur d’équipes d’ingénieurs et de techniciens, s’est développé graduellement en
utilisant une véritable approche expérimentale. À l’aventure des pionniers d’avant guerre
a donc succédé l’âge d’or des ingénieurs enthousiastes qui ont développé le TEL. Euxmêmes ont trouvé le relais d’industriels prêts à prendre le risque d’exploiter le procédé,
transformant ainsi une innovation technologique en réussite industrielle. Par l’attribution
de licences, ils ont fédéré un ensemble de sociétés indépendantes réparties dans les principaux pays industriels du globe. Progressivement, cet ensemble s’est consolidé et unifié
pour former aujourd’hui le leader mondial de l’isolation.
Cette épopée technologique puis industrielle est tout d’abord une aventure humaine. C’est
parce que des pionniers ont mis leur enthousiasme et leur vision au service du développement technologique que le procédé a pu naître. C’est parce que des industriels ont patiemment assemblé des compétences multiples que son déploiement a été un succès. C’est
parce que les techniciens se sont associés aux commerciaux à l’écoute des clients que
certaines erreurs ont pu être gommées. C’est parce que les « ambassadeurs » de la
Sodefive et leurs interlocuteurs étrangers ont créé un véritable « club des licenciés » que
le TEL a pu conquérir le monde.
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L’histoire est loin d’être achevée. L’isolation est devenue la meilleure réponse à la crise
environnementale actuelle. Les équipes qui prennent aujourd’hui le relais ont à faire face
à de nouveaux défis, dont celui de répondre à une très forte demande mondiale de matériaux isolants. Puisse ce livre les inspirer pour la suite de l’aventure et les convaincre,
si besoin en était, qu’une entreprise, quelle qu’elle soit, est d’abord une communauté
d’hommes et de femmes rassemblés autour d’un projet.
Claude Imauven,
Directeur général adjoint de la Compagnie de Saint-Gobain,
Directeur du pôle Produits pour la Construction.
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CHAPITRE 1
Les inventeurs
Saint-Gobain observe
La naissance du Pool
Création d’un outil industriel
Le tournant de la guerre
Après guerre : espoirs et déconvenues
L’ÈRE
DES PIONNIERS
Depuis le début du xx e siècle, l’industrie du verre vit une révolution
technique et industrielle. L’heure est aux omniums verriers,
groupes maîtrisant toutes les branches de cette industrie.
Rapportant idées et technologies nouvelles des États-Unis,
Eugène Gentil lance Saint-Gobain dans une politique de diversification.
L’aventure du Groupe dans la fibre de verre commence ainsi
dans les années 1930 et atteint rapidement une échelle importante.
La guerre arrête ce premier élan, ce qui incite Saint-Gobain
à développer son propre procédé.
Fabrication de laine de verre à l’usine de Lucens, en Suisse, vers 1945.
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1936-1938
1926
Création de la Société d’études verrières
appliquées, ou SEVA, à Chalon-sur-Saône.
Chargée de concevoir et d’entretenir les machines
de la toute nouvelle usine de fabrication de
bouteilles de Saint-Gobain, la SEVA devient
rapidement le « mécanicien » de l’ensemble du
Groupe. Elle fournit également les assiettes de fibrage.
En deux ans, le Groupe construit un outil
industriel de production de laine de verre.
Il achète coup sur coup la Glasswatte en
Allemagne et la Soie de Verre à Soissons,
en France. À cette occasion, Isover est créée.
Cette nouvelle société achète ensuite une usine
à Rantigny pour y produire de la fibre « textile ».
1930
1937
L’accord entre Saint-Gobain et Owens-Corning
est définitivement scellé à New York.
Les signataires accèdent aux procédés Gossler,
Owens et Hager pour l’isolation ainsi qu’Owens
et Corning pour le textile. Les améliorations
techniques sont immédiatement diffusées.
Le « Pool » est né.
La Maatschappij Tot Beheer en Exploitatie
van Octrooien, société néerlandaise
codétenue par Saint-Gobain et la famille
Bicheroux, acquiert les droits du procédé Hager
et dépose le brevet en Allemagne.
C’est le premier pas du Groupe dans
l’industrie de la fibre de verre.
1932
Le verrier américain Owens-Illinois invente
un procédé industriel de fibrage du verre
par soufflage sur un tambour. Cette méthode
nouvelle surpasse ce qui existe en Europe
tant en termes de qualité de la fibre que de
productivité. Saint-Gobain en acquiert
bientôt les droits pour se lancer dans l’isolation.
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1948-1950
Création de la Société d’études pour le
développement de la fibre de verre, ou Sodefive.
Cette entité doit apporter un soutien technique
et commercial à l’ensemble des licenciés Hager.
Elle remplit bientôt ce rôle pour les licenciés
du TEL, animant un véritable « club » jusqu’à
sa dissolution en 1997.
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Vue d’atelier. Fabrication de la laine de verre à Lucens, en Suisse.
Pose d’un bourrelet en laine de verre.
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LES INVENTEURS
LE LAITIER, PREMIER
ISOLANT FIBREUX
INDUSTRIEL
À la fin du XIX e siècle, la généralisation des navires à vapeur
et l’arrivée de l’électricité multiplient les besoins en matériaux
isolants souples et légers. Les premiers procédés véritablement
industriels de production de laine de verre naissent bientôt
en Autriche et en Allemagne de l’imagination d’inventeurs féconds.
En ce début de XX e siècle, l’industrie du verre vit une révolution. Les nouveaux procédés de fabrication se multiplient, tant
pour les vitres que pour le verre creux (bouteilles et flacons).
Les unités de production s’automatisent. On connaît de
mieux en mieux la physique et la chimie du verre. Une nouvelle fonction apparaît d’ailleurs dans l’organisation des
sociétés verrières : la recherche. L’avenir appartient aux
omniums verriers, des groupes de taille suffisante pour être
présents dans toutes les branches de l’industrie et en maîtriser tous les aspects. Saint-Gobain en est conscient et se lance
dans une vaste politique de diversification. L’ancien glacier
devient ainsi un fabricant de verre à vitres, de verre creux et
de verres spéciaux, dont le fameux Securit des pare-brise
d’automobiles apparu en 1929.Au début des années 1930, le
Groupe se lancera dans une nouvelle aventure : la fibre de verre.
Ce matériau étrange a en effet depuis quelques années le
vent en poupe.
Avec les révolutions industrielles
du XIXe siècle, les machines à vapeur
se multiplient. Pour éviter
le refroidissement du précieux fluide
dans les conduits, il faut isoler
thermiquement ces derniers.
Un besoin vient de naître. La première
réponse proviendra de l’industrie
sidérurgique, à peu près simultanément
des deux côtés de l’Atlantique.
La fonte s’obtient par chauffage
d’un mélange de minerai de fer
et de coke, plus divers additifs, dans
un haut-fourneau. Le métal en fusion,
très lourd, s’écoule vers le bas.
Au-dessus surnage un mélange liquide
de résidus non ferreux : le laitier.
Ce dernier est évacué en permanence
et stocké dans des cuves. Il arrive
cependant qu’il s’échappe et il doit
être immédiatement refroidi à l’eau.
C’est sans doute à l’occasion d’un tel
incident que l’on s’est aperçu qu’il
forme alors des fibres. Divers procédés
de fibrage sont donc nés au pied des
hauts-fourneaux, tous fondés sur le
même principe : l’éclatement d’un filet
de laitier par un jet de vapeur.
Sans doute parce que laitier et vapeur
étaient tous deux disponibles sur
place… La première production
intentionnelle est signalée dès 1840
au pays de Galles en Angleterre,
et les premiers brevets sont déposés
simultanément en Allemagne
et aux États-Unis vers 1870.
Dense, ininflammable, très résistante
à la chaleur, la fibre de laitier convient
à l’isolation d’installations à haute
température comme, précisément,
les conduits de vapeur. Elle est
cependant trop courte pour être
tissée et supporte mal les vibrations.
Ces limitations feront le bonheur
de la laine de verre.
cet article de la Revue des sciences et de leurs applications, paru
en 1908. Si l’on excepte des utilisations décoratives quelque
peu anecdotiques, la fibre de verre doit avant tout son succès
à ses qualités d’isolant thermique. La révolution industrielle
du milieu du XIX e siècle, avec ses machines à vapeur, avait besoin de matériaux isolants. La laine de roche, fabriquée au
pied des hauts-fourneaux, s’est d’abord imposée (voir « Le laitier, premier isolant fibreux industriel », p. 21). À la fin du
siècle, avec le développement des marines marchandes et
militaires, le besoin s’est cependant fait sentir d’un matériau
plus souple, plus léger et résistant aux vibrations des
machines des navires. Dans le même temps, des industries
naissantes comme l’électricité (isolation des fils) et le cinéma
(écrans) recherchaient des « textiles » isolants et ininflammables. Restait à passer de la production plus ou moins artisanale
qui prévalait à l’époque à des procédés véritablement
industriels.
« La laine de verre (coton, ouate de verre), qui a l’apparence
de la soie, conduit si mal la chaleur, à cause surtout de l’air interposé, qu’elle produit une sensation de chaleur au simple
toucher. On en a fait des tissus pour goutteux et rhumatisants.
Avec les déchets, on fait des enveloppes calorifuges pour les
conduites de vapeur. Avec les brins longs, on tresse en
Allemagne des mèches de lampe… Ces mêmes tresses servent
aussi quelquefois d’isolants pour les installations électriques, ou de carton pour joints de vapeur… » Tout est dit dans
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Coulée de fonte.
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Isolation par matelas démontables d’une chaudière marine.
CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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1. Le paquebot Liberté, isolé avec 35 tonnes de laine de verre.
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2. Isolation des cales frigorifiques.
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Cette histoire commence en Allemagne, avec deux acteurs principaux : Gossler et Hager. Oscar Gossler, petit industriel de
Hambourg, fonde sa société au début du XXe siècle. Il aménage
des cabines de paquebot dans les chantiers navals et constate
assez vite le besoin d’isolants de bonne tenue mécanique,
résistant aux vibrations. Dès 1916, Gossler décide donc de se
lancer dans la fibre de verre. Il contacte alors Gédéon von
Pazsiczky, un inventeur hongrois qui a déjà déposé des brevets dans ce domaine. Celui-ci s’inspire du premier procédé
mécanique de fibrage du verre inventé par le Dr Pollack à
Stockerau, près de Vienne en Autriche. Le principe de cette
machine dérive lui-même en droite ligne de l’usage du rouet
dans la Venise du XVI e siècle (voir « Le verre filé : une histoire
ancienne », p. 27) ! Il s’agit encore et toujours d’étirer sur un
tambour des filets de verre en fusion. Von Pazsiczky dispose
le tambour horizontalement et l’alimente en verre fondu par
une filière. Le brevet est déposé en 1919 et la production
industrielle de « soie de verre » démarre en 1922 à Hambourg.
Gossler vend la fibre – il en produit près de mille tonnes en
1930 – et cède des licences d’utilisation de son procédé à
divers manufacturiers européens. On voit ainsi apparaître
des unités de production Gossler en Suisse, en Belgique, en
Autriche, en Italie, en Suède, en Tchécoslovaquie ou en
Angleterre. Pour la France, la société la Soie de Verre, de
Soissons, acquiert la licence en 1929. Après avoir recruté
directement le Dr Pollack en Autriche, Gossler améliore
encore sa machine en lui adjoignant une filière électrique. En
1930, il vend le procédé amélioré à un certain Boussois, qui
le met en exploitation en France… en face de l’usine de la Soie
de Verre ! L’Europe se couvre d’usines Gossler, de taille en
CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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LE PROCÉDÉ GOSSLER
Répartition des fils de verre sur de grandes tables, en nappes très
minces. Celles-ci sont superposées de telle sorte que les fils d’une nappe
soient croisés avec ceux des nappes voisines. Cette opération manuelle
est appelée dépilage. On obtenait ainsi des feutres de densité moyenne
de 160 kg/m3 pouvant aller jusqu’à 100 millimètres d’épaisseur.
général modeste. La plupart produisent une centaine de tonnes
de fibres par an, voire moins.
Schéma du procédé Gossler, brevet déposé le 22 août 1922.
Un verre de composition spéciale est fondu dans un four approprié,
dont la partie inférieure est composée d’une filière. Le verre liquide
coulant par les trous de cette filière forme des fils qui viennent s’enrouler
sur le tambour tournant, ce qui assure un filage continu.
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Les premières traces d’une activité
de filage du verre remontent à trois
mille cinq cents ans, sur les bords
du Nil ! Les Égyptiens chauffaient
le verre dans un bol en argile,
plongeaient une tige métallique dans
la pâte et, d’un grand mouvement
du bras, étiraient en un fil grossier
le verre qui avait adhéré à la tige.
Ces fils étaient alors enroulés
en spirales jointives autour de formes
en argile, et le tout était ensuite
chauffé au four. Le verre fondait
et les spires collaient les unes aux
autres. Il ne restait plus qu’à casser
la forme en argile pour obtenir
un objet creux en verre. Un millénaire
plus tard, les Phéniciens inventent
le verre soufflé. Ils obtiennent des fils
plus réguliers, plus fins, de multiples
couleurs, qu’ils utilisent essentiellement
pour la décoration. Les Romains
perfectionneront la technique
à leur tour.
2
Puis le verre filé tombe dans un
certain oubli jusqu’à sa renaissance,
au XVI e siècle, sur une petite île
de la lagune de Venise : Murano.
Les objets décorés de fils de verre fins
qui s’y fabriquent deviennent
rapidement célèbres.
Au début, le procédé de fabrication
des fils est plutôt éreintant.
Il réclame deux ouvriers, chacun
muni d’une baguette métallique
appelée « ferret ». L’un d’eux plonge
son ferret dans du verre en fusion,
en retire une boule que l’autre touche
aussitôt de son propre ferret.
Dès que le verre a adhéré au métal,
les deux comparses s’éloignent
l’un de l’autre en courant. Ils étirent
ainsi un fil dont la finesse dépend
1. Vase en verre filé.
2. Atelier français de fabrication de perles et de fils de verre au XVIIIe siècle.
3. Sur les épaules de l’actrice Georgia Cayvan, cette robe en verre filé a
défrayé la chronique durant l’Exposition universelle de 1893 à Chicago.
C’était en fait une publicité pour la société verrière Libbey Glass Co.,
dont les produits n’avaient pourtant pas grand-chose à voir avec la fibre.
Edward Libbey avait fait appel à un jeune souffleur de verre inventif,
Michael J. Owens, qui obtenait de longues fibres en chauffant l’extrémité
de baguettes de verre puis en les étirant sur un tambour actionné au pied.
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essentiellement de la force de leurs
jambes ! Un artisan ingénieux, et
peut-être paresseux, imagine bientôt
de coller à la cire l’extrémité du fil sur
la jante d’une grande roue de bois.
Désormais, un ouvrier tient le bout
du fil sur son ferret et l’autre
actionne la roue avec une manivelle.
Tous deux restent assis. La technique
se répand très vite en Bohême, en
Thuringe et en France. Des verriers
vénitiens s’installent à Nevers vers
1560 et y fabriquent de petits objets
décoratifs en verre filé, comme des
« cheveux d’ange » pour les crèches
de Noël.
En 1665, le physicien et naturaliste
anglais Robert Hooke décrit l’étirage
du verre en fils fins et prédit qu’il
pourra être filé. Mais c’est
René Antoine Ferchault de Réaumur,
le célèbre physicien et naturaliste
français, qui rédigera le premier essai
encyclopédique complet sur le verre
filé. Il présente ce travail à l’Académie
royale des sciences en 1713. Outre
une description précise du procédé
de fabrication, le mémoire précise
les propriétés du produit (finesse,
souplesse, résistance à la traction) et
surtout en prévoit des applications,
en particulier le tissage.
Puis Réaumur passe aux travaux
pratiques et réalise lui-même des fils
de quelques microns de diamètre.
Les essais de tissage seront décevants.
CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
LE VERRE FILÉ : UNE HISTOIRE ANCIENNE
fameuses des fils de verre : abeilles
du manteau de l’impératrice
Joséphine lors de son sacre (1804),
robe pour la reine Victoria en 1844,
habit épiscopal offert en 1853 à
l’archevêque de Strasbourg qui
refusera de le porter, etc.
Anecdotes célèbres mais sans
grande signification industrielle…
Le XIX e siècle voit en revanche deux
avancées décisives. Louis Schwabe,
un Allemand installé à Manchester,
invente la première filière.
C’est un récipient dont le fond
est percé de multiples orifices,
dans lequel on fond du verre qui
forme des fils en s’écoulant par
ces trous. Schwabe présente son
invention au congrès British
Association en 1842, sans grand
succès. De son côté, le chimiste
français Jules de Brunfaut, qui étudie
l’art du verre à Venise, en modifie
la composition pour obtenir des fils
plus souples. Il s’installe bientôt
à Stockerau, près de Vienne, et y
fonde en 1866 la première filature
« industrielle » de verre. Utilisant
toujours les roues chères aux
Vénitiens, il obtient des fils de trois
mètres de long et six microns
de diamètre. Son catalogue
présente des articles aussi divers
que des abat-jour, des tissus
d’ameublement, des cravates,
des perruques, des chapeaux,
et même des robes de mariée.
En 1822, les frères Gordon déposent
en Angleterre un brevet portant sur
des mèches de lampe en fils de verre
tissés, incombustibles et donnant
donc une flamme sans fumée. On
connaît aussi quelques utilisations
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Quant au procédé Hager, considéré comme le précurseur du
TEL, il serait né dans une fête foraine ! La légende veut en
effet que Friedrich Rosengarth, se promenant sur une foire en
1928, ait été attiré par la petite machine d’un marchand de
barbe-à-papa (voir « Friedrich Rosengarth, le bricoleur inspiré »,
p. 31).Tout le monde en connaît le principe, révélé aux badauds
par les marchands de confiserie de l’Exposition universelle de
Paris en 1900 : du sucre est fondu à plus de 120 degrés dans
un petit récipient rotatif muni de trous par lesquels s’échappent des filets qui se solidifient immédiatement à la température extérieure. Le marchand récupère les filaments « au vol »
avec un bâton. Rosengarth se demande si un tel procédé
d’étirage peut s’appliquer à d’autres matériaux fusibles, en particulier le verre. Désargenté, il se tourne vers Fritz et Julius Hager,
deux industriels qui possèdent une usine de transformateurs
à Bergisch Gladbach, dans la banlieue de Cologne, en
Allemagne. Ces derniers acceptent de financer les essais à condition de pouvoir apposer leur nom au procédé et de cosigner
les documents techniques. Fidèle à son intuition, Rosengarth
développe rapidement un procédé de fibrage centrifuge. Le
verre fondu tombe sur un disque rainuré en matériau réfractaire qui tourne à plusieurs milliers de tours par minute. Le 19
novembre 1931, les frères Hager, associés à Rosengarth,
créent la Glaswatte GmbH, qui se lance dans l’exploitation.
Le Hager est un procédé simple, rustique, donnant une fibre
CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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LE PROCÉDÉ HAGER
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de qualité moyenne mais bien adaptée aux besoins de son époque. Tout comme son concurrent le Gossler, il se répand très
vite en Europe. Des verriers acquièrent des licences en Suède,
en Italie, en Norvège, au Danemark, en Tchécoslovaquie, en
Belgique, en Espagne, en Roumanie. En France aussi, mais il
ne s’agit pas encore de Saint-Gobain…
1. Le procédé Hager au Danemark en 1935. L’évacuation des fibres
s’effectue manuellement à l’aide d’un crochet.
2. Le procédé Hager en Norvège en 1935. La fibre était vendue
soit en vrac sous forme de bourre, soit feutrée manuellement
pour donner des matelas isolants d’environ 100 kg/m3.
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3. Disque rainuré réfractaire sur lequel tombe le verre fondu.
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CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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FRIEDRICH
ROSENGARTH,
LE BRICOLEUR
INSPIRÉ
Parcours étonnant que celui de cet
ouvrier verrier devenu ingénieur
puis inventeur. Né en 1885, Friedrich
Rosengarth travaille dans les années
1920 à la glacerie de Schalke,
en Allemagne. Là, il améliore
sa formation grâce aux cours du soir.
Peu après, il s’installe comme conseil,
construit des usines verrières en
Suisse, puis en Russie et dans
d’autres pays de l’Est européen.
C’est aussi un bricoleur inlassable
qui a toujours dans son garage une
nouvelle invention en cours d’essai.
Il aurait par exemple créé l’ancêtre
des systèmes de lavage d’automobiles
par brosses tournantes, que
l’on voit désormais dans les stationsservice. La machine en question
servait à… brosser automatiquement
son fox-terrier ! La pauvre bête était
attirée dans le dispositif par
une saucisse. La légende veut que
Rosengarth ait eu l’intuition
de son procédé de fibrage centrifuge
du verre devant une machine
à barbe-à-papa. Quoi qu’il en soit,
il réalise rapidement un premier
prototype dans son fameux garage.
Un disque de bois, un moteur
d’aspirateur, et le tour est joué :
il fabrique des fibres de Cellophane.
Il tient là la preuve de la validité de
son principe. Pour passer au verre,
il lui faudra des moyens importants.
Il s’adresse donc à des industriels
locaux, les frères Hager. La suite
est connue. Perfectionniste,
Rosengarth continuera inlassablement
à améliorer son procédé à Bergisch,
en Allemagne, rejoignant parfois
intuitivement les avancées du TEL
alors en cours de développement.
Ainsi, il imagine de fixer une bande
perforée sur le disque, qui ressemble
dès lors fortement à une assiette TEL.
En a-t-il eu l’idée en visitant
le laboratoire de La Villette en 1954
ou cela dérive-t-il d’un premier essai
qu’il a fait dès le lendemain
de la guerre ? Toujours est-il
que le nouveau procédé est installé,
et baptisé Bergla à la demande
des ouvriers. Tous ces essais coûtent
cher, cependant, et l’usine perd
de l’argent. Rosengarth est poliment
prié de prendre sa retraite, tout
en demeurant conseiller technique
informel. Saint-Gobain lui versera
un traitement jusqu’à sa mort,
survenue en 1977.
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CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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Ligne de production des matelas cousus, à Lucens en Suisse.
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CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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Photo de groupe à l'usine Gullfiber en Suède, vers 1937.
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SAINT-GOBAIN OBSERVE
Dès 1930, Saint-Gobain acquiert les droits du procédé Hager.
Au cours des années suivantes, elle laisse cependant passer
deux occasions de se lancer elle-même dans la production
de fibres de verre. Et pourtant cette industrie, déjà bien
implantée aux États-Unis, se développe alors en Europe.
En 1930, la première fibre de verre sort du prototype Hager.
Hélas, après avoir fibré seulement vingt kilos de verre, le
disque d’argile explose ! N’étant pas verrier, Fritz Hager
hésite à poursuivre seul l’aventure. Il se tourne alors vers un
professionnel, en l’occurrence Pierre Schrader, le délégué de
Saint-Gobain pour l’Allemagne, qui en réfère à Eugène Gentil
(voir « Eugène Gentil, l’artisan de la diversification », p. 40).
Celui-ci tend une oreille intéressée. Depuis 1919, ce « chef du
service des missions spéciales » de Saint-Gobain se rend en
effet régulièrement aux États-Unis où le marché du verre
explose, entraîné par le développement de l’urbanisme et
par l’essor de l’industrie automobile. Eugène Gentil y
observe les mutations de l’industrie verrière et rapporte de
En 1931, Gossler, en difficultés financières, approche SaintGobain pour se faire racheter. Le Groupe, dont la direction n’est
pas encore persuadée du potentiel de la fibre de verre, ne donne
pas suite. En 1933, Saint-Gobain laisse passer une seconde
occasion de se lancer dans la fibre de verre. La Maatschappij
lui propose en effet la licence sur le procédé Hager pour la
France. Le Groupe refuse, déclarant « ne pas être désireux de
s’occuper d’une activité nouvelle ». C’est donc la société des
Glaces de Boussois qui devient en 1933, et pour quinze ans,
le licencié Hager pour la France. Saint-Gobain se trouve donc
dans la position assez paradoxale de contrôler, fût-ce indirectement, le meilleur procédé européen de production de fibres
de verre, mais ne s’est doté d’aucun moyen de production, et
nouveaux procédés de fabrication. Il a ainsi pu remarquer, depuis quelques années, que la fibre de verre se vend en gran-
s’est même interdit en France l’accès à ce procédé !
des quantités pour l’isolation des maisons et bâtiments.
Convaincu de son potentiel de développement en Europe, il
estime que Saint-Gobain doit s’y intéresser. Il propose donc
Et pourtant, grâce aux innombrables licenciés de Gossler et
de Hager, l’industrie de la fibre de verre se développe en
Europe. Il faut à cet égard mentionner trois noms impor-
à la Maatschappij Tot Beheer en Exploitatie van Octrooien
d’acheter les droits de l’invention. Cette société de droit
tants. D’abord, la Veteria Italiana Balzaretti Modigliani, grande
verrerie italienne fondée en 1850. Dès le début des
néerlandais, créée en 1930 et sise à Schveningen, est détenue
à parts égales par Saint-Gobain et la famille Bicheroux, un industriel verrier belge. Son objet : exploiter les brevets et
années 1930, Piero Modigliani se rend aux États-Unis et y
étudie les nouvelles techniques de filage du verre. En 1931,
il démarre à Livourne une production avec le procédé Gossler
gérer les licences des deux partenaires dans les domaines de
la glace, et désormais de la fibre de verre. C’est donc la
et met au point des produits comme le Thermolux. En 1933,
il achète une des premières licences du procédé Hager, puis
Maatschappij qui dépose en Allemagne le brevet Hager, en 1930.
Elle en assurera le maintien et en distribuera les licences.
acquiert le nouveau procédé américain Owens en 1937. Dès
l’avant-guerre, Piero Modigliani exploite donc les trois grands
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CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
014-053-STG-11-04
OCF : LE CONCURRENT PARTENAIRE
Owens-Corning Fiberglas (OCF),
le grand fabricant américain de fibre
de verre, a toujours entretenu
des relations ambivalentes avec
Saint-Gobain. Depuis la naissance
du Pool en 1935, et jusqu’en 1949, les
deux firmes sont à la fois partenaires
et concurrentes ! L’histoire de ce
concurrent partenaire remonte au
XIX e siècle. En 1868, Corning Glass
Works naît du transfert des usines
de la Brooklyn Funt Glass à Corning,
une petite ville de l’État de New York.
Spécialisée dans les verres « nobles »,
la firme invente en particulier le
Pyrex au début des années 1920.
À la fin de cette décennie, elle souffre
de la Grande Dépression qui frappe le
pays. Corning tente alors sans grand
succès de se diversifier vers la fibre de
verre et, en 1935, elle fait appel à son
homologue Owens-Illinois Glass Co.
qui vient de faire une entrée
fracassante dans ce domaine.
Ce dernier a vu le jour en 1903,
lorsque Michael Joseph Owens
a quitté son employeur, la New
England Glass Co., pour fonder
sa propre compagnie, la Owens Bottle
Co. Cet inventeur fécond
(déjà connu pour son procédé
de fibrage du verre) venait en effet
de mettre au point une machine
automatique à fabriquer des
bouteilles. En 1929, Owens fusionne
avec l’Illinois Glass Co. pour former
l’Owens-Illinois Glass Co.
La Dépression survient quelques mois
plus tard… Or la firme souffre depuis
déjà une dizaine d’années de la
prohibition – interdiction de
l’alcool sur tout le territoire des
États-Unis –, qui a sévèrement
affecté le marché des bouteilles. Il est
temps de trouver de nouveaux
débouchés. Ce seront d’abord
les pavés de verre pour
la construction, puis la fibre.
En 1933, après deux années de
recherches, Owens-Illinois brevette
en effet un nouveau procédé
de fibrage du verre qui surpasse
de loin tout ce qui existe alors.
En 1935, Corning fait donc appel
à Owens et les deux verriers mettent
en commun leur activité de fibrage. Le
1 er novembre 1938, la jointventure devient une société
indépendante : la Owens-Corning
Fiberglas Co. est née. La Seconde
Guerre mondiale fera sa fortune.
La fibre de verre est partout : dans
l’isolation des navires de guerre puis
des bombardiers, dans les gilets
de sauvetage des équipages, dans
la toile de certains parachutes…
Après guerre, OCF, tout en
développant son activité dans
l’isolation des bâtiments, se lance
dans une nouvelle spécialité : la fibre
de verre tissée pour le renforcement
des matières plastiques.
La carrosserie de la célèbre Chevrolet
Corvette est ainsi constituée de ce
matériau composite. À la fin des
années 1950, au moment de
l’introduction du TEL chez
Saint-Gobain, OCF détient 80 %
du marché mondial de la fibre
de verre, toutes applications
confondues ! Saint-Gobain va
développer son activité isolation
au point de pouvoir attaquer OCF
sur le marché américain en 1967.
Ce dernier poursuit néanmoins
son développement international.
Toujours présent dans la fibre
de renforcement en Europe, OCF
a cependant cédé l’ensemble
de son activité isolation en Europe
au début des années 2000.
Saint-Gobain est désormais le leader
incontesté du marché mondial.
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procédés modernes. Schuller, pour sa part, est une très ancienne
dynastie verrière allemande. En 1931,Werner Schuller lance
une production de fibre avec le procédé Pollack amélioré.
Il fonde la KG Wo Schuller en 1937 et construit quatre
importantes usines, dont une à Mulhouse que Saint-Gobain
reprendra après la guerre avant de l’arrêter rapidement. Enfin,
le groupe Heye, très important verrier germano-hollandais et
grand concurrent de Saint-Gobain, achète en 1933 une licence
pour le procédé Owens et démarre la production en 1934 à
Gerresheim. L’année suivante, il rachète Gossler.
De l’autre côté de l’Atlantique, Corning et Owens-Illinois se
préparent à dominer le marché (voir « OCF : le concurrent
partenaire », p. 37). En 1931, le président d’Owens contacte
l’inventeur James Slayter, qui vient de déposer un brevet sur
la fabrication de la laine de roche. Celui-ci prend la tête d’une
équipe de recherches. Le travail ne traîne pas. En 1933, OwensIllinois Glass Co. brevette un procédé de fibrage du verre par
« soufflage », où des filets de verre en fusion sont étirés sous
l’action d’un jet de vapeur d’eau. Le procédé surpasse de loin
la méthode Hager, tant par la qualité du produit que par le
rendement. En 1935, Owens et Corning s’allient pour
l’exploiter.
CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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LE PROCÉDÉ 0WENS
1
3
2
1. Schéma du procédé Owens.
2. Ligne de fabrication Owens.
3. 4. Fabrication de laine de verre sur machine Owens, à Rantigny en 1943.
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4
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LA NAISSANCE DU POOL
EUGÈNE GENTIL,
L’ARTISAN DE LA
DIVERSIFICATION
« Chef du service des missions
spéciales ». Lorsqu’il accède, en
1919, à cette fonction inédite au sein
de la direction de Saint-Gobain,
Eugène Gentil a déjà une longue
expérience de l’industrie verrière.
Diplômé de l’École Centrale en 1903,
il entre l’année suivante aux Verreries
Legras (flaconnage) et sera recruté
par Saint-Gobain en 1912 pour
diriger la toute nouvelle usine
d’étirage de verre à vitres de Chalonsur-Saône. Dès 1913, il se rend une
première fois aux États-Unis pour
étudier le procédé American Window
Glass, initialement développé pour
Chalon. Après la guerre, en 1919,
estimant que ce procédé est périmé,
il y retourne et entame alors des
négociations avec Libbey-Owens.
C’est le début des « missions
spéciales » où il donnera toute sa
mesure. Se rendant presque chaque
année aux États-Unis entre 1920
et 1937, il y observe les nouvelles
techniques, négocie des licences et
se crée un solide réseau amical et
relationnel. En 1927, il passe même
avec Corning un gentlemen’s
agreement selon lequel chacun
s’engage à « tout dire » à l’autre.
Licence du procédé Hager pour Owens contre licence du procédé
Owens pour Saint-Gobain : ce principe de mise en commun
des droits sur les procédés de fibrage est à l’origine du « Pool »,
né à New York en 1935. Les partenaires s’engagent à faire
progresser la fibre de verre.
Son véritable rôle est de détecter
et de ramener les meilleurs procédés
dans toutes les branches de
l’activité, ceux qui assureront
la politique de diversification du
Groupe. À son « tableau de chasse »,
on peut ainsi relever : le Pyrex (1922),
les feeder et l’arche Hartford, puis
la machine Lynch pour le verre
creux (1923), les réfractaires
électrofondus pour les fours
verriers (1925), le procédé Pittsburgh
de verre à vitres… et bien sûr
le procédé Owens de fibrage
du verre.
Nommé directeur général
adjoint puis directeur général des
Glaceries de Saint-Gobain en 1934,
il a dès lors les coudées franches
pour lancer le Groupe dans la fibre.
La veille de son départ à la retraite,
en 1949, il inaugurera le centre
de recherches de la Villette,
où naîtra le TEL. Par la suite,
il rendra régulièrement visite
à l’usine de Rantigny pour suivre
les développements du procédé.
Il s’éteindra en 1961 à l’âge
de 81 ans.
Sortie du port de New York, 1954.
Usine de Kansas City d’Owens-Corning Fiberglas Co.
40
Owens-Illinois annonce en 1933 la mise au point de son nouveau procédé de fibrage du verre, plus performant que la méthode Hager. Son premier licencié n’est autre que le grand
concurrent allemand, Heye. Eugène Gentil en est bien sûr
informé. Directeur général des Glaceries de Saint-Gobain
depuis 1934 et décidé à lancer le Groupe dans la fibre de
verre, il est persuadé qu’il lui faut pour cela détenir les droits
des procédés les plus performants. Il demande donc à la
Maatschappij d’entamer des négociations avec Owens. Il
part une nouvelle fois aux États-Unis en 1934 pour un voyage
qui déterminera toute la politique ultérieure de Saint-Gobain
en matière d’isolation. À son retour, il détient une licence exclusive sur le procédé Owens pour tous les pays d’Europe, leurs
colonies et dominions – sauf la Hollande, l’Allemagne et
1 er novembre 1937, l’accord définitif, ou main agreement, est
signé à New York. Désormais, la Maatschappij gère les brevets
Owens dans le monde entier, sauf en Amérique du Nord
(États-Unis, Canada et Mexique), « territoire » d’Owens. Ce
dernier reçoit une licence gratuite sur les procédés de la
Maatschappij pour l’Amérique du Nord. Les redevances résultant de la cession de licences à des tiers seront partagées en
parts égales entre les deux partenaires. Il est interdit d’exporter de la fibre de verre dans les pays où existent déjà des licenciés du Pool. La Maatschappij gère les problèmes
d’exportation pour le reste du monde. En 1939, les droits sur
le procédé Gossler, hors Allemagne, seront intégrés au Pool.
En outre, chaque licencié du Pool fera bénéficier son donneur,
sans frais, de tous les perfectionnements qu’il apportera au
l’Italie pour lesquelles Heye détient déjà la licence. En échange,
Owens a obtenu les droits du procédé Hager pour l’Amérique
du Nord.
procédé. Ledit donneur répercutera ensuite ces améliorations sur les autres licenciés. Ce principe, dit du flow back, assurera le constant progrès technique du fibrage du verre.
Le 22 mai 1935, un premier memorandum agreement consti-
Longtemps après la fin du Pool, Saint-Gobain le conservera
avec les licenciés de ses propres procédés.
tue l’acte de naissance officiel de ce qui deviendra le Pool. Les
signataires s’engagent à combiner leurs capacités d’innovation et leurs brevets pour partager leur expérience et déve-
Le 29 décembre 1938, la Maatschappij cède l’intégralité de
ses droits et activités dans le domaine de la fibre à une nou-
lopper le plus possible la fibre de verre dans le monde. À cette
velle société non industrielle, l’Algemeene Kunstvezel
fin, les droits sur l’ensemble de leurs procédés sont exploités
dans un « Pool » censé durer jusqu’en 1960. Les négociations
avec les Américains dureront près de trois ans. Finalement, le
Maatschappij (AKM), dont Saint-Gobain détient 85 % des parts.
Disposant d’un bureau à Paris et d’un à La Haye,AKM gère donc
les portefeuilles des brevets Hager, Owens et Gossler, tant pour
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CRÉATION D’UN OUTIL
INDUSTRIEL
la fibre « isolation » que pour la fibre « textile », négocie les
accords de licence et coordonne les licenciés. La même année,
Owens fusionne avec Corning pour former Owens-Corning
Fiberglas Co. (OCF). Ces deux changements d’acteurs ne
modifient en rien les termes de l’accord. Dès l’accord initial
de 1935, cependant, Eugène Gentil était en mesure de lancer
Saint-Gobain dans la grande politique de la fibre de verre. Restait
à construire un outil de production.
En 1936, pressé par la concurrence, Saint-Gobain achète
la Glaswatte en Allemagne, puis c’est le tour de la Soie de Verre,
à Soissons en France, et enfin d’une usine en propre à Rantigny.
La société Isover est née. Elle commence à produire avec
le procédé Owens. Très vite, elle devient l’un des principaux
acteurs européens.
En 1935, la société Glaswatte, qui utilise le procédé Hager, a
besoin d’argent pour se développer. Pierre Schrader, délégué
de Saint-Gobain en Allemagne, envoie alors deux observateurs
pour évaluer l’usine de Bergisch Gladbach. Guère impressionnés par ce qu’ils voient, ils envoient un rapport mitigé. Le
procédé leur semble techniquement assez fruste, mais le
principe de la centrifugation est intéressant et pourrait être
mieux développé. C’est un élément extérieur qui emporte
finalement la décision. En effet, le groupe Heye, redoutable
concurrent, qui exploite déjà le procédé Owens, a fait des
offres à Hager. La réaction ne se fait pas attendre : SaintGobain prend le contrôle de la Glaswatte le 17 septembre 1936.
Jean Gaulis, un ingénieur recruté quelque temps auparavant
pour coordonner les activités fibres du Groupe, entre dans le
conseil de la Glaswatte. Saint-Gobain vient de devenir producteur de fibre de verre.
La même année, le Groupe achète la Soie de Verre à Soissons,
en France. La société, qui utilise le procédé Gossler, produit
des matelas de fibres isolants pour le calorifugeage d’installations de vapeur, en particulier dans la marine. Détenant
depuis 1932 un contrat d’exclusivité avec la Marine nationale, elle
travaille aussi pour la prestigieuse Compagnie transatlantique. C’est
Publicité dans le bulletin de liaison L’Équipe au début des années 1950.
42
elle qui a isolé les chaudières des paquebots Normandie,
Champlain ou Île-de-France. Elle produit également un feutre
de fibres plus longues, utilisé comme séparateur entre les
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plaques positives et négatives des batteries électriques. Sans
grands moyens pour investir, la société peine face à son
concurrent, Boussois, qui s’apprête à lancer le procédé Hager,
plus performant. Roger Lacharme, directeur général de la
Soie de Verre, reçoit donc la proposition de Saint-Gobain
comme un véritable don du ciel. « Un jour de 1936, un visiteur nommé Gaulis se fait annoncer. À peine est-il entré qu’il
dévoile ses intentions : il est envoyé par le directeur général
de Saint-Gobain, monsieur Gentil, pour négocier l’achat de
la Soie de Verre. Cet événement m’apparut comme un signe
du ciel… La raison en était simple, monsieur Gentil […] venait
d’acheter aux États-Unis le procédé Owens […] et se demandait comment le mettre en application de la façon la plus pratique. Il avait feuilleté l’annuaire, et en découvrant l’existence
Le mouvement se poursuit avec la constitution d’Isoverbel
(Belgique) en association avec Saint-Roch ou le rachat de
Modigliani (Italie) en 1938. Piero Modigliani, obligé de
s’expatrier aux États-Unis pour des raisons politiques, cède
en effet sa participation à Saint-Gobain. À la veille de la
Seconde Guerre mondiale, le Groupe dispose donc d’une
société, Isover, de l’accès à tous les procédés de fibrage
connus, de deux sites de production en France plus ceux
des sociétés contrôlées en Allemagne, en Italie et en Belgique,
de services commerciaux et d’un catalogue de produits.
Saint-Gobain produit alors environ un tiers des 15 000 à
20 000 tonnes de fibres de verre fabriquées chaque année en
Europe. Les États-Unis en produisent pour leur part 20 000 à
25 000 tonnes. En quelques années, après ses hésitations ini-
de la Soie de Verre, avait décidé de prendre contact avec cette
société », dira-t-il plus tard. La réalité est sans doute un peu
moins miraculeuse. En fait, Henri Crochet, administrateur de
la Soie de Verre, occupait également une fonction importante dans la branche verrière de Saint-Gobain. Le Groupe
tiales, Saint-Gobain est devenu un acteur de premier plan dans
le domaine de la fibre de verre.
connaissait donc déjà la société. L’achat est conclu au début
de 1937 et une nouvelle société est immédiatement constituée : Isover vient de voir le jour, avec un capital d’un million
et demi de francs. Jean Gaulis en sera l’administrateur délégué, Roger Lacharme le directeur commercial et Lucien
Deschamps le directeur technique. Fin 1937, le premier four
Owens entre en production à côté des douze fours Gossler existants. Il produit à lui seul 700 tonnes de fibres par an, contre
350 pour tous les autres réunis. « Vous verrez, Lacharme, un
jour la fibre de verre fera un chiffre d’affaires supérieur au verre
plat ! » lance alors Eugène Gentil. Prophétie qui se réalisera…
dans les années 1970. Producteur de fibre pour l’isolation, Isover
LE PROCÉDÉ SILIONNE
se veut aussi présente sur le marché de la fibre « textile », pourtant techniquement différent. Or l’aventure de diversification
de Saint-Gobain dans les fibres textiles chimiques est en
train de tourner court.
La Société des textiles nouveaux (STN), dans laquelle la
branche Chimie détient une participation, éprouve en effet
des difficultés. En 1937, cette société cesse son activité et le
site de Rantigny est alors affecté à l’activité fibre de verre textile. Trois ingénieurs d’Owens-Illinois arrivent en septembre
pour y installer des filières Silionne et Veranne, deux procédés de fabrication de fibres de verre longues.
Usine de Rantigny : retordage, bobinage, assemblage.
Usine de Rantigny : tissage du textile.
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LE TOURNANT
DE LA GUERRE
L’activité se poursuit pendant la guerre, mais, privée de contacts
avec ses bailleurs de licences, Isover doit se débrouiller seule
pour faire évoluer ses procédés. Dans le même temps,
l’administration américaine entame des poursuites contre OCF.
L’avenir du Pool est menacé.
LE PREMIER
CONGRÈS
SUR L’ISOLATION
Si l’on excepte une brève interruption durant l’exode, la
guerre n’a pas mis fin à l’activité de fibrage de Saint-Gobain.
Elle en a même constitué un tournant majeur. À la fin du
mois de mai 1940, l’avancée des troupes allemandes contraint
Isover à évacuer l’usine de Rantigny. Le personnel se replie sur
Cognac, mais revient dans l’Oise dès le mois d’août et lance
la production de fibres longues. La même année, des bombes
destinées à la gare, toute proche, détruisent en partie l’usine
de Soissons. Heureusement, la ligne Owens ainsi que quelques
lignes Gossler sont épargnées. Elles sont rapatriées à Rantigny,
qui regroupe désormais toutes les activités de fibrage de
Saint-Gobain. Bien que réorganisé et quelque peu diminué,
l’outil de production est toujours fonctionnel.
En mai 1939 se tient à Paris
le tout premier Congrès mondial
de l’isolation. Eugène Gentil,
directeur général des Glaceries de
Saint-Gobain, estimait en effet
nécessaire de créer une
communauté internationale
de l’isolation, renforçant ainsi
les relations entre les signataires
des accords du Pool et les licenciés.
Il a donc imaginé d’organiser un
congrès annuel. Pour cette première
édition d’une longue série, les
congressistes se réunissent dans
un restaurant des Champs-Élysées
à Paris. Au menu : problèmes
techniques, aspects commerciaux,
juridiques et sanitaires de la fibre
de verre. Sont présents
des représentants allemands,
américains, belges, britanniques,
danois, espagnols, français, italiens,
hollandais, norvégiens et suédois.
activité de recherche propre sur le fibrage. En quelques années
de guerre, et sans grand dommage apparent, le paysage si
prometteur de la fin des années 1930 a donc été totalement
bouleversé.
C’est à un autre niveau qu’il faut chercher l’impact réel de la
guerre : les relations avec le partenaire américain OCF changent du tout au tout. De crainte de s’attirer les foudres de
l’administration, OCF rompt les restrictions à l’exportation
mentionnées dans l’accord du Pool. Plus important encore :
du simple fait de la guerre, les relations entre les ingénieurs
d’OCF et les utilisateurs européens des procédés Owens,
Silionne et Veranne sont interrompues. Eugène Gentil luimême est retenu à New York. Saint-Gobain ne peut donc pas
bénéficier des derniers développements techniques. Ce blo-
Congrès international de la fibre de verre, à Wiesbaden en Allemagne,
1954. Environ vingt-cinq pays y participent.
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cage aura toutefois une retombée positive. En mai 1941,
Tony Perrin et André Ayçoberry, qui assument l’intérim à la
direction de la Compagnie, décident en effet de lancer une
L’usine de Rantigny.
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Maquette réalisée par les Glaces de Boussois pour une publicité
sur la laine de verre.
Trois dessins extraits de la brochure « Tel qu’en un écrin ».
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L’APRÈS GUERRE :
ESPOIRS ET DÉCONVENUES
Sous la pression de l’administration américaine, le Pool
est dissous en 1949. Sur le terrain, cependant, tout va bien
dans une France en pleine reconstruction… jusqu’à l’arrivée
d’un redoutable concurrent. Seule solution pour Isover :
créer un procédé de fibrage supérieur à tout ce qui existe.
Après la Libération, les relations avec OCF ne reprendront pas
sur les bases antérieures. Dopé par les énormes commandes
de l’armée, le verrier américain a en effet changé d’échelle et
son attitude envers son partenaire s’en ressent. Qui plus est,
le ministère de la Justice, qui pourchasse les abus de position
dominante, a lancé une enquête concernant OCF. En juin 1949,
OCF, Owens-Illinois et Corning mettent fin à la procédure en
passant un accord avec les autorités. Selon ce consent decree,
les brevets antérieurs à 1938 sont désormais accessibles à tous
gratuitement. OCF s’engage de plus à céder à qui le demande,
et à prix raisonnable, des licences sur les brevets postérieurs,
à mettre fin à tous ses accords avec des sociétés étrangères
et à conclure avec elles de nouveaux accords non restrictifs.
Par ailleurs, OCF devient totalement indépendante de ses
Isolation des automobiles qui ont transporté la famille royale
britannique au cours de sa visite en Australie dans les années 1950.
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CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
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pement général de la fibre de verre. Ce sera aussi une bonne
manière de fidéliser ces industriels. AKM n’en ayant pas les
moyens, Saint-Gobain décide le 8 avril 1948 de créer la
Sodefive, Société d’études pour le développement de la fibre
de verre. Son objet social, tel qu’il est défini dans les statuts,
est « l’étude et la mise en œuvre de l’aide technique et
commerciale pouvant être apportée aux fabricants et utilisateurs de fibres de verre dans le but de leur permettre de perfectionner et développer leur industrie et généralement
toutes études et opérations se rapportant directement ou
indirectement à l’objet ci-dessus ».
Sur le terrain, l’ambiance est plutôt à l’optimisme. En pleine
reconstruction, la France se modernise. Il y a là des opportunités à saisir pour l’isolation des bâtiments. Et justement, un
nouveau produit apparaît : un feutre de fibres de verre imprégnées de liant, beaucoup plus facile à manipuler que les anciens matelas de fibres pures. Le premier du genre est destiné
à l’isolation des réfrigérateurs. Il donne bientôt naissance à
l’Imprégné au Brai à Rantigny, le fameux IBR qui révolutionne
l’isolation du bâtiment. Convaincue de la qualité de son produit, Isover en demande en 1948 une expertise au laboratoire
d’essais du Conservatoire national des arts et métiers. En
avril 1949, le CNAM rend sa sentence : « Il a été constaté que
deux « parents », Owens-Illinois et Corning. Bref, les accords
de 1937 sont caducs. Il faut tout renégocier. Ce sera chose faite
le 6 février 1951, date de la signature des nouveaux accords
le matelas de laine de verre désigné Feutre Isover IBR, ayant
été soumis à trente-sept heures de régime vibratoire, ne présente aucun tassement, les fibres de verre ne sont pas brisées
et aucune poussière n’est détectée au bas de la cloison. » Bref,
c’est une indéniable réussite technique. À l’époque, cependant, il a fallu la faire accepter à la clientèle. Or, Roger Lacharme
s’est rendu aux États-Unis en 1947 et y a découvert de nouvelles méthodes commerciales. « Avant d’entreprendre ce
de New York, qui marqueront la fin officielle du Pool.
voyage, j’étais commerçant par intuition. De l’autre côté de
Pressentant cette issue et voyant se rapprocher la date à
laquelle ses brevets vont tomber dans le domaine public, la
direction de Saint-Gobain réfléchit pour sa part à la mission
l’Atlantique, j’ai découvert des méthodes rationnelles pour organiser une campagne publicitaire, une action promotionnelle,
la conquête d’un marché », déclarera-t-il. Il développe donc
un réseau commercial moderne et lance le journal interne
d’AKM. Comment justifier les redevances lorsque les brevets
L’Équipe, qui symbolise la renaissance de l’activité. Les archi-
seront caducs, et comment se différencier d’OCF ? La seule
solution est d’apporter aux licenciés une aide technique et
commerciale, donc de contribuer plus activement au dévelop-
tectes tendent enfin l’oreille, les contrats commencent à arriver. Le Corbusier fait appel à Isover pour isoler la célèbre Cité
Radieuse de Marseille, qui sera inaugurée en 1952.
Couvertures de L’Équipe, bulletin de liaison
du service commercial en France.
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Un redoutable concurrent se profile cependant. En 1948, une
filiale conjointe de Pont-à-Mousson et de l’Américain Johns
Manville installe une usine de laine de roche à Saint-Étiennedu-Rouvray en Normandie. Au début des années 1950, ce
nouveau produit d’isolation apparaît sur le marché français
sous le nom de Roclaine. Ses producteurs n’en font pas mystère, ils veulent « asphyxier » la fibre de verre. Ils consentent
pour cela d’importants rabais, et la laine de roche se vend 25 %
moins cher que la laine de verre. De plus, supportant des
températures plus élevées, elle est mieux adaptée à certains
usages industriels. Enfin, ses vendeurs ne manquent jamais
de signaler que leur produit « ne pique pas les doigts », ce qui
n’est pas le cas de la fibre de verre issue du procédé Owens.
« Nous avons senti le vent du boulet. Les efforts commerciaux
entrepris depuis des années risquaient d’être anéantis et ces
rivaux faisait courir le bruit que l’usine de Rantigny serait
contrainte de fermer ses portes en l’espace de deux ans », se
souviendra Roger Lacharme.
Saint-Gobain n’a plus le choix. Il faut absolument mettre au
point un nouveau procédé de fibrage du verre qui donne de
meilleurs résultats que l’Owens. Roger Lacharme fait littéralement le siège du centre de recherches, désormais installé
à Paris, boulevard de la Villette, et obtient que la recherche sur
le fibrage entamée pendant la guerre change de rythme et
d’échelle. L’ère des ingénieurs commence.
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CHAPITRE 1 - - L’ÈRE DES PIONNIERS
014-053-STG-11-04
LA SODEFIVE,
AU SERVICE DES LICENCIÉS
Créée pour offrir un service aux
licenciés, la Société d’études pour
le développement de la fibre
de verre (Sodefive) deviendra
graduellement un outil de
développement international pour
Saint-Gobain.
L’histoire commence en 1948. La
toute nouvelle filiale
reçoit la mission explicite de fournir
aux licenciés une assistance
technique et commerciale.
Par là même, elle est chargée de
contribuer au développement
de l’industrie de la fibre dans
le monde… pour le plus grand
bénéfice du Groupe, ne serait-ce
qu’en terme de redevances.
À l’origine, la société n’assure pas
l’assistance technique elle-même,
elle en assure la coordination.
Les ingénieurs du CRIR s’en
chargent sur le terrain. La Sodefive
assume en fait un rôle d’interface,
d’organisation… et d’animation.
« C’est à la fin des années 1950 que
se développe l’esprit “club” dans
les relations avec les licenciés.
Ce sont des personnalités telles
que Marc Tolédano, Claude Caron,
Claude Jumentier qui ont su créer
un style de relations avec les
licenciés reposant sur la confiance
et des liens d’amitié. Les licenciés
savaient qu’ils pouvaient compter
sur Sodefive », explique Dominique
Élineau, dernière directrice
de la Sodefive.
Le mot est lancé : par son mode
de fonctionnement, la société
fait naître un véritable « club
des licenciés ». Un état d’esprit
concrétisé par des réunions
de responsables techniques
ou commerciaux, des congrès
internationaux rassemblant
« des gens qui se connaissaient
et s’appréciaient » et même,
au début des années 1980, un journal.
Plus tard, la Sodefive enrichira son
service aux licenciés d’une assistance
commerciale et marketing. « Nous
avions compris que posséder un
procédé techniquement supérieur
à la concurrence ne suffisait pas »,
souligne Dominique Élineau.
Une petite cellule est donc créée
pour étudier les évolutions
des besoins des marchés, faire
circuler l’information sur les
nouveaux produits, assister
les licenciés dans la définition
de leurs gammes à l’occasion
d’investissements industriels, les
aider à comparer les caractéristiques
des produits concurrents des leurs…
La chute du mur de Berlin, enfin,
ouvre une nouvelle ère. La direction
de la branche Isolation confie alors
à la Sodefive une nouvelle mission
au-delà de sa vocation originelle.
Capitalisant sur ses compétences
ainsi que sur ses connaissances
des marchés et des acteurs, elle va
participer à l’implantation de
la branche Isolation dans les pays
d’Europe de l’Est, puis en Chine.
En 1997, il ne reste que cinq licenciés
et aucune perspective importante
immédiate de nouvelles licences.
Une structure dédiée ne se justifie
plus. Après un demi-siècle
d’existence, la Sodefive est dissoute
et son activité réintégrée dans
la branche Isolation du Groupe.
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CHAPITRE 2
Une épopée technologique
Le « TEL » à la conquête du monde
Le nouveau jeu des licences
« Tout va bien »
L’ÂGE D’OR
DES INGÉNIEURS
Après guerre, les cartes sont redistribuées. Coupé de ses pourvoyeurs
de technologie durant le conflit, le groupe Saint-Gobain a dû
développer seul son outil de production. Le laboratoire de recherches
se met au travail et bientôt va naître le TEL, nouveau procédé fondé
sur un principe de fibrage original. C’est un succès technique et
commercial : des licences seront concédées dans le monde entier.
Une période faste s’ouvre pour Isover.
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1945-1946
1960
Pierre Heymes, jeune ingénieur d'essais, dépose
coup sur coup deux brevets majeurs portant sur
les procédés de fibrage. Le second, en particulier,
décrit l'association de la force centrifuge et de
l'action d'un jet de gaz chaud pour étirer le verre.
C'est le premier énoncé du fameux principe
de fibrage de Saint-Gobain.
1950
Début de la construction du Centre de recherches
industrielles de Rantigny, plus connu sous
l'acronyme de CRIR. Véritable centre de recherche
et de développement, il associe trois laboratoires
fondamentaux (chimie, physique et applications)
à des lignes pilotes d'échelle industrielle.
La recherche a enfin trouvé sa place.
1967
Saint-Gobain et CertainTeed, un producteur
américain de matériaux de construction, créent
CSG, une joint-venture destinée à fabriquer
et à vendre de la laine de verre aux États-Unis.
Les premières lignes, installées dans les usines
de Pennsylvanie, du Kansas et du New Jersey,
démarrent un an plus tard. Le TEL vient
concurrencer Owens Corning sur son propre
territoire !
Après les essais décevants de la machine LET,
trop compliquée, décision est prise de la
« retourner ». Heymes avait d'ailleurs déjà émis
cette idée quelques années auparavant. La toute
première machine TEL, avec l'assiette de fibrage
en bas, apparaît donc au centre de Billancourt
avant d'entamer une campagne d'essais
à Rantigny.
1957
Ça y est ! Après sept ans de mise au point,
le TEL - en fait le Supertel, comme l'appellent
les chercheurs - entame sa carrière industrielle
à Rantigny, où il supplante le procédé Owens.
Gabriel Aufaure, directeur de l'usine, assume
le risque. Un pari rapidement gagné, puisque
le TEL, supérieur à tous les autres procédés,
va bientôt conquérir le monde.
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1973-1979
La guerre du Kippour (1973) puis la révolution
iranienne (1979) provoquent deux chocs pétroliers
qui marquent la fin des Trente Glorieuses.
C’est la crise. L’énergie étant devenue chère,
l’isolation a soudain le vent en poupe.
Dans un contexte économique pourtant difficle,
Isover vit une décennie de prospérité.
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UNE ÉPOPÉE
TECHNOLOGIQUE
LE PROCÉDÉ TEL
CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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Pour les chercheurs, la centrifugation de type Hager est
la manière la plus logique de fibrer du verre. Ils y ajouteront
cependant un surétirage par des gaz chauds, créant ainsi un
principe de fibrage original. Le TEL, qui applique ce principe,
naîtra dans la douleur après plusieurs changements…
et un retournement.
Les prémices
Après l’intermède de l’exode, l’activité de fibrage du verre a
repris à Rantigny. Cependant, au début de 1941, il devient clair
que la coupure des relations avec les ingénieurs d’OCF handicape
Saint-Gobain. La Compagnie ne bénéficie plus des dernières
avancées technologiques. Il en va de même avec Gossler. SaintGobain décide donc de développer elle-même ses procédés.
Tony Perrin, qui assume la direction générale des Glaceries en
l’absence d’Eugène Gentil retenu à New York, et son adjoint
André Ayçoberry, se tournent alors vers le laboratoire d’études
thermiques, ou LET. Cette unité de recherche et développement
sise à Billancourt se consacre essentiellement aux procédés de
verre à vitres. Son directeur, Ivan Peyches, revient justement de
captivité. Dès son retour,André Ayçoberry lui demande d’étudier
En quelques mois, Ivan Peyches s’est fait son opinion : le procédé
centrifuge Hager est le plus logique des trois d’un point de vue
physique. De plus, ce procédé simple et acceptant le verre de
tous les procédés existants pour dégager d’éventuelles possibilités d’amélioration. Sont en piste le Gossler, procédé quelque
peu dépassé de filage sur roue, le Hager, qui repose sur la centri-
récupération correspond bien à cette période de pénurie.
Il présente cependant un inconvénient majeur : c’est Boussois qui
en détient la licence ! Il faut donc trouver une alternative. Dès lors
fugation, et la méthode Owens de soufflage par la vapeur, héritée de la fibre de laitier.
commence le travail sur ce qui deviendra la machine LET,
qui reprend les initiales du laboratoire. Il durera jusqu’en 1951.
Ivan Peyches.
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La machine LET se développe avec diverses améliorations par rapport au procédé Hager. Les plus importantes portent sur le disque rainuré, rapidement remplacé par une « assiette » au rebord
percé de trous. Ce que les chercheurs appellent entre eux la
« tournette » ressemble d’ailleurs plus à une soucoupe volante
qu’à une assiette. Et ses qualités de vol à travers l’atelier, lors de
certains incidents de mise au point, renforceront la comparaison… Les premiers essais de la machine, construite par la SEVA
(voir « La SEVA, un mécanicien qui fait des assiettes », p. 64), se
déroulent au service des essais industriels de Saint-Romainle-Puy, dès 1942. C’est un échec. Il faudra attendre 1944 pour
obtenir des fibres d’un diamètre de 16 microns.
L’assiette évolue, recevant deux puis trois rangées de trous. De
nouveaux essais sont mis sur pied à Rantigny, avec un autre
mode d’alimentation. L’assiette reçoit des billes en verre doux
injectées du dessous par de l’air comprimé. Une fois encore, les
essais seront décevants. M. Habert, alors directeur de Rantigny,
n’est pas tendre. « Cela ne marchera jamais », affirme-t-il. Au
nombre des griefs : un prix de revient trop élevé, une machine fragile, des assiettes éphémères et des produits de qualité douteuse
à cause du verre doux. Sans compter les problèmes de récupération de la fibre dus à la disposition étonnante de la machine,
héritée du procédé Hager, avec l’assiette en haut. C’est la fin de
la machine LET.
CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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PRÉCISION
DE VOCABULAIRE :
QU’APPELLE-T-ON
LE TEL ?
« Je ne trouve pas, dans le contexte
technique du TEL, un élément unique
qui distinguerait le procédé de ses
concurrents. L'ensemble du procédé
est la juxtaposition d'une myriade
de détails. Pris un par un, ils peuvent
sembler anodins, mais par leur
synthèse en un tout homogène,
ils en font une technologie
parfaitement compétitive dans
l'industrie de la fibre de verre pour
l'isolation. » Ainsi s’exprime René
Goutte, un ingénieur qui a supervisé
l’implantation de l’activité isolation
de Saint-Gobain aux États-Unis.
Mais qu’appelle-t-il au juste
le « TEL » ? Une précision de
vocabulaire s’impose.Au début
était la machine LET, ébauchée
durant la guerre et reprenant
les initiales du laboratoire d’études
thermiques. L’idée de retourner
l’assiette de fibrage a permis
le développement d’une nouvelle
machine de centrifugation :
la machine LET a donc été
transformée en TEL par un
retournement physique autant
qu’acronymique.Après de nouveaux
développements, le TEL est devenu
Supertel, avant d’être industrialisé
en 1957. Ce que René Goutte,
et tout le monde avec lui, appelle
le « TEL » est donc en fait le Supertel,
puis ses développements successifs.
C‘est devenu le nom générique du
principe de fibrage de Saint-Gobain.
1
1. Assiette LET.
2. Prototype de la machine LET.
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Assiettes de fibrage de différents diamètres.
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Chez Saint-Gobain, la fibre de verre
est élaborée dans des assiettes.
À l’origine appelées « tournettes »,
les assiettes de fibrage doivent
supporter des vitesses de rotation de
plusieurs milliers de tours par minute
sans se déformer, et recevoir du verre
en fusion à plus de mille degrés Celsius.
Ces pièces délicates sont devenues
la spécialité de la Société d’études
verrières appliquées (SEVA). Elle a été
créée en 1926 sous le nom de Société
d'Études et d'Exploitations Verrières
(SEEV) par Saint-Gobain pour assurer
la conception et la maintenance
mécanique des machines de la toute
nouvelle usine de fabrication de
bouteilles de Chalon-sur-Saône.
En fait, la société a rapidement été
sollicitée par l’ensemble du Groupe
pour toutes les pièces ou ensembles
mécaniques de ses installations
de production. C’est donc elle
qui réalise les prototypes et assure
la fabrication des différentes
machines de fibrage. Les assiettes
représentent un cas particulier, car
non seulement la SEVA les fabrique,
mais elle les fait évoluer – et adapte
en même temps son outil de
production. Ces pièces sont à ce point
déterminantes pour la qualité
de la fibre que la SEVA est depuis
toujours le seul fournisseur de
toutes les usines et filiales du Groupe.
Les premières assiettes sont
fabriquées en 1956-1957 pour
le démarrage du TEL et du Supertel.
D’un diamètre de 200 millimètres,
elles sont réalisées en tôle de Nicral
emboutie sur une presse hydraulique.
Les trous sont percés « à la main »
avec des forets de moins d’un
millimètre de diamètre. Une vingtaine
de perceurs travaillent alors dans un
atelier isolé pour pouvoir entendre
« chanter la mèche », autrement
dit déterminer à l’oreille l’état du foret.
Mais la technique utilisée évoluera
très vite : diamètre et matériau
des assiettes, mais aussi mode
de production et de perçage des trous.
La tôle emboutie, peu résistante,
sera rapidement remplacée par des
pièces moulées. Le laboratoire de
la Villette choisit un alliage d’origine
américaine (fer, chrome, nickel et
tungstène) qui sera utilisé jusqu’en
1978. Il est fondu dans un four
électrique sans contact avec l’air et
coulé dans des moules en sable durci.
Les pièces sont ensuite finies au tour.
Au milieu des années 1990, la SEVA
passe à des moules en céramique.
On réalise d’abord en polystyrène
une réplique de l’assiette, puis
on recouvre ce modèle de couches
successives de céramique qui
seront ensuite solidifiées au four.
La plupart des assiettes sont
désormais réalisées selon ce procédé.
Le perçage à la main laissera la place
à une méthode d’électroérosion,
où le métal est attaqué par des arcs
électriques intenses et répétés.
CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
LA SEVA, UN MÉCANICIEN QUI FAIT DES ASSIETTES
d’électroérosion en 1997. Le système
étant cependant arrivé à ses limites,
la SEVA passe alors au perçage par
faisceau d’électrons. En fait, elle étudie
ce procédé depuis plus de vingt-cinq
ans, mais le seul fabricant de ce type
de machines, à l’époque réservées au
perçage des chambres de combustion
des réacteurs d’avion, peine à mettre
au point un système adapté
aux assiettes de fibrage.
Une seule machine de ce type
remplacerapourtant tous les postes
d’électroérosion à partir de 1998 !
Entre-temps, le diamètre des
assiettes est passé successivement
à 300 millimètres (1967) puis à
400 (1978), à 600 (1980) et même
à 800 millimètres à partir de 1992.
L’alliage évolue lui aussi, et fait l’objet
de collaborations avec le CNAM
et l’université de Nancy.
En 1985, la SEVA et le CRIR (Centre
de Recherches industrielles de
Rantigny) resserrent encore leurs
liens et instituent des échanges
techniques réguliers, formalisant
ainsi une collaboration initiée trois
décennies plus tôt.
Atelier de perçage à la SEVA dans les années 1960.
Après avoir en vain essayé une
machine du commerce, la SEVA conçoit
et réalise ses propres outils, avant de
les mettre en service en 1964.
Il y aura jusqu’à quatre-vingts postes
Atelier d’usinage à la SEVA en 1970.
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CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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1
1. Piles d’assiettes de fibrage dans les ateliers d’usinage de la SEVA.
2. Montage d’une assiette TEL.
2
3
3. Stock d’assiettes de fibrage à différents stades de fabrication.
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PIERRE HEYMES,
LE PÈRE
DU PRINCIPE
DE FIBRAGE
DE SAINT-GOBAIN
Naissance d’un procédé
« Le meilleur de nos ingénieurs
d’essais. » C’est ainsi que l’on décrit
Pierre Heymes à Saint-Gobain.
Sorti des Arts et Métiers en 1942,
le jeune diplômé reçoit
immédiatement une bourse du CNRS
pour travailler au laboratoire d’études
thermiques de Saint-Gobain, alors
dirigé par Ivan Peyches.
Ce dernier, qui élabore à l’époque une
théorie complète du fibrage, a besoin
d’une étude de dynamique des fluides.
Il demande alors à Heymes de se lancer
dans une thèse supervisée par le
professeur Ribaud, président du comité
de recherche de Saint-Gobain.
À cette occasion, Heymes comprend
que la force d’étirage qu’un fluide peut
exercer sur un fil fin – en l’occurrence
un filet de verre fondu – dépend à la
fois de sa vitesse et de sa température.
Embauché par Peyches dès 1943,
il commence à élaborer ce qui
deviendra le principe de fibrage
de Saint-Gobain. En 1944, il visite
derrière la cathédrale Notre-Dame à
Paris une exposition de V2 allemands
récupérés et comprend comment
éjecter à très grande vitesse les gaz
chauds indispensables. Dès lors, tout va
très vite. Un premier brevet est déposé
en 1945. Le second, qui associe
Schéma du principe du moteur V2.
68
l’étirage par des gaz de combustion
à l’action de la force centrifuge,
suit en 1946. Le principe de fibrage
de Saint-Gobain est posé ; il faudra
attendre encore quelques années pour
disposer de brûleurs adéquats.
Dès le début de 1946, Heymes prend
la direction des essais de fibrage
et partage son temps entre
le laboratoire de la place de la Nation
et Rantigny. À Paris, il développe
le procédé Superfine, dont les
brûleurs sont les ancêtres de ceux du
Supertel. À Rantigny, il se consacre
à la machine LET. Notons que, toujours
visionnaire, il a dès cette époque
proposé de la renverser, donc qu’il
a conçu le TEL sans le savoir…
Pierre Heymes supervisera le
développement du procédé jusqu’en
1951. À cette époque, Saint-Gobain
doit résoudre un problème ardu :
le polissage simultané des deux faces
d’une lame de verre. La direction
de Saint-Gobain accorde une
importance extrême à cette question
et Ivan Peyches n’hésite pas une
seconde. Le seul à pouvoir répondre
est Pierre Heymes, qui délaisse donc
le procédé de fibrage dont il a posé
toutes les fondations.
La machine LET ne fonctionne pas ? Retournons-la ! « Nous désignons sous le vocable TEL une nouvelle conception de la machine de centrifugation LET dans laquelle l’ensemble des organes
est renversé, l’assiette se trouvant sur la partie inférieure », écrit
Ivan Peyches, dans son introduction au rapport sur les essais
décevants de Rantigny. Rendant à César ce qui lui est dû, il signale
d’ailleurs qu’une telle disposition avait été proposée dès 1942
par le responsable de l’usine où s’effectuaient les premiers
essais de la machine, avant d’être reformulée en 1946 par Pierre
Heymes qui prenait à l’époque la direction des essais de fibrage.
La toute première machine renversée date de 1950. Le verre
arrive du haut par la lumière de l’axe de l’ensemble. Les fibres,
soufflées vers le bas par un courant d’air, tombent sur un tapis
La Sodefive aussi plaide pour une accélération des essais. C’est
d’ailleurs son directeur, M. Deschamps, qui a l’idée de faire évaluer le TEL par un regard neuf. Il propose M. Corvillain, un ingénieur des Mines alors responsable de la glacerie de Chantereine.
Celui-ci prend la direction des essais en septembre. Grâce à de
nombreuses modifications mineures, qui s’apparentent à des réglages, les essais donnent enfin satisfaction. « L’avenir de la machine TEL peut être envisagé avec optimisme. Il est absolument
indispensable qu’une marche industrielle de plusieurs mois, sur
un four ad hoc, vienne incessamment confirmer les résultats obtenus », écrit Corvillain. Bref, le TEL est viable, il faut poursuivre
les essais en taille réelle.
Les essais industriels du TEL démarrent sous la direction de
Marcel Lévecque, qui vient du laboratoire de recherches fondamentales du centre de la Villette. Ils auront lieu à l’usine de
Lucens, en Suisse. L’un de ses trois fours est affecté aux essais TEL,
qui se dérouleront de 1953 à 1955. Le travail porte sur la machine,
encore un peu fragile, sur le perçage des assiettes, l’affinage des
fibres et l’augmentation du débit. Lévecque multiplie, jusqu’à
trente-cinq, les rangées de trous de l’assiette. La dernière campagne d’essais, menée à Rantigny de 1954 à 1956, porte sur le
brûleur et détermine enfin une composition de verre adaptée au
de réception. Un seul axe, pas de vibrations : la machine est à la
fois plus simple et mieux conçue que son ancêtre. Les premiers
essais sont encourageants. La machine tient, les fibres s’évacuent
facilement. En revanche, il faut améliorer le brûleur. En 1951
débute à Rantigny une campagne d’essais et de modifications.
procédé. La machine possède maintenant une assiette de 2 700
trous, elle produit trois tonnes par jour de fibres de dix microns
de diamètre. Elle est enfin prête pour l’industrialisation.
On travaille sur la composition du verre, sur le brûleur externe,
mais surtout sur l’assiette. Forme, matériau, nombre de trous, tout
évolue. Reste cependant un problème : si la température de
mier produit sera vendu à Frigidaire, filiale de General Motors.
Et pourtant, le 17 juillet 1956, les machines sont arrêtées. C’est
la fin du TEL ! Entre-temps, le Supertel a en effet démontré sa
fusion est insuffisante, le verre dévitrifie ; si elle est trop forte,
supériorité au cours d’un essai comparatif.
En juin 1956, deux machines TEL démarrent à Rantigny. Le pre-
l’assiette en souffre. Bref, les essais traînent en longueur et ne
donnent aucun résultat convaincant, malgré les évidentes
qualités de la nouvelle machine.
À l’automne 1952, Roger Lacharme, talonné par la concurrence
de Roclaine, presse en effet la direction de lancer le nouveau
procédé de fibrage. La fibre de type Owens, trop lourde et surtout trop piquante, peine à concurrencer la laine de roche.
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CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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LE LABORATOIRE DE PHYSIQUE : UN OUTIL SCIENTIFIQUE
« Je voudrais […] insister encore sur
la nécessité que nous avons, sur le plan
des recherches, de faire des travaux
de base qui, trop souvent, sont décriés
et considérés comme relevant du
savant Cosinus. » Marcel Lévecque,
chef du service Recherches techniques
et développement, s’exprime ainsi à
l’occasion du dixième anniversaire
du laboratoire de physique, en 1971.
Les niveaux sonores recueillis par les microphones sont transcrits
directement en décibels sur l’enregistreur.
« Branche théorique » du CRIR,
le laboratoire a démarré ses activités
en 1961 sous l’égide de Daniel Fournier,
aidé de l’ancien responsable du
laboratoire de contrôle de l’usine
de Rantigny, Claude Jumentier.
L’ensemble comprend trois sections
– thermique, mécanique et
acoustique – correspondant aux trois
propriétés de base attendues des
matériaux isolants. Sa mission
est triple, elle aussi. D’abord faire
« le tour de la question », c’est-à-dire
recenser et décrire les performances
de tous les matériaux à usage
acoustique et thermique.
À ce jour, le laboratoire maintient
encore un fichier de caractéristiques
ayant peu d’équivalent au monde.
Ensuite, il est chargé de mener des
recherches de base sur les propriétés
des matériaux. C’est le « gros » du
travail. Il s’agit de décrire et de
modéliser les phénomènes
se déroulant dans les milieux fibreux,
et de comprendre en quoi la structure
de ces matériaux influence leurs
performances. Enfin, rien de tout cela
ne serait possible sans le troisième
axe de recherche : la mise au point
de méthodes de mesure précises
et fiables de ces propriétés
et phénomènes. Ce que l’on appelle
« métrologie » est indispensable non
seulement pour connaître, mais aussi
pour comparer de manière indiscutable
les performances de différents
matériaux. Un atout lorsqu’il faudra
négocier avec les autorités
L’opérateur mesure avec un sonomètre les caractéristiques
d’un haut-parleur.
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réglementaires du monde entier
et faire évoluer des textes qui
désavantagent souvent la laine de verre
par simple ignorance de ses propriétés.
Courbes d’isoperméabilité, appareils
de mesure de conductivité thermique,
étude de la convection et de
la thermomigration dans les isolants
fibreux légers, effet du bore : si
le profane peine à se représenter
exactement de quoi il retourne,
il n’est pas difficile de deviner que
le laboratoire travaille à un très haut
niveau, d’ailleurs souvent
en collaboration avec des institutions
de recherche publique et des
universités. Du 23 au 25 novembre
1971, des journées d’étude sont
organisées à Ermenonville. C’est
l’occasion de dresser le bilan de dix ans
d’activité. Claude Jumentier, ancien
« commercial » passé à la recherche,
explique alors en quoi un laboratoire
fondamental, qui peut sembler bien
éloigné des réalités du terrain, peut
aider très concrètement ceux qui
vendent de la fibre. « Je me souviens
que mes maux provenaient de trois
côtés à la fois : les clients, la
concurrence et la réglementation
d’emploi des matériaux isolants.
En ce qui concerne les clients,
le problème provenait du manque
de renseignements dignes de foi et
adéquats. À l’égard de la concurrence,
le problème était de trouver une
argumentation convenable et
irréfutable. Enfin, par
“réglementation”, je veux dire toutes
les règles ou spécifications édictées
par les instituts ou les autorités de la
profession amenant des restrictions
dans l’emploi des matériaux isolants. »
Le laboratoire a répondu à toutes
ces attentes. On mesure le chemin
parcouru depuis les années 1950,
époque où l’on évaluait la qualité
d’une fibre… au toucher !
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MARCEL LÉVECQUE,
LE « PATRON »
Et le TEL devint Super
Le nom de Supertel date très précisément du 13 octobre 1952,
à la Villette, lors d’une réunion sur les conclusions du rapport
Corvillain. Outre le lancement des essais industriels du TEL, il est
alors décidé de consacrer des efforts de recherche à un nouveau
procédé. L’idée est simple : appliquer à la machine TEL le principe
de fibrage défini en 1945-1946 par Pierre Heymes. Ce programme, qui s’appellera Supertel, sera réalisé à la Villette et à
Rantigny sous la supervision de Marcel Lévecque.
Le premier pas consiste à étirer les filets de verre sous l’action
de gaz de combustion à très haute vitesse.Très vite, Ivan Peyches
imagine de l’associer au fibrage centrifuge qu’il voit à l’œuvre au
cours des essais TEL dont il a pris la responsabilité. Un brevet de
1946 décrit ce qui est devenu le principe de fibrage Saint-Gobain :
l’association de la force centrifuge et d’un surétirage par des gaz
chauds issus d’un brûleur à combustion interne.
La mise au point du Supertel démarre en avril 1953 par la
construction d’un outil de fibrage complet à la Villette et l’installation de lignes d’essais à Rantigny.Elle durera quatre ans.Quatre
années au cours desquelles il faudra définir pour l’assiette un
alliage métallique qui supporte la chaleur, créer un brûleur à
combustion interne capable de délivrer des flammes « dures »
– c’est-à-dire suffisamment rapides et cohérentes pour entraîner les fibres –, arrêter la composition du verre et créer un système de chauffage du verre par induction.
Le 19 octobre 1953, soit un an exactement après la réunion initiale, la première fibre Supertel est produite à la Villette. Elle
mesure deux microns de diamètre, mais comporte encore trop
d’impuretés. Le brûleur est amélioré jusqu’en avril 1954, puis
les essais sur les autres constituants du procédé démarrent à
Rantigny. En 1956, le Supertel a fait définitivement la preuve de
sa supériorité sur le TEL, qui est arrêté.
En octobre 1950, un jeune homme
de 28 ans entre au laboratoire
de recherches fondamentales de
la Villette. Diplômé du Conservatoire
national des arts et métiers, il vient
de passer trois ans à l’Office national
d’études et de recherches
aérospatiales (Onéra), où il a travaillé
sur les céramiques, les alliages
métalliques et la combustion.
Comme il a également étudié la
thermodynamique et la chimie
du verre, il maîtrise déjà, au moins en
théorie, tous les aspects du fibrage.
C’est sans doute pour cela que,
le 13 octobre 1952, Ivan Peyches lui
confie la direction de l’équipe TEL,
faisant de lui le successeur de Pierre
Heymes. « Il y avait au labo de
recherches fondamentales un
excellent thermodynamicien, Marcel
Lévecque… Je décidai de lui confier
le procédé TEL. En quelques années,
Lévecque allait lui faire franchir
toutes les étapes du développement
et en faire un procédé vraiment
industriel », se rappellera plus tard
Ivan Peyches. Et en effet, celui
que ses collaborateurs appellent
unanimement « le patron » s’intéresse
à tous les aspects de la machine,
CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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brasse les idées à la pelle, accable
ses collaborateurs de travail. Épuisant,
parfois, mais le résultat sera au
rendez-vous. Le brillant théoricien
qu’il aurait pu rester donne aussi
toute sa mesure d’expérimentateur
pragmatique et ingénieux.
C’est peut-être cet aspect qui lui attire
le respect puis l’amitié indéfectible
de Gabriel Aufaure, le directeur de
l’usine de Rantigny. Les deux compères
seront à l‘origine de la création
du CRIR en 1960.
Lévecque prend alors la direction
du service Recherches techniques
et développement (RTD) de la division
Glaces, avant de devenir directeur
technique de la branche Fibres de verre
puis d’assumer la responsabilité
de CertainTeed aux États-Unis.
Le nouveau centre de recherches de
CertainTeed, inauguré le 26 juin 1979,
sera baptisé Lévecque Technical
Center.
1
2
1. Schémas du Supertel.
2. Chauffage des assiettes par induction.
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Le verre fondu tombe dans l’assiette de fibrage qui tourne sur un axe
vertical. L’enveloppe de cette assiette en acier réfractaire est percée
de nombreux trous. Le verre est poussé par centrifugation à travers ces
trous et est divisé en de multiples fils. Un puissant jet de gaz chauds
réalise alors l’étirage final des fibres.
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CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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UNE PLACE POUR LA RECHERCHE
L’heure n’est plus à l’empirisme ou au
bricolage. Les responsables successifs
de la recherche au sein de la branche
Isolation introduisent la démarche
scientifique et lancent des
programmes d’études fondamentales.
Pour cela, il faudra des laboratoires et
un véritable centre d’essais. En 1960,
c’est fait : le CRIR naît à Rantigny.
Depuis le début du XXe siècle,
l’industrie verrière a pris conscience
de l‘importance de la recherche, et
Saint-Gobain ne fait pas exception.
Il faudra cependant attendre les
années de guerre pour qu’Ivan Peyches
dépasse l’empirisme jusqu’alors de
mise et affirme l’importance
de la méthode scientifique, combinant
recherche de connaissances théoriques
et expérimentation contrôlée.
Une nouvelle époque vient
de commencer. Des questions aussi
apparemment triviales que
« Qu’est-ce qui détermine la reprise
d’épaisseur d’un feutre de fibres
comprimé pendant le transport ? »
mèneront à des travaux théoriques
de haut niveau impliquant des
modélisations mathématiques,
et feront l’objet de thèses et d’études
conjointes avec la recherche
universitaire ou d’autres institutions
académiques. En mai 1956, Marcel
Lévecque adressera même à la
Sodefive, au service des brevets – ainsi
qu’ à Peyches – une note quelque peu
visionnaire : « L’étude des produits,
trop négligée en Europe, doit être plus
systématique. Peut-être verra-t-on,
d’ici quelques années, des théoriciens
se pencher sur les architectures de fibre
de verre, des “topologistes” des fibres
appliquer leurs mathématiques ardues
pour nous faire découvrir les vraies
possibilités de nos produits. » Il est
évident qu’améliorer les propriétés
d’un isolant ou discuter avec les
autorités réglementaires
demande de solides connaissances
théoriques. Dans l’immédiat
après-guerre, personne ne sait
grand-chose des propriétés
de la fibre de verre ni de son
comportement dans le temps.
Pour engager un vrai programme
scientifique, il faut des hommes,
des moyens et des installations.
C’est au laboratoire d’études
thermiques de Billancourt que
commencent les premiers travaux sur
la machine LET, en 1941. Or, dans la
nuit du 3 mars 1942, une bombe visant
les usines Renault situées à proximité
détruit le laboratoire. Celui-ci est
transféré rue Fabre-d’Églantine à Paris,
près de la place de la Nation, où
les essais de fibre ultrafine,
qui demandent très peu de verre,
démarrent dès l’été. Le matériel
d’essais sera ensuite transféré
au boulevard de la Villette, où sera
construit en 1949 le premier centre
de recherches sur la fibre. Reste à
résoudre le problème de l’accès au
verre fondu, indispensable pour mener
les essais. Ceux-ci se déroulent dans
diverses usines du Groupe, au gré des
filets de verre disponibles. Or, en
avril 1953 démarrent les essais du
Supertel ; il est donc décidé de
construire une unité de fibrage
complète. Elle disposera de sa propre
cellule de fusion, de son tapis de
réception et de son dispositif
d’encollage.
Ce n’est pas encore suffisant.
En janvier 1960, Marcel Lévecque et
Gabriel Aufaure réfléchissent. Bien que
lancé avec succès, le Supertel
nécessite encore des améliorations.
Qui plus est, les besoins en isolation se
développent à grande vitesse. Exode
rural, urbanisation et croissance
économique se conjuguent pour
faire exploser la construction
de logements. Les licenciés
ont besoin d’assistance et
de formation pour suivre les
évolutions d’un marché aussi
prometteur. Quant aux chercheurs,
l’expérience de 1953 leur a
démontré que, pour tester un
procédé à l’échelle industrielle,
ils doivent disposer de leur propre
ligne pilote. S’ajoutent à ces
préoccupations un problème
anecdotique mais non négligeable :
les essais de brûleurs engendrent
des sifflements si intenses que les
voisins du boulevard de la Villette
commencent à se lasser… Bref, il faut
songer à construire un véritable
centre d’essais à grande échelle.
Ce sera le CRIR, le Centre de
recherches industrielles de Rantigny.
« Il nous fallait travailler en prise
directe et non pas dans l’“abstrait”
d’un laboratoire. Alors je demandai
que l’on me construise un centre
de recherches situé à côté de l’usine.
Comme cela, tout le monde serait
content et pourrait travailler chacun
chez soi », se souviendra Lévecque.
Les travaux commencent
rapidement par la construction de
l’atelier pilote auquel sont adjoints
trois laboratoires fondamentaux,
dédiés respectivement à la chimie,
à la physique et aux applications.
L’organisation de la recherche au sein
de la division Glaces est remaniée en
conséquence : le service Recherches
techniques et développement (RTD)
est créé en 1960 et placé sous
la responsabilité de Marcel Lévecque.
La recherche a enfin trouvé sa place.
Rollisol, un des premiers grands succès commerciaux d'Isover
dans les années 1950.
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CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
LE « TEL » À LA CONQUÊTE
DU MONDE
Mai 1957 : l’exploitation industrielle du Supertel démarre
à Rantigny. Le procédé, qui produit une fibre d’une finesse
et d’une légèreté inégalées, écrase la concurrence. C’est le début
d’un succès international. En quelques années, des dizaines
de licences d’exploitation seront vendues dans le monde entier.
Techniquement, le Supertel surpasse sans conteste les procédés concurrents. Faut-il pour autant en généraliser l’industrialisation ? La réponse, si évidente maintenant, ne va pas de soi
en 1957. Les licenciés s’interrogent. Il demeure encore des incertitudes sur la viabilité du procédé dans le temps, notamment
quant à la tenue des assiettes de fibrage soumises à de hautes
températures. De plus, il faudra investir pour adapter des lignes
de production optimisées depuis de longues années pour le
procédé Owens. Il n’empêche : la Sodefive presse le pas, voyant
OCF faire des promesses directes aux licenciés. Dans le même
temps, le groupe Heye adopte de nouvelles compositions de verre
pour le procédé Owens et le fait amplement savoir. En 1956, la
Sodefive ne peut que « gagner du temps » en espérant que le
procédé sera vite au point. Elle organise ainsi d’innombrables
visites de représentants de sociétés étrangères à Rantigny, pour
leur montrer le nouveau procédé en cours d’essais.
Finalement, Gabriel Aufaure, directeur de l’usine de Rantigny,
prend la décision en mai 1957 : le procédé Owens est arrêté et
remplacé par le Supertel, que tout le monde, hormis les chercheurs de Saint-Gobain, appelle d’ailleurs le TEL. La production
industrielle démarre avec six « têtes » Supertel fonctionnant
selon la « règle des six » : six tonnes de fibres par jour (par tête),
Visiteurs japonais de la société Asahi Glass, accompagnés
de Marc Toledano de la Sodefive.
78
six mille trous par assiette, six microns de diamètre. « Il y a un
risque, mais on le prend », aurait répondu Aufaure à la question
d’un collaborateur quelque peu soucieux. Pari rapidement
Publicité espagnole, « Ni froid, ni chaud, ni bruit ».
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gagné : le produit remplit ses promesses. Non seulement il est
doux au toucher, mais, à performances d’isolation égales, il pèse
jusqu’à deux fois moins que la laine de roche. Il faudra d’ailleurs
convaincre les clients d’abord surpris par cette légèreté, ce qui
ira vite. Isover réoriente et affine son marketing en offrant à ses
clients non plus un produit de base, mais un produit efficace avec
de vraies caractéristiques. C’est sur le critère des performances
qu’il faut désormais juger. Même si de nouveaux développements
verront le jour à la Villette jusqu’en 1959, le « TEL » est officiellement lancé. Il va dominer le monde de l’isolation pour les
décennies à venir.
1
Les industrialisations suivantes auront lieu hors de France. Le
Congrès mondial de l’isolation, qui se tient en 1958 à Cannes,
constituera l’occasion de faire un premier point. Marcel Lévecque
présente alors le Supertel aux représentants du monde entier.
De 1958 à 1963 se déroule « l’âge d’or des ventes de licences
TEL », selon les propres mots de Claude Jumentier, directeur technique de la Sodefive. La plupart des licenciés Hager d’avant
guerre deviennent des licenciés TEL, et de nouveaux arrivent. La
Sodefive donne alors toute sa mesure. Une équipe « mobile »
est constituée pour aider chaque nouveau licencié à concevoir, à construire puis à faire démarrer ses installations.
Couronnement de l’édifice, ou en tout cas avancée la plus significative : en 1968, Saint-Gobain installe le TEL aux États-Unis (voir
« CertainTeed : l’aventure américaine », p. 83). Et le mouvement se poursuit vers l’Orient.
2
2
1. Construction d'une ligne TEL au Brésil, en 1963.
2. Allumage du four de l'usine d'Etten-Leur aux Pays-Bas, en 1962.
1 et 2. Démarrage de la ligne TEL à l'usine de Vamdrup au Danemark, en 1965.
80
3. Ligne TEL en production à l'usine d'Etten-Leur aux Pays-Bas.
3
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CERTAINTEED : L’AVENTURE AMÉRICAINE
En 1966, CertainTeed, un producteur
américain de matériaux de
construction, absorbe le verrier
Gustin Bacon et veut se lancer sur
le marché de l’isolation. Or il ne
dispose que d’un procédé de fibrage
jamais abouti, acheté en 1964 à
la société Pall en même temps
qu’une usine à Mountaintop
(Pennsylvanie). Le PDG Malcom
Meyer contacte donc Saint-Gobain
et entame des négociations.
C’est finalement par la création d’une
filiale commune (joint-venture),
détenue à parts égales par les deux
sociétés, que se conclura cette
négociation. CertainTeed
Saint-Gobain (CSG) naît le
1er juillet 1967 pour une durée de
trente ans. Saint-Gobain met à
disposition sa technologie dans le
cadre d’une licence rémunérée par
des obligations convertibles en
actions CertainTeed, tandis que
CertainTeed apporte l’accès
au marché américain de
la construction, où il est déjà
solidement implanté grâce à
ses bardeaux d’asphalte.
À cette occasion, Saint-Gobain
prend une première participation
dans CertainTeed et finira par prendre
le contrôle total de CSG en 1988.
Durant l’été 1967, une équipe
d’ingénieurs américains vient se
familiariser avec le procédé TEL à
Rantigny. Puis une équipe française
dirigée par René Goutte part à
l’automne superviser l’installation
des usines. Les délais sont très serrés :
il faut installer et faire démarrer
sept lignes de production avant
juillet 1968. Elles seront réparties
entre les sites de Mountaintop,
de Kansas City et de Berlin, dans
le New Jersey. Sur le site de
82
Mountaintop, il s’avère d’abord
nécessaire de « déblayer » le terrain,
car les installations Pall sont restées
en l’état, verre solidifié compris !
Les usines démarreront finalement
à l’heure dite, malgré les accrocs,
les surprises et parfois les éclats de
rire dus à une culture technique
radicalement différente – par
exemple, l’énergie ne coûtant
quasiment rien aux États-Unis, rien
n’est prévu pour récupérer la chaleur
des fumées. Mountaintop sera à son
démarrage la plus grosse unité TEL
du groupe Saint-Gobain. Sous l’effet
du choc pétrolier, qui amène de
nouvelles réglementations en matière
d’isolation, le marché américain
explose. Une nouvelle usine
est ouverte à Athens (Géorgie) en
1975, avec un énorme four électrique,
et une grosse ligne de production
est installée à Kansas City en 1978,
puis à Chowchilla (Californie)
en 1979.
CSG vend en particulier un produit
mis au point antérieurement
par CertainTeed : l’InsulSafe.
C’est une fibre non encollée destinée
à l’isolation des combles. Elle est
fortement comprimée en sortie
de chaîne pour limiter les coûts
de transport, étant donné les grandes
distances de livraison caractéristiques
des États-Unis. Elle reprend son
volume initial lors de son application
par soufflage. Ce produit occupe
aujourd'hui à lui seul cinq lignes
de production.
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1
2
LE LONG VOYAGE
D’UN GLAÇON
POLAIRE
Mo-I-Rana, février 1959. Dans ce
petit village norvégien proche du
cercle polaire, des hommes se livrent
à une bien étrange occupation :
ils découpent un bloc de trois tonnes
dans le glacier du Svartisen,
l’emmaillotent soigneusement de
laine de verre et le chargent sur un
simple camion bâché. Le 22 au matin,
sous les accents de la fanfare locale,
le glaçon géant entame un voyage
de 12 000 kilomètres qui le mènera
à Lambaréné, au Gabon, après avoir
traversé l’Europe, la Méditerranée,
le désert du Sahara et la forêt
équatoriale ! Norvège, Suède,
Danemark, Allemagne, Belgique
et France sont vite parcourus.
Le 28 février, après une semaine de
route sans histoires, le camion et son
précieux chargement embarquent
à Marseille sur le Sidi Mabrouk.
Le glaçon n’a alors perdu que trois
1. Le départ pour Oslo, le long des fjords de Norvège.
2. Alger, le camion est déchargé du Sidi Mabrouk.
84
litres d’eau. Débarqué le 1er mars à
Alger, il y restera deux jours pleins,
formalités obligent. Il faut dire que
l’Opération Svartisen convoie
également des médicaments à
destination du Dr Schweitzer,
une cargaison bien tentante dans une
Algérie en pleine guerre. Le 3 mars au
petit matin, le camion s’ébranle sous
escorte militaire. Devant lui, plus de
3 000 kilomètres de désert par des
températures pouvant atteindre
55 degrés à l’ombre. À Ghardaïa,
la route s’arrête, seule reste la piste.
L’enfer commence. D’ensablement
en ensablement, d’oasis en oasis,
le camion atteint enfin Zinder, proche
de la frontière nigériane, le 12 mars.
Le Sahara est derrière lui. En dix-neuf
jours et 7 500 kilomètres de voyage,
le glaçon a perdu 177 litres d’eau.
Le 13 mars commence la dernière
étape, équatoriale celle-ci, jusqu’au
Gabon. La piste de terre rouge
traverse maintenant la forêt, dans une
perpétuelle chaleur moite. Nigeria et
Cameroun sont avalés jusqu’au port
de Douala, où le camion s’embarque
le 19 mars pour une traversée d’une
nuit jusqu’à Libreville. Les ponts
vétustes du Gabon n’auraient en effet
pas pu supporter le poids du camion,
rendant impossible la dernière étape
terrestre prévue. Le 20, à leur arrivée
au port gabonais, les membres de
l’expédition retrouvent l’amiral
Le Gall, directeur de la Sodefive qui
a organisé toute l'aventure avec
l'équipe du licencié norvégien Glava.
La capitale gabonaise fête alors le
premier anniversaire de
l’indépendance du pays et le camion
poursuit sa route jusqu’à l’hôpital du
Dr Schweitzer, à Lambaréné.
Les caisses de médicaments sont
remises le 22 mars au fameux
médecin.Vient enfin le moment que
tous attendaient : les bâches sont
retirées, puis la laine de verre.
Le glaçon apparaît. Ses coins sont
légèrement arrondis, mais rien
de plus. Il n’a perdu que 336 kilos,
soit un dixième de son poids, depuis
le départ ! La laine de verre vient de
prouver de manière éclatante son
efficacité d’isolant thermique.
Après 12 000 kilomètres, le bloc de glace a perdu seulement un dizième
de son poids grâce à son armure de laine de verre.
Schéma de la coupe du camion transportant le bloc de glace.
Le Dr Schweitzer, prix Nobel de la paix en 1952, assiste au
déchargement des médicaments offerts par plusieurs organismes
européens de la Croix-Rouge.
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LE NOUVEAU JEU
DES LICENCES
Le groupe Saint-Gobain est devenu une force de proposition
technologique. Pour sa part, la Sodefive lance une politique
d’aide globale à ses licenciés, bâtissant peu à peu le « club
des licenciés Sodefive ».
Durant la négociation des accords de 1951, censés remplacer
ceux du Pool, OCF réalise que quelque chose a changé : les
efforts de recherche et développement de Saint-Gobain portent leurs fruits et les visites des chercheurs d’OCF à Rantigny
ainsi qu’ à Lucens en Suisse, durant l’été 1954, le confirmeront.
On est alors en pleine négociation d’une nouvelle série d’accords, portant cette fois expressément sur les procédés centrifuges. Le 22 octobre 1954 est signée une « base d’accords » pour
exploiter et licencier, par l’un ou par l’autre, les procédés TEL
et Supertel. OCF reçoit licence de ces procédés, ainsi que le droit
d’accorder des sous-licences moyennant la même redevance
pour Saint-Gobain. Il en va de même en sens inverse pour les
procédés par centrifugation qu’OCF met au point.
de la solidité d’un portefeuille de brevets pour mener une
bonne politique de licences.
Pourtant, pendant que les techniciens échangent leurs savoirs
et que les accords se signent, les services Brevets se livrent une
âpre bataille juridique. Le brevet déposé par Pierre Heymes en
mée dès le début de l’année et qui n’exclut pas, bien sûr, les
interventions ponctuelles à la demande. Maintien de l’outil de
production, intervention en cas d’incident, mais aussi études
1946 et qui décrit le principe de fibrage Saint-Gobain, donc
celui du Supertel, est ainsi attaqué sans relâche de 1948 à jan-
préalables à de nouvelles implantations ou améliorations des
techniques : la palette des missions de la Sodefive ne cesse de
vier 1958, date à laquelle l’Office des brevets américain accorde
enfin la paternité du principe à Heymes. À chaque opposition,
il faut reformuler les revendications. Après une dernière passe
s’élargir. Au point qu’en 1959 est créée une cellule d’assistance
technico-commerciale. Son credo : « Il faut aider le licencié à accroître ses ventes. » Elle maintient une veille technologique sur
d’armes concernant la date de dépôt, l’affaire est définitivement
close en 1961… pour un brevet qui tombera dans le domaine
les produits, anime le réseau des licenciés, organise les congrès
de l’isolation, étudie les marchés locaux (caractéristiques clima-
public en 1965 ! À quelque chose malheur est bon : la direction
du Groupe prendra conscience à cette occasion de l’importance
tiques, économiques et architecturales)… Peu à peu se constitue ainsi ce que l’on appellera le « club des licenciés Sodefive ».
86
Quoi qu’il en soit, la politique des licences devient un outil de
développement international pour le Groupe. Les redevances
financent les efforts de recherche, le principe du flow back, maintenu et même renforcé par la Sodefive, contribue au
progrès technologique, mais, surtout, l’aide apportée aux
licenciés donne à Saint-Gobain une connaissance des marchés étrangers qu’il ne pourrait acquérir autrement. Ce système
d’assistance est d’ailleurs institutionnalisé lorsque Marcel
Lévecque impose, au rythme d’une visite par an, l’assistance technique systématique pour chaque licencié. Une visite program-
CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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RANTIGNY : LE BERCEAU DE LA FIBRE
Le site de Rantigny, berceau de
la fibre de verre chez Saint-Gobain,
est aujourd’hui un Centre de
recherches industrielles (CRIR) et
uneplate-forme logistique.
L’histoire industrielle de ce village
picard, situé à 70 kilomètres de Paris,
remonte au XVIIe siècle. La Brèche,
un court affluent de l’Oise, entraîne
à cette époque une cinquantaine
de moulins dont certains seront
transformés en manufactures
au XIXe siècle. Le plus gros d’entre
eux, la Roue de Rantigny, un
moment propriété du duc de
La Rochefoucauld, devient « bien
national » pendant la Révolution,
avant de passer entre différentes
mains. En 1826, il est agrandi et
modernisé. Il deviendra en 1876
un laminoir de cuivre et d’or,
lequel évoluera en manufacture
d’orfèvrerie vers 1900.
En 1927, la Société des textiles
nouveaux (STN) achète le site pour
y installer une production de fibres
artificielles. Devenue filiale de SaintGobain lorsque le Groupe se lance
dans la fibre cellulosique, la STN
cesse son activité en 1937. Le site est
alors affecté à la fibre de verre textile.
Isover, nouvellement créée, y installe
des lignes Verranne et Silionne. Puis,
en 1941, arrivent les filières Owens
et Gossler, rapatriées de l’usine
de Soissons bombardée. Rantigny
produit alors de la fibre « textile »
et « isolation ». Au cours de son
histoire, le site abritera d’ailleurs
à un moment ou à un autre tous
les procédés de fibrage que
Saint-Gobain a exploités.
usine de production de poudre
d’aluminium, établie en 1919 à côté
du moulin, était acquis. Dès lors,
le site ne cessera de s’étendre
et de se couvrir de nouveaux
bâtiments, les travaux allant
même jusqu’à un détournement
de la Brèche en 1958-1959.
En 1960 commence l’installation
du Centre de recherches, à côté
des usines de production.
Durant cette décennie, le Supertel
tourne à plein rendement.
De nouvelles extensions sont
nécessaires. Le site produit
20 000 tonnes de fibres par an
en 1960 – et atteindra près de
70 000 tonnes en 1982.
Le polystyrène, avec un procédé
« maison » développé par
le CRIR, s’installe en 1972.
En 1976, la plupart des anciens
bâtiments sont détruits au profit
d’un seul grand édifice moderne.
D’un hectare et demi en 1937, le site
atteint finalement 32 hectares dans
les années 1980, au temps de sa plus
grande splendeur ! Ce sera son chant
du cygne. La production industrielle
diminue progressivement de 1983 à
1986. L’atelier de fabrication
de polystyrène est revendu à Lafarge,
les machines de fibrage sont réparties
entre les usines d’Orange et
de Chalon-sur-Saône. Le moulin
historique et ses annexes seront
détruits en 1987 pour des raisons
de sécurité. La dernière ligne
produisant des coquilles pour
l’isolation des tuyauteries s’arrêtera
définitivement en 1997.
L’activité, suspendue puis reprise
au ralenti durant la guerre, reprend
de plus belle en 1946. L’année
précédente, le terrain d’une ancienne
L’usine de Rantigny
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L’usine de Rantigny en 1953.
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2
1. Publicité pour la laine de verre en 1954.
2. Quelques exemples de publicités parues dans la presse en 1951.
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CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
« TOUT VA BIEN »
Sous le coup d’une OPA hostile, Saint-Gobain s’allie en 1970
avec Pont-à-Mousson. Cette déstabilisation initiale surmontée,
le Groupe repart de plus belle. Deux chocs pétroliers successifs,
en 1973 et 1979, font exploser le marché de l’isolation.
La branche Isolation de Saint-Gobain domine le monde
et vit une décennie euphorique.
Un coup de tonnerre survient en décembre 1968. BoussoisSouchon-Neuvesel (BSN), numéro deux du verre plat en France
derrière Saint-Gobain, lance une offre publique d’achat hostile
sur son grand concurrent ! Antoine Riboud, son jeune PDG, acquiert une soudaine célébrité en voulant ainsi « avaler » un groupe
trois fois plus gros que le sien. Il s’agit en fait d’une offre
publique d’échange, et non d’achat, car Antoine Riboud entend
payer avec des obligations convertibles en actions BSN. David
vaincra-t-il Goliath ? L’opération fait en tout cas la une des journaux, car c’est la première grande manœuvre financière de ce
genre dans l’industrie française. Or Saint-Gobain souffre à
l’époque. Si l’activité isolation se développe de façon prometteuse, d’autres branches, en particulier la chimie, éprouvent des
difficultés et le Groupe perd de l’argent. La contre-attaque
prend des formes surprenantes. Le Groupe demande, par exemple, à l’agence de communication française Publicis de lancer
une vaste campagne de communication, qui verra entre autres
les actionnaires visiter « leurs usines » lors de journées portes
ouvertes. Un groupe de banquiers, emmené par la Compagnie
financière de Suez, vient à la rescousse de Saint-Gobain.
Finalement, le projet d’Antoine Riboud échoue : à la clôture de
l’opération, BSN n’a récupéré que 7 % des actions de Saint-Gobain.
Il n’empêche que le Groupe sort encore affaibli de l’épisode. Il
Évolution du logotype Erika (épaisseur rentable d’isolation k),
visage féminin associé à la marque de 1969 à 1981.
est à cours de liquidités et 40 % de ses actions ont changé de
mains. Or, Suez détient depuis 1964 une part importante du
capital de Pont-à-Mousson. Ce groupe sidérurgique, leader
Campagnes publicitaires dans la presse professionnelle et grand public.
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CHAPITRE 2 - - L’ÂGE D’OR DES INGÉNIEURS
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mondial des tuyaux en fonte, est certes trois fois plus petit que
Saint-Gobain, mais il dispose de fortes réserves financières. L’idée
d’une fusion se fait donc jour, encouragée par le président
Georges Pompidou et son gouvernement. En 1970, c’est fait :
Saint-Gobain-Pont-à-Mousson (SGPM) est né. Un groupe de
taille mondiale vient d’émerger.
Dans la corbeille de mariage, Pont-à-Mousson apporte la société Roclaine, immédiatement rattachée à Isover – et finalement absorbée dans les années 1980. Mais le fait le plus
marquant sera l’arrivée, à la tête du nouveau groupe ainsi
constitué, de Roger Martin, PDG de Pont-à-Mousson, qui introduit un nouveau style de management, plus moderne et mieux
organisé. Le Groupe est structuré par branches produits. La visibilité donnée au métier de l’isolation dans cette nouvelle
organisation témoigne de l’importance stratégique de ce nouveau métier pour le Groupe.
Le site de production de Rantigny ne pouvant répondre à toute
la demande, les travaux d’une nouvelle usine débutent en 1971
à Orange. En 1973 survient le premier choc pétrolier, bientôt
suivi d’un second. Le marché de l’isolation explose. Les innovations techniques se poursuivent. Saint-Gobain prend une
position de leader sur le marché mondial de l’isolation et s’implante même au Japon. Les années 1970 sont euphoriques.
« Tout va bien », semble-t-il.
Campagne promotionnelle pour l’isolation des toits en France, 1978.
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CHAPITRE 2 - - L’AGE D’OR DES INGÉNIEURS
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Invitation au salon Batimat, années 1970.
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Publicité pour le stand Isover au salon Batimat en 1967.
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CHAPITRE 3
Loin des besoins du marché
La réaction
La rentabilité retrouvée
La limite du modèle
Une autre épreuve
LE TEMPS DES
TEMPÊTES ET
DE L’ADAPTATION
À la fin des années 1970, la branche Isolation de Saint-Gobain
« surfe » sur la vague de son succès. Les capacités de production
augmentent sans cesse. Pourquoi la décennie qui s’annonce
ne serait-elle pas aussi brillante que celle qui s’achève ? Et pourtant…
L’excellence technologique ne suffit pas pour vendre des produits.
Pour ne pas s’en être rendu compte à temps, Isover va traverser une
décennie turbulente. Une période de remise en cause qui voit émerger
de nouvelles stratégies plus proches des besoins des clients.
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1986
1957-2007
La privatisation de Saint-GobainPont-à-Mousson est un succès. Malgré
la multitude de souscripteurs individuels,
le « noyau dur » de l’actionnariat revient peu
ou prou à ce qu’il était avant la nationalisation.
Jean-Louis Beffa prend la tête du Groupe
le 23 janvier.
En un demi-siècle, près d’une centaine
de lignes de production TEL ont été installées
dans le monde. Cette technologie a gagné tous
les continents. En même temps s’est constitué
un véritable réseau de licenciés.
1982
Le groupe Saint-Gobain est nationalisé et, en
décembre, une nouvelle équipe dirigeante arrive.
Éric d’Hautefeuille prend la responsabilité de la
branche Isolation et entreprend son redressement.
Au menu : le développement international avec
le rachat des licenciés et, surtout, l’exigence
prépondérante de la prise en compte des besoins du client.
1986-2000
Amélioration du service au client : informatique, logistique,
palettisation... Successeur du Compact, le premier emballage
innovant et dûment breveté de Saint-Gobain, le Multipack
franchit une nouvelle étape. Tous les produits isolants sont
maintenant disponibles sur palette dans des colis aux
dimensions standardisées. Un plus pour la logistique d’Isover…
et de ses clients.
1984
Le 12 mai de cette année-là, Saint-Gobain signe
un accord de licence avec le verrier coréen
Hankuk Glass Industries. Le Groupe poursuit
ainsi sa conquête de l’Asie. Une usine de laine de
verre est créée en 1986 à Inchon. Une nouvelle
usine démarre en 2004 à Dangjin.
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LOIN DES BESOINS
DU MARCHÉ
Enivrés par leurs succès et par les nouveaux moyens mis à leur
disposition, les chercheurs mettent au point des procédés encore
plus performants ainsi que de nouveaux produits, parfois non
adaptés à la demande. Isover extrapole également la forte
croissance du marché en installant de nouvelles lignes de
production. Malheureusement, le marché revient à la normale
après l’euphorie et Isover se retrouve en surcapacité. De plus, le
reste du Groupe souffre de la crise. Les années1980 débutent mal…
Une recherche et des produits
déconnectés du marché
Le procédé TEL ne peut à lui seul couvrir toute la gamme des
applications d’isolation. En particulier, il ne répond pas aux
besoins de l’isolation industrielle, qui nécessite des isolants
résistant à des températures élevées. Les ingénieurs de
fibrage vont donc concevoir un nouveau procédé, plus
polyvalent, le TOR (voir « Le TOR : réussite technique et échec
économique », p. 104). Les recherches commencées en 1967
aboutissent dix ans plus tard. Un pilote est créé, deux lignes
industrielles voient le jour en Allemagne. Ce procédé sorti de
l’imagination des ingénieurs permet de fibrer pratiquement
n’importe quel verre ! La qualité des produits pour l’isolation
industrielle est nettement supérieure à celle de la laine de
roche. Malheureusement, ce rêve d’ingénieur tourne court. Sa
consommation énergétique élevée lui est fatale dès la première
crise pétrolière et l’augmentation du prix du gaz qui en résulte.
Isover s’essaie aussi à des produits autres que la laine de
verre, son cœur de métier. Ces diversifications rencontreront l’échec. La première tentative concerne la production de
mousses phénoliques de 1975 à 1983. Les recherches se
concrétisent par l’installation d’un pilote industriel, mais
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LE PROCÉDÉ TOR
LE TOR : RÉUSSITE TECHNIQUE ET ÉCHEC ÉCONOMIQUE
« Depuis plusieurs années, nos
services de recherche ont exploré
des voies nouvelles et ont ainsi
découvert un procédé de fibrage
que l’on peut sans doute qualifier de
révolutionnaire, qui est maintenant
passé du stade laboratoire à celui de
prépilote. » Ce 24 janvier 1974, Roger
Martin, président de Saint-Gobain,
se montre résolument optimiste face
aux journalistes conviés au Théâtre
de la Ville à Paris. En fait, le nouveau
procédé n’est pas encore au point,
mais la concurrence a entendu le
message. Saint-Gobain ne s’endort
pas sur ses lauriers et il sera difficile,
et certainement coûteux, de
contester son avance technologique.
L’histoire de ce procédé
« révolutionnaire » commence
dès 1965, lorsque Marcel Lévecque
demande au CRIR de penser
au successeur du TEL, pourtant
encore en plein développement.
Des préoccupations nouvelles
émergent en effet, telles que la
pollution, le prix de revient, la volonté
de concurrencer la laine de roche
dans le domaine des hautes
températures, ainsi que la crainte
de difficultés d’approvisionnement
en bore, un constituant du verre
utilisé par le TEL.
En décembre 1967, après deux années
de recherches exploratoires peu
concluantes, une réunion de brain
storming est convoquée. Au menu :
imaginer des procédés dans lesquels
le matériau à fibrer n’aurait pas à
s’écouler à travers des orifices. Les
idées fusent. Les prototypes se
succèdent dès lors et, le
15 septembre 1969, une première
fibre apparaît sur un dispositif
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statique original. La flamme d’un
brûleur balaie la surface d’une nappe
de verre en fusion, laquelle est
déposée sur un plateau horizontal
muni d’orifices par lesquels jaillissent
de puissants jets d’air comprimé.
Ces derniers traversent la nappe et
entrent dans la flamme, entraînant du
verre qui est alors étiré en filaments.
C’est le début d’une longue mise au
point, parsemée de rebondissements
et de revirements techniques.
En 1972, le procédé produit des fibres
de la même finesse que celles du TEL !
Des études théoriques montrent
que la rencontre entre la flamme
et le jet secondaire engendre d’intenses
tourbillons. Ce sont eux qui étirent
le filet de verre. Le procédé sera donc
baptisé TOR, pour « Turbulence
ORganisée ».
En 1975, le TOR donne des résultats
suffisamment stables et
reproductibles pour passer à l’échelle
pilote, voire industrielle. Autre
avantage, le TOR peut fibrer des
matériaux différents. La décision est
alors prise de construire deux lignes
pilotes. La première est dédiée au
fibrage du basalte, pour obtenir une
laine de roche résistant aux hautes
températures et donc adaptée à
l’isolation d’installations industrielles.
Le 27 juin 1977, après une mise
au point supplémentaire au CRIR,
une véritable unité de production
industrielle de TOR basalte démarre
à Ladenburg chez G+H, filiale
allemande de Saint-Gobain. La
seconde, installée au CRIR, est
consacrée à la laine de verre « basse
densité » pour l’isolation des
bâtiments. Cette ligne démarre
en août 1978, elle aussi avec des
dimensions représentatives des unités
industrielles. Arrive alors le temps des
difficultés. À la fin des années 1970,
le marché de l’isolation industrielle
fléchit en Allemagne. La ligne de
Ladenburg est arrêtée. Une ligne TOR
utilisant un verre aussi réfractaire que
le basalte est lancée en 1980 à
Bergisch Gladbach pour la fabrication
de coquilles. Elle sera elle aussi arrêtée. Dans le même temps, les essais
menés au CRIR pour remplacer le
TEL dans le domaine de l’isolation
thermique classique de l’habitat
ne démontrent aucun avantage.
L’économie due à l’utilisation de verre
sans bore, par exemple, est annulée
par une consommation d’énergie
supérieure et une qualité légèrement
inférieure des produits. Le TEL reste
insurpassable.
CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
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Centre de recherches industrielles de Rantigny (CRIR).
Fin 1981, la direction technique de
la branche Isolation dresse le bilan
du TOR. C’est une incontestable
réussite technique, mais il n’offre
aucun avantage économique sur
le TEL pour l’isolation de l’habitat.
Quant à l’isolation haute
température, ce n’est plus une
priorité stratégique pour le Groupe.
Les dépenses de R&D sur ce procédé
ne sont donc pas reconduites en
1982. C’est la fin du TOR. L’aventure
aura néanmoins permis de concevoir
un brûleur plus économique, adapté
depuis sur le TEL, et d’installer au
CRIR une ligne pilote à échelle
représentative, utilisée dès 1981 pour
continuer la belle aventure du TEL.
Elle a aussi permis de montrer aux
concurrents et aux licenciés la
capacité d’innovation de Saint-Gobain
et son adaptabilité aux contextes
économiques.
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l’augmentation du coût des matières premières liées au
pétrole ainsi que la difficulté de valoriser le bon comportement au feu du matériau condamnent cette aventure. Une
autre tentative significative est menée dans la fabrication de
bacs en plâtre préformés en U devant recevoir un isolant
fibreux pour constituer un système d’isolation de combles. Le
procédé, baptisé Gilda, sera arrêté en 1983. Là encore, les
ingénieurs ont mis au point un produit remarquable, mais non
adapté aux besoins du marché. Les distances entre les poutres dans les maisons n’étant pas standard, il aurait fallu avoir
en stock un nombre impressionnant de références. D’autre part,
la forme en U induisait des coûts de transport exorbitants du
fait du faible taux de remplissage des camions.
Un outil de production mal adapté
À la fin des années 1970, la laine de verre se vend plus vite
qu’elle ne se fabrique. À la suite des chocs pétroliers, Isover
a en effet beaucoup œuvré pour la mise en place de politiques
incitatives en faveur de l’isolation. Ces nouvelles réglementations aidant, les résultats de la société sont au beau fixe et
elle se retrouve en situation de quasi-monopole en France. Il
en résulte une politique commerciale quelque peu désinvolte… « Nous ne pouvions fournir à temps tous les clients,
alors nous faisions des choix et négociions des délais avec les
autres », se souviendra un cadre commercial. Bref, les clients
attendent. Le « retour de bâton » ne tardera pas. De nouveaux
concurrents surgissent en France, comme le Slovène Termo,
le Finlandais Paroc et, surtout, le Danois Rockwool. Arrivé en
1975, Rockwool propose une laine de roche de grande qualité, capable de concurrencer la laine de verre non seulement
pour les applications industrielles, mais aussi pour le bâtiment.
Il finira par créer une usine à Saint-Éloy-les-Mines en 1980.
Tous ces fabricants tentent de prendre des parts de marché
et mènent une politique commerciale agressive. Ils vont
au-devant des clients et se lancent dans une véritable guerre
des prix. Dans le même temps, se basant sur l’explosion du marché, la branche Isolation a augmenté ses capacités de production. Les usines d’Orange en France et de Speyer en Allemagne
montent en puissance. Hélas, les prévisions optimistes n’ont
pas intégré la baisse des prix ni le reflux du marché après
quelques années euphoriques. Isover se retrouve rapidement
en surcapacité, avec des produits devenus plus difficiles à
vendre.
À cela s’ajoute la mauvaise santé des autres branches de
Saint-Gobain-Pont-à-Mousson. Contrairement à l’isolation,
le vitrage et les tuyaux de fonte souffrent du marasme économique dû aux chocs pétroliers. À la fin des années 1970,
Isover est la seule branche bénéficiaire du Groupe. Elle soutient donc les autres, tant sur le plan financier que sur celui
de l’accueil du personnel, et subit ainsi indirectement la crise
pétrolière ! Tout va mal, donc. En 1982, Saint-Gobain Isover
perd plus d’un million de francs par jour. Il faut réagir. La
nationalisation du Groupe (voir « Nationalisation et privatisation », p. 110), suivie de l’arrivée en décembre d’une nouvelle équipe dirigeante chez Isover, emmenée par Éric
d’Hautefeuille, marque un tournant.
ÉRIC
D’HAUTEFEUILLE,
LE « GRAND ÉRIC »
« Il dirigeait un groupe international,
mais aurait sans doute préféré être
patron d’une PME, tellement il aimait
la rencontre avec les gens simples,
les discussions concrètes. Il était
le contraire d’un technocrate », se
souvient Xavier Grenet, longtemps
collaborateur d’Éric d’Hautefeuille.
Ce dernier était pourtant un
intellectuel de haute volée. Né en
1940, ingénieur en chef des Mines,
il a commencé sa carrière dans
l’administration puis s’est vite
orienté vers la sidérurgie, un secteur
alors en crise.
En 1982, Jean-Louis Beffa l’appelle
à la direction de la branche Isolation
du Groupe nouvellement nationalisé.
Il sera le principal artisan du
redressement des comptes d’Isover
puis mettra en œuvre une stratégie
hardie de développement
international. Il commencera par
la Scandinavie et jettera les bases
de la conquête vers l’Est et l’Asie.
Un paradoxe pour un homme qui
préférait « prendre le train pour
Guéret que l’avion pour Séoul »,
selon une plaisanterie courante.
Éric d’Hautefeuille aimait en effet
par-dessus tout aller à la rencontre
des « petits » clients, se confronter
aux réalités du terrain.
En 1992, après dix années fécondes,
il est nommé directeur de la branche
Vitrage, qu’il réorganise de fond
en comble. Ses succès incitent
Jean-Louis Beffa à le nommer en 1996
directeur général de Saint-Gobain.
Il en deviendra également
administrateur en 1998. Toutefois,
outre sa réussite d’industriel, ce qui
marque les esprits est sa dimension
humaine. Des expressions comme
« profond sens de l’homme »,
« constante bienveillance » ou
« simplicité et chaleur » émaillent
tous les témoignages. Il s’est attiré
le respect unanime de ceux qui l’ont
approché. Avant comme après sa
retraite, prise en 2000, il s’occupe
d’œuvres bénévoles comme celle
des Apprentis d’Auteuil.
Le « grand Éric », comme l’appelaient
ses collaborateurs, s’éteindra
prématurément en 2004.
Conseil d’administration de Saint-Gobain en 1987.
Éric d’Hautefeuille lors d’un congrès Sodefive.
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CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
ALLEMAGNE :
SPEYER,
LA PERFORMANCE
TECHNIQUE
Au début des années 1970, la vieille
usine de Bergisch Gladbach est
enserrée dans la ville. Malgré sa
vingtaine d’assiettes sur huit lignes
différentes, elle ne peut plus
satisfaire la demande. La construction
d’une nouvelle usine plus au sud,
à Spire (Speyer), est décidée.
L’usine démarre en 1973 avec
des bâtiments spacieux, solides,
sur un terrain suffisamment vaste
pour les développements futurs.
La cour d’honneur abrite un buste
en bronze d’Eugène Gentil, hommage
au passé dans un site tourné vers
les promesses du futur.
Le démarrage des deux lignes est
un réel succès et les bonnes
performances techniques du début se
sont maintenues invariablement
jusqu’à nos jours. L’usine de Speyer,
bien dessinée, bien construite et bien
conduite, a été pendant plus de vingt
ans la vitrine de la technologie de
Saint-Gobain en Europe, le passage
obligé de tout visiteur important,
futur licencié ou client. Pendant toute
cette période, elle a constitué le banc
d’essai industriel du Pilote du
Centre de Recherches Industrielles
de Rantigny, car on était certain que
les consignes seraient respectées,
les procédures suivies, les mesures
effectuées et rapportées, et que la
coopération serait assurée. De
nombreux essais industriels de longue
durée ont été mis en place : essais sur
les alliages, première assiette de
600 mm de diamètre puis de
800 mm, etc. Ensuite, il suffisait de
dire « Ça a marché à Speyer » pour
faire taire les oppositions et promouvoir ailleurs une nouvelle technique.
Malgré son âge et grâce aux réinvestissements faits années après années,
l’usine de Speyer reste une unité de
production remarquable.
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LA RÉACTION
Après la nationalisation du groupe Saint-Gobain en 1982, puis
sa privatisation à nouveau en 1986, Isover se réorganise et change
de politique. La société va subir un plan de restructuration très
dur. En quelques années, les effectifs sont réduits de moitié en
France et l’outil de production est rationalisé. Le procédé TEL, un
peu oublié au début de cette période, va pourtant contribuer au
redressement des sociétés d’isolation. Au plan marketing, Isover
va désormais au-devant des clients et développe une nouvelle
gamme de produits adaptés aux besoins réels des utilisateurs.
À la rencontre du client
Isover entame sa révolution culturelle par la « redécouverte »
du client. Il s’agit désormais d’aller au-devant de cet « inconnu ».
Physiquement, tout d’abord. En effet, jusque-là Isover écoulait ses produits vers des « superstockistes », des grossistes
qui se chargeaient de les répartir vers les négociants et revendeurs, sans trop se préoccuper des besoins. Autant dire que
la société était assez éloignée de ses clients réels… Décision
est donc prise de se passer dorénavant des superstockistes et
de livrer directement à tous les négoces, petits ou gros. Ce sont
les sites de production qui vont assurer la logistique : transport, ajustement des flux à la demande ainsi que garantie du
service à la clientèle. Désormais, les produits vont directement
chez le distributeur final.
NATIONALISATION ET PRIVATISATION
« Le secteur public sera élargi par
la nationalisation des neuf groupes
industriels prévus dans le Programme
commun et le Programme socialiste,
de la sidérurgie et des activités
de l'armement et de l'espace
financées sur fonds publics.
La nationalisation du crédit et
des assurances sera achevée. » Telle
est la vingt et unième des cent dix
propositions du candidat François
Mitterrand, lors de l’élection
présidentielle de mai 1981. SaintGobain-Pont-à-Mousson figure
sur la liste. La loi de nationalisation
est adoptée le 13 février 1982 et,
le 21 avril, la nationalisation
de SGPM est annoncée.
Roger Fauroux reste néanmoins
PDG du Groupe et nomme Jean-Louis
Beffa pour le seconder. Le Groupe
se recentre sur ses métiers et entame
un plan de restructuration.
En 1986, à la faveur des élections
législatives, un gouvernement de
centre droit arrive au pouvoir, dirigé
par Jacques Chirac, avec Edouard
Balladur aux Finances. Au programme :
la privatisation de soixante-cinq
entreprises publiques… dont
Saint-Gobain. La loi est votée
le 2 juillet 1986. Saint-Gobain,
de nouveau bénéficiaire, est le
premier proposé au public, entre
décembre 1986 et janvier 1987.
C’est un succès : un million et demi
d’acheteurs acquièrent vingt millions
d’actions. Cependant, si l’on tient
compte des investisseurs
institutionnels, la répartition du
capital du Groupe demeure assez
proche de ce qu’elle était avant la
nationalisation. Un retour à la case
départ, en quelque sorte. Entre-temps,
l’équipe dirigeante a changé.
Jean-Louis Beffa a en effet pris la tête
du Groupe, une première fois, le
23 janvier 1986. Il a ensuite été
renommé après la privatisation.
Revenue au pouvoir en 1988,
la gauche ne change rien.
C’est l’époque du « ni-ni » :
ni nationalisation, ni privatisation.
Aller au-devant du client, cela signifie aussi lui proposer des
produits qui répondent à ses attentes. La laine de verre est un
matériau performant, et Isover en maîtrise indiscutablement
la production. L’utilisateur, lui, est confronté à un problème précis : comment isoler un toit, un comble perdu, un tuyau, une
cloison ou un réfrigérateur ? Proposer de la fibre ne suffit pas.
« Il y a un manque à ce niveau-là », constate Éric d’Hautefeuille
à son arrivée. Il faut donc développer des produits adaptés aux
divers segments du marché. C’est le signal de départ d’un
Publicité Isover de 1978.
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nouvel effort de recherche et développement, selon des modalités différentes de celles des décennies précédentes.
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CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
UNE DÉMARCHE
DE CONFIANCE
L’Association pour certification des
matériaux isolants (Acermi), créée
en France en 1985, délivre des
certificats de conformité
garantissant, d’une part, que le
produit a bien les caractéristiques
annoncées sur l’étiquette et, d’autre
part, que le fabricant dispose d’un
système opérationnel efficace
d’assurance qualité. Un tel
document est indispensable pour
obtenir les réductions d’impôts
que le gouvernement accorde à ceux
qui engagent des travaux d’isolation
de leur habitation. L’Acermi,
indépendante des producteurs,
s’appuie pour ses analyses sur
le Centre scientifique et technique
du bâtiment (CSTB) ainsi que le
Laboratoire national d’essais (LNE).
Elle prélève deux fois par an des
produits chez les fabricants, et
inspecte leur système qualité.
Saint-Gobain est à l’initiative
de la création de ce système.
Le but de l’opération, outre l’évident
bénéfice pour les utilisateurs,
était de « moraliser » le marché.
La concurrence s’exerce désormais
sur des bases incontestables.
Des systèmes analogues de
certification ont été développés
dans de nombreux pays (Komo aux
Pays-Bas, Aenor en Espagne, Tüv
en Allemagne...).
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La recherche continue,
recentrée sur le procédé TEL
Malgré l’aventure décevante du TOR, le CRIR ne baisse pas les
bras. Recentré sur le TEL, l’effort de recherche ne fléchit pas.Ainsi,
même pendant la période de crise, la société maintient son
effort de R&D. Une assiette de 600 millimètres de diamètre
voit le jour en 1980 et le fibrage dénommé Arlanda produit des
fibres plus fines ayant de meilleures propriétés mécaniques.Avec
un brûleur plus efficace et une vitesse périphérique de l’assiette
très élevée, le fibrage Arlanda augmente la productivité du
procédé. C’est un grand succès technique, économique et commercial par la baisse de densité qu’il permet et les investissements qu’il évite.Ainsi, le fibrage Arlanda a dispensé CertainTeed
de construire une nouvelle ligne en augmentant ses capacités
à une époque où la société connaissait des problèmes de
trésorerie. Son président Art Winner résume sa satisfaction
par cette phrase : « One square foot saved, one million dollars
in CertainTeed bank » (« Un mètre carré sauvé, un million de
dollars dans les caisses de CertainTeed »). Les débits de verre
par assiette atteignent 20 tonnes par jour. Cette productivité
améliorée ainsi que l’augmentation du taux de compression,
qui réduit considérablement les coûts de transport, vont aider
Isover à traverser la crise.
La palettisation représente sans doute le plus bel exemple d’utilisation des nouvelles propriétés mécaniques de la fibre TEL
pour répondre à une vraie demande du marché (voir « La
palettisation. Une “charge ” gagnante », p. 125). Mis au point
par le centre de développement d’Orange et industrialisé en
1987, ce procédé d’emballage est généralisé dans toutes les
sociétés. L’Allemagne, avec Isover G+H, l’adopte la première
en 1990, suivie par la Finlande, l’Italie, les Pays-bas, la Pologne,
l’Autriche, le Danemark, la Suisse, la Grande-Bretagne, la
Russie, l’Irlande… L’internationalisation des nouveaux produits
– et des bonnes idées – est désormais une des bases de la
politique d’Isover. Parmi ces produits, on peut citer le Calibel,
qui associe une plaque de plâtre à un panneau de laine minérale. Les qualités du fibrage TEL traversent également
l’Atlantique et permettent la naissance d’un nouveau produit :
l’InsulSafe (voir « InsulSafe traverse l’Atlantique », p. 116).
Des décisions douloureuses
Fin 1984, les principales lignes de production de Rantigny sont
définitivement arrêtées. Certes, l’usine d’Orange l’a supplantée depuis longtemps, mais la fermeture du site historique,
décidée en 1983, symbolise la politique de redressement
entamée en décembre 1982. Les pertes du Groupe ne laissent
guère le choix : il faut trancher, réduire les effectifs et les
capacités de production. Des décisions toujours douloureuses à prendre. Saint-Gobain-Pont-à-Mousson lance plusieurs
plans successifs de licenciements et de départs à la retraite.
Résultat, les effectifs du Groupe diminuent de 20 %
entre 1982 et 1986. La société Saint-Gobain Isover ellemême perd, en France, la moitié de ses 2 600 employés
entre 1982 et 1984. Quant aux capacités de production,
elles sont maintenant concentrées à l’usine d’Orange, pour
l’essentiel de la gamme et les grosses quantités, et à l’usine
de Chalon-sur-Saône pour des produits plus spécifiques. À cela
s’ajoute l’usine de laine de roche de Saint-Étienne-du-Rouvray,
Roclaine, qui fait intégralement partie d’Isover depuis mai 1982.
La branche Isolation se recentre sur son métier de base, la laine
de verre : les mousses sont cédées, la fabrication de voile de
verre est arrêtée en France et une cellule ayant pour vocation
de développer les matériaux fibreux en dehors de l’isolation
voit le jour (culture hors sol, fibres pour les routes, fibres
fines pour séparateurs de batterie…).
À l’international aussi, il s’agit de « resserrer les boulons ». La
politique de conquête du marché asiatique subit en effet un
revers. Si tout se passe bien en Corée, au Japon, Nihon Glass
Wool, la joint-venture créée en 1974 entre Isover et le cimentier japonais Nihon Cement, va mal (voir « Le Japon », p. 118).
La construction d’une usine aux normes antisismiques ainsi
que des problèmes d’adaptation du produit au marché local
coûtent beaucoup d’argent. Qui plus est, les concurrents entament une guerre des prix. Les pertes s’accumulent et, en 1982,
Isover doit se retirer de cette aventure.
Brochure « Problèmes, solutions, services », éditée en 1981.
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CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
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En 2005, le cheval de bataille de
CertainTeed Insulation Group aux
États-Unis pose enfin le pied en
Europe. Cette laine de verre, baptisée
InsulSafe, est vendue « en vrac »
sous forme de flocons dépourvus
de liant. Fortement comprimée
pour le transport, elle s’applique par
soufflage. Bon marché, vite installé,
ininflammable et bon isolant
acoustique, InsulSafe rencontre le
succès dès son lancement en 1982.
Une belle réussite pour l’ingénieur
Les Infante qui s’est obstiné pendant
des années à tenter de fabriquer de
la laine soufflée avec le procédé TEL.
De nombreux essais de mise au point
de la ligne de fabrication de
l’InsulSafe ont lieu à partir de 1972
à l’usine de Berlin dans le New Jersey.
La ténacité paie : aujourd’hui, cinq
lignes de fabrication au Kansas,
en Californie et en Géorgie tournent
à plein rendement pour fournir un
produit représentant à lui seul
un tiers du marché américain !
Depuis 1982, le centre technique
de Blue Bell en Pennsylvanie a fait
évoluer le produit sans répit.
À l’origine destinée aux combles
perdus et aux greniers non aménagés,
cette laine de verre sans liant est
vite devenue utilisable pour les murs
d’habitation. Les autres producteurs
américains peinent à suivre les
progrès d’InsulSafe, qui fait toujours
la course en tête. Depuis 1997,
cependant, l’éternel concurrent
Owens-Corning suit d’assez près
avec sa propre laine soufflée.
CertainTeed a donc lancé en 2006
InsulSafe Super Premium.
Cette cinquième génération
permet de couvrir 20 % de surface
supplémentaire pour le même
volume. De quoi reprendre une
avance indéniable sur la concurrence.
Au même moment, InsulSafe
CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
INSULSAFE TRAVERSE L’ATLANTIQUE
devient le premier produit
véritablement mondial de l’activité
isolation de Saint-Gobain. En effet,
l’usine d’Isover AB à Billesholm
(Suède) produit sa propre version
depuis 2005. Plus dense que le
produit américain afin de répondre
aux exigences climatiques de l’Europe
du Nord, celui-ci est destiné aux
marchés suédois et finlandais.
Il arrive dans des pays connaissant
déjà la laine soufflée, mais compte
sur ses performances supérieures
pour s’imposer face à la concurrence.
Et depuis 2006, c’est l’Europe
tempérée qui s’y intéresse. Le CRIR a
en effet mis au point une version
« intermédiaire » entre les produits
américain et suédois,à destination
des marchés français et britannique.
D’abord produit sur place, à Rantigny,
InsulSafe sortira dès 2007 de l’usine
d’Orange.
Application de laine soufflée InsulSafe dans des combles.
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Frais émoulu de Polytechnique,
le jeune René Goutte se voit offrir
par Saint-Gobain une bourse pour
passer un an au Massachusetts
Institute of Technology de Boston.
« Une offre qui ne se refuse pas ! ».
En 1961, de retour en France, il
intègre l’usine de Rantigny, lieu de ses
premiers contacts avec le TEL alors
en développement. Durant l’été 1967,
c’est le début du grand voyage. La
direction lui propose de s’occuper de
l’installation des usines de la nouvelle
joint-venture qu’elle vient de créer
avec l’Américain CertainTeed.
L’ensemble de la mission est un
succès (voir « CertainTeed : l’aventure
américaine », p. 83). Mais, en février
1974, un autre défi se profile : le
Japon, où Saint-Gobain vient de
signer une joint-venture avec Nihon
Cement, le deuxième producteur de
ciment nippon. René Goutte part avec
sa famille s'installer à Tokyo. Fort de
son expérience de Rantigny
et de Pennsylvanie, il tient à une
usine dotée d’un sous-sol abritant les
moteurs, les convoyeurs d’évacuation
des déchets, les filtres de lavage des
eaux, les ventilateurs, bref, tous les
systèmes annexes du procédé de
fabrication lui-même. Akeno sera donc
la première usine d’isolation sur deux
niveaux, une solution devenue
standard depuis. Les premiers produits
sortent des chaînes en 1976. Le séjour
tire à sa fin. Après l’épisode japonais,
René Goutte revient aux États-Unis
où il finit sa carrière. L’aventure
japonaise ne fut cependant pas de
tout repos : l’adaptation des produits
aux standards du marché japonais a
été délicate, la gestion des différents
dialectes régionaux du Japon
également, sans compter les surcoûts
de la construction d’une usine aux
normes antisismiques… Au point
qu’Isover décide de se retirer en 1982
d’une joint-venture qui perd de
l’argent, pour redevenir un simple
bailleur de licence. Un aspect a
toujours fonctionné cependant :
la technologie TEL ainsi que ses
différents développements.
Et les résultats en terme de production ne se sont pas fait attendre.
Lorsque l’usine d’Akeno fut prête,
en août 1976, le Japon produisait
75 000 tonnes de laine de verre par an.
À elle seule, la production de Nihon
Glass Wool a atteint 40 % de
ce volume. Les fabricants japonais,
tels Asahi Fiber Glass, Nitto Boseki
et Nippon Sheet Glass, furent très
mécontents d’être attaqués.
La guerre des prix qui a suivi n’a été
profitable à aucune société. Nihon
Cement et Nippon Sheet Glass ont
d’ailleurs fusionné pour mettre fin
à cette guerre. C’est ainsi qu’est né
Nihon Micro-G Wool, rebaptisé MAG
en 1994. Licenciée TEL pour le Japon,
MAG réalise aujourd’hui 41 %
des parts du marché national.
CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
LE JAPON
1
2
1. Usine de Tsuchiura au Japon.
2. Usine d'Akeno au Japon.
3. Le logo Erika décliné en version japonaise.
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LA RENTABILITÉ RETROUVÉE
Au milieu des années 1980, la branche Isolation retrouve
la rentabilité. Avec un procédé qui apporte un avantage significatif
vis-à-vis de la concurrence ainsi qu’un nouveau système
de distribution, la marque Isover affiche désormais sa puissance.
La branche Isolation se lance dans une vaste politique de prise
de contrôle de ses licenciés.
Une distribution améliorée
À partir de 1987, le système de distribution évolue en France
avec la création des dépôts-service. Six grands dépôts, tous
reliés au réseau de la SNCF, couvrent la France. Ils accueillent
tous les produits disponibles sur palette, soit la majeure
partie de la gamme, qui sont immédiatement réexpédiés par
camion au client final. On voit alors apparaître les fameux trains
jaunes d’Isover, les trains les plus longs d’Europe selon la
SNCF. Chacun comporte cinquante-deux wagons découverts
portant seize ou dix-huit palettes Isover, des emballages
répondant aux contrôles de qualité très rigoureux de la SNCF.
Pas question en effet qu’une charge bouge, même lors
du croisement d’un TGV dans un tunnel ! Chaque semaine,
quatre ou cinq de ces géants de près de huit cents mètres sortent de l’usine d’Orange, ainsi que deux cents camions de produits spécifiques.
1
2
1. 2. Les trains jaunes Isover en formation à l’usine d’Orange.
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CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPËTES ET DE L’ADAPTATION
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Du conditionnement jusqu’à l’expédition.
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« Il faut impérativement trouver des
solutions qui apportent des réponses
à la fois aux clients, aux chantiers
et aux usines. » Jacques Chevenard,
directeur de la branche Isolation de
1978 à 1981, ne mâche pas ses mots.
À l’époque, les produits sortent en
vrac de la chaîne de fabrication,
sous forme de rouleaux ou de piles
de panneaux rangés à la main sur des
palettes. Difficiles à manipuler, mal
protégés et encombrants, ils
représentent un cauchemar pour
les transporteurs comme pour les
utilisateurs. Les négociants
demandent des colis manipulables
par des chariots élévateurs,
empilables, protégés de l’humidité…
mais conservant l’emballage unitaire
nécessaire aux utilisateurs et
comportant des indications
d’utilisation claires. La réponse vient
du site d’Orange. Elle émerge en
deux temps. Il s’agit en effet de
prendre en compte toutes les
contraintes techniques, commerciales
et humaines de l’opération.
Refuge des Cosmiques
Détruit en 1983 par un incendie, le refuge des Cosmiques,
situé à 3 613 mètres dans le massif du Mont-Blanc, a été reconstruit
l’année suivante. L’isolation, particulièrement importante dans cet
environnement, a été réalisée avec des produits Isover. Les palettes
de Bicompact Vertical ont été particulièrement appréciées pour leur
aptitude au transport par hélicoptère et leur faible encombrement,
essentiel sur ce piton exigu…
124
En 1979 apparaît un nouveau type
de colis constitué de neuf rouleaux
horizontaux, peu comprimés,
couchés sur une palette en carton
préformée. Le Compact est né. Lancé
officiellement en octobre 1980, il est
protégé par deux brevets en 1981
et 1983. La première ligne équipée
de machines de palettisation démarre
à Orange en mai 1981. Les négociants
apprécient…
Le Compact est protégé des
intempéries, peut s’empiler sur deux
voire trois hauteurs et se manipule
aisément au chariot élévateur.
Un cariste peut ainsi charger un
camion de 288 rouleaux en une demiheure, alors qu’il fallait auparavant
deux heures à deux opérateurs pour
entasser 240 rouleaux non comprimés
dans le même camion.
Le Bicompact, constitué de deux
Compact liés, apparaît bientôt, mais
la formule est encore perfectible.
Le tout nouveau centre de
développement d’Orange s’y
consacre dès 1983. Première idée :
poser les rouleaux verticalement
– il « suffisait » d’y penser –, puis
empiler deux charges sur une palette
en bois et recouvrir le tout d’une
housse de polyéthylène rétractable.
Ce sera le Bicompact Vertical, plus
rigide que son prédécesseur. Entretemps, les concurrents Johns Manville
et Rockwool s’inspirent du Compact
et lancent leurs propres charges
palettisées. Mais la réflexion se
poursuit à Orange.
CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
LA PALETTISATION, UNE « CHARGE » GAGNANTE
en « bout de ligne », sans ralentir
l’ensemble. Finalement, la première
ligne de palettisation démarre à
Orange en janvier 1986. Bientôt, tous
les produits Isover sont livrés sur
palette. Le succès s’étend aux autres
usines du Groupe, en commençant par
l’Allemagne. Les progrès continuent :
avec des taux de compression
sans cesse croissants, on passe
de 18 rouleaux par palette en 1986
à 36 en 1994, et à 41 rouleaux par
palette en 2002 ! Et ce n’est sans
doute pas fini. Isover, à l’origine de la
palettisation sous compression des
produits isolants fibreux, fait toujours
la course en tête avec un taux de
compression sur ses palettes supérieur
de 30 % par rapport à son concurrent
le plus proche.
Finalement, en 1986 apparaît le
Multipack. La solution séduit par sa
souplesse et sa simplicité : panneaux
ou rouleaux unitaires sont une
première fois comprimés à la sortie de
la chaîne de production, puis regroupés
sous une ceinture de polyéthylène qui
les comprime à nouveau. On obtient
alors un « module » de trois rouleaux
(par exemple). Trois modules empilés
constituent une « charge », elle-même
encore comprimée et calibrée. Enfin,
deux charges sont empilées sur une
palette en bois. L’ensemble, haut de
2,5 mètres, est banderolé en film
polyéthylène étirable ou houssé en
film rétractable pour le maintien et
l’étanchéité. Le Multipack est dûment
protégé par des brevets.
Mais il ne suffit pas d’imaginer un
emballage. Encore faut-il disposer
des machines capables de le réaliser
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Chaîne de palettisation Multipack, brevetée par Isover.
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Prise de contrôle des licenciés
LA LIMITE DU MODÈLE
Le Groupe a retrouvé une santé financière et, dans le même
temps, un certain nombre de licenciés sont proposés à la
vente. Autant d’opportunités à saisir… La branche Isolation
recueille les fruits de sa politique de soutien aux licenciés
depuis les années 1950. Ainsi commence une valse de
rachats qui durera deux décennies. Cela commence par
l’acquisition totale, en 1985, du Suédois Gullfiber, dont SaintGobain détenait déjà des parts. L’offensive scandinave se
poursuit avec l’achat d’Ecophon, spécialiste des plafonds
acoustiques, en 1987. L’année suivante, c’est au tour de
Glasuld, licencié danois « historique » puisque lié à SaintGobain depuis l’époque du procédé Hager, puis suivent Ahlström
en Finlande et Vasa en Argentine. Au tout début des années 1990,
le « club des licenciés Sodefive » n’a plus que six membres, tous
les autres sont devenus des filiales de Saint-Gobain. Une
politique qui se poursuit encore aujourd’hui, comme en
témoigne la prise de contrôle de l’activité isolation de Hankuk
Glass en Corée en 2004 (voir « L’aventure coréenne », p. 130)
ainsi que le rachat du licencié turc Izocam en 2006.
La branche Isolation de Saint-Gobain est présente sur presque tous
les marchés ouverts de la planète. Seules possibilités de
développement : les « dragons » asiatiques. Sur ces petits marchés
de niche, Isover subit cependant une concurrence d’un type nouveau.
Une maison danoise isolée avec de la laine de verre Glasuld, 1979.
128
À la fin des années 1980, Isover est plus rentable que jamais.
Que ce soit par ses filiales ou par ses licenciés, la branche
Isolation produit et vend des produits isolants dans la totalité du monde développé. L’Australie vient de rejoindre la famille des licenciés, avec la licence accordée en 1987 à Bradford,
d’accueillir de nouvelles usines ou d’acheter des produits
isolants. Isover a déjà un licencié en Corée. Restent la Thaïlande,
la Malaisie, l’Indonésie et Taïwan. Autant de pays chauds où
la demande d’isolation pour la construction résidentielle
reste limitée. La Sodefive se lance donc dans l’étude des
marchés industriels et tertiaires : plafonds, coquilles,
panneaux pour l’industrie, etc. Tous ces produits réclamant
une fibre plus grosse, un procédé moins sophistiqué que le TEL
suffira amplement. D’autre part, les unités Isover sont conçues
pour produire de grandes quantités de fibres, bien
supérieures aux besoins locaux. Il faut donc proposer de
petites usines dotées de procédés souples et basiques. Or,
à cette époque, les brevets portant sur les principes du TEL
tombent les uns après les autres dans le domaine public.
dont l’usine toute nouvelle d’Ingleburn démarre en 1989.
Isover est devenue le leader mondial de l’isolation, devant OCF.
Que reste-t-il dès lors à explorer ? Où trouver de nouveaux
De nouveaux concurrents apparaissent alors : des sociétés
d’ingénierie qui proposent des unités simples, fondées sur les
procédés centrifuges de première génération, donc libres de
marchés ? Les pays de l’Est sont retranchés derrière le Rideau
de fer et la Chine, bien que montrant quelques signes
droits. Dès lors, les candidats n’hésitent pas. Pourquoi
en effet se lier à Saint-Gobain avec un procédé trop
d’intérêt, tarde à s’ouvrir. Par ailleurs, la demande de
matériaux isolants dépend bien évidemment des conditions
climatiques, mais aussi du niveau de développement d’un
sophistiqué pour les besoins de marchés essentiellement
industriels ? Le service Ingénierie de la branche étudie alors
un outil de production de petite capacité, basé sur des
pays. Exit donc l’Afrique et la partie pauvre de l’Asie. À cette
technologies simples et adapté aux besoins de ces pays : ce
aune, seuls les pays émergents du Sud-Est asiatique, ceux
que l’on appelle alors les « dragons », sont susceptibles
sera l’unité Mini TEL. Elle sera proposée en Égypte ou
en Tunisie, mais ces projets ne se réaliseront pas.
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1
2
L’AVENTURE
CORÉENNE
Contrairement aux idées reçues,
la Corée est un pays plutôt froid.
Elle connaît par ailleurs un fort
développement économique. Deux
bonnes raisons pour qu’un marché de
l’isolation s’y développe. Deux bonnes
raisons aussi pour qu’Isover s’y
intéresse. D’autant qu’un licencié
coréen permettrait, après
l’implantation au Japon, une veille sur
l’ensemble du marché asiatique. En
1979, un premier accord de licence
est signé en ce sens avec la société
Kolon Nylon, spécialiste des textiles
artificiels, accords qui ne sera jamais
mis en application. C’est pourquoi,
en 1982, Saint-Gobain entame des
négociations avec l’unique verrier
130
coréen : Hankuk Glass Industries.
L’accord de licence est signé le 12 mai
1984. Deux ans plus tard, l’usine de la
société créée pour l’occasion, Hankuk
Haniso, démarre à Inchon avec le
procédé TEL. Isover fournit toute
l’assistance technique nécessaire lors
de ses extensions successives, jusqu’à
l’installation d’un deuxième four
électrique en 1994. En janvier 2003,
après avoir décidé de fermer l'usine
d'Inchon, Haniso lance, toujours avec
le soutien d’Isover, un projet de
construction d’usine à Dangjin. Cette
unité, qui porte la capacité de
production de la société à 25 000
tonnes par an, sort ses premiers
produits en mars 2004. Elle fabrique
en particulier des panneaux sandwich
pour l’isolation des bâtiments
industriels. Au début des années 2000,
Saint-Gobain prend le contrôle
du groupe verrier Hanglas, et donc
de sa filiale Haniso. Une opération
intéressante sur un marché coréen
en plein « boom ». En effet, les
mousses, qui représentaient jusqu’à
70 % des ventes de produits isolants
en Corée, sont pénalisées par des
normes plus sévères depuis 2001
à la suite d’une série d’incendies
meurtriers. Produit ininflammable,
la laine de verre gagne depuis lors
régulièrement des parts de marché.
Haniso espère réaliser bientôt
un tiers des ventes du pays.
Quant à l’idée de « tête de pont »
asiatique, elle a également connu un
début de concrétisation en 2004 avec
la création d’un groupe commun
d’achat entre Haniso, Isover China
et MAG, le licencié japonais.
1. Cérémonie d'ouverture de la nouvelle usine, le 2 juin 2004.
2. Ligne de production de l'usine de Dangjin en Corée.
3
3. Usine de Dangjin.
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UNE AUTRE ÉPREUVE
À partir de 1987, Isover doit se battre sur un nouveau front.
Des articles de presse alarmistes répandent en effet la thèse
selon laquelle les fibres de verre et de roche seraient des produits
cancérogènes. Isover et les autres producteurs devront consacrer
beaucoup d’efforts de recherche, et donc d’argent, pour prouver
que l’usage de leurs produits est sûr.
La laine de verre est un produit fiable et sûr.
Dès le milieu des années 1970, des études sur les effets de
la fibre de verre sur la santé voient le jour. L’Association
européenne des industries de l’isolation (Eurima, pour
European Insulation Manufacturer Association) crée un
organisme de recherche sur le sujet, le Joint European Medical
Research Board, en faisant appel à des experts reconnus. Au
programme, des études épidémiologiques confiées au Centre
international de recherche sur le cancer (CIRC), situé à Lyon
en France, des expérimentations animales, des études
d’hygiène industrielle. L’association des producteurs
américains lance un programme similaire.
d’une réévaluation positive en quarante ans. Les produits
Isover sont d’ailleurs certifiés par l’EUCEB (European
Certification Board for Mineral Wool), car ils répondent aux
critères définis par la Commission européenne et repris dans
toutes les réglementations nationales, ce qui les exclut ainsi
de tout classement cancérogène.
Secouée, en pleine crise de croissance, la société sera bientôt
aidée par un événement extérieur inattendu : la chute du
mur de Berlin.
La laine de verre est utilisée depuis plus de cinquante ans dans
le monde entier. Elle fait partie des matériaux les plus
soigneusement élaborés et les plus rigoureusement étudiés.
Les études épidémiologiques, menées en milieu professionnel sur environ 45 000 personnes par des organismes indépendants reconnus, confirment que la laine de verre ne présente
pas de risques particuliers pour la santé. Pour cette raison, et
sur la base de plus de mille publications scientifiques, le
Centre international de recherche contre le cancer a fait
évoluer favorablement le classement des laines de verre et de
roche vers le groupe qui comprend des produits aussi
couramment utilisés que le thé ou la caféine. Cette décision
est exceptionnelle : seulement cinq produits ont fait l’objet
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CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
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Des essais à l’échelle industrielle ont eu lieu en Suisse (Lucens, 1953-1955), en Afrique du Sud (Springs Fibreglass South Africa,
1956-1957), en France (Rantigny, 1956) et au Danemark (Kastrup, 1956). La première ligne industrielle opérationnelle
a démarré en 1956 à Kastrup chez Dansk Superfos.
Date de
Usines - Pays
démarrage
Sociétés
1956
1957
Kastrup - Danemark
Dansk Superfos
Fermée
France - Rantigny
Saint-Gobain Isover
Fermée
Springs - Afrique du Sud
Fibreglass South Africa
Isover
Soraker Suède
Gullfiber
Fermée
Stockerau - Autriche
Linzer Glasspinnerei
Isover Austria
Lucens - Suisse
Fibriver (SG)
Isover CH
Bergisch Gladbach - Allemagne
Grunzweig+Hartmann (SG)
Isover G+H
Karhulä - Finlande
Ahlström
Fermée
Saint Helens - Grande-Bretagne
Pilkington Insulation Ltd.
Knauf
Askim - Norvège
A/S Glassvatt
Vidalengo - Italie
Balzaretti Modigliani (SG)
Billeshölm - Suède
Gullfiber
Etten-Leur - Pays-Bas
Glaceries de Saint-Roch (SG)
Isover Benelux
Azuqueca - Espagne
Fibras Minerales SA (SG)
Isover España
Llavallol - Argentine
Vasa
Isover Argentina
Santo Amaro – Brésil
Santa Marina
Isover Brasil
Stjordal - Norvège
A/S Glassvatt
Thane - Inde
Fiberglass Pilkington (FGP)
Fermée
Ruukki - Finlande
Ahlström
Fermée
Inophyta - Grèce
Monyal
Fermée
Téhéran - Iran
Iran Glass Wool
Fermée
Gebze - Turquie
Izocam
Roche (REX)
Mountaintop – États-Unis
CertainTeed Saint-Gobain
Berlin - États-Unis
CertainTeed Saint-Gobain
1959
1960
1961
1962
1964
1965
1966
1967
1968
134
Statut actuel
Date de
Usines - Pays
démarrage
Sociétés
Statut actuel
1971
1972
1973
1975
Forssa - Finlande
Ahlström
Isover Oy
Orange - France
Isover
Speyer - Allemagne
Grunzweig+Hartmann
Isover G+H
Athens - États-Unis
CertainTeed Saint-Gobain
Pont-y-Felin - Royaume-Uni
Pilkington Insulation Ltd
Knauf
Akeno - Japon
Nihon Glass Wool
MAG
Kansas City - États-Unis
CertainTeed Saint-Gobain
Shiraz - Iran
Iran Glass Wool
Chowchilla - États-Unis
CertainTeed Saint-Gobain
Shuaiba - Koweït
KIMMCO
Hyvinkää - Finlande
Ahlström
Isover Oy
Vamdrup - Danemark
Glasuld Superfos
Isover A/S
Chalon-sur-Saône - France
Isover
Inchon - Corée
Hankuk
Isover Italia
Tarsus - Turquie
Izocam
Isover AB
Candiac - Canada
Fiberglass Canada
Tsuchiura - Japon
MAG
Ingleburn - Australie
Bradford
Fermée
1976
1978
1979
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1996
1998
1999
2003
2004
2007
Zhuhai - Chine
CSR Guangdong
Runcorn - Grande-Bretagne
British Gypsum Isover
Sunagawa - Japon
MAG
Ardfinnan - Irlande
Moy Isover
Gliwice - Pologne
Gullfiber Polska (SG)
Lübz - Allemagne
Isover G+H
Yegorievsk - Russie
Isover Oy
Dangjing - Corée
Hankuk Haniso
Ambernath - Inde
UP Twiga
Ploiesti - Roumanie
Isover Romania
CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPÊTES ET DE L’ADAPTATION
DÉPLOIEMENT DU PROCÉDÉ TEL
À L’INTERNATIONAL
Fermée
Fermée
Isover UK
Isover Polska
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CHAPITRE 3 - - LE TEMPS DES TEMPETES ET DE L’ADAPTATION
LES IMPLANTATIONS
MONDIALES DE L’ACTIVITÉ
ISOLATION (AVRIL 2007)
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CHAPITRE 4
Un monde s’ouvre
Poursuite de la politique clients
Naissance d’une marque mondiale
Le TEL repousse encore ses limites
Nouvelles frontières
Répondre à un problème planétaire
LE REBOND
ET LES NOUVEAUX
DÉFIS
La dernière décennie du XX e siècle s’ouvre sur d’importants défis :
les frontières s’ouvrent à l’Est et la protection de l’environnement
devient une préoccupation de premier plan. Les engagements du
protocole de Kyoto et la nouvelle crise pétrolière changent la donne :
l’isolation devient l’une des principales mesures contribuant à réduire
la consommation d’énergies non renouvelables et donc les émissions
de gaz à effet de serre. C’est la croisade d’Isover pour le XXI e siècle…
139
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1993
2004
Le Rideau de fer est tombé. Un monde
s’est ouvert et la branche Isolation de SaintGobain entame son implantation dans les pays
de l’Est, où les besoins en matière d’isolation
sont immenses. Premiers marchés concernés :
la Pologne (création de Gullfiber Polska) et les
pays baltes (ouverture des représentations en
Lettonie, en Lituanie et en Estonie).
Depuis 1986, la recherche de Saint-Gobain tente de « fibrer »
de la roche, ou du verre résistant aux hautes températures, avec
le procédé TEL. Une avancée indispensable pour les applications
navales et industrielles. En 2004, la nouvelle génération
de laine de verre ULTIMATE est lancée. Depuis, elle accumule
les succès et les médailles.
1998
2005
Signature le 16 mars du protocole de Kyoto
(Japon). Le monde prend conscience du
changement climatique et de l’ampleur
de ses conséquences prévisibles si rien n’est fait
pour diminuer l’émission de gaz à effet de serre.
L’isolation des bâtiments, qui permettrait
d’épargner chaque année des millions de barils
de pétrole, devient un enjeu planétaire.
2000
La mondialisation est une réalité, Isover en prend
note. Toutes les filiales de l’isolation portent
désormais le même nom et partagent le même
logo jaune, avec son « O » caractéristique, dévoilé
fin 1999 au salon Batimat de Paris. Isover devient
une marque mondiale.
140
Saint-Gobain acquiert le groupe British Plaster
Board, leader mondial des plaques de plâtre et
du plâtre. Les deux activités (Isolation et Gypse)
se complètent parfaitement, tant du point de vue
des produits que des implantations géographiques.
Le plus grand groupe mondial de l’aménagement
intérieur vient de naître.
2006
Isover lance la « Maison Multi-Confort ».
Combinant isolation thermique optimale,
fenêtres isolantes, récupération de chaleur
et sources d’énergies renouvelables, cette maison
fraîche en été, chaude en hiver et protégée
du bruit toute l’année ne consomme pas plus
d'énergie qu'elle n'en produit.
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
UN MONDE S’OUVRE
Lorsque le mur de Berlin s’effondre en 1989, un immense marché
s’ouvre pour Isover. Tout est à créer à l’Est : une culture
de l’isolation, des moyens de distribution et de production.
Pologne, République tchèque, pays baltes, Hongrie et Russie
entrent tour à tour dans le champ d’action de la branche Isolation.
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, les Berlinois font
tomber le « mur de la honte » qui coupait leur ville en deux
depuis 1961. C’est le point d’orgue du démantèlement du
Rideau de fer qui sépare les deux blocs depuis la guerre. Les
Hongrois avaient entamé cette destruction le 2 mai 1989, en
s’attaquant à la frontière fortifiée qui les séparait de l’Autriche.
Prélude à la Révolution de velours de novembre-décembre…
Le processus ainsi engagé s’achèvera en décembre 1991 par
la démission de Mikhaïl Gorbatchev, dernier président de
l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). Le
Pacte de Varsovie est caduc. L’URSS n’est plus, place à la
Communauté des États indépendants (CEI).
Pour Isover, la chute du Mur représente un événement
fondateur : un monde jusque-là inaccessible s’ouvre. Un monde
de pays froids et développés, mais dont le parc immobilier est
vétuste. Les besoins en isolation sont immenses.Tout est à faire,
et d’abord créer une culture du confort, des économies
d’énergie, donc de l’isolation, chez des populations
habituées à des logements vétustes et une énergie quasi
gratuite. Il existe certes des fabricants de produits isolants dans
certains de ces pays, mais ils exploitent en général des
technologies obsolètes. Certains sont d’ailleurs d’anciens
licenciés Hager en Europe centrale, séparés d’Isover par la guerre
et isolés depuis derrière le Rideau de fer. La Sodefive étudie
ces marchés potentiels, et cette structure devient ipso facto
un véritable outil de développement international.
142
Transports Isover.
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
Elle s’en acquittera - tout en poursuivant sa mission de
soutien des licenciés - jusqu’à sa dissolution à la fin de 1997.
La Sodefive décide de miser sur les liens historiques des pays
de l’Est avec les grandes nations voisines d’Europe de l’Ouest,
même si ces liens ont été mis en sommeil plusieurs
décennies durant. C’est ainsi qu’un groupe de travail formé
de la Sodefive, de représentants de la société allemande
Isover G+H et d’Isover Suède (ex-Gullfiber) prend en charge
l’étude de ces pays. Gullfiber Polska naît en 1993 et, trois ans
plus tard, rachète une usine de laine de roche située à Gliwice,
près de Katowice. Avec l’ajout d’une nouvelle ligne TEL et la
modernisation de la ligne roche, elle devient le leader du
marché polonais, et exporte ses produits vers l’Ukraine, la Russie,
la Lituanie, la Biélorussie ainsi que les Républiques tchèque
et slovaque. La partition de la Tchécoslovaquie a en effet eu
lieu le 31 décembre 1992. En février 1996, G+H (Allemagne)
rachète Orsil, une société tchèque de laine de roche. Après
une sérieuse modernisation de son outil de production,
cette société est maintenant devenue exportatrice.
Pour la Russie, c’est Isover Oy, l’ancien licencié finlandais
devenu filiale en 1994, qui servira de base à la conquête de
cet immense marché. Avant qu’une usine y soit implantée…
mais ce sera pour plus tard. En 1991, lors de la dissolution
de l’URSS, les pays baltes décident de rejoindre l’Union
européenne. Deux ans plus tard, Isover Oy ouvre
ses représentations lettone, lituanienne et estonienne.
Là encore, le premier travail consiste à faire connaître
les bienfaits de l’isolation au plus large public dans ces pays
1
3
2
très froids. Pendant cinq ans, les représentants d’Isover
parcourent les salons professionnels, rencontrent les
autorités, multiplient les campagnes de publicité. Un travail
qui portera ses fruits, puisque, aujourd’hui, l’activité isolation
de Saint-Gobain a des positions incontournables sur ces
trois marchés.
1. Publicité polonaise, 2005.
2. Usine de Gliwice en Pologne.
3 et 4. Usine de Saint-Gobain Orsil en République tchèque.
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2
3
1
1. Maison de la Danse, connue sous le nom de « Fred & Ginger », Prague,
République tchèque. Architectes : Vlado Milunic et Franck Gehry.
2. Siège social du Groupe Agora, Varsovie, Pologne.
3. Stade Allianz Arena, Munich, Allemagne. Architectes : Jacques Herzog
et Pierre de Meuron.
4. Salle de conférence, Moscou, Russie. Architecte : Konovalov Yurij N.
5. Tour Turning Torso, Malmö, Suède. Architecte : Santiago Calatrava Valls.
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4
5
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
POURSUITE
DE LA POLITIQUE CLIENTS
En 1990, Isover lance, en France, la « carte des services ».
Elle garantit des livraisons toujours plus rapides, plus souples,
plus réactives. La société ne vend plus de la laine de verre,
mais propose désormais des « solutions » complètes, de l’aide
initiale à la décision au système isolant avec ses accessoires.
Le sens du service
En 1990, Saint-Gobain Isover s’engage dans le domaine de la
logistique et du service clients en lançant la « Carte des
services ». Pour les négociants, c’est la garantie d’un service
codifié, fiable, avec des délais garantis. Le gage d’une plus grande
souplesse, aussi, puisqu’ils peuvent choisir sans frais
supplémentaires le type de service qui leur convient.
De manière générale, Isover s’appuie sur la palettisation et sur
ses nouvelles structures de distribution pour garantir
la livraison en quarante-huit heures, puis sous vingt-quatre
heures à partir de 1998. Les engagements se renforceront en
effet avec le temps. Au gré de la carte, on trouve par
exemple le « service chantier », qui consiste à livrer
directement à l’utilisateur final plutôt qu’au distributeur
Le temps est loin, aussi, où Isover vendait des produits isolants en
laissant aux clients le soin de déterminer comment ils les utiliseraient. Dès les années 1970, Isover a développé la connaissance sur les problèmes d’économies d’énergie par l’idée,
notamment, d’épaisseur rentable d’isolation ou le lancement
de la certification R. Depuis les années 1990, Isover propose
désormais des « solutions ». Le premier acte de la vente consiste
d’aileurs à aider le client à formuler sa demande. Qu’il soit négociant, utilisateur, architecte ou chef de chantier, il trouvera un interlocuteur qualifié pour cela. En Allemagne, par exemple, il existe
une assistance technique téléphonique, Isover Dialog, qui est
essentiellement consultée par les architectes et les concepteurs.
lequel a pourtant acheté le produit à Isover. Le négociant est
donc dispensé de livrer à son propre client… Le fin du fin en
matière de délais de livraison est le « rendez-vous chantier »,
mis en place en 1998. Les palettes se déchargent en effet avec
des grues ou des chariots élévateurs, des engins que les
responsables de chantier louent à l’heure. Autant dire que la
ponctualité de la livraison est ici un gage d’économies pour
le client. Ce service est poussé à l’extrême en Finlande, où les
chauffeurs de camion sont reliés par téléphone aux chantiers
destinataires. Aléas de la circulation ou changement de
Publicité lancée au Royaume-Uni en 2006 :
« Depuis 1665, le client a toujours été roi. »
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direction de dernière minute : tout peut s’arranger.
Cartes des services Isover en 1990 et 2005.
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Le développement des systèmes
de France. Comment éviter que les spectateurs d’une bande
muette de Buster Keaton subissent la bande-son du film
catastrophe de la salle voisine ? La solution proposée par
Isover donne naissance, en 1997, à Technostar, un ensemble
mêlant une ossature métallique, différentes laines de verre
et des parements en plaques de plâtre. Performante,
démontable et rapide à mettre en œuvre, la cloison Technostar
a été installée dans des dizaines de salles multiplex.
Elle poursuit une carrière internationale au Danemark, puis
en Belgique, aux Pays-Bas, au Brésil, au Maroc, en Bulgarie et,
plus récemment, en Chine.
Enfin, les produits eux-mêmes évoluent. Après la restructuration des années 1980, qui s’est faite par un recentrage sur
les métiers de la laine de verre, la stratégie commerciale évolue dans les années 1990-2000. Isover propose désormais
une large gamme de produits isolants : laines minérales,
mousses, chanvre… et développe de plus en plus de
« systèmes ». Les matériaux isolants sont ainsi intégrés dans
des structures plus ou moins complexes, avec leurs accessoires de fixation (systèmes Optima, Climaver, Vario…). En témoigne par exemple la cloison Technostar. En 1991, Pathé
construisait l’un des premiers ensembles de cinéma multiplex
1
CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
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2
1. La membrane climatique Vario associée à un isolant permet d'optimiser
la performance thermique des parois.
2. Réalisation d'un système de climatisation avec les conduits
autoporteurs en laine de verre Climaver.
3. Le système Optima associe isolation en laine de verre, ossature
métallique, accessoires et plaques de plâtre.
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Montage d’une cloison Technostar.
Plafonds Écophon pour le traitement acoustique des bureaux.
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1
1. Schémas d’isolation acoustique.
2. Publicité estonienne, 2003.
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3. Salle de concert, Association musicale de Vienne, Autriche.
Architecte : Wilhelm Holzbauer.
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
CONTACT
CONFORT !
Désireux de suivre les demandes du
marché et soucieux de l’amélioration
du confort de l’utilisateur lors de
la pose de laine de verre, le centre
de développement d’Orange a mis
au point, en un an et demi, le produit
Contact. Il se présente comme un
matelas « classique » de laine de
verre en rouleau, si ce n’est qu’il
est revêtu d’un film de polypropylène
extrêmement souple et doux. Le
matériau du film provient en droite
ligne des couches pour bébé.
L’utilisateur n’a désormais plus
de contact avec la laine de
verre en usage courant. Un succès
immédiat chez les artisans,
qui peuvent désormais poser la laine
de verre sans gants. Contact est
adapté dans de nombreux pays
(par exemple, Comfort en Finlande
et Integra Comfort en Allemagne).
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
NAISSANCE D’UNE MARQUE
MONDIALE
Un même nom pour toutes les filiales dans le monde,
une seule marque pour tous les produits, un nouveau logo.
En 1999-2000, Isover change de visage et devient véritablement
un groupe mondial intégré. Et la recherche suit le mouvement.
Synergies commerciales
À la fin des années 1990, les équipes marketing des sociétés
de la branche Isolation à travers le monde prennent acte de
la mondialisation, de ses conséquences et de ses
opportunités. Travaillant avec des marques différentes,
historiques, elles décident d’afficher désormais une même
marque mondiale. Après études et discussions, ce sera…
Isover, avec un nouveau logo adapté à l’époque.Ainsi, au-delà
du visuel, les équipes Isover exploitent le potentiel de
synergies internationales et multiplient les échanges de
bonnes pratiques. Le client, en première place, bénéficie tout
de suite des expériences réussies à l’autre bout du monde ainsi
que de la taille du Groupe. La première apparition du logo
a lieu à Batimat Paris, salon européen de la construction, en
novembre 1999. Lors d’une grande soirée, les équipes et
principaux clients venus du monde entier ressentent l’esprit
de famille mondiale. Désormais, toutes les filiales d’Isover
porteront le même nom et arboreront les mêmes couleurs, en
l’occurrence le jaune. Le nouveau logo est dévoilé à l’occasion,
avec un « O » caractéristique. Certaines nuances locales sont
toutefois maintenues ; ainsi, Eurocoustic en France, Orsil en
République tchèque ou Haniso en Corée conservent leur nom,
mais utilisent le jaune et le « O » qui les rattachent à la famille.
Aujourd’hui, la marque mondiale Isover est un atout
qu’il faut préserver et surtout faire connaître aux nouvelles
158
générations de clients. D’importants investissements en
communication ont encouragé le lancement de la marque
mondiale ; ils sont toujours d’actualité dans de nombreux pays.
Synergies R&D
À son échelle, la recherche d’Isover suit le même chemin.
Les trois centres de Rantigny (France), Ladenburg (Allemagne)
et Blue Bell (Pennsylvanie, États-Unis), ainsi que tous les
centres de développement produits situés dans les usines,
travaillent avec plus de cohérence depuis janvier 1999, date
de lancement du projet « 2i », pour « Isover International ».
Le but est de définir une méthode de travail qui permette de
trouver un équilibre entre une coordination centrale efficace
et la créativité locale. Une organisation « matricielle » est donc
mise sur pied. Plus concrètement, la recherche se fait
désormais sur projets, et des outils de communication sont
mis en place de façon à ne former qu’un seul centre virtuel.
Voit ainsi le jour un « intranet technique », support des espaces projets de R&D, des bases de données et modèles
nécessaires à la gestion des usines.Véritable outil structurant
la branche Isolation, cet « Isoline » sera étendu peu à peu à
toutes les fonctions de l’entreprise. Des méthodes de
validation communes sont également définies, afin de ne
pas se lancer dans des projets sans débouché commercial ou
industriel.
Le logo fédérateur d’Isover.
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LE TEL REPOUSSE
ENCORE SES LIMITES
Les ingénieurs n'ont toujours pas renoncé à fibrer des matériaux
résistant aux hautes températures. Après dix années de
recherche, la nouvelle génération de laine de verre ULTIMATE,
lancée en 2004 , est une réussite. Peut-être parce qu'il s'agit
du TEL encore une fois amélioré.
Avec les brûleurs et la couronne de soufflage, l’assiette est
l’organe le plus important du procédé TEL. C’est elle qui
détermine pour une large part la capacité du procédé
et la qualité de la fibre. C’est donc l’assiette de fibrage qui
profite de la majeure partie de l’effort de développement.Ainsi,
l’augmentation des débits se concrétise en 1983 par
l’apparition d’une assiette de 800 millimètres permettant une
tirée de plus de 30 tonnes par jour et par assiette. Le TEL
est donc « imbattable » pour fabriquer de la laine de verre
destinée à l’isolation des bâtiments. Un marché important
échappe cependant à ses produits : l’isolation d’installations
sous haute température, domaine de la laine de roche. En 1986,
la direction technique de la branche Isolation demande au CRIR
s’il est possible de fibrer de la roche avec le TEL. Il s’agit
essentiellement de trouver un superalliage suffisamment
résistant à la chaleur pour confectionner l’assiette. C’est le
début du projet THT, pour TEL Haute Température.
Définition des assiettes, choix et brevet de la composition
verrière réfractaire adaptée, amélioration des brûleurs, tout
y passe. Résultat : on peut obtenir des produits plus résistants
à la chaleur que la laine de verre, aussi résistants
mécaniquement, voire plus, que la laine de roche, mais aussi
légers que la laine de verre. L’intérêt pour l’isolation
d’installations industrielles ou la protection contre le feu est
évident.
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Le projet ULTIMATE est lancé. Il aboutira en 2004. La laine de
verre ULTIMATE présente en effet d’excellentes performances dans les hautes températures, ce qui la prédispose à toutes les applications de résistance au feu. Elle permet d’offrir
des solutions d’isolation au feu pour 30, 60,
120 minutes et plus, ou de passer des « tests 1000 °C ». Elle
est également bien adaptée aux applications pour lesquelles
une température de service entre 500 et 700 °C est requise.
C’est un excellent isolant thermique et acoustique, élastique
et compressible, et surtout… deux fois plus léger que la laine
de roche. Un « détail » important pour l’un de ses marchés de
choix : l’isolation des navires, où chaque tonne gagnée se
traduit par des économies de carburant.
Outre l’isolation technique des navires et installations
industrielles, ULTIMATE est également adapté à la protection
des bâtiments contre le feu. La production industrielle démarre
en 2003 à l’usine allemande de Lübz et ULTIMATE se fait
rapidement remarquer. Le produit reçoit le prix ISO 2004 de
l’innovation lors de l’exposition de Wiesbaden en Allemagne,
en mars 2004. En 2006, c’est la première grande consécration
commerciale : la plupart des protections antifeu du stade de
Munich, qui accueille la Coupe du monde de football, sont
fabriquées en ULTIMATE par Saint-Gobain Isover G+H.
Les références dans la marine commencent à voir le jour en
Allemagne, tel le Norwegian Jewel au chantier naval Meyer
Werft, puis dans d’autres pays en Europe. Par ailleurs,
une production pilote de coquilles ULTIMATE démarre
en janvier 2006 dans l’usine de Bergisch Gladbach. C’est
à nouveau un succès sur le marché, immédiatement
récompensé par le prix du meilleur produit ISO 2006 à
Wiesbaden. Un investissement industriel à Bergisch
au début de 2007 est décidé pour une production de
coquilles fabriquées exclusivement en ULTIMATE. En
2007, une ligne ULTIMATE démarrera à Tarui, au Japon.
Plafond incliné avec ossature bois, isolé avec ULTIMATE.
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
1. 2. Portes coupe-feu et conduits de ventilation isolés avec ULTIMATE.
3. Isolation de bâtiments industriels nécessitant une résistance au feu.
1
3
Ligne de production ULTIMATE à l'usine de Lübz, en Allemagne.
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NOUVELLES FRONTIÈRES
Isover conquiert toujours de nouveaux territoires.
En Russie, où elle construit une usine, aux États-Unis,
où le marché est en pleine expansion. Mais surtout,
des pays-continents s’ouvrent enfin en Asie :
la Chine et l’Inde, avec chacune plus d’un milliard d’habitants
et des besoins incommensurables.
Peter Dachowski, directeur de la branche Isolation entre 1996
et 2004, le réaffirme en 1999 : la priorité d’Isover est le
développement aux États-Unis et en Europe de l’Est. Dix ans après
la chute du Mur, l’Est reste donc un territoire de conquête. Il s’agit
en particulier de poursuivre la pénétration du marché russe.
Dans les années 1990, Isover y vendait des produits fabriqués
ailleurs, en Pologne, en Finlande et même en Chine. Mais un
projet se fait jour, qui se concrétise en 2002 : installer une usine
de production près de Moscou. Isover Russie rachète donc une
ancienne usine de béton préfabriqué dans la ville de Yegorievsk
et la reconstruit de fond en comble. La Banque européenne pour
la reconstruction et le développement (BERD) participe au
projet, consciente de son importance économique pour toute la
région. L’usine de Yegorievsk, qui a démarré à l’été 2003, est
De l’autre côté du monde, en Extrême-Orient, un pays-continent s’est enfin ouvert : la Chine. Plus d’un milliard d’habitants, un climat rigoureux dans une grande partie du pays, des
besoins en isolation incommensurables. Mais existe-t-il un
marché chinois ? Les logements y sont attribués par l’État qui,
en outre, fournit gratuitement le chauffage et l’électricité.
Dans ces conditions, la demande d’isolation dans l’habitat est
inexistante. Le pays évolue cependant à très grande vitesse, et
il importe d’y prendre pied. Isover crée donc en 1996 une jointventure avec un partenaire local, Beijing Fiberglass Reinforced
Plastics Factory. Saint-Gobain Isover Beijing vise avant tout le
marché des grands bâtiments officiels ou techniques, ainsi
que celui des chemins de fer : chaque année, plus de deux mille
wagons sont construits et isolés avec de la laine de verre fabriquée dans l’usine de Pékin. Mais cette usine est condamnée par
la politique d’aménagement de la Ville de Pékin dans l’optique
des Jeux olympiques de 2008. Isover revend donc cette unité
à son ancien partenaire et rachète au début de 2004 une
autre société à Guan, à une cinquantaine de kilomètres au sud
de Pékin. Une deuxième usine, située à Yixing près de Shanghai,
sera acquise peu après.Avec un troisième site près de Hong Kong
opéré en partenariat avec Bradford Insulation, son licencié
australien, Isover a mis en place un dispositif modeste en capacité, mais qui pourra être rapidement développé le jour où
la Chine s’éveillera à l’isolation.
Avec une population comparable à celle de la Chine, une
économie elle aussi en plein développement, l’Inde est l’autre
géant asiatique. Pour l’aborder, Isover revient à sa « traditionnelle » politique de licences. Les premiers accords sont signés
avec UP Twiga, un fabricant de laine et de voile de verre, puis avec
Rockwool India, un fabricant de laine de roche, en juillet 2005.
Quant aux derniers espaces libres sur la carte du monde, qui
correspondent à quelques pays émergents où Isover n’est pas
encore présent, ils s’effacent peu à peu, à l’instar de l’Afrique du
Sud, où Isover s’implante en 2007 en prenant une participation
dans son ancien licencié, qui avait été racheté en 1996 par OCF.
aujourd’hui la deuxième plus grosse unité de production de
laine de verre d’Europe.
Autre terre d’expansion à l’ouest : les États-Unis. La croissance
économique soutenue du pays dope la demande de logements
neufs, et de nouvelles lois sur l’isolation contribuent au
développement du marché. Pour son trentième anniversaire,
en 1998, CertainTeed Insulation Group lance un plan de
développement ambitieux. La plus grande ligne de production
de laine de verre au monde est alors lancée à Kansas City, avec
une capacité annuelle de 90 000 tonnes ! Il s’agit à l’époque
du plus grand investissement industriel réalisé par le groupe
Saint-Gobain.
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Aéroport international de Pékin, Chine.
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
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1. Usine de Yegorievsk en Russie, vue du ciel.
2. 3. Lignes de production.
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
RÉPONDRE À UN PROBLÈME
PLANÉTAIRE
Réchauffement climatique, nouveau choc pétrolier :
en ce début de XXI e siècle, il devient urgent de réduire
les émissions de gaz à effet de serre et la consommation
planétaire d’énergies non renouvelables. L’isolation
des bâtiments apporte une contribution majeure.
Isover s’engage dans une bataille à la fois commerciale
et environnementale.
Le 16 mars 1998, le protocole de Kyoto (Japon) était ouvert
à la ratification. La plupart des pays développés s’engageaient
à ramener d’ici à 2010 leurs émissions de gaz à effet de serre
en deçà de leur niveau de 1990. Après ratification par la plupart des signataires, à l’exception notable des États-Unis et
de l’Australie, l’accord est en vigueur depuis 2005. Tous les
spécialistes du climat s’accordent à le dire : il y a urgence.
À cela s’ajoute, depuis le printemps 2003, une nouvelle flambée des prix du pétrole. Or, pour prendre l’exemple de l’Europe,
le parc immobilier représente à lui seul 40 % de la consommation totale d’énergie et un quart des rejets de gaz carbonique ! Autant dire que l’efficacité énergétique a le vent en poupe.
De préoccupation individuelle, elle est devenue depuis quelques années un véritable enjeu planétaire.
Les chiffres sont en effet impressionnants. Les déperditions
d’énergie des bâtiments neufs ont été divisées par quatre en
trente ans grâce aux réglementations et normes successives
d’isolation. Cela ne concerne cependant que les constructions récentes : la majeure partie du parc existant a été
construite sans isolation, ou selon des normes dépassées.
Eurima, l’association européenne des fabricants de produits
isolants, a édité en 2006 une étude selon laquelle la mise aux
normes actuelles de l’ensemble du parc immobilier de l’Union
Campagne du collectif Isolons la Terre contre le CO2 :
« Bâtiments mal isolés, planète en danger.»
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Européenne ferait économiser 3,3 millions de barils de pétrole
chaque jour.
Campagne publicitaire en Scandinavie.
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ISOLONS LA TERRE
Pour limiter l’ampleur du
réchauffement climatique inéluctable
et respecter les engagements de
Kyoto, l’Europe devra diviser
par quatre l’émission de gaz
carbonique par habitant d’ici à 2050.
En 2003, en France, huit industriels
concernés, dont quatre sociétés du
Groupe – Isover, Ecophon, Eurocoustic
et Saint-Gobain Vitrage – lançaient
le collectif « Isolons la Terre contre
le CO2 », à partir d’un constat tout
simple : les réglementations actuelles
ou en préparation ne suffiront
pas à atteindre cet objectif.
Le collectif propose de lancer
un plan national sur quarante-cinq
ans prévoyant de réduire de 15 %
tous les cinq ans la consommation
des bâtiments neufs. Il faudra aussi
rénover et mettre aux normes quatre
cent mille logements tous les ans,
en imposant l’usage de matériaux
aussi performants que ceux qui sont
employés dans le neuf. Autre idée :
afficher la consommation énergétique
des bâtiments. Tout cela supposera
évidemment des incitations
financières et fiscales. La France
n’étant pas la seule concernée,
le collectif a déjà fait des émules
en Belgique (Isoterra) et aux Pays-Bas
(Spaar het Klimaat).
lancer l’association Effinergie.
Inspirée de démarches similaires
en Suisse (Minergie) et en
Autriche-Allemagne (Passivhaus),
l’association veut élaborer un
label national du bâtiment
et promouvoir les constructions
à basse consommation d’énergie.
Le but final est d’arriver à un
bâtiment à « zéro énergie », qui
produit autant d’énergie qu’il en
consomme, voire à énergie positive.
Sur un plan plus technique, Isolons
la Terre s’est associé à des
collectivités locales, à des centres
techniques et à des banques pour
Campagne publicitaire du collectif Isolons la Terre contre le CO2
sur la nécessaire réduction des gaz à effet de serre émis par les bâtiments.
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En comprimant la laine de verre, Isover limite l’espace de stockage, réduit
les mouvements de transport et l’impact sur l’environnement. Ainsi, sur une
période de cinquante ans, l’énergie économisée grâce à la laine de verre
peut représenter plus de cent fois celle qui a été nécessaire à sa production.
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La laine de verre est recyclable à 100 %. Fabriquée à partir de sable
et de verre recyclé (jusqu’à 80 % de calcin), elle présente un bilan
environnemental très positif. Elle préserve l’environnement du début
à la fin de son cycle de vie, et offre plus de confort et d’économies
aux occupants des bâtiments qu’elle isole.
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L’isolation peut diminuer la consommation d’énergie et l’émission concomitante de gaz à effet de serre… tout en améliorant
le confort à l’intérieur des bâtiments. Il s’agit là d’une situation rare où tout le monde peut gagner.
Un collectif d’industriels européens concernés a donc lancé
diverses actions pour faire évoluer une réglementation
encore trop timide (voir encadré « Isolons la Terre », p. 173).
Ainsi, la directive européenne sur la performance énergétique
des bâtiments (2202/91/CE), édictée en décembre 2002 et
entrée en vigueur en janvier 2006, pour prendre en compte
les engagements de Kyoto, ne concerne que les immeubles neufs
ou la rénovation de bâtiments de plus de mille mètres carrés.
Autant dire que la quasi-totalité des maisons individuelles et
des petits locaux industriels et commerciaux « passent à travers » ; or ils représentent 90 % des économies possibles.
Ce n’est pas un hasard non plus si l’édition 2005 de Batimat
a choisi pour thème le développement durable. Saint-Gobain
a construit pour l’occasion un pavillon appelé « Aujourd’hui
pour demain », basé sur l’usage rationnel de l’énergie et des
ressources rares ainsi que sur le souci du confort pour tous à
l’intérieur des bâtiments. L’environnement sous tous ses
aspects apporte de nouveaux thèmes de travail aux centres
de recherche du Groupe. Car, si l’application des produits
actuels peut largement dépasser les exigences réglementaires,
il y a encore du chemin à faire. Par exemple, trouver des
solutions pour la mise à niveau de l’habitat ancien. Il est
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nécessaire de développer des isolants présentant la même
efficacité avec une épaisseur moindre que les produits actuels,
car la place manque. Le respect de l’environnement suppose
aussi une vision globale de la vie d’un produit, de la production des matières premières à son recyclage en fin de vie.
Au niveau mondial, la question de l’isolation des bâtiments
deviendra d’autant plus cruciale que des pays comme la
Chine et l’Inde vont, fort légitimement, vouloir rattraper le
niveau d’activité et de confort des pays développés. Cela
impliquera, inévitablement, une forte croissance de leur
consommation d’énergie et de leurs rejets de gaz à effet de
serre. Une fois encore, comme durant la crise pétrolière
des années 1970, Isover se trouve en phase avec une
préoccupation planétaire et a la chance de vendre un produit
qui contribue vraiment à une solution. Pour les équipes Isover,
aider à combattre le réchauffement climatique est devenu
une véritable mission.
1. Chez Isover, la sécurité est une priorité absolue, vécue et appliquée
par les équipes dans tous les domaines de l'entreprise.
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2. Publicité suédoise : « Ça vaut de l'or ! »
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Les mesures montrent que l’eau
chaude, l’électroménager et l’éclairage
ne représentent que 25 % de la
consommation moyenne des
bâtiments en Europe. Le chauffage
pèse, à lui seul, 75 %. Cette
répartition très déséquilibrée a une
cause : l’isolation défaillante.
La chaleur s’échappe à l’extérieur
en hiver, et la fraîcheur ne reste pas
en été. Résultat, la demande d’énergie
est toujours plus élevée.
En améliorant l’enveloppe isolante,
il est possible de limiter les pertes
d’énergie et donc de réduire la
consommation. Mais nous pouvons
faire mieux et aller jusqu’à une
réduction de 75 à 90 %. Comment ?
En changeant radicalement notre
approche dans les modes de
construction et en utilisant les
énergies renouvelables.
C’est le concept de la « Maison
Multi-Confort » lancé par Isover.
Il ne s’agit pas d’évoquer des
constructions futures, mais bel et bien
des habitations existantes,
« en service » en ce moment même,
ici et là en Europe. Grâce à un choix
de composants « passifs » très
performants – fenêtres superisolantes,
systèmes de récupération de chaleur,
isolation thermique optimale –
la Maison Multi-Confort de SaintGobain peut quasiment se passer de
tout mode actif de chauffage. Ses
principales sources de chaleur sont
le soleil, les habitants, les appareils
ménagers ainsi que la chaleur
récupérée dans l’air vicié :
des énergies renouvelables et
inépuisables d’origine naturelle.
Résultat, sa consommation
énergétique est particulièrement
faible : la Maison Multi-Confort
ne consomme que 1,5 litre de
combustible par mètre carré et par
an ! En comparaison, une construction
ancienne nécessite environ 20 litres
de combustible, tandis qu’une
maison neuve, bâtie selon
le mode traditionnel, en nécessite
de 6 à 10 litres. Ainsi, une Maison
Multi-Confort permet non seulement
de réduire spectaculairement la
facture énergétique des ménages,
mais, de plus, elle leur assure un
confort supérieur. L’enveloppe
hermétique qui entoure la maison
protège les habitants contre le froid,
la chaleur et le bruit, en garantissant
un climat intérieur agréable en toute
saison. Un système de ventilation
contrôlée assure un apport constant
d’air frais. Le degré d’humidité
demeure stable, ce qui résout les
éternels problèmes d’humidité.
La température est homogène dans
toutes les pièces.
La Maison Multi-Confort
de Saint-Gobain, qui peut prendre
toutes les formes architecturales
imaginables, est une solution
aux deux grands défis du XXIe siècle :
préserver la planète en limitant
la dégradation des ressources
et de l’atmosphère, tout en
améliorant les conditions
de vie des habitants.
Un climat intérieur optimal grâce à un système d'air renouvelé.
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CHAPITRE 4 - - LE REBOND ET LES NOUVEAUX DÉFIS
ISOVER MAISON MULTI-CONFORT :
AU SERVICE DE L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE
WeberHaus, Rheinau-Linx, Allemagne.
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1. Maison passive Proyer, à Steyr, en Autriche.
2. Maison passive à Salzkammergut, en Autriche.
Bureau d'architectes : DI Hermann Haufmann.
3. Gymnase Albstadt à Tübingen, en Allemagne.
Architecte : Prof. Schempp.
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CONCLUSION
«
Si l’on veut définir un métier
qui corresponde parfaitement
à la stratégie du Groupe, on obtient
la description de l’isolation. »
Lorsque Saint-Gobain s’est lancé dans la laine de verre, l’isolation ? Comment expliquer une telle ascension ?
peu avant la Seconde Guerre mondiale, l’isolation était Tous les acteurs s’accordent à le dire : le TEL a été au
« À mon arrivée dans le Groupe,
le TEL m’est tout de suite
apparu comme un point fort
pour Saint-Gobain. Notre stratégie
s’est concentrée sur ce procédé exclusif,
et je crois qu’elle a été payante.
»
Jean-Louis Beffa
Président-Directeur Général du Groupe
Saint-Gobain de 1986 à 2007
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une aventure prometteuse. Durant l’immédiat aprèsguerre, elle représentait encore une activité marginale au sein du Groupe, au point que les verriers
des branches plus traditionnelles, considérées comme
plus nobles, la raillaient gentiment. Or, à la fin des
Trente Glorieuses, elle était devenue le métier le
plus rentable de Saint-Gobain ! Aujourd’hui, l’isolation est sans conteste au cœur de la stratégie de SaintGobain et constitue l’un des moteurs de la croissance
du pôle Produits pour la Construction.
L’activité isolation réunit en effet tous les critères souhaités : avance technologique, adéquation avec
les préoccupations de notre temps et avec les nouvelles réglementations de la construction, ainsi que
le caractère régional de ses marchés. On n’isole pas
de la même manière, ni les mêmes constructions, en
Norvège, aux États-Unis ou en Corée du Sud. Climat,
traditions architecturales, modes constructifs, niveau
de développement économique et même culture
au sens large déterminent dans chaque pays des
besoins particuliers auxquels doivent répondre des
produits spécifiques. C’est à quoi s’attachent les
multiples implantations de l’activité isolation. En
centre de ce développement. Depuis son lancement, il y a un demi-siècle, ce procédé domine tous
les autres.Très bien conçu à l’origine, il a su évoluer
constamment, comme en témoigne son dernier
développement, ULTIMATE. De la mise au point du
procédé à la conception et à la distribution de nouveaux produits, en passant par l’assistance technicocommerciale aux licenciés, l’histoire du TEL est
aussi celle des centaines d’hommes et de femmes
d’Isover qui, partout dans le monde, ont su accompagner et parfois précéder le développement du
marché de l’isolation. Ce livre leur rend hommage,
en montrant comment ils ont su évoluer au fil des
décennies pour mieux « coller » au marché, tout
en gardant intact leur fibre créative et leur goût du
défi technologique.
Avec une indéniable avance technologique, un flot
continuel de produits innovants, des implantations
dans le monde entier, une stratégie bien définie, Isover
ne manque pas d’atouts. Or, des circonstances extérieures au Groupe viennent aujourd’hui élargir
les perspectives de développement pour l’activité
isolation. Le réchauffement climatique, le ren-
décembre 2005, l’acquisition de British Plaster Board
(BPB), le plus grand fabricant mondial de plaques de
plâtre et de plâtre, a renforcé la prééminence du
Groupe sur le marché de l’aménagement intérieur.
Pourquoi Saint-Gobain, pourtant entré en lice
après ses principaux concurrents, est-il devenu
en quelques décennies le leader mondial de
chérissement prévisible des énergies fossiles se
combinent en effet pour inciter les autorités à édicter des réglementations de plus en plus exigeantes
quant aux performances des bâtiments neufs ou existants. L’époque est aux économies d’énergie et à la
préservation de la planète. Les plus belles heures de
l’isolation sont sans doute devant elle.
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Nous souhaitons remercier ici toutes les personnes qui ont permis
la création de cet ouvrage participatif et collectif.
En premier lieu, Jean Battigelli pour son minutieux travail de recherche
et de recueil de la mémoire ainsi que ses nombreux écrits sur le TEL et l’activité isolation.
Mais aussi :
Saint-Gobain Archives (Catherine Bigot, Didier Bondue, Nathalie Duarte,
Hervé Mahoudeau, Jacky Robinet), Pascale Alix, Jean-Yves Aubé, Georges Bancon,
Lucien Berthon, Bernard Bichot, Stéphane Cousin, Yves Darche, Francis Da Silva,
Jacques Delrieux, Dominique Elineau, Jean-Paul Fauchez, Dr Hans Furtak, René Goutte,
Virginie Gourc, Maurice Hamon, Tsutomu Kadowaki, Sorin Klarsfeld, Catherine Langlais,
Jean-Pierre Leroy, Michel Monserand, Sigurd Natvig, Jean Noziere, Marc Olagne,
Dominique Plantard, Jean-Claude Rias, Mark Sadoff, Daniel Sainte-Foy, Marc Sauvage,
Raymond Villain... pour leur aide, leur témoignage et leur éclairage sur l’aventure du TEL.
Et bien sûr, tous les collaborateurs, anciens ou nouveaux, les retraités, les licenciés,
les clients et les partenaires, qui font chaque jour l'histoire de l’activité isolation.
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Crédit Photographique :
Tous les documents de cet ouvrage sont issus du fond iconographique
et photographique de Saint-Gobain, à l'exception de J.Piffaut (p.66-67).
ACHEVÉ D’IMPRIMER EN MAI 2007
SUR LES PRESSES DE L’IMPRIMERIE
KAPP À ÉVREUX (27)
PHOTOGRAVURE : LA STATION GRAPHIQUE
N° D’ÉDITION : 566
IMPRIMÉ EN FRANCE
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